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poètes & muses en poèmes

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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty poètes & muses en poèmes

Message par chadiya madihi Mar 30 Mar - 11:36

Rappel du premier message :

Fonction du poète
Dieu le veut, dans les temps contraires,
Chacun travaille et chacun sert.
Malheur à qui dit à ses frères :
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s'en va, chanteur inutile,
Par la porte de la cité !
Le poète en des jours impies1
Vient préparer des jours meilleurs.
II est l'homme des utopies,
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C'est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue,
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
II voit, quand les peuples végètent !
Ses rêves, toujours pleins d'amour,
Sont faits des ombres que lui jettent
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe ! Il pense.
Plus d'une âme inscrit en silence
Ce que la foule n'entend pas.
II plaint ses contempteurs2 frivoles;
Et maint faux sage à ses paroles
Rit tout haut et songe tout bas !
Peuples ! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme
Dieu parle à voix basse à son âme
Comme aux forêts et comme aux flots.



1. impies : irréligieux, qui ne respectent ou offensent la religion.
2. contempteurs : ceux qui le méprisent.

Les Rayons et les Ombres (1840)

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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Jules Delavigne,Le poète

Message par Nadej-isis Lun 12 Avr - 9:00

Vérité éphémère


Ta créativité est ton essence
Même si tu ne le sais pas
Pour ce que tu fais, tes proches te flattent
Des fois ils te rabaissent, des fois c’est l’indifférence
Tu comprends, mais tu ne les comprends pas
Leur objectivité est-elle ternie par amour, amitié, jalousie ?
Tu te dis que ce n’est pas de leur faute
Tu as surement raison
Mais toi, tu cherches la vérité
Ces sages autour ne t’aident guère
Et la vérité ne vient pas de toi tout seul
Pourtant tu as de la chance
Des autres te regardent aussi
Et ceux-là tu ne les connais pas

Jules Delavigne, Conclusions, 2008

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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty SAINT-POL-ROUX

Message par Rita-kazem Lun 12 Avr - 19:07


P O É S I A





Le magnifique jour où la poésie m'apparut
dans sa plénitude, mon enthousiasme fut projeté d'un reflux de siècles
fanés en un flux de siècles épanouis, sans que j'eusse pour cela cessé
de chevaucher le présent, point d'intersection de ces siècles différents.

Alors que d'avantage en avantage évoluèrent toutes les catégories de l'esprit
humain, celle esthétique m'avait dès longtemps surpris de son outrecuidance
à se garder pareille. Ses instruments, la Poésie les améliora certes,
à moins que d'eux-mêmes ils ne se fussent perfectionnés aux termes d'usure,
mais jamais elle ne sut accroître son Eden propre, principauté stagnante
entre tant de royaumes devenus, et son cercle de beauté se mord toujours
la queue à distances égales du coeur universel.
Parmi la délivrance générale la poésie s'avère tenace recluse, non à cause
de ses bornes verbales, secondaire obstacle, mais en ce sens que ses champions,
asservis à la coutume, refusent de s'aventurer à la conquête de toisons
nouvelles.
Comme si le poète ne devait pas être un prodigieux explorateur de l'Absolu!
poètes & muses en poèmes - Page 3 Poesia1







SAINT-POL-ROUX
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty SAINT-POL-ROUX LE MAGNIFIQUE

Message par Rita-kazem Lun 12 Avr - 19:08

SUITE
Les Muses persistent, hélas ! à danser sur leur
page
d'écrou.
De par l'ignorance ou la lâcheté des poètes, la
Poésie s'enoisive en son geste ordinaire, et l'on estime suffisant
qu'elle saute ainsi que la sauterelle au lieu de s'envoler à la
façon de l'aigle avec mission de ramener une proie de soleil.
De là ces ressassements autour de règles surannées,
de là ce ronron de tradition qui opiace les hommes et engourdit leur
ambition, de là ce devenir paralysé, de là que,
réincarnation, croirait-on, les premiers poètes foulent
encore notre sol et que Virgile aujourd'hui conférencie à
l'Odéon, comme hier Pindare collaborait au Mercure de France, comme
Eschyle palabrera demain en plein air sur de vieilles dalles défouies,
alors que nos orchestres renchérissent sur les lyres, les harpes,
les pipeaux, les chalumeaux, les doubles-flûtes, les tambourins, les
crotales, et que nos armées ne daignent plus utiliser les flèches
parthes ni les redoutables catapultes d'autrefois.
Reconnaissons quelques tentatives d'évasion à l'actif de
Polymnie et de Melpomène, mais il n'y fut sujet que de ranimer des
aciers héroïques ou de jeter des velours sur des épaules
de féerie : on courtise la chimère, la cendre, les os, non
la chair, non la vérité, non la vie.

L'assaut et l'irruption n'ont pas encore

triomphé.
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Re: poètes & muses en poèmes

Message par Rita-kazem Lun 12 Avr - 19:09

SUITE:
Tout donc évolua jusqu'ici, sauf la Poésie.
Oui, tous ont progressé, le juge, le marchand, le mécanicien,
le médecin, le philosophe, le chimiste, le physicien, tous ont
progressé, mais le rapsode et l'aède psalmodient toujours Au
Clair de la Lune et La Marseillaise, ignorant qu'une lente succession d'efforts,
expansionnant d'âge en âge l'énergie poétique,
l'eût rendue capable de splendeurs progressivement lointaines.
Comprendront-ils enfin que la Poésie peut devenir davantage que
l'indicatrice de la Science et qu'elle est la Science elle-même dans
son initialité ?
Signaler n'est-ce pas découvrir ?

