Poèmes villes et campagnes
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marie la rebelle
rayane
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Poèmes villes et campagnes
Rappel du premier message :
Les gratte-ciel
A New York City,
Sam se sent tout petit
Quand il regarde en l'air,
pour voir un peu de bleu,
il se cogne les yeux
contre le béton et le verre
des gratte-ciel, plantés serrés
comme des arbres dans la forêt.
Les gratte-ciel
A New York City,
Sam se sent tout petit
Quand il regarde en l'air,
pour voir un peu de bleu,
il se cogne les yeux
contre le béton et le verre
des gratte-ciel, plantés serrés
comme des arbres dans la forêt.
Corinne Albaut
rayane- Nombre de messages : 1418
Date d'inscription : 23/09/2008
La liberté, ou une nuit à Rome
Comme l’astre adouci de l’antique Elysée,
Sur les murs dentelés du sacré Colysée,
L’astre des nuits, perçant des nuages épars,
Laisse dormir en paix ses longs et doux regards,
Le rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre,
En glissant à travers les pans fIottants du lierre,
Dessine dans l’enceinte un lumineux sentier ;
On dirait le tombeau d’un peuple tout entier,
Où la mémoire, errante après des jours sans nombre,
Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre,
Ici, de voûte en voûte élevé dans les cieux,
Le monument debout défie encor les yeux ;
Le regard égaré dans ce dédale oblique,
De degrés en degrés, de portique en portique,
Parcourt en serpentant ce lugubre désert,
Fuit, monte, redescend, se retrouve et se perd.
Là, comme un front penché sous le poids des années,
La ruine, abaissant ses voûtes inclinées,
Tout à coup se déchire en immenses lambeaux,
Pend comme un noir rocher sur l’abîme des eaux ;
Ou des vastes hauteurs de son faîte superbe
Descendant par degrés jusqu’au niveau de l’herbe,
Comme un coteau qui meurt sous les fleurs du vallon,
Vient mourir à nos pieds sur des lits de gazon.
Sur les flancs décharnés de ces sombres collines,
Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines :
Là, le lierre jaloux de l’immortalité,
Triomphe en possédant ce que l’homme a quitté ;
Et pareil à l’oubli, sur ces murs qu’il enlace,
Monte de siècle en siècle aux sommets qu’il efface.
Le buis, l’if immobile, et l’arbre des tombeaux,
Dressent en frissonnant leurs funèbres rameaux,
Et l’humble giroflée, aux lambris suspendue,
Attachant ses pieds d’or dans la pierre fendue,
Et balançant dans l’air ses longs rameaux flétris,
Comme un doux souvenir fleurit sur des débris.
Aux sommets escarpés du fronton solitaire,
L’aigle à la frise étroite a suspendu son aire :
Au bruit sourd de mes pas, qui troublent son repos,
Il jette un cri d’effroi, grossi par mille échos,
S’élance dans le ciel, en redescend, s’arrête,
Et d’un vol menaçant plane autour de ma tête.
Du creux des monuments, de l’ombre des arceaux,
Sortent en gémissant de sinistres oiseaux :
Ouvrant en vain dans l’ombre une ardente prunelle,
L’aveugle amant des nuits bat les murs de son aile ;
La colombe, inquiète à mes pas indiscrets,
Descend, vole et s’abat de cyprès en cyprès,
Et sur les bords brisés de quelque urne isolée,
Se pose en soupirant comme une âme exilée.
Les vents, en s’engouffrant sous ces vastes débris,
En tirent des soupirs, des hurlements, des cris :
On dirait qu’on entend le torrent des années
Rouler sous ces arceaux ses vagues déchaînées,
Renversant, emportant, minant de jours en jours
Tout ce que les mortels ont bâti sur son cours.
Les nuages flottants dans un ciel clair et sombre,
En passant sur l’enceinte y font courir leur ombre,
Et tantôt, nous cachant le rayon qui nous luit,
Couvrent le monument d’une profonde nuit,
Tantôt, se déchirant sous un souffle rapide,
Laissent sur le gazon tomber un jour livide,
Qui, semblable à l’éclair, montre à l’oeil ébloui
Ce fantôme debout du siècle évanoui ;
Dessine en serpentant ses formes mutilées,
Les cintres verdoyants des arches écroulées,
Ses larges fondements sous nos pas entrouverts,
Et l’éternelle croix qui, surmontant le faîte,
Incline comme un mât battu par la tempête.
Rome ! te voilà donc ! Ô mère des Césars !
J’aime à fouler aux pieds tes monuments épars ;
J’aime à sentir le temps, plus fort que ta mémoire,
Effacer pas à pas les traces de ta gloire !
L’homme serait-il donc de ses oeuvres jaloux ?
Nos monuments sont-ils plus immortels que nous ?
Egaux devant le temps, non, ta ruine immense
Nous console du moins de notre décadence.
J’aime, j’aime à venir rêver sur ce tombeau,
A l’heure où de la nuit le lugubre flambeau
Comme l’oeil du passé, flottant sur des ruines,
D’un pâle demi-deuil revêt tes sept collines,
Et, d’un ciel toujours jeune éclaircissant l’azur,
Fait briller les torrents sur les flancs de Tibur.
Ma harpe, qu’en passant l’oiseau des nuits effleure,
Sur tes propres débris te rappelle et te pleure,
Et jette aux flots du Tibre un cri de liberté,
Hélas ! par l’écho même à peine répété.
” Liberté ! nom sacré, profané par cet âge,
J’ai toujours dans mon coeur adoré ton image,
Telle qu’aux jours d’Emile et de Léonidas,
T’adorèrent jadis le Tibre et l’Eurotas ;
Quand tes fils se levant contre la tyrannie,
Tu teignais leurs drapeaux du sang de Virginie,
Ou qu’à tes saintes lois glorieux d’obéir,
Tes trois cents immortels s’embrassaient pour mourir ;
Telle enfin que d’Uri prenant ton vol sublime,
Comme un rapide éclair qui court de cime en cime,
Des rives du Léman aux rochers d’Appenzell,
Volant avec la mort sur la flèche de Tell,
Tu rassembles tes fils errants sur les montagnes,
Et, semblable au torrent qui fond sur leurs campagnes
Tu purges à jamais d’un peuple d’oppresseurs
Ces champs où tu fondas ton règne sur les moeurs !
