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Tragédie: Jean batiste Sauvé de la Noue

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Tragédie: Jean batiste Sauvé de la Noue - Page 2 Empty Tragédie: Jean batiste Sauvé de la Noue

Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:03

Rappel du premier message :

Mahomet Second. (1739)

Par Jean-Baptiste Sauvé De La Noue (1701-1760).

Tragédie.

ACTE I SCENE I

la scene est à Byzance.


le visir, Achmet.

Le Visir.
Enfin, selon mes voeux, guidé par sa captive,
ami, c' est en ce jour que Mahomet arrive.
D' un triomphe pompeux l' appareil imposant,
hors de ces murs encor le retient dans son camp.
Ministre sans éclat d' une odieuse fête,
il veut, qu' ici, par moi, son triomphe s' aprête.
Ah! Loin d' y préparer un trône à son orgueil,
cher Achmet, que ne puis-je y creuser son cercueil!

Que ne puis-je flétrir ses lauriers et sa gloire!
Mais il faut, à pas lents, marcher vers la victoire.
Du voile de la feinte entourons nos projets:
la prudence peut seule assurer leurs succès.

Achmet.
De quels succès encor se flatte votre haine?
Mahomet sçait gagner les peuples qu' il enchaîne.
Les bienfaits, dans ces lieux, annoncent son retour:
il y sema l' horreur, il recueille l' amour;
il saccagea Byzance en vainqueur implacable;
il revient y regner, en monarque équitable.
Il a parlé; les grecs ont vû tomber leurs fers;
de ses graces, sur eux, les trésors sont ouverts.
Vous l' avez vû cruel, vous voyez sa clémence:
imitez-le, visir, bannissez la vengeance.

Le Visir.
Ainsi donc un tyran dans ses brulans accès,
osera se livrer aux plus cruels excès;
entre les mains du crime il mettra son tonnerre;
de larmes, de douleurs il couvrira la terre;
et d' un regard plus doux s' il veut les honorer,
les vils mortels seront contraints de l' adorer?
Rien ne peut, de mon coeur, refermer la blessure.
Le cruel m' a forcé d' outrager la nature.
Ah! Souvenir affreux dont encor je frémis!
Ses ordres m' ont contraint à massacrer mon fils:
il voulut son trépas, injuste, ou légitime:
mais mon bras ne dut point immoler la victime.

Je frappai... c' en est fait; ami, laissons les pleurs,
soulagement obscur des vulgaires douleurs.
Mahomet, je le sçai, n' est point toûjours barbare;
de vices, de vertus, assemblage bizarre,
entraîné par l' essor où son coeur s' est livré,
il porte l' un ou l' autre au suprême degré.
Monstre de cruauté, prodige de clémence,
héros dans ses bienfaits, tyran dans sa vengeance,
à ses transports fougueux rien ne peut s' opposer;
et dans le seul excès, il sçait se reposer.
Je ne me flatte point; je le connois, ce maître
que ma haine menace, et qu' elle craint peut-être.
Tranquille maintenant, l' amour qui le séduit,
suspend son caractere, et ne l' a point détruit.
Mais plus pour la vertu son coeur a de constance,
et bientôt plus le crime obtiendra de puissance.
De moment en moment il peut se réveiller;
et tandis qu' il sommeille, il le faut accabler.
Dès long-tems mes complots préparent sa ruine.
J' ai banni de son camp l' austére discipline;
des chefs et des soldats j' ai corrompu les coeurs;
sur les plus factieux j' ai versé les faveurs;
à la fidélité réservant la disgrace,
mon adroite indulgence a carressé l' audace;
aux bruits semés par moi de ses lâches amours,
le murmure a passé dans leurs libres discours;
et saisissant enfin l' espoir que j' ai vû luire,
du murmure, au mépris, je les ai sçû conduire.
Valerie-M-kaya
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:13

Mahomet.
Oui, je la confondrai cette armée insolente,
qui réveille en mon coeur une valeur sanglante;
oui, je le leur rendrai ce sévere empereur:
ils me veulent cruel: qu' ils craignent ma fureur.
L' amour ne me rend point insensible à l' injure.
Mon bras va dans leur sang étouffer le murmure.
Et toi, sors, malheureux.

L' Aga.
Tu m' as promis la mort:
je vais la mériter par un dernier effort.
Dans les bras de l' amour je méconnois mon maître:
puissai-je à sa vengeance enfin le reconnoître!
Que fais-tu dans ces murs? Pourquoi laisser flétrir
ces palmes, ces lauriers, que tu voulois cueillir?
Byzance est sous tes loix: entre dans la carriere,
ouvre les bras, l' Europe y vole tout entiére;
son empire est à toi. Les imprudens chrétiens
s' empressent de briguer l' honneur de tes liens.
Sur le triste occident daigne jetter la vûe;
vois régner sur ses rois la discorde absoluë;
vois ses foibles tyrans détruire avec fureur
les remparts, qui pourroient arrêter ta valeur.
Chrétiens contre chrétiens, quel démon les anime!
Ardens à s' entraîner dans un commun abîme,
le vaincu, le vainqueur, l' un par l' autre pressé,
sous leurs coups mutuels y tombe renversé.
Aveuglés par la haine, aucun d' eux n' examine
qu' en perdant son rival, il hâte sa ruine;
que chaque combattant qu' il ose terrasser,
sont autant d' ennemis qu' il te faudroit percer,
et que de quelque part que panche la victoire,
tout est perte pour eux; tout conspire à ta gloire.
Du poids de ta puissance étouffe leurs discords;
enchaîne au même joug les foibles et les forts.
Tout autre bruit se tait, lorsque la foudre gronde,
tonne sur ces cruels, et rends la paix au monde.
Ce sont-là les projets nobles et glorieux
qui flattoient, mais en vain, nos coeurs ambitieux.
Ce sont-là les projets, qu' une funeste flâme
interrompt, ou plûtôt efface de ton ame.
Ainsi donc l' amour seul arma tes combattans!
Là, se terminent donc tant d' exploits éclatans!
Ainsi donc à travers le fer, le sang, la flâme,
tes voeux impatiens n' ont cherché qu' une femme!
il se jette aux genoux de Mahomet.
tu rougis! Ah! Rends-moi mon auguste empereur.
Que la gloire t' éveille; elle parle à ton coeur;
elle parle à ton coeur, cette gloire immortelle:
tu resistes en vain; ton coeur est fait pour elle.
Oui, malgré ton amour, malgré ses vains transports,
elle y jette, à mes yeux, la honte et les remords.
Vainement, à ses cris, ton ame se refuse:
tu l' entends, Mahomet, et ton trouble t' accuse.
Sous tes coups maintenant puissai-je être immolé,
j' ai le prix de ma mort; la gloire t' a parlé.

