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poésies: Léon Dierx

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poésies: Léon Dierx Empty poésies: Léon Dierx

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:24

Les poésies écrites par Léon Dierx, auteur du 19 ième siècle éxtrait du recueil Les lèvres closes

Rêve de la mort




La nuit filtrait en moi, fraîche comme un breuvage.
Mes pores la buvaient délicieusement
Je roulais enivré dans un doux tournoiement;
Et toujours j'approchais du ténébreux rivage
Où l'ombre dans les corps filtre comme un breuvage.



Le Léthé de la Nuit délicieusement
M'emplissait d'un silence ineffable...
Et maintenant au bord de l'Erèbe immobile,
Sous l'oeil démesuré d'un fixe et noir soleil,
Je reposais dissous dans l'éternel sommeil...
Et je comptais sans fin, ainsi que des secondes,
Les siècles un par un tombés des mornes cieux,
Les siècles morts tombés de l'amas des vieux mondes,
Tombés dans le néant noir et silencieux.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Salvator rosa

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:26

Salvator rosa




Qu'avais-tu dans l'esprit, maître à la brosse ardente,
Pour que sous ton pinceau la nature en fureur
Semble jeter au ciel une insulte stridente,
Ou frémir dans l'effroi de sa sinistre horreur ?



Pourquoi dédaignais-tu les calmes paysages
Dans la lumière au loin ourlant leurs horizons,
Les lacs d'azur limpide, et sur de frais visages
L'ombre du vert printemps qui fleurit les gazons ?

Il te fallait à toi l'atmosphère d'orage ;
Quelque ravin bien noir où mugisse un torrent
Qui boit et revomit l'écume de sa rage ;
Quelque fauve bandit sur des rochers errant.

L'ouragan qui s'abat sur tes arbres d'automne
Rugisait, n'est-ce pas ? Dans ton âme de fer.
Tu ne te laisais pas au bonheur monotone,
Mais aux transports fougueux déchaînés par l'enfer.

Ce sont tes passions qui hurlent sur tes toiles ;
Toi-même, tu t'es peint dans ces lieux dévastés,
Dans ces chênes tordant, sous la nuit sans étoiles,
Sur l'abîme béant leurs troncs décapités.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Révolte

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:26

Révolte




Car les bois ont aussi leurs jours d'ennui hautain ;
Et, las de tordre au vent leurs grands bras séculaires ;
S'enveloppent alors d'immobiles colères ;
Et leur mépris muet insulte leur destin.




Ni chevreuils, ni ramiers chanteurs, ni sources claires.
La forêt ne veut plus sourire au vieux matin,
Et, refoulant la vie aux plaines du lointain,
Semble arborer l'orgueil des douleurs sans salaires.

- Ô bois ! Premiers enfants de la terre, grands bois !
Moi, dont l'âme en votre âme habite et vous contemple,
Je sens les piliers prêts à maudire le temple.

Un jour, demain peut-être, arbres aux longs abois !
Quand le banal printemps ramènera nos fêtes,
Tous, vous resterez noirs, des racines aux faîtes !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Les cygnes

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:27

Les cygnes




Sous des massifs touffus, au fond désert du parc,
La colonnade antique arrondissant son arc,
Dans une eau sombre encore à moitié se profile ;
Et la fleur que le pampre ou que le lierre exile
Parfois brille furtive aux creux des chapiteaux.



L'eau sommeille ; une mousse y fait de sourds cristaux.
A peine un coin du ciel en éclaircit la moire,
De sa lueur mourante où survit la mémoire
Des regards clairs tournés vers des cieux éclatants.
L'eau profonde ressemble à nos yeux, ces étangs
Où haque siècle ajoute, avec d'obscurs mirages,
Au poids de sa lourdeur l'ombre de ses ombrages.
Elle dort, enfermant près du pur souvenir
Le pan du bleu manteau qu'elle veut retenir ;
Mais sur le ténébreux miroir qui les encadre
Des cygnes familiers, éblouissante escadre,
Suivent le long des bords un gracieux circuit,
Et glissent lentement, en bel ordre et sans bruit,
Nobles vaisseaux croisant devant un propylée,
Comme un reste orgueilleux de gloire immaculée.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Le vieux solitaire

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:28

Le vieux solitaire




Je suis tel qu'un ponton sans vergues et sans mâts,
Aventureux débris des trombes tropicales,
Et qui flotte, roulant des lingots dans ses cales,
Sur une mer sans borne et sous de froids climats.



Les vents sifflaient jadis dans ses raille poulies.
Vaisseau désemparé qui ne gouverne plus,
Il roule, vain jouet du flux et du reflux,
L'ancien explorateur des vertes Australies !

