poèmes classiques
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poèmes classiques
poèmes classiques
Chant royal de la plus belle qui jamais fut au monde
Anges, Trônes et Dominations,
Principaultés, Archanges,
Chérubins,
Inclinez-vous aux basses régions
Avec Vertus, Potestés,
Seraphins,
Transvolitez des haults cieux cristalins
Pour decorer la
triumphante entrée
Et la très digne naissance adorée,
Le saint concept
par mysteres tres haults
De celle Vierge, ou toute grace abonde,
Decretee par dits imperiaulx
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Faites sermons et predications,
Carmes devots, Cordeliers,
Augustins ;
Du saint concept portez relations,
Caldeyens, Hebrieux et
Latins ;
Roumains, chantez sur les monts palatins
Que Jouachim Saincte
Anne a rencontree,
Et que par eulx nous est administree
Ceste Vierge
sans amours conjugaulx
Que Dieu crea de plaisance feconde,
Sans poinct
sentir vices originaulx,
La plus belle qui jamais fut au monde.
Ses
honnestes belles receptions
D'ame et de corps aux beaux lieux
intestins
Ont transcendé toutes conceptions
Personnelles, par mysteres
divins.
Car pour nourrir Jhésus de ses doulx seins
Dieu l'a toujours sans
maculle monstree,
La déclarant par droit et loi oultree :
Toute belle
pour le tout beau des beaux,
Toute clère, necte, pudique et monde,
Toute
pure par dessus tous vesseaulx,
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Muses, venez en jubilations
Et transmigrez vos ruisseaulx
cristalins,
Viens, Aurora, par lucidations,
En precursant les beaux jours
matutins ;
Viens, Orpheus, sonner harpe et clarins,
Viens, Amphion, de la
belle contree,
Viens, Musique, plaisamment acoustrée,
Viens, Royne
Hester, parée de joyaulx,
Venez, Judith, Rachel et Florimonde,
Accompagnez par honneurs spéciaulx
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Tres doulx zephirs, par sibilations
Semez partout roses et
roumarins,
Nimphes, lessez vos inundations,
Lieux stigieulx et carybdes
marins ;
Sonnez des cors, violes, tabourins ;
Que ma maistresse, la Vierge
honnoree
Soit de chacun en tous lieux decoree
Viens, Apolo, jouer des
chalumeaux,
Sonne, Panna, si hault que tout redonde,
Collaudez tous en
termes generaulx
La plus belle qui jamais fut au monde.
Esprits
devotz, fidelles et loyaulx,
En paradis beaux manoirs et chasteaux,
Au
plaisir Dieu, la Vierge pour nous fonde
Ou la verrez en ses palais
royaulx,
La plus belle qui jamais fut au monde.
- Catherine d' AMBOISE
(?-1550)
Chant royal de la plus belle qui jamais fut au monde
Anges, Trônes et Dominations,
Principaultés, Archanges,
Chérubins,
Inclinez-vous aux basses régions
Avec Vertus, Potestés,
Seraphins,
Transvolitez des haults cieux cristalins
Pour decorer la
triumphante entrée
Et la très digne naissance adorée,
Le saint concept
par mysteres tres haults
De celle Vierge, ou toute grace abonde,
Decretee par dits imperiaulx
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Faites sermons et predications,
Carmes devots, Cordeliers,
Augustins ;
Du saint concept portez relations,
Caldeyens, Hebrieux et
Latins ;
Roumains, chantez sur les monts palatins
Que Jouachim Saincte
Anne a rencontree,
Et que par eulx nous est administree
Ceste Vierge
sans amours conjugaulx
Que Dieu crea de plaisance feconde,
Sans poinct
sentir vices originaulx,
La plus belle qui jamais fut au monde.
Ses
honnestes belles receptions
D'ame et de corps aux beaux lieux
intestins
Ont transcendé toutes conceptions
Personnelles, par mysteres
divins.
Car pour nourrir Jhésus de ses doulx seins
Dieu l'a toujours sans
maculle monstree,
La déclarant par droit et loi oultree :
Toute belle
pour le tout beau des beaux,
Toute clère, necte, pudique et monde,
Toute
pure par dessus tous vesseaulx,
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Muses, venez en jubilations
Et transmigrez vos ruisseaulx
cristalins,
Viens, Aurora, par lucidations,
En precursant les beaux jours
matutins ;
Viens, Orpheus, sonner harpe et clarins,
Viens, Amphion, de la
belle contree,
Viens, Musique, plaisamment acoustrée,
Viens, Royne
Hester, parée de joyaulx,
Venez, Judith, Rachel et Florimonde,
Accompagnez par honneurs spéciaulx
La plus belle qui jamais fut au
monde.
Tres doulx zephirs, par sibilations
Semez partout roses et
roumarins,
Nimphes, lessez vos inundations,
Lieux stigieulx et carybdes
marins ;
Sonnez des cors, violes, tabourins ;
Que ma maistresse, la Vierge
honnoree
Soit de chacun en tous lieux decoree
Viens, Apolo, jouer des
chalumeaux,
Sonne, Panna, si hault que tout redonde,
Collaudez tous en
termes generaulx
La plus belle qui jamais fut au monde.
Esprits
devotz, fidelles et loyaulx,
En paradis beaux manoirs et chasteaux,
Au
plaisir Dieu, la Vierge pour nous fonde
Ou la verrez en ses palais
royaulx,
La plus belle qui jamais fut au monde.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
L'amour et la mort-Louise ACKERMANN
- Louise ACKERMANN
(1813-1890)
L'amour et la mort
(A M. Louis de Ronchaud)
I
Regardez-les passer, ces
couples éphémères !
Dans les bras l'un de l'autre enlacés un moment,
Tous,
avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment
:
Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec
étonnement entendent prononcer,
Et qu'osent répéter des lèvres qui
pâlissent
Et qui vont se glacer.
Vous qui vivez si peu, pourquoi cette
promesse
Qu'un élan d'espérance arrache à votre coeur,
Vain défi qu'au
néant vous jetez, dans l'ivresse
D'un instant de bonheur ?