Poètes, la poésie s'étiole de fabriquer des chaussons
de lisière, fussent-ils de vair ou de diamant.

Elargissez donc le cercle.
Même si ce cercle petit est cependant assez grand pour se confondre
avec celui du globe, petit lui-même, eh bien ! élargissez-le
jusqu'à ce qu'il enserre l'éternité.

Pour servir l'humanité, sourire ou pleurer sur la terre et dans
l'heure présente ne suffit point, au poète de creuser plus
bas ou de s'élancer plus haut avec la volonté de revenir
chargé d'inattendues trouvailles susceptibles d'enorgueillir le monde.

poètes & muses en poèmes - Page 3 Poesia3
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Alfred GARNEAU :Poète fol

Message par sandrine jillou Lun 12 Avr - 19:55


Poète fol



C'est, par les airs, un entassement sombre
De nuages. Horrible
mont !
L'étang joncheux, miroir d'un val profond,
S'est éteint dans un
reflet d'ombre.

Comme vite au jour pâle vont,
Là-haut, ces vols
d'ailes noires sans nombre !
Un éclair heurte une nuée, et sombre !
Et
tout le ciel en eau se fond...

Mais le poète a doux martel en
tête.
Ses yeux rêveurs ne voient pas la tempête
Ruisseler aux sentiers
couverts,

Ni les vents tordre en un chaos les branches.
Enveloppé de
foudre aux flammes blanches,
Il cisèle, impassible, un vers.
sandrine jillou
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loisirs : écrire, courir, vélo.
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty La Poésie

Message par chadiya madihi Lun 12 Avr - 21:37

A Victor Gérurez

Quand j'entends disputer les hommes
Sur Dieu qu'ils ne pénètrent point,
Je me demande où nous en sommes :
Hélas ! toujours au même point.

Oui, j'entends d'admirables phrases,
Des sons par la bouche ennoblis ;
Mais les mots ressemblent aux vases :
Les plus beaux sont les moins remplis.

Alors, pour me sauver du doute,
J'ouvre un Euclide avec amour ;
Il propose, il prouve, et j'écoute,
Et je suis inondé de jour.

L'évidence, éclair de l'étude,
Jaillit, et me laisse enchanté !
Je savoure la certitude,
Mon seul vrai bonheur, ma santé !

Pareil à l'antique sorcière
Qui met, par le linéament
Qu'elle a tracé dans la poussière,
Un monde obscur en mouvement,

Je forme un triangle : ô merveille !
Le peuple des lois endormi
S'agite avec lenteur, s'éveille
Et se déroule à l'infini.

Avec trois lignes sur le sable
Je connais, je ne doute plus !
Un triangle est donc préférable
Aux mots sonores que j'ai lus ?

Non ! j'ai foi dans la Poésie :
Elle instruit par témérité ;
Elle allume sa fantaisie
Dans tes beaux yeux, ô Vérité !

Si le doigt des preuves détache
Ton voile aux plis multipliés,
Le vent des strophes te l'arrache,
D'un seul coup, de la tête aux pieds.

Et c'est pourquoi, toute ma vie,
Si j'étais poète vraiment,
Je regarderais sans envie
Képler toiser le firmament !
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty René Daumal

Message par magda Mar 13 Avr - 20:41


D'un fruit qu'on laisse pourrir à terre, il peut encore sortir un nouvel arbre. De cet arbre, des fruits nouveaux par centaines.
Mais si le poème est un fruit, le poète n'est pas un arbre. Il vous demande de prendre ses paroles et de les manger sur-le-champ. Car il ne peut, à lui tout seul, produire son fruit. Il faut être deux pour faire un poème. Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant. Le poème qui n'est pas écouté est une semence perdue. Ou encore : celui qui parle est la mère, le poème est l'oeuf et celui qui écoute est fécondateur de l'oeuf. Le poème qui n'est pas écouté devient un oeuf pourri.

C'est à cela que songeait, dans sa prison, un poète condamné à mort. C'était dans un petit pays qui venait d'être envahi par les armées d'un conquérant. On avait arrêté le poète parce que, dans une chanson qu'il chantait sur les routes, il avait comparé la tristesse qui rongeait jusqu'à l'os la chair de son corps aux fumées meurtrières qui avaient brûlé jusqu'au roc la terre de son village.


LES
DERNIERES PAROLES
DU POETE


(Le Contre-Ciel,
Poésie-Gallimard)


poètes & muses en poèmes - Page 3 Daumal
.
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Demain à l'aube il sera pendu.

