Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
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Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Louis-Joseph-Cyprien Fiset 1825-1898
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
De Roméo, de Juliette
Vous qui gardez le souvenir;
Vous qui dévorez en cachette
La page où Werther va mourir;
Qui pleurez Paul et Virginie,
Atala, René, nobles coeurs,
Doux fantômes que le génie
Para des plus vives couleurs!
Ce n'est pas pour vous que je trace
Un tableau par ma main pâli,
Et qui ne pourra trouver place
Que dans l'abîme de l'oubli;
A vous les plantes luxueuses,
Les essences voluptueuses
Qui viennent de climats lointains:
Laissez-moi les mûres sauvages
Qui se perdent sur nos rivages,
Que je trouve au bord des chemins,
Fragments épars de l'humble histoire
De deux êtres faits pour s'aimer
Dont je me plais à ranimer
Et les cendres et la mémoire!
De Roméo, de Juliette
Vous qui gardez le souvenir;
Vous qui dévorez en cachette
La page où Werther va mourir;
Qui pleurez Paul et Virginie,
Atala, René, nobles coeurs,
Doux fantômes que le génie
Para des plus vives couleurs!
Ce n'est pas pour vous que je trace
Un tableau par ma main pâli,
Et qui ne pourra trouver place
Que dans l'abîme de l'oubli;
A vous les plantes luxueuses,
Les essences voluptueuses
Qui viennent de climats lointains:
Laissez-moi les mûres sauvages
Qui se perdent sur nos rivages,
Que je trouve au bord des chemins,
Fragments épars de l'humble histoire
De deux êtres faits pour s'aimer
Dont je me plais à ranimer
Et les cendres et la mémoire!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Souvent je crois ouïr encor,
Au pied de la falaise sombre,
Plus tendres que des lyres d'or,
Leurs voix qui résonnent dans l'ombre
- « Grazia, partage avec moi
Le charme d'une nuit si pure!
Il me semble que la nature,
Lorsque je suis auprès de toi,
Revêt sa plus belle parure!
L'air est toujours plus embaumé,
D'un reflet plus gai l'onde brille,
Et l'étoile du soir scintille
Dans un azur plus animé.
Jouissons des courtes délices
Que chaque instant va nous ravir!
Le passé n'est qu'un souvenir:
Qui sait les affreux sacrifices
Que peut nous coûter l'avenir?
L'avenir! c'est l'onde perfide
Où glisse notre frêle esquif:
Son sein que nul souffle ne ride
N'offre à nos yeux aucun rescif:
Calme trompeur qui nous égare,
Ou ne promet rien de certain!
Qui sait les dangers qu'il prépare
Pour ceux qui passeront demain!
Hâtons-nous! car le temps nous presse:
Déjà, l'astre des nuits nous laisse
Pour sourire à d'autres amours!
Du jour te souvient-il encore
Où, sous l'ombre du sycomore, l
Je promis de t'aimer toujours?»
- « Jude, regagnons le rivage!
Que dirait le bon Père André
S'il me savait loin du village
Nom vulgaire d'une espèce d'érable.
Au pied de la falaise sombre,
Plus tendres que des lyres d'or,
Leurs voix qui résonnent dans l'ombre
- « Grazia, partage avec moi
Le charme d'une nuit si pure!
Il me semble que la nature,
Lorsque je suis auprès de toi,
Revêt sa plus belle parure!
L'air est toujours plus embaumé,
D'un reflet plus gai l'onde brille,
Et l'étoile du soir scintille
Dans un azur plus animé.
Jouissons des courtes délices
Que chaque instant va nous ravir!
Le passé n'est qu'un souvenir:
Qui sait les affreux sacrifices
Que peut nous coûter l'avenir?
L'avenir! c'est l'onde perfide
Où glisse notre frêle esquif:
Son sein que nul souffle ne ride
N'offre à nos yeux aucun rescif:
Calme trompeur qui nous égare,
Ou ne promet rien de certain!
Qui sait les dangers qu'il prépare
Pour ceux qui passeront demain!
Hâtons-nous! car le temps nous presse:
Déjà, l'astre des nuits nous laisse
Pour sourire à d'autres amours!
Du jour te souvient-il encore
Où, sous l'ombre du sycomore, l
Je promis de t'aimer toujours?»
- « Jude, regagnons le rivage!
Que dirait le bon Père André
S'il me savait loin du village
Nom vulgaire d'une espèce d'érable.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Quand le soleil s'est retiré?
Ah! je fais voeu d'être plus sage!
À des souvenirs superflus
Pourquoi veux-tu que je réponde?
L'espoir où notre âme se fonde
Vaut bien les jours qui ne sont plus!
Va demander à l'hirondelle
Que le cruel hiver bannit,
Si son pauvre coeur se rappelle
Les lieux où repose son nid!
Tu le sais, ô douteur étrange!
L'oiseau ne saura plus voler,
Cette eau cessera de couler
Avant que mon beau rêve change!
Et c'est toi qui me fais souffrir!
Pourquoi, dans tes vaines alarmes,
Parler ainsi de l'avenir?
Est-ce pour m'arracher des larmes?
Non, je n'aurais pas dû venir!
Partons! regagnons le rivage!
S'il me savait loin du village
Quand le soleil s'est retiré,
Que dirait le bon Père André?»
-« Partir! déjà partir! écoute!
-Mon coeur palpite à se briser!
Ce prompt retour Dieu! qu'il m'en coûte!
J'oserai te le refuser!
Va, ne crains rien: la nuit sereine
Pour toi ne cache aucun danger:
Mon Dieu, qui sait mieux me juger,
Des cieux l'aimable Souveraine
Ah! je fais voeu d'être plus sage!
À des souvenirs superflus
Pourquoi veux-tu que je réponde?
L'espoir où notre âme se fonde
Vaut bien les jours qui ne sont plus!
Va demander à l'hirondelle
Que le cruel hiver bannit,
Si son pauvre coeur se rappelle
Les lieux où repose son nid!
Tu le sais, ô douteur étrange!
L'oiseau ne saura plus voler,
Cette eau cessera de couler
Avant que mon beau rêve change!
Et c'est toi qui me fais souffrir!
Pourquoi, dans tes vaines alarmes,
Parler ainsi de l'avenir?
Est-ce pour m'arracher des larmes?
Non, je n'aurais pas dû venir!
Partons! regagnons le rivage!
S'il me savait loin du village
Quand le soleil s'est retiré,
Que dirait le bon Père André?»
-« Partir! déjà partir! écoute!
