poètes & muses en poèmes
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poètes & muses en poèmes
Rappel du premier message :
Fonction du poète
Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Le poète en des jours impies1
Vient préparer des jours meilleurs.
II est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
II voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe ! Il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
II plaint ses contempteurs2 frivoles;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !
Peuples ! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
1. impies : irréligieux, qui ne respectent ou offensent la religion.
2. contempteurs : ceux qui le méprisent.
Les Rayons et les Ombres (1840)
Fonction du poète
Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Le poète en des jours impies1
Vient préparer des jours meilleurs.
II est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
II voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe ! Il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
II plaint ses contempteurs2 frivoles;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !
Peuples ! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.
1. impies : irréligieux, qui ne respectent ou offensent la religion.
2. contempteurs : ceux qui le méprisent.
Les Rayons et les Ombres (1840)
chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
Jules Delavigne,Le poète
Vérité éphémère
Ta créativité est ton essence
Même si tu ne le sais pas
Pour ce que tu fais, tes proches te flattent
Des fois ils te rabaissent, des fois c’est l’indifférence
Tu comprends, mais tu ne les comprends pas
Leur objectivité est-elle ternie par amour, amitié, jalousie ?
Tu te dis que ce n’est pas de leur faute
Tu as surement raison
Mais toi, tu cherches la vérité
Ces sages autour ne t’aident guère
Et la vérité ne vient pas de toi tout seul
Pourtant tu as de la chance
Des autres te regardent aussi
Et ceux-là tu ne les connais pas
Jules Delavigne, Conclusions, 2008
Ta créativité est ton essence
Même si tu ne le sais pas
Pour ce que tu fais, tes proches te flattent
Des fois ils te rabaissent, des fois c’est l’indifférence
Tu comprends, mais tu ne les comprends pas
Leur objectivité est-elle ternie par amour, amitié, jalousie ?
Tu te dis que ce n’est pas de leur faute
Tu as surement raison
Mais toi, tu cherches la vérité
Ces sages autour ne t’aident guère
Et la vérité ne vient pas de toi tout seul
Pourtant tu as de la chance
Des autres te regardent aussi
Et ceux-là tu ne les connais pas
Jules Delavigne, Conclusions, 2008
Nadej-isis- Nombre de messages : 958
Date d'inscription : 15/03/2010
SAINT-POL-ROUX
P O É S I A
Le magnifique jour où la poésie m'apparut dans sa plénitude, mon enthousiasme fut projeté d'un reflux de siècles fanés en un flux de siècles épanouis, sans que j'eusse pour cela cessé de chevaucher le présent, point d'intersection de ces siècles différents. Alors que d'avantage en avantage évoluèrent toutes les catégories de l'esprit humain, celle esthétique m'avait dès longtemps surpris de son outrecuidance à se garder pareille. Ses instruments, la Poésie les améliora certes, à moins que d'eux-mêmes ils ne se fussent perfectionnés aux termes d'usure, mais jamais elle ne sut accroître son Eden propre, principauté stagnante entre tant de royaumes devenus, et son cercle de beauté se mord toujours la queue à distances égales du coeur universel. Parmi la délivrance générale la poésie s'avère tenace recluse, non à cause de ses bornes verbales, secondaire obstacle, mais en ce sens que ses champions, asservis à la coutume, refusent de s'aventurer à la conquête de toisons nouvelles. Comme si le poète ne devait pas être un prodigieux explorateur de l'Absolu! |
SAINT-POL-ROUX
LE MAGNIFIQUE
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
SAINT-POL-ROUX LE MAGNIFIQUE
SUITE
Les Muses persistent, hélas ! à danser sur leur
page
d'écrou.
De par l'ignorance ou la lâcheté des poètes, la
Poésie s'enoisive en son geste ordinaire, et l'on estime suffisant
qu'elle saute ainsi que la sauterelle au lieu de s'envoler à la
façon de l'aigle avec mission de ramener une proie de soleil.
De là ces ressassements autour de règles surannées,
de là ce ronron de tradition qui opiace les hommes et engourdit leur
ambition, de là ce devenir paralysé, de là que,
réincarnation, croirait-on, les premiers poètes foulent
encore notre sol et que Virgile aujourd'hui conférencie à
l'Odéon, comme hier Pindare collaborait au Mercure de France, comme
Eschyle palabrera demain en plein air sur de vieilles dalles défouies,
alors que nos orchestres renchérissent sur les lyres, les harpes,
les pipeaux, les chalumeaux, les doubles-flûtes, les tambourins, les
crotales, et que nos armées ne daignent plus utiliser les flèches
parthes ni les redoutables catapultes d'autrefois.
Reconnaissons quelques tentatives d'évasion à l'actif de
Polymnie et de Melpomène, mais il n'y fut sujet que de ranimer des
aciers héroïques ou de jeter des velours sur des épaules
de féerie : on courtise la chimère, la cendre, les os, non
la chair, non la vérité, non la vie.
L'assaut et l'irruption n'ont pas encore
triomphé.
Les Muses persistent, hélas ! à danser sur leur
page
d'écrou.
De par l'ignorance ou la lâcheté des poètes, la
Poésie s'enoisive en son geste ordinaire, et l'on estime suffisant
qu'elle saute ainsi que la sauterelle au lieu de s'envoler à la
façon de l'aigle avec mission de ramener une proie de soleil.
De là ces ressassements autour de règles surannées,
de là ce ronron de tradition qui opiace les hommes et engourdit leur
ambition, de là ce devenir paralysé, de là que,
réincarnation, croirait-on, les premiers poètes foulent
encore notre sol et que Virgile aujourd'hui conférencie à
l'Odéon, comme hier Pindare collaborait au Mercure de France, comme
Eschyle palabrera demain en plein air sur de vieilles dalles défouies,
alors que nos orchestres renchérissent sur les lyres, les harpes,
les pipeaux, les chalumeaux, les doubles-flûtes, les tambourins, les
crotales, et que nos armées ne daignent plus utiliser les flèches
parthes ni les redoutables catapultes d'autrefois.
