Poèmes Ivresse
Page 1 sur 1
Poèmes Ivresse
A la mi-carême
I
Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.
II
Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire.
III
C’est dans le mois de mars que tente de s’ouvrir
L’anémone sauvage aux corolles tremblantes.
Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;
Et du fond des boudoirs les belles indolentes,
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,
Sous les vieux marronniers commencent à venir.
IV
C’est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,
Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;
À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;
La valseuse se livre avec plus de langueur :
Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,
La lassitude enivre, et l’amour vient au coeur.
V
S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime
Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir,
C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême,
Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir
Sur la valse et l’amour devrait faire un poème,
Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.
VI
Mais qui saura chanter tes pas pleins d’harmonie,
Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés,
Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ?
Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie !
Où sont, de notre temps, les buveurs d’ambroisie
Dignes de s’étourdir dans tes bras adorés ?
VII
Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique
Des filles de Cadmus dénouait les cheveux,
On laissait la beauté danser devant les dieux ;
Et si quelque profane, au son de la musique,
S’élançait dans les choeurs, la prêtresse impudique
De son thyrse de fer frappait l’audacieux.
VIII
Il n’en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ;
Les vierges aujourd’hui se montrent moins sévères,
Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté.
Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ;
Nous perdons le respect qu’on doit à la beauté,
Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.
IX
Tant que régna chez nous le menuet gothique,
D’observer la mesure on se souvint encor.
Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,
Lorsqu’au bruit des canons dansait la République,
Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique,
Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d’or.
X
Autres temps, autres moeurs ; le rythme et la cadence
Ont suivi les hasards et la commune loi.
Pendant que l’univers, ligué contre la France,
S’épuisait de fatigue à lui donner un roi,
La valse d’un coup d’aile a détrôné la danse.
Si quelqu’un s’en est plaint, certes, ce n’est pas moi.
XI
Je voudrais seulement, puisqu’elle est notre hôtesse,
Qu’on sût mieux honorer cette jeune déesse.
Je voudrais qu’à sa voix on pût régler nos pas,
Ne pas voir profaner une si douce ivresse,
Froisser d’un si beau sein les contours délicats,
Et le premier venu l’emporter dans ses bras.
XII
C’est notre barbarie et notre indifférence
Qu’il nous faut accuser ; notre esprit inconstant
Se prend de fantaisie et vit de changement ;
Mais le désordre même a besoin d’élégance ;
Et je voudrais du moins qu’une duchesse, en France,
Sût valser aussi bien qu’un bouvier allemand.
Alfred de Musset
I
Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;
Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.
Cependant du plaisir la frileuse saison
Sous ses grelots légers rit et voltige encore,
Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,
Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.
II
Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;
Bien que le laboureur le craigne justement,
L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,
La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.
Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;
C’est sa première larme et son premier sourire.
III
C’est dans le mois de mars que tente de s’ouvrir
L’anémone sauvage aux corolles tremblantes.
Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;
Et du fond des boudoirs les belles indolentes,
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,
Sous les vieux marronniers commencent à venir.
IV
C’est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,
Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;
À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;
La valseuse se livre avec plus de langueur :
Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,
La lassitude enivre, et l’amour vient au coeur.
V
S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime
Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir,
C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême,
Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir
Sur la valse et l’amour devrait faire un poème,
Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.
VI
Mais qui saura chanter tes pas pleins d’harmonie,
Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés,
Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ?
Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie !
Où sont, de notre temps, les buveurs d’ambroisie
Dignes de s’étourdir dans tes bras adorés ?
VII
Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique
Des filles de Cadmus dénouait les cheveux,
On laissait la beauté danser devant les dieux ;
Et si quelque profane, au son de la musique,
S’élançait dans les choeurs, la prêtresse impudique
De son thyrse de fer frappait l’audacieux.
VIII
Il n’en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ;
Les vierges aujourd’hui se montrent moins sévères,
Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté.
Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ;
Nous perdons le respect qu’on doit à la beauté,
Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.
IX
Tant que régna chez nous le menuet gothique,
D’observer la mesure on se souvint encor.
Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,
Lorsqu’au bruit des canons dansait la République,
Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique,
Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d’or.
X
Autres temps, autres moeurs ; le rythme et la cadence
Ont suivi les hasards et la commune loi.
Pendant que l’univers, ligué contre la France,
S’épuisait de fatigue à lui donner un roi,
La valse d’un coup d’aile a détrôné la danse.
Si quelqu’un s’en est plaint, certes, ce n’est pas moi.
XI
Je voudrais seulement, puisqu’elle est notre hôtesse,
Qu’on sût mieux honorer cette jeune déesse.
Je voudrais qu’à sa voix on pût régler nos pas,
Ne pas voir profaner une si douce ivresse,
Froisser d’un si beau sein les contours délicats,
Et le premier venu l’emporter dans ses bras.
XII
C’est notre barbarie et notre indifférence
Qu’il nous faut accuser ; notre esprit inconstant
Se prend de fantaisie et vit de changement ;
Mais le désordre même a besoin d’élégance ;
Et je voudrais du moins qu’une duchesse, en France,
Sût valser aussi bien qu’un bouvier allemand.
Alfred de Musset
Invité- Invité
A Mademoiselle:Alfred de Musset
A Mademoiselle
Oui, femmes, quoi qu’on puisse dire,
Vous avez le fatal pouvoir
De nous jeter par un sourire
Dans l’ivresse ou le désespoir.
Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.
Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce à notre lâcheté,
Rien n’égale votre puissance,
Sinon votre fragilité.
Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l’abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S’éloigne de vous en pleurant.
Quel que soit le mal qu’il endure,
Son triste rôle est le plus beau.
J’aime encor mieux notre torture
Alfred de Musset
Oui, femmes, quoi qu’on puisse dire,
Vous avez le fatal pouvoir
De nous jeter par un sourire
Dans l’ivresse ou le désespoir.
Oui, deux mots, le silence même,
Un regard distrait ou moqueur,
Peuvent donner à qui vous aime
Un coup de poignard dans le coeur.
Oui, votre orgueil doit être immense,
Car, grâce à notre lâcheté,
Rien n’égale votre puissance,
Sinon votre fragilité.
Mais toute puissance sur terre
Meurt quand l’abus en est trop grand,
Et qui sait souffrir et se taire
S’éloigne de vous en pleurant.
Quel que soit le mal qu’il endure,
Son triste rôle est le plus beau.
J’aime encor mieux notre torture
Alfred de Musset
Invité- Invité
Alfred de Musset:Adieu !
Adieu !
Adieu ! je crois qu’en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t’appelle et m’oublie ;
En te perdant je sens que je t’aimais.
Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l’avenir.
Vienne la voile qui t’emmène,
En souriant je la verrai partir.
Tu t’en vas pleine d’espérance,
Avec orgueil tu reviendras ;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.
Adieu ! tu vas faire un beau rêve
Et t’enivrer d’un plaisir dangereux ;
Sur ton chemin l’étoile qui se lève
Longtemps encor éblouira tes yeux.
Un jour tu sentiras peut-être
Le prix d’un coeur qui nous comprend,
Le bien qu’on trouve à le connaître,
Alfred de Musset
Adieu ! je crois qu’en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t’appelle et m’oublie ;
En te perdant je sens que je t’aimais.
Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l’avenir.
Vienne la voile qui t’emmène,
En souriant je la verrai partir.
Tu t’en vas pleine d’espérance,
Avec orgueil tu reviendras ;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.
Adieu ! tu vas faire un beau rêve
Et t’enivrer d’un plaisir dangereux ;
Sur ton chemin l’étoile qui se lève
Longtemps encor éblouira tes yeux.
Un jour tu sentiras peut-être
Le prix d’un coeur qui nous comprend,
Le bien qu’on trouve à le connaître,
Alfred de Musset
Invité- Invité
Ivresse rose:Sybille Rembard
Ivresse rose
Fraîche omniprésence du destin
Ton parfum, ma beauté, cette rose oblique
Heureusement qu’on peut être
Je crie ma joie, mon étourdissement, noyée dans cette banlieue oubliée du monde
Passion jaillissante de toi
Envie d’exister
de vivre
de jouir
de tes mains, chaleur enivrante
Ma peau est là encore aujourd’hui, demain, qui sait, elle ne sera point
Cuirasse, bouclier ou coquelicot sauvage
Pétales à cueillir cet instant
Chair sublime
Engrenage de reproduction humaine
Sybille Rembard, Beauté fractionnée, 2002
Fraîche omniprésence du destin
Ton parfum, ma beauté, cette rose oblique
Heureusement qu’on peut être
Je crie ma joie, mon étourdissement, noyée dans cette banlieue oubliée du monde
Passion jaillissante de toi
Envie d’exister
de vivre
de jouir
de tes mains, chaleur enivrante
Ma peau est là encore aujourd’hui, demain, qui sait, elle ne sera point
Cuirasse, bouclier ou coquelicot sauvage
Pétales à cueillir cet instant
Chair sublime
Engrenage de reproduction humaine
Sybille Rembard, Beauté fractionnée, 2002
Invité- Invité
Louise Ackermann:La coupe du roi de Thulé
La coupe du roi de Thulé
Die Augen thäten ihm sinken ,
Trank keinen Tropfen mehr.
(Goethe.)
Au vieux roi de Thulé sa maîtresse fidèle
Avait fait en mourant don d’une coupe d’or,
Unique souvenir qu’elle lui laissait d’elle,
Cher et dernier trésor.
Dans ce vase, présent d’une main adorée,
Le pauvre amant dès lors but à chaque festin.
La liqueur en passant par la coupe sacrée
Prenait un goût divin.
Et quand il y portait une lèvre attendrie,
Débordant de son cœur et voilant son regard,
Une larme humectait la paupière flétrie
Du noble et doux vieillard.
Il donna tous ses biens, sentant sa fin prochaine,
Hormis toi, gage aimé de ses amours éteints ;
Mais il n’attendit point que la Mort inhumaine
T’arrachât de ses mains.
Comme pour emporter une dernière ivresse.
Il te vida d’un trait, étouffant ses sanglots,
Puis, de son bras tremblant surmontant la faiblesse»
Te lança dans les flots.
D’un regard déjà trouble il te vit sous les ondes
T’enfoncer lentement pour ne plus remonter :
C’était tout le passé que dans les eaux profondes
Il venait de jeter.
Et son cœur, abîmé dans ses regrets suprêmes,
Subit sans la sentir l’atteinte du trépas.
En sa douleur ses yeux qui s’étaient clos d’eux-mêmes
Ne se rouvrirent pas.
Coupe des souvenirs, qu’une liqueur brûlante
Sous notre lèvre avide emplissait jusqu’au bord,
Qu’en nos derniers banquets d’une main défaillante
Nous soulevons encor,
Vase qui conservais la saveur immortelle
De tout ce qui nous fit rêver, souffrir, aimer.
L’œil qui t’a vu plonger sous la vague éternelle
N’a plus qu’à se fermer.
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)
Die Augen thäten ihm sinken ,
Trank keinen Tropfen mehr.
(Goethe.)
Au vieux roi de Thulé sa maîtresse fidèle
Avait fait en mourant don d’une coupe d’or,
Unique souvenir qu’elle lui laissait d’elle,
Cher et dernier trésor.
Dans ce vase, présent d’une main adorée,
Le pauvre amant dès lors but à chaque festin.
La liqueur en passant par la coupe sacrée
Prenait un goût divin.
Et quand il y portait une lèvre attendrie,
Débordant de son cœur et voilant son regard,
Une larme humectait la paupière flétrie
Du noble et doux vieillard.
Il donna tous ses biens, sentant sa fin prochaine,
Hormis toi, gage aimé de ses amours éteints ;
Mais il n’attendit point que la Mort inhumaine
T’arrachât de ses mains.
Comme pour emporter une dernière ivresse.
Il te vida d’un trait, étouffant ses sanglots,
Puis, de son bras tremblant surmontant la faiblesse»
Te lança dans les flots.
D’un regard déjà trouble il te vit sous les ondes
T’enfoncer lentement pour ne plus remonter :
C’était tout le passé que dans les eaux profondes
Il venait de jeter.
Et son cœur, abîmé dans ses regrets suprêmes,
Subit sans la sentir l’atteinte du trépas.
En sa douleur ses yeux qui s’étaient clos d’eux-mêmes
Ne se rouvrirent pas.
Coupe des souvenirs, qu’une liqueur brûlante
Sous notre lèvre avide emplissait jusqu’au bord,
Qu’en nos derniers banquets d’une main défaillante
Nous soulevons encor,
Vase qui conservais la saveur immortelle
De tout ce qui nous fit rêver, souffrir, aimer.
L’œil qui t’a vu plonger sous la vague éternelle
N’a plus qu’à se fermer.
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)
Invité- Invité
Charles Baudelaire:Le parfum
Le parfum
Lecteur, as-tu quelquefois respiré
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d’encens qui remplit une église,
Ou d’un sachet le musc invétéré ?
Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le présent le passé restauré !
Ainsi l’amant sur un corps adoré
Du souvenir cueille la fleur exquise.
De ses cheveux élastiques et lourds,
Vivant sachet, encensoir de l’alcôve,
Une senteur montait, sauvage et fauve,
Et des habits, mousseline ou velours,
Tout imprégnés de sa jeunesse pure,
Se dégageait un parfum de fourrure.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Lecteur, as-tu quelquefois respiré
Avec ivresse et lente gourmandise
Ce grain d’encens qui remplit une église,
Ou d’un sachet le musc invétéré ?
Charme profond, magique, dont nous grise
Dans le présent le passé restauré !
Ainsi l’amant sur un corps adoré
Du souvenir cueille la fleur exquise.
De ses cheveux élastiques et lourds,
Vivant sachet, encensoir de l’alcôve,
Une senteur montait, sauvage et fauve,
Et des habits, mousseline ou velours,
Tout imprégnés de sa jeunesse pure,
Se dégageait un parfum de fourrure.
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Invité- Invité
Le poison:Charles Baudelaire
Le poison
Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.
L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au delà de sa capacité.
Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers…
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.
Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.
L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au delà de sa capacité.
Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers…
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.
Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Invité- Invité
Charles Baudelaire:Le Vin de l’Assassin
Le Vin de l’Assassin
Ma femme est morte, je suis libre !