-Mon coeur palpite à se briser!
Ce prompt retour Dieu! qu'il m'en coûte!
J'oserai te le refuser!
Va, ne crains rien: la nuit sereine
Pour toi ne cache aucun danger:
Mon Dieu, qui sait mieux me juger,
Des cieux l'aimable Souveraine
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
M'ont appris à te protéger!
Vois: je suis calme, et, dans mon âme,
L'espoir remplace la douleur:
De toi seule je le réclame!
Je crois, je veux croire au bonheur!
Grazia, comme l'hirondelle
À ses amours toujours fidèle,
Fuyons! au delà de ces monts,
Il est une terre féconde
Où les déshérités du monde
S'aiment comme nous nous aimons!
Deux familles du voisinage
S'en vont aux lointains Illinois:
Demain commence leur voyage;
À les suivre tout nous engage:
Fuyons ces rochers et ces bois,
Nos longs hivers, la dépendance
Où se traîne notre existence!
Partons! le sort en est jeté!
Là-bas, des prés riants, fertiles,
Nous offrent des travaux utiles,
La fortune et la liberté!
Viens! que perdrons-nous? la chapelle
Où le bon curé nous appelle
À l'angelus matin et soir?
Les champs aimés de la patrie?
Le presbytère et la prairie
Où paît la génisse au front noir?
Viens! Dieu remplit la terre entière!
D'André la fervente prière
Va nous assurer sa faveur;
Viens! la patrie est où la terre
Vois: je suis calme, et, dans mon âme,
L'espoir remplace la douleur:
De toi seule je le réclame!
Je crois, je veux croire au bonheur!
Grazia, comme l'hirondelle
À ses amours toujours fidèle,
Fuyons! au delà de ces monts,
Il est une terre féconde
Où les déshérités du monde
S'aiment comme nous nous aimons!
Deux familles du voisinage
S'en vont aux lointains Illinois:
Demain commence leur voyage;
À les suivre tout nous engage:
Fuyons ces rochers et ces bois,
Nos longs hivers, la dépendance
Où se traîne notre existence!
Partons! le sort en est jeté!
Là-bas, des prés riants, fertiles,
Nous offrent des travaux utiles,
La fortune et la liberté!
Viens! que perdrons-nous? la chapelle
Où le bon curé nous appelle
À l'angelus matin et soir?
Les champs aimés de la patrie?
Le presbytère et la prairie
Où paît la génisse au front noir?
Viens! Dieu remplit la terre entière!
D'André la fervente prière
Va nous assurer sa faveur;
Viens! la patrie est où la terre
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Donne à l'homme, son tributaire,
Sa part d'aisance et de bonheur!»
- « Assez, Jude, assez: je refuse;
À ce rêve il faut renoncer,
Car Dieu ne saurait exaucer
Des voeux que le devoir accuse!
Quoi! tu veux partager le sort
De ces Canadiens, nos frères,
Qui vont, aux rives étrangères,
Braver la misère et la mort!
Loin des bords où dorment leurs pères!
Loin des grands sites consacrés
Par les beaux jours de leur enfance,
Les vertus, l'heureuse innocence
Et les souvenirs vénérés!
Loin du clocher qui les vit naître
Dont la voix aux pieux accents
Semble pleurer sur les absents
Que ne bénira plus le prêtre!
Que d'autres, moins sages que toi,
Perdent leur âme avec leur foi
Au sein de ces peuples avides
Dont les croyances déicides
Ne connaissent plus d'autre loi
Que celle de leurs gains sordides!
Plaignons-les! ne les suivons pas!
Ne fuyons pas notre bon Père,
Notre meilleur ami sur terre!
Nous lui devons tu l'avoueras
Et notre paisible existence
Et le pain de l'intelligence!
Sa part d'aisance et de bonheur!»
- « Assez, Jude, assez: je refuse;
À ce rêve il faut renoncer,
Car Dieu ne saurait exaucer
Des voeux que le devoir accuse!
Quoi! tu veux partager le sort
De ces Canadiens, nos frères,
Qui vont, aux rives étrangères,
Braver la misère et la mort!
Loin des bords où dorment leurs pères!
Loin des grands sites consacrés
Par les beaux jours de leur enfance,
Les vertus, l'heureuse innocence
Et les souvenirs vénérés!
Loin du clocher qui les vit naître
Dont la voix aux pieux accents
Semble pleurer sur les absents
Que ne bénira plus le prêtre!
Que d'autres, moins sages que toi,
Perdent leur âme avec leur foi
Au sein de ces peuples avides
Dont les croyances déicides
Ne connaissent plus d'autre loi
Que celle de leurs gains sordides!
Plaignons-les! ne les suivons pas!
Ne fuyons pas notre bon Père,
Notre meilleur ami sur terre!
Nous lui devons tu l'avoueras
Et notre paisible existence
Et le pain de l'intelligence!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Soyons pauvres: jamais ingrats!
Restons! et si la Providence,
Dans sa divine prévoyance,
Nous refuse les vains hochets
Des prétendus heureux du monde,
Dans l'asile de nos forêts,
Loin de la passion qui gronde,
Goûtons, ami, la paix profonde
Que la vertu ne perd jamais!»
- « Grazia, j'envie et j'admire
Les trésors de ton noble coeur;
Que ne puis je, sous son empire,
Atteindre ce calme bonheur,
Onde limpide où, blanche fleur,
Ton âme adorable se mire!
Idéal plein de majesté!
Trop grand pour le commun des hommes,
Fragiles jouets que nous sommes
Aux mains de la réalité!
Mais André courbe vers la tombe,
Et l'âge a blanchi ses cheveux:
Que deviendrons-nous»
- « S'il succombe?
Au moins, pour lui fermer les yeux,
Nous serons là, Jude, et son âme,
Nous souriant du haut des cieux,
Veillera sur nous dans ces lieux!
Exempts de remords et de blâme,
Les paisibles travaux des champs
Rempliront notre vie heureuse,
Restons! et si la Providence,
Dans sa divine prévoyance,
Nous refuse les vains hochets
Des prétendus heureux du monde,
Dans l'asile de nos forêts,
Loin de la passion qui gronde,
Goûtons, ami, la paix profonde
Que la vertu ne perd jamais!»
- « Grazia, j'envie et j'admire
Les trésors de ton noble coeur;
Que ne puis je, sous son empire,
Atteindre ce calme bonheur,
Onde limpide où, blanche fleur,
Ton âme adorable se mire!