Reconnaissons quelques tentatives d'évasion à l'actif de
Polymnie et de Melpomène, mais il n'y fut sujet que de ranimer des
aciers héroïques ou de jeter des velours sur des épaules
de féerie : on courtise la chimère, la cendre, les os, non
la chair, non la vérité, non la vie.
L'assaut et l'irruption n'ont pas encore
triomphé.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: poètes & muses en poèmes
SUITE: Tout donc évolua jusqu'ici, sauf la Poésie. Oui, tous ont progressé, le juge, le marchand, le mécanicien, le médecin, le philosophe, le chimiste, le physicien, tous ont progressé, mais le rapsode et l'aède psalmodient toujours Au Clair de la Lune et La Marseillaise, ignorant qu'une lente succession d'efforts, expansionnant d'âge en âge l'énergie poétique, l'eût rendue capable de splendeurs progressivement lointaines. Comprendront-ils enfin que la Poésie peut devenir davantage que l'indicatrice de la Science et qu'elle est la Science elle-même dans son initialité ? Signaler n'est-ce pas découvrir ? Poètes, la poésie s'étiole de fabriquer des chaussons de lisière, fussent-ils de vair ou de diamant. Elargissez donc le cercle. Même si ce cercle petit est cependant assez grand pour se confondre avec celui du globe, petit lui-même, eh bien ! élargissez-le jusqu'à ce qu'il enserre l'éternité. Pour servir l'humanité, sourire ou pleurer sur la terre et dans l'heure présente ne suffit point, au poète de creuser plus bas ou de s'élancer plus haut avec la volonté de revenir chargé d'inattendues trouvailles susceptibles d'enorgueillir le monde. |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Alfred GARNEAU :Poète fol
- Alfred GARNEAU
(1836-1904)
Poète fol
C'est, par les airs, un entassement sombre
De nuages. Horrible
mont !
L'étang joncheux, miroir d'un val profond,
S'est éteint dans un
reflet d'ombre.
Comme vite au jour pâle vont,
Là-haut, ces vols
d'ailes noires sans nombre !
Un éclair heurte une nuée, et sombre !
Et
tout le ciel en eau se fond...
Mais le poète a doux martel en
tête.
Ses yeux rêveurs ne voient pas la tempête
Ruisseler aux sentiers
couverts,
Ni les vents tordre en un chaos les branches.
Enveloppé de
foudre aux flammes blanches,
Il cisèle, impassible, un vers.
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
La Poésie
A Victor Gérurez
Quand j'entends disputer les hommes
Sur Dieu qu'ils ne pénètrent point,
Je me demande où nous en sommes :
Hélas ! toujours au même point.
Oui, j'entends d'admirables phrases,
Des sons par la bouche ennoblis ;
Mais les mots ressemblent aux vases :
Les plus beaux sont les moins remplis.
Alors, pour me sauver du doute,
J'ouvre un Euclide avec amour ;
Il propose, il prouve, et j'écoute,
Et je suis inondé de jour.
L'évidence, éclair de l'étude,
Jaillit, et me laisse enchanté !
Je savoure la certitude,
Mon seul vrai bonheur, ma santé !
Pareil à l'antique sorcière
Qui met, par le linéament
Qu'elle a tracé dans la poussière,
Un monde obscur en mouvement,
Je forme un triangle : ô merveille !
Le peuple des lois endormi
S'agite avec lenteur, s'éveille
Et se déroule à l'infini.
Avec trois lignes sur le sable
Je connais, je ne doute plus !
Un triangle est donc préférable
Aux mots sonores que j'ai lus ?
Non ! j'ai foi dans la Poésie :
Elle instruit par témérité ;
Elle allume sa fantaisie
Dans tes beaux yeux, ô Vérité !
Si le doigt des preuves détache
Ton voile aux plis multipliés,
Le vent des strophes te l'arrache,
D'un seul coup, de la tête aux pieds.
Et c'est pourquoi, toute ma vie,
Si j'étais poète vraiment,
Je regarderais sans envie
Képler toiser le firmament !
Quand j'entends disputer les hommes
Sur Dieu qu'ils ne pénètrent point,
Je me demande où nous en sommes :
Hélas ! toujours au même point.
Oui, j'entends d'admirables phrases,
Des sons par la bouche ennoblis ;
Mais les mots ressemblent aux vases :
Les plus beaux sont les moins remplis.
Alors, pour me sauver du doute,
J'ouvre un Euclide avec amour ;
Il propose, il prouve, et j'écoute,
Et je suis inondé de jour.
L'évidence, éclair de l'étude,
Jaillit, et me laisse enchanté !
Je savoure la certitude,
Mon seul vrai bonheur, ma santé !
Pareil à l'antique sorcière
Qui met, par le linéament
Qu'elle a tracé dans la poussière,
Un monde obscur en mouvement,
Je forme un triangle : ô merveille !
Le peuple des lois endormi
S'agite avec lenteur, s'éveille
Et se déroule à l'infini.
Avec trois lignes sur le sable
Je connais, je ne doute plus !
Un triangle est donc préférable
Aux mots sonores que j'ai lus ?
Non ! j'ai foi dans la Poésie :
Elle instruit par témérité ;
Elle allume sa fantaisie
Dans tes beaux yeux, ô Vérité !
Si le doigt des preuves détache
Ton voile aux plis multipliés,
Le vent des strophes te l'arrache,
D'un seul coup, de la tête aux pieds.