Je puis donc boire tout mon soûl.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.
Autant qu’un roi je suis heureux ;
L’air est pur, le ciel admirable…
Nous avions un été semblable
Lorsque j’en devins amoureux !
L’horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s’assouvir
D’autant de vin qu’en peut tenir
Son tombeau ; - ce n’est pas peu dire :
Je l’ai jetée au fond d’un puits,
Et j’ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
- Je l’oublierai si je le puis !
Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,
J’implorai d’elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint ! - folle créature !
Nous sommes tous plus ou moins fous !
Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée ! et moi,
Je l’aimais trop ! voilà pourquoi
Je lui dis : Sors de cette vie !
Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
À faire du vin un linceul ?
Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l’été ni l’hiver,
N’a connu l’amour véritable,
Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d’alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d’ossements !
- Me voilà libre et solitaire !
Je serai ce soir ivre mort ;
Alors, sans peur et sans remord,
Je me coucherai sur la terre,
Et je dormirai comme un chien !
Le chariot aux lourdes roues
Chargé de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien
Écraser ma tête coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m’en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table !
Charles Baudelaire
Ma femme est morte, je suis libre !
Je puis donc boire tout mon soûl.
Lorsque je rentrais sans un sou,
Ses cris me déchiraient la fibre.
Autant qu’un roi je suis heureux ;
L’air est pur, le ciel admirable…
Nous avions un été semblable
Lorsque j’en devins amoureux !
L’horrible soif qui me déchire
Aurait besoin pour s’assouvir
D’autant de vin qu’en peut tenir
Son tombeau ; - ce n’est pas peu dire :
Je l’ai jetée au fond d’un puits,
Et j’ai même poussé sur elle
Tous les pavés de la margelle.
- Je l’oublierai si je le puis !
Au nom des serments de tendresse,
Dont rien ne peut nous délier,
Et pour nous réconcilier
Comme au beau temps de notre ivresse,
J’implorai d’elle un rendez-vous,
Le soir, sur une route obscure.
Elle y vint ! - folle créature !
Nous sommes tous plus ou moins fous !
Elle était encore jolie,
Quoique bien fatiguée ! et moi,
Je l’aimais trop ! voilà pourquoi
Je lui dis : Sors de cette vie !
Nul ne peut me comprendre. Un seul
Parmi ces ivrognes stupides
Songea-t-il dans ses nuits morbides
À faire du vin un linceul ?
Cette crapule invulnérable
Comme les machines de fer
Jamais, ni l’été ni l’hiver,
N’a connu l’amour véritable,
Avec ses noirs enchantements,
Son cortège infernal d’alarmes,
Ses fioles de poison, ses larmes,
Ses bruits de chaîne et d’ossements !
- Me voilà libre et solitaire !
Je serai ce soir ivre mort ;
Alors, sans peur et sans remord,
Je me coucherai sur la terre,
Et je dormirai comme un chien !
Le chariot aux lourdes roues
Chargé de pierres et de boues,
Le wagon enragé peut bien
Écraser ma tête coupable
Ou me couper par le milieu,
Je m’en moque comme de Dieu,
Du Diable ou de la Sainte Table !
Charles Baudelaire
Invité- Invité
Le vin des amants:Charles Baudelaire
Le vin des amants
Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !
Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Aujourd’hui l’espace est splendide !
Sans mors, sans éperons, sans bride,
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féerique et divin !
Comme deux anges que torture
Une implacable calenture,
Dans le bleu cristal du matin
Suivons le mirage lointain !
Mollement balancés sur l’aile
Du tourbillon intelligent,
Dans un délire parallèle,
Ma soeur, côte à côte nageant,
Nous fuirons sans repos ni trêves
Vers le paradis de mes rêves !
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal
Invité- Invité
Marie Krysinska:Valse
Valse
Ah! pourquoi de vos yeux
Tant appeler mes yeux,
Et pourquoi d’une folle étreinte me dire
Que tout est puéril
Hors élan de nos cœurs
Éperdus l’un vers l’autre.
Ces lampes claires et ces girandoles
Dévoileraient mon trouble sans doute,
Si je laissais vos yeux
Tant parler à mes yeux.
Vois l’enchantement de cette nuit complice
Et ces roses
Amoureuses
Aux corsages des Amoureuses.
Respirons les aromes charmants
Qui montent de ces fleurs,
Parées comme des femmes,
Et des ces femmes parées
Comme des fleurs.
Enivrons-nous du doux vin
Cher à Cythérée,
Tandis que les violons
Traînent des notes pâmées
Et que les violoncelles sont
Des voix humaines extasiées.
Ne fuyez pas, chers yeux, tes yeux
Abandonnez-vous vaincus et vainqueurs,
Abandonnez-vous, tes yeux à mes yeux.
Marie Krysinska, Rythmes pittoresques
Ah! pourquoi de vos yeux
Tant appeler mes yeux,
Et pourquoi d’une folle étreinte me dire
Que tout est puéril
Hors élan de nos cœurs
Éperdus l’un vers l’autre.
Ces lampes claires et ces girandoles
Dévoileraient mon trouble sans doute,
Si je laissais vos yeux
Tant parler à mes yeux.
Vois l’enchantement de cette nuit complice
Et ces roses
Amoureuses
Aux corsages des Amoureuses.
Respirons les aromes charmants
Qui montent de ces fleurs,
Parées comme des femmes,
Et des ces femmes parées
Comme des fleurs.
Enivrons-nous du doux vin
Cher à Cythérée,
Tandis que les violons
Traînent des notes pâmées
Et que les violoncelles sont
Des voix humaines extasiées.
Ne fuyez pas, chers yeux, tes yeux
Abandonnez-vous vaincus et vainqueurs,
Abandonnez-vous, tes yeux à mes yeux.
Marie Krysinska, Rythmes pittoresques
Invité- Invité
Vendanges:Paul Verlaine
Vendanges
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète !
Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie,
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose !
Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres,
Paul Verlaine
Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
O musique lointaine et discrète !
Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s’est enfuie,
D’une voix jusqu’alors inouïe
Et qui va se taire tout à l’heure.
Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c’est l’apothéose !
Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
Magnétisez nos pauvres vertèbres,
Paul Verlaine
Invité- Invité
Gaieté:Gérard de Nerval
Gaieté
Petit piqueton de Mareuil,
Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,
Que ta saveur est souveraine !
Les Romains ne t’ont pas compris
Lorsqu’habitant l’ancien Paris
Ils te préféraient le Surène.
Ta liqueur rose, ô joli vin !
Semble faite du sang divin
De quelque nymphe bocagère ;
Tu perles au bord désiré
D’un verre à côtes, coloré
Par les teintes de la fougère.
Tu me guéris pendant l’été
De la soif qu’un vin plus vanté
M’avait laissé depuis la veille ;
Ton goût suret, mais doux aussi,
Happant mon palais épaissi,
Me rafraîchit quand je m’éveille.
Eh quoi ! si gai dès le matin,
Je foule d’un pied incertain
Le sentier où verdit ton pampre !…
- Et je n’ai pas de Richelet
Pour finir ce docte couplet…
Et trouver une rime en ampre.
Gérard de Nerval
Petit piqueton de Mareuil,
Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil,
Que ta saveur est souveraine !