” Alors !… mais aujourd’hui, pardonne à mon silence ;
Quand ton nom, profané par l’infâme licence,
Du Tage à l’Éridan épouvantant les rois,
Fait crouler dans le sang les trônes et les Iris ;
Détournant leurs regards de ce culte adultère,
Tes purs adorateurs, étrangers sur la terre,
Voyant dans ces excès ton saint nom se flétrir,
Ne le prononcent plus… de peur de l’avilir.
Il fallait t’invoquer, quand un tyran superbe
Sous ses pieds teints de sang nous fouler comme l’herbe,
En pressant sur son coeur le poignard de Caton.
Alors il était beau de confesser ton nom :
La palme des martyrs couronnait tes victimes,
Et jusqu’à leurs soupirs, tout leur était des crimes.
L’univers cependant, prosterné devant lui,
Adorait, ou tremblait !… L’univers, aujourd’hui,
Au bruit des fers brisés en sursaut se réveille.
Mais, qu’entends-je ? et quels cris ont frappé mon oreille ?
Esclaves et tyrans, opprimés, oppresseurs,
Quand tes droits ont vaincu, s’offrent pour tes vengeurs ;
Insultant sans péril la tyrannie absente,
Ils poursuivent partout son ombre renaissante ;
Et, de la vérité couvrant la faible voix,
Quand le peuple est tyran, ils insultent aux rois.
Tu règnes cependant sur un siècle qui t’aime,
Liberté ; tu n’as rien à craindre que toi-même.
Sur la pente rapide où roule en paix ton char,
Je vois mille Brutus… mais où donc est César ?
Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
La maison vide
Petite maison basse, au grand chapeau pointu,
Qui, d’hiver en hiver, semble s’être enfoncée
Dans la terre sans fleurs, autour d’elle amassée.
Petite maison grise, au grand chapeau pointu,
Au lointain bleu, là-bas, dis-le-moi, que vois-tu ?
Par les yeux clignotants de ta lucarne rousse,
Pour voir plus clair, plus loin, tu sembles faire effort,
Et froncer les sourcils sous ton chapeau de mousse.
Vers ces couchants de rêve où le soleil s’endort,
Pour voir plus clair, plus loin, tu sembles faire effort.
Il est couché, là-bas, au fond du cimetière,
Celui qui t’aime encore autant que tu l’aimais.
Petite maison vieille, au chapeau de poussière,
Celui qui t’aime encore autant que tu l’aimais,
L’absent, tant regretté, ne reviendra jamais.
Nérée Beauchemin, Patrie intime
Poème classé dans Lieux, Mort, Nérée Beauchemin, Solitude.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Le golfe de Baya
Vois-tu comme le flot paisible
Sur le rivage vient mourir !
Vois-tu le volage zéphyr
Rider, d’une haleine insensible,
L’onde qu’il aime à parcourir !
Montons sur la barque légère
Que ma main guide sans efforts,
Et de ce golfe solitaire
Rasons timidement les bords.
Loin de nous déjà fuit la rive.
Tandis que d’une main craintive
Tu tiens le docile aviron,
Courbé sur la rame bruyante
Au sein de l’onde frémissante
Je trace un rapide sillon.
Dieu ! quelle fraîcheur on respire !
Plongé dans le sein de Thétis,
Le soleil a cédé l’empire
A la pâle reine des nuits.
Le sein des fleurs demi-fermées
S’ouvre, et de vapeurs embaumées
En ce moment remplit les airs ;
Et du soir la brise légère
Des plus doux parfums de la terre
A son tour embaume les mers.
Quels chants sur ces flots retentissent ?
Quels chants éclatent sur ces bords ?
De ces deux concerts qui s’unissent
L’écho prolonge les accords.
N’osant se fier aux étoiles,
Le pêcheur, repliant ses voiles,
Salue, en chantant, son séjour.
Tandis qu’une folle jeunesse
Pousse au ciel des cris d’allégresse,
Et fête son heureux retour.
Mais déjà l’ombre plus épaisse
Tombe, et brunit les vastes mers ;
Le bord s’efface, le bruit cesse,
Le silence occupe les airs.
C’est l’heure où la mélancolie
S’assoit pensive et recueillie
Aux bords silencieux des mers,
Et, méditant sur les ruines,
Contemple au penchant des collines
Ce palais, ces temples déserts.
O de la liberté vieille et sainte patrie !
Terre autrefois féconde en sublimes vertus !
Sous d’indignes Césars maintenant asservie,
Ton empire est tombé ! tes héros ne sont plus !
Mais dans ton sein l’âme agrandie
Croit sur leurs monuments respirer leur génie,
Comme on respire encor dans un temple aboli
La majesté du dieu dont il était rempli.
Mais n’interrogeons pas vos cendres généreuses,
Vieux Romains ! fiers Catons ! mânes des deux Brutus !
Allons redemander à ces murs abattus
Des souvenirs plus doux, des ombres plus heureuses,
Horace, dans ce frais séjour,
Dans une retraite embellie
Par le plaisir et le génie,
Fuyait les pompes de la cour ;
Properce y visitait Cinthie,
Et sous les regards de Délie
Tibulle y modulait les soupirs de l’amour.
Plus loin, voici l’asile où vint chanter le Tasse,
Quand, victime à la fois du génie et du sort,
Errant dans l’univers, sans refuge et sans port,
La pitié recueillit son illustre disgrâce.
Non loin des mêmes bords, plus tard il vint mourir ;
La gloire l’appelait, il arrive, il succombe :
La palme qui l’attend devant lui semble fuir,
Et son laurier tardif n’ombrage que sa tombe.
Colline de Baya ! poétique séjour !
Voluptueux vallon qu’habita tour à tour
Tout ce qui fut grand dans le monde,
Tu ne retentis plus de gloire ni d’amour.
Pas une voix qui me réponde,
Que le bruit plaintif de cette onde,
Ou l’écho réveillé des débris d’alentour !
Ainsi tout change, ainsi tout passe ;
Ainsi nous-mêmes nous passons,
Hélas ! sans laisser plus de trace
Que cette barque où nous glissons
Sur cette mer où tout s’efface.
Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques
* Le golfe de Baya est près de Naples dans le sud de l’Italie
Poème classé dans Alphonse de Lamartine, Lieux, Mer.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Ne fermez pas vos portes
Ne fermez pas vos portes, orgueilleuses bibliothèques,
Car ce qui manquait sur vos rayons bien remplis, mais dont on
a bien besoin, Je l’apporte,
Au sortir de la guerre, j’ai fait un livre
Les mots de mon livre, rien; son âme, tout;
Un livre isolé, sans attache, avec les autres, point senti avec l’entendement.