Il ne lui reste plus un seul des matelots
Qui chantaient sur la hune en dépliant la toile.
Aucun phare n'allume au loin sa rouge étoile ;
Il tangue, abandonné tout seul sur les grands flots.

La mer autour de lui se soulève et le roule,
Et chaque lame arrache une poutre à ses flancs ;
Et les monstres marins suivent de leurs yeux blancs
Les mirages confus du cuivre sous la houle.

Il flotte, épave inerte, au gré des flots houleux,
Dédaigné des croiseurs aux Nonnettes tendues,
La coque lourde encor de richesses perdues,
De trésors dérobés aux pays fabuleux.

Tel je suis. Vers quels ports, quels récifs, quels abîmes,
Dois-tu les charrier, les secrets de mon coeur ?
Qu'importe ? Viens à moi, Caron, vieux remorqueur.
Ecumeur taciturne aux avirons sublimes !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty La vision d'Ève

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:28

La vision d'Ève






... Soleil du jardin chaste ! Ève aux longs cheveux d'or !
Toi qui fus le péché, toi qui feras la gloire !
Toi, l'éternel soupir que nous poussons encor !
Ineffable calice où la douleur vient boire !



Ô Femme ! qui, sachant porter un ciel en toi,
À celui qui perdait l'autre ciel, en échange,
Offris tout, ta splendeur, ta tendresse et ta foi,
Plus belle sous le geste enflammé de l'archange !

Ô mère aux flancs féconds ! Par quelle brusque horreur,
Endormeuse sans voix, étais-tu possédée ?
Quel si livide éclair t'en fut le précurseur ?
À quoi songeais-tu donc, la paupière inondée ?

Ah ! dans le poing crispé de Caïn endormi
Lisais-tu la réponse à ton rêve sublime ?
Devinais-tu déjà le farouche ennemi
Sur Abel faible et nu s'essayant à son crime ?
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty La prison

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:29

La prison




Comme les hauts piliers des vieilles cathédrales,
Ô rêves de mon coeur, vous montez ! Et je vois
L'ancien encens encore endormir ses spirales
A l'ombre de vos nefs, ô rêves d'autrefois !



Comme un orgue dompté par des mains magistrales,
Ô ma longue douleur ! Je t'écoute ; et ta voix
Murmure encor l'écho des plaintes et des râles
Que j'ai depuis longtemps étouffés sous mes doigts !

- Allons ! Prêtre enfermé qui saignas sous l'insulte,
N'as-tu pas renié ton église et ton culte,
Et brisé l'encensoir aux murs de ta prison ?

Debout ! étends les bras sans fermer les paupières !
Qu'ils croulent, ces arceaux dont tu sculptas les pierres,
Dût leur poids t'écraser du coup, comme Samson !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty En chemin

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:30

En chemin




Les dieux sont muets, et la vie est triste.
Pour nous mordre au coeur, les crocs hérissés,
Un noir lévrier nous suit à la piste.
Sur les fronts pâlis, sous les yeux baissés,
Dans les carrefours que la foule obstrue,
Parmi les chansons, les bruits de la rue,



Dans les yeux éteints, sur les fronts penchés,
Je cherche et je trouve une angoisse affreuse,
Un doute, un souci vainement cachés,
Un vieux souvenir qui monte et qui creuse ;
Et je vais ainsi, trésorier des pleurs,
En chemin quêtant soupirs et douleurs.
Ô passants ! vous tous qu'un regret harcèle,
Que ronge un tourment, remords ou désir,
Vous que brûle encor la chaude étincelle
Du songe enflammé qu'on n'a pu saisir ;
Le destin commun avec vous m'emmène :
Inconnus, salut dans la vie humaine !
Vous tous qui passez près de moi sans fin,
Inquiets, furtifs, le long des murailles,
Ames, coeurs, esprits, corps, emplis de faim,
Quel que soit le mal qui tord vos entrailles,
Vous versez en moi, trésorier du fiel,
Un regard profond, dédaigné du ciel.
Au nom du poète ivre d'amertumes,
Confident discret qui de 1'oei1 vous suit ;
Au nom du passé perdu dans les brumes ;
Au nom du silence ! au nom de la nuit !
Dans la vie humaine où je vous salue,
Au nom de tout rêve en qui l'ombre afflue,
Au nom de demain, au nom de toujours,
Je dis à chacun d'entre vous qui passe :
" Au revoir, ailleurs, plus loin, dans l'espace,
Sous un ciel muet peuplé de dieux sourds ! "
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Prologue

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:31

Prologue




J'ai détourné mes yeux de l'homme et de la vie,
Et mon âme a rôdé sous l'herbe des tombeaux.
J'ai détrompé mon coeur de toute humaine envie,
Et je l'ai dispersé dans les bois par lambeaux.



