Poésies:François de MALHERBE
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Poésies:François de MALHERBE
- François de MALHERBE
(1555-1628)
A la reine mère du roi pendant sa régence
Objet divin des âmes et des yeux,
Reine, le chef-d'oeuvre des
cieux :
Quels doctes vers me feront avouer
Digne de te louer ?
Les
monts fameux des vierges, que je sers
Ont-ils des fleurs en leurs
déserts,
Qui s'efforçant d'embellir ta couleur,
Ne ternissent la leur
?
Le Thermodon a su seoir autrefois,
Des reines au trône des rois
:
Mais que vit-il par qui soit débattu
Le prix à ta vertu ?
Certes
nos lis, quoique bien cultivés,
Ne s'étaient jamais élevés
Au point
heureux où les destins amis
Sous ta main les ont mis.
A leur odeur
l'Anglais se relâchant,
Notre amitié va recherchant :
Et l'Espagnol,
prodige merveilleux,
Cesse d'être orgueilleux.
De tous côtés nous
regorgeons de biens :
Et qui voit l'aise où tu nous tiens,
De ce vieux
siècle aux fables récité
Voit la félicité.
Quelque discord murmurant
bassement
Nous fit peur au commencement :
Mais sans effet presque il
s'évanouit,
Plutôt qu'on ne l'ouït.
Tu menaças l'orage paraissant
:
Et tout soudain obéissant,
Il disparut comme flots courroucés,
Que
Neptune a tancés.
Que puisses-tu, grand Soleil de nos jours,
Faire
sans fin le même cours :
Le soin du Ciel te gardant aussi bien,
Que nous
garde le tien.
Puisses-tu voir sous le bras de ton fils
Trébucher les
murs de Memphis :
Et de Marseille au rivage de Tyr
Son empire
aboutir.
Les voeux sont grands : mais avecque raison
Que ne peut
l'ardente oraison :
Et sans flatter ne sers-tu pas les dieux,
Assez pour
avoir mieux ?
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A madame la princesse douairière
- François de MALHERBE
(1555-1628)
A madame la princesse douairière, Charlotte de la Trémouille
Quoi donc, grande princesse, en la terre adorée,
Et que même le
Ciel est contraint d'admirer,
Vous avez résolu de nous voir demeurer
En
une obscurité d'éternelle durée ?
La flamme de vos yeux, dont la cour
éclairée
A vos rares vertus ne peut rien préférer,
Ne se lasse donc point
de nous désespérer,
Et d'abuser les voeux dont elle est désirée ?
Vous
êtes en des lieux, où les champs toujours verts,
Pour ce qu'ils n'ont jamais
que de tièdes hivers,
Semblent en apparence avoir quelque mérite.
Mais
si c'est pour cela que vous causez nos pleurs,
Comment faites-vous cas de
chose si petite,
Vous de qui chaque pas fait naître mille fleurs ?
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A monseigneur le Dauphin
- François de MALHERBE
(1555-1628)
A monseigneur le Dauphin
Que l'honneur de mon prince est cher aux destinées !
Que le
démon est grand qui lui sert de support !
Et que visiblement un favorable
sort
Tient ses prospérités l'une à l'autre enchaînées !
Ses filles
sont encor en leurs tendres années :
Et déjà leurs appas ont un charme si
fort,
Que les rois les plus grands du Ponant et du Nord,
Brûlent
d'impatience après leurs hyménées.
Pensez à vous Dauphin, j'ai prédit en
mes vers,
Que le plus grand orgueil de tout cet univers
Quelque jour à vos
pieds doit abaisser la tête :
Mais ne vous flattez point de ces vaines
douceurs :
Si vous ne vous hâtez d'en faire la conquête,
Vous en serez
frustré par les yeux de vos soeurs.
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A monsieur de Fleurance
- François de MALHERBE
(1555-1628)
A monsieur de Fleurance, sur son art d'embellir
Voyant ma Caliste si belle,
Que l'on n'y peut rien
désirer,
Je ne me pouvais figurer
Que ce fût chose
naturelle.