Message par magda Mar 13 Avr - 20:42

René Daumal

Demain à l'aube il sera pendu.
Mais on lui a fait cette grâce qu'avant de mourir il pourra dire devant le peuple un dernier poème. Il se disait dans son cachot: Jusqu'ici je n'ai fait que des chansons pour amuser. Ce sera mon premier et mon dernier poème.
Je leur dirai
Prenez ces paroles, qu'elles ne soient pas une graine perdue! Couvez mes paroles, faites-les croître, faites-les parler! Mais que leur dirai-je ensuite? Je n'ai qu'un mot à dire, un mot simple comme la foudre. Un mot qui me gonfle le coeur, un mot qui me monte à la gorge, un mot qui tourne dans ma tête comme un lion en cage. Ce n'est pas une parole de paix. Ce n'est pas une parole facile à entendre. Mais elle doit mener à la paix, mais elle doit rendre toute chose facile à entendre, pourvu qu'on la prenne comme la terre reçoit la graine et la nourrit en la tuant. Quand je serai pourri, dans quelques jours, que de ma pourriture sorte un arbre à paroles. Non pas des paroles de paix, non pas des paroles faciles à entendre, mais des paroles de vérité.
poètes & muses en poèmes - Page 3 Domrod4
Mais encore, que leur dirai-je?
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Je ne suis rien:Fernando Pessoa

Message par magda Mar 13 Avr - 20:47

BUREAU DE TABAC






Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien.
Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

Fenêtres de ma chambre,
de ma chambre dans la fourmilière humaine unité ignorée
(et si l'on savait ce qu'elle est, que saurait-on de plus ?),
vous donnez sur le mystère d'une rue au va-et-vient continuel,
sur une rue inaccessible à toutes les pensées,
réelle, impossiblement réelle, précise, inconnaissablement précise,
avec le mystère des choses enfoui sous les pierres et les êtres,
avec la mort qui parsème les murs de moisissure et de cheveux blancs les humains,
avec le destin qui conduit la guimbarde de tout sur la route de rien.

Je suis aujourd'hui vaincu, comme si je connaissais la vérité;
lucide aujourd'hui, comme si j "étais à l'article de la mort,
n'ayant plus d'autre fraternité avec les choses
que celle d'un adieu, cette maison et ce côté de la rue
se muant en une file de wagons, avec un départ au sifflet venu du fond de ma tête,
un ébranlement de mes nerfs et un grincement de mes os qui démarrent.



poètes & muses en poèmes - Page 3 Pesso1



Extrait de
Alvaro de Campos


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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty UN POETE A LA MER

Message par magda Mar 13 Avr - 20:58

UN POETE A LA MER
par Lika Spitzer

RAFAEL ALBERTI (1902-1955)
A l'âge de 96 ans, le grand poète espagnol Rafaël Alberti, un des principaux animateurs de la "génération de 1927" de laquelle sont issues quelques-unes des voix déterminantes de la poésie espagnole de notre temps, a quitté nos rivages.

Claude Couffon, qui fut son ami et son traducteur, l'a évoqué pour nous quelques semaines avant son départ.


La joyeuse Génération de 1927... dont l'oeuvre "va s'épanouir en multiples rameaux étincelants"... ce groupe de jeunes poètes qui s'étaient mis en tête de rendre les honneurs à Luis de Gongora, perd avec Alberti un de ses derniers acteurs et témoins.
1927 : " Le tricentenaire de Gongora approche et l'Académie espagnole semble vouloir passer sous silence l'événement. "Un petit noyau de poètes se mobilise et constitue un Comité d'Hommage : Gerardo Diego, Pedro Salinas, Melchior Fernandez Almagro; les rejoignent Lorca, Bergaimin, Moreno Villa, Antonio Marichalar, Damaso Alonso, Jorge Guillen, José Maria de Cossio... Rafael Alberti se lie d'amitié avec cette turbulente pléiade qui fait la fête en poésie, et il gardera, tout au long d'une existence marquée par la lutte et l'exil, cet état d'esprit qui veut que la poésie soit toujours signe de vie. A quatre-vingt trois ans après de multiples départs , il pourra enfin regagner ce port tant aimé de Santa Maria, " blotti dans l'arc bleuté de la baie de Cadix ".
Durant tous ces voyages, il n'a eu de cesse de chanter cette mer perdue. Rafael Alberti est parmi les poètes de l'exil, un des plus grands.




La mer. La mer.
La mer. Rien que la mer !

Pourquoi m'avoir emmené, père,
à la ville?

Pourquoi m'avoir arraché, père,
à la mer ?

La houle, dans mes songes
me tire par le coeur
comme pour l'entraîner.

O père, pourquoi donc m'avoir
emmené ?
El mar. La mar.
¿Por qué me trajiste, padre,
a la ciudad?
¿Por qué me desenterraste
del mar?
En sueños, la marejada
me tira del corazón.
Se lo quisiera llevar.
Padre, ¿por qué me trajiste
acá?
.
C'est en 1902 que Rafael Alberti est né dans ce Port de Santa Maria, avant qu'à dix ans il ne s'éloigne avec sa famille pour Madrid, où déjà il se sentira comme " un marin échoué sur la terre ". C'est d'abord la peinture qui lui semble le meilleur moyen d'exprimer les images de la beauté qu'il cultive depuis ses promenades sur les chemin côtiers de son village, mais à la mort de son père, il transcrit son trouble en écrivant son premier poème :


... ton corps
long et drapé
comme les statues de la Renaissance,
et quelques fleurs tristes
d'une maladive blancheur
Lui-même, d'une santé fragile, il passe une partie de sa jeunesse confinée dans sa chambre, où il lit et écrit beaucoup : " Je me promis d'oublier ma première vocation Je voulais seulement être poète ". De sa fenêtre, il contemple la silhouette d'une fillette, dont le souvenir se cristallisera plus tard dans certains poèmes du recueil " Marin à Terre " :


La fillette rose, assise.
Et sur sa jupe,
comme une fleur,
l'atlas, ouvert.