J'ai voulu vivre sourd aux voix des multitudes,
Comme un aïeul couvert de silence et de nuit,
Et pareil aux sentiers qui vont aux solitudes,
Avoir des songes frais que nul désir ne suit.

Mais le sépulcre en moi laissa filtrer ses rêves,
Et d'ici j'ai tenté d'impossibles efforts.
Les forêts ? Leur angoisse a traversé les grèves,
Et j'ai senti passer leurs souffles dans mon corps.

Le soupir qui s'amasse au bord des lèvres closes
A fait l'obsession du calme où j'aspirais ;
Comme un manoir hanté de visions moroses,
J'ai recélé l'effroi des rendez-vous secrets.

Et depuis, au milieu des douleurs et des fêtes,
Morts qui voulez parler, taciturnes vivants,
Bois solennels ! J'entends vos âmes inquiètes
Sans cesse autour de moi frissonner dans les vents.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Obsession

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:32

Obsession



Beaux yeux, charmeurs savants, flambeaux de notre vie,
Parfum, grâce, front pur, bouche toujours ravie,
Ô vous, tout ce qu'on aime ! ô vous, tout ce qui part !
Non, rien ne meurt de vous pour l'âme inassouvie
Quand vous laissez la nuit refermer son rempart
Sur l'idéal perdu qui va luire autre part.



Beaux yeux, charmeurs savants, clairs flambeaux ! Dans nos veines,
Pour nous brûler toujours du mal des larmes vaines,
Vous versez à coup sûr tous vos philtres amers.
Nous puisons aux clartés des prunelles sereines,
Comme au bleu des beaux soirs, comme à l'azur des mers,
Le vertige du vide ou des gouffres ouverts.

Front pur, grâce, parfum, rire ! En nous tout se grave,
Plus enivrant, plus doux, plus ravi, plus suave.
Des flots noirs du passé le désir éternel
Les évoque ; et sur nous, comme autour d'une épave
Les monstres de l'écume et les rôdeurs du ciel,
S'acharnent tous les fils du souvenir cruel.

Tout ce qu'on aime et qui s'enfuit ! Mensonges, rêves,
Tout cela vit, palpite, et nous ronge sans trêves.
Vous creusez dans nos coeurs, extases d'autrefois,
D'incurables remords hurlant comme les grèves.
Dites, dans quel Léthé peut-on boire une fois
L'oubli, l'immense oubli ? Répondez cieux et bois !

Non, rien ne peut mourir pour l'âme insatiable ;
Mais dans quel paradis, dans quel monde ineffable,
La chimère jamais dira-t-elle à son tour :
" C'est moi que tu poursuis, et c'est moi l'impalpable ;
Regarde ! J'ai le rythme et le divin contour ;
C'est moi qui suis le beau, c'est moi qui suis l'amour ? "

Quand vous laissez la nuit se refermer plus noire
Sur nos sens, quel gardien au fond de la mémoire
Rallume les flambeaux, et, joyeux tourmenteur,
Nous montre les trésors oubliés dans leur gloire ?
Quand nous donnerez-vous le repos contempteur,
Astres toujours brillant d'un feu toujours menteur ?

Cet idéal perdu que le hasard promène,
Un jour, là-haut, bien loin de la douleur humaine,
L'étreindrons-nous enfin de nos bras, dans la paix
Du bonheur, dans l'oubli du doute et de la haine ?
Ou, comme ici, fuyant dans le brouillard épais,
Nous crîra-t-il encor : plus loin ! Plus tard ! Jamais !

Oui, nous brûlant toujours d'une flamme inféconde,
Rire enivré, doux front, parfum, grâce profonde,
Tout cela vit, palpite et nous ronge de pleurs.
Mais dans quelle oasis, en quels cieux, sur quel monde,
Au fond de la mémoire éclorez-vous ? ô fleurs
Du rêve où s'éteindra l'écho de nos douleurs !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Les rythmes

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:32

Les rythmes





Rythme des robes fascinantes,
Qui vont traînantes,
Balayant les parfums au vent,
Ou qu'au-dessus des jupes blanches
Un pas savant
Balance et gonfle autour des hanches !





Arbres bercés d'un souffle frais
Dans les forêts,
Où, ruisselant des palmes lisses,
Tombent des pleurs cristallisés
Dans les calices
Roses encor de longs baisers !

Soupir des mers impérissable,
Qui sur le sable,
Dans l'écume et dans les flots bleus
Pousses l'amas des coquillages ;
Flux onduleux
Des lourdes lames vers les plages !

Air plaintif d'instruments en choeur
Qui prends le coeur,
Et, traversant la symphonie,
Viens ou pars, sonore ou noyé
Dans l'harmonie,
Et renais sourd ou déployé !