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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:13

Mahomet à part .

Je l' avouerai, malgré la fureur qui m' anime,
en déchirant mon coeur, il force mon estime.

à l' aga.

je te laisse le jour. Cesse de condamner
un amour dont la voix m' enseigne à pardonner.
Apprends, par cet effort, qu' il est une autre gloire
que celle que la guerre attache à la victoire.
Apprends que si l' amour n' étoit une vertu,
Mahomet, par l' amour, n' eût point été vaincu.
Toutefois, je le sens, ma bonté déja lasse,
s' épuise, en pardonnant à ta coupable audace.
Retourne dans mon camp; fais trembler mes soldats.
Qu' ils craignent de pousser plus loin leurs attentats!
Rien ne peut différer mon hymen qui s' apprête:
à leurs yeux, dès ce jour, j' en célébre la fête:
tout rebelle insolent tombera sous mes coups;
ou les traîtres, sur moi signalant leur courroux,
préviendront, par ma mort, l' arrêt que je prononce.
Ils me verront. Adieu; porte-leur ma réponse.
Valerie-M-kaya
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:14

ACTE III SCENE VI


L' Aga seul .
Il menace; il me fuit. Le trouble de son coeur
semble ici m' annoncer que mon zéle est vainqueur.
Achevons, s' il se peut; et soyons-lui fidelle.
Je n' en sçaurois douter; quelque puissant rebelle
du venin de discorde infecte le soldat.
Quel qu' il soit, détruisons le traître et l' attentat;
rendons l' armée au prince, et le prince à l' empire.










ACTE III SCENE VII

Le visir, l' aga.

Le Visir.
Arrête. Où t' a conduit le zéle qui t' inspire?
Tu quittes le sultan; qu' as-tu fait?

L' Aga.
Mon devoir.

Le Visir.
Pourquoi donc seul ici te cacher pour le voir?
Sçais-tu bien qu' indignés de ta lâche conduite,
nos chefs, à ton salut, n' ont laissé que la fuite?
Sçais-tu bien qu' accusé des plus noirs attentats,
l' armée, entre mes mains, a juré ton trépas?
On dit, vil délateur, qu' aux maux les plus sinistres,
tes conseils ont livré de fideles ministres:
on dit que de ses feux timide approbateur,
tu nourris, du sultan, la criminelle ardeur.
Si tes jours te sont chers, garde-toi de produire
cet ordre humiliant dont tu n' oses m' instruire.
Aux yeux de nos soldats crains de te présenter,
sans sçavoir nos projets, sans les exécuter.

L' Aga.
J' ignore vos projets; j' ignore quels ministres
mes discours ont livrés aux maux les plus sinistres;
j' ignore que l' armée en tes mains m' ait proscrit:
mais je n' ignore plus le traître qui l' aigrit.

Le Visir.
Et quel est-il?

L' Aga.
C' est toi.

Le Visir.
Pourquoi m' appeller traître!
Je soûtiens mieux que toi la gloire de mon maître.
Aux conseils de l' amour l' empêcher d' obéïr,
le rendre à sa grandeur, est-ce là le trahir?

L'Aga.
Quel es-tu, pour vouloir, dans le coeur de ton maître
forcer les passions à naître, à disparoître?
Quel es-tu, pour oser, de sa gloire, à ton gré,
déterminer l' objet, et marquer le degré?
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:14

Le Visir.
Quel je suis? Apprend donc, puisqu' il faut t' en
instruire,
qu' un visir est l' appui, le salut d' un empire,
l' oracle de l' état, l' instrument de la loi,
l' oeil, la voix, le génie, et le bras de son roi.
Cette part du pouvoir où l' on nous associe,
n' est plus au souverain, dès qu' il nous la confie:
et souvent au besoin ce seroit le trahir,
que même contre lui ne nous en pas servir.
Elle est entre nos mains, afin que la prudence,
à l' abri du respect, subjugue la puissance;
et nous devons enfin forcer les souverains
à vouloir leur bonheur, et celui des humains.

L' Aga.
Je ne suis qu' un soldat: et de mon ignorance,
un visir voudra bien me pardonner l' offence.
J' avois crû qu' un ministre appellé par son roi,
lui devoit plus qu' un autre et son zéle, et sa foi;
que plus il approchoit du sacré diadême,
plus sa soumission en devoit être extrême.
Et qu' un trait réfléchi du suprême pouvoir,
en effrayant son coeur, y fixoit le devoir.
J' ai crû que tout sujet, dont l' insolente audace,
à côté de son prince, osoit marquer la place,
n' étoit plus qu' un rebelle, un perfide, un ingrat,
la honte de son maître, et l' effroi d' un état.
J' ai crû que sans respect regarder la couronne,
c' étoit anéantir l' éclat qui l' environne.

