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Poèmes villes et campagnes

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Poèmes  villes et campagnes Empty Poèmes villes et campagnes

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:36

Les gratte-ciel



A New York City,

Sam se sent tout petit

Quand il regarde en l'air,

pour voir un peu de bleu,

il se cogne les yeux

contre le béton et le verre

des gratte-ciel, plantés serrés

comme des arbres dans la forêt.

Corinne Albaut
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Poèmes  villes et campagnes Empty Derrière les murs dans la rue

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:37

Derrière les murs dans la rue

Que se passe-t-il quel vacarme

Quels travaux quels cris quelles larmes

Ou rien La vie Un linge écru



Sèche au jardin sur une corde

C'est le soir Cela sent le thym

Un bruit de charrette s'éteint

Une guitare au loin s'accorde



La la la la la - La la la

La la la - La la la la la



Il fait jour longtemps dans la nuit

Un zeste de lune un nuage

Que l'arbre salue au passage

Et le coeur n'entend plus que lui



Ne bouge pas C'est si fragile

Si précaire si hasardeux

Cet instant d'ombre pour nous deux

Dans le silence de la ville



La la la la - La la la la

La la - La la - La la - La la

Louis Aragon
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Poèmes  villes et campagnes Empty C'est place concorde

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:38

C'est place de la Concorde à Paris

qu'un enfant assis au bord des fontaines

entre à pas de rêve au cœur de la nuit

fraîche comme l'eau claire des fontaines



Un enfant de nuit de rêve d'espoir

qui voudrait pouvoir lutter sans répit

contre son sommeil pour apercevoir

ses rêves de nuit venir à la vie



Toutes les voitures avec leurs phares

toutes les voitures tracent pour lui

des lignes de feu flottant dans la nuit

comme de longs fils de vierge où Paris

retient son cœur ses rêves ses espoirs


Jacques Charpentreau
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Poèmes  villes et campagnes Empty COUPLET DE LA RUE DE BAGNOLET

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:39

Le soleil de la rue de Bagnolet

N'est pas un soleil comme les autres.

Il se baigne dans le ruisseau,

Il se coiffe avec un seau,

Tout comme les autres,

Mais, quand il caresse mes épaules,

C'est bien lui et pas un autre,

Le soleil de la rue de Bagnolet

Qui conduit son cabriolet

Ailleurs qu'aux portes des palais.

Soleil ni beau ni laid,

Soleil tout drôle et tout content,

Soleil d'hiver et de printemps,

Soleil de la rue de Bagnolet,

Pas comme les autres.

Robert Desnos
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Poèmes  villes et campagnes Empty Gare isolée

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:39

On allume les lampes.

Un dernier pinson chante.

La gare est émouvante

En ce soir de septembre.



Elle reste seule

À l’écart des maisons,

Si seule à regarder

L’étoile du berger

Qui pleure à l’horizon

Entre deux vieux tilleuls.



Parfois un voyageur

S’arrête sur le quai,

Mais si las, si distrait,



Qu’il ne voit ni les lampes,

Ni le pinson qui chante,

Ni l’étoile qui pleure

En ce soir de septembre.



Et la banlieue le cueille,

Morne comme le vent

Qui disperse les feuilles
Sur la gare émouvante



Et plus seule qu’avant.

Maurice Carême
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Poèmes  villes et campagnes Empty IMAGES DU VILLAGE

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:40

La fontaine près de l'église

Où les aveugles vont mendier



La cour où rament les oies grises

Et que fleurit un amandier



Le vieux four à pain où s'enlacent

Les ronces, où se tord un figuier



Les coqs le matin à la vitre

Secouent leur crête de rosée



Et la journée retentissante

S'envole à tête reposée



Maurice Fombeure
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Poèmes  villes et campagnes Empty Dedans Paris, ville jolie…

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:41





Dedans Paris, ville jolie,
Un jour, passant mélancolie,
Je pris alliance nouvelle
À la plus gaie damoiselle
Qui soit d'ici en Italie.

D'honnêteté elle est saisie,
Et crois, selon ma fantaisie,
Qu'il n'en est guère de plus belle
Dedans Paris.

Je ne vous la nommerai mie,
Sinon que c'est ma grand amie;
Car l'alliance se fit telle
Par un doux baiser que j'eus d'elle,
Sans penser aucune infamie,
Dedans Paris.