Oh, comme je la regardais
voyager, moi, de mon balcon !
La blanche voile de son doigt
partie des îles Canaries
allait mourir dans la mer Noire.
Désireux de connaître l'écho que son œuvre naissante peut susciter auprès d'un jury de poètes confirmés, Rafael envoie son " Marin à Terre " au Concours National de Poésie où siège le père de la poésie espagnole du XXème siècle, Antonio Machado. Il est aussitôt remarqué, gagne le premier prix et devient célèbre du jour au lendemain. Mais c'est quelques années plus tard, avec le recueil "Sur les anges " qu'il commencera a être considéré comme un des plus grands poètes espagnols.


Nostalgie des archanges !
J'étais...
Regardez-moi.

Habillé comme ici-bas,
mes ailes, on ne les voit plus.
Nul ne sait comment je fus.
On ne me reconnaît pas

Dans les rues, qui se souvient ?
"A la même époque" nous dit Claude Couffon, "Neruda écrit Résidence sur Terre" et ces deux recueils, celui du poète chilien qui sera son ami jusqu'à sa mort, et celui d'Alberti, pressentent l'avenir d'une société qui se délite et sur laquelle commence à planer la menace de la guerre.
Dans une poésie dont la forme semble rompre avec l'insouciante clarté de ses premières œuvres, Rafael exorcise une époque où les préoccupations politiques vont prendre le pas sur la contemplation de la nature et l'expression des sentiments.
L'année 1931 voit naître la République Espagnole pour laquelle il s'engage de toute sa poésie et quand la Guerre d'Espagne éclate, il se trouve à Madrid en compagnie de Pablo Neruda, Miguel Hernandez et de quelques autres poète qui vont prendre fait et cause pour le camp républicain.
Iil écrit en particulier "A Galopar", dont Paco Ibanez fera, en le chantant, l'un des hymnes de la lutte des Républicains ainsi que le poème ci-après, dédia "A Niebla", qui n'était autre que son petit chien offert par Neruda et dont le nom signifie brouillard:


"Niebla", toi tu ne comprends pas : c'est ce que
chantent tes oreilles,
le tabac innocent, naïf, de ton regard
et les longs flamboiements que dans le bois tu laisses,
en sautant, tendre éclair de rien échevelé.

Regarde ces chiens troubles, orphelins, circonspects,
qui, surgissant soudain des brumes déchirées,
traînent dans leurs timides pas désorientés
tout le récent effroi de leur maison en ruine.

Malgré ces fugaces voitures, sans convoi,
qui transportent la mort dans un caisse nue ;
et malgré cet enfant qui observe, réjoui,
la bataille là-haut, qui aurait pu l'assassiner ;

malgré le meilleur compagnon perdu, malgré
ma sordide famille qui ne comprend pas
ce que j'aurais voulu surtout qu'elle eût compris,
et malgré cet ami qui déserte et nous vend ;

"Niebla", mon camarade,
tu n'en sais rien, bien sûr, mais il nous reste encore,
au milieu de cette héroïque peine bombardée,
la foi, qui est la joie ; la foi : la joie, la joie.
Alberti va ensuite retrouver Neruda à Paris puis par pour l'Argentine où il retrouvera son ami et éditeur Losada. Il y vivra en compagnie de sa femme, Maria Teresa Leone, et de sa fille, Aïtana, non pas à Buenos-Aires, mais dans la pampa ce qui lui donnera la nostalgie des paysages d'Andalousie :


Je suis si seul parfois, je suis si seul
et même si pauvre et si triste ! Si oublié !
Voilà comment j'aimerais demander l'aumône
sur mes plages natales, au long de mes campagnes.
Donnez à celui qui revient un petit bout
de lumière tranquille, un ciel paisible. S'il vous plaît,
la charité ! Vous ne savez plus qui je suis...
Et je vous demande si peu... Donnez-moi quelque chose
Mais cette nostalgie ne va pas parfois sans une tendre autodérision :


A cinquante ans, aujourd'hui j'ai ma bicyclette.
Beaucoup ont un yacht
et beaucoup plus encore ont une automobile ;
il en est même beaucoup qui ont déjà un avion.