Et qu' à quelque degré qu' on en puisse approcher;
c' étoit la profaner que d' oser y toucher.
Ah! Ne te couvre plus d' un zéle qui m' irrite.
J' entrevois les projets que ta fureur médite.
Trop sûr qu' à tes complots j' opposerois mon bras,
tu m' as rendu suspect aux yeux de nos soldats.
Tu crains que Mahomet, par mon soin magnanime,
ne renonce à l' hymen dont tu lui fais un crime.
Des armes qu' il te donne avant de le percer,
par les mains du soldat, tu veux me renverser.
Esclave révolté, songe à te mieux connoître.
Loin d' attenter sur lui, tremble aux pieds de ton maître.
Souviens-toi qu' un sultan, par le ciel couronné,
peut être condamnable, et non pas condamné.
Si sur toi, sur les tiens, tombe son injustice,
s' il entraîne l' état au bord du précipice,
s' il immole sa gloire à de lâches amours,
s' il ternit en un jour l' éclat de tant de jours,
pleure; mais obéïs: c' est-là ton seul partage.

Le Visir.
Cesse de me tenir ce timide langage.
Où régne l' injustice, il n' est plus de pouvoir;
où manque la puissance, il n' est plus de devoir.
Peux-tu donc me blâmer? L' époux d' une chrétienne
est digne de ta haine ainsi que de la mienne.
Je méconnois un roi, digne de mes mépris.
Qu' il soit ce qu' il doit être, et nous serons soumis.
Peux-tu voir, fier aga, les chrétiens dans Byzance
usurper sans obstacle une injuste puissance?
Veux-tu que Mahomet, achevant ses projets,
à leur infâme joug enchaîne ses sujets?
De tous les coins du monde Iréne les appelle:
tout seconde l' espoir dont leur coeur étincelle.
à l' ombre de son nom leur culte rétabli,
insulte insolemment aux decrets du muphty.
Bientôt, n' en doute point, leur troupe mutinée,
de l' empire ottoman changeant la destinée,
après avoir chassé Mahomet de ces lieux,
répandra dans l' Asie un feu séditieux.
Secourus du germain, aidés de Trébizonde,
c' en est fait, les chrétiens sont les maîtres du monde.
Tu chéris le sultan, tu prévois tous ces maux,
et tu peux t' endormir dans un lâche repos!
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:15

L' Aga.
Non, je ne puis souffrir que mon roi s' avilisse.
Borne-là tes desseins, et je suis ton complice.
Il oubliera bientôt de dangereux appas,
si nos pleurs, si nos cris arrachent de ses bras
l' orgueilleuse chrétienne à qui son coeur se livre:
à ces conditions je suis prêt à te suivre.
Si tu pousses plus loin tes odieux projets,
je te perce le coeur, et je m' immole après.







ACTE III SCENE VIII

Le Visir seul .
Va, je te conduirai plus loin que tu ne penses.
De la révolte, en lui, j' ai jetté les semences.
Achevons. Ou s' il ose encor me traverser,
le soldat veut son sang; je le laisse verser.







ACTE IV SCENE I

Mahomet, Tadil.

Tadil.
Seigneur, de vos transports calmez la violence,
ces regards, ces soûpirs, et ce profond silence,
d' une vive douleur témoignages certains...

Mahomet.
Ami, d' un trouble affreux mes esprits sont atteints.
Voile aimable, long-tems étendu sur ma vûe,
douce sécurité, qu' êtes-vous devenuë?
Cruel aga! Pourquoi desillois-tu mes yeux?
Pourquoi, dans les replis d' un coeur ambitieux,
avec des traits de flamme aiguillonnant la gloire,
à l' amour triomphant arracher la victoire?
Je crois l' entendre encor. Sa redoutable voix,
me frappe, me réveille, et m' accable à la fois.
En lisant mon devoir à sa clarté brillante,
j' abhore le flambeau que sa main me présente.
Tandis qu' il me parloit, l' amour le condamna;
le courroux l' immoloit, l' orgueil lui pardonna.
Content de fuïr, content d' essayer la menace,
je n' ai pû ni souffrir, ni punir son audace.

Tadil.
Ah! Reprenez, seigneur, des soins dignes de vous;
laissez gémir l' amour: son frivole courroux
a déja trop long-temps balancé la victoire.
Méprisez ses conseils; n' écoutez que la gloire;
achevez; triomphez d' un dangereux objet.
Et reprenez des soins dignes de Mahomet.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:15

Mahomet.
Tadil, à mon amour cesse de faire injure.
Loin d' en rougir, apprends qu' une flâme si pure,
à tous mes sentimens imprimant sa grandeur,
aux plus hautes vertus sçut élever mon coeur.
à peine je l' aimai, cet objet magnanime,
qu' un pouvoir inconnu me sépara du crime.
Pour lui plaire, abjurant de tyranniques loix,
de l' exacte équité j' interrogeai la voix:
le glaive du pouvoir dans ma main redoutable,
apprit à distinguer l' innocent du coupable.
Sur mon trône, long-temps théâtre de forfaits,
je plaçai la pitié, la clémence et la paix;
déja mon coeur changé, goûtoit sa récompense,
et mettoit sa grandeur dans la seule innocence.
Non, à tant de vertus je ne puis renoncer;
non, vainement la gloire ose ici m' en presser;
vainement à l' amour elle oppose ses charmes;
la cruelle se plaît dans le sang, dans les larmes;
le tumulte, l' horreur l' accompagnent toûjours;
et je puis être heureux sans son fatal secours.

Tadil.
Du vainqueur de Byzance est-ce là le langage?
Faut-il, de vos exploits vous retraçant l' image? ...

Mahomet.
Non, Tadil; de mon coeur tu connois la fierté.
Laisse, laisse gémir un amour révolté;
laisse dans ses éclats mourir sa violence.
L' ambition, sur moi, n' a que trop de puissance.
Crains que portant trop loin d' impétueux transports,
je ne prépare ici matiere à mes remords.
D' un triomphe commun je méprise la gloire;
et j' aime, par le sang, à payer la victoire.
L' horreur a pénétré mon coeur et mon esprit;
le dépit, destructeur, m' agite et me saisit.
L' amour, plus que jamais tyrannisant mon ame,
attise de ses feux la dévorante flamme;
mais il n' est plus mêlé de ses ravissemens,
de ses tendres langueurs, de ses doux mouvemens;
il jette dans mon coeur le desespoir, la rage;
il ne respire en moi que le sang, le carnage.

