Poèmes Toi
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Poèmes Toi
Rappel du premier message :
Ta forme est un éclair
qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l’instant que
l’on ne peut saisir…
Tu
fuis, lorsque l’appel de mes lèvres
avides
T’implore, ô
mon Désir !
Plus froide
que l’Espoir, ta caresse est cruelle
Passe comme
un parfum et meurt
comme un reflet.
Ah !
l’éternelle
faim et soif éternelle
Et l’éternel regret
!
Tu frôles
sans étreindre, ainsi
que la Chimère
Vers qu tendent toujours les vœux
inapaisés…
Rien ne vaut ce
tourment ni cette
extase amère
De
tes rares baisers !
[ Ta
forme est un éclair qui laisse les bras vides ]
Poèmes de Renée Vivien
Ta forme est un éclair
qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l’instant que
l’on ne peut saisir…
Tu
fuis, lorsque l’appel de mes lèvres
avides
T’implore, ô
mon Désir !
Plus froide
que l’Espoir, ta caresse est cruelle
Passe comme
un parfum et meurt
comme un reflet.
Ah !
l’éternelle
faim et soif éternelle
Et l’éternel regret
!
Tu frôles
sans étreindre, ainsi
que la Chimère
Vers qu tendent toujours les vœux
inapaisés…
Rien ne vaut ce
tourment ni cette
extase amère
De
tes rares baisers !
[ Ta
forme est un éclair qui laisse les bras vides ]
Poèmes de Renée Vivien
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Shelley
Percy Bysshe Shelley
To a Skylark
Percy Bysshe Shelley
To a Skylark
To a Skylark
Percy Bysshe Shelley
To a Skylark
Hail to thee, blithe Spirit! Bird thou never wert, That from Heaven, or near it, Pourest thy full heart In profuse strains of unpremeditated art. Higher still and higher From the earth thou springest Like a cloud of fire; The blue deep thou wingest, And singing still dost soar, and soaring ever singest. In the golden lightning Of the sunken sun O'er which clouds are bright'ning, Thou dost float and run, Like an unbodied joy whose race is just begun. The pale purple even Melts around thy flight; Like a star of Heaven In the broad daylight Thou art unseen, but yet I hear thy shrill delight: Keen as are the arrows Of that silver sphere, Whose intense lamp narrows In the white dawn clear Until we hardly see -- we feel that it is there. All the earth and air With thy voice is loud. As, when night is bare, From one lonely cloud The moon rains out her beams, and heaven is overflowed. What thou art we know not; What is most like thee? From rainbow clouds there flow not Drops so bright to see As from thy presence showers a rain of melody. Like a poet hidden In the light of thought, Singing hymns unbidden, Till the world is wrought To sympathy with hopes and fears it heeded not: Like a high-born maiden In a palace tower, Soothing her love-laden Soul in secret hour With music sweet as love, which overflows her bower: Like a glow-worm golden In a dell of dew, Scattering unbeholden Its aerial hue Among the flowers and grass, which screen it from the view: Like a rose embowered In its own green leaves, By warm winds deflowered, Till the scent it gives Makes faint with too much sweet these heavy-winged thieves. | A une Alouette Salut à toi, Esprit joyeux! Car oiseau jamais tu ne fus Qui dans le ciel, et presqu'aux Cieux Epanche en longs accents profus Un coeur empli de sons qu'aucun art n'a conçus. De la terre où tu prends essor, Nuage de feu jaillissant, Tu t'élèves plus haut encore Loin au-dessus de l'océan Ne cessant l'ascension, ta chanson ne cessant. Dans le soleil crépusculaire Et l'or de son évanescence Où les nuées se font plus claires Tu sembles flotter, puis t'élances Comme une joie sans corps dont la course commence. Même pâleur et cramoisi S'effacent quand tu les pourfends; Comme une étoile en plein midi, Nul ne te voit au firmament, Pourtant