Les Romains ne t’ont pas compris
Lorsqu’habitant l’ancien Paris
Ils te préféraient le Surène.
Ta liqueur rose, ô joli vin !
Semble faite du sang divin
De quelque nymphe bocagère ;
Tu perles au bord désiré
D’un verre à côtes, coloré
Par les teintes de la fougère.
Tu me guéris pendant l’été
De la soif qu’un vin plus vanté
M’avait laissé depuis la veille ;
Ton goût suret, mais doux aussi,
Happant mon palais épaissi,
Me rafraîchit quand je m’éveille.
Eh quoi ! si gai dès le matin,
Je foule d’un pied incertain
Le sentier où verdit ton pampre !…
- Et je n’ai pas de Richelet
Pour finir ce docte couplet…
Et trouver une rime en ampre.
Gérard de Nerval
Invité- Invité
Louise Ackermann:Hébé
Hébé
Les yeux baissés, rougissante et candide,
Vers leur banquet quand Hébé s’avançait,
Les Dieux charmés tendaient leur coupe vide,
Et de nectar l’enfant la remplissait.
Nous tous aussi, quand passe la Jeunesse,
Nous lui tendons notre coupe à l’envi.
Quel est le vin qu’y verse la déesse ?
Nous l’ignorons; il enivre et ravit.
Ayant souri dans sa grâce immortelle,
Hébé s’éloigne ; on la rappelle en vain.
Longtemps encor sur la route éternelle,
Notre œil en pleurs suit l’échanson divin
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)
Les yeux baissés, rougissante et candide,
Vers leur banquet quand Hébé s’avançait,
Les Dieux charmés tendaient leur coupe vide,
Et de nectar l’enfant la remplissait.
Nous tous aussi, quand passe la Jeunesse,
Nous lui tendons notre coupe à l’envi.
Quel est le vin qu’y verse la déesse ?
Nous l’ignorons; il enivre et ravit.
Ayant souri dans sa grâce immortelle,
Hébé s’éloigne ; on la rappelle en vain.
Longtemps encor sur la route éternelle,
Notre œil en pleurs suit l’échanson divin
Louise Ackermann, Contes et poésies (1863)
Invité- Invité
Charles Baudelaire:L’âme du vin
L’âme du vin
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur !”
Charles Baudelaire
Un soir, l’âme du vin chantait dans les bouteilles :
“Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j’éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;
J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur !”
Charles Baudelaire
Invité- Invité
Théodore de Banville:Le Pressoir
Le Pressoir
À Auguste Vitu
Sans doute elles vivaient, ces grappes mutilées
Qu’une aveugle machine a sans pitié foulées !
Ne souffraient-elles pas lorsque le dur pressoir
A déchiré leur chair du matin jusqu’au soir,
Et lorsque de leur sein, meurtri de flétrissures,
Leur pauvre âme a coulé par ces mille blessures ?
Les ceps luxuriants et le raisin vermeil
Des coteaux, ces beaux fruits que baisait le soleil,
Sur le sol à présent gisent, cadavre infâme
D’où se sont retirés le sourire et la flamme !
Sainte vigne, qu’importe ! à la clarté des cieux
Nous nous enivrerons de ton sang précieux !
Que le cœur du poète et la grappe qu’on souille
Ne soient plus qu’une triste et honteuse dépouille,
Qu’importe, si pour tous, au bruit d’un chant divin,
Ruisselle éblouissant le flot sacré du vin !
Théodore de Banville, Les Cariatides (1842)
À Auguste Vitu
Sans doute elles vivaient, ces grappes mutilées
Qu’une aveugle machine a sans pitié foulées !
Ne souffraient-elles pas lorsque le dur pressoir
A déchiré leur chair du matin jusqu’au soir,
Et lorsque de leur sein, meurtri de flétrissures,
Leur pauvre âme a coulé par ces mille blessures ?
Les ceps luxuriants et le raisin vermeil
Des coteaux, ces beaux fruits que baisait le soleil,
Sur le sol à présent gisent, cadavre infâme
D’où se sont retirés le sourire et la flamme !
Sainte vigne, qu’importe ! à la clarté des cieux
Nous nous enivrerons de ton sang précieux !
Que le cœur du poète et la grappe qu’on souille
Ne soient plus qu’une triste et honteuse dépouille,
Qu’importe, si pour tous, au bruit d’un chant divin,
Ruisselle éblouissant le flot sacré du vin !
Théodore de Banville, Les Cariatides (1842)
Invité- Invité
AGJECTIVISME ADVERBIAL; BAUDELAIE
AGJECTIVISME
ADVERBIAL
Auprès du fier Pourquoi le noir Comment se dresse.
Le Jamais les poursuit; mais Éternellement,
Dans le mystère d'une féconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment...
Le Peut-Etre s'impose
aux timorés du rêve ;
Et, dans le tourbillon des mortelles amours,
Le Pas-Possible, froid et tranchant comme un glaive,
Fauche les coeurs humains assoiffés du Toujours
Poussé par
un orgueil sinistrement aptère,
L'ingénieur cadastral ensevelit feu Dieu !
Ses pensers, sous la pesanteur du Terre-à-Terre,
Pour choir au fond du Rien suivent l'A-Queue-Leu-Leu.
Depuis le jour maudit,
féroce et sacrilège,
Où Caïniquement le Près tua le Loin,
On a bouclé l'Azur avec un vieux "Que Sais-Je ?"
Et, dans le Corps désert, l'Ame n'a plus un coin.
Le Moins vient t'enchaîner,
et le Peu te gouverne ;
Dans l'Insuffisamment vont s'enliser tes pas :
A-Peine, avec un sec ricanement, te berne,
Et l'En-Vain de ton vol te plonge en l'Ici-Bas
Tu ne veux plus du
Trop, dont l'Assez te domine...
Tais-toi, brute, digère en fermant les deux yeux !
Ne creuse point l'Ailleurs dans la céleste mine,
Et, par crainte du Pire, éloigne-toi du Mieux !
Tel apparaît
l'essor de l'Homme fils du vin,
Mêlant le Nonobstant avec le Toutefois,
Supputant les soleils, comme on marque du lin,
Et vers le fier Là-Haut crachant d'insanes lois.
O parasites verts
! bariolés faussaires !
Ces Adjectifs, ces Adverbes exorbitants
Envoûtent de leurs étendards de janissaires
Les Substantifs, vizirs, et les Verbes, sultans.
Quel chef réprimera
ces hordes en tumulte,
Ces eunuques émasculant la volonté
Du Substantif à qui seul appartient le culte,
Et du Verbe en qui seul fleurit la Vérité ?
O jour ! Quand la
Substance, étalant sa Superbe,
Domptera le troupeau des colorations !
O force !! Quand le Verbe égorgera l'Adverbe
Devant l'effarement des Interjections !!!
Mais d'ici
là, Pourquoi près de Comment se dresse ;
Et Jamais les poursuit ; mais Eternellement,
Dans le mystère d'une inféconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment.
ADVERBIAL
Auprès du fier Pourquoi le noir Comment se dresse.
Le Jamais les poursuit; mais Éternellement,
Dans le mystère d'une féconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment...