Mais moi,
à cinquante ans tout juste, je n'ai qu'une bicyclette... "
" Alors ", poursuit Claude Couffon, "il est resté quelque chose comme dix-huit ans en exil à Buenos Aires. Et je dirais que, pour les réfugiés espagnols de cette époque-là, Rafael Alberti c'était leur poète, celui qui chantait leur exil. Ils se réunissaient tous à Montparnasse, au Dôme ou à la Coupole, et je retrouvais toujours à ce moment-là Miguel Asturias et les autres. Tous les soirs, à 5 heures, ils refaisaient la Guerre d'Espagne. "
Mais dans ce siècle tourmenté, l'Argentine n'est pas exempte de troubles politiques : Péron prend le pouvoir, Miguel Asturias est arrêté et Rafael Alberti quitte l'Argentine pour l'Italie. Il y écrit des poèmes où, comme en contrepoint de la beauté des paysages, resurgissent avec acuité les blessures de l'exil et les tragédies politiques et humaines. En Espagne, la dictature franquiste s'éternise et continue de faire des victimes. En décembre 1970, à Burgos, six militants basques sont condamnés à mort et exécutés. En septembre 1973, au Chili, c'est la mort de l'ami, celle de son "frère" Pablo Neruda, quelques jours après le coup d'État de Pinochet.


temps triste, temps féroce
de condamnations à mort qui se prolongent en
hurlements et en sanglots
On ne peut plus dormir et si l'on dort
le sommeil est une prison fermée à double tour. "
Le 20 novembre 1975, Franco meurt. Le jeune roi d'Espagne, Juan Carlos, de passage à Rome demande à Alberti de revenir dans son pays. A l'aéroport de Barajas, il déclare à ceux qui l'accueillent : "Je suis parti le poing fermé car c'était le temps de la guerre et je reviens la main ouverte, tendue à l'amitié de tous. "
Ensuite est venu le temps des hommages et des honneurs dans son pays natal retrouvé.

Lika Spitzer, d'après une conférence au Club des Poètes de Claude Couffon.
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Souvenirs

Message par chadiya madihi Mer 14 Avr - 14:11

LES SOUVENIRS




Il est des mots et des images qui restent gravées à jamais

Comme un album de souvenir, dans ma mémoire ils sont stockés.

Certains évoques des moments tendres,

D’autres moins doux se font entendre.





Mais même dans les moments tristesse

Ce ne sont plus des mots qui blessent

Ils ont perdu leur fils tranchants

Ils ne font plus souffrir autant.





Sans doute ai-je assimilé

Toutes ces choses qui font pleurer

Et dans le livre de ma vie

Que je feuillette quand vient la nuit





Je me surprends à constater

Les moments sombres sont fanés

Ils déambulent dans mes pensées

Noyés dans un brouillard épais.





Alors que les moments bonheur

Eux, ont su garder leur splendeur

Je peux sentir encore la joie

Que j’éprouvais ces moments là





Alors que les douleurs vilaines

Passent par là et puis s’éteignent.

C’est un peu comme les nuages

Qui passent sans qu’il y ait l’orage.





Ils restent des pages vierges à mon livre

Où j’y mettrais les moments à vivre

Et je sais parce que j’ai appris

Au fil des jours et de ma vie





Que les épreuves qui m’attendent

Viendront aux pages se suspendrent

Et que mes heures de bonheur

Y mettrons leur touche de couleur.





Bien plus tard quand je serai vieille

Ce livre sera ma merveille

Je pourrai venir y relire

Les pleurs de ma vie, et les rires





Avec un air mélancolie,

Je penserai à ses soucis

Mais avec une grande sagesse

Je savourerai ma vieillesse.





Oh oui les peines font grandir

Et font parties des souvenirs

Parce que la vie est ainsi faite

De belle victoires et défaites.







Gourmande



















































































































Josie_Gourmande
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Muses, adieu...

Message par Rita-kazem Mer 14 Avr - 22:14





  • Jacques TAHUREAU (1527-1555)

Muses, adieu, et votre chant jazard



Muses, adieu, et votre chant jazard !
Adieu Phoebus, et ma fière déesse !
Livres, adieu, adieu la tourbe espesse
De mes amys, adieu tout jeu mignard !

Adieu guiterre, adieu luth babillard,
Toute harmonie et tout son de liesse,
Gemmes, parfums, et toute gentillesse,
Tout lieu hanté, tout ombrage à l'écart !

Ainsy la mort, par une blanche voye,
Droit me conduise en l'eternelle joye,
Entre les dieux, au beau sejour du ciel.

Ainsy ma foy chascun amant contemple,
Et tendrement gemissant prenne exemple
De ne tremper ses douceurs dans le fiel.
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Jean moréas-Les Stances Livre 2- Muse, comment sa

Message par magda Mar 20 Avr - 20:51

Muse, comment sais-tu de ces heures sinistres
Tisser un jour vermeil,
Comment à l' unisson fais-tu sonner les sistres
Dans un discord pareil ?



Ah ! Sur ton Pinde encor se peut-il que je sache
Me frayer un chemin,
Et ton laurier sacré, faut-il que je l' arrache
De cette impure main ?
magda
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Jean moréas- Beaux présents que la muse

Message par magda Mar 20 Avr - 20:53

Beaux présents que la muse, hélas ! M' accorde encore,
O mes vers, autrefois
Vous étiez, au jardin, la fleur qui vient d' éclore
Et l' oiseau dans les bois ;



Vous étiez le ruisseau quand le soleil l' égaie
Et s' en fait un miroir.
Et maintenant, mes vers, d' une mortelle plaie
Vous êtes le sang noir !
magda
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Sophie d' ARBOUVILLE:La jeune fille et l'ange de la poésie

Message par Rita-kazem Mer 21 Avr - 8:27


  • Sophie d' ARBOUVILLE (1810-1850)