Hivers, printemps, étés, automnes,
Jours monotones,
Souvenirs toujours rajeunis ;
Mêmes rêves à tire d'ailes,
Loin de leurs nids
Tourmentés de douleurs fidèles !

Vous m'emplissez de désirs fous,
Je bois en vous
La soif ardente des mirages,
Reflets d'un monde harmonieux !
Et vos images
Se mêlent toutes en mes yeux :

Rythme lent des robes flottantes,
Forêts chantantes,
Houles des mers, lointaines voix,
Airs obsédants des symphonies,
Jours d'autrefois,
Ô vous, extases infinies !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Le remous

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:34

Le remous




Tout se tait maintenant dans la ville. Les rues
Ne retentissent plus sous les lourds tombereaux.
Le gain du jour compté, victimes et bourreaux
S'endorment en rêvant aux richesses accrues ;
Plus de lampe qui luise à travers les carreaux.



Tous dorment en rêvant aux richesses lointaines.
On n'entend plus tinter le métal des comptoirs ;
Parfois, dans le silence, un pas sur les trottoirs
Sonne, et se perd au sein des rumeurs incertaines.
Tout est désert : marchés, théâtres, abattoirs.

Tout bruit se perd au fond d'une rumeur qui roule.
Seul, aux abords vivants des gares, par moment,
Hurle en déchirant l'air un aigu sifflement.
La nuit règne. Son ombre étreint comme une foule.
- Oh ! Ces millions d'yeux sous le noir firmament.

La nuit règne. Son ombre étreint comme un mystère ;
Sous les cieux déployant son crêpe avec lenteur,
Elle éteint le sanglot de l'éternel labeur ;
Elle incline et remplit le front du solitaire ;
Et la vierge qui dort la laisse ouvrir son coeur.

Voici l'heure où le front du poète s'incline ;
Où, comme un tourbillon d'abeilles, par milliers
Volent autour de lui les rêves réveillés
Dont l'essaim bourdonnant quelquefois s'illumine ;
Où dans l'air il surprend des frissons singuliers.

L'insaisissable essaim des rêves qui bourdonne
L'entoure ; et dans son âme où l'angoisse descend
S'agite et s'enfle, avec un reflux incessant,
La houle des désirs que l'espoir abandonne :
Amour, foi, liberté, mal toujours renaissant.

Comme une houle épaisse où fermente la haine
De la vie, en son coeur plus caché qu'un cercueil,
S'élève et vient mourir contre un sinistre écueil
L'incurable dégoût de la clameur humaine
Dont la nuit au néant traîne le vain orgueil !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Le mancenillier

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:34

Le mancenillier




La jeunesse est un arbre aux larges frondaisons,
Mancenillier vivace aux fruits inaccessibles ;
Notre âme et notre coeur sont les vibrantes cibles
De ces rameaux aigus d'où suintent les poisons.



Ô feuilles, dont la sève est notre sang ! Mirage
Masquant le ciel menteur des jours qui ne sont plus !
Ironiques espoirs qui croissez plus touffus !
Tous nos désirs vers vous sont dardés avec rage.

Nulle bouche n'a ri, nul oiseau n'a chanté,
Nulle fleur n'est éclose aux grappes jamais mûres.
D'où viennent ces parfums, ces rires, ces murmures,
Vains regrets de ce qui n'a jamais existé ?

Arbre vert du passé, mancenillier sonore,
Je plante avec effroi la hache dans ton flanc,
Bûcheron altéré d'azur, vengeur tremblant,
Qui crains de ne plus voir le ciel mentir encore !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty La prière d'Adam

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:35

La prière d'Adam




Songe horrible ! - la foule innombrable des âmes
M'entourait. Immobile et muet, devant nous,
Beau comme un dieu, mais triste et pliant les genoux,
L'ancêtre restait loin des hommes et des femmes.



Et le rayonnement de sa mâle beauté,
Sa force, son orgueil, son remords, tout son être,
Forme du premier rêve où s'admira son maître,
S'illuminait du sceau de la virginité.

Tous écoutaient, penchés sur les espaces blêmes,
Monter du plus lointain de l'abîme des cieux
L'inextinguible écho des vivants vers les dieux,
Les rires fous, les cris de rage et les blasphèmes.

Et plus triste toujours, Adam, seul, prosterné,
Priait ; et sa poitrine était rougie encore,
Chaque fois qu'éclatait dans la brume sonore
Ces mots sans trêve : " Adam, un nouvel homme est né ! "

- " Seigneur ! Murmurait-il, qu'il est long, ce supplice !
Mes fils ont bien assez pullulé sous ta loi.
N'entendrai-je jamais la nuit crier vers moi :
" Le dernier homme est mort ! Et que tout s'accomplisse ! "
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty La nuit de juin

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:35

La nuit de juin




A J-M De Heredia.