Le Peut-Etre s'impose
aux timorés du rêve ;
Et, dans le tourbillon des mortelles amours,
Le Pas-Possible, froid et tranchant comme un glaive,
Fauche les coeurs humains assoiffés du Toujours
Poussé par
un orgueil sinistrement aptère,
L'ingénieur cadastral ensevelit feu Dieu !
Ses pensers, sous la pesanteur du Terre-à-Terre,
Pour choir au fond du Rien suivent l'A-Queue-Leu-Leu.
Depuis le jour maudit,
féroce et sacrilège,
Où Caïniquement le Près tua le Loin,
On a bouclé l'Azur avec un vieux "Que Sais-Je ?"
Et, dans le Corps désert, l'Ame n'a plus un coin.
Le Moins vient t'enchaîner,
et le Peu te gouverne ;
Dans l'Insuffisamment vont s'enliser tes pas :
A-Peine, avec un sec ricanement, te berne,
Et l'En-Vain de ton vol te plonge en l'Ici-Bas
Tu ne veux plus du
Trop, dont l'Assez te domine...
Tais-toi, brute, digère en fermant les deux yeux !
Ne creuse point l'Ailleurs dans la céleste mine,
Et, par crainte du Pire, éloigne-toi du Mieux !
Tel apparaît
l'essor de l'Homme fils du vin,
Mêlant le Nonobstant avec le Toutefois,
Supputant les soleils, comme on marque du lin,
Et vers le fier Là-Haut crachant d'insanes lois.
O parasites verts
! bariolés faussaires !
Ces Adjectifs, ces Adverbes exorbitants
Envoûtent de leurs étendards de janissaires
Les Substantifs, vizirs, et les Verbes, sultans.
Quel chef réprimera
ces hordes en tumulte,
Ces eunuques émasculant la volonté
Du Substantif à qui seul appartient le culte,
Et du Verbe en qui seul fleurit la Vérité ?
O jour ! Quand la
Substance, étalant sa Superbe,
Domptera le troupeau des colorations !
O force !! Quand le Verbe égorgera l'Adverbe
Devant l'effarement des Interjections !!!
Mais d'ici
là, Pourquoi près de Comment se dresse ;
Et Jamais les poursuit ; mais Eternellement,
Dans le mystère d'une inféconde caresse,
Jette sur le Pourquoi le baiser du Comment.
Invité- Invité
A LA CHANSON/BAUDELAIRE
A LA CHANSON
de Théodore Faullin de BANVILLE (1823-1891)
O
toi, délire et fantaisie,
Fille de la rime, Chanson
Qui, du vin de la poésie,
Es la bacchante et l'échanson!
Chanson,
qui sur les fronts sévères
Poses en riant ton orteil,
Déesse, qui remplis nos verres
De pourpre vive et de soleil;
Tu sais bercer
notre souffrance,
Le plaisir est ton nourrisson,
Et la vraie âme de la France,
Oh! parle encor, c'est toi, Chanson!
Jadis, lorsque
Jacques Bonhomme,
Servant de cible et de jouet,
Ainsi qu'une bête de somme
Tressaillait, sanglant, sous le fouet,
Tu le vengeais
par ton génie!
Et les tyrans saignent encor
Sous les flèches de l'ironie,
Qui s'envolaient de ton arc d'or!
Cherchant déjà le grand problème,
Villon, qui fut presque pendu,
Montrait aux bourreaux son front blême
Taché de ton vin répandu;
Et depuis
lors, pas un poëte
Aux calmes regards d'oiseleur
Qui n'ait baisé ta lèvre en fête,
Écarlate comme une fleur!
Ces dévots
de l'aube éternelle,
Tous ces songeurs, tous ces amants
Se sont brûlés à ta prunelle
Où brillent mille diamants;
Et te mêlant
à son délire,
Parfois même, quand tu le veux,
Hugo, le titan de la Lyre,
Passe la main dans tes cheveux.
de Théodore Faullin de BANVILLE (1823-1891)
O
toi, délire et fantaisie,
Fille de la rime, Chanson
Qui, du vin de la poésie,
Es la bacchante et l'échanson!
Chanson,
qui sur les fronts sévères
Poses en riant ton orteil,
Déesse, qui remplis nos verres
De pourpre vive et de soleil;
Tu sais bercer
notre souffrance,
Le plaisir est ton nourrisson,
Et la vraie âme de la France,
Oh! parle encor, c'est toi, Chanson!
Jadis, lorsque
Jacques Bonhomme,
Servant de cible et de jouet,
Ainsi qu'une bête de somme
Tressaillait, sanglant, sous le fouet,
Tu le vengeais
par ton génie!
Et les tyrans saignent encor
Sous les flèches de l'ironie,
Qui s'envolaient de ton arc d'or!
Cherchant déjà le grand problème,
Villon, qui fut presque pendu,
Montrait aux bourreaux son front blême
Taché de ton vin répandu;
Et depuis
lors, pas un poëte
Aux calmes regards d'oiseleur
Qui n'ait baisé ta lèvre en fête,
Écarlate comme une fleur!
Ces dévots
de l'aube éternelle,
Tous ces songeurs, tous ces amants
Se sont brûlés à ta prunelle
Où brillent mille diamants;
Et te mêlant
à son délire,
Parfois même, quand tu le veux,
Hugo, le titan de la Lyre,
Passe la main dans tes cheveux.
Béranger,
dédaignant la mode,
Du flonflon vulgaire évadé,
Donne le grand frisson de l'Ode
A la musette de Vadé;
Et par lui,
fuyant le servage,
Le refrain joyeux de Piron
Bondit, comme un cheval sauvage
Fouetté par le vent du clairon!
Enfin, pour
les Margots sublimes
Délaissant les pâles églés,
Pierre Dupont chante en ses rimes
Les grands boeufs au joug accouplés,
Et, dans
sa simple et rude phrase,
Célèbre le matin vermeil
Et la nature qui s'embrase
Avec les couchers de soleil.
Chanson,
qui bondis sur Pégase,
Le cheval sans mors et sans frein,
Combien de rimeurs en extase
Se sont grisés de ton refrain!
Mais, en
ce temps, où la Musique
A dénoué tes bras d'acier
Avec son ivresse physique,
Ton plus cher amant fut Darcier!
Comme dans
les bois un satyre
Prend une nymphe au cou nerveux
En riant de son doux martyre,
Et l'empoigne par les cheveux;
Comme il
la tient d'une main ferme,
En appuyant un dur genou
Sur sa jambe nue, et lui ferme
La bouche, avec un baiser fou;
O déesse,
toujours éprise
De la large coupe où tu bois,
Chanson! c'est ainsi qu'il t'a prise
Dans le doux silence des bois.
dédaignant la mode,
Du flonflon vulgaire évadé,
Donne le grand frisson de l'Ode
A la musette de Vadé;
Et par lui,
fuyant le servage,
Le refrain joyeux de Piron
Bondit, comme un cheval sauvage
Fouetté par le vent du clairon!
Enfin, pour
les Margots sublimes
Délaissant les pâles églés,
Pierre Dupont chante en ses rimes
Les grands boeufs au joug accouplés,
Et, dans
sa simple et rude phrase,
Célèbre le matin vermeil
Et la nature qui s'embrase
Avec les couchers de soleil.