Mon ame abandonnée aux plus cruels transports,
pour sortir de son trouble, a soif de mille morts.
Ah! Si de mes soldats la révolte coupable
acheve d' enflammer mon courroux implacable...
juste ciel! Je frémis... témoin de mes fureurs,
non, jamais l' univers n' aura vû tant d' horreurs.
Le visir m' est suspect. Que la mort l' environne:
sa vie est criminelle, et je te l' abandonne.
Mon pouvoir absolu dépose le muphty,
qu' au même instant que l' autre, il soit anéanti.
Va, je mets en tes mains ma foudre, ma vengeance.
Laisse-moi seul.
Valerie-M-kaya
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:15

ACTE IV SCENE II

Mahomet seul.
Enfin j' évite ta présence,
Iréne; et l' ascendant d' un funeste devoir,
pour la premiere fois balance ton pouvoir.
Ah! Puisqu' il le balance, il le vaincra sans doute.
Si le triomphe est beau d' autant plus qu' il nous coûte,
quel plus noble laurier pourroit me couronner,
que celui qu' en ce jour je prétends moissonner?
Sors de mon coeur, amour; et fais place à la gloire:
tes murmures sont vains; je ne te veux plus croire.








ACTE IV SCENE III

Mahomet, Théodore.

Théodore.
Sultan, de tes bontés permets-nous de joüir.
Le bonheur de ma fille a trop sçû m' ébloüir.
Le péril qui la suit, le danger qui te presse,
rompent l' auguste noeud que formoit ta tendresse.
Libres par tes bienfaits, permets que sur mes pas,
Iréne aille cacher de funestes appas.
Son repos, ton honneur, sa sûreté, ta vie,
son pere, tout enfin ordonne qu' elle fuie.

Mahomet.
Tout l' ordonne, dis-tu? Mais l' ai-je commandé?
Par qui son sort doit-il être ici décidé?
Quel empire, quels droits te restent-ils sur elle?
Qui te les a rendus?

Théodore.
Ton armée infidelle.

Mahomet.
Mon armée! Ainsi donc tu m' oses apporter
l' ordre que mes soldats prétendent me dicter?
Sçais-tu que cette audace, en toi seul impunie,
à tout autre mortel auroit coûté la vie?

Tu n' es plus sous ces rois tremblans, subordonnés,
d' un peuple impérieux esclaves couronnés,
monarques dépendans, asservis sur le trône,
que sous le nom de loix l' impuissance environne,
phantômes du pouvoir, dont le bras impuissant,
courbe, au gré de l' audace, un sceptre obéïssant.
Ah! Si le despotisme a choisi quelque siége,
c' est celui que j' occupe, et qu' en vain on assiége:
et si dans son entier je ne l' avois reçû,
par moi seul, à son comble il seroit parvenu.
Capable d' immoler mon amour à ma gloire,
déja je méditois cette grande victoire:
j' osois défigurer dans mon coeur alarmé,
l' image d' un objet si tendrement aimé.
Mais n' attends plus de moi ce cruel sacrifice,
peuple ingrat: à tes yeux je veux qu' il s' accomplisse
cet hymen, dont en vain ton orgueil est blessé.
En faveur de l' amour l' honneur interessé,
m' offre l' appas flatteur d' une double victoire:
en couronnant mes feux, je conserve ma gloire.

Théodore.
Eh! Pourquoi refuser de remettre en mes bras,
l' objet de tant de trouble et de tant de combats?
épargne à mes regards la douloureuse image
de ces murs désolés par un second ravage;
épargne à ma douleur le spectacle cruel,
de ma fille, à mes pieds tombant du coup mortel;
et s' il faut dire tout, de toi-même peut-être,
malgré tout ton pouvoir, abattu par un traître.

Mahomet.
Plus tu peins le péril prêt à nous accabler,
plus je sens mon courage à ta voix redoubler.

Théodore.
Peux-tu livrer ma fille à la fureur cruelle? ...

Mahomet.
Je respire; je l' aime; et tu trembles pour elle!

Théodore.
Un peuple tout entier a conjuré sa mort.

Mahomet.
Un amant souverain te répond de son sort.
La trahison, la force, ont tonné sur sa tête.

Mahomet.
La puissance et l' amour chasseront la tempeste.

Théodore.
Tu périras toi-même.

Mahomet.
Eh bien donc, sans pâlir,
sous les éclats du trône il faut m' ensevelir;
il faut, si l' on m' arrache à ce degré sublime,
que l' autel en tombant écrase la victime.
Reprens auprès de moi ta noble fermeté.
Opposons au péril une mâle fierté;
frappons les premiers coups; cherchons qui nous offense.
Détruisons...
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:16

ACTE IV SCENE IV

Tadil, Mahomet, Théodore.

Tadil.
Pardonnez à mon impatience,
seigneur; je crains encor d' être venu trop tard.
Le muphty, déployant le terrible étendart,
soûleve à son aspect un peuple téméraire.
Tout le suit: le spahy, l' orgueilleux janissaire,
courant sous un saint voile aux derniers attentats,
y dresse en même tems et sa vûë et ses pas.
Tout s' apprête au carnage; et déja dans la ville...

Mahomet à Théodore.
traîtres, vous le voulez! ... demeure en cet asyle;
rassemble les chrétiens admis dans ce palais:
je te laisse ma garde, et je te la soumets.

à Tadil.

Tadil, qu' on obéïsse aux loix de Théodore.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:16

ACTE IV SCENE V

Iréne, Mahomet, Théodore, Tadil.