j'entends le cri de ton enchantement; Ardent comme là-haut la sphère Aux si vives flèches d'argent, Mais dont s'estompe la lumière Dans la clarté du matin blanc Jusqu'à n'être vue guère, que l'on sent là pourtant. Partout sur terre et dans les airs Ta puissante voix retentit Comme quand la lune à travers Le seul nuage de la nuit Inonde tout le ciel de lumineuse pluie. Ce que tu es nous ignorons; Qu'est-ce qui le mieux te décrit? Car les gouttes d'arc-en-ciel n'ont Des nues jamais resplendi Comme tombe l'averse de ta mélodie. Ainsi le poète oublié Dans sa lumière intérieure, Chantant, sans en être prié, L'hymne à ses espoirs et ses peurs Aux hommes ébahis d'y découvrir les leurs; Ainsi la noble damoiselle Au palais, dans sa haute tour, Qui des musiques les plus belles Berce son coeur épris d'amour Sans savoir qu'elle charme aussi toute la cour; Ainsi le ver luisant doré Dont la couleur seule est perçue Au fond d'un vallon de rosée, Parsemant ce halo diffus Parmi l'herbe et les fleurs où lui est hors de vue; Ainsi le rosier habillé Du feuillage vert de ses fleurs Que le vent brûlant vient piller Mais dont l'odorante douceur Fera s'évanouir l'aérien détrousseur. L'averse vernale et son bruit Sur les herbes qui étincellent, Les fleurs éveillées par la pluie, Joies pures et vives, certes, mais elles Ne surpassent jamais ta musique éternelle. Apprends-nous donc, sylphe ou oiseau, Les doux pensers qui sont les tiens; Je n'ai jamais entendu mots D'éloge à l'amour ou au vin Déclamés en un flot de bonheur si divin. Chants de triomphe et choeurs nuptiaux, Si à ta voix on les compare, Nous paraissent creux, sonnent faux Et ne sont que vaines fanfares Auxquelles font défaut les choses les plus rares. Quelle est la source, quel est l'objet De cette chantante fontaine? Des bois? Des vagues? De hauts sommets? Des formes de ciel ou de plaine? L'amour de ton espèce? Le mépris de la peine? Car dans ton pur ravissement La langueur ne trouve point place; Et l'ombre du désagrément Jamais même ne te menace; Tu aimes, mais de l'amour ignores ce qui lasse. En éveil, ou lorsque tu dors, N'est-ce pas qu'en toi s'illumine Plus de vérité sur la mort Que les mortels n'en imaginent, Pour que coulent de toi notes si cristallines? Nous voulons demain et hier, Après eux soupirons sans cesse; Dans nos rires les plus sincères, Il est toujours quelque détresse; Et nos chants sont plus beaux qui parlent de tristesse. Pourtant si nous avions pouvoir D'oublier peur, orgueil et haine, Si nous étions nés pour avoir De la vie ni larmes ni peine, Comme ta joie dès lors nous paraîtrait lointaine. Ton art, mieux que tous les ténors Qui touchent l'âme profonde, Ton art, mieux que tous les trésors Dont tant de grands livres abondent, Servirait le poète, ô oublieux du monde! Apprends-moi un peu du plaisir Connu d'un coeur toujours content, Pareil harmonieux délire Coulerait alors dans mon chant; Le monde m'entendrait, comme moi je t'entends! Trad. Jean-Luc Wronski |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Wislawa Szymborska
TOUT HASARD Cela a pu arriver. Cela a dû arriver. Cela est arrivé plus tôt. Plus tard. Plus près. Plus loin. Pas à toi. Tu as survécu, car tu étais le premier. Tu as survécu, car tu étais le dernier. Car tu étais seul. Car il y avait des gens. Car c'était à gauche. Car c'était à droite. Car tombait la pluie. Car tombait l'ombre. Car le temps était ensoleillé. Par bonheur il y avait une forêt. Par bonheur il n'y avait pas d'arbres. Par bonheur un rail, un crochet, une poutre, un frein, un chambranle, un tournant, un millimètre, une seconde. Par bonheur le rasoir flottait sur l'eau. Parce que, car, pourtant, malgré. Que se serait-il passé si la main, le pied, à un pas, un cheveu du concours de circonstances. Tu es encore là? Sorti d'un instant encore entrouvert? Le filet n'avait qu'une maille et toi tu es passé au travers? Je ne puis assez m'étonner, me taire. Ecoute comme ton coeur me bat vite. Wislawa Szymborska (traduction Christophe Jezewski) | ||