Et c'est pourquoi, toute ma vie,
Si j'étais poète vraiment,
Je regarderais sans envie
Képler toiser le firmament !
chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
René Daumal
D'un fruit qu'on laisse pourrir à terre, il peut encore sortir un nouvel arbre. De cet arbre, des fruits nouveaux par centaines. Mais si le poème est un fruit, le poète n'est pas un arbre. Il vous demande de prendre ses paroles et de les manger sur-le-champ. Car il ne peut, à lui tout seul, produire son fruit. Il faut être deux pour faire un poème. Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant. Le poème qui n'est pas écouté est une semence perdue. Ou encore : celui qui parle est la mère, le poème est l'oeuf et celui qui écoute est fécondateur de l'oeuf. Le poème qui n'est pas écouté devient un oeuf pourri. C'est à cela que songeait, dans sa prison, un poète condamné à mort. C'était dans un petit pays qui venait d'être envahi par les armées d'un conquérant. On avait arrêté le poète parce que, dans une chanson qu'il chantait sur les routes, il avait comparé la tristesse qui rongeait jusqu'à l'os la chair de son corps aux fumées meurtrières qui avaient brûlé jusqu'au roc la terre de son village. | LES DERNIERES PAROLES DU POETE (Le Contre-Ciel, Poésie-Gallimard) . |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Demain à l'aube il sera pendu.
René Daumal
Demain à l'aube il sera pendu. Mais on lui a fait cette grâce qu'avant de mourir il pourra dire devant le peuple un dernier poème. Il se disait dans son cachot: Jusqu'ici je n'ai fait que des chansons pour amuser. Ce sera mon premier et mon dernier poème. Je leur dirai Prenez ces paroles, qu'elles ne soient pas une graine perdue! Couvez mes paroles, faites-les croître, faites-les parler! Mais que leur dirai-je ensuite? Je n'ai qu'un mot à dire, un mot simple comme la foudre. Un mot qui me gonfle le coeur, un mot qui me monte à la gorge, un mot qui tourne dans ma tête comme un lion en cage. Ce n'est pas une parole de paix. Ce n'est pas une parole facile à entendre. Mais elle doit mener à la paix, mais elle doit rendre toute chose facile à entendre, pourvu qu'on la prenne comme la terre reçoit la graine et la nourrit en la tuant. Quand je serai pourri, dans quelques jours, que de ma pourriture sorte un arbre à paroles. Non pas des paroles de paix, non pas des paroles faciles à entendre, mais des paroles de vérité. | |
Mais encore, que leur dirai-je? |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Je ne suis rien:Fernando Pessoa
BUREAU DE TABAC
Jamais je ne serai rien. Je ne puis vouloir être rien. Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde. Fenêtres de ma chambre, de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée (et si l'on savait ce qu'elle est, que saurait-on de plus ?), vous donnez sur le mystère d'une rue au va-et-vient continuel, sur une rue inaccessible à toutes les pensées, réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise, avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres, avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains, avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien. Je suis aujourd'hui vaincu, comme si je connaissais la vérité; lucide aujourd'hui, comme si j "étais à l'article de la mort, n'ayant plus d'autre fraternité avec les choses que celle d'un adieu, cette maison et ce côté de la rue se muant en une file de wagons, avec un départ au sifflet venu du fond de ma tête, un ébranlement de mes nerfs et un grincement de mes os qui démarrent. | Extrait de Alvaro de Campos |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
UN POETE A LA MER
UN POETE A LA MER par Lika Spitzer RAFAEL ALBERTI (1902-1955) A l'âge de 96 ans, le grand poète espagnol Rafaël Alberti, un des principaux animateurs de la "génération de 1927" de laquelle sont issues quelques-unes des voix déterminantes de la poésie espagnole de notre temps, a quitté nos rivages. Claude Couffon, qui fut son ami et son traducteur, l'a évoqué pour nous quelques semaines avant son départ. | ||
La joyeuse Génération de 1927... dont l'oeuvre "va s'épanouir en multiples rameaux étincelants"... ce groupe de jeunes poètes qui s'étaient mis en tête de rendre les honneurs à Luis de Gongora, perd avec Alberti un de ses derniers acteurs et témoins. 1927 : " Le tricentenaire de Gongora approche et l'Académie espagnole semble vouloir passer sous silence l'événement. "Un petit noyau de poètes se mobilise et constitue un Comité d'Hommage : Gerardo Diego, Pedro Salinas, Melchior Fernandez Almagro; les rejoignent Lorca, Bergaimin, Moreno Villa, Antonio Marichalar, Damaso Alonso, Jorge Guillen, José Maria de Cossio... Rafael Alberti se lie d'amitié avec cette turbulente pléiade qui fait la fête en poésie, et il gardera, tout au long d'une existence marquée par la lutte et l'exil, cet état d'esprit qui veut que la poésie soit toujours signe de vie. A quatre-vingt trois ans après de multiples départs , il pourra enfin regagner ce port tant aimé de Santa Maria, " blotti dans l'arc bleuté de la baie de Cadix ". Durant tous ces voyages, il n'a eu de cesse de chanter cette mer perdue. Rafael Alberti est parmi les poètes de l'exil, un des plus grands.