Chanson,
qui bondis sur Pégase,
Le cheval sans mors et sans frein,
Combien de rimeurs en extase
Se sont grisés de ton refrain!
Mais, en
ce temps, où la Musique
A dénoué tes bras d'acier
Avec son ivresse physique,
Ton plus cher amant fut Darcier!
Comme dans
les bois un satyre
Prend une nymphe au cou nerveux
En riant de son doux martyre,
Et l'empoigne par les cheveux;
Comme il
la tient d'une main ferme,
En appuyant un dur genou
Sur sa jambe nue, et lui ferme
La bouche, avec un baiser fou;
O déesse,
toujours éprise
De la large coupe où tu bois,
Chanson! c'est ainsi qu'il t'a prise
Dans le doux silence des bois.
Et depuis
cette aube première,
Affrontant les sots châtiés,
Ivres de joie et de lumière,
Voix fraternelles, vous chantiez!
Tu disais
à ce bon rhapsode:
Quittons le monde, viens-nous-en;
Et, fuyant le joug incommode,
Darcier fut peuple et paysan!
Car son chant
d'amour et de joie,
En quête d'un eldorado,
Se penche vers quiconque ploie
Sous un trop injuste fardeau;
Et parfois
dans son ode étrange,
Mais qui rêve à des cieux meilleurs,
La douce Pitié, comme un ange,
Laisse entrevoir ses yeux en pleurs.
Combattant
pour la cause juste,
Darcier chanta pendant trente ans,
Ferme comme un chêne, et robuste,
Et jeune comme le printemps.
Mais enfin,
avec sa brûlure,
Vient l'âpre, le cruel Hiver!
Il neige sur la chevelure
De ce gai chanteur à l'oeil clair.
O Paris!
sourire et poëme,
Ville de l'éblouissement,
Accorde, à cette heure suprême,
Un dernier applaudissement
A l'humble
rhapsode, à ce maître
Qui te donna, jadis vainqueur,
Toute la flamme de son être,
Avec tout le sang de son coeur!
cette aube première,
Affrontant les sots châtiés,
Ivres de joie et de lumière,
Voix fraternelles, vous chantiez!
Tu disais
à ce bon rhapsode:
Quittons le monde, viens-nous-en;
Et, fuyant le joug incommode,
Darcier fut peuple et paysan!
Car son chant
d'amour et de joie,
En quête d'un eldorado,
Se penche vers quiconque ploie
Sous un trop injuste fardeau;
Et parfois
dans son ode étrange,
Mais qui rêve à des cieux meilleurs,
La douce Pitié, comme un ange,
Laisse entrevoir ses yeux en pleurs.
Combattant
pour la cause juste,
Darcier chanta pendant trente ans,
Ferme comme un chêne, et robuste,
Et jeune comme le printemps.
Mais enfin,
avec sa brûlure,
Vient l'âpre, le cruel Hiver!
Il neige sur la chevelure
De ce gai chanteur à l'oeil clair.
O Paris!
sourire et poëme,
Ville de l'éblouissement,
Accorde, à cette heure suprême,
Un dernier applaudissement
A l'humble
rhapsode, à ce maître
Qui te donna, jadis vainqueur,
Toute la flamme de son être,
Avec tout le sang de son coeur!
Invité- Invité
CHANSON SUR LE VIN
A BOIRE, A BOIRE, A BOIRE !
Refrain:
A boire, à boire, à boire,
Nous quitt’rons nous sans boire,
Nous quitt’rons nous sans boire un coup,
Nous quitt’rons nous sans boi-a-a-re ?
Bacchus
assis sur un poinçon
Bacchus assis sur un poin çon
Faisait réciter la le çon
Faisait réciter la le çon
Aux en fants de la bou teille,
Qui tenaient pour livre un gros fla con
Et chan taient tous à mer veille
En disant « Bon, bon, que le vin est bon ! »
Le premier boira tout d’un coup
La grosse chope de chez nous
Le premier boira tout d’un coup
La grosse chope de chez nous
La boira sans perdre haleine
Qu’elle soit de bière ou de vin d’Anjou
En se tenant la bedaine
Puis dira dix fois : « Je ne suis pas soûl !
Refrain:
A boire, à boire, à boire,
Nous quitt’rons nous sans boire,
Nous quitt’rons nous sans boire un coup,
Nous quitt’rons nous sans boi-a-a-re ?
Bacchus
assis sur un poinçon
Bacchus assis sur un poin çon
Faisait réciter la le çon
Faisait réciter la le çon
Aux en fants de la bou teille,
Qui tenaient pour livre un gros fla con
Et chan taient tous à mer veille
En disant « Bon, bon, que le vin est bon ! »
Le premier boira tout d’un coup
La grosse chope de chez nous
Le premier boira tout d’un coup
La grosse chope de chez nous
La boira sans perdre haleine
Qu’elle soit de bière ou de vin d’Anjou
En se tenant la bedaine
Puis dira dix fois : « Je ne suis pas soûl !
Invité- Invité
CHANSON SUR LE VIN
A BOIRE . . . CHAMPAGNE
du très célèbre Paulus, que l'on
doit le succès de la chanson à boire Champagne, de F. Chandon,
paroles de Delormel et Carnier, qu'il a créée à l'Alcazar
d'Eté à la fin des années 1880. Champagne joignait
à la fantaisie la note patriotique et chauvine qui était
de mise après la défaite de 1870, avec la particularité
d'avoir de ce fait deux refrains. Les voici, accompagnés du premier
et du dernier couplet :
I
S'il
en est qui tendent leur verre
Aux gins de Beaune ou de Tonnerre,
Moi, j'aime les brillants rubis
De la Champagne où je naquis.
Lorsque je bois ces perles blondes
Ainsi que dans un carnaval,
Je vois à travers le cristal
Passer les femmes des deux mondes.
Refrain :
0 vin joyeux, glou, glou, glou, glou,
Nectar mousseux, glou, glou, glou, glou,
Ligueur de flamme, Vin de la femme,
Jus champenois, glou, glou, glou, glou,
Quand je le bois, glou, glou, glou, glou,
Vin sans pareil,
le crois avaler le soleil
IV
Fi des vins brûlés de l'Espagne
Et des bières de l'Allemagne,
Leurs vins vous grisent lourdement,
Leurs bières nous glacent le sang.
Le vin qui chez nous prend naissance
Rend le cœur aimant et joyeux,
C'est pourquoi le plus généreux
De tous les peuples c'est la France.
Refrain
Et je me dis, glou, glou, glou, glou,
Dans ton pays, glou, glou, glou, glou,
0 Germanie, Sombre patrie,
Bien qu'ils soient grands, glou, glou, glou,
Tes régiments, glou, glou, glou, glou,
Ce vin français,
Non, non, tu ne l'auras jamais.
du très célèbre Paulus, que l'on
doit le succès de la chanson à boire Champagne, de F. Chandon,
paroles de Delormel et Carnier, qu'il a créée à l'Alcazar
d'Eté à la fin des années 1880. Champagne joignait
à la fantaisie la note patriotique et chauvine qui était
de mise après la défaite de 1870, avec la particularité
d'avoir de ce fait deux refrains. Les voici, accompagnés du premier
et du dernier couplet :
I
S'il
en est qui tendent leur verre
Aux gins de Beaune ou de Tonnerre,
Moi, j'aime les brillants rubis
De la Champagne où je naquis.