Amants,
autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : "Aime et meurs
ici-bas ! "
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous
n'échapperez pas.
Eh bien ! puisqu'il le faut, sans trouble et sans
murmure,
Forts de ce même amour dont vous vous enivrez
Et perdus dans le
sein de l'immense Nature,
Aimez donc, et mourez !
II
Non, non,
tout n'est pas dit, vers la beauté fragile
Quand un charme invincible
emporte le désir,
Sous le feu d'un baiser quand notre pauvre argile
A
frémi de plaisir.
Notre serment sacré part d'une âme immortelle ;
C'est elle qui s'émeut quand frissonne le corps ;
Nous entendons sa voix
et le bruit de son aile
Jusque dans nos transports.
Nous le répétons
donc, ce mot qui fait d'envie
Pâlir au firmament les astres radieux,
Ce
mot qui joint les coeurs et devient, dès la vie,
Leur lien pour les
cieux.
Dans le ravissement d'une éternelle étreinte
Ils passent
entraînés, ces couples amoureux,
Et ne s'arrêtent pas pour jeter avec
crainte
Un regard autour d'eux.
Ils demeurent sereins quand tout
s'écroule et tombe ;
Leur espoir est leur joie et leur appui divin ;
Ils
ne trébuchent point lorsque contre une tombe
Leur pied heurte en
chemin.
Toi-même, quand tes bois abritent leur délire,
Quand tu
couvres de fleurs et d'ombre leurs sentiers,
Nature, toi leur mère, aurais-tu
ce sourire
S'ils mouraient tout entiers ?
Sous le voile léger de la
beauté mortelle
Trouver l'âme qu'on cherche et qui pour nous éclôt,
Le
temps de l'entrevoir, de s'écrier : " C'est Elle ! "
Et la perdre
aussitôt,
Et la perdre à jamais ! Cette seule pensée
Change en spectre
à nos yeux l'image de l'amour.
Quoi ! ces voeux infinis, cette ardeur
insensée
Pour un être d'un jour !
Et toi, serais-tu donc à ce point
sans entrailles,
Grand Dieu qui dois d'en haut tout entendre et tout voir,
Que tant d'adieux navrants et tant de funérailles
Ne puissent
t'émouvoir,
Qu'à cette tombe obscure où tu nous fais descendre
Tu
dises : " Garde-les, leurs cris sont superflus.
Amèrement en vain l'on
pleure sur leur cendre ;
Tu ne les rendras plus ! "
Mais non ! Dieu
qu'on dit bon, tu permets qu'on espère ;
Unir pour séparer, ce n'est point
ton dessein.
Tout ce qui s'est aimé, fût-ce un jour, sur la terre,
Va
s'aimer dans ton sein.
III
Eternité de l'homme, illusion ! chimère
!
Mensonge de l'amour et de l'orgueil humain !
Il n'a point eu d'hier, ce
fantôme éphémère,
Il lui faut un demain !
Pour cet éclair de vie et
pour cette étincelle
Qui brûle une minute en vos coeurs étonnés,
Vous
oubliez soudain la fange maternelle
Et vos destins bornés.
Vous
échapperiez donc, ô rêveurs téméraires
Seuls au Pouvoir fatal qui détruit en
créant ?
Quittez un tel espoir ; tous les limons sont frères
En face du
néant.
Vous dites à la Nuit qui passe dans ses voiles :
" J'aime, et
j'espère voir expirer tes flambeaux. "
La Nuit ne répond rien, mais demain
ses étoiles
Luiront sur vos tombeaux.
Vous croyez que l'amour dont
l'âpre feu vous presse
A réservé pour vous sa flamme et ses rayons ;
La
fleur que vous brisez soupire avec ivresse :
"Nous aussi nous aimons
!"
Heureux, vous aspirez la grande âme invisible
Qui remplit tout, les
bois, les champs de ses ardeurs ;
La Nature sourit, mais elle est insensible
:
Que lui font vos bonheurs ?
Elle n'a qu'un désir, la marâtre
immortelle,
C'est d'enfanter toujours, sans fin, sans trêve, encor.
Mère
avide, elle a pris l'éternité pour elle,
Et vous laisse la mort.
Toute
sa prévoyance est pour ce qui va naître ;
Le reste est confondu dans un
suprême oubli.
Vous, vous avez aimé, vous pouvez disparaître :
Son voeu
s'est accompli.
Quand un souffle d'amour traverse vos poitrines,
Sur
des flots de bonheur vous tenant suspendus,
Aux pieds de la Beauté lorsque
des mains divines
Vous jettent éperdus ;
Quand, pressant sur ce coeur
qui va bientôt s'éteindre
Un autre objet souffrant, forme vaine ici-bas,
Il vous semble, mortels, que vous allez étreindre
L'Infini dans vos bras
;
Ces délires sacrés, ces désirs sans mesure
Déchaînés dans vos flancs
comme d'ardents essaims,
Ces transports, c'est déjà l'Humanité future
Qui s'agite en vos seins.
Elle se dissoudra, cette argile
légère
Qu'ont émue un instant la joie et la douleur ;
Les vents vont
disperser cette noble poussière
Qui fut jadis un coeur.
Mais d'autres
coeurs naîtront qui renoueront la trame
De vos espoirs brisés, de vos amours
éteints,
Perpétuant vos pleurs, vos rêves, votre flamme,
Dans les âges
lointains.
Tous les êtres, formant une chaîne éternelle,
Se passent,
en courant, le flambeau de l'amour.
Chacun rapidement prend la torche
immortelle
Et la rend à son tour.
Aveuglés par l'éclat de sa lumière
errante,
Vous jurez, dans la nuit où le sort vous plongea,
De la tenir
toujours : à votre main mourante
Elle échappe déjà.
Du moins vous
aurez vu luire un éclair sublime ;
Il aura sillonné votre vie un moment
;
En tombant vous pourrez emporter dans l'abîme
Votre
éblouissement.