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le Cantique des Cantiques
Tu es belle, mon amie, comme Tirça, charmante comme Jérusalem, redoutable comme des bataillons. Détourne de moi tes regards, car ils m'assaillent... | Tes cheveux sont un troupeau de chèvres, ondulant sur les pentes du mont Galaad. Tes dents sont un troupeau de brebis, qui remontent du bain. | Les jeunes femmes l'ont vue et glorifiée, reines et concubines l'ont célébrée : Qui est celle-ci qui surgit comme l'aurore, |
Tes joues sont des moitiés de grenade derrière ton voile. Il y a soixante reines et quatre-vingts concubines ! (et des jeunes filles ; sans nombre ! ) Unique est ma colombe, ma parfaite. Elle est l'unique de sa mère, la préférée de celle qui l'enfanta. | belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme des bataillons ? Au jardin des oliviers je suis descendu, pour voir les jeunes pousses de la vallée, pour voir si la vigne bourgeonne, si les grenadiers fleurissent. Je ne sais, mais mon désir m'a jeté sur les chars d'Amminadîb ! |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le bonheur:Charles-Louis de MALFILATRE
- Charles-Louis de MALFILATRE
(1732-1767)
Le bonheur
Ode
Dans mon sein, vérité suprême,
Descends du ciel
pour m'éclairer.
Je veux me connaître moi-même ;
Il est honteux de
s'ignorer.
Du coeur humain perçons l'abîme ;
C'est de cette étude
sublime
Que l'homme s'occupe le moins.
Dans ce coeur porte la lumière
:
Montre-moi la cause première
Et le vrai but de tous ses
soins.
Le bonheur est la fin unique,
Où tendent les voeux des humains
;
C'est lui que notre esprit s'applique
À chercher par divers chemins.
Sans en comprendre la nature,
Chacun le place à l'aventure
Dans
l'objet dont il est flatté ;
L'ambitieux le nomme gloire ;
Le guerrier
l'appelle victoire,
Et le libertin volupté.
De son nom la beauté nous
frappe ;
On aime à s'en entretenir ;
Mais son essence nous échappe,
Quand nous voulons le définir.
Une idée obscure et confuse
N'en
laisse, à l'esprit qu'elle abuse,
Entrevoir que quelques éclairs
Tel
oeil à travers un nuage
Du soleil caché voit l'image
Qui se joue encor
dans les airs.
Ah ! si loin des bords de ce globe,
Tu n'as pas fui
sous d'autres cieux,
Bonheur ! quel séjour te dérobe
Si longtemps à nos
tristes yeux ?
Ces dieux qui portent la couronne,
Et que la mollesse
environne,
T'enferment-ils dans leur trésor ?
Est-ce ta lumière
immortelle
Qui dans l'escarboucle étincelle,
Ou qui nous éblouit dans
l'or ?
De tous les faux biens l'homme avide
En vain recherche le
secours ;
Ils n'ont jamais rempli le vide
Que dans lui-même il sent
toujours :
(Des fleuves, au sein d'Amphitrite
Ainsi l'onde se
précipite,
Sans en remplir la profondeur),
Et l'aliment qu'il donne
encore
Au feu secret qui le dévore
Ne fait qu'en ranimer
l'ardeur.
De la félicité parfaite,
Sainte compagne, aimable paix,
Mon âme toujours inquiète
T'appelle et ne te sent jamais ;
A l'ardeur
le dégoût succède :
D'un bien, avant qu'on le possède,
La vaine apparence
éblouit :
Jouit-on ? Ô retour funeste !
Le charme fuit, le désir reste,
Et le bonheur s'évanouit.
Eh, quoi ! par la vertu que j'aime,
Ne
suis-je donc pas satisfait ?
Non : ici-bas la vertu même
N'offre qu'un
bonheur imparfait.
Je sais qu'aux coups du sort volage,
Le juste oppose
un vrai courage
Que nul revers ne peut troubler ;
Que la nature se
confonde,
Par les débris fumants du monde
Il sera frappé sans
trembler.