Iréne.
Quel attentat, seigneur? Quel crime vient d' éclore!
Quel péril! ...

Mahomet.
Ce n' est rien. Un peu de sang versé,
un chef anéanti, le péril est passé.

Iréne.
Ah! Seigneur étouffez une funeste flamme;
laissez, laissez-moi fuïr.

Mahomet.
Vous, me quitter, madame!
Juste ciel! ... demeurez; et ne présumez pas
que j' aime, où je haïsse, au gré de mes soldats.
Rassurez-vous; calmez d' inutiles allarmes.
Il est temps de verser du sang, et non des larmes.

Tadil.
Ah! Seigneur, permettez...

Mahomet.
Malheureux, laisse-moi.
Ton roi, contre un esclave, a-t' -il besoin de toi?
Valerie-M-kaya
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:17

ACTE IV SCENE VI


Théodore, Iréne.

Théodore.
Ma fille, à la pitié je porte un coeur sensible.
Vous pleurez Mahomet: sa perte est infaillible.
Le visir, dès long-temps son secret ennemi,
n' attendoit qu' un prétexte, et l' amour l' a fourni.
à peine à votre hymen je venois de souscrire,
que d' un complot fatal on a trop sçû m' instruire.
J' ai voulu, mais en vain, détruire ce projet,
j' ai couru vers ces murs: j' ai pressé Mahomet
de rompre des liens formés pour sa ruine:
au mépris du danger, l' amour le détermine;
il se perd. Suivez-moi: les mutins en courroux
bien-tôt se seront fait un chemin jusqu' à vous.

Iréne.
Ah! Mon pere, en quel temps voulez-vous que je fuie?
Cause de tant de maux, pourrois-je aimer la vie?
Je n' en sçaurois douter, Mahomet va périr;
il meurt; et vous m' avez permis de le chérir.
Ah! Vous m' avez perduë; et mon ame tremblante,
succombe sous les noms et de fille et d' amante.

Théodore.
Chere Iréne, cessez d' échauffer dans mon coeur
une triste amitié qui parle en sa faveur.
Pensez-vous qu' insensible au coup qui le menace,
l' honneur n' ait pas déja conseillé mon audace?
Mais...

Iréne.
Ah! Je vous entends; votre coeur inquiet
craint de commettre un crime en sauvant Mahomet.
Dans votre ame à jamais exempte d' artifice,
le scrupule, le doute assiégent la justice.
Osez interroger votre coeur combattu:
le préjugé lui parle, et non pas la vertu.
Depuis quand, au mépris du sang qui l' a fait naître,
un roi, s' il n' est chrétien, n' est-il plus votre maître?
Et ce scéptre, et ce glaive, en ses mains, dons du ciel,
qui lui peut arracher, sans être criminel?
Est-il quelque pouvoir au-dessus de Dieu même
qui puisse anéantir les droits du diadême?
Le dogme le plus saint, l' ordre le plus parfait,
sauver son souverain, peut-il être un forfait?
Quel exemple aux chrétiens! Ah! Dans leurs mains perfides,
grand dieu! Brise à jamais ces poignards parricides,
que fabrique l' enfer, dont s' arme la fureur,
et qu' au sein de ses rois plonge une aveugle erreur.
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Tragédie: Jean batiste Sauvé de la Noue - Page 2 Empty Re: Tragédie: Jean batiste Sauvé de la Noue

Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:17

Théodore.
Pour aimer le sultan, pour lui rester fidelle,
Iréne, je n' ai pas besoin de votre zéle.
Sans discuter ici les droits de Mahomet,
ses bienfaits, ses vertus m' ont rendu son sujet.
Des biens que j' ai reçus il faut que je m' acquitte:
oui, j' en croirai l' amour qui pour lui sollicite;
et s' il m' est défendu de lui servir d' appui,
il m' est permis du moins de mourir avec lui.
J' y cours: adieu, ma fille.

Iréne.
Arrêtez, ô mon pere!
Arrêtez, ou je meurs. Ciel, quelle est ma misére!
Il faut, lorsque pour moi mon amant va périr,
que j' enchaîne le bras qui le peut secourir.
Vivez, seigneur, vivez; dans mon ame affligée
j' entens déja gémir la nature outragée;
vivez, épargnez-moi le reproche éternel
d' avoir porté le fer dans le sein paternel.
Quel état! Quel tourment! épreuve rigoureuse!
Peut-on être innocente, ensemble et malheureuse?
Oui, ma vertu triomphe, et la faveur du ciel
m' instruit à terminer un embarras cruel.
Sa voix a retenti, le sort veut qu' on l' entende,
ce n' est point votre sang, c' est le mien qu' il demande.
Mourir pour un sultan, en vous c' est désespoir;
mourir pour mon époux, seigneur, c' est mon devoir.

Théodore.
Non, ne m' arrêtez plus. Une douleur si tendre
ne peut... Nassi paroît; que va-t-il nous
apprendre?
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:17

ACTE IV SCENE VII

Nassi, Théodore, Iréne.

Iréne.
Ah! Que fait Mahomet?

Nassi.
Le soldat en fureur
répandoit dans Byzance et le trouble et l' horreur.
Divisés d' intérêts, réunis par la haine,
l' un menace les grecs, et veut le sang d' Iréne:
l' autre, dont le visir échauffe le courroux,
brûle sur Mahomet de signaler ses coups.
Mais à peine il paroît, tout fuit, tout se disperse;
son chemin est comblé des mutins qu' il renverse;
la terreur, la vengeance, éclatent dans ses yeux;
chaque coup, chaque trait perce un séditieux.
Déja jusqu' au visir il s' est fait un passage.
Le visir frémissant voit approcher l' orage.
" sultan, je puis te perdre ou mourir; c' est assez,
dit-il; et sur son maître il fond à coups pressés.
Mahomet furieux leve une main sanglante,
et du sein du perfide il la tire fumante.
Cependant les soldats, dans ces murs répandus,
poursuivent à grands cris les chrétiens éperdus.