Lorsque je bois ces perles blondes
Ainsi que dans un carnaval,
Je vois à travers le cristal
Passer les femmes des deux mondes.
Refrain :
0 vin joyeux, glou, glou, glou, glou,
Nectar mousseux, glou, glou, glou, glou,
Ligueur de flamme, Vin de la femme,
Jus champenois, glou, glou, glou, glou,
Quand je le bois, glou, glou, glou, glou,
Vin sans pareil,
le crois avaler le soleil
IV
Fi des vins brûlés de l'Espagne
Et des bières de l'Allemagne,
Leurs vins vous grisent lourdement,
Leurs bières nous glacent le sang.
Le vin qui chez nous prend naissance
Rend le cœur aimant et joyeux,
C'est pourquoi le plus généreux
De tous les peuples c'est la France.
Refrain
Et je me dis, glou, glou, glou, glou,
Dans ton pays, glou, glou, glou, glou,
0 Germanie, Sombre patrie,
Bien qu'ils soient grands, glou, glou, glou,
Tes régiments, glou, glou, glou, glou,
Ce vin français,
Non, non, tu ne l'auras jamais.
Invité- Invité
LA BOUTEILLE
La bouteille.
Que mon
Flacon
Me semble bon.
Sans lui
L´ennui
Me suit,
Me suit ;
Je sens
Mes sens
Mourants,
Pesants.
Quand je le tiens
Dieu ! que je suis bien !
Que son aspect est agréable !
Que je fais cas de ses divins présents !
C´est de son sein fécond, c´est de ses heureux flancs
Que coule ce nectar si doux, si délectable,
Qui rend tous les esprits, tous les coeurs satisfaits.
Cher objet de mes voeux, tu fais toute ma gloire :
Tant que mon coeur vivra, de tes charmants bienfaits
Il saura conserver la fidèle mémoire.
Ma muse à te louer se consacre à jamais.
Tantôt dans un caveau, tantôt sous une treille,
Ma lyre, de ma voix accompagnant le son,
Répétera cent fois cette aimable chanson :
Règne sans fin, ma charmante bouteille,
Règne sans cesse, ô mon joli flacon !
Un poème de Charles-François Panard
Invité- Invité
Quatrains d´Omar Khayyam
Quatrains d´Omar Khayyam |
Nos corps d´ivrognes ni le vin ni l´escabeau, N´avons souci d´espoir ni crainte de fléau ; Nos âmes et nos coeurs se rient, tachés de lie, De la terre et du feu, mais plus encore que de l´eau. Debout ! verse du vin ; pas de creuses paroles ! Ta bouche, ô nuit, sera mon jour car tu m´affoles. Tasse qu´il façonna pour y verser du vin, Le buveur ne veut pas que l´on te jette au chemin : Ornements que ses doigts par amour assemblèrent, En haine de qui donc vous briser de sa main ? Au printemps si quelqu´être au corps célestiel |
Invité- Invité
Balade dans le vignoble français
Balade dans le vignoble français |
Le nez du vin Philtre d´amour Vous me dites, Madame : ´Ah que ce vin sent bon !´? Venez donc avec moi, profitez d´un bon nez ! Des arômes du vin, retenez bien le nom En découvrant les lieux où je vais vous mener Commençons en Alsace; de Bergheim à Rouffach Là, entre Vosges et Rhin poussent des raisins nobles Exhalant en été, lorsque le soleil claque Des senteurs d´eau-de-vie propres à ces doux vignobles Humez bien ce pinot et son odeur de pomme Sentez tout aussitôt cette fleur d´oranger Ne distinguez vous point dans ce Riesling la somme De parfums de citron et de fleurs du verger ? Avalez les effluves du Tokay Pinot Gris Ce sont des goûts de noix, de crème et de beurre frais Du Gewurtztraminer extrayez le litchi Respirez le pétale de rose s´il vous plaît. Avançons maintenant en pays bourguignon Et découvrons Madame cette côte de Beaune Dont la terre permet la délicate union De vins rouges et blancs, pas très loin de la Saône. Inclinez vous devant Chassagne-Montrachet Vin blanc unique au monde aux senteurs d´ananas Et aussi de melon; Du pommard approchez L´odeur du minéral, la moiteur des sous-bois Quittons Beaune et sa côte, à la côte de Nuits Rendons nous sans tarder, les grands vins sont légions Et comme celles-ci s´annoncent à grands bruits Au monde qui connaît tout entier la Région Traquez le Nuits Saint Georges, respirez par le nez Ses arômes de truffe et de terre mouillée ; Sentez chez son voisin, la Vosne Romanée Les fleurs et puis la mûre et le bois vanillé Juste à la pointe d´herbes et noisette grillée Quand Gevrey-Chambertin en concert réuni Fruits noirs et chocolat, cassis et pain grillé. Ne nous attardons pas et vers Bordeaux partons Tant de vins nous attendent, tant de crus nous appellent Qu´on a bien de la peine à retenir leurs noms A cerner les châteaux, à hanter les chapelles Goûtez au Pomerol, ce faubourg du Vieux port De Libourne endormi, ces grands vins de Légende Aux senteurs d´herbe fraîche, de truffe et de thé fort Puis à Saint-Emilion comme au temps des Jurandes Jouissez sans retenue des parfums de l´olive De l´arôme de menthe et d´herbes de Provence Avant que nous allions la-bas sur l´autre rive Du pays de Sauternes où tout n´est qu´élégance Remerciez Botrytis, sa pourriture noble Produit un nez de miel et de noix de coco Ce nectar vous enivre autant qu´un paso doble. Aux rives d´à côté d´où l´on voit les coteaux, Ce sont les vins de Graves mais ils ne le sont pas Ils jouent entre Garonne et la forêt landaise Ont un parfum d´agrumes, de figue et de tabac Ils se disent légers, mais ce sont des fadaises Madame, Echappons nous, filons vers le Médoc En partant de Margaux jusque à Saint Estèphe Sur les rives pierreuses, pareilles à des rocs Portez votre regard que n´obstrue nul relief Respirez longuement la fragrance du cèdre L´odeur de la violette et celle du feuillage Pareil à lui je tremble à l´idée de vous perdre Et j´ai peur de ne pas terminer ce voyage Ah ! Quels regrets j´aurai à devoir vous quitter Alors qu´en d´autres lieux du beau pays de France Je vais avoir plaisir à vous accompagner On y trouve Madame autant de différences Que de ravissements à voir votre beauté. Je vais vous amener à Bourgueil, à Chinon A Sancerre, à Pouilly qui sont tout à côté Dans les vins de Champagne en chantant votre nom Je ferai mille voeux, vous ouvrirai la Voie De la côte du Rhône comme de l´Hermitage Je poursuivrai la route jusqu´en Minervois A Corbières, à Fitou pas très loin de la plage Après une escapade aux rives de l´Adour Nous irons à Buzet puis à Montbazillac Vous approchant de moi, vous sentirez l´amour Que je veux vous donner chez moi à Bergerac Si seulement Madame en offrant mes hommages Je pouvais espérer de vous quelques faveurs Mais ce nez qui vous sert est mon désavantage Sauf à vous respirer comme un bouquet de fleurs Et pourtant, enivrée par toutes ces senteurs Peut-être voudrez-vous me dévoiler vos charmes Oubliant un moment ce qui fait ma laideur Ah Madame ! Que vois-je ? Mais oui ce sont des larmes ! Gérard Dauce Après des études secondaires chaotiques, Gérard Dauce réussit néanmoins aux épreuves du bac, s´égare quelques temps dans la fonction d´éducateur spécialisé avant de s´immoler sur l´autel du notariat et de bifurquer ensuite vers la profession d´agent immobilier, ce qu´il est toujours. Mais comment peut-on être à la fois expert immobilier et poète ? Il vaudrait mieux lui demander |