Clément Marot (1496-1544)
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Poèmes  villes et campagnes Empty Venise

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:41




Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge,
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot.
Seul, assis à la grève,
Le grand lion soulève,
Sur l'horizon serein,
Son pied d'airain.
Autour de lui, par groupes,
Navires et chaloupes,
Pareils à des hérons
Couchés en ronds,
Dorment sur l'eau qui fume,
Et croisent dans la brume,
En légers tourbillons,
Leurs pavillons.
La lune qui s'efface
Couvre son front qui passe
D'un nuage étoilé
Demi-voilé.
Ainsi, la dame abbesse
De Sainte-Croix rabaisse
Sa cape aux larges plis
Sur son surplis.
Et les palais antiques,
Et les graves portiques,
Et les blancs escaliers
Des chevaliers,
Et les ponts, et les rues,
Et les mornes statues,
Et le golfe mouvant
Qui tremble au vent,
Tout se tait, fors les gardes
Aux longues hallebardes,
Qui veillent aux créneaux
Des arsenaux.
Ah ! maintenant plus d'une
Attend, au clair de lune,
Quelque jeune Poèmes  villes et campagnes 738196,
L'oreille au guet.
Pour le bal qu'on prépare,
Plus d'une qui se pare,
Met devant son miroir
Le masque noir.
Sur sa couche embaumée,
La Vanina pâmée
Presse encor son amant,
En s'endormant ;
Et Narcissa, la folle,
Au fond de sa gondole,
S'oublie en un festin
Jusqu'au matin.
Et qui, dans l'Italie,
N'a son grain de folie ?
Qui ne garde aux amours
Ses plus beaux jours ?
Laissons la vieille horloge,
Au palais du vieux doge,
Lui compter de ses nuits
Les longs ennuis.
Comptons plutôt, ma belle,
Sur ta bouche rebelle
Tant de baisers donnés...
Ou pardonnés.
Comptons plutôt tes charmes,
Comptons les douces larmes,
Qu'à nos yeux a coûté
La volupté !



Alfred de Musset
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Poèmes  villes et campagnes Empty MATIN D'ETE A LA FERME

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:42

Les pigeons -dans le ruisseau clair

Prennent leur petit déjeuner.

Le chat bâille et renifle l'air

En se frottant le bout du nez.



Les capucines sur le bord

De la fenêtre et du sommeil

Déplissent leurs pétales d'or

Pour dire bonjour au soleil.



L'hirondelle sous la corniche

Pousse un cri aigu dans le vent.

Le chien s'étire dans sa niche

Et gobe une mouche en rêvant.



Le petit âne va partir

Au village avec ses couffins.

Un jour nouveau va se bâtir

Et l'on n'en verra pas la fin.

Marguerite-Marie Peyraube
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Poèmes  villes et campagnes Empty LA SEINE A RENCONTRÉ PARIS

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:43



Poèmes  villes et campagnes Awayrule
Qui est là
toujours là dans la ville
et qui pourtant sans cesse arrive
et qui pourtant sans cesse s'en va
C'est un fleuve répond un enfant
un devineur de devinettes.
Et puis l'oeil brillant il ajoute
et le fleuve s'appelle la Seine
quand la ville s'appelle Paris
et la Seine c'est comme une personne
des fois elle court elle va très vite
elle presse le pas quand tombe le soir
des fois au printemps elle s'arrête et
vous regarde comme un miroir.
Et elle pleure si vous pleurez
ou sourit pour vous consoler
et toujours elle éclate de rire quand
arrive le soleil d'été...




Jacques Prévert

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Poèmes  villes et campagnes Empty GRAND STANDIGNE

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:44

Un jour on démolira

ces beaux immeubles si modernes

on en cassera les carreaux

de plexiglas ou d'ultravitre

on démontera les fourneaux

construits à polytechnique

on sectionnera les antennes

collectives de tévision

on dévissera les ascenseurs

on anéantira les vide-ordures

on broiera les chauffoses

on pulvérisera les frigidons

quand ces immeubles vieilliront

du poids infini de la tristesse des choses

Raymond Queneau


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Poèmes  villes et campagnes Empty LE PAYS

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:44









C'est un petit pays qui se cache parmi

ses bois et ses collines ;

il est paisible, il va sa vie

sans se presser sous ses noyers

il a de beaux vergers et de beaux champs de blé,

des champs de trèfle et de luzerne,

roses et jaunes dans les prés,

par grands carrés mal arrangés ;

il monte vers les bois, il s'abandonne aux pentes

vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux

et, la nuit, leurs musiques d'eau

sont là comme un autre silence.