La jeune fille et l'ange de la poésie



(extrait)

- L'ange reste près d'elle ; il sourit à ses pleurs,
Et resserre les noeuds de ses chaînes de fleurs ;
Arrachant une plume à son aile azurée,
Il la met dans la main qui s'était retirée.
En vain, elle résiste, il triomphe... il sourit...
Laissant couler ses pleurs, la jeune femme écrit.
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Max WALLER: C'est ainsi

Message par Rita-kazem Mer 21 Avr - 8:34


  • Max WALLER (1860-1889)

C'est ainsi



Faire des vers, des vers gamins,
Et rire, et rire, et rire encore,
Et, comme un pierrot qui picore,
Cueillir leurs parfums aux jasmins ;

Forger des vers comme des armes,
Pointus, effilés, sans merci,
Ou, pour expier son souci,
Égrener des ave de larmes,

C'est bon supérieurement
Et tout le reste est journalisme ;
La strophe d'or est comme un prisme
Où s'irise le firmament.

Et crevât-on, phtisique et blême,
Avec des recors à la clé,
Le violon qu'on a raclé
Laisse des notes en nous-même.

La flûte, avec ses quatre trous,
Quatre regards de mélodie,
Quand elle est triste, psalmodie
Comme un martyr sous les verrous ;

Et rien n'y fait, ni les gendarmes,
Ni les huissiers, ni les tailleurs ;
L'air de flûte a toujours des larmes
En attendant des jours meilleurs !
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Allusion aux poètes:Odilon-Jean Périer

Message par Rita-kazem Ven 23 Avr - 8:34

Allusion aux poètes



Désireux de tenir l'été dans ma demeure
je tue un lièvre gras et l'emporte au cellier.
Le goût de la saison s'y cache tout entier
avec l'odeur de l'herbe et ses voix les meilleures.


Sans doute, ce trésor sera bientôt pillé
et comme des raisins les mouches violentes
naîtront dans sa fourrure aujourd'hui rayonnante.
- Mais c'est une leçon qu'on ne peut oublier.

Car, mon ami, si tu implores les poètes,
ils vont te révéler de dangereuses fêtes :
puisant dans leur mémoire une vive beauté,

ils composent des vers où brille la souffrance
et montrent, orgueilleux de leur grande opulence,
quelque poème lourd comme un lièvre tué.
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Odilon-Jean Périer :Les pieds nus de ma poésie

Message par Rita-kazem Ven 23 Avr - 8:35

Les pieds nus de ma poésie




Les pieds nus de ma poésie
Ont peu de poids
Cherche la trace de ses pas
Sur cette eau tranquille
Comme un visage éclairé


Toute puissance agenouillée
Chanson matinale

Il brille
Une étoile toute nouvelle
Et la chanson la plus belle
Est celle que j'ai chantée
Pour accepter ces minutes
Où mon bonheur se décide

Où toute chose s'arrête

A la merci d'un beau vers
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Marie-Caroline QUILLET:Ce qu'il faut au poète

Message par fayssal morad Sam 24 Avr - 15:31


  • Marie-Caroline QUILLET (1835-1867)

Ce qu'il faut au poète


Enfant de la nature,
Il lui faut ses bouquets ;
Ses tapis de verdure
Et l'or de ses guérets.

Mais il faut au poète
Des rythmes inconnus,
Les clartés du prophète
Et les nuits de Jésus.

Il lui faut des études
Aux aspects infinis :
D'austères solitudes
Pour nourrir ses esprits.

C'est là que le génie,
Au souffle créateur,
Infiltre l'harmonie
Dans le front du penseur..
fayssal morad
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Le Poème:Jean Joseph Rabearivelo

Message par Rita-kazem Ven 30 Avr - 20:38

Le Poème.
Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
ô langue de mes morts,
paroles pour chant, pour désigner
les idées que l’esprit a depuis longtemps conçues
et qui naissent enfin et grandissent
avec des mots pour langes-
des mots lourds encore de l’imprécision de l’alphabet,
et qui ne peuvent pas encore danser avec le vocabulaire,
n’étant pas encore aussi souples que les phrases ordonnées,
mais qui chantent déjà aux lèvres
comme un essaim de libellules bleues au bord d’un fleuve
salue le soir.

Paroles pour chant, dis-tu, paroles pour chant,
paroles pour chant, pour désigner
le frêle écho du chant intérieur
qui s’amplifie et retentit,
tentant de charmer le silence du livre
et les landes de la mémoire,
ou les rives désertes des lèvres
et l’angoisse des coeurs.

Et les paroles deviennent de plus en plus vivantes,
que tu croyais en quête du Chant;
mais elles deviennent aussi de plus en plus fluides et ténues,
comme cette brise qui vient des palmiers lointains
pour mourir sur les cimes sourcilleuses.
Elles deviennent davantage des chants,
elles deviennent elles-mêmes- ce qu’elles ont toujours été
jusqu’ici, en vérité.
Et je voudrais changer, je voudrais rectifier
et dire:
chants en quête de paroles
pour peupler le silence du livre
et planter les landes de la mémoire,
ou pour semer des fleurs aux rives désertes des lèvres
et délivrer les coeurs,
ô langue de mes morts
qui te modules aux lèvres d’un vivant
comme les lianes qui fleurissent les tombeaux.
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty SONNET AU LECTEUR:Henry Murger

Message par Rita-kazem Dim 2 Mai - 13:04

Ami lecteur, qui viens d' entrer dans la boutique
Où l' on vend ce volume, et qui l' as acheté
Sans marchander d' un sou, malgré son prix modique,
Sois béni, bon lecteur, dans ta postérité !

Que ton épouse reste économe et pudique ;
Que le fruit de son sein soit ton portrait flatté
Sans retouche ; -et, pareille à la matrone antique,
Qu' elle marque le linge et fasse bien le thé !

Que ton cellier soit plein du vin de la comète !
Qu' on ne t' emprunte pas d' argent, -et qu' on t' en prête !
Que le brelan te suive autour des tapis verts ;

Et qu' un jour sur ta tombe, en marbre de Carrare,
Un burin d' or inscrive- hic jacet -l' homme rare
Qui payait d' un écu trois cents pages de vers !
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty André CHÉNIER : Voilà ce que chantait aux Naïades

Message par Rita-kazem Lun 3 Mai - 15:19


  • André CHÉNIER (1762-1794)

Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines



Voilà ce que chantait aux Naïades prochaines
Ma Muse jeune et fraîche, amante des fontaines,
Assise au fond d'un antre aux nymphes consacré,
D'acanthe et d'aubépine et de lierre entouré.
L'Amour, qui l'écoutait caché dans le feuillage,
Sortit, la salua Sirène du bocage.
Ses blonds cheveux flottants par lui furent pressés
D'hyacinthe et de myrte en couronne tressés :
" Car ta voix, lui dit-il, est douce à mon oreille,
" Autant que le cytise à la mielleuse abeille. "
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty André CHÉNIER : Ô Muses

Message par Rita-kazem Lun 3 Mai - 15:24


  • André CHÉNIER (1762-1794)

Ô Muses, accourez ; solitaires divines



Ô Muses, accourez ; solitaires divines,
Amantes des ruisseaux, des grottes, des collines !
Soit qu'en ses beaux vallons Nîme égare vos pas ;
Soit que de doux pensers, en de riants climats,
Vous retiennent aux bords de Loire ou de Garonne ;
Soit que, parmi les choeurs de ces nymphes du Rhône,
La lune, sur les prés où son flambeau vous luit,
Dansantes, vous admire au retour de la nuit ;
Venez. J'ai fui la ville aux Muses si contraire,
Et l'écho fatigué des clameurs du vulgaire.
Sur les pavés poudreux d'un bruyant carrefour
Les poétiques fleurs n'ont jamais vu le jour.
Le tumulte et les cris font fuir avec la lyre
L'oisive rêverie au suave délire ;
Et les rapides chars et leurs cercles d'airain
Effarouchent les vers, qui se taisent soudain.
Venez. Que vos bontés ne me soient point avares.

Mais, oh ! faisant de vous mes pénates, mes lares,
Quand pourrai-je habiter un champ qui soit à moi !
Et, villageois tranquille, ayant pour tout emploi
Dormir et ne rien faire, inutile poëte,
Goûter le doux oubli d'une vie inquiète !
Vous savez si toujours, dès mes plus jeunes ans,
Mes rustiques souhaits m'ont porté vers les champs ;
Si mon coeur dévorait vos champêtres histoires,
Cet âge d'or si cher à vos doctes mémoires,
Ces fleuves, ces vergers, Éden aimé des cieux
Et du premier humain berceau délicieux ;
L'épouse de Booz, chaste et belle indigente,
Qui suit d'un pas tremblant la moisson opulente ;
Joseph, qui dans Sichem cherche et retrouve, hélas !
Ses dix frères pasteurs qui ne l'attendaient pas ;
Rachel, objet sans prix qu'un amoureux courage
N'a pas trop acheté de quinze ans d'esclavage.
Oh ! oui, je veux un jour, en des bords retirés,
Sur un riche coteau ceint de bois et de prés,
Avoir un humble toit, une source d'eau vive
Qui parle, et dans sa fuite et féconde et plaintive
Nourrisse mon verger, abreuve mes troupeaux.
Là je veux, ignorant le monde et ses travaux,
Loin du superbe ennui que l'éclat environne,
Vivre comme jadis, aux champs de Babylone,
Ont vécu, nous dit-on, ces pères des humains
Dont le nom aux autels remplit nos fastes saints ;
Avoir amis, enfants, épouse belle et sage ;
Errer, un livre en main, de bocage en bocage ;
Savourer sans remords, sans crainte, sans désirs,
Une paix dont nul bien n'égale les plaisirs.

Douce mélancolie ! aimable mensongère,
Des antres, des forêts déesse tutélaire,
Qui vient d'une insensible et charmante langueur
Saisir l'ami des champs et pénétrer son coeur,
Quand, sorti vers le soir des grottes reculées,
Il s'égare à pas lents au penchant des vallées,
Et voit des derniers feux le ciel se colorer,
Et sur les monts lointains un beau jour expirer.
Dans sa volupté sage, et pensive et muette,
Il s'assied, sur son sein laisse tomber sa tête.
Il regarde à ses pieds, dans le liquide azur
Du fleuve qui s'étend comme lui calme et pur,
Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages,
Et la pourpre en festons couronnant les nuages.
Il revoit près de lui, tout à coup animés,
Ces fantômes si beaux, de nos coeurs tant aimés,
Dont la troupe immortelle habite sa mémoire
Julie, amante faible et tombée avec gloire ;
Clarisse, beauté sainte où respire le ciel,
Dont la douleur ignore et la haine et le fiel,
Qui souffre sans gémir, qui périt sans murmure ;
Clémentine adorée, âme céleste et pure,
Qui, parmi les rigueurs d'une injuste maison,
Ne perd point l'innocence en perdant la raison.
Mânes aux yeux charmants, vos images chéries
Accourent occuper ses belles rêveries ;
Ses yeux laissent tomber une larme. Avec vous
Il est dans vos foyers, il voit vos traits si doux.
A vos persécuteurs il reproche leur crime.
Il aime qui vous aime, il hait qui vous opprime.
Mais tout à coup il pense, ô mortels déplaisirs !
Que ces touchants objets de pleurs et de soupirs
Ne sont peut-être, hélas ! que d'aimables chimères,
De l'âme et du génie enfants imaginaires.
Il se lève, il s'agite à pas tumultueux ;
En projets enchanteurs il égare ses voeux :
Il ira le coeur plein d'une image divine,
Chercher si quelques lieux ont une Clémentine,
Et dans quelque désert, loin des regards jaloux,
La servir, l'adorer et vivre à ses genoux.
Rita-kazem
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Jean-Baptiste Caouette

Message par Najat Ven 7 Mai - 18:00

A MES POÉSIES:Jean-Baptiste Caouette (1854-1922)


C'en est fait maintenant, pareil aux hirondelles,
Partez; qu'un même but vous retrouve fidèles.
Et moi, pourvu qu'en vos combats
De votre foi nul coeur ne doute,
Et qu'une âme en secret écoute
Ce que vous lui direz tout bas...
***


Ah! mes pauvres oiseaux que j'élevais en cage,
Mésanges dont les chants dissipaient ma douleur!
En essaim vous volez vers un riant bocage
Sans savoir que l'aspic se cache sous la fleur...

Pourquoi donc avez-vous ainsi quitté ma chambre
Où le mil et l'amour vous étaient prodigués?
Et votre nid moelleux toujours chaud quand décembre
Saccage la ramure où trônaient vos aînés?
Ivres de liberté, de gloire d'aventure:
Eh! oui, voilà l'appât qui fascine et capture
Si souvent les oiseaux... et même les humains!
1er Avril 1892.





Source: http://www.poesies.net
Najat
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty Jean-Baptiste Caouette

Message par Najat Ven 7 Mai - 18:01

Jean-Baptiste Caouette (1854-1922)
A L'AUTEUR


Oui, puisqu'il plût à Dieu de te faire poète,
Courage donc, jeune homme, au front plein de fierté!
Et, malgré les clameurs de la foule inquiète,
Redis-nous plus souvent tes chants de piété.

Chante aussi nos forêts, notre rive coquette,
La jeunesse, l'amour et les beaux soirs d'été;
Exalte les grands noms que l'Histoire répète,
Célèbre les aïeux, chante la liberté!

Chante avec les ruisseaux, les oiseaux et la brise.
Rappelle-toi toujours que l'art nous civilise
Et fait naître l'espoir dans tout coeur ulcéré.

Souviens-toi que chacun se doit à sa patrie,
Et que l'homme oubliant son talent, son génie,
Est indigne d'avoir au front ce feu sacré.
W...
Août 1877




RÉPONSE


Penser avant d'écrire est un principe exprès:
Il est trop d'écrivains qui ne pensent qu'après...


Ayant ces deux beaux vers gravés dans la mémoire,
Je devrais, n'est-ce pas? en faire mon profit;
Mais le désir d'écrire, hélas! parfois me fit
Oublier ce conseil d'un écrivain notoire!

Dis ton mea culpa, car tes vers m'ont fait croire
Que j'étais un poète et même un érudit...
Alors, ai-je besoin de me creuser l'esprit
Avant d'écrire? oh! non-pour d'autres cette histoire...

Soudain je m'aperçois que ma vilaine lyre
Ne rend que des sons creux... Allons, avant d'écrire,
J'aurais dû, mon ami, penser et repenser!

Désormais je mettrai ce précepte en pratique,
Ainsi je serai moins mordu par la critique
Dont la terrible dent ne cherche qu'à blesser!

Août 1877.
Najat
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poètes & muses en poèmes - Page 3 Empty François Coppée-Serment

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:11

Serment

O poëte trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir & s'animer?

N'importe! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse & de tout assouvie
L'amour qui rajeunit, console & purifie,
Et je devrais encor la bénir & l'aimer.

Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle;
J'aimerai ma douleur, puisqu'elle viendra d'elle
Qui chassa de mon sein la honte & le remord.

Vierge dont les regards me tiennent sous leurs charmes,
Si tu me fais pleurer, je bénirai mes larmes,
Si tu me fais mourir, je bénirai la mort!
chayma
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loisirs : lecture,marche, cuisine
Humeur : Printanière
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