Le sultan veut en vain détourner la tempête;
il menace, il immole, et rien ne les arrête.
Enfin de leur prophéte il saisit l' étendart,
rappelle les mutins fuyans de toute part;
et ce signe, pour nous une fois salutaire,
domte, et suspend les coups du cruel janissaire.
Mais le trouble, seigneur, n' est point encore calmé.
D' un sinistre avenir mon coeur est alarmé.
Ils demandent le sang d' une tendre victime...
je crains, en la nommant, de partager leur crime.

Iréne.
Enfin, c' est donc sur moi que le ciel en courroux,
d' un orage effrayant a rassemblé les coups!
Voilà donc tout le fruit de mon amour funeste!
De tant de biens promis, la mort seule me reste!
Seigneur, vous le voyez, il n' est plus temps de fuir.
L' arrêt est prononcé, c' est à moi d' obéïr;
et je vais...

Théodore.
Ah! Ma fille, où fuis-tu sans ton pere?
Sauve-toi dans mes bras, ô fille encor trop chere!

Iréne.
Oui, seigneur, de vos bras j' accepte le secours;
mais c' est pour ma vertu, bien plus que pour mes jours.
Pour la derniére fois ouvrez le sein d' un pere,
aux larmes que m' arrache une douleur sincere.
Pour fléchir l' être à qui j' ose les adresser,
sur quel autel plus saint pourrois-je les verser?
Que fais-je? Surmontons ces indignes alarmes:
l' innocence expirante est au-dessus des larmes.
Ne laissons point le peuple arbitre de mon sort;
et du moins, en chrétienne, offrons-nous à la mort.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:18

ACTE V SCENE I

Mahomet, suite .

Mahomet à sa suite qui sort.
Qu' on me laisse. Ah, grand dieu! Par qui sera calmée
cette horrible fureur en mes sens allumée!
Dans des ruisseaux de sang mon coeur vient de nager;
et ce coeur plus ardent brûle de s' y plonger.
Impétueux effort qui déchire mon ame,
qui des deux te produit, ou ma gloire, ou ma flamme?
Ma flamme! Quoi? Parmi tant de transports affreux,
j' entends encor les cris d' un amour malheureux.
Qu' il gémisse! Qu' il meure! Ah! Sa langueur funeste
a déja trop flétri des jours que je déteste.

Rhodes, Rhodes subsiste; et malgré mes sermens
ce rempart des chrétiens brave les ottomans.
Scanderberg, triomphant dans un coin de l' épire,
du creux de ses rochers insulte à mon empire.
Vainqueur infatigable, il remplit l' univers...
et Mahomet vieillit dans la honte et les fers!
De tant de lâchetés il est temps de t' absoudre.
Tonne, éclate, détruis, arme-toi de la foudre;
sous les remparts de Rome ensevelis tes feux;
remplis tes hauts projets, ou péris glorieux.
Saisissons le moment d' un dépit magnanime;
immolons à ma gloire une grande victime;
effrayons l' univers; et, digne potentat,
par un exemple affreux confondons le soldat.
Il est digne de moi, cet exemple terrible,
vaincre ma passion, c' est me rendre invincible.
Que dis-je? Ah! Malheureux, quel horrible forfait!
ô mort! Viens dévorer le coeur et le projet.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:18

ACTE V SCENE II

Mahomet, l' aga.

Mahomet.
Barbare! Viens jouir du trouble où tu me jettes.
Viens; tes fureurs encor ne sont pas satisfaites.

L' amour, le tendre amour parle encor à mon coeur,
inspire-moi ta rage, et comble mon malheur.
Que dis-je? Il est comblé. Frémis, connois ton maître:
dans toute sa grandeur il s' apprête à paroître.
Ou la gloire, ou la rage ont jetté dans mon sein
un projet... non, cruels, vous l' espérez en vain;
non, ma fureur s' attache à de moindres victimes;
et j' irai par degré jusqu' au dernier des crimes.
Oui, vous périrez tous; et de ce crime, au moins,
ceux qui l' auront causé, ne seront pas témoins.

L' Aga.
J' ai prévû les combats que te livre la gloire.
Ton coeur, trop foible encor, balance la victoire.
Je viens t' aider. Pour rompre un lien plein d' appas,
ce que peut ton esclave, est de t' offrir son bras.

Mahomet.
Quels sujets, juste ciel, m' a soumis ta colére!
Tel est, des muzulmans, l' effrayant caractére.
Dans le sang le plus pur ardens à se plonger,
montrez-leur la victime, ils courent l' égorger.
Admirateurs outrés d' une valeur farouche,
la vertu, la pitié, l' amour, rien ne les touche.
S' ils ne craignent leur maître, ils le feront trembler;
et pour les commander, il faut leur ressembler.
Eh bien, cruels, eh bien, il faut vous satisfaire;
il faut être parjure, impie, et sanguinaire,
détester l' innocence, abjurer la vertu...
ah! Le ciel t' a donné le prince qui t' est dû,
peuple ingrat! J' ai voulu régner en juste maître;
il te faut un tyran; sois content, je vais l' être.
Valerie-M-kaya
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:18

L' Aga.
Quoi donc? à l' amour seul borner tous ses desirs!
Quoi? Dormir sur un trône entouré de plaisirs!
Parer ses mains d' un sceptre; et méprisable idole
d' un peuple desarmé boire l' encens frivole!
Quoi? C' est donc là régner! Ah! Qu' est-ce que j' entends?
Ce n' est point pour régner que naissent les sultans?
Depuis que tes ayeux, du fond de la Scythie,
fiers enfans de la guerre, ont inondé l' Asie,
aucun d' eux n' a régné, tous ils ont triomphé.
Vois par eux des soudans le pouvoir étouffé;
par eux l' assirien chassé de Babylone;
l' effeminé persan renversé de son trône;
le caraman vaincu; le bulgare asservi;
le hongrois abaissé; le thrace anéanti.
Ils régnoient tous ces rois que leur valeur écrase:
de leur trône abattu l' équité fut la base.
L' amour ainsi qu' au tien, siégeant à leur côté,
leur mollesse usurpoit le nom de majesté,
ah! Lorsque dans ces murs, théâtre de ta gloire,
ton intrépidité conduisit la victoire,
lorsque ton bras puissant foudroyant ces ramparts,
abattit et saisit le scéptre des cesars:
ah! Tu régnois alors; et si j' ose le dire,
plus que tous tes ayeux tu méritois l' empire.
L' univers consterné présageant ta grandeur,
déja tendoit les mains aux fers de son vainqueur.