Charles-Ferdinand Ramuz
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Poèmes  villes et campagnes Empty LES MAISONS

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:45









Les vieilles maisons sont toutes voûtées,

elles sont comme des grands-mères

qui se tiennent assises, les mains sur les genoux,

parce qu'elles ont trop travaillé dans leur vie

mais les neuves sont fraîches et jolies

comme des filles à fichus

qui, ayant dansé, vont se reposer

et qui se sont mis une rose au cou.



Le soleil couchant brille dans les vitres,

les fumées montent dévidées

et leurs écheveaux embrouillés

tissent aux branches des noyers

de grandes toiles d'araignées.



Et, pendant la nuit, sur les toits,

l'heure du clocher dont les ressorts crient –

et le poids descend –

s'en va vers les champs

et réveille subitement

toutes les maisons endormies.

Charles-Ferdinand Ramuz
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Poèmes  villes et campagnes Empty New York, bouquet de bourgeons

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:46

New York, bouquet de bourgeons

Et furie de floraison.

Notre cime, notre ombelle.

New York, par où sort la sève,

Le bouillon d'en haut, l'écume,

La jeune bave sucrée.



Les murs poussent, blancs, rapides,

Comme moelle de sureau ;

0 substance encore humide

Les buildings de trente étages,

De cinquante, cent étages,

Dressent par-dessus notre age

Des pylônes de bureaux.



Un flot de verre étincelle,

Une nuée de mica.

Les vitres volent, pollen

De ce printemps implacable.

Leur tourbillon qui s'élève

Colle après les parois neuves

Des durs palais verticaux.

Jules Romains
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Poèmes  villes et campagnes Empty Le citadin

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:47

Avancez! Reculez ! Arrêtez ! - Des ordres

chuchotés haletants à l'oreille. Obéis !

(Capitaines cachés dans la faim et la soif)

Fuis ! Montre-toi ! Un salut !

Signe tais-toi réponds prends garde !



Que d'ordres venus de partout !

Le soleil ? - La main sur les yeux !

La pluie ? - Courbe le dos !

L'amour qui arrive ? – Attention !

Et ces morts en travers du chemin tout à coup !



Chocs et contre-temps de la ville

et de la vie je suis tranquille

seulement si mon souffle et mon pas vous rassemblent.

L'instable est mon repos.



Jean Tardieu
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Poèmes  villes et campagnes Empty La soirée du pianiste

Message par rayane Ven 9 Avr - 13:47







L’artiste est à son piano,

Sa main droite joue en solo,



Ses cinq doigts sont longs et fins

cinq fois un, cinq

Puis, des deux mains, il s’enhardit

cinq fois deux, dix.



Le piano tonne, hurle, grince,

cinq fois trois, quinze

Un dernier accord, c’est la fin !…

cinq fois quatre, vingt.



Après le concert, le pianiste trinque,

cinq fois cinq, vingt-cinq.

Puis, il rentre dans sa soupente,

cinq fois six, trente,



Passe sa chemise en lin,
cinq fois sept, trente-cinq
Puis, sa tête devient dolente,
cinq fois huit, quarante...



Il dort déjà. Tout est éteint,
cinq fois neuf, quarante-cinq,
Sauf la Lune, qui se lamente,
cinq fois dix, cinquante...
Jean Tardieu
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Poèmes  villes et campagnes Empty A Madame Sand

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:18




“Ce roc voûté par art, chef-d’oeuvre d’un autre âge,
Ce roc de Tarascon hébergeait autrefois
Les géants descendus des montagnes de Foix,
Dont tant d’os excessifs rendent sûr témoignage.”
O seigneur Du Bartas ! Je suis de ton lignage,
Moi qui soude mon vers à ton vers d’autrefois ;
Mais les vrais descendants des vieux Comtes de Foix
Ont besoin de témoins pour parler dans notre âge.
J’ai passé près Salzbourg sous des rochers tremblant ;
La Cigogne d’Autriche y nourrit les Milans,
Barberousse et Richard ont sacré ce refuge.
La neige règne au front de leurs pies infranchis ;
Et ce sont, m’a-t-on dit, les ossements blanchis
Des anciens monts rongés par la mer du Déluge.
Gérard de Nerval, Les chimères


Poème classé dans Gérard de Nerval, Lieux, Sonnets.
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Poèmes  villes et campagnes Empty Adieux à Rome

