Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
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Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Rappel du premier message :
Louis-Joseph-Cyprien Fiset 1825-1898
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
Louis-Joseph-Cyprien Fiset 1825-1898
Jude et Grazia ou Les malheurs
de l'émigration canadienne
D' apres L'imprimerie de Brousseau et Frères Québec 1861
Jude et Grazia ou Les malheurs de
l'émigration canadienne
Poème dédié à ses amis
La nuit tombait, tiède et sereine,
Sur les rives du Saguenay:
Dans ses cavernes enchaîné,
Le vent retenait son haleine;
Endormant son bruissement,
Sur le bord des grottes profondes,
Se jouant dans les algues blondes,
Le flot se berçait mollement;
Et, du haut de la berge immense,
Les ombres, planant en silence
Sur le gouffre, en vastes arceaux,
À la voûte d'azur sans voiles,
À la lumière des étoiles
Disputaient le miroir des eaux.
C'était l'heure où le daim timide
Vient savourer l'onde et s'enfuit;
Où le pluvier, d'un vol rapide,
Cherche son gîte pour la nuit;
Où Philomèle, solitaire,
Charme l'écho qui lui répond;
Où le loup-cervier vagabond
Va s'élancer de son repaire
Mais qu'importe aux hôtes des bois
Tout l'éclat que ton sein recèle,
Oh! nuit pleine de douces voix?
Ce n'est pas pour eux qu'étincelle
Ton oeil grave et tendre à la fois
C'est pour attirer sur le fleuve
Deux enfants que l'Amour conduit
Vers cette source, loin du bruit,
Où le trop faible coeur s'abreuve:
Jude appareillant le bateau
Où sourit l'ange qu'il adore:
Brune fleur sur le point d'éclore,
Grazia, l'orgueil du hameau!
Jude avec son calme sourire,
Ses yeux bleus dont l'éclat respire
La douceur et la fermeté,
Sa pensive et mâle figure
Et cet air fier dont la nature,
À son insu, l'avait doté:
Grazia, frêle sensitive,
Où l'amour s'allie au devoir,
Épanchant son âme naïve
Dans le feu de son grand oeil noir:
Beauté suave et sans mélange
Qu'un Raphaël, qu'un Michel-Ange
Serait jaloux de concevoir.
On aime à les voir dans la mise
Si chère à nos bons paysans:
Lui, sous l'habit de laine grise
Aux boutons de corne luisants;
Elle, avec son chapeau de paille
Si coquettement décoré,
Son simple fichu bigarré,
Son mantelet juste à sa taille,
Son jupon de droguet rayé
Et la légère mocassine
Où l'oeil ravi cherche et devine
Un pied petit, mignon, choyé
Chaste rose dont l'éclat brille
Sans d'inutiles ornements,
Cent fois plus belle et plus gentille,
Sous ces modestes vêtements,
Que la superbe paysanne
Si commune, hélas! de nos jours,
Dont la vanité se pavane,
Singeant les modèles des cours,
Sous la toilette flamboyante
Et les ridicules atours
Du sot démon qui la tourmente!
Jude est le fils d'un vieux marin
Qui sommeille sous l'onde amère,
Et Grazia, soir et matin,
Regrette encor sa bonne mère.
Peindrai-je, en quelques mots concis,
De l'un la jeunesse rêveuse,
Son âme vive, aventureuse,
Ses projets longtemps indécis?
Ou bien de l'autre qui s'ignore
L' enj oûment, l'aimable gaîté,
Reflet de la sincérité
Qui l'embellit et qui l'honore?
Dirai-je le coeur généreux
Qui sut enrichir leur enfance
Des vertus qui rendent heureux,
Des premiers dons de la science?
Tous deux ont grandi sous les lois
D'un bon curé du voisinage,
Venu sur cet âpre rivage
Pour y faire adorer la croix.
Son toit, où la pauvreté brille,
N'offre pas les traits séduisants
D'une épouse, de beaux enfants.
Les orphelins sont sa famille!
Dieu seul son maître! et la forêt,
Témoin de son oeuvre féconde,
Pour ses yeux a bien plus d'attrait
Que tous les palais de ce monde!
Déjà de ses deux protégés
Dans sa vive sollicitude,
Les destins par lui sont jugés:
Au sacerdoce il donne Jude;
Et la sensible Grazia,
Ceignant le bandeau des Vestales,
Fuira les passions fatales
Où plus d'une âme s'oublia.
Il voit, se livrant à son zèle,
Le vénérable Père André,
Dans ses voeux un gage assuré
Du bon effet de sa tutelle!
Ainsi, dans les vastes pampas,
Par le prestige du mirage,
Le voyageur croit voir l'image
De mille objets qui n'y sont pas.
Ô puissance mystérieuse!
Amour qui perdit Abélard,
C'est toi qui du noble vieillard
Vas tromper l'espérance heureuse!
C'est toi qu'écoutent ces enfants
Dans le murmure du feuillage,
Dans les bruits divers de la plage
Et dans leurs rêves séduisants!
C'est toi qui, de la solitude
Banissant les tristes ennuis,
Leur fais chercher l'ombre des nuits
Pleins d'une vague inquiétude!
Ah! pourquoi déranger le cours
De leur existence tranquille?
Ah! pourquoi leur ange docile
Ne vient-il pas à leur secours?
Du sein des missions voisines
Où le devoir retient ses pas,
André ne reviendra-t-il pas
Briser les plans que tu combines
Et les soustraire à tes appâts?
Non, déjà la barque rapide,
Déjà le zéphyr qui la guide
Les entraînent le long du bord,
Pareils à ces fleurs fugitives
Que le vent fait tomber des rives,
Pour les livrer au flot qui dort.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
- « Peaux blanches, abordez sans crainte ce rivage,
«Oubliez parmi nous les périls du voyage
«À travers le grand lac salé:
«Nous vous offrons nos bois, nos fleuves, nos montagnes
«Et l'épi de maïs cueilli par nos compagnes
«Aux dents de perle, au teint hâlé.
«Partagez avec nous! Dans nos vastes domaines,
«Le castor vit en paix avec les douces rennes
«Qui viennent boire à son étang;
«L'esprit de feu qui brille au-dessus de nos têtes,
«En chef hospitalier, convie aux mêmes fêtes
«Le guerrier rouge et l'homme blanc.
«Soyez les bienvenus! mais quand nos solitudes
«Se rempliront du bruit d'étranges multitudes
«Qui sur vos pas vont accourir,
«Laissez à nos enfants les signes de leur race,
«Leur vie errante et libre et leur pays de chasse,
«Nos os et notre souvenir!»
- « Peaux blanches, abordez sans crainte ce rivage,
«Oubliez parmi nous les périls du voyage
«À travers le grand lac salé:
«Nous vous offrons nos bois, nos fleuves, nos montagnes
«Et l'épi de maïs cueilli par nos compagnes
«Aux dents de perle, au teint hâlé.
«Partagez avec nous! Dans nos vastes domaines,
«Le castor vit en paix avec les douces rennes
«Qui viennent boire à son étang;
«L'esprit de feu qui brille au-dessus de nos têtes,
«En chef hospitalier, convie aux mêmes fêtes
«Le guerrier rouge et l'homme blanc.
«Soyez les bienvenus! mais quand nos solitudes
«Se rempliront du bruit d'étranges multitudes
«Qui sur vos pas vont accourir,
«Laissez à nos enfants les signes de leur race,
«Leur vie errante et libre et leur pays de chasse,
«Nos os et notre souvenir!»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Des siècles expirés franchissant les ténèbres,
Race éteinte, pourquoi, sur des tons si funèbres,
Viens-tu jeter dans nos festins,
Comme un reproche amer, l'hymne de l'espérance
Où, jadis, saluant l'étendard de la France,
Tu croyais charmer les destins?
Viens-tu nous annoncer que l'espoir n'est qu'un rêve,
Que tout change ici-bas sans retour et sans trêve,
Que tout sentier mène au néant?
Qu'avec Tyr et Sidon, Babylone et Palmyre,
Des peuples, des héros, grands noms que l'on admire,
Nul n'échappe au gouffre béant?
Que semblable au torrent de la marée avide,
Des enfants d'Albion l'invasion rapide
Nous fera sentir ses rigueurs?
Que nos fils parleront une langue étrangère,
Que les traditions apprises de leur mère
Ne ferons plus battre leurs coeurs?