La nuit glisse à pas lents sous les feuillages lourds ;
Sur les nappes d'eau morte aux reflets métalliques,
Ce soir traîne là-bas sa robe de velours ;
Et du riche tapis des fleurs mélancoliques,
Vers les massifs baignés d'une fine vapeur,
Partent de chauds parfums dans l'air pris de torpeur.
Avec l'obsession rythmique de la houle,
Tout chargés de vertige, ils passent, emportés



Dans l'indolent soupir qui les berce et les roule.
Les gazons bleus sont pleins de féeriques clartés ;
Sur la forêt au loin pèse un sommeil étrange ;
On voit chaque rameau pendre comme une frange,
Et l'on n'entend monter au ciel pur aucun bruit.
Mais une âme dans l'air flotte sur toutes choses,
Et, docile au désir sans fin qui la poursuit,
D'elle-même s'essaye à ses métempsycoses.
Elle palpite et tremble, et comme un papillon,
A chaque instant, l'on voit naître dans un rayon
Une forme inconnue et faite de lumière,
Qui luit, s'évanouit, revient et disparaît.
Des appels étouffés traversent la clairière
Et meurent longuement comme expire un regret.
Une langueur morbide étreint partout les sèves ;
Tout repose immobile, et s'endort ; mais les rêves
Qui dans l'illusion tournent désespérés,
Voltigent par essaims sur les corps léthargiques
Et s'en vont bourdonnant par les bois, par les prés,
Et rayant l'air du bout de leurs ailes magiques.
- Droite, grande, le front hautain et rayonnant,
Majestueuse ainsi qu'une reine, traînant
Le somptueux manteau de ses cheveux sur l'herbe,
Sous les arbres, là-bas, une femme à pas lents
Glisse. Rigidement, comme une sombre gerbe,
Sa robe en plis serrés tombe autour de ses flancs.
C'est la nuit ! Elle étend la main sur les feuillages,
Et tranquille, poursuit, sans valets et sans pages,
Son chemin tout jonché de fleurs et de parfums.
Comme sort du satin une épaule charnue,
La lune à l'horizon sort des nuages bruns,
Et plus languissamment s'élève large et nue.
Sa lueur filtre et joue à travers le treillis
Des feuilles ; et, par jets de rosée aux taillis,
Caresse, en la sculptant dans sa beauté splendide,
Cette femme aux yeux noirs qui se tourne vers moi.
Enveloppée alors d'une auréole humide,
Elle approche, elle arrive : et, plein d'un vague effroi,
Je sens dans ces grands yeux, dans ces orbes sans flamme,
Avec des sanglots sourds aller toute mon âme.
Doucement sur mon coeur elle pose la main.
Son immobilité me fascine et m'obsède,
Et roidit tous mes nerfs d'un effort surhumain.
Moi qui ne sais rien d'elle, elle qui me possède,
Tous deux nous restons là, spectres silencieux,
Et nous nous contemplons fixement dans les yeux.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty L'orgueil

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:36

L'orgueil




Monts superbes, dressez vos pics inaccessibles
Sur le cirque brumeux où plongent vos flancs verts !
Métaux, dans le regret des chaleurs impossibles,
Durcissez-vous au fond des volcans entr'ouverts !



- Hérisse, amer orgueil, ta muraille rigide
Sur le coeur que des yeux de femme ont perforé !
Désirs inassouvis, sous cette fière égide,
Mornes, endormez-vous dans le sommeil sacré !

- L'antique orage habite, ô monts ! Dans vos abîmes,
Et prolonge sans fin sous les cèdres vibrants
Les sonores échos de ses éclats sublimes,
Et des troncs fracassés qu'emportent les torrents.

- Orgueil, derrière toi l'amour est là, qui gronde
Toujours, et fait crier l'ombre des rêves morts,
Aux lugubres appels de l'angoisse inféconde
Et des vieux désespoirs perdus dans les remords.

- Sur les ébranlements, les éclairs, les écumes,
Pics songeurs, vous gardez votre sérénité.
Du côté de la plaine, ô monts ! Vierges de brumes,
Vos sommets radieux baignent dans la clarté.

- Sur les déchirements, les sanglots, les rancunes,
Fermez, orgueil, fierté, votre ceinture d'or.
Du côté de la vie aux rumeurs importunes
Reluisez au soleil, et souriez encor !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty L'invisible lien

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:37

L'invisible lien




L'invisible lien, partout dans la nature,
Va des sens à l'esprit et des âmes aux corps ;
Le choeur universel veut de la créature
Le soupir des vaincus ou l'insulte des forts.