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:19




L’airain avait sonné l’hymne pieux du soir.
Sur les temples de Rome, où cessait la prière,
La lune répandait sa paisible lumière;
Au Forum à pas lents, triste, j’allai m’asseoir.
J’admirais ses débris, ses longs portiques sombres,
Et clans ce jour douteux, par leur masse arrêté,
Tous ces grands monuments empruntaient de leurs ombres
Plus de grandeur encore et plus de majesté;
Comme l’objet absent, qu’un regret nous rappelle,
Reçoit du souvenir une beauté nouvelle,
Mon luth, longtemps muet, préluda dans mes mains,
Et sur l’air grave et doux dont le chant se marie
Aux accents inspirés des poètes romains,
Cet adieu s’échappa de mon âme attendrie;
<< Rome, pour la dernière fois
<< Je parcours ta funèbre enceinte:
<< Inspire les chants dont ma voix
<< Va saluer ta gloire éteinte.
<< Luis dans mes vers, astre éclipsé
<< Dont la splendeur fut sans rivale;
<< Ombre-éclatante du passé,
<< Le présent n'a rien qui t'égale.
<< Tout doit mourir, tout doit changer:
<< La grandeur s'élève et succombe.
<< Un culte même est passager;
<< Il souffre, persécute et tombe.
<< Tu brillais de ce double éclat,
<< Et tu n'as pas fait plus d'esclaves
<< Avec la toge du sénat
<< Que sous la pourpre des conclaves.
<< Du sang de tes premiers soutiens
<< Cette colline est arrosée;
<< Le sang de les héros chrétiens
<< Rougit encor lé Cotisée.
<< A travers ces deux souvenirs
<< Tu m'apparais pâle et flétrie,
<< Entre les palmes des martyrs
<< Et les lauriers de la patrie.
<< Que tes grands noms, que tes exploits,
<< Tes souvenirs de tous les âges,
<< Viennent se confondre sans choix
<< Dans mes regrets et mes hommages,
<< Comme ces temples abattus,
<< Comme les tombeaux et les ombres
<< De tes Césars, de tes Brutus
<< Se confondent dans tes décombres.
<< Adieu, Forum, que Cicéron
<< Remplit encor de sa mémoire!
<< Ici, chaque pierre a son nom,
<< Ici, chaque débris sa gloire.
<< Je passe, et mes pieds ont foulé
<< Dans ce tombeau d'où sortit Rome,
<< Les restes d'un dieu mutilé
<< Ou la poussière d'un grand homme.
<< Adieu, vallon frais où Numa
<< Consultait sa nymphe chérie!
<< J'entends le ruisseau qu'il aima
<< Murmurer le nom d'Égérie.
<< Son eau coule encor; mais les rois,
<< Que séduit une autre déesse,
<< Ne viennent plus chercher des lois
<< Où Numa puise la sagesse.
<< Temple, dont l'Olympe exilé
<< A fui la majesté déserte,
<< Panthéon, ce ciel étoile
<< Achève ta voûte entr'ouverte;
<< Et ses feux du haut de l'éther,
<< Cherchant tes dieux dans ton enceinte
<< Vont sur l'autel de Jupiter
<< Mourir au pied de la croix sainte.
<< Qui t'éleva, dôme éternel,
<< Du Panthéon céleste frère?
<< Si tu fus l'oeuvre d'un mortel
<< Les arts ont aussi leur Homère;
<< Et du génie en ce saint lieu
<< Je sens l'invisible présence,
<< Comme je sens celle du Dieu
<< Qui remplit ta coupole immense.
<< Je vous revois, parvis sacrés
<< Qu'un poète a rendus célèbres!
<< Je foule les noms ignorés
<< Qui chargent vos pavés funèbres,
<< Et de tous ces tombeaux obscurs
<< Le marbre qui tient tant de place,
<< Laisse .à peine un coin clans vos murs
<< Pour la cendre et le nom du Tasse!
<< Cloître désert, sous les arceaux
<< Mourut l'amant d'Éléonore,
<< Près du chêne dont les rameaux
<< Devaient pour lui verdir encore.
<< Avant l'âge ainsi meurt Byron;
<< Un même trépas les immole:
<< L'un tombe au seuil du Parthénon,
<< Et l'autre au pied du Capitole... >>
Je les pleurais tous deux, et je sentis ma voix
Mourir avec leurs noms sur mes lèvres tremblantes;
Je sentis les accords s’affaiblir sous mes doigts,
Pareils au bruit plaintif, aux notes expirantes
Qui se perdent dans l’air, quand du Miserere
Les sous au Vatican s’éteignent par degré.
Jaloux pour mon pays, je cherchais en silence
Quels noms il opposait à ces noms immortels;
Il m’apparaît alors, celui dont l’éloquence
Des demi-dieux romains releva les autels;
Le Sophocle français, l’orgueil de sa patrie,
L’égal de ses héros, celui qui crayonna
L’âme du grand Pompée et l’esprit do Cinna;
Emu d’un saint respect, je l’admire et m’écrie;
<< Chantre de ces guerriers fameux,
<< Grand homme, ô Corneille, ô mon maître,
<< Tu n'as pas habité comme eux
<< Cette Rome où tu devais naître;
<< Mais les dieux t'avaient au berceau
<< Révélé sa grandeur passée,
<< Et sans fléchir sous ton fardeau,
<< Tu la portais dans ta pensée!
<< Ah! tu dois errer sur ces bords,
<< Où le Tibre te rend hommage!
<< Viens converser avec les morts
<< Dont ta main retraça l'image.
<< Viens, et, ranimés pour te voir,
<< Ils vont se lever sur tes traces;
<< Viens, grand Corneille, viens t'asseoir
<< Au pied du tombeau des Horaces!
<< De quel noble-frémissement
<< L'orgueil doit agiter ton âme,
<< Lorsque sur ce froid monument
<< De tes vers tu répands la flamme!
<< Il tremble, et dans son sein profond
<< J'entends murmurer sur la terre
<< Deux fils morts, dont la voix répond
<< Au qu'il mourût de leur vieux père.
<< Beau comme ces marbres vivants
<< Dont l'art enfanta les merveilles,
<< Ton front vaste abandonne aux vents
<< Ses cheveux blanchis par les veilles;
<< Et quand les fils de Romulus
<< Autour de toi couvrent ces plaines,
<< Je crois voir un Romain de plus
<< Évoquant les ombres romaines.
<< Je pars, mais ces morts me suivront:
<< Ta muse a soufflé sur leur cendre.
<< En renaissant ils grandiront
<< Dans tes vers, qui vont me les rendre;
<< Et l'airain, qui, vainqueur du temps,
<< Jusqu'aux cieux porta leurs images,
<< Les plaça sur des monuments
<< Moins sublimes que tes ouvrages! >>
Casimir Delavigne (1793-1843), Les Messéniennes, Livre III (1835)
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Poèmes  villes et campagnes Empty Bien souvent je revois…