Invité- Invité
Le jour du vin et des roses
Le jour du vin et des roses
à mon ami Jean-Pascal Dubost
***
Le jour du vin et des roses
à mon ami Jean-Pascal Dubost
Les pas cherchent sur les pavés descellés
Hument la bonne terre à descendre
Au pied du lot : autrefois sacré, aujourd’hui en cage
L’un comme l’autre mis en bouteille, pour notre courage :
S’il est suspect de rester debout et d’écrire
Au coin d’une rue, au lieu de boire,
Alors je suis coupable et revendique
Cette vigne, descente des villes et tous ceux qui la peuplent
Le chien perdu, et la descendance d’Abraham
Le terroir des étoiles
***
à mon ami Jean-Pascal Dubost
***
Le jour du vin et des roses
à mon ami Jean-Pascal Dubost
Les pas cherchent sur les pavés descellés
Hument la bonne terre à descendre
Au pied du lot : autrefois sacré, aujourd’hui en cage
L’un comme l’autre mis en bouteille, pour notre courage :
S’il est suspect de rester debout et d’écrire
Au coin d’une rue, au lieu de boire,
Alors je suis coupable et revendique
Cette vigne, descente des villes et tous ceux qui la peuplent
Le chien perdu, et la descendance d’Abraham
Le terroir des étoiles
***
Invité- Invité
Henri De Régnier
L'HOMME ET LES DIEUX
La terre est chaude encor de son passé divin.
Les dieux vivent dans l'homme, ainsi que dans le vin
L'ivresse couve, attend, palpite, songe et bout
Avant de se dresser dans le buveur debout
Qui sent monter en lui, de sa gorge à son front,
Et d'un seul trait, sa flamme brusque et son feu prompt.
Les dieux vivent en l'homme et sa chair est leur cendre.
Leur silence prodigieux se fait entendre
A qui sait écouter leurs bouches dans le vent.
Tant que l'homme vivra, les dieux seront vivants;
C'est pourquoi va, regarde, écoute, épie et sache
Voir la torche éclatante au poing que l'ombre cache.
Contemple, qu'elle fuie ou qu'elle dorme, l'eau,
Qu'elle soit source ou fleuve et fontaine on ruisseau,
Jusqu'à ce que s'étire ou se réveille en elle
La Naïade natale et la Nymphe éternelle.
Observe si longtemps le pin, l'orme ou le rouvre
Que le tronc se sépare et que l'écorce s'ouvre
Sur la Dryade nue et qui rît d'en sortir!
L'univers obéit à ton vaste désir.
Si ton âme est farouche et pleine de rumeurs
Hautaines, tu verras dans le soleil qui meurt,
Parmi son sang qui coule et sa pourpre qui brûle,
Le bûcher toujours rouge où monte encor Hercule,
Lorsque tressaille en nous, en un songe enflammé,
La justice pour qui son bras fort fut armé.
C'est ainsi que dans tout, le feu, l'eau, l'arbre, l'air,
Le vent qui vient du mont ou qui va vers la mer,
Tu trouveras l'écho de ce qui fut divin,
Car l'argile à jamais garde le goût du vin;
Et tu pourras, à ton oreille, entendre encore
La Sirène chanter et hennir le Centaure,
Et, quand tu marcheras, ivre du vieux mystère
Dont s'est paré jadis le passé de la terre,
Regarde devant toi ce qui reste de lui
Dans la clarté de l'aube et l'ombre de la nuit,
Et sache que tu peux, au gré de ton délire,
Faire du bouc barbu renaître le Satyre,
Que ce cheval, là-bas, qui peine sous le joug
Au dur sillon, si tu le veux, peut tout à coup,
Frappant d'un sabot d'or la motte qu'il écrase,
Aérien, ailé, vivant, être Pégase:
Car tu es homme et l'homme a gardé dans ses yeux
Le pouvoir éternel de refaire des dieux.
La terre est chaude encor de son passé divin.
Les dieux vivent dans l'homme, ainsi que dans le vin
L'ivresse couve, attend, palpite, songe et bout
Avant de se dresser dans le buveur debout
Qui sent monter en lui, de sa gorge à son front,
Et d'un seul trait, sa flamme brusque et son feu prompt.
Les dieux vivent en l'homme et sa chair est leur cendre.
Leur silence prodigieux se fait entendre
A qui sait écouter leurs bouches dans le vent.
Tant que l'homme vivra, les dieux seront vivants;
C'est pourquoi va, regarde, écoute, épie et sache
Voir la torche éclatante au poing que l'ombre cache.
Contemple, qu'elle fuie ou qu'elle dorme, l'eau,
Qu'elle soit source ou fleuve et fontaine on ruisseau,
Jusqu'à ce que s'étire ou se réveille en elle
La Naïade natale et la Nymphe éternelle.
Observe si longtemps le pin, l'orme ou le rouvre
Que le tronc se sépare et que l'écorce s'ouvre
Sur la Dryade nue et qui rît d'en sortir!
L'univers obéit à ton vaste désir.
Si ton âme est farouche et pleine de rumeurs
Hautaines, tu verras dans le soleil qui meurt,
Parmi son sang qui coule et sa pourpre qui brûle,
Le bûcher toujours rouge où monte encor Hercule,
Lorsque tressaille en nous, en un songe enflammé,
La justice pour qui son bras fort fut armé.
C'est ainsi que dans tout, le feu, l'eau, l'arbre, l'air,
Le vent qui vient du mont ou qui va vers la mer,
Tu trouveras l'écho de ce qui fut divin,
Car l'argile à jamais garde le goût du vin;
Et tu pourras, à ton oreille, entendre encore
La Sirène chanter et hennir le Centaure,
Et, quand tu marcheras, ivre du vieux mystère
Dont s'est paré jadis le passé de la terre,
Regarde devant toi ce qui reste de lui
Dans la clarté de l'aube et l'ombre de la nuit,
Et sache que tu peux, au gré de ton délire,
Faire du bouc barbu renaître le Satyre,
Que ce cheval, là-bas, qui peine sous le joug
Au dur sillon, si tu le veux, peut tout à coup,
Frappant d'un sabot d'or la motte qu'il écrase,
Aérien, ailé, vivant, être Pégase:
Car tu es homme et l'homme a gardé dans ses yeux
Le pouvoir éternel de refaire des dieux.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum