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Poèmes objets

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Poèmes objets Empty Poèmes objets

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:10

A son livre


Mon livre (et je ne suis sur ton aise envieux),
Tu t’en iras sans moi voir la Cour de mon Prince.
Hé, chétif que je suis, combien en gré je prinsse
Qu’un heur pareil au tien fût permis à mes yeux ?
Là si quelqu’un vers toi se montre gracieux,
Souhaite-lui qu’il vive heureux en sa province :
Mais si quelque malin obliquement te pince,
Souhaite-lui tes pleurs et mon mal ennuyeux.
Souhaite-lui encor qu’il fasse un long voyage,
Et bien qu’il ait de vue éloigné son ménage,
Que son coeur, où qu’il voise, y soit toujours présent :
Souhaite qu’il vieillisse en longue servitude,
Qu’il n’éprouve à la fin que toute ingratitude,
Et qu’on mange son bien pendant qu’il est absent.
Joachim Du Bellay


Poème classé dans Joachim Du Bellay, Objets.
marie la rebelle
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Poèmes objets Empty Aux livres de chevet…

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:11





Aux livres de chevet, livres de l’art serein,
Obermann et Genlis, Ver-vert et le Lutrin,
Blasé de nouveauté grisâtre et saugrenue,
J’espère, la vieillesse étant enfin venue,
Ajouter le Traité du Docteur Venetti.
Je saurai, revenu du public abêti,
Goûter le charme ancien des dessins nécessaires.
Écrivain et graveur ont doré les misères
Sexuelles : et c’est, n’est-ce pas, cordial :
Dr Venetti, Traité de l’Amour conjugal.
F. Coppée.
A.R
Arthur Rimbaud, Album Zutique
marie la rebelle
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Poèmes objets Empty L’horloge

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:11




Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : ” Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! ”
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal


Poème classé dans Charles Baudelaire, Le temps qui passe, Objets.
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Poèmes objets Empty La couronne

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:12




Et je voudrais aussi ma couronne d’épines
Et pour chaque pensée, une, rouge, à travers
Le front, jusqu’au cerveau, jusqu’aux frêles racines
où se tordent les maux et les rêves forgés
En moi, par moi. Je la voudrais comme une rage,
Comme un buisson d’ébène en feu, comme des crins
D’éclairs et de flammes, peignés de vent sauvage;
Et ce seraient mes vains et mystiques désirs,
Ma science d’ennui, mes tendresses battues
De flagellants remords, mes chatoyants vouloirs
De meurtre et de folie et mes haines têtues
Qu’avec ses dards et ses griffes, elle mordrait.
Et, plus intimement encor, mes anciens râles
Vers des ventres, muflés de lourdes toisons d’or,
Et mes vices de doigts et de lèvres claustrales
Et mes derniers tressauts de nerfs et de sanglots
Et, plus au fond, le rut même de ma torture,
Et tout enfin ! Ô couronne de ma douleur
Et de ma joie, ô couronne de dictature
Debout sur mes deux yeux, ma bouche et mon cerveau
O la couronne en rêve à mon front somnambule,
Hallucine-moi donc de ton absurdité ;
Et sacre-moi ton roi souffrant et ridicule.
Emile Verhaeren, Les débâcles
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Poèmes objets Empty Le balai

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:12

C’est un humble balai de chiendent, trop dur
Pour une chambre ou pour la peinture d’un mur.
L’usage en est navrant et ne vaut pas qu’on rie.
Racine prise à quelque ancienne prairie
Son crin inerte sèche : et son manche a blanchi.
Tel un bois d’île à la canicule rougi.
La cordelette semble une tresse gelée.
J’aime de cet objet la saveur désolée
Et j’en voudrais laver tes larges bords de lait,
Ô Lune où l’esprit de nos Sœurs mortes se plaît.



Arthur Rimbaud



Poème classé dans Arthur Rimbaud, Objets.
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Poèmes objets Empty Le masque

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:13

La couronne formidable des rois
En s’appuyant de tout son poids
Sur ce masque de cire
Semblait broyer et mutiler
L’empire.



Le pâle émail des yeux usés
S’était fendu en agonies
Minuscules, mais infinies,
Sous les sourcils décomposés.
Le front avait été l’éclair,
Avant que les pâles années
N’eussent rivé les destinées,
Sur ce bloc mort de morne chair.
Les crins encore étaient ardents,
Mais la colossale mâchoire,
Mi-ouverte, laissait la gloire
Tomber morte d’entre les dents.
Depuis des temps qu’on ne sait pas,
La couronne, violemment cruelle,
De sa poussée indiscontinuelle
Ployait le chef toujours plus las.
Les astuces, les perfidies
Louchaient en ses joyaux taillés,
Et les meurtres, les sangs, les incendies
Semblaient reluire entre ses ors caillés.
Elle écrasait et abattait
Ce qui jadis était la gloire :
Ce front géant qui la portait
Et la dardait vers les victoires
Si bien qu’ainsi s’accomplissait, sans bruit,
L’oeuvre d’une force qui se détruit,
Obstinément, soi-même,
Et finit par se définir
Pour l’avenir
Dans un emblème.
Couronne et tête étaient placées,
Couronne ardente et tête autoritaire,
En un logis de verre,
Au fond d’un hall, dans un musée.
Emile Verhaeren, Les villes tentaculaires




Poème classé dans Emile Verhaeren, Objets.
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Poèmes objets Empty Les cierges

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:14

Ongles de feu, cierges ! - Ils s’allument, les soirs,
Doigts mystiques dressés sur des chandeliers d’or,
A minces et jaunes flammes, dans un décor
Et de cartels et de blasons et de draps noirs.