Quel changement, ô ciel! J' en appelle à toi-même.
Mahomet peut tout vaincre: et que fait-il? Il aime.
Je me tais. Mon audace a mérité la mort:
mais puisqu' on me pardonne, on céde à mon transport.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:19

L' Aga.
Quoi donc? à l' amour seul borner tous ses desirs!
Quoi? Dormir sur un trône entouré de plaisirs!
Parer ses mains d' un sceptre; et méprisable idole
d' un peuple desarmé boire l' encens frivole!
Quoi? C' est donc là régner! Ah! Qu' est-ce que j' entends?
Ce n' est point pour régner que naissent les sultans?
Depuis que tes ayeux, du fond de la Scythie,
fiers enfans de la guerre, ont inondé l' Asie,
aucun d' eux n' a régné, tous ils ont triomphé.
Vois par eux des soudans le pouvoir étouffé;
par eux l' assirien chassé de Babylone;
l' effeminé persan renversé de son trône;
le caraman vaincu; le bulgare asservi;
le hongrois abaissé; le thrace anéanti.
Ils régnoient tous ces rois que leur valeur écrase:
de leur trône abattu l' équité fut la base.
L' amour ainsi qu' au tien, siégeant à leur côté,
leur mollesse usurpoit le nom de majesté,
ah! Lorsque dans ces murs, théâtre de ta gloire,
ton intrépidité conduisit la victoire,
lorsque ton bras puissant foudroyant ces ramparts,
abattit et saisit le scéptre des cesars:
ah! Tu régnois alors; et si j' ose le dire,
plus que tous tes ayeux tu méritois l' empire.
L' univers consterné présageant ta grandeur,
déja tendoit les mains aux fers de son vainqueur.

Quel changement, ô ciel! J' en appelle à toi-même.
Mahomet peut tout vaincre: et que fait-il? Il aime.
Je me tais. Mon audace a mérité la mort:
mais puisqu' on me pardonne, on céde à mon transport.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:19

ACTE V SCENE III

Mahomet, Iréne.

Iréne.
Mon abord vous surprend. Soigneux de m' éviter,
votre exemple, à vous fuir, auroit dû m' exciter.
Avouez-le, seigneur, vous n' aimez plus Iréne:
vous craignez ses regards; sa présence vous gêne.
Rassûrez-vous. Chassez le trouble où je vous vois.
Elle vous parle ici pour la derniere fois.
Sultan, je ne t' ai point déguisé que mon ame
a fait tout son bonheur de partager ta flâme.
Ardente à te prouver l' amour le plus parfait,
tout ce que la vertu m' a permis, je l' ai fait.
Cette même vertu veut que ma flamme expire,
en cédant à ses loix, je tremble, je soupire;
je sens bien que mon coeur n' y résistera pas.
Mais qui domte l' amour, ne craint point le trépas.
Je dégage ta foi; je te rends ta promesse;
je renonce à l' hymen qui flattoit ma tendresse.
L' effort est rigoureux; il est digne de moi.
Vous, seigneur, de la gloire, allez, suivez la loi.
J' ose pourtant vous faire encore une priére:
ne la rejettez point, seigneur, c' est la derniére.
Soulagez les chrétiens; vous me l' avez promis:
que votre coeur jamais ne se ferme à leurs cris:
aimez-les. Mahomet, enfin qu' il vous souvienne
qu' Iréne vous fut chére, et qu' elle fut chrétienne.
Je lis dans vos regards de sincéres douleurs.
C' en est assez. ô ciel! J' accepte mes malheurs.

Mahomet.
Je n' avois pas prévû de si vives allarmes.
Iréne, triomphez; voyez couler mes larmes.
Objet de mes desirs, doux charme de mes yeux
hélas! Vous méritiez un destin plus heureux,
Iréne! Chére Iréne, il en est temps encore,
fuyez; éloignez-vous. Le feu qui me dévore
peut, dans son âpreté, consumer son objet.
Ah! Si vous connoissiez le coeur de Mahomet,
ses transports, sa fureur, sa noire barbarie! ...
l' amour d' un musulman est un amour impie,
toujours prêt, dans sa rage, à détruire l' autel
où son respect brûloit un encens solemnel.
Jamais à mes desirs vous ne fûtes plus chére;
et cependant jamais l' implacable colére
ne menaça vos jours d' un si pressant danger.

(Il leve son poignard sur Iréne.)

ce poignard, dans ton sein est prêt à se plonger.
Iréne, crains la mort; son horreur t' environne;
ma fureur te l' annonce, et mon bras te la donne.

Iréne.
Ton bras est suspendu! Qui t' arrête? Ose tout.
Dans un coeur tout à toi, laisse tomber le coup;
frappe: finis mes maux: Iréne te pardonne.