Lui-même, d'une santé fragile, il passe une partie de sa jeunesse confinée dans sa chambre, où il lit et écrit beaucoup : " Je me promis d'oublier ma première vocation Je voulais seulement être poète ". De sa fenêtre, il contemple la silhouette d'une fillette, dont le souvenir se cristallisera plus tard dans certains poèmes du recueil " Marin à Terre " : Désireux de connaître l'écho que son œuvre naissante peut susciter auprès d'un jury de poètes confirmés, Rafael envoie son " Marin à Terre " au Concours National de Poésie où siège le père de la poésie espagnole du XXème siècle, Antonio Machado. Il est aussitôt remarqué, gagne le premier prix et devient célèbre du jour au lendemain. Mais c'est quelques années plus tard, avec le recueil "Sur les anges " qu'il commencera a être considéré comme un des plus grands poètes espagnols. "A la même époque" nous dit Claude Couffon, "Neruda écrit Résidence sur Terre" et ces deux recueils, celui du poète chilien qui sera son ami jusqu'à sa mort, et celui d'Alberti, pressentent l'avenir d'une société qui se délite et sur laquelle commence à planer la menace de la guerre. Dans une poésie dont la forme semble rompre avec l'insouciante clarté de ses premières œuvres, Rafael exorcise une époque où les préoccupations politiques vont prendre le pas sur la contemplation de la nature et l'expression des sentiments. L'année 1931 voit naître la République Espagnole pour laquelle il s'engage de toute sa poésie et quand la Guerre d'Espagne éclate, il se trouve à Madrid en compagnie de Pablo Neruda, Miguel Hernandez et de quelques autres poète qui vont prendre fait et cause pour le camp républicain. Iil écrit en particulier "A Galopar", dont Paco Ibanez fera, en le chantant, l'un des hymnes de la lutte des Républicains ainsi que le poème ci-après, dédia "A Niebla", qui n'était autre que son petit chien offert par Neruda et dont le nom signifie brouillard: Alberti va ensuite retrouver Neruda à Paris puis par pour l'Argentine où il retrouvera son ami et éditeur Losada. Il y vivra en compagnie de sa femme, Maria Teresa Leone, et de sa fille, Aïtana, non pas à Buenos-Aires, mais dans la pampa ce qui lui donnera la nostalgie des paysages d'Andalousie : Mais cette nostalgie ne va pas parfois sans une tendre autodérision : " Alors ", poursuit Claude Couffon, "il est resté quelque chose comme dix-huit ans en exil à Buenos Aires. Et je dirais que, pour les réfugiés espagnols de cette époque-là, Rafael Alberti c'était leur poète, celui qui chantait leur exil. Ils se réunissaient tous à Montparnasse, au Dôme ou à la Coupole, et je retrouvais toujours à ce moment-là Miguel Asturias et les autres. Tous les soirs, à 5 heures, ils refaisaient la Guerre d'Espagne. " Mais dans ce siècle tourmenté, l'Argentine n'est pas exempte de troubles politiques : Péron prend le pouvoir, Miguel Asturias est arrêté et Rafael Alberti quitte l'Argentine pour l'Italie. Il y écrit des poèmes où, comme en contrepoint de la beauté des paysages, resurgissent avec acuité les blessures de l'exil et les tragédies politiques et humaines. En Espagne, la dictature franquiste s'éternise et continue de faire des victimes. En décembre 1970, à Burgos, six militants basques sont condamnés à mort et exécutés. En septembre 1973, au Chili, c'est la mort de l'ami, celle de son "frère" Pablo Neruda, quelques jours après le coup d'État de Pinochet. Le 20 novembre 1975, Franco meurt. Le jeune roi d'Espagne, Juan Carlos, de passage à Rome demande à Alberti de revenir dans son pays. A l'aéroport de Barajas, il déclare à ceux qui l'accueillent : "Je suis parti le poing fermé car c'était le temps de la guerre et je reviens la main ouverte, tendue à l'amitié de tous. " Ensuite est venu le temps des hommages et des honneurs dans son pays natal retrouvé. Lika Spitzer, d'après une conférence au Club des Poètes de Claude Couffon. |
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Souvenirs
LES SOUVENIRS
Il est des mots et des images qui restent gravées à jamais
Comme un album de souvenir, dans ma mémoire ils sont stockés.
Certains évoques des moments tendres,
D’autres moins doux se font entendre.
Mais même dans les moments tristesse
Ce ne sont plus des mots qui blessent
Ils ont perdu leur fils tranchants
Ils ne font plus souffrir autant.
Sans doute ai-je assimilé
Toutes ces choses qui font pleurer
Et dans le livre de ma vie
Que je feuillette quand vient la nuit
Je me surprends à constater
Les moments sombres sont fanés
Ils déambulent dans mes pensées
Noyés dans un brouillard épais.
Alors que les moments bonheur
Eux, ont su garder leur splendeur
Je peux sentir encore la joie
Que j’éprouvais ces moments là
Alors que les douleurs vilaines
Passent par là et puis s’éteignent.
C’est un peu comme les nuages
Qui passent sans qu’il y ait l’orage.
Ils restent des pages vierges à mon livre
Où j’y mettrais les moments à vivre
Et je sais parce que j’ai appris
Au fil des jours et de ma vie
Que les épreuves qui m’attendent
Viendront aux pages se suspendrent
Et que mes heures de bonheur
Y mettrons leur touche de couleur.
Bien plus tard quand je serai vieille
Ce livre sera ma merveille
Je pourrai venir y relire
Les pleurs de ma vie, et les rires
Avec un air mélancolie,
Je penserai à ses soucis
Mais avec une grande sagesse
Je savourerai ma vieillesse.
Oh oui les peines font grandir
Et font parties des souvenirs
Parce que la vie est ainsi faite
De belle victoires et défaites.
Gourmande
Josie_Gourmande
Il est des mots et des images qui restent gravées à jamais
Comme un album de souvenir, dans ma mémoire ils sont stockés.
Certains évoques des moments tendres,
D’autres moins doux se font entendre.
Mais même dans les moments tristesse
Ce ne sont plus des mots qui blessent
Ils ont perdu leur fils tranchants
Ils ne font plus souffrir autant.
Sans doute ai-je assimilé
Toutes ces choses qui font pleurer
Et dans le livre de ma vie
Que je feuillette quand vient la nuit
Je me surprends à constater
Les moments sombres sont fanés
Ils déambulent dans mes pensées
Noyés dans un brouillard épais.
Alors que les moments bonheur
Eux, ont su garder leur splendeur
Je peux sentir encore la joie
Que j’éprouvais ces moments là
Alors que les douleurs vilaines
Passent par là et puis s’éteignent.