Et quand il régnerait au fond du ciel paisible
Un être
sans pitié qui contemplât souffrir,
Si son oeil éternel considère,
impassible,
Le naître et le mourir,
Sur le bord de la tombe, et sous
ce regard même,
Qu'un mouvement d'amour soit encor votre adieu !
Oui,
faites voir combien l'homme est grand lorsqu'il aime,
Et pardonnez à Dieu
!
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le positivisme-Louise ACKERMANN
- Louise ACKERMANN
(1813-1890)
Le positivisme
Il s'ouvre par-delà toute science humaine
Un vide dont la Foi
fut prompte à s'emparer.
De cet abîme obscur elle a fait son domaine ;
En s'y précipitant elle a cru l'éclairer.
Eh bien ! nous t'expulsons de
tes divins royaumes,
Dominatrice ardente, et l'instant est venu
Tu ne
vas plus savoir où loger tes fantômes ;
Nous fermons l'Inconnu.
Mais
ton triomphateur expiera ta défaite.
L'homme déjà se trouble, et, vainqueur
éperdu,
Il se sent ruiné par sa propre conquête
En te dépossédant nous
avons tout perdu.
Nous restons sans espoir, sans recours, sans asile,
Tandis qu'obstinément le Désir qu'on exile
Revient errer autour du
gouffre défendu.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Pascal-Louise ACKERMANN
- Louise ACKERMANN
(1813-1890)
À Ernest Havet.
............
DERNIER MOT
Un
dernier mot, Pascal ! À ton tour de m'entendre
Pousser aussi ma plainte et
mon cri de fureur.
Je vais faire d'horreur frémir ta noble cendre,
Mais du
moins j'aurai dit ce que j'ai sur le coeur.
À plaisir sous nos yeux
lorsque ta main déroule
Le tableau désolant des humaines douleurs,
Nous
montrant qu'en ce monde où tout s'effondre et croule
L'homme lui-même n'est
qu'une ruine en pleurs,
Ou lorsque, nous traînant de sommets en
abîmes,
Entre deux infinis tu nous tiens suspendus,
Que ta voix, pénétrant
en leurs fibres intimes,
Frappe à cris redoublés sur nos coeurs
éperdus,
Tu crois que tu n'as plus dans ton ardeur fébrile,
Tant déjà tu
nous crois ébranlés, abêtis,
Qu'à dévoiler la Foi, monstrueuse et
stérile,
Pour nous voir sur son sein tomber anéantis.
À quoi bon le nier ?
dans tes sombres peintures,
Oui, tout est vrai, Pascal, nous le reconnaissons
:
Voilà nos désespoirs, nos doutes, nos tortures,
Et devant l'Infini ce
sont là nos frissons.
Mais parce qu'ici-bas par des maux
incurables,
Jusqu'en nos profondeurs, nous nous sentons atteints,
Et que
nous succombons, faibles et misérables,
Sous le poids accablant d'effroyables
destins,
Il ne nous resterait, dans l'angoisse où nous sommes,
Qu'à courir
embrasser cette Croix que tu tiens ?
Ah ! nous ne pouvons point nous défendre
d'être hommes,
Mais nous nous refusons à devenir chrétiens.
Quand de son
Golgotha, saignant sous l'auréole,
Ton Christ viendrait à nous, tendant ses
bras sacrés,
Et quand il laisserait sa divine parole
Tomber pour les
guérir en nos coeurs ulcérés ;
Quand il ferait jaillir devant notre âme
avide
Des sources d'espérance et des flots de clarté,
Et qu'il nous
montrerait dans son beau ciel splendide
Nos trônes préparés de toute
éternité,
Nous nous détournerions du Tentateur céleste
Qui nous offre son
sang, mais veut notre raison.
Pour repousser l'échange inégal et
funeste
Notre bouche jamais n'aurait assez de Non !
Non à la Croix
sinistre et qui fit de son ombre
Une nuit où faillit périr l'esprit
humain,
Qui, devant le Progrès se dressant haute et sombre,
Au vrai
libérateur a barré le chemin ;
Non à cet instrument d'un infâme
supplice
Où nous voyons, auprès du divin Innocent
Et sous les mêmes coups,
expirer la justice ;
Non à notre salut s'il a coûté du sang ;
Puisque
l'Amour ne peut nous dérober ce crime,
Tout en l'enveloppant d'un voile
séducteur,
Malgré son dévouement, Non ! même à la Victime,
Et Non
par-dessus tout au Sacrificateur !
Qu'importe qu'il soit Dieu si son oeuvre
est impie ?
Quoi ! c'est son propre fils qu'il a crucifié ?
Il pouvait
pardonner, mais il veut qu'on expie ;
Il immole, et cela s'appelle avoir
pitié !
Pascal, à ce bourreau, toi, tu disais : " Mon Père. "
Son
odieux forfait ne t'a point révolté ;
Bien plus, tu l'adorais sous le nom de
mystère,
Tant le problème humain t'avait épouvanté.
Lorsque tu te courbais
sous la Croix qui t'accable,
Tu ne voulais, hélas ! qu'endormir ton
tourment,
Et ce que tu cherchais dans un dogme implacable,
Plus que la
vérité, c'était l'apaisement,
Car ta Foi n'était pas la certitude encore
;
Aurais-tu tant gémi si tu n'avais douté ?
Pour avoir reculé devant ce
mot : J'ignore,
Dans quel gouffre d'erreurs tu t'es précipité !
Nous, nous
restons au bord. Aucune perspective,
Soit Enfer, soit Néant, ne fait pâlir
nos fronts,
Et s'il faut accepter ta sombre alternative,
Croire ou
désespérer, nous désespérerons.
Aussi bien, jamais heure à ce point triste et
morne
Sous le soleil des cieux n'avait encor sonné ;
Jamais l'homme, au
milieu de l'univers sans borne,
Ne s'est senti plus seul et plus
abandonné.
Déjà son désespoir se transforme en furie ;
Il se traîne au
combat sur ses genoux sanglants,
Et se sachant voué d'avance à la
tuerie,
Pour s'achever plus vite ouvre ses propres flancs.