Mais à chaque page, vous allez tressaillir de choses qu’on n’a pas dites.
Walt Whitman, Feuilles d’herbes (Traduction de Jules Laforgue)
Poème classé dans Créativité, Lieux, Politique, Walt Whitman.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Notre-Dame de Paris
Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !
Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
– Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !
Gérard de Nerval, Odelettes
Poème classé dans Gérard de Nerval, Lieux.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Promenade au Lido
Venise.
Arrête, gondolier; que ta barque un moment
Cesse de fendre les lagunes;
L’essor qu’elle a reçu va mourir lentement
Sur les sables noirs de ces dunes.
Gondolier, je reviens : je viens dans un moment
Prêter l’oreille aux infortunes
De Clorinde et de son amant.
Souvent un étranger, qui parcourait ces rives,
Prit plaisir aux accords de vos stances plaintives.
Je veux voir si ces lieux déserts
Ont gardé de lui quelque trace;
Car il aima, souffrit, chanta comme le Tasse,
Dont tu viens de chanter les vers…
Lido, triste rivage! ô mer plus triste encore,
Qui frémissais d’amour quand tes flots empressés
S’entr’ouvraient pour l’anneau tombant du Bucentaure;
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés!
Rialto n’entend plus le chant des barcaroles;
Adieu la soie et l’or mollement enlacés,
Qui tombaient en festons sur le fer des gondoles;
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés!
En vain du marronnier les fleurs et le feuillage
Parent de la Brenta les palais délaissés,
La gloire et les amours n’y cherchent plus l’ombrage;
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés!
Que de fois dans sa rêverie,
Sur ce bord dont l’écho répète encor son nom,
Alors qu’il errait sans patrie,
Ces souvenirs de deuil ont poursuivi Byron!
Souvenirs où son coeur, abreuvé d’amertume,
Trouvait dans ses ennuis de douloureux appas,
Tandis que le coursier, qu’il blanchissait d’écume,
Faisait jaillir le sable où s’imprimaient ses pas.
O ciel! la voilà donc cette beauté si fière
Qu’adoraient, en tremblant, les peuples asservis,
Le jour qu’un empereur, dans ses sacrés parvis,
Sous les pieds d’un pontife a baisé la poussière!
Des siècles, pour grandir; pour mourir, des instants!
Tels furent ses destins; sa longue décadence
D’une lutte sans fin n’a point lassé le temps;
Un peuple a tout perdu s’il perd l’indépendance.
C’est en vain que Venise a revu ces coursiers
Attelés si longtemps au char de notre gloire,
Qui s’est enfin rompu sous le poids des lauriers,
Usé par trente ans de victoire.
Le lion dans les fers en vain menace encor;
Il ne secoûra plus sa crinière sanglante,
Et ses ailes d’airain ne prendront plus l’essor
Pour suspendre au retour, sous la coupole d’or,
Les drapeaux conquis à Lépante.
Non, Venise n’est plus : ses tranquilles tyrans
Marchent, la tête haute, entre les deux géants
Qui virent de ses chefs le courroux tutélaire
Frapper les cheveux blancs qu’elle avait révérés,
Quand-la hache des lois, de degrés en degrés,
Fit bondir d’un tyran la tête octogénaire.
Où sont donc ses héros? où sont-ils?… Sous ta main,
Qui touché leurs froides reliques.
Où sont-ils? Cherche-les, au seuil de ces portiques,
Dans l’immobilité d’un simulacre vain,
Dans ces marbres debout sur des tombeaux gothiques…
Ses héros aujourd’hui sont de marbre et d’airain.
Que dis-je? de leurs yeux l’éclair encor s’élance;
Ils respirent encor sur ces murs où Palma,
Où du lier Tintoret la main les anima.
Le pinceau du Bassan fait parler leur silence.
Vous vivez, Lorédàn, Bembo, Contarini,
Vous vivez sur la toile, où le croissant puni
Livre ses crias captifs à vos pieux courages.
Vous ne pouvez mourir… les morts sont vos enfants,
Les morts sont les guerriers qui peuplent ces rivages,
Et passent devant vos images
Sans s’affranchir de leurs tyrans.
Père de tous les biens, l’amour de la patrie
Fonde seul la grandeur d’un peuple à son berceau;
Il fit régner Venise, ‘et Venise flétrie,
Le jour qu’il expira, dut le suivre au tombeau.
Sa grandeur s’écoula comme le flot qui roule,
Sans laisser à mes pieds de trace sur ce bord.
Ils dorment, ses vengeurs, comme le flot qui dort
Dans ses canaux déserts où le marbre s’écroule…
Les Grecs aussi dormaient; ils se sont réveillés!
Ils ont levé leurs bras si longtemps immobiles;
Leurs glaives, si longtemps rouilles,
Brillent du même éclat qu’au jour des Thermopyles.
Fiers, quand ils ont péri, d’un trépas glorieux,
Les Grecs, le front levé, regardent leurs aïeux;
Et tout couverts d’un sang qui lave tant d’injures,
Quand ils montrent du doigt leurs corps percés de coups,
Léonidas recule en comptant leurs blessures,
Et Thémistocle en est jaloux.
La république est opprimée;
Et vous aussi, réveillez-vous,
Guerriers dont la main désarmée
Languit sans force et sans courroux,
Fils de saint Marc, réveillez-vous;
Qu’un peuple devienne une armée.
Saint Marc! gloire et saint Marc!… A ce cri répété
Le lion a rugi, du beffroi qui résonne
L’airain pieux s’est agité;
Courez, obéissez au signal qu’il vous donne;
Frappez, il vous appelle, il sonne
Les vêpres de la liberté!
<< Des armes! >> dites-vous?… vos tyrans ont des armes;
Osez les leur ravir. Forcez vos arsenaux,
Reprenez ces poignards, ces glaives, ces drapeaux,
Que Zara, que Byzance arrosa de ses larmes.
Reprenez-les pour conquérir
Ces lois, de tout grand-peuple uniques souveraines’
Reprenez-les pour secourir.
Et pour imiter les Hellènes!
Reprenez-les pour vaincre… et, fût-ce pour mourir,
Ils seront moins lourds que vos chaînes.
Vainqueurs, sauvez les Grecs!… Vous manquez de vaisseaux!
Venise traîne encor son linceul en lambeaux;
Comme une voile immense, eh bien! qu’il se déploie
Au faîte de ces tours qui nagent sur les eaux,
A ses flèches de marbre, aux pointes des créneaux
Où volent ces oiseaux de proie!
