Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
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Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Rappel du premier message :
Louis-Joseph-Cyprien Fiset 1825-1898
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
Louis-Joseph-Cyprien Fiset 1825-1898
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
V
Ils étaient bleus, ma foi, la couleur que j'adore
Plus clairs que le cristal, profonds comme l'azur!
Je lui dis: «belle enfant, je m'appelle Isidore:
«Si tu voulais m'aimer, je t'aimerais pour sûr!
«Je suis Français, je viens du pays de tes pères.
«Je crois que je suis né dans les murs d'Alençon»!
Mais elle, se dressant comme font les vipères,
Me dit tout bas un mot, un seul mot: « polisson»!
VI
Elle avait disparu j'étais cloué sur place,
Transi par les regards des passants, des badauds;
Mon coeur ardent naguère était devenu glace;
Il s'écoulait en sueur j'avais tourné le dos;
La rage m'étouffait, lorsque j'entendis rire
De ce rire malin qui vous fouette le sang:
Un homme avait tout vu! j'étais dans le délire!
Cet homme était assis tout auprès sur un banc.
VII
Je l'aurais étranglé, mais je n'osais le faire!
C'était un beau vieillard de soixante-quinze ans;
Grave comme un goddam, mais pourtant débonnaire,
Poli comme l'étaient nos anciens courtisans
Sa main serra ma main dans une longue étreinte,
Son oeil doux dissipa ma honte et mon courroux;
Comme de vieux amis sans gêne et sans contrainte
Nous causâmes longtemps: le vieux était absous!
Ils étaient bleus, ma foi, la couleur que j'adore
Plus clairs que le cristal, profonds comme l'azur!
Je lui dis: «belle enfant, je m'appelle Isidore:
«Si tu voulais m'aimer, je t'aimerais pour sûr!
«Je suis Français, je viens du pays de tes pères.
«Je crois que je suis né dans les murs d'Alençon»!
Mais elle, se dressant comme font les vipères,
Me dit tout bas un mot, un seul mot: « polisson»!
VI
Elle avait disparu j'étais cloué sur place,
Transi par les regards des passants, des badauds;
Mon coeur ardent naguère était devenu glace;
Il s'écoulait en sueur j'avais tourné le dos;
La rage m'étouffait, lorsque j'entendis rire
De ce rire malin qui vous fouette le sang:
Un homme avait tout vu! j'étais dans le délire!
Cet homme était assis tout auprès sur un banc.
VII
Je l'aurais étranglé, mais je n'osais le faire!
C'était un beau vieillard de soixante-quinze ans;
Grave comme un goddam, mais pourtant débonnaire,
Poli comme l'étaient nos anciens courtisans
Sa main serra ma main dans une longue étreinte,
Son oeil doux dissipa ma honte et mon courroux;
Comme de vieux amis sans gêne et sans contrainte
Nous causâmes longtemps: le vieux était absous!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
VIII
«À parler franc et net mon âge m'autorise,»
Me dit le vieux Lafleur il s'appelait ainsi
«Vous venez, mon enfant, de faire une bêtise
«Dont vous prenez, je crois, un peu trop de souci.
«Sachez que parmi nous sans péril, sans duègne,
«Une jeune beauté promène ses appas
«Ne soupçonnant jamais qu'un passant la contraigne
«A rentrer au logis par crainte d'un faux pas.»
IX
«Ici, la liberté se pose en souveraine,
«L'innocence ingénue affronte les hasards.
«Et la coquetterie établit son domaine
«Sans laisser deviner jusqu'où vont ses écarts;
«Mais toute jeune fille est diablement pratique,
«Et sans cesse à l'affût de quelque bon parti,
«Se souciant fort peu des lois de la logique,
«Elle n'exige pas qu'il lui soit assorti.»
«À parler franc et net mon âge m'autorise,»
Me dit le vieux Lafleur il s'appelait ainsi
«Vous venez, mon enfant, de faire une bêtise
«Dont vous prenez, je crois, un peu trop de souci.
«Sachez que parmi nous sans péril, sans duègne,
«Une jeune beauté promène ses appas
«Ne soupçonnant jamais qu'un passant la contraigne
«A rentrer au logis par crainte d'un faux pas.»
IX
«Ici, la liberté se pose en souveraine,
«L'innocence ingénue affronte les hasards.
«Et la coquetterie établit son domaine
«Sans laisser deviner jusqu'où vont ses écarts;
«Mais toute jeune fille est diablement pratique,
«Et sans cesse à l'affût de quelque bon parti,
«Se souciant fort peu des lois de la logique,
«Elle n'exige pas qu'il lui soit assorti.»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
X
«Jouant avec le feu, Daphné sera coquette
«Pour attirer à soi l'essaim des soupirants,
«Et dès le lendemain, en devenant muette,
«Elle attise l'ardeur de tous les aspirants
«Dévote à sa façon, mais fort peu rigoureuse,
«Abîme dont nul oeil ne pénètre le fond,
«De l'amour d'un beau brun vous la voyez heureuse
«Tandis qu'en ce moment elle n'aime qu'un blond!»
XI
«Elle allume, elle éteint tour-à-tour bien des flammes
«Pour constater ainsi ses glorieux succès,
«Combinant froidement la conquête des âmes,
«Et calculant ses coups comme un joueur d'échecs:
«Tel le fier Iroquois aux sauvages allures,
«Dont notre Canada garde le souvenir,
«Des ennemis vaincus comptait les chevelures
«Dont ses enfants, un jour, devaient s'enorgueillir.»
XII
- « Peste!» me direz-vous « son coeur est donc de marbre!
«Mais en songe, du moins, n'a-t-il jamais mordu
«Au fruit délicieux, produit de certain arbre
«Bien connu sous le nom d'arbre au fruit défendu?»
«- Chut! d'un sexe charmant le respect seul m'inspire
«Interrogez plutôt son ange-gardien
«Si j'en savais plus long, je n'oserais le dire:
«Pour couper au plus court, je dis: je n'en sais rien.»
«Jouant avec le feu, Daphné sera coquette
«Pour attirer à soi l'essaim des soupirants,
«Et dès le lendemain, en devenant muette,
«Elle attise l'ardeur de tous les aspirants
«Dévote à sa façon, mais fort peu rigoureuse,
«Abîme dont nul oeil ne pénètre le fond,
«De l'amour d'un beau brun vous la voyez heureuse
«Tandis qu'en ce moment elle n'aime qu'un blond!»
XI
«Elle allume, elle éteint tour-à-tour bien des flammes
«Pour constater ainsi ses glorieux succès,
«Combinant froidement la conquête des âmes,
«Et calculant ses coups comme un joueur d'échecs:
«Tel le fier Iroquois aux sauvages allures,
«Dont notre Canada garde le souvenir,
«Des ennemis vaincus comptait les chevelures
«Dont ses enfants, un jour, devaient s'enorgueillir.»
XII
- « Peste!» me direz-vous « son coeur est donc de marbre!
«Mais en songe, du moins, n'a-t-il jamais mordu
«Au fruit délicieux, produit de certain arbre
«Bien connu sous le nom d'arbre au fruit défendu?»
«- Chut! d'un sexe charmant le respect seul m'inspire
«Interrogez plutôt son ange-gardien
«Si j'en savais plus long, je n'oserais le dire:
«Pour couper au plus court, je dis: je n'en sais rien.»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
XIII
«Ce que je sais vraiment c'est que tout son manège
«A pour but d'éblouir quelque bon gros gibier
«Qui tout naïvement en tombant dans le piège,
«S'éveillera surpris comme dans un guêpier
«S'il veut se dégager elle crie au scandale!
«S'il résiste toujours cela se voit souvent
«Elle annonce son voeu de se faire vestale;
«Mais se gardera bien d'approcher du couvent.»
XIV
«Si Paul rompt ses liens, elle reprendra Pierre,
«Car elle met toujours deux cordes à son arc
«Si Pierre prend la fuite elle en rit en arrière:
«Il lui reste toujours du gibier dans le parc!
«Adolescents naïfs qui côtoyez la rive,
«Comme Ulysse jadis fermez l'oreille aux chants
«Dont la jeune Syrêne, à séduire attentive,
«Fait retentir au loin les motifs si touchants!»
«Ce que je sais vraiment c'est que tout son manège
«A pour but d'éblouir quelque bon gros gibier
«Qui tout naïvement en tombant dans le piège,
«S'éveillera surpris comme dans un guêpier
«S'il veut se dégager elle crie au scandale!
«S'il résiste toujours cela se voit souvent
«Elle annonce son voeu de se faire vestale;
«Mais se gardera bien d'approcher du couvent.»
XIV
«Si Paul rompt ses liens, elle reprendra Pierre,
«Car elle met toujours deux cordes à son arc
«Si Pierre prend la fuite elle en rit en arrière:
«Il lui reste toujours du gibier dans le parc!
«Adolescents naïfs qui côtoyez la rive,
«Comme Ulysse jadis fermez l'oreille aux chants
«Dont la jeune Syrêne, à séduire attentive,
«Fait retentir au loin les motifs si touchants!»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
XV
«Oh, fuyez, vous surtout dont la bourse replète
«Fait naître en son esprit des rêves luxueux
«En vain vous retranchant dans la stricte étiquette,
«Vous sauriez éviter un rôle affectueux!
«Si vous prêtez le flanc, qu'un seul mot vous échappe
«Qui ressemble de loin aux amoureux propos,
«Un étourneau de plus est tombé dans la trappe:
«Épousez, épousez sans quoi plus de repos!»
XVI
«Ce récit, mon ami, doit vous paraître étrange!
«Ce qui l'est encor plus c'est qu'un pareil démon
«Dans la barque d'Hymen sera doux comme un ange,
«Pourvu, bien entendu, qu'il tienne le timon!
«Mais, badinage à part, en devenant Madame,
«Elle renonce à tout si ce n'est au mari
«Heureux, trois fois heureux qui tient pareille femme!
«Son coeur est satisfait, son honneur à l'abri!»
XVII
«Car sur nos bords heureux où la foi règne encore,
«Où la femme luttant sous l'égide de Dieu,
«Méprise les écarts que le vieux monde adore,
«Sa vertu resplendit: c'est un phare en haut lieu!
«C'est là sa seule dot; mais elle en vaut bien d'autres:
«Rien ne peut l'entamer elle dure toujours!
«Comment se fait-il donc que tous nos bons apôtres
«Préfèrent les écus aux fidèles amours?»
«Oh, fuyez, vous surtout dont la bourse replète
«Fait naître en son esprit des rêves luxueux
«En vain vous retranchant dans la stricte étiquette,
«Vous sauriez éviter un rôle affectueux!
«Si vous prêtez le flanc, qu'un seul mot vous échappe
«Qui ressemble de loin aux amoureux propos,
«Un étourneau de plus est tombé dans la trappe:
«Épousez, épousez sans quoi plus de repos!»
XVI
«Ce récit, mon ami, doit vous paraître étrange!
«Ce qui l'est encor plus c'est qu'un pareil démon
«Dans la barque d'Hymen sera doux comme un ange,
«Pourvu, bien entendu, qu'il tienne le timon!
«Mais, badinage à part, en devenant Madame,
«Elle renonce à tout si ce n'est au mari
«Heureux, trois fois heureux qui tient pareille femme!
«Son coeur est satisfait, son honneur à l'abri!»
XVII
«Car sur nos bords heureux où la foi règne encore,
«Où la femme luttant sous l'égide de Dieu,
«Méprise les écarts que le vieux monde adore,
«Sa vertu resplendit: c'est un phare en haut lieu!
«C'est là sa seule dot; mais elle en vaut bien d'autres:
«Rien ne peut l'entamer elle dure toujours!
«Comment se fait-il donc que tous nos bons apôtres
«Préfèrent les écus aux fidèles amours?»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
XVIII
«Elle craint avant tout de mourir vieille fille,
«Et, foi de vieux garçon, elle aurait bien moins peur
«De terminer ses jours au fond d'une bastille,
«Ou d'avoir pour époux un versificateur!
«Voilà tout le secret de sa diplomatie:
«Le motif en est bon, j'ose dire excellent!
«Comme le peuple juif elle attend un Messie!
«Par ce trait je termine un sujet si brûlant!»
XIX
Le bonhomme se tut son éternel sourire
D'un air toujours railleur enveloppait ses traits:
Poète, il eut choisi pour genre la satyre:
Il me faisait penser à François Rabelais!
- « ! mon vieux Mentor, je vous comprends,» lui dis je,
«Mais de grâce un seul mot, si vous le voulez bien:
«Parlez-moi donc un peu de ce petit prodige
«Qui vient de me traiter, ventrebleu! comme un chien!»
XX
«C'est le premier affront que jamais une femme
«Ait osé me lancer même en quartier latin;
«Mais je vous le promets, je jure sur mon âme
«Que je triompherai de ce gentil lutin!
«Pour vous dire le vrai, sachez donc que je l'aime!
«Quand j'attendrais dix ans, je veux l'apprivoiser,
«Et je saurai, parbleu! résoudre le problème
«Dussé-je s'il le faut, dussé-je l'épouser!»
«Elle craint avant tout de mourir vieille fille,
«Et, foi de vieux garçon, elle aurait bien moins peur
«De terminer ses jours au fond d'une bastille,
«Ou d'avoir pour époux un versificateur!
«Voilà tout le secret de sa diplomatie:
«Le motif en est bon, j'ose dire excellent!
«Comme le peuple juif elle attend un Messie!
«Par ce trait je termine un sujet si brûlant!»
XIX
Le bonhomme se tut son éternel sourire
D'un air toujours railleur enveloppait ses traits:
Poète, il eut choisi pour genre la satyre:
Il me faisait penser à François Rabelais!
- « ! mon vieux Mentor, je vous comprends,» lui dis je,
«Mais de grâce un seul mot, si vous le voulez bien:
«Parlez-moi donc un peu de ce petit prodige
«Qui vient de me traiter, ventrebleu! comme un chien!»
XX
«C'est le premier affront que jamais une femme
«Ait osé me lancer même en quartier latin;
«Mais je vous le promets, je jure sur mon âme
«Que je triompherai de ce gentil lutin!
«Pour vous dire le vrai, sachez donc que je l'aime!
«Quand j'attendrais dix ans, je veux l'apprivoiser,
«Et je saurai, parbleu! résoudre le problème
«Dussé-je s'il le faut, dussé-je l'épouser!»
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
XXI
- « C'est parler rondement» répliqua le bonhomme
En clignant du seul oeil qui parût encor bon
«J'admire votre ardeur, chez Monsieur, mais en somme
«Il pourrait arriver que vous fissiez faux-bond
«Avant de conquérir cette jeune héritière
«Dont bien des prétendants se disputent la main,
«Vous aurez à lutter contre la ville entière!
«Veuillez, veuillez m'en croire, ami, partez demain!»
XXII
«L'épouser! Savez-vous qu'ici tel mariage
«N'a lieu sans le concours de plusieurs caballeurs?
«Qu'il faut, pour réussir, ouïr le verbiage
«De tous les désoeuvrés et des écornifleurs?
«C'est une élection: tout le monde s'en mêle
«Ceux que vous négligez se tournent contre vous!
«Si vous combattez seul, votre chance est bien grêle:
« Autant vaudrait, mon cher, faire ramer des choux!»
- « C'est parler rondement» répliqua le bonhomme
En clignant du seul oeil qui parût encor bon
«J'admire votre ardeur, chez Monsieur, mais en somme
«Il pourrait arriver que vous fissiez faux-bond
«Avant de conquérir cette jeune héritière
«Dont bien des prétendants se disputent la main,
«Vous aurez à lutter contre la ville entière!
«Veuillez, veuillez m'en croire, ami, partez demain!»
XXII
«L'épouser! Savez-vous qu'ici tel mariage
«N'a lieu sans le concours de plusieurs caballeurs?
«Qu'il faut, pour réussir, ouïr le verbiage
«De tous les désoeuvrés et des écornifleurs?
«C'est une élection: tout le monde s'en mêle
«Ceux que vous négligez se tournent contre vous!
«Si vous combattez seul, votre chance est bien grêle:
« Autant vaudrait, mon cher, faire ramer des choux!»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
XXIII
Mais il faut que j'abrège ou que j'use ma plume,
Car il parla longtemps le vieux Canadien
De tout ce qu'il me dit je ferais un volume
Dans un genre connu qui ne conclut à rien.
Bref, pareil au renard de notre Lafontaine,
Qui voit venir les chiens au son pressant du cor,
Je quittai pour toujours la rive américaine
Aux sauvages beautés et puis je cours encor!
À certaine voyageuse
Qui n'aime à revoir l'hirondelle
Quand le printemps est de retour,
Au même toit toujours fidèle,
Offrir son doux tribut d'amour?
À son aspect, ton sein, nature,
S'embellit des plus belles fleurs,
À son départ, plus de parure:
Tu gémis et verses des pleurs!
Ainsi, de la rive lointaine,
Perle sans prix de l'Orient,
Lorsqu'en ces lieux Dieu vous ramène,
Tout coeur tressaille en vous voyant.
Pourquoi, gracieuse hirondelle,
Si tôt nous faire vos adieux?
Allez puisque Dieu vous appelle
À faire ailleurs d'autres heureux!
Mais il faut que j'abrège ou que j'use ma plume,
Car il parla longtemps le vieux Canadien
De tout ce qu'il me dit je ferais un volume
Dans un genre connu qui ne conclut à rien.
Bref, pareil au renard de notre Lafontaine,
Qui voit venir les chiens au son pressant du cor,
Je quittai pour toujours la rive américaine
Aux sauvages beautés et puis je cours encor!
À certaine voyageuse
Qui n'aime à revoir l'hirondelle
Quand le printemps est de retour,
Au même toit toujours fidèle,
Offrir son doux tribut d'amour?
À son aspect, ton sein, nature,
S'embellit des plus belles fleurs,
À son départ, plus de parure:
Tu gémis et verses des pleurs!
Ainsi, de la rive lointaine,
Perle sans prix de l'Orient,
Lorsqu'en ces lieux Dieu vous ramène,
Tout coeur tressaille en vous voyant.
Pourquoi, gracieuse hirondelle,
Si tôt nous faire vos adieux?
Allez puisque Dieu vous appelle
À faire ailleurs d'autres heureux!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
À * * * présenté avec un bouquet le jour de sa fête
Chantons, égayons-nous: ce jour est votre fête,
Chaînon d'un heureux avenir!
Des fleurs que nous portons couronnez votre tête,
Et donnez un sourire au timide poète
Si content de vous les offrir!
I
Cette rose aux douces nuances
Est l'image de votre coeur
Objet des vaines espérances
De plus d'un tendre admirateur;
L'oeillet peint vos grâces charmantes
Et vos manières séduisantes
L'héliotrope vos vertus;
Et la gentille mignonette
Est la plus fidèle interprète
Des sentiments qui vous sont dûs.
Choeur
Chantons, égayons-nous.
Chantons, égayons-nous: ce jour est votre fête,
Chaînon d'un heureux avenir!
Des fleurs que nous portons couronnez votre tête,
Et donnez un sourire au timide poète
Si content de vous les offrir!
I
Cette rose aux douces nuances
Est l'image de votre coeur
Objet des vaines espérances
De plus d'un tendre admirateur;
L'oeillet peint vos grâces charmantes
Et vos manières séduisantes
L'héliotrope vos vertus;
Et la gentille mignonette
Est la plus fidèle interprète
Des sentiments qui vous sont dûs.
Choeur
Chantons, égayons-nous.
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Ces fleurs fragiles sont l'emblème
De la rapidité du temps,
Et nous donnent l'avis suprême
De savourer nos jeunes ans.
Soyons heureux: c'est de notre âge!
On peut, sans cesser d'être sage
Se livrer aux jeux, aux amours!
N'attendons pas que la vieillesse
Se riant de notre faiblesse
Les ait exilés pour toujours!
Ces fleurs fragiles sont l'emblème
De la rapidité du temps,
Et nous donnent l'avis suprême
De savourer nos jeunes ans.
Soyons heureux: c'est de notre âge!
On peut, sans cesser d'être sage
Se livrer aux jeux, aux amours!
N'attendons pas que la vieillesse
Se riant de notre faiblesse
Les ait exilés pour toujours!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Choeur
Chantons.
À Made * * * le jour de sa fête
Impromptu
Quand tout le monde autour de vous s'empresse
À célébrer vos grâces, vos vertus,
Chère Albina, dans ce jour d'allégresse,
M'est-il permis de vaincre ma paresse
Pour vous offrir un hommage de plus?
Votre cousin vous apporte un sourire,
Votre cousine une gentille fleur
Votre maman sur son sein vous attire;
Puis votre soeur vous offre de la tire:
Que reste-t-il à vous donner? du coeur!
Chanson 1849
I
Voyez venir la horde meurtrière,
Voyez venir les bourreaux de trente huit!
Ils ont lancé la torche incendiaire
Contre nos toits, dans l'ombre de la nuit!
Serrons nos rangs! luttons contre l'orage!
Soyons unis, vaillants comme autrefois!
Courons, courons arracher à l'outrage
Nos saints autels, notre langue et nos lois!
II
Ô liberté qu'insulte leur audace,
C'est en ton nom qu'on veut nous égorger!
Fille du ciel, protège notre race,
Accorde-nous l'honneur de te venger!
Serrons nos rangs! luttons contre l'orage!
Soyons unis, vaillants comme autrefois!
Courons, courons arracher à l'outrage
Nos saints autels, notre langue et nos lois!
II
Vaincre ou mourir! fut le grand cri de guerre
Que nos aïeux ont cent fois répété
Vaincre ou mourir! au sein de l'Angleterre
Qu'il retentisse il sera respecté!
Serrons nos rangs.
Source: http://www.poesies.net
Chantons.
À Made * * * le jour de sa fête
Impromptu
Quand tout le monde autour de vous s'empresse
À célébrer vos grâces, vos vertus,
Chère Albina, dans ce jour d'allégresse,
M'est-il permis de vaincre ma paresse
Pour vous offrir un hommage de plus?
Votre cousin vous apporte un sourire,
Votre cousine une gentille fleur
Votre maman sur son sein vous attire;
Puis votre soeur vous offre de la tire:
Que reste-t-il à vous donner? du coeur!
Chanson 1849
I
Voyez venir la horde meurtrière,
Voyez venir les bourreaux de trente huit!
Ils ont lancé la torche incendiaire
Contre nos toits, dans l'ombre de la nuit!
Serrons nos rangs! luttons contre l'orage!
Soyons unis, vaillants comme autrefois!
Courons, courons arracher à l'outrage
Nos saints autels, notre langue et nos lois!
II
Ô liberté qu'insulte leur audace,
C'est en ton nom qu'on veut nous égorger!
Fille du ciel, protège notre race,
Accorde-nous l'honneur de te venger!
Serrons nos rangs! luttons contre l'orage!
Soyons unis, vaillants comme autrefois!
Courons, courons arracher à l'outrage
Nos saints autels, notre langue et nos lois!
II
Vaincre ou mourir! fut le grand cri de guerre
Que nos aïeux ont cent fois répété
Vaincre ou mourir! au sein de l'Angleterre
Qu'il retentisse il sera respecté!
Serrons nos rangs.
Source: http://www.poesies.net
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