Idéal plein de majesté!
Trop grand pour le commun des hommes,
Fragiles jouets que nous sommes
Aux mains de la réalité!
Mais André courbe vers la tombe,
Et l'âge a blanchi ses cheveux:
Que deviendrons-nous»
- « S'il succombe?
Au moins, pour lui fermer les yeux,
Nous serons là, Jude, et son âme,
Nous souriant du haut des cieux,
Veillera sur nous dans ces lieux!
Exempts de remords et de blâme,
Les paisibles travaux des champs
Rempliront notre vie heureuse,
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Loin des embûches des méchants,
Loin de l'ambition trompeuse!»
- « J'aime, enfant, les riants tableaux
Dont s'embellit ton espérance!
Comme toi, j'aime nos coteaux,
Nos lacs, nos horizons si beaux,
Et la forêt qui se balance,
En murmurant, au bord des eaux!
J'aime nos sublimes montagnes
Dont les lignes font ressortir
L'éclat de nos vertes campagnes
Où je voudrais vivre et mourir!
Mais au milieu de ces richesses,
Du sol convoitant les largesses,
Le colon, presque sans espoir,
Au fond des mornes solitudes,
Rongé de mille inquiétudes,
De sueurs arrose son pain noir!
De son introuvable chaumine
Nul sentier n'indique le lieu;
Nul être humain ne le voisine!
Éloigné des temples de Dieu,
Perdu dans le désert immense,
Il vit dans l'horreur du silence
Auquel il se voit condamné!
Semblable au forçat enchaîné,
Son labeur n'aura pas de trêve,
Ou bien, si sa tâche s'achève,
Si sa hache a vaincu le sort,
Si la Providence attendrie
Par son amour pour sa patrie,
Loin de l'ambition trompeuse!»
- « J'aime, enfant, les riants tableaux
Dont s'embellit ton espérance!
Comme toi, j'aime nos coteaux,
Nos lacs, nos horizons si beaux,
Et la forêt qui se balance,
En murmurant, au bord des eaux!
J'aime nos sublimes montagnes
Dont les lignes font ressortir
L'éclat de nos vertes campagnes
Où je voudrais vivre et mourir!
Mais au milieu de ces richesses,
Du sol convoitant les largesses,
Le colon, presque sans espoir,
Au fond des mornes solitudes,
Rongé de mille inquiétudes,
De sueurs arrose son pain noir!
De son introuvable chaumine
Nul sentier n'indique le lieu;
Nul être humain ne le voisine!
Éloigné des temples de Dieu,
Perdu dans le désert immense,
Il vit dans l'horreur du silence
Auquel il se voit condamné!
Semblable au forçat enchaîné,
Son labeur n'aura pas de trêve,
Ou bien, si sa tâche s'achève,
Si sa hache a vaincu le sort,
Si la Providence attendrie
Par son amour pour sa patrie,
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Couronne enfin son noble effort,
Tandis qu'une heureuse vieillesse
Déjà succède à sa jeunesse,
Un jour, quel sera son effroi,
Lorsque, riant de son martyre,
Un étranger viendra lui dire:
« Allez: tous ces champs sont à moi!»
Du colon telle est l'existence,
Tels sont les succès incertains!
Tels seront nos tristes destins
Si je cède à ton insistance!
Pour toi je braverais la mort,
Grazia: mon coeur n'est pas lâche;
Mais je veux agrandir ma tâche
Pour t'assurer un meilleur sort!
Ah! Dieu le sait combien je t'aime!»
-« Eh! nous allons nous séparer!»
-« Oui, la raison, le devoir même
M'ordonnent de persévérer!
Toi, faible enfant, douce colombe,
D'André sur le bord de la tombe
Tu charmeras les derniers jours;
Moi, loin de la route commune,
J'irai contraindre la Fortune
À doter nos chastes amours!»
-« En vain ma voix est importune,
Non, non, tu ne partiras pas!
Dieu qui condamne les ingrats,
Les souvenirs de notre enfance,
Les serments que tu prononças,
Tandis qu'une heureuse vieillesse
Déjà succède à sa jeunesse,
Un jour, quel sera son effroi,
Lorsque, riant de son martyre,
Un étranger viendra lui dire:
« Allez: tous ces champs sont à moi!»
Du colon telle est l'existence,
Tels sont les succès incertains!
Tels seront nos tristes destins
Si je cède à ton insistance!
Pour toi je braverais la mort,
Grazia: mon coeur n'est pas lâche;
Mais je veux agrandir ma tâche
Pour t'assurer un meilleur sort!
Ah! Dieu le sait combien je t'aime!»
-« Eh! nous allons nous séparer!»
-« Oui, la raison, le devoir même
M'ordonnent de persévérer!
Toi, faible enfant, douce colombe,
D'André sur le bord de la tombe
Tu charmeras les derniers jours;
Moi, loin de la route commune,
J'irai contraindre la Fortune
À doter nos chastes amours!»
-« En vain ma voix est importune,
Non, non, tu ne partiras pas!
Dieu qui condamne les ingrats,
Les souvenirs de notre enfance,
Les serments que tu prononças,
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Mes voeux, mes pleurs, mon espérance
Triompheront: tu resteras!»
-« Grazia, calme ta souffrance!
Rien n'est encor désespéré:
Avant un an, je reviendrai»
-« Dieu! je le vois il m'abandonne!
Ah! Jude, tu ne m'aimes plus!
Sois heureux! mon coeur te pardonne
Les beaux rêves que j'ai perdus!
Va; mais exauce ma prière!
Jude, crois-moi, c'est la dernière:
Avant de fuir loin de ce lieu,
Pour nous dire un suprême adieu,
Attends le retour du bon Père!»
-« Grazia, la brise fraîchit;
Il est tard: gagnons le village!
Nous parlerons de mon voyage
Demain, si ton coeur ne fléchit;
Mais demain tu seras plus sage!»
.
Les voix s'éloignent dans la nuit
Et s'éteignent dans le silence,
L'on n'entend plus même le bruit
Du flot mourant qui se balance
Ainsi de nos rapides jours
Le riant prestige s'efface;
Ainsi le calme oubli remplace
Douleurs, regrets, plaisirs, amours!
Triompheront: tu resteras!»
-« Grazia, calme ta souffrance!
Rien n'est encor désespéré:
Avant un an, je reviendrai»
-« Dieu! je le vois il m'abandonne!
Ah! Jude, tu ne m'aimes plus!
Sois heureux! mon coeur te pardonne
Les beaux rêves que j'ai perdus!
