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La Cité Des Eaux:Henri De Régnier

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La Cité Des Eaux:Henri De Régnier Empty La Cité Des Eaux:Henri De Régnier

Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:39

LA CITÉ DES EAUX

Versailles, Cité des Eaux.
MICHELET.


SALUT A VERSAILLES

Celui dont l'âme est triste et qui porte à l'automne
Son coeur brûlant encor des cendres de l'été,
Est le Prince sans sceptre et le Roi sans couronne
De votre solitude et de votre beauté.

Car ce qu'il cherche en vous, ô jardins de silence,
Sous votre ombrage grave où le bruit de ses pas
Poursuit en vain l'écho qui toujours le devance,
Ce qu'il cherche en votre ombre, ô jardins, ce n'est pas

Le murmure secret de la rumeur illustre,
Dont le siècle a rempli vos bosquets toujours beaux,
Ni quelque vaine gloire accoudée au balustre,
Ni quelque jeune grâce au bord des fraîches eaux;

Il ne demande pas qu'y passe ou qu'y revienne
Le héros immortel ou le vivant fameux
Dont la vie orgueilleuse, éclatante et hautaine
Fut l'astre et le soleil de ces augustes lieux.

Ce qu'il veut, c'est le calme et c'est la solitude,
La perspective avec l'allée et l'escalier,
Et le rond-point, et le parterre, et l'attitude
De l'if pyramidal auprès du buis taillé;



La grandeur taciturne et la paix monotone
De ce mélancolique et suprême séjour;
Et ce parfum de soir et cette odeur d'automne
Qui s'exhalent de l'ombre avec la fin du jour.



O toi que l'aube effraie, ô toi qui crains l'aurore,
Et que ne tentent plus la route et le chemin,
Quitte la ville vaine, arrogante et sonore
Qui parle avec des voix de soleil ou d'airain.

C'est là que l'homme fait sa boue et sa poussière
Pour élever son mur autour de l'horizon;
Mais toi, dont le désir n'apporte plus sa pierre
Au travail en commun qui bâtit la maison,

Laisse ceux dont le bloc charge, sans qu'elle plie,
L'épaule et dont les bras sont propres aux fardeaux,
Se construire sans toi les demeures de vie
Et va vivre ton songe en la Cité des Eaux.



L'onde ne chante plus en tes mille fontaines,
O Versailles, Cité des Eaux, Jardin des Rois!
Ta couronne ne porte plus, ô souveraine,
Les clairs lys de cristal qui l'ornaient autrefois!

La nymphe qui parlait par ta bouche s'est tue
Et le temps a terni sous le souffle des jours
Les fluides miroirs où tu t'es jadis vue
Royale et souriante en tes jeunes atours.

Tes bassins endormis à l'ombre des grands arbres
Verdissent en silence au milieu de l'oubli,
Et leur tain qui s'encadre aux bordures de marbre
Ne reconnaîtrait plus ta face d'aujourd'hui.

Qu'importe! ce n'est pas ta splendeur et ta gloire
Que visitent mes pas et que veulent mes yeux;
Et je ne monte pas les marches de l'histoire
Au-devant du Héros qui survit en tes Dieux.

Il suffit que tes eaux égales et sans fête
Reposent dans leur ordre et leur tranquillité,
Sans que demeure rien en leur noble défaite
De ce qui fut jadis un spectacle enchanté.

Que m'importent le jet, la gerbe et la cascade
Et que Neptune à sec ait brisé son trident,
Ni qu'en son bronze aride un farouche Encelade
Se soulève, une feuille morte entre les dents,

Pourvu que faible, basse, et dans l'ombre incertaine,
Du fond d'un vert bosquet qu'elle a pris pour tombeau,
J'entende longuement ta dernière fontaine,
O Versailles, pleurer sur toi, Cité des Eaux!
nadia ibrahimi
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La Cité Des Eaux:Henri De Régnier Empty LA FAÇADE

Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:40

La Cité Des Eaux.

Par Henri De Régnier. 1864-1936



LA FAÇADE

Glorieuse, monumentale et monotone,
La façade de pierre effrite au vent qui passe
Son chapiteau friable et sa guirlande lasse
En face du parc jaune où s'accoude l'Automne.

Au médaillon de marbre où Pallas la couronne,
La double lettre encor se croise et s'entrelace;
A porter le balcon l'Hercule se harasse;
La fleur de lys s'effeuille au temps qui la moissonne.