C’est un peu comme les nuages
Qui passent sans qu’il y ait l’orage.
Ils restent des pages vierges à mon livre
Où j’y mettrais les moments à vivre
Et je sais parce que j’ai appris
Au fil des jours et de ma vie
Que les épreuves qui m’attendent
Viendront aux pages se suspendrent
Et que mes heures de bonheur
Y mettrons leur touche de couleur.
Bien plus tard quand je serai vieille
Ce livre sera ma merveille
Je pourrai venir y relire
Les pleurs de ma vie, et les rires
Avec un air mélancolie,
Je penserai à ses soucis
Mais avec une grande sagesse
Je savourerai ma vieillesse.
Oh oui les peines font grandir
Et font parties des souvenirs
Parce que la vie est ainsi faite
De belle victoires et défaites.
Gourmande
Josie_Gourmande
chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
Muses, adieu...
- Jacques TAHUREAU (1527-1555)
Muses, adieu, et votre chant jazard
Muses, adieu, et votre chant jazard !
Adieu Phoebus, et ma fière déesse !
Livres, adieu, adieu la tourbe espesse
De mes amys, adieu tout jeu mignard !
Adieu guiterre, adieu luth babillard,
Toute harmonie et tout son de liesse,
Gemmes, parfums, et toute gentillesse,
Tout lieu hanté, tout ombrage à l'écart !
Ainsy la mort, par une blanche voye,
Droit me conduise en l'eternelle joye,
Entre les dieux, au beau sejour du ciel.
Ainsy ma foy chascun amant contemple,
Et tendrement gemissant prenne exemple
De ne tremper ses douceurs dans le fiel.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Jean moréas-Les Stances Livre 2- Muse, comment sa
Muse, comment sais-tu de ces heures sinistres
Tisser un jour vermeil,
Comment à l' unisson fais-tu sonner les sistres
Dans un discord pareil ?
Ah ! Sur ton Pinde encor se peut-il que je sache
Me frayer un chemin,
Et ton laurier sacré, faut-il que je l' arrache
De cette impure main ?
Tisser un jour vermeil,
Comment à l' unisson fais-tu sonner les sistres
Dans un discord pareil ?
Ah ! Sur ton Pinde encor se peut-il que je sache
Me frayer un chemin,
Et ton laurier sacré, faut-il que je l' arrache
De cette impure main ?
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Jean moréas- Beaux présents que la muse
Beaux présents que la muse, hélas ! M' accorde encore,
O mes vers, autrefois
Vous étiez, au jardin, la fleur qui vient d' éclore
Et l' oiseau dans les bois ;
Vous étiez le ruisseau quand le soleil l' égaie
Et s' en fait un miroir.
Et maintenant, mes vers, d' une mortelle plaie
Vous êtes le sang noir !
O mes vers, autrefois
Vous étiez, au jardin, la fleur qui vient d' éclore
Et l' oiseau dans les bois ;
Vous étiez le ruisseau quand le soleil l' égaie
Et s' en fait un miroir.
Et maintenant, mes vers, d' une mortelle plaie
Vous êtes le sang noir !
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Sophie d' ARBOUVILLE:La jeune fille et l'ange de la poésie
- Sophie d' ARBOUVILLE (1810-1850)
La jeune fille et l'ange de la poésie
(extrait)
- L'ange reste près d'elle ; il sourit à ses pleurs,
Et resserre les noeuds de ses chaînes de fleurs ;
Arrachant une plume à son aile azurée,
Il la met dans la main qui s'était retirée.
En vain, elle résiste, il triomphe... il sourit...
Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Max WALLER: C'est ainsi
- Max WALLER (1860-1889)
C'est ainsi
Faire des vers, des vers gamins,
Et rire, et rire, et rire encore,
Et, comme un pierrot qui picore,
Cueillir leurs parfums aux jasmins ;
Forger des vers comme des armes,
Pointus, effilés, sans merci,
Ou, pour expier son souci,
Égrener des ave de larmes,
C'est bon supérieurement
Et tout le reste est journalisme ;
La strophe d'or est comme un prisme
Où s'irise le firmament.
Et crevât-on, phtisique et blême,
Avec des recors à la clé,
Le violon qu'on a raclé
Laisse des notes en nous-même.
La flûte, avec ses quatre trous,
Quatre regards de mélodie,
Quand elle est triste, psalmodie
Comme un martyr sous les verrous ;
Et rien n'y fait, ni les gendarmes,
Ni les huissiers, ni les tailleurs ;
L'air de flûte a toujours des larmes
En attendant des jours meilleurs !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Allusion aux poètes:Odilon-Jean Périer
Allusion aux poètes |
je tue un lièvre gras et l'emporte au cellier.
Le goût de la saison s'y cache tout entier
avec l'odeur de l'herbe et ses voix les meilleures.
Sans doute, ce trésor sera bientôt pillé
et comme des raisins les mouches violentes
naîtront dans sa fourrure aujourd'hui rayonnante.
- Mais c'est une leçon qu'on ne peut oublier.
Car, mon ami, si tu implores les poètes,
ils vont te révéler de dangereuses fêtes :
puisant dans leur mémoire une vive beauté,
ils composent des vers où brille la souffrance
et montrent, orgueilleux de leur grande opulence,
quelque poème lourd comme un lièvre tué.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Odilon-Jean Périer :Les pieds nus de ma poésie
Les pieds nus de ma poésie |
Ont peu de poids
Cherche la trace de ses pas
Sur cette eau tranquille
Comme un visage éclairé
Toute puissance agenouillée
Chanson matinale
Il brille
Une étoile toute nouvelle
Et la chanson la plus belle
Est celle que j'ai chantée
Pour accepter ces minutes
Où mon bonheur se décide
Où toute chose s'arrête
A la merci d'un beau vers
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Marie-Caroline QUILLET:Ce qu'il faut au poète
- Marie-Caroline QUILLET (1835-1867)
Ce qu'il faut au poète
Enfant de la nature,
Il lui faut ses bouquets ;
Ses tapis de verdure
Et l'or de ses guérets.