Aux
applaudissements de la plèbe romaine
Quand le cirque jadis se remplissait de
sang,
Au-dessus des horreurs de la douleur humaine,
Le regard découvrait
un César tout puissant.
Il était là, trônant dans sa grandeur
sereine,
Tout entier au plaisir de regarder souffrir,
Et le gladiateur, en
marchant vers l'arène,
Savait qui saluer quand il allait mourir.
Nous, qui
saluerons-nous ? à nos luttes brutales
Qui donc préside, armé d'un sinistre
pouvoir ?
Ah ! seules, si des Lois aveugles et fatales
Au carnage éternel
nous livraient sans nous voir,
D'un geste résigné nous saluerions nos
reines.
Enfermé dans un cirque impossible à franchir,
L'on pourrait
néanmoins devant ces souveraines,
Tout roseau que l'on est, s'incliner sans
fléchir.
Oui, mais si c'est un Dieu, maître et tyran suprême,
Qui nous
contemple ainsi nous entre-déchirer,
Ce n'est plus un salut, non ! c'est un
anathème
Que nous lui lancerons avant que d'expirer.
Comment ! ne disposer
de la Force infinie
Que pour se procurer des spectacles navrants,
Imposer
le massacre, infliger l'agonie,
Ne vouloir sous ses yeux que morts et que
mourants !
Devant ce spectateur de nos douleurs extrêmes
Notre indignation
vaincra toute terreur ;
Nous entrecouperons nos râles de blasphèmes,
Non
sans désir secret d'exciter sa fureur.
Qui sait ? nous trouverons peut-être
quelque injure
Qui l'irrite à ce point que, d'un bras forcené,
Il arrache
des cieux notre planète obscure,
Et brise en mille éclats ce globe
infortuné.
Notre audace du moins vous sauverait de naître,
Vous qui dormez
encore au fond de l'avenir,
Et nous triompherions d'avoir, en cessant
d'être,
Avec l'Humanité forcé Dieu d'en finir.
Ah ! quelle immense joie
après tant de souffrance !
À travers les débris, par-dessus les
charniers,
Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance :
" Plus d'hommes sous
le ciel, nous sommes les derniers ! "
(1871)
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Complainte amoureuse-Alphonse ALLAIS
- Alphonse ALLAIS
(1854-1905)
Complainte amoureuse
Oui dès l'instant que je vous vis
Beauté féroce, vous me
plûtes
De l'amour qu'en vos yeux je pris
Sur-le-champ vous vous
aperçûtes
Ah ! Fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me
plussiez
Qu'ingénument je vous le disse
Qu'avec orgueil vous vous
tussiez
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et
qu'enfin je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous
m'assassinassiez
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le châtiment..-Alphonse ALLAIS
- Alphonse ALLAIS
(1854-1905)
Le châtiment de la cuisson appliqué aux imposteurs
Chaque fois que les gens découvrent son mensonge,
Le châtiment
lui vient, par la colère accru.
" Je suis cuit, je suis cuit ! " gémit-il
comme en songe.
Le menteur n'est jamais cru.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Nous nous étalons-Alphonse ALLAIS
- Alphonse ALLAIS
(1854-1905)
Nous nous étalons
Nous nous étalons
Sur des étalons.
Et nous percherons
Sur
des percherons !
C'est nous qui bâtons,
A coup de bâtons,
L'âne des
Gottons
Que nous dégottons !...
Mais nous l'estimons
Mieux dans les
timons.
Nous nous marions
A vous Marions
Riches en jambons.
Nous
vous enjambons
Et nous vous chaussons,
Catins, tels chaussons !
Oh !
plutôt nichons
Chez nous des nichons !
Vite polissons
Les doux
polissons !
Pompons les pompons
Et les repompons ! (...)
Du vieux Pô
tirons
Quelques potirons !
Aux doux veaux rognons
Leurs tendres
rognons,
Qu'alors nous oignons
Du jus des oignons ! (...)
Ah !
thésaurisons !
Vers tes horizons
Alaska, filons !
A nous tes filons
!
Pour manger, visons
Au front des visons,
Pour boire,
lichons
L'âpre eau des lichons.
Ce que nous savons
C'est grâce aux
savons
Que nous décochons
Au gras des cochons.
Oh ! mon chat,
virons,
Car nous chavirons !
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le blason de la dent-Michel d' AMBOISE
- Michel d' AMBOISE
(14??-15??)
Le blason de la dent
Dent, qui te montres en riant
Comme un diamant d'Orient
Dent précieuse et déliée,
Que nature a si bien liée
En celui ordre
où tu reposes
Qu'on ne peut voir plus belle chose
Dent blanche comme
cristal, voire
Ainsi que neige, ou blanc ivoire ;
Dent qui sens bon
comme fait baume,
Dont la beauté vaut un royaume ;
Dent qui fais une
bouche telle
Comme fait une perle belle
Un bien fin or bouté en aeuvre ;
Dent que souvent cache et découvre
Cette belièvre purpurine,
Tu fais
le reste être divine,
Quand on te voit à découvert.
Mais, dent, quand
ton pris est couvert
Le demeurant moins beau ressemble,
Car son honneur
est, ce me semble,
Luisant ainsi que perle nette,
Qui reluit comme une
planète,
Encore plus fort que la lune ;
En tout le monde n'en est une
Qui soit si parfaite que toi.
Je te promets quand je te vois,
Comme
au premier que je te vis, je suis tout transi et ravi,
Et cuide au vrai, te
regardant,
Que ce soit un soleil ardent
Qui se découvre des nuées.
De l'odeur qui belle dent rache,
Garde-toi bien qu'on ne t'arrache,
Car pour vrai qui t'arracherait,
Plusieurs et moi il fâcherait
Pourtant que l'arracheur méchant
Arracherait en t'arrachant,
La
beauté de toute la face,
Qui n'a sans toi aucune grâce.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le Printemps-Michel d' AMBOISE
- Michel d' AMBOISE
(14??-15??)