J'ignorais que ce pouvait être
Qui lui colorait ce beau
teint,
Où l'Aurore même n'atteint
Quand elle commence de
naître.
Mais, Fleurance, ton docte écrit
M'ayant fait voir qu'un bel
esprit
Est la cause d'un beau visage :
Ce ne m'est plus de
nouveauté,
Puisqu'elle est parfaitement sage,
Qu'elle soit parfaite en
beauté.
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Au feu roi
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Au feu roi
Mon roi, s'il est ainsi que des choses futures,
L'école
d'Apollon apprend la vérité,
Quel ordre merveilleux de belles aventures
Va
combler de lauriers votre postérité !
Que vos jeunes lions vont amasser
de proie,
Soit qu'aux rives du Tage ils portent leurs combats,
Soit que de
l'Orient mettant l'empire bas
Ils veuillent rebâtir les murailles de
Troie.
Ils seront malheureux seulement en un point :
C'est que si leur
courage à leur fortune joint
Avait assujetti l'un et l'autre hémisphère
:
Votre gloire est si grande en la bouche de tous,
Que toujours on
dira qu'ils ne pouvaient moins faire,
Puisqu'ils avaient l'honneur d'être
sortis de vous.
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Aux dames pour les demi-dieux marins, conduits par Neptune
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Aux dames pour les demi-dieux marins, conduits par Neptune
Ô qu'une sagesse profonde,
Aux aventures de ce monde
Préside
souverainement :
Et que l'audace est mal apprise
De ceux qui font une
entreprise,
Sans douter de l'événement.
Le renom que chacun
admire,
Du prince qui tient cet empire,
Nous avait fait ambitieux,
De
mériter sa bienveillance,
Et donner à notre vaillance
Le témoignage de ses
yeux.
Nos forces partout reconnues
Faisaient monter jusques aux
nues
Les desseins de nos vanités :
Et voici qu'avecque des charmes
Un
enfant qui n'avait point d'armes,
Nous a ravi nos libertés.
Belles
merveilles de la terre,
Doux sujets de paix et de guerre,
Pouvons-nous
avecque raison
Ne bénir pas les destinées,
Par qui nos âmes
enchaînées
Servent en si belle prison ?
L'aise nouveau de cette
vie
Nous ayant fait perdre l'envie
De nous en retourner chez nous,
Soit
notre gloire ou notre honte,
Neptune peut bien faire compte
De nous
laisser avecque vous.
Nous savons quelle obéissance
Nous oblige notre
naissance
De porter à sa royauté :
Mais est-il ni crime, ni blâme,
Dont
vous ne dispensiez une âme
Qui dépend de votre beauté ?
Qu'il s'en
aille à ses Néréides,
Dedans ses cavernes humides :
Et vive
misérablement
Confiné parmi ses tempêtes.
Quant à nous étant où vous
êtes,
Nous sommes en notre élément.
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Ballet de la reine la renommée au roi
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Ballet de la reine la renommée au roi
Pleine de langues et de voix,
Ô Roi le miracle des rois
Je
viens de voir toute la terre,
Et publier en ses deux bouts
Que pour la
paix ni pour la guerre
Il n'est rien de pareil à vous.
Par ce bruit je
vous ai donné
Un renom qui n'est terminé,
Ni de fleuve, ni de
montagne,
Et par lui j'ai fait désirer
A la troupe que j'accompagne
De
vous voir et vous adorer.
Ce sont douze rares beautés,
Qui de si
dignes qualités
Tirent un coeur à leur service,
Que leur souhaiter plus
d'appas,
C'est vouloir avecque injustice
Ce que les cieux ne peuvent
pas.
L'Orient qui de leurs aïeux
Sait les titres ambitieux,
Donne à
leur sang un avantage
Qu'on ne leur peut faire quitter
Sans être issu du
parentage,
Ou de vous, ou de Jupiter.