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:20




Bien souvent je revois sous mes paupières closes,
La nuit, mon vieux Moulins bâti de briques roses,
Les cours tout embaumés par la fleur du tilleul,
Ce vieux pont de granit bâti par mon aïeul,
Nos fontaines, les champs, les bois, les chères tombes,
Le ciel de mon enfance où volent des colombes,
Les larges tapis d’herbe où l’on m’a promené
Tout petit, la maison riante où je suis né
Et les chemins touffus, creusés comme des gorges,
Qui mènent si gaiement vers ma belle Font-Georges,
À qui mes souvenirs les plus doux sont liés.
Et son sorbier, son haut salon de peupliers,
Sa source au flot si froid par la mousse embellie
Où je m’en allais boire avec ma soeur Zélie,
Je les revois ; je vois les bons vieux vignerons
Et les abeilles d’or qui volaient sur nos fronts,
Le verger plein d’oiseaux, de chansons, de murmures,
Les pêchers de la vigne avec leurs pêches mûres,
Et j’entends près de nous monter sur le coteau
Les joyeux aboiements de mon chien Calisto !
Théodore de Banville, septembre 1841
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Poèmes  villes et campagnes Empty Bruxelles

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:20




Plates-bandes d’amarantes jusqu’à
L’agréable palais de Jupiter.
- Je sais que c’est Toi qui, dans ces lieux,
Mêles ton bleu presque de Sahara !
Puis, comme rose et sapin du soleil
Et liane ont ici leurs jeux enclos,
Cage de la petite veuve !…
Quelles
Troupes d’oiseaux, ô ia io, ia io !…
- Calmes maisons, anciennes passions !
Kiosque de la Folle par affection.
Après les fesses des rosiers, balcon
Ombreux et très bas de la Juliette.
- La Juliette, ça rappelle l’Henriette,
Charmante station du chemin de fer,
Au coeur d’un mont, comme au fond d’un verger
Où mille diables bleus dansent dans l’air !
Banc vert où chante au paradis d’orage,
Sur la guitare, la blanche Irlandaise.
Puis, de la salle à manger guyanaise,
Bavardage des enfants et des cages.
Fenêtre du duc qui fais que je pense
Au poison des escargots et du buis
Qui dort ici-bas au soleil.
Et puis
C’est trop beau ! trop ! Gardons notre silence.
- Boulevard sans mouvement ni commerce,
Muet, tout drame et toute comédie,
Réunion des scènes infinie
Je te connais et t’admire en silence.
Arthur Rimbaud, Derniers vers


Poème classé dans Arthur Rimbaud, Lieux.
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Poèmes  villes et campagnes Empty Couleurs

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:21

Au-dessus de Paris
la lune est violette.
Elle devient jaune
dans les villes mortes.
Il y a une lune verte
dans toutes les légendes.
Lune de toile d’araignée
et de verrière brisée,
et par-dessus les déserts
elle est profonde et sanglante.