Le Printemps
Au temps de Ver qu'un chacun prend plaisance
A écouter la
musique accordance
Des oisillons qui par champs, à loisir,
A gergonner
prennent joie et plaisir
Voyant les fleurs en verdures croissantes,
Arbres vêtus de feuilles verdoyantes,
Prendre Cérès sa robe jà couverte
Totalement de branche ou herbe verte,
Dame Nature aorner les branchettes
De prunes, noix, cerises et pommettes
Et d'autres biens qui servent de
pâture
A toute humaine et fragile facture,
Le Dieu Priape, en jardins
cultiveur,
Donnait aux fleurs délicate saveur,
Faisait herbette hors des
boutons sortir,
Dont mettent peine amoureux s'assortir
Pour présenter à
leurs dames frisquettes
Quand en secret sont dedans leurs chambrettes ;
Pan, le cornu, par forêt umbrifère,
Commençait jà ses maisons à refaire
Par froid hiver et gelée démolies,
Et les avait alors tant embellies
Que chose était par leur grande verdure,
Consolative à toute regardure ;
Les champs étaient verts comme papegay !
De quoi maint homme était
joyeux et gai,
Et bien souvent aucun, par sa gaieté,
Lors d'amourette
hantait l'aménité
Faisant rondeaux, chansonnette et ballades,
Dames
menaient par jardins et feuillades
Et leur donnaient souvent sur le pré vert
Ou une oeillade ou un baiser couvert
Dont ils étaient résolus comme pape
;
Un autre ôtait son manteau ou sa cape
Pour faire sauts et pour bondir
en l'air
A cette fin que de lui fît parler.
En ce temps-là, si propre
aux amoureux,
Moi qui étais et douloureux
Et qui n'avais du
plaisir une goutte
Non plus que ceux que tourmente la goutte,
Vouloir me
prit de ma chambre laisser
Pour un petit aller le temps passer
En un
vert bois qui près de moi était,
Le plus souvent où personne
n'était,
Afin que pusse un mien deuil étranger,,
Pour un petit
m'ébattre et soulager.
En ce vert bois doncques m'acheminai
Et ci et
là, seulet, me promenai
Dessous rameaux et branches verdelettes ;
Me
promenant, pensais mille chosettes.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Petite perle cristalline-Henri-Frédéric AMIEL
- Henri-Frédéric AMIEL
(1821-1881)
Petite perle cristalline
" Petite perle cristalline
Tremblante fille du matin,
Au
bout de la feuille de thym
Que fais-tu sur la colline ?
Avant la
fleur, avant l'oiseau,
Avant le réveil de l'aurore,
Quand le vallon
sommeille encore
Que fais-tu là sur le coteau ? "
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
L'habitude-Auguste ANGELLIER
- Auguste ANGELLIER
(1848-1911)
L'habitude
La tranquille habitude aux mains silencieuses
Panse, de jour
en jour, nos plus grandes blessures ;
Elle met sur nos coeurs ses
bandelettes sûres
Et leur verse sans fin ses huiles oublieuses ;
Les
plus nobles chagrins, qui voudraient se défendre,
Désireux de durer pour
l'amour qu'ils contiennent,
Sentent le besoin cher et dont ils
s'entretiennent
Devenir, malgré eux, moins farouche et plus tendre ;
Et, chaque jour, les mains endormeuses et douces,
Les insensibles
mains de la lente Habitude,
Resserrent un peu plus l'étrange quiétude
Où
le mal assoupi se soumet et s'émousse ;
Et du même toucher dont elle
endort la peine,
Du même frôlement délicat qui repasse
Toujours, elle
délustre, elle éteint, elle efface,
Comme un reflet, dans un miroir, sous
une haleine,
Les gestes, le sourire et le visage même
Dont la
présence était divine et meurtrière ;
Ils pâlissent couverts d'une fine
poussière ;
La source des regrets devient voilée et blême.
A chaque
heure apaisant la souffrance amollie,
Otant de leur éclat aux voluptés
perdues,
Elle rapproche ainsi de ses mains assidues,
Le passé du
présent, et les réconcilie ;
La douleur s'amoindrit pour de moindres
délices ;
La blessure adoucie et calme se referme ;
Et les hauts
désespoirs, qui se voulaient sans terme,
Se sentent lentement changés en
cicatrices ;
Et celui qui chérit sa sombre inquiétude.
Qui verserait
des pleurs sur sa douleur dissoute,
Plus que tous les tourments et les cris
vous redoute,
Silencieuses mains de la lente Habitude.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Le faisan doré-Auguste ANGELLIER
- Auguste ANGELLIER
(1848-1911)
-
Quand le Faisan doré courtise sa femelle,
Et fait, pour
l'éblouir, la roue, il étincelle
De feux plus chatoyants qu'un oiseau de
vitrail.
Dressant sa huppe d'or, hérissant son camail
Couleur d'aube et
zébré de rayures d'ébène,
Gonflant suri plastron rouge ardent, il se
promène,
Chaque aile soulevée, en hautaines allures ;
Son plumage
s'emplit de lueurs, les marbrures
De son col vert bronzé, l'ourlet d'or de
ses pennes,
L'incarnat de son dos, les splendeurs incertaines
De sa
queue où des grains serrés de vermillon
Sont alternés avec des traits noirs
sur un fond
De riche, somptueuse et lucide améthyste,
Tout s'allume,
tout luit...
... Et, sur ces yeux muants de claires pierreries
S'unissant, se brisant en des joailleries
Que sertissent le bronze et
l'acier, et l'argent,
Court encore un frisson d'or mobile et changeant,
Qui naît, s'étale, fuit, se rétrécit, tressaille,
Éclate, glisse, meurt,
coule, ondule, s'écaille,
S'écarte en lacis d'or, en plaques d'or s'éploie,
Palpite, s'alanguit, se disperse, poudroie,
Et d'un insaisissable et
féerique réseau
Enveloppe le corps enflammé de l'oiseau.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Les caresses des yeux-Auguste ANGELLIER
- Auguste ANGELLIER
(1848-1911)
Les caresses des yeux
Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
Elles
apportent l'âme aux limites de l'être,
Et livrent des secrets autrement
ineffables,
Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.