Tout ce qu'à façonner un
corps
Nature assemble de trésors,
Est en elles sans artifice :
Et la
force de leurs esprits
D'où jamais n'approche le vice,
Fait encore
accroître leur prix.
Elles souffrent bien que l'amour
Par elles fasse
chaque jour
Nouvelle preuve de ses charmes :
Mais sitôt qu'il les veut
toucher,
Il reconnaît qu'il n'a point d'armes
Qu'elles ne fassent
reboucher.
Loin des vaines impressions
De toutes folles
passions,
La vertu leur apprend à vivre,
Et dans la cour leur fait des
lois
Que Diane aurait peine à suivre
Au plus grand silence des
bois.
Une reine qui les conduit
De tant de merveilles reluit
Que le
Soleil qui tout surmonte,
Quand même il est plus flamboyant,
S'il était
sensible à la honte,
Se cacherait en la voyant.
Aussi le temps a beau
courir,
Je la ferai toujours fleurir
Au rang des choses éternelles :
Et
non moins que les immortels,
Tant que mon dos aura des ailes,
Son image
aura des autels.
Grand roi faites-leur bon accueil :
Louez leur
magnanime orgueil
Que vous seul avez fait ployable :
Et vous acquérez
sagement
Afin de me rendre croyable
La faveur de leur
jugement.
Jusqu'ici vos faits glorieux
Peuvent avoir des envieux
:
Mais quelles âmes si farouches
Oseront douter de ma foi,
Quand on
verra leurs belles bouches
Les raconter avecque moi ?
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Ballet de madame...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Ballet de madame, de petites nymphes qui mènent l'amour prisonnier. Au
roi
A la fin tant d'amants dont les âmes blessées
Languissent nuit
et jour,
Verront sur leur auteur leurs peines renversées,
Et seront
consolés aux dépens de l'Amour.
Ce public ennemi, cette peste du
monde,
Que l'erreur des humains
Fait le maître absolu de la terre et de
l'onde,
Se treuve à la merci de nos petites mains.
Nous le vous
amenons dépouillé de ses armes
O roi, l'astre des rois,
Quittez votre
bonté, moquez-vous de ses larmes,
Et lui faites sentir la rigueur de vos
lois.
Commandez que sans grâce on lui fasse justice,
Il sera
malaisé
Que sa vaine éloquence ait assez d'artifice
Pour démentir les
faits dont il est accusé.
Jamais ses passions par qui chacun
soupire
Ne nous ont fait d'ennui :
Mais c'est un bruit commun que dans
tout votre empire
Il n'est point de malheur qui ne vienne de lui.
Mars
qui met sa louange à déserter la terre
Par des meurtres épais,
N'a rien de
si tragique aux fureurs de la guerre,
Comme ce déloyal aux douceurs de la
paix.
Mais sans qu'il soit besoin d'en parler davantage,
Votre seule
valeur,
Qui de son impudence a ressenti l'outrage,
Vous fournit-elle pas
une juste douleur ?
Ne mêlez rien de lâche à vos hautes pensées :
Et
par quelques appas
Qu'il demande merci de ses fautes passées,
Imitez son
exemple à ne pardonner pas.
L'ombre de vos lauriers admirés de
l'envie
Fait l'Europe trembler :
Attachez bien ce monstre, ou le privez de
vie,
Vous n'aurez jamais rien qui vous puisse troubler.
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Beauté de qui la grâce
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Beauté de qui la grâce ...
Beauté de qui la grâce étonne la nature,
Il faut donc que je
cède à l'injure du sort,
Que je vous abandonne, et loin de votre port
M'en
aille au gré du vent suivre mon aventure.
Il n'est ennui si grand que
celui que j'endure :
Et la seule raison qui m'empêche la mort,
C'est le
doute que j'ai que ce dernier effort
Ne fût mal employé pour une âme si
dure.
Caliste, où pensez-vous ? qu'avez-vous entrepris ?
Vous
résoudrez-vous point à borner ce mépris,
Qui de ma patience indignement se
joue ?