Mais il faut au poète
Des rythmes inconnus,
Les clartés du prophète
Et les nuits de Jésus.
Il lui faut des études
Aux aspects infinis :
D'austères solitudes
Pour nourrir ses esprits.
C'est là que le génie,
Au souffle créateur,
Infiltre l'harmonie
Dans le front du penseur..
fayssal morad- Nombre de messages : 840
Date d'inscription : 12/03/2010
Le Poème:Jean Joseph Rabearivelo
Le Poème.
Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
ô langue de mes morts,
paroles pour chant, pour désigner
les idées que l’esprit a depuis longtemps conçues
et qui naissent enfin et grandissent
avec des mots pour langes-
des mots lourds encore de l’imprécision de l’alphabet,
et qui ne peuvent pas encore danser avec le vocabulaire,
n’étant pas encore aussi souples que les phrases ordonnées,
mais qui chantent déjà aux lèvres
comme un essaim de libellules bleues au bord d’un fleuve
salue le soir.
Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
paroles pour chant, pour désigner
le frêle écho du chant intérieur
qui s’amplifie et retentit,
tentant de charmer le silence du livre
et les landes de la mémoire,
ou les rives désertes des lèvres
et l’angoisse des coeurs.
Et les paroles deviennent de plus en plus vivantes,
que tu croyais en quête du Chant;
mais elles deviennent aussi de plus en plus fluides et ténues,
comme cette brise qui vient des palmiers lointains
pour mourir sur les cimes sourcilleuses.
Elles deviennent davantage des chants,
elles deviennent elles-mêmes- ce qu’elles ont toujours été
jusqu’ici, en vérité.
Et je voudrais changer, je voudrais rectifier
et dire:
chants en quête de paroles
pour peupler le silence du livre
et planter les landes de la mémoire,
ou pour semer des fleurs aux rives désertes des lèvres
et délivrer les coeurs,
ô langue de mes morts
qui te modules aux lèvres d’un vivant
comme les lianes qui fleurissent les tombeaux.
Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
ô langue de mes morts,
paroles pour chant, pour désigner
les idées que l’esprit a depuis longtemps conçues
et qui naissent enfin et grandissent
avec des mots pour langes-
des mots lourds encore de l’imprécision de l’alphabet,
et qui ne peuvent pas encore danser avec le vocabulaire,
n’étant pas encore aussi souples que les phrases ordonnées,
mais qui chantent déjà aux lèvres
comme un essaim de libellules bleues au bord d’un fleuve
salue le soir.
Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
paroles pour chant, pour désigner
le frêle écho du chant intérieur
qui s’amplifie et retentit,
tentant de charmer le silence du livre
et les landes de la mémoire,
ou les rives désertes des lèvres
et l’angoisse des coeurs.
Et les paroles deviennent de plus en plus vivantes,
que tu croyais en quête du Chant;
mais elles deviennent aussi de plus en plus fluides et ténues,
comme cette brise qui vient des palmiers lointains
pour mourir sur les cimes sourcilleuses.
Elles deviennent davantage des chants,
elles deviennent elles-mêmes- ce qu’elles ont toujours été
jusqu’ici, en vérité.
Et je voudrais changer, je voudrais rectifier
et dire:
chants en quête de paroles
pour peupler le silence du livre
et planter les landes de la mémoire,
ou pour semer des fleurs aux rives désertes des lèvres
et délivrer les coeurs,
ô langue de mes morts
qui te modules aux lèvres d’un vivant
comme les lianes qui fleurissent les tombeaux.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
SONNET AU LECTEUR:Henry Murger
Ami lecteur, qui viens d' entrer dans la boutique
Où l' on vend ce volume, et qui l' as acheté
Sans marchander d' un sou, malgré son prix modique,
Sois béni, bon lecteur, dans ta postérité !
Que ton épouse reste économe et pudique ;
Que le fruit de son sein soit ton portrait flatté
Sans retouche ; -et, pareille à la matrone antique,
Qu' elle marque le linge et fasse bien le thé !
Que ton cellier soit plein du vin de la comète !
Qu' on ne t' emprunte pas d' argent, -et qu' on t' en prête !
Que le brelan te suive autour des tapis verts ;
Et qu' un jour sur ta tombe, en marbre de Carrare,
Un burin d' or inscrive- hic jacet -l' homme rare
Qui payait d' un écu trois cents pages de vers !
Où l' on vend ce volume, et qui l' as acheté
Sans marchander d' un sou, malgré son prix modique,
Sois béni, bon lecteur, dans ta postérité !
Que ton épouse reste économe et pudique ;
Que le fruit de son sein soit ton portrait flatté
Sans retouche ; -et, pareille à la matrone antique,
Qu' elle marque le linge et fasse bien le thé !
Que ton cellier soit plein du vin de la comète !
Qu' on ne t' emprunte pas d' argent, -et qu' on t' en prête !
Que le brelan te suive autour des tapis verts ;
Et qu' un jour sur ta tombe, en marbre de Carrare,
Un burin d' or inscrive- hic jacet -l' homme rare
Qui payait d' un écu trois cents pages de vers !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
André CHÉNIER : Voilà ce que chantait aux Naïades
- André CHÉNIER (1762-1794)
Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines
Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines
Ma Muse jeune et fraîche, amante des fontaines,
Assise au fond d'un antre aux nymphes consacré,
D'acanthe et d'aubépine et de lierre entouré.
L'Amour, qui l'écoutait caché dans le feuillage,
Sortit, la salua Sirène du bocage.