Les
baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ;
Leur langage est plus
fort que toutes les paroles ;
Rien n'exprime que lui les choses immortelles
Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.
Lorsque l'âge a
vieilli la bouche et le sourire
Dont le pli lentement s'est comblé de
tristesses,
Elles gardent encor leur limpide tendresse ;
Faites pour
consoler, enivrer et séduire,
Elles ont les douceurs, les ardeurs et les
charmes !
Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Sonnet-Auguste ANGELLIER
- Auguste ANGELLIER
(1848-1911)
-Sonnet-
" Où es-tu ? ", disait-elle, errant sur le rivage
Où des
saules trempaient leurs feuillages tremblants ;
Et des larmes d'argent
coulaient dans ses doigts blancs
Quand elle s'arrêtait, les mains sur son
visage.
Et lui, errant aussi sur un sable sauvage
Où des joncs
exhalaient de longs soupirs dolents,
Sous la mort du soleil, au bord des
flots sanglants,
S'écriait : " Où es-tu ? ", tordant ses mains de
rage.
Les échos qui portaient leurs appels douloureux
Se
rencontraient en l'air, et les mêlaient entre eux
En une plainte unique à la
fois grave et tendre ;
Mais eux, que séparait un seul pli de terrain,
Plus désespérément se cherchèrent en vain,
Sans jamais s'entrevoir et
sans jamais s'entendre.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
La jeune fille et l'ange de la poésie-Sophie d' ARBOUVILLE
- Sophie d' ARBOUVILLE
(1810-1850)
La jeune fille et l'ange de la poésie
(extrait)
- L'ange reste près d'elle ; il sourit à ses
pleurs,
Et resserre les noeuds de ses chaînes de fleurs ;
Arrachant une
plume à son aile azurée,
Il la met dans la main qui s'était retirée.
En
vain, elle résiste, il triomphe... il sourit...
Laissant couler ses pleurs,
la jeune femme écrit.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Mobilier scolaire-Paul ARÈNE
- Paul ARÈNE (1843-1896)
Mobilier scolaire
L'école était charmante au temps des hannetons,
Quand, par la
vitre ouverte aux brises printanières,
Pénétraient, nous parlant d'écoles
buissonnières
Et mettant la folie en nos jeunes cerveaux,
Des cris
d'oiseaux dans les senteurs des foins nouveaux ;
Alors, pour laid qu'il fût,
certes ! il savait nous plaire
Notre cher mobilier si pauvrement scolaire.
A grands coups de canif, travaillant au travers
Du vieux bois
poussiéreux et tout rongé des vers,
Nous creusions en tous sens des cavernes
suspectes,
Où logeaient, surveillés par nous, des tas d'insectes :
Le
noir rhinocéros, qui porte des fardeaux,
Le taupin, clown doué d'un ressort
dans le dos,
Le lucane sournois, mais aimable du reste,
Le charançon,
vêtu d'or vert, et le bupreste...
J'oubliais l'hydrophile avec le
gribouri.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Sur un Eventail-Paul ARÈNE
- Paul ARÈNE (1843-1896)
Sur un Eventail
(pour Jeanne Charcot).
***
Si les ondines et les
fées
Maintenant ainsi qu’autrefois
Sur une coquille de
noix
Naviguaient, de corail coiffées,
Et si j’étais, - car nous
aimons
Suivre parfois d’étranges rêves, -
Un des minuscules démons
Rois
de la mer bleue et des grèves,
Je ne voudrais d’autre travail
Que
d’agiter cet éventail
Pour faire une brise légère
Qui pousserait tout
doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la
passagère.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
A Alfred de Musset-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
A Alfred de Musset
Hélas ! qui t’a si jeune enseigné ces mystères
Et toutes ces
douleurs du pauvre cœur humain ?
Quel génie au milieu des sentiers
solitaires,
Au sortir du berceau t’a conduit par la main ?
O chantre
vigoureux, ô nature choisie !
Quel est l’esprit du Ciel qui t’emporte où tu
veux ?
Quel souffle parfumé de sainte poésie
Soulève incessamment l’or de
tes blonds cheveux ?
Quel art mystérieux à ton vers prophétique
Mêla
tant de tristesse et de sérénité ?
Quel artiste divin, comme au lutteur
antique,
Te donna tant de force avec tant de beauté ?
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
A Alfred Tattet-Félix ARVERS
Félix ARVERS (1806-1850)
A Alfred Tattet
Alfred, j’ai vu des jours où nous vivions en frères,
Servant
les mêmes dieux aux autels littéraires :
Le ciel n’avait formé qu’une âme
pour deux corps ;
Beaux jours d’épanchement, d’amour et d’harmonie,
Où ma
voix à la tienne incessamment unie
Allait se perdre au ciel en de divins
accords.
Qui de nous a changé ? Pourquoi dans la carrière
L’un
court-il en avant, laissant l’autre en arrière ?
Lequel des deux soldats a
déserté les rangs ?
Pourquoi ces deux vaisseaux qui naviguaient
ensemble,
Désespérant déjà d’un port qui les rassemble,
Vont-ils chercher
si loin des bords si différents ?
Je n’ai pas dévoué mon maître aux
gémonies,
Je n’ai pas abreuvé de fiel et d’avanies
L’idole où mes genoux
s’usaient à se plier :
Je n’ai point du passé répudié la trace,
J’y suis
resté fidèle, et n’ai point, comme Horace,
Au milieu du combat jeté mon
bouclier.
Non, c’est toi qui changeas. Un nom qui se révèle
T’éblouit
des rayons de sa gloire nouvelle.
Tu vois dans le bourgeon le fruit qui doit
mûrir :
Mécène du Virgile et saint Jean du Messie,
Tu répands en tous
lieux la saint Prophétie,
Tu sèmes la parole et tu la fais fleurir.
Je
ne suis pas de ceux qui vont dans les orgies
S’inspirer aux lueurs blafardes
des bougies,
Qui dans l’air obscurci par les vapeurs du vin,
Tentent de
ranimer leur muse exténuée,
Comme un vieillard flétri qu’une
prostituée
Sous ses baisers impurs veut réchauffer en vain.