Mais la lune blanche,
la seule vraie lune,
brille sur les calmes
cimetières de villages.
Federico Garcia Lorca, Chansons sous la lune


Poème classé dans Federico Garcia Lorca, Lieux, Mort.
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Poèmes  villes et campagnes Empty Espagne

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:21




Mon doux pays des Espagnes
Qui voudrait fuir ton beau ciel,
Tes cités et tes montagnes,
Et ton printemps éternel ?
Ton air pur qui nous enivre,
Tes jours, moins beaux que tes nuits,
Tes champs, où Dieu voudrait vivre
S’il quittait son paradis.
Autrefois ta souveraine,
L’Arabie, en te fuyant,
Laissa sur ton front de reine
Sa couronne d’Orient !
Un écho redit encore
A ton rivage enchanté
L’antique refrain du Maure :
Gloire, amour et liberté !
Gérard de Nerval, Odelettes


Poème classé dans Gérard de Nerval, Lieux, Patrie.
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Poèmes  villes et campagnes Empty État de siège ?

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:22





Le pauvre postillon, sous le dais de fer blanc,
Chauffant une engelure énorme sous son gant,
Suit son lourd omnibus parmi la rive gauche,
Et de son aine en flamme écarte la sacoche.
Et, tandis que, douce ombre où des gendarmes sont,
L’honnête intérieur regarde au ciel profond
La lune se bercer parmi la verte ouate,
Malgré l’édit et l’heure encore délicate,
Et que l’omnibus rentre à l’Odéon, impur
Le débauché glapit au carrefour obscur !
FRANÇOIS COPPÉE.
A. R.
Arthur Rimbaud, Album Zutique
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Poèmes  villes et campagnes Empty Ischia

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:23

Le soleil va porter le jour à d’autres mondes;
Dans l’horizon désert Phébé monte sans bruit,
Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes,
Un voile transparent sur le front de la nuit.



Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes
Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux,
Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes,
Ou rejaillir au loin du sein brillant des eaux.
La douteuse lueur, dans l’ombre répandue,
Teint d’un jour azuré la pâle obscurité,
Et fait nager au loin dans la vague étendue
Les horizons baignés par sa molle clarté!
L’Océan amoureux de ces rives tranquilles
Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports,
Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles,
De son humide haleine en rafraîchit les bords.
Du flot qui tour à tour s’avance et se retire
L’oeil aime à suivre au loin le flexible contour :
On dirait un amant qui presse en son délire
La vierge qui résiste, et cède tour à tour!
Doux comme le soupir de l’enfant qui sommeille,
Un son vague et plaintif se répand dans les airs :
Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille?
Est-ce un soupir d’amour de la terre et des mers?
Il s’élève, il retombe, il renaît, il expire,
Comme un coeur oppressé d’un poids de volupté,
Il semble qu’en ces nuits la nature respire,
Et se plaint comme nous de sa félicité!
Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie!
Reçois par tous les sens les charmes de la nuit,
A t’enivrer d’amour son ombre te convie;
Son astre dans le ciel se lève, et te conduit.
Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline?
Par la main de l’Amour c’est un phare allumé;
Là, comme un lis penché, l’amante qui s’incline
Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé!
La vierge, dans le songe où son âme s’égare,
Soulève un oeil d’azur qui réfléchit les cieux,
Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare
Jettent aux vents du soir des sons mystérieux!
” Viens ! l’amoureux silence occupe au loin l’espace;
Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur!
C’est l’heure; à peine au loin la voile qui s’efface
Blanchit en ramenant le paisible pêcheur!
” Depuis l’heure où ta barque a fui loin de la rive,
J’ai suivi tout le jour ta voile sur les mers,
Ainsi que de son nid la colombe craintive
Suit l’aile du ramier qui blanchit dans les airs!
” Tandis qu’elle glissait sous l’ombre du rivage,
J’ai reconnu ta voix dans la voix des échos;
Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.
” Quand la vague a grondé sur la côte écumante,
À l’étoile des mers j’ai murmuré ton nom,
J’ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante
L’amoureuse prière a fait fuir l’aquilonl
” Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime :
La vague en ondulant vient dormir sur le bord;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s’endort.
” Voisl la mousse a pour nous tapissé la vallée,
Le pampre s’y recourbe en replis tortueux,
Et l’haleine de l’onde, à l’oranger mêlée,
De ses fleurs qu’elle effeuille embaume mes cheveux.
” A la molle clarté de la voûte sereine
Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin,
Jusqu’à l’heure où la lune, en glissant vers Misène,
Se perd en pâlissant dans les feux du matin. “
Elle chante; et sa voix par intervalle expire,
Et, des accords du luth plus faiblement frappés,
Les échos assoupis ne livrent au zéphire
Que des soupirs mourants, de silence coupésl
Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme,
A cette heure d’amour, sous cet astre enchanté,
Sentirait tout à coup le rêve de son âme
S’animer sous les traits d’une chaste beauté;
Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore,
Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs,
Assis à ses genoux, de l’une à l’autre aurore,
N’aurait pour lui parler que l’accent des soupirs;
Celui qui, respirant son haleine adorée,
Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents,
Caresser en passant sa paupière effleurée,
Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants;
Celui qui, suspendant les heures fugitives,
Fixant avec l’amour son âme en ce beau lieu,
Oublierait que le temps coule encor sur ces rives,
Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu?…
Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées,
Sur ces bords où l’amour eût caché son Eden,
Au murmure plaintif des vagues apaisées,
Aux rayons endormis de l’astre élysien,
Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde,
Sur ces rives que l’oeil se plaît à parcourir,
Nous avons respiré cet air d’un autre monde,
Elyse!,.. et cependant on dit qu’il faut mourir !
Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques


Poème classé dans Alphonse de Lamartine, Lieux, Mer.
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Poèmes  villes et campagnes Empty La liberté, ou une nuit à Rome

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:23




Comme l’astre adouci de l’antique Elysée,
Sur les murs dentelés du sacré Colysée,
L’astre des nuits, perçant des nuages épars,
Laisse dormir en paix ses longs et doux regards,
Le rayon qui blanchit ses vastes flancs de pierre,
En glissant à travers les pans fIottants du lierre,
Dessine dans l’enceinte un lumineux sentier ;
On dirait le tombeau d’un peuple tout entier,
Où la mémoire, errante après des jours sans nombre,
Dans la nuit du passé viendrait chercher une ombre,
Ici, de voûte en voûte élevé dans les cieux,
Le monument debout défie encor les yeux ;
Le regard égaré dans ce dédale oblique,
De degrés en degrés, de portique en portique,
Parcourt en serpentant ce lugubre désert,
Fuit, monte, redescend, se retrouve et se perd.
Là, comme un front penché sous le poids des années,
La ruine, abaissant ses voûtes inclinées,
Tout à coup se déchire en immenses lambeaux,
Pend comme un noir rocher sur l’abîme des eaux ;
Ou des vastes hauteurs de son faîte superbe
Descendant par degrés jusqu’au niveau de l’herbe,
Comme un coteau qui meurt sous les fleurs du vallon,
Vient mourir à nos pieds sur des lits de gazon.
Sur les flancs décharnés de ces sombres collines,
Des forêts dans les airs ont jeté leurs racines :
Là, le lierre jaloux de l’immortalité,
Triomphe en possédant ce que l’homme a quitté ;
Et pareil à l’oubli, sur ces murs qu’il enlace,
Monte de siècle en siècle aux sommets qu’il efface.
Le buis, l’if immobile, et l’arbre des tombeaux,
Dressent en frissonnant leurs funèbres rameaux,
Et l’humble giroflée, aux lambris suspendue,
Attachant ses pieds d’or dans la pierre fendue,
Et balançant dans l’air ses longs rameaux flétris,
Comme un doux souvenir fleurit sur des débris.
Aux sommets escarpés du fronton solitaire,
L’aigle à la frise étroite a suspendu son aire :
Au bruit sourd de mes pas, qui troublent son repos,
Il jette un cri d’effroi, grossi par mille échos,
S’élance dans le ciel, en redescend, s’arrête,
Et d’un vol menaçant plane autour de ma tête.
Du creux des monuments, de l’ombre des arceaux,
Sortent en gémissant de sinistres oiseaux :
Ouvrant en vain dans l’ombre une ardente prunelle,
L’aveugle amant des nuits bat les murs de son aile ;
La colombe, inquiète à mes pas indiscrets,
Descend, vole et s’abat de cyprès en cyprès,
Et sur les bords brisés de quelque urne isolée,
Se pose en soupirant comme une âme exilée.
Les vents, en s’engouffrant sous ces vastes débris,
En tirent des soupirs, des hurlements, des cris :
On dirait qu’on entend le torrent des années
Rouler sous ces arceaux ses vagues déchaînées,
Renversant, emportant, minant de jours en jours
Tout ce que les mortels ont bâti sur son cours.
Les nuages flottants dans un ciel clair et sombre,
En passant sur l’enceinte y font courir leur ombre,
Et tantôt, nous cachant le rayon qui nous luit,
Couvrent le monument d’une profonde nuit,
Tantôt, se déchirant sous un souffle rapide,
Laissent sur le gazon tomber un jour livide,
Qui, semblable à l’éclair, montre à l’oeil ébloui
Ce fantôme debout du siècle évanoui ;