Venise avec ses tours et ses palais mouvants,
Ses temples que la mer balance,
Va flotter, va voguer, conduite par les vents,
Aux bords où pour les Grecs le passé recommence.
Partez! et puisse-t-elle, aux flots s’abandonnant,
Refleurir près d’Athène à sa splendeur rendue,
Et recouvrer en la donnant
La liberté qu’elle a perdue!
Tais-toi, muse, tais-toi! le sommeil de la mort
Pèse encor sur ce peuple et ferme son oreille.
En voulant réveiller cet esclave qui dort,
Crains pour toi l’oppresseur qui veille.
Dans ces murs, où souvent un seul mot répété
A provoqué des Dix la rigueur ténébreuse,
La tyrannie est ombrageuse,
Comme autrefois la liberté…
Gondolier, je reviens; en fendant les lagunes,
Rends à ton noir esquif son doux balancement,
Et chante-moi les infortunes
De Clorinde et de son amant.
Casimir Delavigne (1793-1843), Les Messéniennes, Livre II (1835)
Poème classé dans Casimir Delavigne, Lieux, Tristesse, Voyage.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Québec
Comme un factionnaire immobile au port d’arme,
Dans ces murs où l’on croit ouïr se prolonger
Le grave écho lointain d’un qui vive d’alarme,
À ses gloires Québec semble encore songer.
L’humble paix pastorale a replié son aile
Sur l’âpre terre où gît le sombre camp des morts :
Du bugle ensanglanté, la plaine solennelle
N’entend plus retentir les tragiques accords.
Au flanc de la redoute, aux poternes ouvertes,
Aux créneaux de la tour, aux brèches des remparts,
La mousse dont l’avril a teint les franges vertes,
Suspend ses verts pavois et ses verts étendards.
Au port ne viendront plus mouiller les caravelles.
Qu’importe ? contre toute espérance, on attend.
On attend qu’on nous fasse assavoir des nouvelles
Des bourgs d’où sont venus les purs Français d’antan.
Hanté du souvenir qui le tient en tristesse,
De par delà les mers, du lointain, de là-bas.
L’ancien logis qu’enchante une immortelle hôtesse,
De jours en jours attend quelqu’un qui ne vient pas.
Souventes fois, la nuit, comme aux jours des grands sièges,
Vibrent d’étranges sons de cors et de tambours :
Et, souvent, l’on a cru voir de pompeux cortèges
Défiler, radieux, sous l’ombre des faubourgs.
Une garde fantôme, une ronde macabre,
Passe, marchant à pas sonore et régulier,
Et l’on entend tinter des cliquetis de sabre
Sur les marches de bois du gothique escalier.
Ô Québec, reste fier, reste haut sur la rampe
Que dore le passé. Pour nous hausser le coeur,
Pour brandir fièrement les couleurs de ta hampe,
Sois-tu toujours debout, soit-tu toujours vainqueur !
Tant que les doux rivaux du divin Crémazie,
Inclinés sous le vol d’un lyrisme idéal,
Invoquant à genoux la sainte poésie,
Chanteront à plein coeur l’hymne national :
Tant que le pur accent d’une langue immortelle
Vibrera dans l’ancien parler pur de chez nous ;
Tant qu’un rayon d’amour luira dans la prunelle
De la Canadienne aux clairs jolis yeux doux !
À plein ciel, sur les toits, sur les places publiques,
Les hivers succédant aux hivers, neigeront.
Les châsses où la France a serti ses reliques
Sous leur rouille de gloire oncques ne périront.
Aujourd’hui le coeur s’ouvre, et tout revit. Sur l’onde
Dansent les rayons d’or du clair soleil pascal.
Le roc s’ouvre. Qui vive ?… Il faut que l’on réponde,
Sans peur, à haute voix : Frontenac et Laval.
Nérée Beauchemin
Poème classé dans Lieux, Nérée Beauchemin.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Sur trois marches de marbre rose
Depuis qu’Adam, ce cruel homme,
A perdu son fameux jardin,
Où sa femme, autour d’une pomme,
Gambadait sans vertugadin,
Je ne crois pas que sur la terre
Il soit un lieu d’arbres planté
Plus célébré, plus visité,
Mieux fait, plus joli, mieux hanté,
Mieux exercé dans l’art de plaire,
Plus examiné, plus vanté,
Plus décrit, plus lu, plus chanté,
Que l’ennuyeux parc de Versailles.
Ô dieux ! ô bergers ! ô rocailles !
Vieux Satyres, Termes grognons,
Vieux petits ifs en rangs d’oignons,
Ô bassins, quinconces, charmilles !
Boulingrins pleins de majesté,
Où les dimanches, tout l’été,
Bâillent tant d’honnêtes familles !
Fantômes d’empereurs romains,
Pâles nymphes inanimées
Qui tendez aux passants les mains,
Par des jets d’eau tout enrhumées !
Tourniquets d’aimables buissons,
Bosquets tondus où les fauvettes
Cherchent en pleurant leurs chansons,
Où les dieux font tant de façons
Pour vivre à sec dans leurs cuvettes !
Ô marronniers ! n’ayez pas peur ;
Que votre feuillage immobile,
Me sachant versificateur,
N’en demeure pas moins tranquille.
Non, j’en jure par Apollon
Et par tout le sacré vallon,
Par vous, Naïades ébréchées,
Sur trois cailloux si mal couchées,
Par vous, vieux maîtres de ballets,
Faunes dansant sur la verdure,
Par toi-même, auguste palais,
Qu’on n’habite plus qu’en peinture,
Par Neptune, sa fourche au poing,
Non, je ne vous décrirai point.
Je sais trop ce qui vous chagrine ;
De Phoebus je vois les effets :
Ce sont les vers qu’on vous a faits
Qui vous donnent si triste mine.
Tant de sonnets, de madrigaux,
Tant de ballades, de rondeaux,
Où l’on célébrait vos merveilles,
Vous ont assourdi les oreilles,
Et l’on voit bien que vous dormez
Pour avoir été trop rimés.
En ces lieux où l’ennui repose,
Par respect aussi j’ai dormi.
Ce n’était, je crois, qu’à demi :
Je rêvais à quelque autre chose.
Mais vous souvient-il, mon ami,
De ces marches de marbre rose,
En allant à la pièce d’eau
Du côté de l’Orangerie,
À gauche, en sortant du château ?