Va; mais exauce ma prière!
Jude, crois-moi, c'est la dernière:
Avant de fuir loin de ce lieu,
Pour nous dire un suprême adieu,
Attends le retour du bon Père!»
-« Grazia, la brise fraîchit;
Il est tard: gagnons le village!
Nous parlerons de mon voyage
Demain, si ton coeur ne fléchit;
Mais demain tu seras plus sage!»
.
Les voix s'éloignent dans la nuit
Et s'éteignent dans le silence,
L'on n'entend plus même le bruit
Du flot mourant qui se balance
Ainsi de nos rapides jours
Le riant prestige s'efface;
Ainsi le calme oubli remplace
Douleurs, regrets, plaisirs, amours!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Grazia, ton doux stratagème
Te rit encor dans ton sommeil;
Dors: car celui que ton coeur aime
Ne charmera pas ton réveil!
Il est parti ton pauvre Jude;
Il va grossir la multitude
Des exilés que nous pleurons!
Que ton souvenir le soutienne!
Prions, prions Dieu qu'il revienne
Pur des torts qui courbent leurs fronts!
Il est parti! Toi, ma patrie,
Mère qui reçus dans tes flancs
Le beau sang de la Normandie,
Rends-nous compte de tes enfants!
Toi qui ceins le bandeau des reines
Sous le soleil américain,
Tu jettes aux hydres lointaines
Ceux que devrait nourrir ton sein!
Semblable à ce monstre romain
Vouant aux voraces murènes
L'esclave immolé par sa main!
Mais où s'égare mon délire?
Mère, pardonne à ma douleur!
Ce n'est pas toi qu'il faut maudire,
Mais la main de fer du malheur,
Hideux vampire qui t'enlève
Tes fils: ton orgueil et ta sève,
Et les dévore palpitants;
Éveille-toi pour le combattre!
Arme-toi! ton bras peut l'abattre:
Bientôt, il ne sera plus temps!
Il est parti! De cette histoire
Ne puis-je ici borner le cours!
Des jours de deuil que je parcours
Ne puis-je perdre la mémoire!
Je n'aurais pas à retracer
Avec des couleurs fugitives
Des maux, des souffrances si vives!
J'ose à peine les esquisser!
Grazia, ton doux stratagème
Te rit encor dans ton sommeil;
Dors: car celui que ton coeur aime
Ne charmera pas ton réveil!
Il est parti ton pauvre Jude;
Il va grossir la multitude
Des exilés que nous pleurons!
Que ton souvenir le soutienne!
Prions, prions Dieu qu'il revienne
Pur des torts qui courbent leurs fronts!
Il est parti! Toi, ma patrie,
Mère qui reçus dans tes flancs
Le beau sang de la Normandie,
Rends-nous compte de tes enfants!
Toi qui ceins le bandeau des reines
Sous le soleil américain,
Tu jettes aux hydres lointaines
Ceux que devrait nourrir ton sein!
Semblable à ce monstre romain
Vouant aux voraces murènes
L'esclave immolé par sa main!
Mais où s'égare mon délire?
Mère, pardonne à ma douleur!
Ce n'est pas toi qu'il faut maudire,
Mais la main de fer du malheur,
Hideux vampire qui t'enlève
Tes fils: ton orgueil et ta sève,
Et les dévore palpitants;
Éveille-toi pour le combattre!
Arme-toi! ton bras peut l'abattre:
Bientôt, il ne sera plus temps!
Il est parti! De cette histoire
Ne puis-je ici borner le cours!
Des jours de deuil que je parcours
Ne puis-je perdre la mémoire!
Je n'aurais pas à retracer
Avec des couleurs fugitives
Des maux, des souffrances si vives!
J'ose à peine les esquisser!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Des devoirs de son ministère
André, ce jour-là, libre enfin,
Pressant le pas de son roussin,
De son modeste presbytère
Gaîment reprenait le chemin.
Comme tous ceux dont l'âme est pure,
Le vieillard, tout en cheminant,
Des richesses de la nature
Goûtait le charme renaîssant.
Juin des plus suaves arômes
Embaumait l'asile des bois;
Les oiseaux remplissaient leurs dômes
De mille concerts à la fois:
Enviant leurs doux idiomes,
De sa vieille et tremblante voix
Le bon André chantait des psaumes.
La charité rit dans son coeur:
Des deux enfants que tant il aime
Il veut assurer, ce jour même,
Et l'avenir et le bonheur;
Il veut leur confier d'avance
Le secret de son espérance,
Le projet qu'il nourrit pour eux,
Le saint emploi qu'il leur destine;
Sûr de son succès, il combine
Les moyens de les rendre heureux.
Ainsi méditant, plus rapides
Les heures légères ont fui,
Et déjà, près des eaux limpides,
Il voit s'étendre devant lui
La verte et riante vallée
D'un réseau de vapeurs voilée,
Son toit ombragé de bouleaux,
Sa chapelle au bord du rivage,
Les maisonnettes du village
Toutes blanches sur les coteaux.
André, ce jour-là, libre enfin,
Pressant le pas de son roussin,
De son modeste presbytère
Gaîment reprenait le chemin.
Comme tous ceux dont l'âme est pure,
Le vieillard, tout en cheminant,
Des richesses de la nature
Goûtait le charme renaîssant.
Juin des plus suaves arômes
Embaumait l'asile des bois;
Les oiseaux remplissaient leurs dômes
De mille concerts à la fois:
Enviant leurs doux idiomes,
De sa vieille et tremblante voix
Le bon André chantait des psaumes.
La charité rit dans son coeur:
Des deux enfants que tant il aime
Il veut assurer, ce jour même,
Et l'avenir et le bonheur;
Il veut leur confier d'avance
Le secret de son espérance,
Le projet qu'il nourrit pour eux,
Le saint emploi qu'il leur destine;
Sûr de son succès, il combine
Les moyens de les rendre heureux.
Ainsi méditant, plus rapides
Les heures légères ont fui,
Et déjà, près des eaux limpides,
Il voit s'étendre devant lui
La verte et riante vallée
D'un réseau de vapeurs voilée,
Son toit ombragé de bouleaux,
Sa chapelle au bord du rivage,
Les maisonnettes du village
Toutes blanches sur les coteaux.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Il approche, puis il s'étonne
Qu'enfin au-devant de ses pas
Les deux enfants n'accourent pas:
Pour cette fois, il les pardonne;
Mais qu'on juge de sa terreur
Lorsque, non loin du presbytère,
De Grazia, gisante à terre,
Les traits mourants et la pâleur
Frappèrent les yeux du bon Père!