Le vieux Palais, miré dans ses bassins déserts,
Regarde s'accroupir en bronze noir et vert
La Solitude nue et le Passé dormant;

Mais le soleil aux vitres d'or qu'il incendie
Y semble rallumer intérieurement
Le sursaut, chaque soir, de la Gloire engourdie.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:41

L'ESCALIER

Toute la Gloire avec le glaive et l'étrier,
Et la terre qui saigne et la mer qui écume,
Le feutre balayant le parquet de sa plume,
La Puissance et l'Amour, la rose et le laurier,

De ce songe royal et de ce bruit guerrier,
Soleil d'or qui s'efface ébloui dans la brume,
Il ne reste que l'oeuvre anonyme et posthume
Du marteau d'un sculpteur dans le bloc du carrier;

Et le marbre du buste arrogant et romain,
Sans yeux pour regarder et pour prendre sans mains,
Se dresse taciturne et solitaire, au haut

De l'escalier qui garde à ses marches tassées,
Dans le porphyre roux, la trace sans écho
Du pas sanglant encor des Victoires passées.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:41

PERSPECTIVE

Le cuivre du trophée et le bronze du buste
Juxtaposent l'or jaune et la patine verte;
Le carquois se suspend près de la corne ouverte,
Cérès en fleurs sourit à Diane robuste.

Le parquet de bois clair mire la fresque inverse
Où trône le Héros que la Victoire illustre;
L'éclair silencieux rôde de lustre en lustre,
Et le soleil s'irise au cristal qu'il traverse.

Le glorieux Passé, nu sous son laurier d'or,
Par les fenêtres, voit se refléter encor,
Dans l'échiquier verdi des portes de miroirs,

Le lys mystérieux du jet d'eau, et, votifs,
Dressant sur le ciel clair leur double bronze noir,
Le cippe d'un cyprès et la stèle d'un if.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:42

L'ODEUR

Si tu songes l'Amour, si tu rêves la Mort,
Si ton miroir est trouble à te sourire, écoute
Les feuilles, feuille à feuille, et l'onde, goutte à goutte,
Tomber de la fontaine et de l'arbre. Tout dort.

La rose de septembre et le tournesol d'or
Ont dit l'été qui brûle et l'automne qui doute;
Le bosquet s'entrelace et la grotte se voûte,
Le dédale et l'écho te tromperaient encor.

Laisse l'allée oblique et le carrefour traître
Et ne regarde pas à travers la fenêtre
Du pavillon fermé dont la clef est perdue.

Silence! L'ombre est là; viens respirer plutôt,
Ainsi que les hermès et les blanches statues,
L'amère odeur du buis autour des calmes eaux.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:43

LE BASSIN ROSE

Si le jet d'eau s'est tu dans la vasque, si l'or
De la statue en pleurs au centre du bassin
S'écaille sur la hanche et rougit sur le sein,
Si le porphyre rose en l'onde saigne encor;

C'est que tout, alentour, s'engourdit et s'endort
D'avoir été charmant, mystérieux et vain,
Et que l'Écho muet dans l'ombre tend la main
Au Silence à genoux auprès de l'Amour mort.

L'allée est inquiète où l'on ne passe plus;
La terre peu à peu s'éboule du talus;
La porte attend la clef, le portique attend l'hôte,

Et le Temps, qui survit à ce qu'il a été
Et se retrouve toujours tel qu'il s'est quitté,
Fait l'eau trop anxieuse et les roses trop hau
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:43

LE BASSIN VERT

Son bronze qui fut chair l'érige en l'eau verdie,
Déesse d'autrefois triste d'être statue;
La mousse peu à peu couvre l'épaule nue,
Et l'urne qui se tait pèse à la main roidie;

L'onde qui s'engourdit mire avec perfidie
L'ombre que toute chose en elle est devenue,
Et son miroir fluide où s'allonge une nue
Imite inversement un ciel qu'il parodie.

Le gazon toujours vert ressemble au bassin glauque.
C'est le même carré de verdure équivoque
Dont le marbre ou le buis encadrent l'herbe ou l'eau.

Et dans l'eau smaragdine et l'herbe d'émeraude,
Regarde, tour à tour, errer en ors rivaux
La jaune feuille morte et le cyprin qui rôde.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:44

LE BASSIN NOIR

Laisse le Printemps rire en sa gaîne de pierre
Et l'Hiver qui sanglote au socle où il est pris
Jusqu'au torse, et l'Été, grave en ses noeuds fleuris,
Près de l'Automne nu qui s'empampre et s'enlierre;

Laisse la rose double et la rose trémière
Et l'allée à dessins de sable jaune et gris
Et l'écho qui répond au rire que tu ris,
Et viens te regarder dans une eau singulière.