Mais sa vertu, qui, toujours ferme,
Le soutient dans
l'adversité,
N'est que la route et non le terme
De la pure
félicité
Grâce à toi, vertu secourable,
Il perd d'un front inaltérable
Des biens indignes de ses voeux :
Ce n'est qu'au vrai bien qu'il aspire ;
C'est pour le vrai bien qu'il soupire,
Et, s'il soupire, est-il heureux
?
Ô toi, que je voulais connaître,
Vérité ! tu m'apprends enfin
Que
l'unique auteur de notre être
En est encor l'unique fin.
Ô lieu d'exil !
bords de l'Euphrate !
Mon Dieu ! de cette terre ingrate,
Quand
daignerez-vous m'enlever ?
Quand goûterai-je, ô mon vrai père !
Ce repos
que mon coeur espère,
Et qu'en vous seul il peut trouver
?
ALLUSION
J'ai connu ce séjour de larmes,
Et j'ai dit : au
sein du Seigneur
On trouve l'oubli des alarmes
Et le centre du vrai
bonheur...
Enfants de la haine céleste,
Nous puisons un venin
funeste
Dans ce séjour d'iniquité :
De la grâce, fille chérie,
Votre
coeur fut seul, ô Marie !
Le centre de la pureté.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Abat-jour : Paul Géraldy
|
Abat-jour |
Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ? C'est que voici le grand moment, l'heure des yeux et du sourire, le soir, et que ce soir je t'aime infiniment ! Serre-moi contre toi. J'ai besoin de caresses. Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir, d'ambition, d'orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté !... Mais non, tu ne peux pas savoir !... Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux. C'est dans l'ombre que les coeurs causent, et l'on voit beaucoup mieux les yeux quand on voit un peu moins les choses. Ce soir je t'aime trop pour te parler d'amour. Serre-moi contre ta poitrine! Je voudrais que ce soit mon tour d'être celui que l'on câline... Baisse encore un peu l'abat-jour. Là. Ne parlons plus. Soyons sages. Et ne bougeons pas. C'est si bon tes mains tièdes sur mon visage!... Mais qu'est-ce encor ? Que nous veut-on ? Ah! c'est le café qu'on apporte ! Eh bien, posez ça là, voyons ! Faites vite!... Et fermez la porte ! Qu'est-ce que je te disais donc ? Nous prenons ce café... maintenant ? Tu préfères ? C'est vrai : toi, tu l'aimes très chaud. Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire. Il est fort, aujourd'hui. Du sucre? Un seul morceau? C'est assez? Veux-tu que je goûte? Là! Voici votre tasse, amour... Mais qu'il fait sombre. On n'y voit goutte. Lève donc un peu l'abat-jour. | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
Passé:Paul Géraldy
Passé
Tu avais jadis, lorsque je t'ai prise, il y a trois ans, des timidités, des pudeurs exquises. Je te les ai désapprises. Je les regrette à présent. A présent, tu viens, tu te déshabilles, tu noues tes cheveux, tu me tends ton corps... Tu n'étais pas si prompte alors. Je t'appelais : ma jeune fille. Tu t'approchais craintivement. Tu avais peur de la lumière. Dans nos plus grands embrassements, je ne t'avais pas tout entière... Je t'en voulais. J'étais avide, ce pauvre baiser trop candide, de le sentir répondre au mien. Je te disais, tu t'en souviens : « Vous ne seriez pas si timide si vous m'aimiez tout à fait bien !... » Et maintenant je la regrette cette enfant au front sérieux, qui pour être un peu plus secrète mettait son bras nu sur ses yeux. | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
Absence :Paul Géraldy
Absence
Ce n'est pas dans le moment où tu pars que tu me quittes. Laisse-moi, va, ma petite, il est tard, sauve-toi vite! Plus encor que tes visites j'aime leurs prolongements. Tu m'es plus présente, absente. Tu me parles. Je te vois. Moins proche, plus attachante, moins vivante, plus touchante, tu me hantes, tu m'enchantes! Je n'ai plus besoin de toi. Mais déjà pâle, irréelle, trouble, hésitante, infidèle, tu te dissous dans le temps. Insaisissable, rebelle, tu m'échappes, je t'appelle. Tu me manques, je t'attends! | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
Philippe Jaccottet
]Sois tranquille, cela viendra !
Tu te rapproches, tu brûles !