C’est
ainsi que j’entends l’œuvre de poésie :
Chacun de nous s’est fait l’art à sa
fantaisie,
Chacun de nous l’a vu d’un différent côté.
Prisme aux mille
couleurs, chaque œil en saisit une
Suivant le point divers où l’a mis la
fortune :
Dieu lui seul peut tout voir dans son immensité.
Conserve la
croyance et respecte la nôtre,
Apôtre dévoué de la gloire d’un autre
;
Fais-toi du nouveau Dieu confesseur et martyr,
Ne crois pas que mon cœur
cède comme une argile
Ni que ta voix, prêchant le nouvel Évangile,
Si
chaude qu’elle soit, puisse me convertir.
Adieu. Garde ta foi, garde ton
opulence.
Laisse-moi recueillir mon cœur dans le silence,
Laisse-moi
consumer mes jours comme un reclus ;
Pardonne cependant à cette
rêverie,
C’est le chant d’un proscrit en quittant la patrie,
C’est la voix
d’un ami que tu n’entendras plus.
A Alfred Tattet
Alfred, j’ai vu des jours où nous vivions en frères,
Servant
les mêmes dieux aux autels littéraires :
Le ciel n’avait formé qu’une âme
pour deux corps ;
Beaux jours d’épanchement, d’amour et d’harmonie,
Où ma
voix à la tienne incessamment unie
Allait se perdre au ciel en de divins
accords.
Qui de nous a changé ? Pourquoi dans la carrière
L’un
court-il en avant, laissant l’autre en arrière ?
Lequel des deux soldats a
déserté les rangs ?
Pourquoi ces deux vaisseaux qui naviguaient
ensemble,
Désespérant déjà d’un port qui les rassemble,
Vont-ils chercher
si loin des bords si différents ?
Je n’ai pas dévoué mon maître aux
gémonies,
Je n’ai pas abreuvé de fiel et d’avanies
L’idole où mes genoux
s’usaient à se plier :
Je n’ai point du passé répudié la trace,
J’y suis
resté fidèle, et n’ai point, comme Horace,
Au milieu du combat jeté mon
bouclier.
Non, c’est toi qui changeas. Un nom qui se révèle
T’éblouit
des rayons de sa gloire nouvelle.
Tu vois dans le bourgeon le fruit qui doit
mûrir :
Mécène du Virgile et saint Jean du Messie,
Tu répands en tous
lieux la saint Prophétie,
Tu sèmes la parole et tu la fais fleurir.
Je
ne suis pas de ceux qui vont dans les orgies
S’inspirer aux lueurs blafardes
des bougies,
Qui dans l’air obscurci par les vapeurs du vin,
Tentent de
ranimer leur muse exténuée,
Comme un vieillard flétri qu’une
prostituée
Sous ses baisers impurs veut réchauffer en vain.
C’est
ainsi que j’entends l’œuvre de poésie :
Chacun de nous s’est fait l’art à sa
fantaisie,
Chacun de nous l’a vu d’un différent côté.
Prisme aux mille
couleurs, chaque œil en saisit une
Suivant le point divers où l’a mis la
fortune :
Dieu lui seul peut tout voir dans son immensité.
Conserve la
croyance et respecte la nôtre,
Apôtre dévoué de la gloire d’un autre
;
Fais-toi du nouveau Dieu confesseur et martyr,
Ne crois pas que mon cœur
cède comme une argile
Ni que ta voix, prêchant le nouvel Évangile,
Si
chaude qu’elle soit, puisse me convertir.
Adieu. Garde ta foi, garde ton
opulence.
Laisse-moi recueillir mon cœur dans le silence,
Laisse-moi
consumer mes jours comme un reclus ;
Pardonne cependant à cette
rêverie,
C’est le chant d’un proscrit en quittant la patrie,
C’est la voix
d’un ami que tu n’entendras plus.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
A mon ami-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
A mon ami ***
Tu sais l’amour et son ivresse
Tu sais l’amour et ses combats
;
Tu sais une voix qui t’adresse
Ces mots d’ineffable tendresse
Qui ne
se disent que tout bas.
Sur un beau sein, ta bouche errante
Enfin a pu
se reposer,
Et sur une lèvre mourante
Sentir la douceur enivrante
Que
recèle un premier baiser…
Maître de ces biens qu’on envie
Ton cœur est
pur, tes jours sont pleins !
Esclave à tes vœux asservie,
La fortune
embellit ta vie
Tu sais qu’on t’aime, et tu te plains !
Et tu te
plains ! et t’exagères
Ces vagues ennuis d’un moment,
Ces chagrins, ces
douleurs légères,
Et ces peines si passagères
Qu’on ne peut souffrir qu’en
aimant !
Et tu pleures ! et tu regrettes
Cet épanchement amoureux
!
Pourquoi ces maux que tu t’apprêtes ?
Garde ces plaintes
indiscrètes
Et ces pleurs pour les malheureux !
Pour moi, de qui l’âme
flétrie
N’a jamais reçu de serment,
Comme un exilé sans patrie,
Pour
moi, qu’une voix attendrie
N’a jamais nommé doucement,
Personne qui
daigne m’entendre,
A mon sort qui saigne s’unir,
Et m’interroge d’un air
tendre,
Pourquoi je me suis fait attendre
Un jour tout entier sans
venir.
Personne qui me recommande
De ne rester que peu
d’instants
Hors du logis ; qui me gourmande
Lorsque je rentre et me
demande
Où je suis allé si longtemps.
Jamais d’haleine
caressante
Qui, la nuit, vienne m’embaumer ;
Personne dont la main
pressante
Cherche la mienne, et dont je sente
Sur mon cœur les bras se
fermer !
Une fois pourtant – quatre années
Auraient-elles donc
effacé
Ce que ces heures fortunées
D’illusions environnées
Au fond de
mon âme ont laissé ?
Oh ! c’est qu’elle était si jolie !
Soit qu’elle
ouvrit ses yeux si grands,
Soit que sa paupière affaiblie
Comme un voile
qui se déplie
Éteignit ses regards mourants !