Elle occupe un bassin ovale et circonspecte;
Nulle plume d'oiseau et nulle aile d'insecte
Ne raie en le frôlant l'ébène du miroir,

Et, de sa transparence où sommeillent des ors,
Tu verrais émerger d'entre son cristal noir
Le Silence à mi-voix et l'Amour à mi-corps!
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:45

L'ENCELADE

Les hauts buis d'alentour bordent un rond-point d'eau.
Aux angles du bassin, devant leurs ombres graves,
La Déesse aux yeux durs et le Dieu aux yeux caves
Tiennent l'un le trident et l'autre le marteau.

Au centre, enseveli dans un vivant tombeau,
Un Encelade tord, sous l'amas noir des laves,
Son gigantesque corps qui, nu dans ses entraves,
Sent peser la vengeance et le roc pour fardeau.

Sa gorge horrible, tout le jour, a fait jaillir
L'écume qui retombe autour de lui, soupir
Monstrueux et grondant de sa rage enchaînée.

Mais, avec le soir sombre et l'heure qui s'avance,
A mesure, l'on voit, de sa bouche acharnée,
Le jet d'eau qui décroît accroître le silence.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:46

LÉDA

Au centre du bassin où le marbre arrondi
Entoure une onde léthargique qui tressaille
D'une ride qu'y fait, de son bec qui l'entaille,
Un cygne se mirant à son miroir verdi,

Elle cambre son corps qu'une attente roidit;
Son pied nu touche l'eau que son orteil éraille,
Et sa langueur s'accoude à la rude rocaille,
Et son geste s'étire au métal engourdi.

Les cygnes nonchalants qui nagent autour d'elle
Approchent de la Nymphe et la frôlent de l'aile
Et caressent ses flancs de leurs cols onduleux;

Et le bronze anxieux dans l'eau qui le reflète
Semble encor palpiter de l'amour fabuleux
Qui jusqu'en son sommeil trouble sa chair muette.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:46

LA NYMPHE

L'eau calme qui s'endort, déborde et se repose
Au bassin de porphyre et dans la vasque en pleurs
En son trouble sommeil et ses glauques pâleurs
Reflète le cyprès et reflète la rose.

Le Dieu à la Déesse en souriant s'oppose;
L'un tient le sceptre et l'arc, l'autre l'urne et les fleurs,
Et, dans l'allée entre eux, mêlant son ombre aux leurs,
L'Amour debout et nu se dresse et s'interpose.

Les talus du gazon bordent le canal clair;
L'if y mire son bloc, le houx son cône vert,
Et l'obélisque alterne avec la pyramide;

Un Dragon qui fait face à son Hydre ennemie,
Tous deux du trou visqueux de leurs bouches humides
Crachent un jet d'argent sur la Nymphe endormie.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:47

LATONE

Le quinconce, le buis, les ifs et les cyprès,
La rocaille coquette et la vasque pensive
D'où s'épanche ou jaillit l'onde dolente ou vive
Qui fait l'allée en pleurs ou le carrefour frais;

La fontaine qui jase et le bassin auprès
Qui stagne et que tarit la fissure furtive,
La statue et l'hermès que la mousse enjolive
Et le parc qui finit en lointains de forêts;

Le Silence qui songe et l'Écho qui recule
Bercent la douceur d'être en ce beau crépuscule
Où, dans le souvenir, tout reste ce qu'il fut,

Et, parmi l'eau verdie où s'effeuille l'automne,
Toujours s'obstine, en or accroupi, le salut
De l'obèse grenouille à la svelte Latone.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:48

LE SOCLE

L'Amour qui souriait en son bronze d'or clair
Au centre du bassin qu'enfeuille, soir à soir,
L'automne, a chancelé en se penchant pour voir
En l'onde son reflet lui rire, inverse et vert.

Le prestige mystérieux s'est entr'ouvert;
Sa chute, par sa ride, a brisé le miroir,
Et dans la transparence en paix du cristal noir
On l'aperçoit qui dort sous l'eau qui l'a couvert.

Le lieu est triste; l'if est dur; le cyprès nu.
L'allée au loin s'enfonce où nul n'est revenu
Dont le pas à jamais vibre au fond de l'écho;

Et, de l'Amour tombé du socle qu'il dénude,
Il reste un bloc égal qui semble le tombeau
Du songe, du silence et de la solitude.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:49

FÊTE D'EAU

Le dauphin, le triton et l'obèse grenouille
Diamantant d'écume et d'or Latone nue,
Divinité marine au dos de la tortue,
Dieu fluvial riant de l'eau qui le chatouille;

La vasque qui retombe ou la gerbe qui mouille,
La nappe qui décroît, se gonfle ou diminue,
Et la poussière humide irisant la statue
Dont s'emperle la mousse ou s'avive la rouille;

Toute la fête d'eau, de cristal et de joie
Qui s'entrecroise, rit, s'éparpille et poudroie,
Dans le parc enchanté s'est tue avec le soir;

Et parmi le silence on voit jaillir, auprès
Du tranquille bassin redevenu miroir,
La fontaine de l'if et le jet du cyprès.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:50

LES FEUILLES

Ta robe lente, pas à pas, soulève et traîne
Un bruit de feuilles d'or et de roses fanées,
Et dans le crépuscule où finit la journée
L'automne est las d'avoir entendu les fontaines.

Si tu passes le long des eaux vastes et vaines,
La statue, anxieuse et la tête inclinée
Écoutant dans l'écho le pas de l'autre Année,
Ne te reconnaît plus et te regarde à peine.

La Vestale au ciel gris lève ses yeux de marbre,
L'Hermès silencieux dérobe d'arbre en arbre
Son socle nu de terme et son masque de faune,

Et, dans le miroir clair que tu tiens à la main,
Tu portes, reflétés, le parc morose et jaune
Avec ses dieux, ses eaux et ses verts boulingrins.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:50

LE REPOS

Le bronze grave étreint de son sommeil pesant
Ton corps au geste las et ta face verdie;
Et quelle douloureuse et douce tragédie
T'a faite la statue où tu dors à présent?

Le marbre de ton socle est rouge et l'on y sent
Partout la pourpre encor d'une tache agrandie;
Est-ce la flèche aiguë ou la hache hardie
Qui t'a couchée ainsi plus belle dans ton sang?

Le bronze jaune et vert qui souffre et qui suppure,
Dont s'aigrit la patine et suinte la coulure,
Sculpte de ton repos un cadavre éternel;

Et la matière où tu survis te décompose;
Mais, puisque tendre fut ton Destin ou cruel,
Laisse croître à tes pieds la ciguë ou la rose.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:51

LA RAMPE

La double rampe, auprès du bassin que surplombe
La terrasse de marbre où le buis nu serpente,
Incurve sa montée et courbe sa descente,
Et de la vasque en pleurs sanglote l'eau qui tombe.

La corneille criarde et la blanche colombe
Alternent, l'une rauque et l'autre gémissante;
Chaque cyprès, le long de cette double pente,
Figure un cippe noir d'où le lierre retombe.

Si tu descends à gauche et si je monte à droite,
Nous verrons tous les deux, en l'onde dont miroite
La patine d'or vert qu'éteint le crépuscule,

Toi, la Déesse en fuite et moi le Dieu discret,
Statue en marche qui s'avance ou qui recule,
Glisser inversement de cyprès en cyprès.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:52

LES STATUES

Les feuilles, une à une, et le temps, heure à heure,
Tombent dans le bassin dont le jet d'eau larmoie;
Iphigénie en sang près d'Hélène de Troie,
Danaé, Antigone, Ariane qui pleure,

Marbres purs que le vent soufflette ou qu'il effleure!
Si le torse se cambre ou si la tête ploie,
Héroïque au destin qui caresse ou rudoie,
La statue aux yeux blancs persévère ou demeure.

L'éternelle beauté subsiste à jamais belle.
Le Silence a ployé le crêpe de son aile
Et songe, assis, le coude au socle où il inscrit

Le nom de l'héroïne énergique ou morose
Qui dérobe un sourire ou cache un sein meurtri
Derrière les cyprès ou derrière des roses.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:53

TRIANON

Un souvenir royal, mélancolique et tendre,
Erre dans le palais et rôde par l'allée,
Destin à qui la Mort tragique s'est mêlée,
Poudre et fard devenus du sang et de la cendre.

Dans le jardin désert j'entends la hache fendre
Le saule où roucoula la colombe envolée;
Les roses ont fleuri l'ombre du mausolée,
Et le ruisseau s'attarde et le banc semble attendre.

Un souvenir s'accoude au dossier des fauteuils;
Un pas résonne encor sur le marbre des seuils;
Un fantôme au miroir vient sourire et s'efface.

Le bassin se tarit, et les feuilles au fond
Dessinent, sous l'eau noire où leur or s'entrelace,
La couronne d'un chiffre et la lettre d'un nom.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:53

L'ABANDON

Le carrosse d'or roux, la chaise, le sabot
Qui piaffe au pavé clair et sonne sur la dalle,
N'animent plus la cour vaste, vide et royale
Où se sont tus les pas, le fouet et le grelot.