Ah! cesse de troubler nos fêtes patronales!
D'un plus noble avenir nos brillantes annales
Offrent des gages glorieux.
Silence! un chant plus doux module à notre oreille
Les refrains endormis que ce beau jour réveille.
Écoutons la voix des aïeux!
Des siècles expirés franchissant les ténèbres,
Race éteinte, pourquoi, sur des tons si funèbres,
Viens-tu jeter dans nos festins,
Comme un reproche amer, l'hymne de l'espérance
Où, jadis, saluant l'étendard de la France,
Tu croyais charmer les destins?
Viens-tu nous annoncer que l'espoir n'est qu'un rêve,
Que tout change ici-bas sans retour et sans trêve,
Que tout sentier mène au néant?
Qu'avec Tyr et Sidon, Babylone et Palmyre,
Des peuples, des héros, grands noms que l'on admire,
Nul n'échappe au gouffre béant?
Que semblable au torrent de la marée avide,
Des enfants d'Albion l'invasion rapide
Nous fera sentir ses rigueurs?
Que nos fils parleront une langue étrangère,
Que les traditions apprises de leur mère
Ne ferons plus battre leurs coeurs?
Ah! cesse de troubler nos fêtes patronales!
D'un plus noble avenir nos brillantes annales
Offrent des gages glorieux.
Silence! un chant plus doux module à notre oreille
Les refrains endormis que ce beau jour réveille.
Écoutons la voix des aïeux!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
«Quand au sommet d'un mont stérile,
«Le royal habitant des airs,
«Loin des sentiers de l'univers
«A su se choisir un asile,
«Ce n'est pas que des aquilons
«Le cortége ait pour lui des charmes;
«Mais il ressent moins d'alarmes
«Pour l'avenir de ses aiglons.
«Tel, de l'heureuse Normandie
«Quittant la rive en soupirant,
«Aux bords lointains du Saint-Laurent
«Champlain fonde une autre patrie.
«Ce n'est pas l'exil de la cour
«Qui le pousse vers cette plage;
«Non, son coeur y voit l'héritage
«Des Français qui viendront un jour!
«Ainsi commença l'épopée
«Qu'au prix de son sang généreux
«La France grava dans ces lieux
«Avec la hache, avec l'épée;
«Ce fut une oeuvre de géant!
«Qui nous rendra nos jours de gloire?
«Pourquoi faut-il que la victoire
«Nous ait trahis au dernier chant!
«D'Israël le bras tutélaire
«Succombe aux coups de Dalila;
«Montcalm que, seul, Wolfe égala,
«Cède à la fortune arbitraire!
«Mourons! pour la dernière fois
«Sur nos drapeaux a lui l'aurore.
«Vivons! si Dieu nous laisse encore
«L'honneur, notre langue et nos lois!
«Dépôt sacré, pour ta défense,
«Nos fils, quand nous ne serons plus,
«S'armeront de mâles vertus,
«Seuls dons que nous laisse la France!
«Mais si par le sort envieux
«Leur âme, aux faux dieux asservie,
«Sur leurs autels te sacrifie,
«Quand au sommet d'un mont stérile,
«Le royal habitant des airs,
«Loin des sentiers de l'univers
«A su se choisir un asile,
«Ce n'est pas que des aquilons
«Le cortége ait pour lui des charmes;
«Mais il ressent moins d'alarmes
«Pour l'avenir de ses aiglons.
«Tel, de l'heureuse Normandie
«Quittant la rive en soupirant,
«Aux bords lointains du Saint-Laurent
«Champlain fonde une autre patrie.
«Ce n'est pas l'exil de la cour
«Qui le pousse vers cette plage;
«Non, son coeur y voit l'héritage
«Des Français qui viendront un jour!
«Ainsi commença l'épopée
«Qu'au prix de son sang généreux
«La France grava dans ces lieux
«Avec la hache, avec l'épée;
«Ce fut une oeuvre de géant!
«Qui nous rendra nos jours de gloire?
«Pourquoi faut-il que la victoire
«Nous ait trahis au dernier chant!
«D'Israël le bras tutélaire
«Succombe aux coups de Dalila;
«Montcalm que, seul, Wolfe égala,
«Cède à la fortune arbitraire!
«Mourons! pour la dernière fois
«Sur nos drapeaux a lui l'aurore.
«Vivons! si Dieu nous laisse encore
«L'honneur, notre langue et nos lois!
«Dépôt sacré, pour ta défense,
«Nos fils, quand nous ne serons plus,
«S'armeront de mâles vertus,
«Seuls dons que nous laisse la France!
«Mais si par le sort envieux
«Leur âme, aux faux dieux asservie,
«Sur leurs autels te sacrifie,
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
« Viens, viens nous retrouver aux cieux!»
Vos voeux s'accompliront: dormez, ombres chéries,
Dormez; nous le jurons par l'immortel Cartier!
Ce dépôt illustré par vos mains aguerries,
Gardé par notre amour depuis un siècle entier,
Cet auguste héritage, aujourd'hui que nous sommes,
Éprouvés par la lutte, un demi-million d'hommes,
Qui songe à le sacrifier?
Le trahir? nous! comment? par peur? comme le lâche
Tout couvert de mépris justement prodigué!
Comme le serf obscur qui, courbé sur sa tâche,
Se plie au joug honteux de père en fils légué!
Par un sordide espoir? comme le mercenaire
Qui livrerait son Dieu pour un hideux salaire!
Mais nous étions à Châteauguay!
Nous n'étions que trois cents à notre Thermopyle:
Pour défendre nos droits, nous serions trois cent mille
Invoquant la foi des traités;
Et votre sang soudain, s'allumant dans nos veines,
Déroberait encore au Parques inhumaines
Nos immuables libertés!
Tels, des nochers rivaux que la discorde anime,
Unissent leurs efforts pour soustraire à l'abîme
Les débris de leur seul vaisseau:
Les torts sont oubliés, le péril les efface;
De leurs divisions s'évanouit la trace,
Comme celle des vents sur l'eau.
Vos voeux s'accompliront: dormez, ombres chéries,
Dormez; nous le jurons par l'immortel Cartier!
Ce dépôt illustré par vos mains aguerries,
Gardé par notre amour depuis un siècle entier,
Cet auguste héritage, aujourd'hui que nous sommes,
Éprouvés par la lutte, un demi-million d'hommes,
Qui songe à le sacrifier?
Le trahir? nous! comment? par peur? comme le lâche
Tout couvert de mépris justement prodigué!
Comme le serf obscur qui, courbé sur sa tâche,
Se plie au joug honteux de père en fils légué!
Par un sordide espoir? comme le mercenaire
Qui livrerait son Dieu pour un hideux salaire!
Mais nous étions à Châteauguay!
Nous n'étions que trois cents à notre Thermopyle:
Pour défendre nos droits, nous serions trois cent mille
Invoquant la foi des traités;
Et votre sang soudain, s'allumant dans nos veines,
Déroberait encore au Parques inhumaines
Nos immuables libertés!
Tels, des nochers rivaux que la discorde anime,
Unissent leurs efforts pour soustraire à l'abîme
Les débris de leur seul vaisseau:
Les torts sont oubliés, le péril les efface;
De leurs divisions s'évanouit la trace,
Comme celle des vents sur l'eau.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
V
Ainsi puisse Albion sur l'océan du monde,
Bénissant un accord si fécond en bienfaits,
Aux splendides couleurs de la reine de l'onde
Allier pour toujours le pavillons français;
Et puissent dans nos champs qu'un même fleuve arrose,
L'érable et le chardon, et le trèfle et la rose,
Croître unis et fleurir en paix!
La chapelle de Tadoussac
I
Salut, ô nuit d'été! rumeurs harmonieuses
Qui montez de la grève aux collines poudreuses
Qu'un jour Cartier foula!
Salut, humble clocher de l'antique chapelle
Qui domine les flots et dont la voix rappelle
Les fils de Loyola!
Dis-moi, tandis qu'épris des soupirs de la brise,
De la vague qui pleure et se roule et se brise
Au pied de ces talus,
Je crois ouïr au loin comme une âme qui prie
Et, montant vers le ciel, parle à ma rêverie
Des jours qui ne sont plus;
Dis-moi, que cherchaient-ils ces bons missionnaires
Dont les marins ont béni tes lambris séculaires?