Ses blonds cheveux flottants par lui furent pressés
D'hyacinthe et de myrte en couronne tressés :
" Car ta voix, lui dit-il, est douce à mon oreille,
" Autant que le cytise à la mielleuse abeille. "
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
André CHÉNIER : Ô Muses
- André CHÉNIER (1762-1794)
Ô Muses, accourez ; solitaires divines
Ô Muses, accourez ; solitaires divines,
Amantes des ruisseaux, des grottes, des collines !
Soit qu'en ses beaux vallons Nîme égare vos pas ;
Soit que de doux pensers, en de riants climats,
Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne ;
Soit que, parmi les choeurs de ces nymphes du Rhône,
La lune, sur les prés où son flambeau vous luit,
Dansantes, vous admire au retour de la nuit ;
Venez. J'ai fui la ville aux Muses si contraire,
Et l'écho fatigué des clameurs du vulgaire.
Sur les pavés poudreux d'un bruyant carrefour
Les poétiques fleurs n'ont jamais vu le jour.
Le tumulte et les cris font fuir avec la lyre
L'oisive rêverie au suave délire ;
Et les rapides chars et leurs cercles d'airain
Effarouchent les vers, qui se taisent soudain.
Venez. Que vos bontés ne me soient point avares.
Mais, oh ! faisant de vous mes pénates, mes lares,
Quand pourrai-je habiter un champ qui soit à moi !
Et, villageois tranquille, ayant pour tout emploi
Dormir et ne rien faire, inutile poëte,
Goûter le doux oubli d'une vie inquiète !
Vous savez si toujours, dès mes plus jeunes ans,
Mes rustiques souhaits m'ont porté vers les champs ;
Si mon coeur dévorait vos champêtres histoires,
Cet âge d'or si cher à vos doctes mémoires,
Ces fleuves, ces vergers, Éden aimé des cieux
Et du premier humain berceau délicieux ;
L'épouse de Booz, chaste et belle indigente,
Qui suit d'un pas tremblant la moisson opulente ;
Joseph, qui dans Sichem cherche et retrouve, hélas !
Ses dix frères pasteurs qui ne l'attendaient pas ;
Rachel, objet sans prix qu'un amoureux courage
N'a pas trop acheté de quinze ans d'esclavage.
Oh ! oui, je veux un jour, en des bords retirés,
Sur un riche coteau ceint de bois et de prés,
Avoir un humble toit, une source d'eau vive
Qui parle, et dans sa fuite et féconde et plaintive
Nourrisse mon verger, abreuve mes troupeaux.
Là je veux, ignorant le monde et ses travaux,
Loin du superbe ennui que l'éclat environne,
Vivre comme jadis, aux champs de Babylone,
Ont vécu, nous dit-on, ces pères des humains
Dont le nom aux autels remplit nos fastes saints ;
Avoir amis, enfants, épouse belle et sage ;
Errer, un livre en main, de bocage en bocage ;
Savourer sans remords, sans crainte, sans désirs,
Une paix dont nul bien n'égale les plaisirs.
Douce mélancolie ! aimable mensongère,
Des antres, des forêts déesse tutélaire,
Qui vient d'une insensible et charmante langueur
Saisir l'ami des champs et pénétrer son coeur,
Quand, sorti vers le soir des grottes reculées,
Il s'égare à pas lents au penchant des vallées,
Et voit des derniers feux le ciel se colorer,
Et sur les monts lointains un beau jour expirer.
Dans sa volupté sage, et pensive et muette,
Il s'assied, sur son sein laisse tomber sa tête.
Il regarde à ses pieds, dans le liquide azur
Du fleuve qui s'étend comme lui calme et pur,
Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages,
Et la pourpre en festons couronnant les nuages.
Il revoit près de lui, tout à coup animés,
Ces fantômes si beaux, de nos coeurs tant aimés,
Dont la troupe immortelle habite sa mémoire
Julie, amante faible et tombée avec gloire ;
Clarisse, beauté sainte où respire le ciel,
Dont la douleur ignore et la haine et le fiel,
Qui souffre sans gémir, qui périt sans murmure ;
Clémentine adorée, âme céleste et pure,
Qui, parmi les rigueurs d'une injuste maison,
Ne perd point l'innocence en perdant la raison.
Mânes aux yeux charmants, vos images chéries
Accourent occuper ses belles rêveries ;
Ses yeux laissent tomber une larme. Avec vous
Il est dans vos foyers, il voit vos traits si doux.
A vos persécuteurs il reproche leur crime.
Il aime qui vous aime, il hait qui vous opprime.
Mais tout à coup il pense, ô mortels déplaisirs !
Que ces touchants objets de pleurs et de soupirs
Ne sont peut-être, hélas ! que d'aimables chimères,
De l'âme et du génie enfants imaginaires.
Il se lève, il s'agite à pas tumultueux ;
En projets enchanteurs il égare ses voeux :
Il ira le coeur plein d'une image divine,
Chercher si quelques lieux ont une Clémentine,
Et dans quelque désert, loin des regards jaloux,
La servir, l'adorer et vivre à ses genoux.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Jean-Baptiste Caouette
A MES POÉSIES:Jean-Baptiste Caouette (1854-1922)
C'en est fait maintenant, pareil aux hirondelles,
Partez; qu'un même but vous retrouve fidèles.
Et moi, pourvu qu'en vos combats
De votre foi nul coeur ne doute,
Et qu'une âme en secret écoute
Ce que vous lui direz tout bas...
***
Ah! mes pauvres oiseaux que j'élevais en cage,
Mésanges dont les chants dissipaient ma douleur!
En essaim vous volez vers un riant bocage
Sans savoir que l'aspic se cache sous la fleur...
Pourquoi donc avez-vous ainsi quitté ma chambre
Où le mil et l'amour vous étaient prodigués?
Et votre nid moelleux toujours chaud quand décembre
Saccage la ramure où trônaient vos aînés?