Mais, ô de mon erreur l'étrange nouveauté,
Je vous souhaite
douce, et toutefois j'avoue
Que je dois mon salut à votre cruauté.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Beaux et grands bâtiments...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Beaux et grands bâtiments...
Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure,
Superbes de
matière, et d'ouvrages divers,
Où le plus digne roi qui soit en l'univers
Aux miracles de l'art fait céder la nature.
Beau parc, et beaux
jardins, qui dans votre clôture,
Avez toujours des fleurs, et des ombrages
verts,
Non sans quelque démon qui défend aux hivers
D'en effacer jamais
l'agréable peinture.
Lieux qui donnez aux coeurs tant d'aimables désirs,
Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs
Mon humeur est chagrine,
et mon visage triste :
Ce n'est point qu'en effet vous n'ayez des appas,
Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste :
Et moi je ne vois
rien quand je ne la vois pas.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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C'est assez...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
C'est assez, mes désirs, ...
C'est assez, mes désirs, qu'un aveugle penser,
Trop peu
discrètement vous ait fait adresser
Au plus haut objet de la terre
;
Quittez cette poursuite, et vous ressouvenez
Qu'on ne voit jamais le
tonnerre
Pardonner au dessein que vous entreprenez.
Quelque flatteur
espoir qui vous tienne enchantés,
Ne connaissez-vous pas qu'en ce que vous
tentez
Toute raison vous désavoue ?
Et que vous m'allez faire un second
Ixion,
Cloué là-bas sur une roue,
Pour avoir trop permis à son affection
?
Bornez-vous, croyez-moi, dans un juste compas,
Et fuyez une mer, qui
ne s'irrite pas
Que le succès n'en soit funeste ;
Le calme jusqu'ici vous
a trop assurés ;
Si quelque sagesse vous reste,
Connaissez le péril, et
vous en retirez.
Mais, ô conseil infâme, à profanes discours,
Tenus
indignement des plus dignes amours
Dont jamais âme fut blessée ;
Quel
excès de frayeur m'a su faire goûter
Cette abominable pensée,
Que ce que
je poursuis me peut assez coûter ?
D'où s'est coulée en moi cette lâche
poison,
D'oser impudemment faire comparaison
De mes épines à mes roses
?
Moi, de qui la fortune est si proche des cieux,
Que je vois sous moi
toutes choses,
Et tout ce que je vois n'est qu'un point à mes
yeux.
Non, non, servons Chrysante, et sans penser à moi,
Pensons à
l'adorer d'une aussi ferme foi
Que son empire est légitime ;
Exposons-nous
pour elle aux injures du sort ;
Et s'il faut être sa victime,
En un si
beau danger moquons-nous de la mort.
Ceux que l'opinion fait plaire aux
vanités,
Font dessus leurs tombeaux graver des qualités,
Dont à peine un
Dieu serait digne ;
Moi, pour un monument et plus grand et plus beau,
Je
ne veux rien que cette ligne :
L'exemple des amants est clos dans ce
tombeau.
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C'est fait, belle Caliste,
- François de MALHERBE
(1555-1628)
C'est fait, belle Caliste, ...
C'est fait, belle Caliste, il n'y faut plus penser :
Il se faut
affranchir des lois de votre empire ;
Leur rigueur me dégoûte, et fait que je
soupire
Que ce qui s'est passé n'est à recommencer.
Plus en vous
adorant je me pense avancer,
Plus votre cruauté, qui toujours devient
pire,
Me défend d'arriver au bonheur où j'aspire,
Comme si vous servir
était vous offenser :
Adieu donc, ô beauté, des beautés la
merveille
Il faut qu'à l'avenir la raison me conseille,
Et dispose mon âme
à se laisser guérir.
Vous m'étiez un trésor aussi cher que la vie
:
Mais puisque votre amour ne se peut acquérir,
Comme j'en perds l'espoir,
j'en veux perdre l'envie.
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Caliste, en cet exil ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Caliste, en cet exil ...
Caliste, en cet exil j'ai l'âme si gênée
Qu'au tourment que je
souffre il n'est rien de pareil :
Et ne saurais ouïr ni raison, ni
conseil,
Tant je suis dépité contre ma destinée.
J'ai beau voir
commencer et finir la journée,
En quelque part des cieux que luise le
soleil,
Si le plaisir me fuit, aussi fait le sommeil :
Et la douleur que
j'ai n'est jamais terminée.
Toute la cour fait cas du séjour où je suis
:
Et pour y prendre goût je fais ce que je puis :
Mais j'y deviens plus
sec, plus j'y vois de verdure.
En ce piteux état si j'ai du
réconfort,
C'est, ô rare beauté, que vous êtes si dure,
Qu'autant prés
comme loin je n'attends que la mort.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Cette Anne ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Cette Anne ...
Cette Anne si belle,
Qu'on vante si fort,
Pourquoi ne
vient-elle,
Vraiment elle a tort ?
Son LOUIS soupire
Après ses
appas,
Que veut-elle dire
De ne venir pas ?
S'il ne la
possède
Il s'en va mourir,
Donnons-y remède,
Allons la
querir.
Assemblons, MARIE,
Ses yeux à vos yeux,
Notre
bergerie
N'en vaudra que mieux.
Hâtons le voyage,
Le siècle
doré
En ce mariage
Nous est assuré.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Chère beauté ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Chère beauté ...
Chère beauté que mon âme ravie
Comme son pôle va
regardant,
Quel astre d'ire et d'envie
Quand vous naissiez marquait votre
ascendant,
Que votre courage endurci,
Plus je le supplie moins ait de
merci ?
En tous climats, voire au fond de la Thrace,
Après les neiges
et les glaçons
Le beau temps reprend sa place :
Et les étés mûrissent les
moissons :
Chaque saison y fait son cours :
En vous seule on treuve qu'il
gèle toujours.
J'ai beau me plaindre, et vous conter mes peines
Avec
prières d'y compatir :
J'ai beau m'épuiser les veines,
Et tout mon sang en
larmes convertir :
Un mal au-deçà du trépas,
Tant soit-il extrême ne vous
émeut pas.
Je sais que c'est : vous êtes offensée,
Comme d'un crime
hors de raison,
Que mon ardeur insensée
En trop haut lieu borne sa
guérison,
Et voudriez bien pour la finir
M'ôter l'espérance de rien
obtenir.
Vous vous trompez, c'est aux faibles courages
Qui toujours
portent la peur au sein
De succomber aux orages,
Et se lasser d'un pénible
dessein :
De moi, plus je suis combattu
Plus ma résistance montre sa
vertu.
Loin de mon front soient ces palmes communes
Où tout le monde
peut aspirer :
Loin les vulgaires fortunes
Où ce n'est qu'un jouir et
désirer :
Mon goût cherche l'empêchement
Quand j'aime sans peine j'aime
lâchement.
Je connais bien que dans ce labyrinthe
Le Ciel injuste m'a
réservé
Tout le fiel et tout l'absinthe
Dont un amant fut jamais abreuvé
:
Mais je ne m'étonne de rien :
Je suis à Rodante je veux mourir
sien.
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Consolation à Caritée, sur la mort de son mari
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Consolation à Caritée, sur la mort de son mari
Ainsi quand Mausole fut mort
Artémise accusa le sort :
De
pleurs se noya le visage :
Et dit aux astres innocents
Tout ce que fait
dire la rage,
Quand elle est maîtresse des sens.
Ainsi fut sourde au
réconfort,
Quand elle eut trouvé dans le port
La perte qu'elle avait
songée,
Celle de qui les passions
Firent voir à la mer Egée
Le premier
nid des Alcyons.
Vous n'êtes seule en ce tourment
Qui témoignez du
sentiment,
O trop fidèle Caritée :
En toutes âmes l'amitié
De mêmes
ennuis agitée
Fait les mêmes traits de pitié.
De combien de jeunes
maris
En la querelle de Pâris
Tomba la vie entre les armes,
Qui fussent
retournés un jour,
Si la mort se payait de larmes,
A Mycènes faire
l'amour.
Mais le destin qui fait nos lois,
Est jaloux qu'on passe deux
fois
Au-deçà du rivage blême :
Et les dieux ont gardé ce don
Si rare,
que Jupiter même
Ne le sut faire à Sarpedon.
Pourquoi donc si peu
sagement
Démentant votre jugement
Passez-vous en cette amertume,
Le
meilleur de votre saison,
Aimant mieux plaindre par coutume
Que vous
consoler par raison ?
Nature fait bien quelque effort,
Qu'on ne peut
condamner qu'à tort,
Mais que direz-vous pour défendre
Ce prodige de
cruauté,
Par qui vous semblez entreprendre
De ruiner votre beauté
?
Que vous ont fait ces beaux cheveux,
Dignes objets de tant de
voeux,
Pour endurer votre colère ?
Et devenus vos ennemis
Recevoir
l'injuste salaire
D'un crime qu'ils n'ont point commis ?
Quelles
aimables qualités
En celui que vous regrettez,
Ont pu mériter qu'à vos
roses
Vous ôtiez leur vive couleur,
Et livriez de si belles choses
A la
merci de la douleur ?
Remettez-vous l'âme en repos,
Changez ces
funestes propos :
Et par la fin de vos tempêtes,
Obligeant tous les beaux
esprits,
Conservez au siècle où vous êtes,
Ce que vous lui donnez de
prix.
Amour autrefois en vos yeux
Plein d'appas si
délicieux,
Devient mélancolique et sombre,
Quand il voit qu'un si long
ennui,
Vous fait consumer pour un ombre,
Ce que vous n'avez que pour
lui.
S'il vous ressouvient du pouvoir
Que ses traits vous ont fait
avoir,
Quand vos lumières étaient calmes,
Permettez-lui de vous
guérir
Et ne différez point les palmes,
Qu'il brûle de vous
acquérir.
Le temps d'un insensible cours
Nous porte à la fin de nos
jours :
C'est à notre sage conduite,
Sans murmurer de ce défaut,
De
nous consoler de sa fuite
En le ménageant comme il faut.
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Consolation à M. Du Périer
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Consolation à M. Du Périer sur la mort de sa fille
Ta douleur, du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes
discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront
toujours
Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun
trépas,
Est-ce quelque dédale, où ta raison perdue
Ne se retrouve pas
?
Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas
entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son
mépris.
Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le
pire destin ;
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un
matin.
Puis quand ainsi serait, que selon ta prière,
Elle aurait
obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il
advenu?
Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu
plus d'accueil ?
Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les
vers du cercueil ?
Non, non, mon du Périer, aussitôt que la Parque
Ote
l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au deçà de la barque,
Et ne suit point
les morts...
La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ;
On a
beau la prier,
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous
laisse crier.
Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est
sujet à ses lois ;
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en
défend point nos rois.
De murmurer contre elle, et perdre patience,
Il
est mal à propos ;
Vouloir ce que Dieu veut, est la seule science
Qui nous
met en repos.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Dure contrainte...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Dure contrainte...
Dure contrainte de partir,
A quoi je ne puis consentir,
Et
dont je ne m'ose défendre,
Que ta rigueur a de pouvoir ?
Et que tu me fais
bien apprendre
Quel tyran C'est que le devoir ?
J'aurai donc nommé ces
beaux yeux
Tant de fois mes rois et mes dieux ?
Pour aujourd'hui n'en
tenir compte,
Et permettre qu'à l'avenir
On leur impute cette honte
De
n'avoir su me retenir ?
Ils auront donc ce déplaisir,
Que je meure
après un désir,
Où la vanité me convie :
Et qu'ayant juré si
souvent
D'être auprès d'eux toute ma vie,
Mes serments s'en aillent au
vent ?
Vraiment je puis bien avouer
Que j'avais tort de me
louer
Par-dessus le reste des hommes :
Je n'ai point d'autre
qualité
Que celle du siècle où nous sommes,
La fraude, et
l'infidélité.
Mais à quoi tendent ces discours,
O beauté qui de mes
amours
Etes le port, et le naufrage ?
Ce que je dis contre ma
foi,
N'est-ce pas un vrai témoignage
Que je suis déjà hors de moi
?
Votre esprit de qui la beauté,
Dans la plus sombre obscurité
Se
fait une insensible voie,
Ne vous laisse pas ignorer
Que c'est le comble
de ma joie
Que l'honneur de vous adorer.
Mais pourrais-je n'obéir
pas
Au destin de qui le compas
Marque à chacun son aventure,
Puisqu'en
leur propre adversité
Les dieux tout-puissants de Nature
Cèdent à la
nécessité ?
Pour le moins j'ai ce réconfort,
Que les derniers traits
de la mort
Sont peints en mon visage blême,
Et font voir assez clair à
tous
Que c'est m'arracher à moi-même,
Que de me séparer de vous.
Un
lâche espoir de revenir
Tâche en vain de m'entretenir :
Ce qu'il me
propose m'irrite :
Et mes voeux n'auront point de lieu,
Si par le trépas
je n'évite
La douleur de vous dire adieu.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
Epitaphe de mademoiselle de Conty...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Epitaphe de mademoiselle de Conty, Marie de Bourbon
Tu vois, passant, la sépulture
D'un chef-d'oeuvre si
précieux,
Qu'avoir mille rois pour aïeux
Fut le moins de son
aventure.
L'experte main de la nature,
Et le soin propice des
cieux,
Jamais ne s'accordèrent mieux
A former une créature.
On
doute pourquoi les destins,
Au bout de quatorze matins,
De ce monde l'ont
appelée.
Mais leur prétexte le plus beau,
C'est que la terre était
brûlée
S'ils n'eussent tué ce flambeau.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Est-ce à jamais...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Est-ce à jamais, folle espérance ...
Est-ce à jamais, folle espérance,
Que tes infidèles
appas
M'empêcheront la délivrance
Que me propose le trépas ?
La
raison veut, et la nature,
Qu'après le mal vienne le bien ;
Mais en ma
funeste aventure,
Leurs règles ne servent de rien.
C'est fait de moi,
quoi que je fasse ;
J'ai beau plaindre et beau soupirer,
Le seul remède en
ma disgrâce,
C'est qu'il n'en faut point espérer.
Une résistance
mortelle
Ne m'empêche point son retour ;
Quelque Dieu qui brûle pour
elle
Fait injure à mon amour.
Ainsi trompé de mon attente,
Je me
consume vainement,
Et les remèdes que je tente
Demeurent sans
événement.
Toute nuit enfin se termine,
La mienne seule a ce
destin,
Que d'autant plus qu'elle chemine,
Moins elle approche du
matin.
Adieu donc, importune peste,
A qui j'ai trop donné de foi
;
Le meilleur avis qui me reste,
C'est de me séparer de toi.
Sors
de mon âme, et t'en va suivre
Ceux qui désirent de guérir ;
Plus tu me
conseilles de vivre,
Plus je me résous de mourir.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Il n'est rien de si beau ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Il n'est rien de si beau ...
Il n'est rien de si beau comme Caliste est belle :
C'est une
oeuvre où Nature a fait tous ses efforts :
Et notre âge est ingrat qui voit
tant de trésors,
S'il n'élève à sa gloire une marque éternelle.
La
clarté de son teint n'est pas chose mortelle :
Le baume est dans sa bouche,
et les roses dehors :
Sa parole et sa voix ressuscitent les morts,
Et
l'art n'égale point sa douceur naturelle.
La blancheur de sa gorge
éblouit les regards :
Amour est en ses yeux, il y trempe ses dards,
Et la
fait reconnaître un miracle visible.
En ce nombre infini de grâces, et
d'appas,
Qu'en dis-tu ma raison ? crois-tu qu'il soit possible
D'avoir du
jugement, et ne l'adorer pas ?
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Infidèle mémoire,...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Infidèle mémoire,...
Infidèle mémoire
Pourquoi fais-tu gloire
De me ramentevoir
Une saison prospère
Que je désespère,
De jamais plus revoir ?
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Laisse-moi ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Laisse-moi ...
Laisse-moi raison importune,
Cesse d'affliger mon repos,
En
me faisant mal à propos
Désespérer de ma fortune :
Tu perds temps de me
secourir,
Puisque je ne veux point guérir.
Si l'amour en tout son
empire,
Au jugement des beaux esprits,
N'a rien qui ne quitte le prix
A
celle pour qui je soupire,
D'où vient que tu me veux ravir
L'aise que j'ai
de la servir ?
A quelles roses ne fait honte
De son teint la vive
fraîcheur ?
Quelle neige a tant de blancheur
Que sa gorge ne la surmonte
?
Et quelle flamme luit aux cieux
Claire, et nette comme ses yeux
?
Soit que de ses douces merveilles,
Sa parole enchante les
sens,
Soit que sa voix de ses accents,
Frappe les coeurs par les
oreilles,
A qui ne fait-elle avouer
Qu'on ne la peut assez louer
?
Tout ce que d'elle on me peut dire,
C'est que son trop chaste
penser,
Ingrat à me récompenser
Se moquera de mon martyre :
Supplice
qui jamais ne faut
Aux désirs qui volent trop haut.
Je l'accorde, il
est véritable :
Je devais bien moins désirer :
Mais mon humeur est
d'aspirer
Où la gloire est indubitable.
Les dangers me sont des appas
:
Un bien sans mal ne me plaît pas.
Je me rends donc sans
résistance
A la merci d'elle et du sort :
Aussi bien par la seule
mort
Se doit faire la pénitence
D'avoir osé délibérer,
Si je la devais
adorer.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Madrigal
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Madrigal
Ma Crisante avec une foi
Dont l'âge atteste l'innocence,
M'a
fait serment qu'en mon absence
Elle aura mémoire de moi.
Cette faveur
si peu commune
Me donne tant de vanité
Qu'à la même divinité
J'ose
comparer ma fortune.
Peut-être qu'elle me déçoit
De m'assurer que cela
soit,
Mais si le tiens-je véritable
Pour me garantir du trépas
Qui
me serait inévitable,
Si je croyais qu'il ne fût pas.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Mes yeux, ...
- François de MALHERBE
(1555-1628)
Mes yeux, ...
Mes yeux, vous m'êtes superflus ;
Cette beauté qui m'est
ravie,
Fut seule ma vue et ma vie,
Je ne vois plus, ni ne vis plus.
Qui
me croit absent, il a tort,
Je ne le suis point, je suis mort.
O qu'en
ce triste éloignement,
Où la nécessité me traîne,
Les dieux me témoignent
de haine,
Et m'affligent indignement.
Qui me croit absent, il a
tort,
Je ne le suis point, je suis mort.
Quelles flèches a la
douleur
Dont mon âme ne soit percée ?
Et quelle tragique pensée
N'est
point en ma pâle couleur ?
Qui me croit absent, il a tort,
Je ne le suis
point, je suis mort.
Certes, où l'on peut m'écouter,
J'ai des respects
qui me font taire ;
Mais en un réduit solitaire,
Quels regrets ne fais-je
éclater ?
Qui me croit absent, il a tort,
Je ne le suis point, je suis
mort.
Quelle funeste liberté
Ne prennent mes pleurs et mes
plaintes,
Quand je puis trouver à mes craintes
Un séjour assez écarté
?
Qui me croit absent, il a tort,
Je ne le suis point, je suis
mort.
Si mes amis ont quelque soin
De ma pitoyable aventure,
Qu'ils
pensent à ma sépulture ;
C'est tout ce de quoi j'ai besoin.
Qui me croit
absent, il a tort,
Je ne le suis point, je suis mort.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
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