L'invisible lien va des êtres aux choses,
Unissant à jamais ces ennemis mortels,
Qui, dans l'anxiété de leurs métamorphoses,
S'observent de regards craintifs ou solennels.

L'invisible lien, dans les ténèbres denses,
Dans le scintillement lumineux des couleurs,
Eveille les rapports et les correspondances
De l'espoir au regret, et du sourire aux pleurs.

L'invisible lien, des racines aux sèves,
Des sèves aux parfums, et des parfums aux sons,
Monte, et fait sourdre en nous les sources de nos rêves
Parfois pleins de sanglots et parfois de chansons.

L'invisible lien, de la terre aux étoiles,
Porte le bruit des bois, des champs et de la mer,
Léger comme les coeurs purs de honte et sans voiles,
Profond comme les coeurs pleins des feux de l'enfer.

L'invisible lien, de la mort à la vie,
Fait refluer sans cesse, avec le long passé,
La séculaire angoisse en notre âme assouvie
Et l'amour du néant malgré tout repoussé.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Journée d'hiver

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:38

Journée d'hiver



Nul rayon, ce matin, n'a pénétré la brume,
Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
Aujourd'hui dans mes yeux nul désir ne s'allume ;
Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir.



Le vieil astre s'éteint comme un bloc sur l'enclume,
Et rien n'a rejailli sur les rideaux du soir.
Je sombre tout entier dans ma propre amertume ;
Songe au passé, mon âme, et vois comme il est noir !

Les anges de la nuit traînent leurs lourds suaires ;
Ils ne suspendront pas leurs lampes au plafond ;
Mon âme, songe à ceux qui sans pleurer s'en vont !

Songe aux échos muets des anciens sanctuaires.
Sépulcre aussi, rempli de cendres jusqu'aux bords,
Mon âme, songe à l'ombre, au sommeil, songe aux morts !
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poésies: Léon Dierx Empty Flots des mers

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:39

Flots des mers



A Émile Bergerat.

Flots qui portiez la vie au seuil obscur des temps,
Qui la roulez toujours en embryons flottants
Dans le flux et reflux du primitif servage,
Eternels escadrons cabrés sur un rivage
Ou contre un roc, l'écume au poitrail, flots des mers,
Que vos bruits et leur rythme immortel me sont chers !
Partout où recouvrant récifs, galets de sables,
Escaladant en vain les bords infranchissables,



Vous brisez votre élan tout aussitôt repris,
Vous aurez subjugué les coeurs et les esprits.
L'ordre immémorial au même assaut vous lance,
Et vous n'aurez connu ni repos ni silence
Sur ce globe où chaque être, après un court effort,
Pour l'oublier se fait immobile et s'endort.
Enfanteurs de la nue éclatante ou qui gronde,
Flots des mers, ennemis de tous les caps du monde,
Vous leur jetez avec vos limons coutumiers
Son rêve et son histoire épars en des fumiers.
Dans vos sillons mouvants submergés par vos cimes
Vous ensevelissez et bercez vos victimes,
Ainsi qu'en le berçant vous poussez devant vous
L'animalcule aveugle éclos dans vos remous.
A tous les sols marins votre appel se répète.
Mais sous l'azur limpide ou pendant la tempête,
Doux murmure expirant sur la grève, ou fureur
Retentissante au fond des vieux gouffres d'horreur,
C'est à jamais un chant de détresse et de plainte.
Perpétuels martyrs refoulés dans l'étreinte,
Armée aux rangs serrés qui monte et qui descend,
Un désir est en vous qui se sait impuissant.
Que la nuit s'épaississe ou bien que le jour croisse,
Vous accourez de loin, vous rapportez l'angoisse,
Aux pieds de vos remparts certains vous revenez,
Et mêlez aux rumeurs des ans disséminés
Les soupirs inconnus, les voix de ceux qu'on pleure.
La vôtre est toujours jeune et seule ici demeure.
Messagers du chaos, damnés de l'action,
Serviteurs du secret de la création,
Votre spectacle auguste et sa vaste harmonie
Emouvront plus que tout la pensée infinie.
Nous n'aurons combattu qu'une heure ; incessamment,
Vous clamez dans l'espace un plus ancien tourment !
Ah ! n'est-il pas celui d'une âme emprisonnée
Qui, ne sachant pourquoi ni comment elle est née,
Le demande en battant les murs de l'horizon ?
Flots sacrés ! L'univers est encor la prison !
Nous avons beau fouiller et le ciel et la terre,
Tout n'est que doute, énigme, illusion, mystère.
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poésies: Léon Dierx Empty Au jardin