La porte s'entrebâille et le volet se clôt;
Le vent use, tout bas, la pierre jaune et pâle;
Le silence engourdi crispe de salle en salle
Ses deux ailes de cendre et sa bouche d'écho.

La fontaine qui chante en gouttes dans la vasque,
Ni le faune qui rit sous le marbre du masque,
Ni le vase fleuri, ni les blanches statues

N'ont pu faire s'entresourire l'un à l'autre,
Lui qui porte un miroir, elle qui s'y voit nue,
La Solitude assise et le Passé qui rôde.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:54

INTÉRIEUR

Le Temps sentencieux et le muet Amour
Se tiennent côte à côte et debout devant l'âtre,
Et l'on voit se croiser dans le miroir verdâtre
La faulx vaine du Temps et l'aile de l'Amour.

L'aile est lasse. Le Temps parfois parle à l'Amour;
La voix douce reprend la voix acariâtre;
L'enfant résiste et le vieillard s'opiniâtre,
Et l'enfant ne veut pas comprendre, étant l'Amour.

Rosaces au parquet et lustres au plafond,
Éclair qui va tonner, roses qui fleuriront!
Le miroir s'interroge et scrute le miroir.

Le meuble se contracte et crispe ses pieds tors;
La porte s'entrebâille et l'on attend l'Espoir
Qui de l'aile de cendre eût fait une aile d'or.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:55

LE PAVILLON

La corbeille, la pannetière et le ruban
Nouant la double flûte à la houlette droite,
Le médaillon ovale où la moulure étroite
Encadre un profil gris dans le panneau plus blanc;

La pendule hâtive et l'horloge au pas lent
Où l'heure, tour à tour, se contrarie et boite;
Le miroir las qui semble une eau luisante et moite,
La porte entrebâillée et le rideau tremblant;

Quelqu'un qui est parti, quelqu'un qui va venir,
La Mémoire endormie avec le Souvenir,
Une approche qui tarde et date d'une absence,

Une fenêtre, sur l'odeur du buis amer,
Ouverte, et sur des roses d'où le vent balance
Le lustre de cristal au parquet de bois clair.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:56

LE BOUQUET

Sur la rosace éclose au centre du parquet
Pose ton pied léger, écoute et sois furtive;
La solitude parle à celle qui arrive;
N'as-tu pas entendu le marbre qui craquait?

La harpe tremble et vibre à ton pas indiscret,
Le lustre se balance et son cristal s'avive;
De ce qui semble mort crois-tu que rien ne vive?
La glace a son fantôme et tout a son secret.

Le temps passe; tout fuit; les choses sont fidèles,
L'invisible silence évente de ses ailes
La poussière pensive et l'ombre transparente;

Et, sur la table nue où le marbre veiné
A quelque chair ancienne et pâle s'apparente,
Effeuille le bouquet que l'Amour t'a donné.
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Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:57

L'ILE

L'île basse, parmi les eaux, isole en elle,
Sous les pleurs du vieux saule et le frisson du tremble,
Le pavillon carré dont la tristesse semble
Enclore en son secret un silence fidèle.

Par les vitres, on voit, qui se décharne, l'aile
D'une harpe tendre ses cordes où il tremble
Un peu du frôlement des doigts qui l'ont ensemble
Fait vibrer doucement jadis, sonore et grêle.

Et le blanc pavillon de marbre et de cristal
S'est endormi, avec en lui l'accord final
Que le silence embaume en son ombre engourdie;

Et qui sait si le chant, par la fenêtre close,
N'en filtre pas encor pour charmer l'eau verdie,
Faire trembler le tremble et sangloter le saule?
nadia ibrahimi
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La Cité Des Eaux:Henri De Régnier Empty FOND DE JARDIN

Message par nadia ibrahimi Ven 30 Avr - 8:58

FOND DE JARDIN

Le noir lierre aux douces roses enlacé
Décore le portique et son treillage vert,
Et l'on voit s'entr'ouvrir le pétale de chair
Près du feuillage en coeur qui vers lui s'est glissé;

Une amoureuse odeur de soir et de passé
Se mêle au dur parfum terrestrement amer;
La fleur de sang sourit à la feuille de fer,
Car de leur double poids son orgueil s'est lassé.

Un bassin, à l'écart, où rôde, ombre d'or grave,
Un cyprin, ça et là, qu'une herbe glauque entrave,
S'engourdit, et sa moire à jamais léthargique

Mire un dauphin de saxe arqué sur son piédouche
Et, seule, la plus haute au faîte du portique,
L'image, inverse en l'eau, d'une rose à sa bouche.
nadia ibrahimi
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