Mahomet laissant tomber son bras .
Tu me pardonnes. Ciel! Je frémis, je frissonne.
Mon coeur sous ta constance est contraint de plier.
Le crime est imparfait; le remords est entier.
Tu pleures! Tu gémis! Ah, trop puissante Iréne!
Je sens qu' à tes genoux ma foiblesse m' entraîne.
Ce fer, ce même fer qui t' a pû menacer,
dans mon perfide sein est prêt à s' enfoncer.
il veut se percer, mais Iréne l' arrête.
tu m' arrêtes! Ah! Dieu, que d' amour! ... que de charmes! ...

(Il laisse tomber le poignard.)

hé quoi? Tant de fureur se termine à des larmes! ...
Iréne, décidons. Veux-tu vivre et régner?
Aux yeux de mes soldats je vais te couronner.
J' en jure par le ciel. Tes attraits, ma puissance,
les supplices, la mort, vaincront leur résistance.
Que dis-je? Ah! Fuis plutôt; fuis, dangereux objet.
Mon amour, ma vertu, mes pleurs sont ton forfait.
Laisse-moi tout entier m' abandonner au crime;
et du moins ne sois pas ma premiére victime.

Iréne.
Oui, je vais terminer tant de combats affreux.
Je vous quitte. Oubliez un objet malheureux.
Ne vous reprochez plus votre amour pour Iréne.
Cet instant, pour jamais, va briser notre chaîne...
pour jamais! ... ah, seigneur! ... mais dans ce triste jour
je pleure vos vertus bien plus que votre amour.
Adieu. Souvenez-vous pour qui je vous implore.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:19

ACTE V SCENE IV

Mahomet seul .
Je te laisse partir, Iréne, et je t'adore!
Quel horrible triomphe! Il accable mon coeur.
Tout s' y taît, tout y meurt, tout, jusqu' à la fureur.
Ce calme toutesfois n' est qu' un calme perfide.
Oui, de tous mes instans ce seul instant décide.
Les vertus dans mon ame avoient suivi l' amour;
l' amour céde, et j' y sens le crime de retour.
Quel bruit se fait entendre?
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:20

ACTE V SCENE V

Mahomet, Théodore, grecs.

Théodore, désarmé, et blessé; soûtenu par ses grecs:
Ah! Seigneur, ta presence,
peut seule, des mutins, désarmer l' insolence.
Je combattois... Iréne accourt avec transport.
Elle me voit sanglant, elle cherche la mort:
par le fer des soldats son sang va se répandre...
je me meurs; et mon bras ne peut plus la défendre.

Mahomet.
S' il faut que dans son sang mes soldats ayent osé! ...
ah! Courrons, trop long-temps c' est être méprisé.
Traîtres, vous fléchirez; ou cette même Iréne,
j' en jure, ne mourra que votre souveraine.
Non, la nécessité ne peut rien sur les rois;
et mon coeur n' est point fait pour recevoir des loix.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:20

ACTE V SCENE VI

Théodore, grecs.

Théodore.
Dieu! De tant de périls garantissez Iréne!








ACTE V SCENE VII

Zamis, Théodore, grecs.

Zamis.
Quel triomphe! Ah! Seigneur, je ne le crois qu' à peine.

Théodore.
Iréne! ...

Zamis.
Tout lui céde. Aux portes du palais,
les mutins poursuivoient leurs criminels projets.
Leurs coups portoient par tout la mort inévitable,
Iréne... j' en frémis; Iréne inébranlable,
porte à travers le fer ses pas précipités
et méprisant la mort... " perfides, arrêtez,
dit-elle; des chrétiens épargnez l' innocence;
tournez contre moi seule une juste vengeance:
c' est moi qui vous ravis un vainqueur glorieux;
frappez; trempez vos mains dans un sang odieux.
à peine elle a parlé, son aimable présence,
met la discorde aux fers, et bannit la licence.
éperdus, consternés, tremblans à ses genoux,
ils cédent en silence à des charmes si doux.

Théodore.
Ciel! Je t' offre ma mort. Mon coeur n' a plus d'allarmes.
Je vois Nassi. Grand dieu! Que m' annonçent ses larmes!


ACTE V SCENE VIII

Nassi, Théodore, Zamis, grecs.

Nassi.
Venez, seigneur, venez; sortons de ce palais.

Théodore.
Je tremble.

Nassi.
Epargnez-vous d' inutiles regrets.
Théodore.
Iréne! ...

Nassi.
Hélas!
Théodore.
Nassi! ...

Nassi.
Malheureuse victime! ...
elle n' est plus.

Théodore.
Grand dieu!
Nassi.
Mes yeux ont vû le crime.

Théodore.
Et quelle main barbare, instrument du forfait? ...

Nassi.
Frémissez; c' est la main du cruel Mahomet.

Zamis.
Juste ciel!

Théodore.
Je me meurs.
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Message par Valerie-M-kaya Sam 15 Mai - 15:21

Nassi.
Iréne triomphante,
contemploit à ses pieds l' armée obéïssante;
Mahomet a paru. Les chefs et les soldats,
d' Iréne, par leurs cris, célébrent les appas.
Il s' arrête; il admire; il soûpire; il s' avance,
aux cris tumultueux succede un long silence.
Il marche... dans ses yeux sont la rage et les pleurs.
" le voilà, cet objet, proscrit par vos fureurs,
a-t' -il dit; cet objet, à qui la vertu même,
auroit du monde entier cédé le diadême!
Vous étiez trop heureux sous un regne si doux,
je vous vois maintenant trembler à ses genoux.
Traîtres, il n' est plus temps. Pleurez sur sa mémoire:
vous la perdez, cruels; je l' immole à ma gloire. "
ah! Seigneur! Furieux, il saisit un poignard;
il jette sur Iréne un funeste regard,
la frappe... pardonnez à ma douleur mortelle,
le sang coule; déja la victime chancelle;
elle tombe; ses yeux se tournent vers le ciel;
et son coeur expirant pardonne au criminel.

Théodore.
Grand dieu! Dont le courroux éclate sur Byzance,
que sa mort et la mienne appaisent ta vengeance.






Source: http://www.poesies.net
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