Car le mot qui sera à la fin du poème,
plus que le premier sera proche
de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin.
Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches
ou reprendre souffle pendant que tu écris.
Même quand tu bois à la bouche qui étanche
la pire soif, la douce bouche avec ses cris
doux, même quand tu serres avec force le noeud
de vos quatre bras pour être bien immobiles
dans la brûlante obscurité de vos cheveux,
elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,
elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.
(L'Effraie, éditions Gallimard)
Tu te rapproches, tu brûles !
Car le mot qui sera à la fin du poème,
plus que le premier sera proche
de ta mort, qui ne s'arrête pas en chemin.
Ne crois pas qu'elle aille s'endormir sous des branches
ou reprendre souffle pendant que tu écris.
Même quand tu bois à la bouche qui étanche
la pire soif, la douce bouche avec ses cris
doux, même quand tu serres avec force le noeud
de vos quatre bras pour être bien immobiles
dans la brûlante obscurité de vos cheveux,
elle vient, Dieu sait par quels détours, vers vous deux,
de très loin ou déjà tout près, mais sois tranquille,
elle vient : d'un à l'autre mot tu es plus vieux.
(L'Effraie, éditions Gallimard)
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
L'ignorant
L'ignorant
Plus je vieillis et plus je croîs
en ignorance,
plus j'ai vécu, moins je possède et
moins je règne.
Tout ce que j'ai, c'est un espace
tour à tour
enneigé ou brillant, mais jamais habité.
Où est le donateur, le guide, le gardien ?
Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais
(le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre),
et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent :
que reste-t-il ? que reste-t-il à ce mourant
qui l'empêche si bien de mourir ?
Quelle force
le fait encor parler entre ses quatre murs ?
Pourrais-je le savoir, moi l'ignare et l'inquiet ?
Mais je l'entends vraiment qui parle, et sa parole
pénètre avec le jour, encore que bien vague :
« Comme le feu, l'amour n'établit sa clarté
que sur la faute et la beauté des
bois en cendres... »
(L'ignorant, Editions Gallimard,
1957)
Plus je vieillis et plus je croîs
en ignorance,
plus j'ai vécu, moins je possède et
moins je règne.
Tout ce que j'ai, c'est un espace
tour à tour
enneigé ou brillant, mais jamais habité.
Où est le donateur, le guide, le gardien ?
Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais
(le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre),
et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent :
que reste-t-il ? que reste-t-il à ce mourant
qui l'empêche si bien de mourir ?
Quelle force
le fait encor parler entre ses quatre murs ?
Pourrais-je le savoir, moi l'ignare et l'inquiet ?
Mais je l'entends vraiment qui parle, et sa parole
pénètre avec le jour, encore que bien vague :
« Comme le feu, l'amour n'établit sa clarté
que sur la faute et la beauté des
bois en cendres... »
(L'ignorant, Editions Gallimard,
1957)
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Henri-Frédéric AMIEL:Petite perle cristalline
- Henri-Frédéric AMIEL (1821-1881)
Petite perle cristalline
" Petite perle cristalline
Tremblante fille du matin,
Au bout de la feuille de thym
Que fais-tu sur la colline ?
Avant la fleur, avant l'oiseau,
Avant le réveil de l'aurore,
Quand le vallon sommeille encore
Que fais-tu là sur le coteau ?
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Jules VERNE:Ô toi, que mon amour profond...
- Jules VERNE (1828-1905)
A Herminie.
Ô toi, que mon amour profond et sans mélange
Formé de ton image et de ton souvenir,
Avait su distinguer en l'auguste phalange
Des jeunes beautés dont nous faisons notre ange
Pour nous guider dans l'avenir,
Toi que tout rappelait à mon âme inquiète,
Et dont l'âme sans cesse assise auprès de moi,
Me dérobait du temps, qu'à présent je regrette,
Le cours lent à mes voeux, quand la bouche muette,
Je ne pouvais penser qu'à toi,
Qu'as-tu fait - loin de moi, tu fuis, et ton sourire
Vers moi se tourne encor, adorable et moqueur,
Tu sais ce que toujours, tout-puissant, il m'inspire,
Tu l'adresses, hélas ! il me paraît me dire :
Je te quitte de gaîté de coeur !