Comment exprimer sa stupeur,
Quand Josephte, sa ménagère,
- Elle qui leur servit de mère!
À ses pleurs donnant libre cours,
Attrista son âme attentive
Par l'histoire simple et naïve
De leurs chagrins, de leurs amours?
Peindrai-je son inquiétude,
Ses regrets d'avoir perdu Jude,
Les soins et la sollicitude
Dont il entoure Grazia
Qui, dans la fièvre du délire,
Parle tout haut de son martyre,
Des serments que Jude oublia?
Qu'enfin au-devant de ses pas
Les deux enfants n'accourent pas:
Pour cette fois, il les pardonne;
Mais qu'on juge de sa terreur
Lorsque, non loin du presbytère,
De Grazia, gisante à terre,
Les traits mourants et la pâleur
Frappèrent les yeux du bon Père!
Comment exprimer sa stupeur,
Quand Josephte, sa ménagère,
- Elle qui leur servit de mère!
À ses pleurs donnant libre cours,
Attrista son âme attentive
Par l'histoire simple et naïve
De leurs chagrins, de leurs amours?
Peindrai-je son inquiétude,
Ses regrets d'avoir perdu Jude,
Les soins et la sollicitude
Dont il entoure Grazia
Qui, dans la fièvre du délire,
Parle tout haut de son martyre,
Des serments que Jude oublia?
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Ainsi la semaine se passe,
Puis, la douleur enfin se lasse
A tourmenter un corps si beau;
Et la mort, déployant ses ailes,
Fuit vers les ombres éternelles
Sans creuser un nouveau tombeau.
Elle vit; mais, pour la pauvrette,
Songeant aux temps qu'elle regrette,
A l'impénétrable avenir,
Qu'une année est lente à courir!
Un an s'écoule, et de son Jude
Rien n'annonce encor le retour!
Ce silence de jour en jour
Assombrit son incertitude.
Enfant, si rieuse autrefois,
Quand l'espoir lui prêtait ses charmes!
On n'entend plus son chant, sa voix,
Et ses yeux n'ont plus que des larmes!
Par mille essais ingénieux,
En vain, pour calmer sa détresse,
Josephte, André, de la vieillesse
Dépouillant l'aspect ennuyeux,
Lui font partager tous les jeux,
Vieux souvenirs de leur jeunesse:
Les fleurs des bois dont elle aimait
À former sa seule parure,
Tous les trésors de la nature
N'égayent plus son front distrait;
Et si, parfois, sa rêverie
L'attire au sein de la prairie,
C'est pour consulter en secret
La marguerite complaisante
Dont le capricieux décret
Tour à tour l'afflige ou l'enchante.
Puis, la douleur enfin se lasse
A tourmenter un corps si beau;
Et la mort, déployant ses ailes,
Fuit vers les ombres éternelles
Sans creuser un nouveau tombeau.
Elle vit; mais, pour la pauvrette,
Songeant aux temps qu'elle regrette,
A l'impénétrable avenir,
Qu'une année est lente à courir!
Un an s'écoule, et de son Jude
Rien n'annonce encor le retour!
Ce silence de jour en jour
Assombrit son incertitude.
Enfant, si rieuse autrefois,
Quand l'espoir lui prêtait ses charmes!
On n'entend plus son chant, sa voix,
Et ses yeux n'ont plus que des larmes!
Par mille essais ingénieux,
En vain, pour calmer sa détresse,
Josephte, André, de la vieillesse
Dépouillant l'aspect ennuyeux,
Lui font partager tous les jeux,
Vieux souvenirs de leur jeunesse:
Les fleurs des bois dont elle aimait
À former sa seule parure,
Tous les trésors de la nature
N'égayent plus son front distrait;
Et si, parfois, sa rêverie
L'attire au sein de la prairie,
C'est pour consulter en secret
La marguerite complaisante
Dont le capricieux décret
Tour à tour l'afflige ou l'enchante.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
En vain, au pied de l'humble autel,
Dans la chapelle solitaire,
Sa vive et touchante prière,
Montant au séjour éternel,
Invoque le Dieu du Calvaire:
Jude toujours remplit son coeur!
Dans les combats qu'elle lui livre,
Son amour est toujours vainqueur!
Ainsi, par l'attrait qui l'enivre,
Dieu veut éprouver sa ferveur!
Souvent, pendant la longue veille,
Tandis que Josephte sommeille,
À ses vieux ans payant tribut,
Tout en rêvant à son salut;
Tandis que, d'une voix débile,
André lit tout haut l'Évangile,
Assise au pied du vieux bahut,
Lorsque sa main industrieuse
Vole active sur son tricot,
Nul ne sait le profond sanglot
Que couvre la leçon pieuse,
Ni la larme silencieuse
Que l'enfant dévore aussitôt
Dans sa douleur mystérieuse!
Dans la chapelle solitaire,
Sa vive et touchante prière,
Montant au séjour éternel,
Invoque le Dieu du Calvaire:
Jude toujours remplit son coeur!
Dans les combats qu'elle lui livre,
Son amour est toujours vainqueur!
Ainsi, par l'attrait qui l'enivre,
Dieu veut éprouver sa ferveur!
Souvent, pendant la longue veille,
Tandis que Josephte sommeille,
À ses vieux ans payant tribut,
Tout en rêvant à son salut;
Tandis que, d'une voix débile,
André lit tout haut l'Évangile,
Assise au pied du vieux bahut,
Lorsque sa main industrieuse
Vole active sur son tricot,
Nul ne sait le profond sanglot
Que couvre la leçon pieuse,
Ni la larme silencieuse
Que l'enfant dévore aussitôt
Dans sa douleur mystérieuse!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Puis l'espoir renaît dans les coeurs
Quand, faible encore et chancelante,
Plus tard, sous les pommiers en fleurs,
Aspirant la brise odorante
Qui lui rend ses fraîches couleurs,
Elle essaie en vain de sourire
Aux enfants des bons villageois,
Lui rapportant, du fond des bois,
Les rayons de miel et de cire,
Fruits de leurs plus joyeux exploits.
Mais bientôt la mélancolie,
Voilant ces timides efforts,
Comme un inflexible remords,
Réveille en son âme affaiblie
La douleur dont elle est remplie.