Ils s’allument dans le silence et les ténèbres,
Avec le grésil bref et méchant de leur cire,
Et se moquent - et l’on croirait entendre rire
Les prières autour des estrades funèbres.
Les morts, ils sont couchés très longs dans leurs remords
Et leur linceul très pâle et les deux pieds dressés
En pointe et les regards en l’air et trépassés
Et repartis chercher ailleurs les autres morts.
Chercher ? Et les cierges les conduisent ; les cierges
Pour les charmer et leur illuminer la route
Et leur souffler la peur et leur souffler le doute
Aux carrefours multipliés des chemins vierges.
Ils ne trouveront point les morts aimés jadis,
Ni les anciens baisers, ni les doux bras tendus,
Ni les amours lointains, ni les destins perdus ;
Car les cierges ne mènent pas en paradis.
Ils s’allument dans le silence et les ténèbres,
Avec le grésil bref et méchant de leur cire
Et se moquent - et l’on entend gratter leur rire
Autour des estrades et des cartels funèbres.
Ongles pâles dressés sur des chandeliers d’or !
Emile Verhaeren, Les bords de la route




Poème classé dans Emile Verhaeren, Mort, Objets.
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Poèmes objets Empty Le Thé

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:14




Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise,
Où des poissons d’or cherchent noise
Au monstre rose épouvanté.
J’aime la folle cruauté
Des chimères qu’on apprivoise :
Miss Ellen, versez-moi le Thé
Dans la belle tasse chinoise.
Là, sous un ciel rouge irrité,
Une dame fière et sournoise
Montre en ses longs yeux de turquoise
L’extase et la naïveté :
Miss Ellen, versez-moi le Thé.
Théodore de Banville


Poème classé dans La femme, Nourriture, Objets, Théodore de Banville.
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Poèmes objets Empty Les horloges

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:14





La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
Béquilles et bâtons qui se cognent, là-bas;
Montant et dévalant les escaliers des heures,
Les horloges, avec leurs pas ;
Émaux naifs derrière un verre, emblèmes
Et fleurs d’antan, chiffres maigres et vieux;
Lunes des corridors vides et blêmes,
Les horloges, avec leurs yeux ;
Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes
Boutique en bois de mots sournois,
Et le babil des secondes minimes,
Les horloges, avec leurs voix ;
Gaines de chêne et bornes d’ombre,
Cercueils scellés dans le mur froid,
Vieux os du temps que grignote le nombre,
Les horloges et leur effroi ;
Les horloges
Volontaires et vigilantes,
Pareilles aux vieilles servantes
Boitant de leurs sabots ou glissant
Les horloges que j’interroge
Serrent ma peur en leur compas.
Emile Verhaeren, Les bords de la route
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Poèmes objets Empty Une gravure fantastique

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:15

Ce spectre singulier n’a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu’un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux,



Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux.
Le cavalier promène un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,
Le cimetière immense et froid, sans horizon,
Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne,
Les peuples de l’histoire ancienne et moderne
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal


Poème classé dans Charles Baudelaire, Imaginaire, Objets.
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Poèmes objets Empty Voyelles

Message par marie la rebelle Dim 11 Avr - 12:15




A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
— O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Arthur Rimbaud, Poésies


Poème classé dans Arthur Rimbaud, Objets, Sonnets.
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Poèmes objets Empty Trois chaises

Message par Nadej-isis Lun 12 Avr - 9:03

Poèmes objets Cupfzpv4

Trois chaises en ligne joliment sont placées.
Elles attendent avec fierté,
Les convives qui ne devraient pas tarder.
Elle se taisent, en regardant amusées,
La maîtresse de maison se presser.
Trois chaises regardent la pendule un peu inquiète,
En se disant que si personne ne vient,
Les hôtes ne feront pas la diète.
Les heures passent, l'épouse n'a pas l'air bien.
Le buffet est pourtant proche de la perfection,
Mélange de nouveautés et de tradition.
Vingt et une heure,
La sonnerie fait enfin entendre une douce clameur.
Tous les invités ont répondu à l'invitation,
Les trois chaises vont pouvoir être digne de leur réputation.

(anonyme)
Nadej-isis
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Poèmes objets Empty Abat-jour

Message par davidof Mar 13 Avr - 10:53


Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?
C'est que voici le grand moment,
l'heure des yeux et du sourire,
le soir, et que ce soir je t'aime infiniment !
Serre-moi contre toi. J'ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
d'ambition, d'orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté !...
Mais non, tu ne peux pas savoir !...
Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux.
C'est dans l'ombre que les coeurs causent,
et l'on voit beaucoup mieux les yeux
quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t'aime trop pour te parler d'amour.
Serre-moi contre ta poitrine!
Je voudrais que ce soit mon tour d'être celui que l'on câline...
Baisse encore un peu l'abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C'est si bon
tes mains tièdes sur mon visage!...
Mais qu'est-ce encor ? Que nous veut-on ?
Ah! c'est le café qu'on apporte !
Eh bien, posez ça là, voyons !
Faites vite!... Et fermez la porte !
Qu'est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café... maintenant ? Tu préfères ?
C'est vrai : toi, tu l'aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd'hui. Du sucre? Un seul morceau?
C'est assez? Veux-tu que je goûte?
Là! Voici votre tasse, amour...
Mais qu'il fait sombre. On n'y voit goutte.
Lève donc un peu l'abat-jour.
Auteur :
Paul Géraldy (1885-1983)
davidof
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