L'or ou la volupté?
Au siècle où nous vivons ces dons plaisent aux hommes;
À nous le temps suffit, aveugles que nous sommes!
Eux ont l'éternité!
Ainsi puisse Albion sur l'océan du monde,
Bénissant un accord si fécond en bienfaits,
Aux splendides couleurs de la reine de l'onde
Allier pour toujours le pavillons français;
Et puissent dans nos champs qu'un même fleuve arrose,
L'érable et le chardon, et le trèfle et la rose,
Croître unis et fleurir en paix!
La chapelle de Tadoussac
I
Salut, ô nuit d'été! rumeurs harmonieuses
Qui montez de la grève aux collines poudreuses
Qu'un jour Cartier foula!
Salut, humble clocher de l'antique chapelle
Qui domine les flots et dont la voix rappelle
Les fils de Loyola!
Dis-moi, tandis qu'épris des soupirs de la brise,
De la vague qui pleure et se roule et se brise
Au pied de ces talus,
Je crois ouïr au loin comme une âme qui prie
Et, montant vers le ciel, parle à ma rêverie
Des jours qui ne sont plus;
Dis-moi, que cherchaient-ils ces bons missionnaires
Dont les marins ont béni tes lambris séculaires?
L'or ou la volupté?
Au siècle où nous vivons ces dons plaisent aux hommes;
À nous le temps suffit, aveugles que nous sommes!
Eux ont l'éternité!
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
« Longtemps, pareil au lynx à l'oeil faux et perfide,
«Le mal, à notre insu, nous imposa ses lois;
«Prions! prions, enfants des bois!
«Prions! laissons le mal aux cruels Iroquois:
«Le soleil des chrétiens nous éclaire et nous guide!
«Il donne leur arôme aux fleurs,
«Il enseigne au castor à bâtir ses cabanes;
«Sa parole a séché nos pleurs,
«Sa main verse la paix autour de nos savanes.
«Plus suave qu'un soir d'été,
«À ses festins d'amour notre Dieu nous appelle.
«Pour nous, de nos maux attristé,
«Il vient chaque matin visiter sa chapelle!
«Oh! Dieu, c'est toi qui nous soutiens
«Au fond de nos forêts, dans nos chasses lointaines;
«Qui fais tomber dans nos liens
«Et les oiseaux de l'air et le gibier des plaines.
«Toi seul, tu calmes la douleur,
«Quand la dent de la faim ronge notre poitrine!
«Souffrir! c'est encor le bonheur!
«N'es-tu pas mort pour nous, là-bas, sur la colline?
«Tes prêtres nous ont enseigné
«À craindre des méchants la présence funeste;
«Mais pour eux ton coeur a saigné:
«Pour nous tous, ô Jésus, que ton pardon nous reste.
«Pareils à la taupe sans yeux,
«Ils errent dans la nuit au fond de leur ornière:
« Longtemps, pareil au lynx à l'oeil faux et perfide,
«Le mal, à notre insu, nous imposa ses lois;
«Prions! prions, enfants des bois!
«Prions! laissons le mal aux cruels Iroquois:
«Le soleil des chrétiens nous éclaire et nous guide!
«Il donne leur arôme aux fleurs,
«Il enseigne au castor à bâtir ses cabanes;
«Sa parole a séché nos pleurs,
«Sa main verse la paix autour de nos savanes.
«Plus suave qu'un soir d'été,
«À ses festins d'amour notre Dieu nous appelle.
«Pour nous, de nos maux attristé,
«Il vient chaque matin visiter sa chapelle!
«Oh! Dieu, c'est toi qui nous soutiens
«Au fond de nos forêts, dans nos chasses lointaines;
«Qui fais tomber dans nos liens
«Et les oiseaux de l'air et le gibier des plaines.
«Toi seul, tu calmes la douleur,
«Quand la dent de la faim ronge notre poitrine!
«Souffrir! c'est encor le bonheur!
«N'es-tu pas mort pour nous, là-bas, sur la colline?
«Tes prêtres nous ont enseigné
«À craindre des méchants la présence funeste;
«Mais pour eux ton coeur a saigné:
«Pour nous tous, ô Jésus, que ton pardon nous reste.
«Pareils à la taupe sans yeux,
«Ils errent dans la nuit au fond de leur ornière:
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
« Par pitié, fais briller pour eux
«Le plus petit rayon de ta grande lumière!
«Dieu, descends sur nos coteaux!
«Viens dans ta magnificence!
«Pour t'adorer en silence,
«Les tribus, dans leurs bateaux,
«Ont franchi l'espace immense:
«Dieu, descends sur nos côteaux!»
Plus doux que la chanson des lointaines cascades,
Qui grandit, murmure et s'enfuit,
Résonnaient les accents des naïves peuplades,
Montant sur l'aile de la nuit
Ils s'élevaient encor: la mer impétueuse,
Aplanissant son large dos,
Vint mêler sur la plage à leur note pieuse
Le chant moins grave de ses flots
«Le plus petit rayon de ta grande lumière!
«Dieu, descends sur nos coteaux!
«Viens dans ta magnificence!
«Pour t'adorer en silence,
«Les tribus, dans leurs bateaux,
«Ont franchi l'espace immense:
«Dieu, descends sur nos côteaux!»
Plus doux que la chanson des lointaines cascades,
Qui grandit, murmure et s'enfuit,
Résonnaient les accents des naïves peuplades,
Montant sur l'aile de la nuit
Ils s'élevaient encor: la mer impétueuse,
Aplanissant son large dos,
Vint mêler sur la plage à leur note pieuse
Le chant moins grave de ses flots
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Ces jours sont déjà loin dans la brume des âges
Où chantaient et priaient les peuplades sauvages
Dans l'anse au sable d'or!
Leur trace a disparu dès longtemps de ces rives;
Mais on ouït, le soir, leurs voix lentes, plaintives,
Qui s'éveillent encor.
Elles semblent pleurer le destin de leur race
Qui recule sans bruit, s'amoindrit et s'efface
Pour nous céder le pas,
Semblable à ses forêts, naguère si voisines,
Dont le feu dévorant a rongé les racines,
Qui ne renaîtront pas.
Phare du voyageur, seule au bord de la dune,
Leur chapelle a bravé la ruine commune
Et triomphe du temps!
Comme pour annoncer que l'église de Pierre
Jusques au dernier jour bénira de la terre
Les derniers habitants!
Ces jours sont déjà loin dans la brume des âges
Où chantaient et priaient les peuplades sauvages
Dans l'anse au sable d'or!
Leur trace a disparu dès longtemps de ces rives;
Mais on ouït, le soir, leurs voix lentes, plaintives,
Qui s'éveillent encor.
Elles semblent pleurer le destin de leur race
Qui recule sans bruit, s'amoindrit et s'efface
Pour nous céder le pas,
Semblable à ses forêts, naguère si voisines,
Dont le feu dévorant a rongé les racines,
Qui ne renaîtront pas.
Phare du voyageur, seule au bord de la dune,
Leur chapelle a bravé la ruine commune
Et triomphe du temps!
Comme pour annoncer que l'église de Pierre
Jusques au dernier jour bénira de la terre
Les derniers habitants!
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
C'est elle, par son doux murmure,
Qui berce le petit enfant,
Et de la plus riche parure
Orne la vierge au front riant;
Qui de fleurs parsème la terre
Où, vieillard pauvre et solitaire,
Tu viendras chercher le sommeil;
Qui d'heureux songes t'environne,
Et te prépare une couronne,
Pour te l'offrir à ton réveil.
De sa souveraine influence
Déjà nous goûtons la douceur,
Et déjà sa munificence
À chacun promet le bonheur:
Plus de plaintes, plus de martyre,
De crimes, d'erreurs, de délire
Du mal l'empire est abattu;
Et dans le domaine des mondes,
L'essaim des puissances immondes
Cède le pas à la vertu.
Le seul amour de la patrie
Au tribun donne le pouvoir,
Et la cupidité flétrie
Qui berce le petit enfant,
Et de la plus riche parure
Orne la vierge au front riant;
Qui de fleurs parsème la terre
Où, vieillard pauvre et solitaire,
Tu viendras chercher le sommeil;
Qui d'heureux songes t'environne,
Et te prépare une couronne,
Pour te l'offrir à ton réveil.
De sa souveraine influence
Déjà nous goûtons la douceur,
Et déjà sa munificence
À chacun promet le bonheur:
Plus de plaintes, plus de martyre,
De crimes, d'erreurs, de délire
Du mal l'empire est abattu;
Et dans le domaine des mondes,
L'essaim des puissances immondes
Cède le pas à la vertu.
Le seul amour de la patrie
Au tribun donne le pouvoir,
Et la cupidité flétrie
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
S'exile à l'aspect du devoir.
L'état, devenu plus prospère,
Au droit, au mérite confère
L'appui de ses soins paternels;
Et de la liberté qu'on venge,
La nation, nouvel archange,
Protège et bénit les autels.
Enfin, l'aimable confiance
Se rit des noires trahisons,
Et l'hydre de l'intolérance
S'épuise à souffler ses poisons;
Enfin, la discorde inhumaine,
S'effaçant comme une ombre vaine,
Mendie un asile aux enfers;
Et la charité triomphante
Prodigue les biens qu'elle enfante
Pour le salut de l'univers.
Cessez vos pleurs, femmes chrétiennes,
Le Seigneur est ressuscité,
Et les divinités païennes
Croulent devant sa majesté.
Ministres de sa prévoyance,
D'accord, l'Angleterre et la France
Ont vaincu Baal qui s'enfuit:
Tels, franchissant la plaine humide,
Les traits de feu que sa main guide,
Percent les voiles de la nuit.
L'état, devenu plus prospère,
Au droit, au mérite confère
L'appui de ses soins paternels;
Et de la liberté qu'on venge,
La nation, nouvel archange,
Protège et bénit les autels.
Enfin, l'aimable confiance
Se rit des noires trahisons,
Et l'hydre de l'intolérance
S'épuise à souffler ses poisons;
Enfin, la discorde inhumaine,
S'effaçant comme une ombre vaine,
Mendie un asile aux enfers;
Et la charité triomphante
Prodigue les biens qu'elle enfante
Pour le salut de l'univers.
Cessez vos pleurs, femmes chrétiennes,
Le Seigneur est ressuscité,
Et les divinités païennes
Croulent devant sa majesté.
Ministres de sa prévoyance,
D'accord, l'Angleterre et la France
Ont vaincu Baal qui s'enfuit:
Tels, franchissant la plaine humide,
Les traits de feu que sa main guide,
Percent les voiles de la nuit.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Rions, chantons comme nos pères:
L'espoir adoucit l'avenir;
Des jours de deuil, coupes amères,
Comme eux brisons le souvenir.
Mais, pour éprouver nos courages,
Quand fondront de nouveaux orages
Sur nous Français des Canadas,
Aux abords mêmes de l'abîme,
Que ce cri français nous ranime:
« La garde meurt, ne se rend pas!»
Pendant la suprême bataille,
Montcalm a foi dans ses lauriers,
Et, sous les coups de la mitraille,
Soutient l'ardeur de ses guerriers.
En vain sa fortune succombe,
Voyant se refermer la tombe
Sur son rival, noble vainqueur,
Le héros, tourné vers la France,
Livre son âme à l'espérance,
Son dernier soupir à l'honneur.
L'espoir adoucit l'avenir;
Des jours de deuil, coupes amères,
Comme eux brisons le souvenir.
Mais, pour éprouver nos courages,
Quand fondront de nouveaux orages
Sur nous Français des Canadas,
Aux abords mêmes de l'abîme,
Que ce cri français nous ranime:
« La garde meurt, ne se rend pas!»
Pendant la suprême bataille,
Montcalm a foi dans ses lauriers,
Et, sous les coups de la mitraille,
Soutient l'ardeur de ses guerriers.
En vain sa fortune succombe,
Voyant se refermer la tombe
Sur son rival, noble vainqueur,
Le héros, tourné vers la France,
Livre son âme à l'espérance,
Son dernier soupir à l'honneur.
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Épître
Épître
À mademoiselle Anna***
Cédant à l'aimable prière
D'un ami, le vôtre et le mien,
Ma muse badine et légère,
Comme à la reine de Cythère
Dont on aime le doux lien,
Vous offre les sons de sa lyre.
Mais que dis-je? ce beau délire,
Ce n'est pas la voix de l'ami,
C'est le dieu d'amour qui l'inspire;
Cru mort, il n'était qu'endormi.
Je ne sais si c'est un mensonge,
Toujours est-il qu'à son réveil,
L'espiègle m'a conté ce songe
Qui l'a charmé dans son sommeil.
«Sur un lit de fleurs et de mousse
«Je reposais,» dit-il, « un soir
«Je cru entendre une voix douce
«M'appeler, et je vis s'asseoir
«À mes côtés une Sylphide
«Au front si pur! à l'air candide,
«Au teint de lis, au grand oeil noir,
«L'ébène de sa chevelure
«En bandeaux formait sa coiffure,
«Et lorsqu'un sourire enchanteur
«Entrouvrit ses lèvres divines,
«Un double rang de perles fines,
À mademoiselle Anna***
Cédant à l'aimable prière
D'un ami, le vôtre et le mien,
Ma muse badine et légère,
Comme à la reine de Cythère
Dont on aime le doux lien,
Vous offre les sons de sa lyre.
Mais que dis-je? ce beau délire,
Ce n'est pas la voix de l'ami,
C'est le dieu d'amour qui l'inspire;
Cru mort, il n'était qu'endormi.
Je ne sais si c'est un mensonge,
Toujours est-il qu'à son réveil,
L'espiègle m'a conté ce songe
Qui l'a charmé dans son sommeil.
«Sur un lit de fleurs et de mousse
«Je reposais,» dit-il, « un soir
«Je cru entendre une voix douce
«M'appeler, et je vis s'asseoir
«À mes côtés une Sylphide
«Au front si pur! à l'air candide,
«Au teint de lis, au grand oeil noir,
«L'ébène de sa chevelure
«En bandeaux formait sa coiffure,
«Et lorsqu'un sourire enchanteur
«Entrouvrit ses lèvres divines,
«Un double rang de perles fines,
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
«Me fit tressaillir de bonheur!
«Son cou d'ivoire, sa main blanche,
«Son pied mignon, sa mine franche,
«Sa taille aux contours arrondis,
«Sa grâce à la fois vive et tendre,
«Son geste que nul ne peut rendre
«Frappèrent mes regards surpris.
«Le succès me riant d'avance,
«Dans mon ivresse je m'élance
«Je veux lui ravir un baiser
«Mais déjà la belle inhumaine
«Sans se soucier de ma peine,
«S'enfuit comme un songe léger.»
Il dit, en séchant quelques larmes,
Le coquin brandissant ses armes,
Vers les nuages s'éleva
«Arrête,» lui dis je, « et révèle
«Au moins le nom de cette belle»
«Son nom,» cria-t-il, « c'est Anna!»
Depuis ce moment, je supplie
Tous les devins des alentours
De m'expliquer cette folie
Du dieu qui préside aux amours,
Et bannit la mélancolie.
Suivant eux, cette fiction
Peint parmi nous votre passage,
Si court, qu'il suggère l'image
D'une charmante illusion.
«Son cou d'ivoire, sa main blanche,
«Son pied mignon, sa mine franche,
«Sa taille aux contours arrondis,
«Sa grâce à la fois vive et tendre,
«Son geste que nul ne peut rendre
«Frappèrent mes regards surpris.
«Le succès me riant d'avance,
«Dans mon ivresse je m'élance
«Je veux lui ravir un baiser
«Mais déjà la belle inhumaine
«Sans se soucier de ma peine,
«S'enfuit comme un songe léger.»
Il dit, en séchant quelques larmes,
Le coquin brandissant ses armes,
Vers les nuages s'éleva
«Arrête,» lui dis je, « et révèle
«Au moins le nom de cette belle»
«Son nom,» cria-t-il, « c'est Anna!»
Depuis ce moment, je supplie
Tous les devins des alentours
De m'expliquer cette folie
Du dieu qui préside aux amours,
Et bannit la mélancolie.
Suivant eux, cette fiction
Peint parmi nous votre passage,
Si court, qu'il suggère l'image
D'une charmante illusion.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Lucette
Comme au bain Suzanne la Juive,
Lucette, la perle des champs,
Au cristal d'une source vive
Mirait ses deux petits pieds blancs
Dont la belle était un peu vaine,
Ce que l'on pardonne sans peine
À toute fille de quinze ans.
Tandisque dans l'onde elle admire
L'essaim de ses jeunes attraits,
En ces termes sa voix soupire
Et ses désirs et ses regrets.
«-Au lieu de passer ma jeunesse
«Dans la gêne et l'obscurité,
«Si j'allais vivre à la cité,
«Et le bonheur et la richesse
«Seraient le prix de ma beauté.
«Si le sort me faisait duchesse!
«Oh! comble de félicité!»
Un bon vieillard qui d'aventure
De la source suivait le cours,
À notre duchesse future
En souriant tint ce discours:
«-Voyez-vous là-bas ce nuage
«Qui vole sur l'aile du vent,
«De vos beaux rêves c'est l'image;
«Fuyez l'empire décevant
«De leur trop dangereux mirage
Comme au bain Suzanne la Juive,
Lucette, la perle des champs,
Au cristal d'une source vive
Mirait ses deux petits pieds blancs
Dont la belle était un peu vaine,
Ce que l'on pardonne sans peine
À toute fille de quinze ans.
Tandisque dans l'onde elle admire
L'essaim de ses jeunes attraits,
En ces termes sa voix soupire
Et ses désirs et ses regrets.
«-Au lieu de passer ma jeunesse
«Dans la gêne et l'obscurité,
«Si j'allais vivre à la cité,
«Et le bonheur et la richesse
«Seraient le prix de ma beauté.
«Si le sort me faisait duchesse!
«Oh! comble de félicité!»
Un bon vieillard qui d'aventure
De la source suivait le cours,
À notre duchesse future
En souriant tint ce discours:
«-Voyez-vous là-bas ce nuage
«Qui vole sur l'aile du vent,
«De vos beaux rêves c'est l'image;
«Fuyez l'empire décevant
«De leur trop dangereux mirage
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
«-Que Dieu vous garde, mon enfant!
«Non, ce n'est pas au sein des villes,
«Ivres de passions futiles,
«Qu'il vous faut chercher le bonheur;
«Mais il sourit à l'âme pure
«Dans le calme de la nature,
«Ce grand oeuvre du Créateur;
«Dans le cri de l'oiseau timide,
«Caché sous le feuillage humide,
«Gazouillant son refrain d'amour;
«Dans le murmure de Zéphire,
«Qui résonne comme une lyre
«À l'heure où s'annonce le jour.
«C'est de la cloche du village
«L'appel doux et mystérieux
«Que la brise apporte au rivage,
«Et qui remonte vers les cieux!»
«- Vieillard», dit Lucette en colère,
«De vos avis je n'ai que faire
«Passez, passez votre chemin.
«Vos plaisirs sont ceux d'un ermite;
«À d'autres plus gais tout m'invite
«Je n'entends pas votre latin.»
Jeune fille aux lèvres de rose,
Compagne des jeux et des ris,
Pourquoi faut-il qu'un sage avis
Pour vous souvent soit lettre close?
«Non, ce n'est pas au sein des villes,
«Ivres de passions futiles,
«Qu'il vous faut chercher le bonheur;
«Mais il sourit à l'âme pure
«Dans le calme de la nature,
«Ce grand oeuvre du Créateur;
«Dans le cri de l'oiseau timide,
«Caché sous le feuillage humide,
«Gazouillant son refrain d'amour;
«Dans le murmure de Zéphire,
«Qui résonne comme une lyre
«À l'heure où s'annonce le jour.
«C'est de la cloche du village
«L'appel doux et mystérieux
«Que la brise apporte au rivage,
«Et qui remonte vers les cieux!»
«- Vieillard», dit Lucette en colère,
«De vos avis je n'ai que faire
«Passez, passez votre chemin.
«Vos plaisirs sont ceux d'un ermite;
«À d'autres plus gais tout m'invite
«Je n'entends pas votre latin.»
Jeune fille aux lèvres de rose,
Compagne des jeux et des ris,
Pourquoi faut-il qu'un sage avis
Pour vous souvent soit lettre close?
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Chanson
À la plus belle
Air: Enfants, c 'est moi qui suis Lisette.
I
Adieu Grenade l'Andalouse,
Ses orangers, son Alhambra!
Adieu Paris que l'univers jalouse,
Rome que l'art, après Dieu, consacra!
Lieux enchantés, où dans ma rêverie
J'aime à cueillir un bonheur idéal,
J'en crois mon coeur: plus belle est ma patrie
Vive Québec, et vive Montréal! bis.
Laquelle préférer?
Le choix n'est pas facile,
Car l'une et l'autre ville
Nous devons admirer
Entre elles la Sibylle
N'eut osé prononcer;
Et pour en décider, bis.
Il faudrait consulter
Le sort, seul juge habile!
À la plus belle
Air: Enfants, c 'est moi qui suis Lisette.
I
Adieu Grenade l'Andalouse,
Ses orangers, son Alhambra!
Adieu Paris que l'univers jalouse,
Rome que l'art, après Dieu, consacra!
Lieux enchantés, où dans ma rêverie
J'aime à cueillir un bonheur idéal,
J'en crois mon coeur: plus belle est ma patrie
Vive Québec, et vive Montréal! bis.
Laquelle préférer?
Le choix n'est pas facile,
Car l'une et l'autre ville
Nous devons admirer
Entre elles la Sibylle
N'eut osé prononcer;
Et pour en décider, bis.
Il faudrait consulter
Le sort, seul juge habile!
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Ainsi que la blonde et la brune,
Ces soeurs brillent d'appas divers;
Si la nature a su couronner l'une,
L'autre au succès doit ses dons les plus chers.
Noble Pallas, sur son front redoutable,
L'une a fixé des lauriers immortels;
Fière Junon, sous la feuille d'érable
L'autre au progrès élève des autels. bis.
Laquelle, etc.
II
L'astre qui décore le monde
Les pare du même rayon,
Et chaque jour les berçant de son onde,
Le fleuve roi leur parle d'union.
Pourquoi faut-il que leur âme rebelle
À ses accents ne cède rien encor?
Il est trop tard: la discorde cruelle
À leur concours offre la pomme d'or! bis.
Laquelle, etc.
II
En vain par le plus doux sourire
Vous croyez captiver Pâris
Il vous délaisse, et vous perdez l'empire;
C'est Ottawa qui s'empare du prix!
Consolez-vous de votre déchéance:
D'autres bergers du choix sont mécontents
Faites la paix, et gardez l'espérance:
Dans mon pays, on dira bien longtemps. bis.
Ainsi que la blonde et la brune,
Ces soeurs brillent d'appas divers;
Si la nature a su couronner l'une,
L'autre au succès doit ses dons les plus chers.
Noble Pallas, sur son front redoutable,
L'une a fixé des lauriers immortels;
Fière Junon, sous la feuille d'érable
L'autre au progrès élève des autels. bis.
Laquelle, etc.
II
L'astre qui décore le monde
Les pare du même rayon,
Et chaque jour les berçant de son onde,
Le fleuve roi leur parle d'union.
Pourquoi faut-il que leur âme rebelle
À ses accents ne cède rien encor?
Il est trop tard: la discorde cruelle
À leur concours offre la pomme d'or! bis.
Laquelle, etc.
II
En vain par le plus doux sourire
Vous croyez captiver Pâris
Il vous délaisse, et vous perdez l'empire;
C'est Ottawa qui s'empare du prix!
Consolez-vous de votre déchéance:
D'autres bergers du choix sont mécontents
Faites la paix, et gardez l'espérance:
Dans mon pays, on dira bien longtemps. bis.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Laquelle, etc.
Montcalm
Les semaines, les mois se passent,
Le canon tonne, mais en vain!
Devant la ville de Champlain
Wolfe gémit, ses voeux se lassent;
Et déjà sur sa flotte on brûle de partir
Sans de Montmorency laver le souvenir.
Ses bataillons, torrents de lave,
Seront dignes de son grand coeur,
Mais enfin, pour être vainqueur
Il ne suffit pas d'être brave
À la gauche broyés, pourront-ils sous nos yeux
Au centre, à notre droite escalader les cieux!2
Horreur! l'ennemi dans sa rage
Dévaste les champs, les hameaux,
Et les flammes au bord des eaux
Partout signalent son passage
De ruines s'emplit l'héroïque cité:
Qu'importe! à nous la gloire, à nous la liberté!
Mais que fait donc la noble France?
Sans doute elle arme l'océan
Non, pour l'honneur du drapeau blanc,
À la cour de Louis on danse!
Juste ciel, qui permets ce cruel abandon,
Grâce, grâce pour nous, pour la France, pardon!
Note de L'auteur: Wolfe avait assailli la gauche de l'armée de Montcalm au Sault de
Montmorency, où il avait essuyé une sanglante défaite. Le centre et la droite étaient protégés
par des rochers inaccessibles.
Montcalm
Les semaines, les mois se passent,
Le canon tonne, mais en vain!
Devant la ville de Champlain
Wolfe gémit, ses voeux se lassent;
Et déjà sur sa flotte on brûle de partir
Sans de Montmorency laver le souvenir.
Ses bataillons, torrents de lave,
Seront dignes de son grand coeur,
Mais enfin, pour être vainqueur
Il ne suffit pas d'être brave
À la gauche broyés, pourront-ils sous nos yeux
Au centre, à notre droite escalader les cieux!2
Horreur! l'ennemi dans sa rage
Dévaste les champs, les hameaux,
Et les flammes au bord des eaux
Partout signalent son passage
De ruines s'emplit l'héroïque cité:
Qu'importe! à nous la gloire, à nous la liberté!
Mais que fait donc la noble France?
Sans doute elle arme l'océan
Non, pour l'honneur du drapeau blanc,
À la cour de Louis on danse!
Juste ciel, qui permets ce cruel abandon,
Grâce, grâce pour nous, pour la France, pardon!
Note de L'auteur: Wolfe avait assailli la gauche de l'armée de Montcalm au Sault de
Montmorency, où il avait essuyé une sanglante défaite. Le centre et la droite étaient protégés
par des rochers inaccessibles.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Ah! si trop longtemps elle oublie
Son sang, son glorieux dépôt,
Aux fleurs-de-lis l'Anglais bientôt
Arrachera notre patrie
Aux armes! jeunes gens, vieillards et laboureurs:
Montcalm commande encor: vous aurez des vengeurs!
La victoire à sa voix soumise
À Carillon subit ses lois
Oswégo, mille autres exploits
Ont fait rayonner sa devise!
Un contre cinq, sans fer, sans secours et sans pain.
Comme hier, Dieu le veut! nous les battrons demain!
Dieu ne le voulut pas Un soir qu'avec mystère
Le héros prolongeait sa ronde solitaire
Vers un poste éloigné sur la marge des flots,
On dit qu'une ombre immense intercepta sa vue,
Et qu'une voix profonde, ineffable, inconnue,
Au milieu des éclairs laissa tomber ces mots:
« Soldat, digne héritier des preux de Charlemagne,
Comme au sage Moïse, au bord de la montagne,
Je veux te révéler mes décrets éternels
Pour la première fois, fils aîné de la gloire,
Ma justice à ton bras refuse la victoire,
En couronnant ton front de lauriers immortels.»
Note de L'auteur: Montcalm en parlant de ses troupes disait dans une lettre adressée par lui à
M. de Berryer quelques semaines avant sa mort: «ils sont d'ailleurs sans bayonnettes.»
Son sang, son glorieux dépôt,
Aux fleurs-de-lis l'Anglais bientôt
Arrachera notre patrie
Aux armes! jeunes gens, vieillards et laboureurs:
Montcalm commande encor: vous aurez des vengeurs!
La victoire à sa voix soumise
À Carillon subit ses lois
Oswégo, mille autres exploits
Ont fait rayonner sa devise!
Un contre cinq, sans fer, sans secours et sans pain.
Comme hier, Dieu le veut! nous les battrons demain!
Dieu ne le voulut pas Un soir qu'avec mystère
Le héros prolongeait sa ronde solitaire
Vers un poste éloigné sur la marge des flots,
On dit qu'une ombre immense intercepta sa vue,
Et qu'une voix profonde, ineffable, inconnue,
Au milieu des éclairs laissa tomber ces mots:
« Soldat, digne héritier des preux de Charlemagne,
Comme au sage Moïse, au bord de la montagne,
Je veux te révéler mes décrets éternels
Pour la première fois, fils aîné de la gloire,
Ma justice à ton bras refuse la victoire,
En couronnant ton front de lauriers immortels.»
Note de L'auteur: Montcalm en parlant de ses troupes disait dans une lettre adressée par lui à
M. de Berryer quelques semaines avant sa mort: «ils sont d'ailleurs sans bayonnettes.»
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
«Le peuple de Clovis que j'armai de mon glaive,
Étoile du matin, phare que sur la grève
Je plaçai pour guider, sauver les nations:
Nouvel ange déchu, le blasphème à la bouche,
Foule aux pieds mes autels dans son orgueil farouche:
À ses yeux, mes bienfaits ne sont qu'illusions!»
«Tel qu'un arbre géant jetant au loin son ombre,
Fidèle, il eut régné sur des peuples sans nombre:
J'aimais à voir en lui le roi de l'univers:
Parjure, dépouillant ses branches encor saines,
Dans l'empire du mal, qu'il vive sans domaines
Comme un tronc foudroyé sur les sables déserts!»
«Plus tard, toujours rebelle à la voix qui l'inspire,
Quand il aura franchi dans son affreux délire
Les bornes que j'impose à son iniquité,
Je veux qu'en sa fureur déchirant ses entrailles,
Par l'exemple effrayant de tant de funérailles
Il instruise à jamais le monde épouvanté!»
«Puis arrêtant ses pas au penchant de l'abîme,
Quand il aura compris sa mission sublime,
Épuré, pour toujours au creuset des douleurs,
Un jour il bénira son épreuve cruelle,
Et de félicités sa part sera si belle,
Que les rois envîront jusques à ses malheurs!»
«Et tant qu'il soutiendra sa lutte colossale,
Sous un sceptre étranger, à ce sceptre fatale,
Cette terre bénie, asile de la foi,
Héritant des vertus de la première France,
Conservera toujours dans la paix, l'innocence,
Le vrai, le seul bonheur: le culte de ma loi.»
Étoile du matin, phare que sur la grève
Je plaçai pour guider, sauver les nations:
Nouvel ange déchu, le blasphème à la bouche,
Foule aux pieds mes autels dans son orgueil farouche:
À ses yeux, mes bienfaits ne sont qu'illusions!»
«Tel qu'un arbre géant jetant au loin son ombre,
Fidèle, il eut régné sur des peuples sans nombre:
J'aimais à voir en lui le roi de l'univers:
Parjure, dépouillant ses branches encor saines,
Dans l'empire du mal, qu'il vive sans domaines
Comme un tronc foudroyé sur les sables déserts!»
«Plus tard, toujours rebelle à la voix qui l'inspire,
Quand il aura franchi dans son affreux délire
Les bornes que j'impose à son iniquité,
Je veux qu'en sa fureur déchirant ses entrailles,
Par l'exemple effrayant de tant de funérailles
Il instruise à jamais le monde épouvanté!»
«Puis arrêtant ses pas au penchant de l'abîme,
Quand il aura compris sa mission sublime,
Épuré, pour toujours au creuset des douleurs,
Un jour il bénira son épreuve cruelle,
Et de félicités sa part sera si belle,
Que les rois envîront jusques à ses malheurs!»
«Et tant qu'il soutiendra sa lutte colossale,
Sous un sceptre étranger, à ce sceptre fatale,
Cette terre bénie, asile de la foi,
Héritant des vertus de la première France,
Conservera toujours dans la paix, l'innocence,
Le vrai, le seul bonheur: le culte de ma loi.»
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
« Mais toi, dont la sagesse honore ta patrie,
Qui vois, sans murmurer, dans ton âme flétrie,
De tes vastes projets l'édifice croulant,
Qui pleures les destins de la France, ta mère,
Je te laisse à choisir dans ta tristesse amère,
De longs jours fortunés ou la mort de Roland.»
Pendant longtemps Montcalm, incliné sur la plage,
Prête une oreille avide au mystique langage
Dont le sublime accent le glace et le poursuit,
Mais il n'entend plus rien que le vol de la nuit:
Le sourd bruissement des ondes sur la rive,
Du rossignol aimé la roulade plaintive,
Du nocturne grillon le babil argentin,
Et d'une sentinelle un cri vague et lointain.
Le ciel est doux et pur; l'astre aux regards timides
Se levant radieux du sein des Laurentides,
De ses rayons brisés fait miroiter les eaux,
Et d'ombre et de reflets parsème les berceaux.
Pareille à Jeanne d'Arc sur le bûcher funèbre,
Consumée à demi sur son rocher célèbre,
La ville étincelant sous ses blancs corselets,
À l'horizon, là-bas, menace encor l'Anglais
Mais lui, dans l'amertume où son âme se plonge,
Comme à peine éveillé du plus horrible songe,
Il compte avec effroi les pas de l'avenir,
Et voudrait de la nuit la course retenir
Tout-à-coup, des rameurs sur la rade prochaine
Entonnent le doux chant de « la claire fontaine,»
Dont l'écho qui s'éteint lentement par degré
Répète au loin les mots: « jamais ne t'oublîrai;»
Et ces sons répondant à son âme attendrie
Comme un dernier adieu de sa belle patrie:
«Vous dont la majesté faisait trembler Sion!
«O Dieu!» s'écria-t-il, « béni soit votre nom!
«Mais si pour apaiser enfin votre justice,
«Il faut sur vos autels un nouveau sacrifice,
«Ah! pour venger la foi, s'il vous faut un martyr,
«Épargnez mon pays, et faites-moi mourir!»
Qui vois, sans murmurer, dans ton âme flétrie,
De tes vastes projets l'édifice croulant,
Qui pleures les destins de la France, ta mère,
Je te laisse à choisir dans ta tristesse amère,
De longs jours fortunés ou la mort de Roland.»
Pendant longtemps Montcalm, incliné sur la plage,
Prête une oreille avide au mystique langage
Dont le sublime accent le glace et le poursuit,
Mais il n'entend plus rien que le vol de la nuit:
Le sourd bruissement des ondes sur la rive,
Du rossignol aimé la roulade plaintive,
Du nocturne grillon le babil argentin,
Et d'une sentinelle un cri vague et lointain.
Le ciel est doux et pur; l'astre aux regards timides
Se levant radieux du sein des Laurentides,
De ses rayons brisés fait miroiter les eaux,
Et d'ombre et de reflets parsème les berceaux.
Pareille à Jeanne d'Arc sur le bûcher funèbre,
Consumée à demi sur son rocher célèbre,
La ville étincelant sous ses blancs corselets,
À l'horizon, là-bas, menace encor l'Anglais
Mais lui, dans l'amertume où son âme se plonge,
Comme à peine éveillé du plus horrible songe,
Il compte avec effroi les pas de l'avenir,
Et voudrait de la nuit la course retenir
Tout-à-coup, des rameurs sur la rade prochaine
Entonnent le doux chant de « la claire fontaine,»
Dont l'écho qui s'éteint lentement par degré
Répète au loin les mots: « jamais ne t'oublîrai;»
Et ces sons répondant à son âme attendrie
Comme un dernier adieu de sa belle patrie:
«Vous dont la majesté faisait trembler Sion!
«O Dieu!» s'écria-t-il, « béni soit votre nom!
«Mais si pour apaiser enfin votre justice,
«Il faut sur vos autels un nouveau sacrifice,
«Ah! pour venger la foi, s'il vous faut un martyr,
«Épargnez mon pays, et faites-moi mourir!»
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
«Rien ne répond: tout dort! Ah! ma raison s'égare,
«Sur mes sens en délire un fantôme bizarre
«Qu'enfantent les soucis, les veilles, les travaux,
«Plane comme la mort aux abords des tombeaux!
«Ils ne sont plus ces jours, où, déposant ses voiles,
«Mer d'azur que d'un souffle il a brodé d'étoiles,
«L'esprit daigna s'asseoir au foyer des humains,
«Et soumettre ses lois à l'oeuvre de ses mains!
«Que lui fait ce point noir qui roule dans le vide?
«Chaos où le hasard, où le malheur préside!
«Mais que dis-je? Insensé! le doute ténébreux
«Que l'enfer a vomi pour insulter aux cieux,
«Nouveau-né de l'orgueil, et fléau de ma race,
«Jusqu'au fond de mon coeur, a-t-il déjà pris place?
«Non, non, qu'il soit maudit! Que la France à genoux
«Du maître universel désarme le courroux!
«Mais si, pour effacer sa faute passagère,
«Il ne suffit plus d'une ardente prière,
«Et s'il ne faut, mon Dieu! que le sang d'un martyr,
«Épargnez ma patrie, et faites-moi mourir!»
«Hélas! il n'est plus temps! l'heure fuit, l'heure avance,
«Et le Dieu des combats fait pencher sa balance
«J'adore ses décrets: plus de voeux superflus!
«Je te perds, France, adieu! je ne te verrai plus!
«Je ne survivrai pas à ta gloire ravie:
«Dans ton sein déchiré que m'importe la vie!
«Gémis sur tes destins, ne pleure pas mon sort:
«Pour anoblir ta chute il te fallait ma mort!»
«Sur mes sens en délire un fantôme bizarre
«Qu'enfantent les soucis, les veilles, les travaux,
«Plane comme la mort aux abords des tombeaux!
«Ils ne sont plus ces jours, où, déposant ses voiles,
«Mer d'azur que d'un souffle il a brodé d'étoiles,
«L'esprit daigna s'asseoir au foyer des humains,
«Et soumettre ses lois à l'oeuvre de ses mains!
«Que lui fait ce point noir qui roule dans le vide?
«Chaos où le hasard, où le malheur préside!
«Mais que dis-je? Insensé! le doute ténébreux
«Que l'enfer a vomi pour insulter aux cieux,
«Nouveau-né de l'orgueil, et fléau de ma race,
«Jusqu'au fond de mon coeur, a-t-il déjà pris place?
«Non, non, qu'il soit maudit! Que la France à genoux
«Du maître universel désarme le courroux!
«Mais si, pour effacer sa faute passagère,
«Il ne suffit plus d'une ardente prière,
«Et s'il ne faut, mon Dieu! que le sang d'un martyr,
«Épargnez ma patrie, et faites-moi mourir!»
«Hélas! il n'est plus temps! l'heure fuit, l'heure avance,
«Et le Dieu des combats fait pencher sa balance
«J'adore ses décrets: plus de voeux superflus!
«Je te perds, France, adieu! je ne te verrai plus!
«Je ne survivrai pas à ta gloire ravie:
«Dans ton sein déchiré que m'importe la vie!
«Gémis sur tes destins, ne pleure pas mon sort:
«Pour anoblir ta chute il te fallait ma mort!»
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
«Et vous, Canadiens, race héroïque et fière,
«De la foi des croisés, de leur sang héritière,
«Qui toujours noblement avez suivi mes pas,
«À l'appel de l'honneur défiant le trépas;
«Vous qui sachant braver votre longue souffrance,
«Dans nos jours de malheur ne plaignez que la France;
«Germe qu'en ce beau sol Dieu lui-même a planté
«Pour t'y faire fleurir, sainte fidélité!
«Vous dont le sort futur m'inspira tant d'alarmes!
«Qui prodigue de sang, ne gardez que vos larmes!
«Je vous lègue mon coeur! amis, peuple martyr,
«Vous que j'ai tant aimés, adieu! je vais mourir!»
L'oracle s'accomplit: le héros tint parole.
Depuis un siècle il dort sous l'auguste coupole,
Dans le lit que la gloire avait creusé pour lui!
Et sur ces bords fameux qu'illustra son courage,
Tel qu'un flocon de neige, emporté par l'orage,
Son drapeau s'est évanoui.
Note de L'auteur: Les restes mortels de Montcalm furent déposés sous la voûte de la chapelle
des Dames Ursulines de Québec, dans une cavité qu'avait formée une bombe en éclatant.
«De la foi des croisés, de leur sang héritière,
«Qui toujours noblement avez suivi mes pas,
«À l'appel de l'honneur défiant le trépas;
«Vous qui sachant braver votre longue souffrance,
«Dans nos jours de malheur ne plaignez que la France;
«Germe qu'en ce beau sol Dieu lui-même a planté
«Pour t'y faire fleurir, sainte fidélité!
«Vous dont le sort futur m'inspira tant d'alarmes!
«Qui prodigue de sang, ne gardez que vos larmes!
«Je vous lègue mon coeur! amis, peuple martyr,
«Vous que j'ai tant aimés, adieu! je vais mourir!»