C’était par là, je le parie,
Que venait le roi sans pareil,
Le soir, au coucher du soleil,
Voir dans la forêt, en silence,
Le jour s’enfuir et se cacher
(Si toutefois en sa présence
Le soleil osait se coucher).
Que ces trois marches sont jolies !
Combien ce marbre est noble et doux !
Maudit soit du ciel, disions-nous,
Le pied qui les aurait salies !
N’est-il pas vrai ? Souvenez-vous.
- Avec quel charme est nuancée
Cette dalle à moitié cassée !
Voyez-vous ces veines d’azur,
Légères, fines et polies,
Courant, sous les roses pâlies,
Dans la blancheur d’un marbre pur ?
Tel, dans le sein robuste et dur
De la Diane chasseresse,
Devait courir un sang divin ;
Telle, et plus froide, est une main
Qui me menait naguère en laisse.
N’allez pas, du reste, oublier
Que ces marches dont j’ai mémoire
Ne sont pas dans cet escalier
Toujours désert et plein de gloire,
Où ce roi, qui n’attendait pas,
Attendit un jour, pas à pas,
Condé, lassé par la victoire.
Elles sont près d’un vase blanc,
Proprement fait et fort galant.
Est-il moderne ? est-il antique ?
D’autres que moi savent cela ;
Mais j’aime assez à le voir là,
Étant sûr qu’il n’est point gothique.
C’est un bon vase, un bon voisin ;
Je le crois volontiers cousin
De mes marches couleur de rose ;
Il les abrite avec fierté.
Ô mon Dieu ! dans si peu de chose
Que de grâce et que de beauté !
Dites-nous, marches gracieuses,
Les rois, les princes, les prélats,
Et les marquis à grands fracas,
Et les belles ambitieuses,
Dont vous avez compté les pas ;
Celles-là surtout, j’imagine,
En vous touchant ne pesaient pas.
Lorsque le velours ou l’hermine
Frôlaient vos contours délicats,
Laquelle était la plus légère ?
Est-ce la reine Montespan ?
Est-ce Hortense avec un roman,
Maintenon avec son bréviaire,
Ou Fontange avec son ruban ?
Beau marbre, as-tu vu la Vallière ?
De Parabère ou de Sabran
Laquelle savait mieux te plaire ?
Entre Sabran et Parabère
Le Régent même, après souper,
Chavirait jusqu’à s’y tromper.
As-tu vu le puissant Voltaire,
Ce grand frondeur des préjugés,
Avocat des gens mal jugés,
Du Christ ce terrible adversaire,
Bedeau du temple de Cythère,
Présentant à la Pompadour
Sa vieille eau bénite de cour ?
As-tu vu, comme à l’ermitage,
La rondelette Dubarry
Courir, en buvant du laitage,
Pieds nus, sur le gazon fleuri ?
Marches qui savez notre histoire,
Aux jours pompeux de votre gloire,
Quel heureux monde en ces bosquets !
Que de grands seigneurs, de laquais,
Que de duchesses, de caillettes,
De talons rouges, de paillettes,
Que de soupirs et de caquets,
Que de plumets et de calottes,
De falbalas et de culottes,
Que de poudre sous ces berceaux,
Que de gens, sans compter les sots !
Règne auguste de la perruque,
Le bourgeois qui te méconnaît
Mérite sur sa plate nuque
D’avoir un éternel bonnet.
Et toi, siècle à l’humeur badine,
Siècle tout couvert d’amidon,
Ceux qui méprisent ta farine
Sont en horreur à Cupidon !…
Est-ce ton avis, marbre rose ?
Malgré moi, pourtant, je suppose
Que le hasard qui t’a mis là
Ne t’avait pas fait pour cela.
Aux pays où le soleil brille,
Près d’un temple grec ou latin,
Les beaux pieds d’une jeune fille,
Sentant la bruyère et le thym,
En te frappant de leurs sandales,
Auraient mieux réjoui tes dalles
Qu’une pantoufle de satin.
Est-ce d’ailleurs pour cet usage
Que la nature avait formé
Ton bloc jadis vierge et sauvage
Que le génie eût animé ?
Lorsque la pioche et la truelle
T’ont scellé dans ce parc boueux,
En t’y plantant malgré les dieux,
Mansard insultait Praxitèle.
Oui, si tes flancs devaient s’ouvrir,
Il fallait en faire sortir
Quelque divinité nouvelle.
Quand sur toi leur scie a grincé,
Les tailleurs de pierre ont blessé
Quelque Vénus dormant encore,
Et la pourpre qui te colore
Te vient du sang qu’elle a versé.
Est-il donc vrai que toute chose
Puisse être ainsi foulée aux pieds,
Le rocher où l’aigle se pose,
Comme la feuille de la rose
Qui tombe et meurt dans nos sentiers ?
Est-ce que la commune mère,
Une fois son oeuvre accompli,
Au hasard livre la matière,
Comme la pensée à l’oubli ?
Est-ce que la tourmente amère
Jette la perle au lapidaire
Pour qu’il l’écrase sans façon ?
Est-ce que l’absurde vulgaire
Peut tout déshonorer sur terre
Alfred de Musset
Poème classé dans Alfred de Musset, Lieux, Mort.
marie la rebelle- Nombre de messages : 1328
Date d'inscription : 11/07/2008
Un village... autrefois
(Alphonse Lamartine)
1. Je sais sur la colline Une blanche maison, Un rocher la domine Un buisson d'aubépine Est tout son horizon | 2. Là, jamais ne s'élève Bruit qui fasse penser Jusqu'à ce qu'il s'achève On peut mener son rêve Et le recommencer |
3. Le clocher du village Surmonte ce séjour Sa voix comme un hommage Monte au premier nuage Que clore le jour ! | 4. Aux sons que l'écho roule Le long des églantiers, Vous voyez l'humble foule Qui serpente et s'écoule Dans les pieux sentiers : |
5. C'est la pauvre orpheline Pour qui le jour est court, Qui déroule et termine Pendant qu'elle chemine Son fuseau déjà lourd ; | 6. C'est l'aveugle que guide Le mur accoutumé Le mendiant timide Et dont la main dévide Son rosaire enfumé : |
7. C'est l'enfant qui caresse En passant chaque fleur ; Le vieillard qui se presse L'enfance et la vieillesse Sont amis du Seigneur ! | 8. Ou quelque pauvre veuve Aux longs rayons du soir Sur une pierre neuve, Signe de son épreuve, S'agenouiller, s'asseoir |
9. Plus d'une fleur nuance Ce voile du sommeil ; Là tout fut innocence Là tout parle d'espérance Et appelle le réveil | 10. Paix et mélancolie Veillent, là près des morts, Et l'âme recueillie Des vagues de la vie Croit y toucher les bords. |
(Harmonies poétiques et religieuses.)
rayane- Nombre de messages : 1418
Date d'inscription : 23/09/2008
La vieille maison abandonnée
(Alphonse Lamartine)
Le mur est gris, la tuile est rousse, L'hiver a rongé le ciment ; Des pierres disjointes la mousse Verdit l'humide fondement |
La porte où file l'araignée, Qui n'entend plus le doux accueil, Reste immobile et dédaignée Et ne tourne plus sur son seuil. |
Les volets que le moineau souille Détachés de leurs gonds de rouille, Battent nuit et jour le granit, Les vitraux brisés par les grêles Livrent aux hirondelles Un libre passage à leur nid ! |
De la solitaire demeure Une ombre lourde d'heure en heure Se détache sur le gazon : Et cette ombre, couchée et morte, Est la seule chose qui sorte Tout le jour de cette maison ! |
A l'heure où la rosée s'évapore Tous ces volets fermés s'ouvraient à sa chaleur, Pour y laisser entrer, avec la tiède aurore, Les nocturnes parfums de nos vignes en fleur. |
La mère de sa couche à ces doux bruits levée, Sur ces fronts inégaux se penchait tour à tour, Comme la poule heureuse assemble sa couvée, Leur apprenant les mots qui bénissent le jour. |
Moins de balbutiements sortent du nid sonore, Quand au rayon d'été qui vient la réveiller, L'hirondelle au plafond qui les abrite encore, A ses petits sans plume apprend à gazouiller. |
Et les bruits du foyer que l'aube fait renaître, Montaient avec le jour, et dans les intervalles, Des aboiements du chien qui voit sortir son maître Les Claviers résonnaient dans le chant des cigales. |
(Cours familiers de littérature)
rayane- Nombre de messages : 1418
Date d'inscription : 23/09/2008
SUR PARIS
(Paul Scarron : 1610 - 1660)
Scaron fut le 1er mari de Françoise d'Aubigné (Mme de Maintenon)
Scaron fut le 1er mari de Françoise d'Aubigné (Mme de Maintenon)
Un amas confus de maisons Des crottes dans toutes les rues Ponts, églises, palais, prisons Boutiques bien ou mal pourvues, | Force gens noirs, blancs, roux, grisons, Des prudes, des filles perdues, Des meurtres et des trahisons Des gens de plume aux mains crochues, |
Maint poudré qui n'a point d'argent, Maint d'homme qui craint le sergent, Maint fanfaron qui toujours tremble, | Pages, laquais, voleurs de nuit Carrosses, chevaux et grand bruit, C’est là : PARIS ! Que vous en semble ? |
rayane- Nombre de messages : 1418
Date d'inscription : 23/09/2008
Emile Verhaeren: la ville
La Ville Tous les chemins vont vers la ville. Du fond des brumes, Là-bas, avec tous ses étages Et ses grands escaliers et leurs voyages Jusques au ciel, vers de plus hauts étages, Comme d'un rêve, elle s'exhume. Là-bas, Ce sont des ponts tressés en fer Jetés, par bonds, à travers l'air; Ce sont des blocs et des colonnes Que dominent des faces de gorgonnes; Ce sont des tours sur des faubourgs, Ce sont des toits et des pignons, En vols pliés, sur les maisons; C'est la ville tentaculaire, Debout, Au bout des plaines et des domaines. Des clartés rouges Qui bougent Sur des poteaux et des grands mâts, Même à midi, brûlent encor Comme des oeufs monstrueux d'or, Le soleil clair ne se voit pas: Bouche qu'il est de lumière, fermée Par le charbon et la fumée, Un fleuve de naphte et de poix Bat les môles de pierre et les pontons de bois; Les sifflets crus des navires qui passent Hurlent la peur dans le brouillard: Un fanal vert est leur regard Vers l'océan et les espaces. Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons, Des tombereaux grincent comme des gonds, Des balances de fer font choir des cubes d'ombre Et les glissent soudain en des sous-sols de feu; Des ponts s'ouvrant par le milieu, Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre Et des lettres de cuivre inscrivent l'univers, Immensément, par à travers Les toits, les corniches et les murailles, Face à face, comme en bataille. Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues, Roulent les trains, vole l'effort, Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or. Les rails raméfiés rampent sous terre En des tunnels et des cratères Pour reparaître en réseaux clairs d'éclairs Dans le vacarme et la poussière. C'est la ville tentaculaire. La rue – et ses remous comme des câbles Noués autour des monuments – Fuit et revient en longs enlacements; Et ses foules inextricables Les mains folles, les pas fiévreux, La haine aux yeux, Happent des dents le temps qui les devance. A l'aube, au soir, la nuit, Dans le tumulte et la querelle, ou dans l'ennui, Elles jettent vers le hasard l'âpre semence De leur labeur que l'heure emporte. Et les comptoirs mornes et noirs Et les bureaux louches et faux Et les banques battent des portes Aux coups de vent de leur démence. Dehors, une lumière ouatée, Trouble et rouge, comme un haillon qui brûle, De réverbère en réverbère se recule. La vie, avec des flots d'alcool est fermentée. Les bars ouvrent sur les trottoirs Leurs tabernacles de miroirs Où se mirent l'ivresse et la bataille; Une aveugle s'appuie à la muraille Et vend de la lumière, en des boîtes d'un sou; La débauche et la faim s'accouplent en leur trou Et le choc noir des détresses charnelles Danse et bondit à mort dans les ruelles. Et coup sur coup, le rut grandit encore Et la rage devient tempête: On s'écrase sans plus se voir, en quête Du plaisir d'or et de phosphore; Des femmes s'avancent, pâles idoles, Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles. L'atmosphère fuligineuse et rousse Parfois loin du soleil recule et se retrousse Et c'est alors comme un grand cri jeté Du tumulte total vers la clarté: Places, hôtels, maisons, marchés, Ronflent et s'enflamment si fort de violence Que les mourants cherchent en vain le moment de silence Qu'il faut aux yeux pour se fermer. Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs Sculptent le firmament, de leurs marteaux d'ébène, La ville au loin s'étale et domine la plaine Comme un nocturne et colossal espoir; Elle surgit: désir, splendeur, hantise; Sa clarté se projette en lueurs jusqu'aux cieux, Son gaz myriadaire en buissons d'or s'attise, Ses rails sont des chemins audacieux Vers le bonheur fallacieux Que la fortune et la force accompagnent; Ses murs se dessinent pareils à une armée Et ce qui vient d'elle encore de brume et de fumée Arrive en appels clairs vers les campagnes. C'est la ville tentaculaire, La pieuvre ardente et l'ossuaire Et la carcasse solennelle. Et les chemins d'ici s'en vont à l'infini Vers elle. |
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Le pont Mirabeau
[size=9]Le pont Mirabeau Guillaume Appolinaire Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine |
Dernière édition par Najat le Dim 11 Avr - 22:56, édité 1 fois
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Chanson de la seine
Jacques Prévert
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit...
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s'en va vers la mer
En passant par Paris.
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers
Mais la Seine s'en balance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s'en va vers le Havre
Et s'en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit...
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s'en va vers la mer
En passant par Paris.
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers
Mais la Seine s'en balance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s'en va vers le Havre
Et s'en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Tableau de Paris à cinq heures du matin
(1802) L’ombre s’évapore Et déjà l’aurore De ses rayons dore Les toits alentours Les lampes pâlissent, Les maisons blanchissent Les marchés s’emplissent : On a vu le jour. De la Villette Dans sa charrette, Suzon brouette Ses fleurs sur le quai, Et de Vincenne, Gros-Pierre amène Ses fruits que traîne Un âne efflanqué. Déjà l'épicière, Déjà la fruitière, Déjà l'écaillère Sautent au bas du lit. L'ouvrier travaille, L'écrivain rimaille, Le fainéant baille, Et le savant lit. J'entends Javotte, Portant sa hotte, Crier : Carotte, Panais et chou-fleur ! Perçant et grêle, Son cri se mêle A la voix frêle Du noir ramoneur. | L'huissier carillonne, Attend, jure, sonne, Ressonne, et la bonne, Qui l'entend trop bien, Maudissant le traître, Du lit de son maître Prompte à disparaître, Regagne le sien. Gentille, accorte Devant ma porte Perrette apporte Son lait encor chaud ; Et la portière, Sous la gouttière, Pend la volière De Dame Margot. Le joueur avide, La mine livide, et la bourse vide, Rentre en fulminant ; Et sur son passage, L'ivrogne, plus sage, Rêvant son breuvage, Ronfle en fredonnant. Tout, chez Hortense, Est en cadence ; On chante, on danse, Joue, et cætera... Et sur la pierre Un pauvre hère, La nuit entière, Souffrit et pleura. | Le malade sonne, Afin qu'on lui donne La drogue qu'ordonne Son vieux médecin ; Tandis que sa belle, Que l'amour appelle, Au plaisir fidèle, Feint d'aller au bain. Quand vers Cythère, La solitaire, Avec mystère, Dirige ses pas, La diligence Part pour Mayence, Bordeaux, Florence, Ou les Pays-Bas. « Adieu donc, mon père, Adieu donc, mon frère, Adieu donc, ma mère, - Adieu, mes petits. » Les chevaux hennissent, Les fouets retentissent, Les vitres frémissent : Les voilà partis. | Dans chaque rue, Plus parcourue, La foule accrue Grossit tout à coup : Grands, valetaille, Vieillards, marmaille, Bourgeois, canaille, Abondent partout. Ah ! quelle cohue ! Ma tête est perdue, Moulue et fendue, Où donc me cacher ! Jamais mon oreille N'eut frayeur pareille... Tout Paris s'éveille... Allons nous coucher. Marc-Antoine Désaugiers (1772-1827) |
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
L'école
Jacques Charpentreau
Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s'affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là.
Dans notre ville, il y a
Des tours, des maisons par milliers,
Du béton, des blocs, des quartiers,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans mon quartier, il y a
Des boulevards, des avenues,
Des places, des ronds-points, des rues
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans notre rue, il y a
Des autos, des gens qui s'affolent,
Un grand magasin, une école,
Et puis mon cœur, mon cœur qui bat
Tout bas.
Dans cette école, il y a
Des oiseaux chantant tout le jour
Dans les marronniers de la cour.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur qui bat
Est là.
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Enfants de la haute ville
Jacques Prévert
Enfants de la haute ville
filles des bas quartiers
le dimanche vous promène
dans la rue de la Paix
Le quartier est désert
les magasins fermés
Mais sous le ciel gris souris
la ville est un peu verte
derrière les grilles des Tuileries
Et vous dansez sans le savoir
vous dansez en marchant
sur les trottoirs cirés
Et vous lancez la mode
sans même vous en douter
Un manteau de fou rire
sur vos robes imprimées
Et vos robes imprimées
sur le velours potelé
de vos corps amoureux
tout nouveaux tout dorés
Folles enfants de la haute ville
ravissantes filles des bas quartiers
modèles impossibles à copier
cover-girls
colored girls
de la Goutte d'Or ou de Belleville
de Grenelle ou de Bagnolet.
Enfants de la haute ville
filles des bas quartiers
le dimanche vous promène
dans la rue de la Paix
Le quartier est désert
les magasins fermés
Mais sous le ciel gris souris
la ville est un peu verte
derrière les grilles des Tuileries
Et vous dansez sans le savoir
vous dansez en marchant
sur les trottoirs cirés
Et vous lancez la mode
sans même vous en douter
Un manteau de fou rire
sur vos robes imprimées
Et vos robes imprimées
sur le velours potelé
de vos corps amoureux
tout nouveaux tout dorés
Folles enfants de la haute ville
ravissantes filles des bas quartiers
modèles impossibles à copier
cover-girls
colored girls
de la Goutte d'Or ou de Belleville
de Grenelle ou de Bagnolet.
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Le ciel et la ville
Claude BOBZYNSKI
Le ciel peu à peu se venge
De la ville qui le mange.
Sournois, il attrape un toit,
Le croque comme une noix,
Dans la cheminée qui fume
Il souffle et lui donne un rhume.
Il écaille les fenêtres.
N'en laisse que les arêtes.
Il coiffe les hautes tours
D'un nuage en abat-jour.
Il chasse le long des rues
Les squelettes gris des grues.
La nuit, laineuse toison,
Il la tend sur les maisons.
Il joue à colin-maillard
Avec les lunes du brouillard.
La ville défend au ciel
De courir dans ses tunnels.
Mais le ciel tout bleu de rage
Sort le métro de sa cage.
Taches d'encre, taches d'huile
Sur le ciel crache la ville.
Mais le ciel pour les laver
Pleut sans fin sur les pavés.
Le ciel peu à peu se venge
De la ville qui le mange.
Sournois, il attrape un toit,
Le croque comme une noix,
Dans la cheminée qui fume
Il souffle et lui donne un rhume.
Il écaille les fenêtres.
N'en laisse que les arêtes.
Il coiffe les hautes tours
D'un nuage en abat-jour.
Il chasse le long des rues
Les squelettes gris des grues.
La nuit, laineuse toison,
Il la tend sur les maisons.
Il joue à colin-maillard
Avec les lunes du brouillard.
La ville défend au ciel
De courir dans ses tunnels.
Mais le ciel tout bleu de rage
Sort le métro de sa cage.
Taches d'encre, taches d'huile
Sur le ciel crache la ville.
Mais le ciel pour les laver
Pleut sans fin sur les pavés.
Dernière édition par Najat le Dim 11 Avr - 23:01, édité 1 fois
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Tour Eiffel
Tour Eiffel Alain DEBROISE Tantôt, tu serais habitée Par un million d'oiseaux. Tantôt, tu serais habillée De fleurs, de feuilles et de fruits. Tantôt, tu quitterais Paris Au beau milieu de la nuit Pour partir seule à la mer. Peut-être aussi penserais-tu A inviter les pyramides Au moins une fois l'an Et vous ririez bien ensemble D'ébahir les Parisiens Qui ne croient jamais à rien. |
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Sur la ville de Paris
Sur la ville de Paris Isaac de BENSERADE (1613-1691) Rien n'égale Paris ; on le blâme, on le louë ; L'un y suit son plaisir, l'autre son interest ; Mal ou bien, tout s'y fait, vaste grand comme il est On y vole, on y tuë, on y pend, on y rouë. On s'y montre, on s'y cache, on y plaide, on y jouë ; On y rit, on y pleure, on y meurt, on y naist : Dans sa diversité tout amuse, tout plaist, Jusques à son tumulte et jusques à sa bouë. Mais il a ses défauts, comme il a ses appas, Fatal au courtisan, le roy n'y venant pas ; Avecque sûreté nul ne s'y peut conduire : Trop loin de son salut pour être au rang des saints, Par les occasions de pécher et de nuire, Et pour vivre longtemps trop prés des médecins. |
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Mon beau Paris
Raymond Queneau Maisons lépreuses maison cholérique maisons empestées bâtisses fienteuses immeubles atteints de rougeole de scarlatine de vérole pavillons chlorotiques pavillons scrofuleux pavillons rachitiques hôtels particuliers constipés baraques taudisin Courir les rues, Gallimard La Pléiade |
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
La ville sourde: David Myriam
La ville sourde
Court poème sur la ville
Court poème sur la ville
Lumière étale sur la plaine endormie
lumière pâle de la plainte assourdie
Sur la route je vis
la lueur de l’aube
effacer les lampadaires de la ville
Dans la ville j’entendis
la plainte sourde
effacer le silence de la nuit
Lumière crue du soleil sur les murs
lumière nue d’un réveil en torture
grondements sourds de la vie mécanique
la ville est sourde
mais la plainte sourd
grondements lourds d’une survie métallique
la ville est sourde
et les membres se grippent
grondements lourds d’un gâchis méthodique
la ville est sourde
mais la lumière crie
grondements lourds des esprits méphitiques
la ville est lourde
et la lueur s’enfuit
la plainte sourde
s’en retourne à la nuit.
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Octave CRÉMAZIE : Le Canada
- Octave CRÉMAZIE
(1827-1879)
Le Canada
Il est sous le soleil une terre bénie,
Où le ciel a versé ses
dons les plus brillants,
Où, répondant ses biens la nature agrandie
A ses
vastes forêts mêle ses lacs géants.
Sur ces bords enchantés, notre mère,
la France,
A laissé de sa gloire un immortel sillon,
Précipitant ses flots
vers l'océan immense,
Le noble Saint-Laurent redit encor son
nom.
Heureux qui la connaît, plus heureux qui l'habite,
Et, ne
quittant jamais pour chercher d'autres cieux
Les rives du grand fleuve où le
bonheur l'invite,
Sait vivre et sait mourir où dorment ses aïeux.
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Carole Menahem-Lilin:Plume sur la ville
crire sur les murs D’une plume alerte A même le duvet, à même la peau de la ville. Entre ses ruelles, ridules, interstices, Coudre ma liane. Marcher, Me tromper, Pénétrer, Prendre ici, tourner là, Au gré de signes indescriptibles. Errer, Non pour me perdre mais pour saisir Mon capricieux désir Mêlé aux gémissements de la ville. | |
Pour la comprendre, la prendre en moi, Sur moi, elle. Pour Frissonner ses murs pelés, ses oisillons qui n’ont jamais grandi, Pour pardonner ses foules de griffes et de becs, Ses cohues affolées, Envols pressés, vacarmes – Puis le silence. Et le jeu infini des hasards écrivains. |
roby- Nombre de messages : 1357
Date d'inscription : 28/10/2008
VENELLE:Carole Menahem-Lilin
VENELLE
(mon enfance
interstice)
(mon enfance
interstice)
encre de Marie-Lydie Joffre | Venelle, Venir en elle, Advenir En moi grandir D’un désir d’interstice Aller au bout du signe de la ruelle Moi là-bas, fuyante dans la ruelle Venelle, mère interstice. Matrice que ce trottoir, la chaussée marquée de vergetures, la façade fendillée où s’agrippe la vigne, Matrice que ces fenêtres rêveuses, la perspective, les faux-fuyants. Matrice que la marelle dessinée à la craie où s’agitent les fourmis Comme elles, Je remonte de l’enfer au paradis, redescends du paradis à l’enfer Tirée en avant par l’adresse même Que je mets à envoyer le caillou au-devant de moi. |
Tirée en avant alors que peut-être je ne voudrais que demeurer là indéfiniment entre les murs maternels de la venelle entrelacés d’herbes, de surgeons, cloutés de capsules de coca et de bière animés par des chats en maraude | |
Demeurer là, indéfiniment à pousser du pied un caillou couleur cannelle lisse, rond et doux, rond, lisse et doux comme le ventre sur lequel enfant on reposait sa joue. |
roby- Nombre de messages : 1357
Date d'inscription : 28/10/2008
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