- J’osai concevoir
l’espérance
Que les destins moins ennemis,
Prenant pitié de ma
souffrance,
Viendraient me donner l’assurance
D’un bonheur qu’ils auraient
permis :
L’heure que j’avais attendue,
Le bonheur que j’avais
rêvé
A fui de mon âme éperdue,
Comme une note suspendue,
Comme un
sourire inachevé !
Elle ne s’est point souvenue
Du monde qui ne la vit
pas ;
Rien n’a signalé sa venue,
Elle est passée, humble,
inconnue,
Sans laisser trace de ses pas.
Depuis lors, triste et
monotone,
Chaque jour commence et finit :
Rien ne m’émeut, rien ne
m’étonne,
Comme un dernier rayon d’automne
J’aperçois mon front qui
jaunit.
Et loin de tous, quand le mystère
De l’avenir s’est
refermé,
Je fuis, exilé volontaire !
- Il n’est qu’un bonheur sur la
terre,
Celui d’aimer et d’être aimé.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
L'anniversaire-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
L'anniversaire
Oh ! qui me donnera d'aller dans vos prairies,
Promener chaque
jour mes tristes rêveries,
Rivages fortunés où parmi les roseaux
L'Yonne
tortueuse égare au loin ses eaux !
Oui, je veux vous revoir, poétiques
ombrages,
Bords heureux, à jamais ignorés des orages,
Peupliers si
connus, et vous, restes touchants,
Qui m'avez inspiré jadis mes premiers
chants
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
La ressemblance-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
-La ressemblance
Sur tes riches tapis, sur ton divan qui laisse
Au milieu des
parfums respirer la mollesse,
En ce voluptueux séjour,
Où loin de tous les
yeux, loin des bruits de la terre,
Les voiles enlacés semblent, pour un
mystère,
Eteindre les rayons du jour,
Ne t'enorgueillis pas,
courtisane rieuse,
Si, pour toutes tes soeurs ma bouche sérieuse
Te sourit
aussi doucement,
Si, pour toi seule ici, moins glacée et moins lente,
Ma
main sur ton sein nu s'égare, si brûlante
Qu'on me prendrait pour un
amant.
Ce n'est point que mon coeur soumis à ton empire,
Au charme
décevant que ton regard inspire
Incapable de résister,
A cet appât
trompeur se soit laissé surprendre
Et ressente un amour que tu ne peux
comprendre,
Mon pauvre enfant ! ni mériter.
Non : ces rires, ces
pleurs, ces baisers, ces morsures,
Ce cou, ces bras meurtris d'amoureuses
blessures,
Ces transports, cet oeil enflammé ;
Ce n'est point un aveu, ce
n'est point un hommage
Au moins : c'est que tes traits me rappellent
l'image
D'une autre femme que j'aimai.
Elle avait ton parler, elle
avait ton sourire,
Cet air doux et rêveur qui ne peut se décrire.
Et
semble implorer un soutien ;
Et de l'illusion comprends-tu la puissance ?
On dirait que son oeil, tout voilé d'innocence,
Lançait des feux comme le
tien.
Allons : regarde-moi de ce regard si tendre,
Parle-moi,
touche-moi, qu'il me semble l'entendre
Et la sentir à mes côtés.
Prolonge
mon erreur : que cette voix touchante
Me rende des accents si connus et me
chante
Tous les airs q'elle m'a chantés !
Hâtons-nous, hâtons-nous !
Insensé qui d'un songe
Quand le jour a chassé le rapide mensonge,
Espère
encor le ressaisir !
Qu'à mes baisers de feu ta bouche s'abandonne,
Viens, que chacun de nous trompe l'autre et lui donne
Toi le bonheur,
moi le plaisir !
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
La villégiature-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
La villégiature
J'ai souvent comparé la villégiature
Aux phases d'un voyage
entrepris en commun
Avec des étrangers de diverse nature
Dont on n'a de
ses jours vu ni connu pas un.
Au début de la route, en montant en
voiture,
On s'observe : - l'un l'autre on se trouve importun ;
L'entretien
languissant meurt faute de pâture...
Mais, petit à petit, on s'anime ; et
chacun
A l'entrain général à son tour s'associe :
On cause, on
s'abandonne, et plus d'un s'apprécie.
- Les chevaux cependant marchent sans
s'arrêter ;
Et c'est lorsqu'on commence à peine à se connaître,
Que
l'on se juge mieux, - qu'on s'aimerait peut-être,
- C'est alors qu'on arrive,
- et qu'il faut se quitter.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Ospitalita-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
Ospitalita
Dans des vers immortels que vous savez sans doute,
Dante
acceptant d'un prince et le toit et l'appui,
Des chagrins de l'exil abreuvé
goutte à goutte,
Nous a montré son coeur tout plein d'un sombre ennui ;
Et
combien est amer, pour celui qui le goûte,
Le pain de l'étranger, et tout ce
qu'il en coûte
De monter et descendre à l'escalier d'autrui...
Moi, qui ne
le vaux pas, j'ai trouvé mieux que lui.
Ici, malgré ces vers de funèbre
présage,
J'ai trouvé le pain bon, et meilleur le visage,
Et l'opulent
bien-être et les plaisirs permis.
C'est que Dante, égaré dans des sphères
trop hautes,
Avait un protecteur, et que moi j'ai des hôtes ;
C'est qu'il
avait un maître et que j'ai des amis.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Sonnet-Félix ARVERS
- Félix ARVERS (1806-1850)
Sonnet
Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,
Un amour éternel en
un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire,
Et celle
qui l'a fait n'en a jamais rien su.
Hélas ! j'aurai passé près d'elle
inaperçu,
Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire.
Et j'aurai jusqu'au
bout fait mon temps sur la terre,
N'osant rien demander et n'ayant rien
reçu.
Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre,
Elle suit
son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d'amour élevé sur ses
pas.
À l'austère devoir, pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers
tout remplis d'elle
" Quelle est donc cette femme ? " et ne comprendra
pas.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
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