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:40

Au jardin




Le soir fait palpiter plus mollement les plantes
Autour d'un groupe assis de femmes indolentes
Dont les robes, qu'on prend pour d'amples floraisons,
A leur blanche harmonie éclairent les gazons.
Une ombre par degrés baigne ces formes vagues ;
Et sur les bracelets, les colliers et les bagues,



Qui chargent les poignets, les poitrines, les doigts,
Avec le luxe lourd des femmes d'autrefois.
Du haut d'un ciel profond d'azur pâle et sans voiles
L'étoile qui s'allume allume mille étoiles.
Le jet d'eau dans la vasque au murmure discret
Retombe en brouillard fin sur les bords ; on dirait
Qu'arrêtant les rumeurs de la ville au passage,
Les arbres agrandis rapprochent leur feuillage
Pour recueil l'écho d'une mer qui s'endort
Très loin au fond d'un golfe où fut jadis un port.
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poésies: Léon Dierx Empty Ce soir

Message par Rita-kazem Jeu 22 Avr - 14:41

Ce soir




Comme à travers un triple et magique bandeau,
- Ô nuit ! ô solitude ! ô silence ! - mon âme
A travers vous, ce soir, près du foyer sans flamme,
Regarde par delà les portes du tombeau.



Ce soir, plein de l'horreur d'un vaincu qu'on assaille,
Je sens les morts chéris surgir autour de moi.
Leurs yeux, comme pour lire au fond de mon effroi,
Luisent distinctement dans l'ombre qui tressaille.

Derrière moi, ce soir, quelqu'un est là, tout près.
Je sais qu'il me regarde, et je sens qu'il me frôle.
Quelle angoisse ! Il est là, derrière mon épaule.
Si je me retournais, à coup sûr je mourrais !

Du fond d'une autre vie, une voix très lointaine
Ce soir a dit mon nom, ô terreur ! Et ce bruit
Que j'écoute - ô silence ! ô solitude ! ô nuit ! -
Semble être né jadis, avec la race humaine !
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty PROLOGUE

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 8:51

PROLOGUE

J' ai détourné mes yeux de l' homme et de la vie,
Et mon âme a rôdé sous l' herbe des tombeaux.
J' ai détrompé mon coeur de toute humaine envie,
Et je l' ai dispersé dans les bois par lambeaux.

J' ai voulu vivre sourd aux voix des multitudes,
Comme un aïeul couvert de silence et de nuit,
Et pareil aux sentiers qui vont aux solitudes,
Avoir des songes frais que nul désir ne suit.

Mais le sépulcre en moi laissa filtrer ses rêves,
Et d' ici j' ai tenté d' impossibles efforts.
Les forêts? Leur angoisse a traversé les grèves,
Et j' ai senti passer leurs souffles dans mon corps.

Le soupir qui s' amasse au bord des lèvres closes
A fait l' obsession du calme où j' aspirais;
Comme un manoir hanté de visions moroses,
J' ai recélé l' effroi des rendez-vous secrets.

Et depuis, au milieu des douleurs et des fêtes,
Morts qui voulez parler, taciturnes vivants,
Bois solennels! J' entends vos âmes inquiètes
Sans cesse autour de moi frissonner dans les vents.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty LAZARE À Leconte De Lisle.

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 8:51

LAZARE
À Leconte De Lisle.

À la voix de Jésus, Lazare s' éveilla;
Livide, il se dressa debout dans les ténèbres;
Il sortit tressaillant dans ses langes funèbres,
Puis, tout droit devant lui, grave et seul, s' en alla.

Seul et grave, il marcha depuis lors dans la ville,
Comme cherchant quelqu' un qu' il ne retrouvait pas,
Et se heurtant partout à chacun de ses pas
Aux choses de la vie, à la plèbe servile.

Sous son front reluisant de la pâleur des morts
Ses yeux ne dardaient pas d' éclairs; et ses prunelles,
Comme au ressouvenir des splendeurs éternelles,
Semblaient ne pas pouvoir regarder au dehors.

Il allait, chancelant comme un enfant, lugubre
Comme un fou. Devant lui la foule s' entr' ouvrait.
Nul n' osant lui parler, au hasard il errait,
Tel qu' un homme étouffant dans un air insalubre.

Ne comprenant plus rien au vil bourdonnement
De la terre; abîmé dans son rêve indicible;
Lui-même épouvanté de son secret terrible,
Il venait et partait silencieusement.

Parfois il frissonnait, comme pris de la fièvre,
Et comme pour parler, il étendait la main;
Mais le mot inconnu du dernier lendemain,
Un invisible doigt l' arrêtait sur sa lèvre.

Dans Béthanie, alors, partout, jeunes et vieux
Eurent peur de cet homme; il pasait seul et grave;
Et le sang se figeait aux veines du plus brave,
Devant la vague horreur qui nageait dans ses yeux.