Dessine en serpentant ses formes mutilées,
Les cintres verdoyants des arches écroulées,
Ses larges fondements sous nos pas entrouverts,
Et l’éternelle croix qui, surmontant le faîte,
Incline comme un mât battu par la tempête.
Rome ! te voilà donc ! Ô mère des Césars !
J’aime à fouler aux pieds tes monuments épars ;
J’aime à sentir le temps, plus fort que ta mémoire,
Effacer pas à pas les traces de ta gloire !
L’homme serait-il donc de ses oeuvres jaloux ?
Nos monuments sont-ils plus immortels que nous ?
Egaux devant le temps, non, ta ruine immense
Nous console du moins de notre décadence.
J’aime, j’aime à venir rêver sur ce tombeau,
A l’heure où de la nuit le lugubre flambeau
Comme l’oeil du passé, flottant sur des ruines,
D’un pâle demi-deuil revêt tes sept collines,
Et, d’un ciel toujours jeune éclaircissant l’azur,
Fait briller les torrents sur les flancs de Tibur.
Ma harpe, qu’en passant l’oiseau des nuits effleure,
Sur tes propres débris te rappelle et te pleure,
Et jette aux flots du Tibre un cri de liberté,
Hélas ! par l’écho même à peine répété.
” Liberté ! nom sacré, profané par cet âge,
J’ai toujours dans mon coeur adoré ton image,
Telle qu’aux jours d’Emile et de Léonidas,
T’adorèrent jadis le Tibre et l’Eurotas ;
Quand tes fils se levant contre la tyrannie,
Tu teignais leurs drapeaux du sang de Virginie,
Ou qu’à tes saintes lois glorieux d’obéir,
Tes trois cents immortels s’embrassaient pour mourir ;
Telle enfin que d’Uri prenant ton vol sublime,
Comme un rapide éclair qui court de cime en cime,
Des rives du Léman aux rochers d’Appenzell,
Volant avec la mort sur la flèche de Tell,
Tu rassembles tes fils errants sur les montagnes,
Et, semblable au torrent qui fond sur leurs campagnes
Tu purges à jamais d’un peuple d’oppresseurs
Ces champs où tu fondas ton règne sur les moeurs !
” Alors !… mais aujourd’hui, pardonne à mon silence ;
Quand ton nom, profané par l’infâme licence,
Du Tage à l’Éridan épouvantant les rois,
Fait crouler dans le sang les trônes et les Iris ;
Détournant leurs regards de ce culte adultère,
Tes purs adorateurs, étrangers sur la terre,
Voyant dans ces excès ton saint nom se flétrir,
Ne le prononcent plus… de peur de l’avilir.
Il fallait t’invoquer, quand un tyran superbe
Sous ses pieds teints de sang nous fouler comme l’herbe,
En pressant sur son coeur le poignard de Caton.
Alors il était beau de confesser ton nom :
La palme des martyrs couronnait tes victimes,
Et jusqu’à leurs soupirs, tout leur était des crimes.
L’univers cependant, prosterné devant lui,
Adorait, ou tremblait !… L’univers, aujourd’hui,
Au bruit des fers brisés en sursaut se réveille.
Mais, qu’entends-je ? et quels cris ont frappé mon oreille ?
Esclaves et tyrans, opprimés, oppresseurs,
Quand tes droits ont vaincu, s’offrent pour tes vengeurs ;
Insultant sans péril la tyrannie absente,
Ils poursuivent partout son ombre renaissante ;
Et, de la vérité couvrant la faible voix,
Quand le peuple est tyran, ils insultent aux rois.
Tu règnes cependant sur un siècle qui t’aime,
Liberté ; tu n’as rien à craindre que toi-même.
Sur la pente rapide où roule en paix ton char,
Je vois mille Brutus… mais où donc est César ?
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