L'oracle s'accomplit: le héros tint parole.
Depuis un siècle il dort sous l'auguste coupole,
Dans le lit que la gloire avait creusé pour lui!
Et sur ces bords fameux qu'illustra son courage,
Tel qu'un flocon de neige, emporté par l'orage,
Son drapeau s'est évanoui.
Note de L'auteur: Les restes mortels de Montcalm furent déposés sous la voûte de la chapelle
des Dames Ursulines de Québec, dans une cavité qu'avait formée une bombe en éclatant.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
Vous que Dieu nous ravit, nobles couleurs, grande ombre!
Évoquant à regret les maux du passé sombre,
Ces chants n'ont pas pour but d'accuser ses rigueurs;
Mais comme d'un ami dont on pleure l'absence,
Nous venons sans espoir vous parler de la France
Toujours, toujours chère à nos coeurs!
L'esprit fort dans ces sons ne verra que chimères:
Plus simples, mais plus grands, ces paysans, nos pères,
Ne savaient que mourir pour leur roi, leurs autels!
Et leurs fils cèderont, comme eux, dans cette histoire,
Non pas à leurs rivaux, mais à Dieu la victoire!
À Dieu qui nous fît tous mortels!
Une aventure: souvenirs de voyage
Poème badin
à mon ami Olivier de B*** à Paris.
I
Connaissez-vous Québec, la ville américaine
Qui domine les flots du vaste Saint-Laurent?
Plus fière sur son roc que Tunis l'Africaine,
Plus grave en son aspect qu'un vieux chevalier Franc!
J'y passai plus d'un mois quand j'étais en voyage
« Un mois!» me direz-vous, « un seul jour eut suffi»!
Pourquoi ce long séjour dans un pays sauvage?
Pourquoi? De deviner je vous mets au défi.
Évoquant à regret les maux du passé sombre,
Ces chants n'ont pas pour but d'accuser ses rigueurs;
Mais comme d'un ami dont on pleure l'absence,
Nous venons sans espoir vous parler de la France
Toujours, toujours chère à nos coeurs!
L'esprit fort dans ces sons ne verra que chimères:
Plus simples, mais plus grands, ces paysans, nos pères,
Ne savaient que mourir pour leur roi, leurs autels!
Et leurs fils cèderont, comme eux, dans cette histoire,
Non pas à leurs rivaux, mais à Dieu la victoire!
À Dieu qui nous fît tous mortels!
Une aventure: souvenirs de voyage
Poème badin
à mon ami Olivier de B*** à Paris.
I
Connaissez-vous Québec, la ville américaine
Qui domine les flots du vaste Saint-Laurent?
Plus fière sur son roc que Tunis l'Africaine,
Plus grave en son aspect qu'un vieux chevalier Franc!
J'y passai plus d'un mois quand j'étais en voyage
« Un mois!» me direz-vous, « un seul jour eut suffi»!
Pourquoi ce long séjour dans un pays sauvage?
Pourquoi? De deviner je vous mets au défi.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
II
Vous avez su pourtant que j'ai l'âme sensible;
Que souvent j'ai pris feu pour des yeux bleus ou noirs,
Que mon coeur dès longtemps est percé comme un crible
Par mille traits aimés reçus dans les boudoirs!
Donc j'étais en amour; depuis je me réforme!
Un jour elle passait dans un lieu fréquenté
Par tous les élégants, dénommé: plate-forme
Il m'en souvient trop bien! C'était un jour d'été.
II
Il faisait chaud, chaud, chaud et, tout en mousseline,
Ma sylphide aspirait les délices de l'air
Un léger brodequin de sa jambe si fine
Indiquait le contour. Plus brillants que l'éclair,
Ses yeux étincelaient enchassés dans des roses
Aux tons vifs empruntés à l'éclat du soleil:
Il me semblait à moi qu'elle affectait des poses,
Des poses qui cadraient avec son teint vermeil!
II
Vous savez qu'à Paris, une jeune donzelle
Sur la place publique errant sans protecteurs,
N'est pas pour les galants comme une citadelle
Défiant l'ennemi du sommet des hauteurs.
On l'aborde en riant jamais quoiqu'il advienne
Elle ne fuit au loin l'amant audacieux
Or, joyeux, m'inclinant vers la Canadienne,
Je lance un doux regard au fond de ses deux yeux.
Vous avez su pourtant que j'ai l'âme sensible;
Que souvent j'ai pris feu pour des yeux bleus ou noirs,
Que mon coeur dès longtemps est percé comme un crible
Par mille traits aimés reçus dans les boudoirs!
Donc j'étais en amour; depuis je me réforme!
Un jour elle passait dans un lieu fréquenté
Par tous les élégants, dénommé: plate-forme
Il m'en souvient trop bien! C'était un jour d'été.
II
Il faisait chaud, chaud, chaud et, tout en mousseline,
Ma sylphide aspirait les délices de l'air
Un léger brodequin de sa jambe si fine
Indiquait le contour. Plus brillants que l'éclair,
Ses yeux étincelaient enchassés dans des roses
Aux tons vifs empruntés à l'éclat du soleil:
Il me semblait à moi qu'elle affectait des poses,
Des poses qui cadraient avec son teint vermeil!
II
Vous savez qu'à Paris, une jeune donzelle
Sur la place publique errant sans protecteurs,
N'est pas pour les galants comme une citadelle
Défiant l'ennemi du sommet des hauteurs.
On l'aborde en riant jamais quoiqu'il advienne
Elle ne fuit au loin l'amant audacieux
Or, joyeux, m'inclinant vers la Canadienne,
Je lance un doux regard au fond de ses deux yeux.
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Re: Louis-Joseph-Cyprien Fiset:Jude et Grazia
V
Ils étaient bleus, ma foi, la couleur que j'adore
Plus clairs que le cristal, profonds comme l'azur!
Je lui dis: «belle enfant, je m'appelle Isidore:
«Si tu voulais m'aimer, je t'aimerais pour sûr!
«Je suis Français, je viens du pays de tes pères.
«Je crois que je suis né dans les murs d'Alençon»!
Mais elle, se dressant comme font les vipères,
Me dit tout bas un mot, un seul mot: « polisson»!
VI
Elle avait disparu j'étais cloué sur place,
Transi par les regards des passants, des badauds;
Mon coeur ardent naguère était devenu glace;
Il s'écoulait en sueur j'avais tourné le dos;
La rage m'étouffait, lorsque j'entendis rire
De ce rire malin qui vous fouette le sang:
Un homme avait tout vu! j'étais dans le délire!
Cet homme était assis tout auprès sur un banc.
VII
Je l'aurais étranglé, mais je n'osais le faire!
C'était un beau vieillard de soixante-quinze ans;
Grave comme un goddam, mais pourtant débonnaire,
Poli comme l'étaient nos anciens courtisans
Sa main serra ma main dans une longue étreinte,
Son oeil doux dissipa ma honte et mon courroux;
Comme de vieux amis sans gêne et sans contrainte
Nous causâmes longtemps: le vieux était absous!
Ils étaient bleus, ma foi, la couleur que j'adore
Plus clairs que le cristal, profonds comme l'azur!
Je lui dis: «belle enfant, je m'appelle Isidore:
«Si tu voulais m'aimer, je t'aimerais pour sûr!
«Je suis Français, je viens du pays de tes pères.
«Je crois que je suis né dans les murs d'Alençon»!
Mais elle, se dressant comme font les vipères,
Me dit tout bas un mot, un seul mot: « polisson»!
VI
Elle avait disparu j'étais cloué sur place,
Transi par les regards des passants, des badauds;
Mon coeur ardent naguère était devenu glace;
Il s'écoulait en sueur j'avais tourné le dos;
La rage m'étouffait, lorsque j'entendis rire
De ce rire malin qui vous fouette le sang:
Un homme avait tout vu! j'étais dans le délire!
Cet homme était assis tout auprès sur un banc.
VII
Je l'aurais étranglé, mais je n'osais le faire!
C'était un beau vieillard de soixante-quinze ans;
Grave comme un goddam, mais pourtant débonnaire,
Poli comme l'étaient nos anciens courtisans
Sa main serra ma main dans une longue étreinte,
Son oeil doux dissipa ma honte et mon courroux;
Comme de vieux amis sans gêne et sans contrainte
Nous causâmes longtemps: le vieux était absous!
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