Ah! Qui dira jamais ton étrange supplice,
Revenant du sépulcre où tous étaient restés,
Qui revivais encor, traînant dans les cités
Ton linceul à tes reins serré comme un cilice!

Pâle ressuscité qu' avaient mordu les vers!
Pouvais-tu te reprendre aux soucis de ce monde,
Ô toi qui rapportais dans ta stupeur profonde
La science interdite à l' avide univers?

La mort eut-elle à peine au jour rendu sa proie,
Dans l' ombre tu rentras, spectre mystérieux,
Passant calme à travers les peuples furieux,
Et ne connaissant plus leur douleur ni leur joie.

Dans ta seconde vie, insensible et muet,
Tu ne laissas chez eux qu' un souvenir sans trace.
As-tu subi deux fois l' étreinte qui terrasse,
Pour regagner l' azur qui vers toi refluait?
-oh! Que de fois, à l' heure où l' ombre emplit l' espace,
Loin des vivants, dressant sur le fond d' or du ciel
Ta grande forme aux bras levés vers l' éternel;
Appelant par son nom l' ange attardé qui passe;
Que de fois l' on te vit dans les gazons épais,
Seul et grave, rôder autour des cimetières,
Enviant tous ces morts qui dans leurs lits de pierres
Un jour s' étaient couchés pour n' en sortir jamais!
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty L'INVISIBLE LIEN

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 8:52

L'INVISIBLE LIEN

L' invisible lien, partout dans la nature,
Va des sens à l' esprit et des âmes aux corps;
Le choeur universel veut de la créature
Le soupir des vaincus ou l' insulte des forts.

L' invisible lien va des êtres aux choses,
Unissant à jamais ces ennemis mortels,
Qui, dans l' anxiété de leurs métamorphoses,
S' observent de regards craintifs ou solennels.

L' invisible lien, dans les ténèbres denses,
Dans le scintillement lumineux des couleurs,
Éveille les rapports et les correspondances
De l' espoir au regret, et du sourire aux pleurs.

L' invisible lien, des racines aux sèves,
Des sèves aux parfums, et des parfums aux sons,
Monte, et fait sourdre en nous les sources de nos rêves
Parfois pleins de sanglots et parfois de chansons.

L' invisible lien, de la terre aux étoiles,
Porte le bruit des bois, des champs et de la mer,
Léger comme les coeurs purs de honte et sans voiles,
Profond comme les coeurs pleins des feux de l' enfer.

L' invisible lien, de la mort à la vie,
Fait refluer sans cesse, avec le long passé,
La séculaire angoisse en notre âme assouvie
Et l' amour du néant malgré tout repoussé.
Rita-kazem
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poésies: Léon Dierx Empty Re: poésies: Léon Dierx

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 8:53

LE REMOUS

Tout se tait maintenant dans la ville. Les rues
Ne retentissent plus sous les lourds tombereaux.
Le gain du jour compté, victimes et bourreaux
S' endorment en rêvant aux richesses accrues;
Plus de lampe qui luise à travers les carreaux.
Tous dorment en rêvant aux richesses lointaines.
On n' entend plus tinter le métal des comptoirs;
Parfois, dans le silence, un pas sur les trottoirs

Sonne, et se perd au sein des rumeurs incertaines.
Tout est désert: marchés, théâtres, abattoirs.
Tout bruit se perd au fond d' une rumeur qui roule.
Seul, aux abords vivants des gares, par moment,
Hurle en déchirant l' air un aigu sifflement.
La nuit règne. Son ombre étreint comme une foule.
-oh! Ces millions d' yeux sous le noir firmament.

La nuit règne. Son ombre étreint comme un mystère;
Sous les cieux déployant son crêpe avec lenteur,
Elle éteint le sanglot de l' éternel labeur;
Elle incline et remplit le front du solitaire;
Et la vierge qui dort la laisse ouvrir son coeur.
Voici l' heure où le front du poète s' incline;
Où, comme un tourbillon d' abeilles, par milliers
Volent autour de lui les rêves réveillés
Dont l' essaim bourdonnant quelquefois s' illumine;
Où dans l' air il surprend des frissons singuliers.
L' insaisissable essaim des rêves qui bourdonne
L' entoure; et dans son âme où l' angoisse descend
S' agite et s' enfle, avec un reflux incessant,
La houle des désirs que l' espoir abandonne:
Amour, foi, liberté, mal toujours renaissant.
Comme une houle épaisse où fermente la haine
De la vie, en son coeur plus caché qu' un cercueil,
S' élève et vient mourir contre un sinistre écueil
L' incurable dégoût de la clameur humaine
Dont la nuit au néant traîne le vain orgueil!
Rita-kazem
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