Ivres de liberté, de gloire d'aventure:
Eh! oui, voilà l'appât qui fascine et capture
Si souvent les oiseaux... et même les humains!
1er Avril 1892.
Source: http://www.poesies.net
C'en est fait maintenant, pareil aux hirondelles,
Partez; qu'un même but vous retrouve fidèles.
Et moi, pourvu qu'en vos combats
De votre foi nul coeur ne doute,
Et qu'une âme en secret écoute
Ce que vous lui direz tout bas...
***
Ah! mes pauvres oiseaux que j'élevais en cage,
Mésanges dont les chants dissipaient ma douleur!
En essaim vous volez vers un riant bocage
Sans savoir que l'aspic se cache sous la fleur...
Pourquoi donc avez-vous ainsi quitté ma chambre
Où le mil et l'amour vous étaient prodigués?
Et votre nid moelleux toujours chaud quand décembre
Saccage la ramure où trônaient vos aînés?
Ivres de liberté, de gloire d'aventure:
Eh! oui, voilà l'appât qui fascine et capture
Si souvent les oiseaux... et même les humains!
1er Avril 1892.
Source: http://www.poesies.net
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Jean-Baptiste Caouette
Jean-Baptiste Caouette (1854-1922)
A L'AUTEUR
Oui, puisqu'il plût à Dieu de te faire poète,
Courage donc, jeune homme, au front plein de fierté!
Et, malgré les clameurs de la foule inquiète,
Redis-nous plus souvent tes chants de piété.
Chante aussi nos forêts, notre rive coquette,
La jeunesse, l'amour et les beaux soirs d'été;
Exalte les grands noms que l'Histoire répète,
Célèbre les aïeux, chante la liberté!
Chante avec les ruisseaux, les oiseaux et la brise.
Rappelle-toi toujours que l'art nous civilise
Et fait naître l'espoir dans tout coeur ulcéré.
Souviens-toi que chacun se doit à sa patrie,
Et que l'homme oubliant son talent, son génie,
Est indigne d'avoir au front ce feu sacré.
W...
Août 1877
RÉPONSE
Penser avant d'écrire est un principe exprès:
Il est trop d'écrivains qui ne pensent qu'après...
Ayant ces deux beaux vers gravés dans la mémoire,
Je devrais, n'est-ce pas? en faire mon profit;
Mais le désir d'écrire, hélas! parfois me fit
Oublier ce conseil d'un écrivain notoire!
Dis ton mea culpa, car tes vers m'ont fait croire
Que j'étais un poète et même un érudit...
Alors, ai-je besoin de me creuser l'esprit
Avant d'écrire? oh! non-pour d'autres cette histoire...
Soudain je m'aperçois que ma vilaine lyre
Ne rend que des sons creux... Allons, avant d'écrire,
J'aurais dû, mon ami, penser et repenser!
Désormais je mettrai ce précepte en pratique,
Ainsi je serai moins mordu par la critique
Dont la terrible dent ne cherche qu'à blesser!
Août 1877.
A L'AUTEUR
Oui, puisqu'il plût à Dieu de te faire poète,
Courage donc, jeune homme, au front plein de fierté!
Et, malgré les clameurs de la foule inquiète,
Redis-nous plus souvent tes chants de piété.
Chante aussi nos forêts, notre rive coquette,
La jeunesse, l'amour et les beaux soirs d'été;
Exalte les grands noms que l'Histoire répète,
Célèbre les aïeux, chante la liberté!
Chante avec les ruisseaux, les oiseaux et la brise.
Rappelle-toi toujours que l'art nous civilise
Et fait naître l'espoir dans tout coeur ulcéré.
Souviens-toi que chacun se doit à sa patrie,
Et que l'homme oubliant son talent, son génie,
Est indigne d'avoir au front ce feu sacré.
W...
Août 1877
RÉPONSE
Penser avant d'écrire est un principe exprès:
Il est trop d'écrivains qui ne pensent qu'après...
Ayant ces deux beaux vers gravés dans la mémoire,
Je devrais, n'est-ce pas? en faire mon profit;
Mais le désir d'écrire, hélas! parfois me fit
Oublier ce conseil d'un écrivain notoire!
Dis ton mea culpa, car tes vers m'ont fait croire
Que j'étais un poète et même un érudit...
Alors, ai-je besoin de me creuser l'esprit
Avant d'écrire? oh! non-pour d'autres cette histoire...
Soudain je m'aperçois que ma vilaine lyre
Ne rend que des sons creux... Allons, avant d'écrire,
J'aurais dû, mon ami, penser et repenser!
Désormais je mettrai ce précepte en pratique,
Ainsi je serai moins mordu par la critique
Dont la terrible dent ne cherche qu'à blesser!
Août 1877.
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
François Coppée-Serment
Serment
O poëte trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir & s'animer?
N'importe! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse & de tout assouvie
L'amour qui rajeunit, console & purifie,
Et je devrais encor la bénir & l'aimer.
Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle;
J'aimerai ma douleur, puisqu'elle viendra d'elle
Qui chassa de mon sein la honte & le remord.
Vierge dont les regards me tiennent sous leurs charmes,
Si tu me fais pleurer, je bénirai mes larmes,
Si tu me fais mourir, je bénirai la mort!
O poëte trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir & s'animer?
N'importe! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse & de tout assouvie
L'amour qui rajeunit, console & purifie,
Et je devrais encor la bénir & l'aimer.
Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle;
J'aimerai ma douleur, puisqu'elle viendra d'elle
Qui chassa de mon sein la honte & le remord.
Vierge dont les regards me tiennent sous leurs charmes,
Si tu me fais pleurer, je bénirai mes larmes,
Si tu me fais mourir, je bénirai la mort!
chayma- Nombre de messages : 512
loisirs : lecture,marche, cuisine
Humeur : Printanière
Date d'inscription : 05/06/2008
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