Ainsi, dans la saison d'été,
Quand le ciel se couvre d'orages,
Parfois, déchirant les nuages,
Le soleil répand la gaîté;
Ainsi, sous des voiles plus sombres,
Au jour pur succèdent les ombres,
Au temps qui fuit, l'éternité.
Quand, faible encore et chancelante,
Plus tard, sous les pommiers en fleurs,
Aspirant la brise odorante
Qui lui rend ses fraîches couleurs,
Elle essaie en vain de sourire
Aux enfants des bons villageois,
Lui rapportant, du fond des bois,
Les rayons de miel et de cire,
Fruits de leurs plus joyeux exploits.
Mais bientôt la mélancolie,
Voilant ces timides efforts,
Comme un inflexible remords,
Réveille en son âme affaiblie
La douleur dont elle est remplie.
Ainsi, dans la saison d'été,
Quand le ciel se couvre d'orages,
Parfois, déchirant les nuages,
Le soleil répand la gaîté;
Ainsi, sous des voiles plus sombres,
Au jour pur succèdent les ombres,
Au temps qui fuit, l'éternité.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Voici le jour des Morts: la bise
Mugit dans l'empire des airs:
On dirait qu'au fond des déserts,
L'ange du malheur agonise!
Le sein des grands bois agités
Retentit de plaintes sans nombre:
Les hôtes de la rive sombre,
Innombrables, épouvantés,
Y cherchent le repos et l'ombre!
C'est Novembre qui hurle ainsi,
Guidant ce funèbre cortège
À travers la pluie et la neige
Dont le soleil est obscurci
L'éclair sillonne le nuage,
Le flot tourmente le rivage,
De grands arbres sont renversés:
Seul, sur la route du village,
Un voyageur, à pas pressés,
Brave la fureur de l'orage!
C'est lui! c'est Jude enfin guéri
De son humeur aventureuse:
Il revient à la vie heureuse;
Mais il revient le coeur flétri.
Hélas! sur la rive étrangère,
Errant de cités en cités,
En vain poursuivant sa chimère,
L'or, la Fortune mensongère:
Malgré ses importunités,
Il n'a trouvé que la misère!
Voici le jour des Morts: la bise
Mugit dans l'empire des airs:
On dirait qu'au fond des déserts,
L'ange du malheur agonise!
Le sein des grands bois agités
Retentit de plaintes sans nombre:
Les hôtes de la rive sombre,
Innombrables, épouvantés,
Y cherchent le repos et l'ombre!
C'est Novembre qui hurle ainsi,
Guidant ce funèbre cortège
À travers la pluie et la neige
Dont le soleil est obscurci
L'éclair sillonne le nuage,
Le flot tourmente le rivage,
De grands arbres sont renversés:
Seul, sur la route du village,
Un voyageur, à pas pressés,
Brave la fureur de l'orage!
C'est lui! c'est Jude enfin guéri
De son humeur aventureuse:
Il revient à la vie heureuse;
Mais il revient le coeur flétri.
Hélas! sur la rive étrangère,
Errant de cités en cités,
En vain poursuivant sa chimère,
L'or, la Fortune mensongère:
Malgré ses importunités,
Il n'a trouvé que la misère!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Malgré ses importunités,
Il n'a trouvé que la misère!
Sovuent, dans ses chagrins cuisants,
Le souvenir de sa patrie,
De Grazia, toujours chérie,
Par mille rêves séduisants
A charmé son âme attendrie!
Souvent, écoutant son amour,
Ému, sa main saisit la plume
Qui doit annoncer son retour;
Mais, ô penser plein d'amertume!
L'orgueil qui troubla son bonheur,
L'orgueil qui triompha des anges!
À ses exigences étranges
Asservissait encor son coeur!
Il se taira! de son mécompte
Il rougit de tracer l'aveu!
Il attendra, formant le voeu
De réparer bientôt sa honte!
Joueur! le malheur qu'il affronte
Dévore son dernier enjeu!
Puis, tombant d'abîme en abîme,
En proie au morne désespoir,
Des passions faible victime,
Bientôt, on le verra s'asseoir
Au fond de la caverne infime
Où l'ivresse, au front avili,
Verse à flots la mort et le crime
Au lâche qui cherche l'oubli!
Il n'a trouvé que la misère!
Sovuent, dans ses chagrins cuisants,
Le souvenir de sa patrie,
De Grazia, toujours chérie,
Par mille rêves séduisants
A charmé son âme attendrie!
Souvent, écoutant son amour,
Ému, sa main saisit la plume
Qui doit annoncer son retour;
Mais, ô penser plein d'amertume!
L'orgueil qui troubla son bonheur,
L'orgueil qui triompha des anges!
À ses exigences étranges
Asservissait encor son coeur!
Il se taira! de son mécompte
Il rougit de tracer l'aveu!
Il attendra, formant le voeu
De réparer bientôt sa honte!
Joueur! le malheur qu'il affronte
Dévore son dernier enjeu!
Puis, tombant d'abîme en abîme,
En proie au morne désespoir,
Des passions faible victime,
Bientôt, on le verra s'asseoir
Au fond de la caverne infime
Où l'ivresse, au front avili,
Verse à flots la mort et le crime
Au lâche qui cherche l'oubli!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Errant sous la zone torride,
Ainsi, parfois, le voyageur,
Épuise par sa course aride,
Du sommeil cherche la douceur
Sous l'arbre au feuillage perfide,
Dont la bienfaisance homicide
En une éternelle torpeur
Va bientôt changer sa langueur,
À moins qu'une main secourable,
L'arrachant au charme effroyable,
N'éveille l'imprudent dormeur.
Ainsi, dans la coupe infernale
Croyant assoupir ses regrets,
Le pauvre enfant puise à longs traits
L'ivresse à tant d'autres fatale;
Lorsque, sur le bord du tombeau,
Dissipant son affreux délire,
La grande voix de Dieu l'inspire!
Trouvant un courage nouveau,
A peine sauvé du naufrage,
Faible, il se remet en voyage
Le souvenir de son erreur
Le suit encore et le désole;
Mais, parfois, l'espoir le console:
Qu'importe la mer en fureur?
Il va retrouver sa boussole:
André, Grazia, le bonheur!
Avec quelle ardeur anxieuse
Sur la route longue, épineuse,
Bravant les affronts, le dégoût.
Il poursuit sa tâche féconde!
Seul, chancelant, manquant de tout!
Ainsi, parfois, le voyageur,
Épuise par sa course aride,
Du sommeil cherche la douceur
Sous l'arbre au feuillage perfide,
Dont la bienfaisance homicide
En une éternelle torpeur
Va bientôt changer sa langueur,
À moins qu'une main secourable,
L'arrachant au charme effroyable,
N'éveille l'imprudent dormeur.
Ainsi, dans la coupe infernale
Croyant assoupir ses regrets,
Le pauvre enfant puise à longs traits
L'ivresse à tant d'autres fatale;
Lorsque, sur le bord du tombeau,
Dissipant son affreux délire,
La grande voix de Dieu l'inspire!
Trouvant un courage nouveau,
A peine sauvé du naufrage,
Faible, il se remet en voyage
Le souvenir de son erreur
Le suit encore et le désole;
Mais, parfois, l'espoir le console:
Qu'importe la mer en fureur?
Il va retrouver sa boussole:
André, Grazia, le bonheur!
Avec quelle ardeur anxieuse
Sur la route longue, épineuse,
Bravant les affronts, le dégoût.
Il poursuit sa tâche féconde!
Seul, chancelant, manquant de tout!
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Enfin, sous l'orage qui gronde,
Il a retrouvé son hameau,
Les champs aimés qui l'ont vu naître
Et la chapelle au bord de l'eau.
Il croit déjà voir apparaître
Ceux qui lui gardent le pardon!
Il court, il vole au presbytère;
Tremblant, il tire le cordon:
Il est entré dans la chaumière;
Mais seul, lisant son bréviaire,
Un jeune prêtre, en ce logis,
Se présente à ses yeux surpris.
-« André?» dit-il. De sa lecture
Le prêtre interrompant le cours:
-« Il est parti. Dans ses vieux jours,
Des chagrins de sombre nature
L'étrange et douloureux concours
D'ici l'éloigna pour toujours!
Il fut chargé d'une autre cure;
Et Josephte, au fond des grands bois,
Du bon vieillard, comme autrefois,
Partage au loin la vie obscure.»
Il a retrouvé son hameau,
Les champs aimés qui l'ont vu naître
Et la chapelle au bord de l'eau.
Il croit déjà voir apparaître
Ceux qui lui gardent le pardon!
Il court, il vole au presbytère;
Tremblant, il tire le cordon:
Il est entré dans la chaumière;
Mais seul, lisant son bréviaire,
Un jeune prêtre, en ce logis,
Se présente à ses yeux surpris.
-« André?» dit-il. De sa lecture
Le prêtre interrompant le cours:
-« Il est parti. Dans ses vieux jours,
Des chagrins de sombre nature
L'étrange et douloureux concours
D'ici l'éloigna pour toujours!
Il fut chargé d'une autre cure;
Et Josephte, au fond des grands bois,
Du bon vieillard, comme autrefois,
Partage au loin la vie obscure.»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
-« Et Grazia?»
- « Longtemps, hélas!
Pareille à l'humble primevère
Dont la froidure meurtrière
A terni les frêles appas,
Languissant dans la solitude,
Elle attendit son amant, Jude;
Mais son amant ne revint pas!
Un soir, après un long silence,
-« Père,» dit-elle au vieil abbé,
« Lorsque nous aurons succombé
Sous le fardeau de l'existence,
Lorsque, dans les jardins du ciel,
Nous goûterons la récompense
Que promet le maître éternel,
Plongés dans le bonheur suprême,
Nous sera-t-il encor permis
De revoir là-haut nos amis,
Ceux qu'ici-bas notre coeur aime?»
Et le vieillard, voyant ses pleurs,
Par ces mots calma ses douleurs:
-« Oui, ma fille, avec toi j'espère
Que dans le sein de Dieu, là-haut,
Cette grâce pour nous s'opère!»
-« Puissé-je l'obtenir bientôt!»
Reprit-elle moins désolée;
« De Jude l'âme consolée,
Depuis longtemps m'attend aux cieux!
Elle m'attire À vous, bon Père,
De répondre à mes derniers voeux,
D'exaucer mon humble prière!
Lorsqu'auront fui mes tristes jours,
Je veux reposer sur la plage,
Sous les ormes dont le feuillage
- « Longtemps, hélas!
Pareille à l'humble primevère
Dont la froidure meurtrière
A terni les frêles appas,
Languissant dans la solitude,
Elle attendit son amant, Jude;
Mais son amant ne revint pas!
Un soir, après un long silence,
-« Père,» dit-elle au vieil abbé,
« Lorsque nous aurons succombé
Sous le fardeau de l'existence,
Lorsque, dans les jardins du ciel,
Nous goûterons la récompense
Que promet le maître éternel,
Plongés dans le bonheur suprême,
Nous sera-t-il encor permis
De revoir là-haut nos amis,
Ceux qu'ici-bas notre coeur aime?»
Et le vieillard, voyant ses pleurs,
Par ces mots calma ses douleurs:
-« Oui, ma fille, avec toi j'espère
Que dans le sein de Dieu, là-haut,
Cette grâce pour nous s'opère!»
-« Puissé-je l'obtenir bientôt!»
Reprit-elle moins désolée;
« De Jude l'âme consolée,
Depuis longtemps m'attend aux cieux!
Elle m'attire À vous, bon Père,
De répondre à mes derniers voeux,
D'exaucer mon humble prière!
Lorsqu'auront fui mes tristes jours,
Je veux reposer sur la plage,
Sous les ormes dont le feuillage
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Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Abrita nos douces amours,
Et dont le bienfaisant ombrage
Protégera, sur le coteau,
Ceux qui viendront à mon tombeau!
C'est là que souvent, à la brune,
Avec Jude j'allais m'asseoir
Pour goûter la brise du soir,
Ou pour y voir poindre la lune
Sur le bord de l'horizon noir.»
« Bientôt après, de l'orpheline
S'accomplit le voeu solennel:
Son âme, s'envolant au ciel,
Laissa son corps sur la colline!»
Il dit: le pâle voyageur,
Poussant un long cri de souffrance,
Vers la plage sombre s'élance
Dans une inexprimable horreur!
Longtemps, sur la tombe isolée,
Sous le vent et la giboulée,
Il pleura ses beaux jours perdus;
Puis, fuyant le long du rivage,
En proie aux fureurs de l'orage,
Jude, hélas! ne reparut plus.
Et dont le bienfaisant ombrage
Protégera, sur le coteau,
Ceux qui viendront à mon tombeau!
C'est là que souvent, à la brune,
Avec Jude j'allais m'asseoir
Pour goûter la brise du soir,
Ou pour y voir poindre la lune
Sur le bord de l'horizon noir.»
« Bientôt après, de l'orpheline
S'accomplit le voeu solennel:
Son âme, s'envolant au ciel,
Laissa son corps sur la colline!»
Il dit: le pâle voyageur,
Poussant un long cri de souffrance,
Vers la plage sombre s'élance
Dans une inexprimable horreur!
Longtemps, sur la tombe isolée,
Sous le vent et la giboulée,
Il pleura ses beaux jours perdus;
Puis, fuyant le long du rivage,
En proie aux fureurs de l'orage,
Jude, hélas! ne reparut plus.
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Poèmes choisis
Poèmes choisis
L'aurore boréale
Quand la nuit se fait belle au bord du St-Laurent,
Voyez-vous quelquefois au fond du firmament,
Courir ces météores,
Fantômes lumineux, esprits nés des éclairs,
Qui dansent dans la nue, étalant dans les airs
Leurs manteaux de phosphores?
Parfois, en se jouant, ils offrent à nos yeux
Des palais, des clochers, des dômes radieux,
Des forêts chancelantes,
Des flots d'hommes armés pressant leurs bataillons,
Des flottes s'engouffrant dans les vastes sillons
Des ondes écumantes.
Mais tandis qu'admirant leurs jeux toujours nouveaux,
Votre âme s'intéresse aux magiques travaux
De leurs essaims sans nombre,
À vos regards charmés se dérobant, soudain,
Comme un léger brouillard sous les feux du matin,
Ils s'effacent dans l'ombre.
Et vous, peuples heureux des bords du St-Laurent,
Quand la nuit vous verrez, au fond du firmament,
Courir les météores,
N'oubliez pas, amis, que nos jours sont comptés
Et s'enfuiront soudain comme sont emportés
Ces mobiles phosphores.
L'aurore boréale
Quand la nuit se fait belle au bord du St-Laurent,
Voyez-vous quelquefois au fond du firmament,
Courir ces météores,
Fantômes lumineux, esprits nés des éclairs,
Qui dansent dans la nue, étalant dans les airs
Leurs manteaux de phosphores?
Parfois, en se jouant, ils offrent à nos yeux
Des palais, des clochers, des dômes radieux,
Des forêts chancelantes,
Des flots d'hommes armés pressant leurs bataillons,
Des flottes s'engouffrant dans les vastes sillons
Des ondes écumantes.
Mais tandis qu'admirant leurs jeux toujours nouveaux,
Votre âme s'intéresse aux magiques travaux
De leurs essaims sans nombre,
À vos regards charmés se dérobant, soudain,
Comme un léger brouillard sous les feux du matin,
Ils s'effacent dans l'ombre.
Et vous, peuples heureux des bords du St-Laurent,
Quand la nuit vous verrez, au fond du firmament,
Courir les météores,
N'oubliez pas, amis, que nos jours sont comptés
Et s'enfuiront soudain comme sont emportés
Ces mobiles phosphores.
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Les voix du passé
Les voix du passé
(Pour la fête de St-Jean-Baptiste)
I
C'est la fête du peuple, il la veut grande et fière!
La nature sourit à sa noble bannière;
Le soleil annonce un beau jour!
Le Tout-Puissant exauce et la vierge qui prie
Et les bons citoyens offrant à la patrie
L'humble tribut de leur amour.
Que ne puis je, en son nom, fixant tes destinées,
Ô Canada français, t'annoncer des années
De gloire et de félicité!
Que ne puis je, de Dieu l'élu comme Moïse,
Mourir en signalant une terre promise
À ta nationalité!
Mais les temps ne sont plus où de divins oracles,
Aux peuples dévoyés, par d'éclatants miracles
Indiquaient un chemin tracé:
Aveugles, pour guider nos pas dans la nuit noire,
Écoutons, saisissant le fil de notre histoire,
Écoutons les voix du passé.
(Pour la fête de St-Jean-Baptiste)
I
C'est la fête du peuple, il la veut grande et fière!
La nature sourit à sa noble bannière;
Le soleil annonce un beau jour!
Le Tout-Puissant exauce et la vierge qui prie
Et les bons citoyens offrant à la patrie
L'humble tribut de leur amour.
Que ne puis je, en son nom, fixant tes destinées,
Ô Canada français, t'annoncer des années
De gloire et de félicité!
Que ne puis je, de Dieu l'élu comme Moïse,
Mourir en signalant une terre promise
À ta nationalité!
Mais les temps ne sont plus où de divins oracles,
Aux peuples dévoyés, par d'éclatants miracles
Indiquaient un chemin tracé:
Aveugles, pour guider nos pas dans la nuit noire,
Écoutons, saisissant le fil de notre histoire,
Écoutons les voix du passé.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
- « Peaux blanches, abordez sans crainte ce rivage,
«Oubliez parmi nous les périls du voyage
«À travers le grand lac salé:
«Nous vous offrons nos bois, nos fleuves, nos montagnes
«Et l'épi de maïs cueilli par nos compagnes
«Aux dents de perle, au teint hâlé.
«Partagez avec nous! Dans nos vastes domaines,
«Le castor vit en paix avec les douces rennes
«Qui viennent boire à son étang;
«L'esprit de feu qui brille au-dessus de nos têtes,
«En chef hospitalier, convie aux mêmes fêtes
«Le guerrier rouge et l'homme blanc.
«Soyez les bienvenus! mais quand nos solitudes
«Se rempliront du bruit d'étranges multitudes
«Qui sur vos pas vont accourir,
«Laissez à nos enfants les signes de leur race,
«Leur vie errante et libre et leur pays de chasse,
«Nos os et notre souvenir!»
- « Peaux blanches, abordez sans crainte ce rivage,
«Oubliez parmi nous les périls du voyage
«À travers le grand lac salé:
«Nous vous offrons nos bois, nos fleuves, nos montagnes
«Et l'épi de maïs cueilli par nos compagnes
«Aux dents de perle, au teint hâlé.
«Partagez avec nous! Dans nos vastes domaines,
«Le castor vit en paix avec les douces rennes
«Qui viennent boire à son étang;
«L'esprit de feu qui brille au-dessus de nos têtes,
«En chef hospitalier, convie aux mêmes fêtes
«Le guerrier rouge et l'homme blanc.
«Soyez les bienvenus! mais quand nos solitudes
«Se rempliront du bruit d'étranges multitudes
«Qui sur vos pas vont accourir,
«Laissez à nos enfants les signes de leur race,
«Leur vie errante et libre et leur pays de chasse,
«Nos os et notre souvenir!»
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