Tu me railles, méchante, ah ! de ta moquerie,
Si tu voyais combien l'aiguillon me fait mal,
Ce qu'à l'âme, il me met de douleur, de furie !
D'amour ! tu cesserais ta vile fourberie !...
Mais non ! - cela t'est bien égal !
C'est trop te demander - pars, fuis où bon te semble ;
Ailleurs, va-t'en verser la joie et le plaisir ;
Cherche un autre amant ; Dieu fasse qu'il me ressemble !...
Nous pouvions dans l'amour vivre longtemps ensemble...
Seul, dans l'ennui, je vais mourir !
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Charles NODIER:La Napoléone
- Charles NODIER (1780-1844)
La Napoléone
Que le vulgaire s'humilie
Sur les parvis dorés du palais de Sylla,
Au-devant du char de Tullie,
Sous le sceptre de Claude et de Caligula !
Ils régnèrent en dieux sur la foule tremblante :
Leur domination sanglante
Accabla le monde avili ;
Mais les siècles vengeurs ont maudit leur mémoire,
Et ce n'est qu'en léguant des forfaits à l'histoire
Que leur règne échappe à l'oubli.
Vendue au tyran qui l'opprime,
Qu'une tourbe docile implore le mépris !
Exempt de la faveur du crime,
Je marche sans contrainte, et n'attends point de prix.
On ne me verra point mendier l'esclavage,
Et payer d'un coupable hommage,
Une lâche célébrité.
Quand le peuple gémit sous sa chaîne nouvelle,
Je m'indigne du joug, et mon âme fidèle
Respire encor la liberté !
Il vient cet étranger perfide,
Insolemment s'asseoir au-dessus de nos lois,
Lâche héritier du parricide,
Il dispute aux bourreaux la dépouille des rois.
Sycophante vomi des murs d'Alexandrie
Pour l'opprobre de la patrie
Et pour le deuil de l'univers,
Nos vaisseaux et nos ports accueillent le transfuge :
De la France abusée il reçoit un refuge ;
Et la France en reçoit des fers.
Il est donc vrai ! ta folle audace,
Du trône de ton maître ose tenter l'accès !
Tu règnes : le héros s'efface ;
La liberté se voile et pleure tes succès.
D'un projet trop altier ton âme s'est bercée ;
Descends de ta pompe insensée ;
Retourne parmi tes guerriers.
À force de grandeur crois-tu pouvoir t'absoudre ?
Crois-tu mettre ta tête à l'abri de la foudre
En te cachant sous des lauriers ?
Quand ton ambitieux délire
Imprimait tant de honte à nos fronts abattus,
Dans l'ivresse de ton empire,
Rêvais-tu quelquefois le poignard de Brutus ?
Voyais-tu s'élever l'heure de la vengeance,
Qui vient dissiper ta puissance
Et les prestiges de ton sort ?
La roche tarpéienne est près du Capitole.
L'abîme est près du trône, et la palme d'Arcole
S'unit au cyprès de la mort.
En vain la crainte et la bassesse
D'un immense avenir ont flatté ton orgueil.
Le tyran meurt, le charme cesse ;
La Vérité s'arrête au pied de son cercueil.
Debout dans l'avenir, la Justice t'appelle ;
Ta vie apparaît devant elle,
Veuve de ses illusions.
Les cris des opprimés tonnent sur ta poussière,
Et ton nom est voué par la nature entière
À la haine des nations.
En vain au char de la victoire
D'un bras triomphateur tu fixas le destin ;
Le temps s'envole avec ta gloire,
Et dévore en fuyant ton règne d'un matin ;
Hier j'ai vu le cèdre. Il est couché dans l'herbe.
Devant une idole superbe
Le monde est las d'être enchaîné.
Avant que tes égaux deviennent tes esclaves,
Il faut, Napoléon, que l'élite des braves
Monte à l'échafaud de Sidney.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Henri De Régnier
ÉPILOGUE
Une dernière fois reviens en mes pensées,
O jeunesse aux yeux clairs,
Et, dans mes mains encor, pose tes mains glacées.
Le soir parfume l'air.
Souviens-toi des matins où tous deux, côte à côte,
Notre ombre nous suivant,
Sur le sable fragile et parmi l'herbe haute
Nous allions dans le vent.
Ce que je veux de toi, ce n'est pas, ô jeunesse,
De me rendre les lieux
Où nous avons erré ensemble. Je te laisse
Tes courses et tes jeux.
Je ne veux point de toi ces rires dont tu charmes
Mon souvenir encor:
Je te laisse tes pas, tes détours et tes larmes,
Ton âge d'aube et d'or,
Ton âme tour à tour voluptueuse ou sombre
Et ton coeur incertain,
Et ce geste charmant dont tu joignais dans l'ombre
La couple de tes mains.
Ce que je veux de toi, c'est ta jeune colère
Qui te montait au front,
C'est le sang qui roulait en toi sa pourpre claire,
Lorsque d'un vain talon,
Tu frappais à durs coups, frénétique et penchée,
Le sol sec et ardent,
Comme pour qu'en jaillît quelque source cachée
Que tu savais dedans;
C'est cela que je veux de toi, car je veux boire
A pleine bouche, un jour,
L'eau souterraine encore à ta fontaine, ô gloire,
Quand ce sera mon tour!
Et, si le temps ingrat m'accorde pour salaire
L'opprobre meurtrier,
Je veux m'asseoir du moins à l'ombre que peut faire
La branche du laurier.
Une dernière fois reviens en mes pensées,
O jeunesse aux yeux clairs,
Et, dans mes mains encor, pose tes mains glacées.
Le soir parfume l'air.
Souviens-toi des matins où tous deux, côte à côte,
Notre ombre nous suivant,
Sur le sable fragile et parmi l'herbe haute
Nous allions dans le vent.
Ce que je veux de toi, ce n'est pas, ô jeunesse,
De me rendre les lieux
Où nous avons erré ensemble. Je te laisse
Tes courses et tes jeux.
Je ne veux point de toi ces rires dont tu charmes
Mon souvenir encor:
Je te laisse tes pas, tes détours et tes larmes,
Ton âge d'aube et d'or,
Ton âme tour à tour voluptueuse ou sombre
Et ton coeur incertain,
Et ce geste charmant dont tu joignais dans l'ombre
La couple de tes mains.
Ce que je veux de toi, c'est ta jeune colère
Qui te montait au front,
C'est le sang qui roulait en toi sa pourpre claire,
Lorsque d'un vain talon,
Tu frappais à durs coups, frénétique et penchée,
Le sol sec et ardent,
Comme pour qu'en jaillît quelque source cachée
Que tu savais dedans;
C'est cela que je veux de toi, car je veux boire
A pleine bouche, un jour,
L'eau souterraine encore à ta fontaine, ô gloire,
Quand ce sera mon tour!
Et, si le temps ingrat m'accorde pour salaire
L'opprobre meurtrier,
Je veux m'asseoir du moins à l'ombre que peut faire
La branche du laurier.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
André CHÉNIER: Pasiphaé
- André CHÉNIER (1762-1794)
Pasiphaé
Tu gémis sur l'Ida, mourante, échevelée,
Ô reine ! ô de Minos épouse désolée !
Heureuse si jamais, dans ses riches travaux,
Cérès n'eût pour le joug élevé des troupeaux !
Tu voles épier sous quelle yeuse obscure,
Tranquille, il ruminait son antique pâture ;
Quel lit de fleurs reçut ses membres nonchalants
Quelle onde a ranimé l'albâtre de ses flancs.
Ô nymphes, entourez, fermez, nymphes de Crète,
De ces vallons fermez, entourez la retraite.
Oh ! craignez que vers lui des vestiges épars
Ne viennent à guider ses pas et ses regards.
Insensée, à travers ronces, forêts, montagnes,
Elle court. Ô fureur ! dans les vertes campagnes,
Une belle génisse à son superbe amant
Adressait devant elle un doux mugissement.
La perfide mourra ; Jupiter la demande.
Elle-même à son front attache la guirlande,
L'entraine, et sur l'autel prenant le fer vengeur :
" Sois belle maintenant, et plais à mon vainqueur. "
Elle frappe. Et sa haine, à la flamme lustrale,
Rit de voir palpiter le coeur de sa rivale.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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