Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
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Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Veillées Poétiques Et Morales
Par Pierre Marie François Louis Baour-Lormian (1770-1854)
PREMIERE VEILLEE
L'astre des nuits se lève. à sa pâle lumière
Tout change, se confond dans la nature entière;
Et mon oeil, entouré de prestiges divers,
Voit dans l'ombre s'étendre un magique univers.
Ce rocher sourcilleux n'est plus un bloc informe;
C'est un monstre, un géant d'une stature énorme.
Ces chênes, ces sapins, confusément épars,
En dômes arrondis, élevés en remparts,
D'une ville aux cent tours me retracent l'image.
Que le souffle des vents agite le feuillage,
Il me semble aussitôt que de lointains accords
S'élèvent tristement sur la tombe des morts.
La superstition, qu'exalte le silence,
Sur le mortel crédule à minuit se balance.
L'enfant du nord, errant au sein des bois profonds,
Des esprits lumineux, des sylphes vagabonds,
Rois au sceptre de fleurs, à l'écharpe légère,
Voit descendre du ciel la foule mensongère.
Dans la coupe d'un lis tout le jour enfermés,
Et le soir, s'échappant par groupes embaumés,
Aux rayons de la lune ils viennent en cadence
Sur l'émail des gazons entrelacer leur danse;
Et de leurs blonds cheveux, dégagés de liens,
Les zéphyrs font rouler les flots aériens.
Ô surprise! Bientôt dans la forêt antique
S'élève, se prolonge un palais fantastique,
Immense, rayonnant du cristal le plus pur.
Tout le peuple lutin, sous ces parvis d'azur
Vient déposer des luths, des roses pour trophées;
Vient marier ses pas aux pas brillants des fées,
Et boire l'hydromel qui pétille dans l'or,
Jusqu'à l'heure où du jour l'éclat douteux encor,
Dissipant cette troupe inconstante et folâtre,
La ramène captive en sa prison d'albâtre.
Plus loin, au pied d'un mont obscurci de vapeurs,
Sous le chêne d'Odin, les trois fatales soeurs,
Monstres que le danois en frémissant adore,
Au fracas du torrent, aux feux du météore,
D'un breuvage fatal commencent les apprêts.
Quel est le roi puissant que menacent leurs traits?
Un poignard à la main, pâles, échevelées,
Elles chantent. Leur voix rugit dans les vallées;
Et les spectres, du fond des sombres monuments,
Accourent éveillés par leurs enchantements.
Que dis-je? Ah! Des tombeaux franchissant la barrière,
Si les morts, en effet, rendus à la lumière,
Reviennent quelquefois errer autour de nous,
Ô ma mère! ô ma soeur! Spectres charmants et doux,
À cette heure de paix quand ma voix vous appelle,
Pourquoi reposez-vous dans la nuit éternelle?
Mais du fatal sommeil qui s'endort une fois
De la tombe jamais ne soulève le poids.
Tout est calme. Zéphyr m'apporte sur son aile,
Avec l'esprit des fleurs, les sons de Philomèle:
Tandis que, par ses chants de tristesse et d'amour,
Les bois sont consolés de l'absence du jour,
Que fait l'homme, ce roi dont la force ou l'audace
De la terre et du ciel lui soumettaient l'espace?
Naguère à la clarté d'un soleil radieux,
Il étendait partout ses soins laborieux,
Du poids de ses vaisseaux chargeait l'onde inconstante,
Emprisonnait les vents dans la voile flottante,
Parcourait l'univers en monarque indompté,
Et semblait le remplir de son immensité.
Que fait l'homme? Au repos son ame s'abandonne;
Il abdique un moment sa brillante couronne;
Le sommeil sur son front épanche des pavots,
Et lui verse l'oubli de ses mâles travaux.
Mais quoi! Tous les mortels sans trouble, sans alarmes,
Du repos, à longs traits, savourent-ils les charmes?
Par Pierre Marie François Louis Baour-Lormian (1770-1854)
PREMIERE VEILLEE
L'astre des nuits se lève. à sa pâle lumière
Tout change, se confond dans la nature entière;
Et mon oeil, entouré de prestiges divers,
Voit dans l'ombre s'étendre un magique univers.
Ce rocher sourcilleux n'est plus un bloc informe;
C'est un monstre, un géant d'une stature énorme.
Ces chênes, ces sapins, confusément épars,
En dômes arrondis, élevés en remparts,
D'une ville aux cent tours me retracent l'image.
Que le souffle des vents agite le feuillage,
Il me semble aussitôt que de lointains accords
S'élèvent tristement sur la tombe des morts.
La superstition, qu'exalte le silence,
Sur le mortel crédule à minuit se balance.
L'enfant du nord, errant au sein des bois profonds,
Des esprits lumineux, des sylphes vagabonds,
Rois au sceptre de fleurs, à l'écharpe légère,
Voit descendre du ciel la foule mensongère.
Dans la coupe d'un lis tout le jour enfermés,
Et le soir, s'échappant par groupes embaumés,
Aux rayons de la lune ils viennent en cadence
Sur l'émail des gazons entrelacer leur danse;
Et de leurs blonds cheveux, dégagés de liens,
Les zéphyrs font rouler les flots aériens.
Ô surprise! Bientôt dans la forêt antique
S'élève, se prolonge un palais fantastique,
Immense, rayonnant du cristal le plus pur.
Tout le peuple lutin, sous ces parvis d'azur
Vient déposer des luths, des roses pour trophées;
Vient marier ses pas aux pas brillants des fées,
Et boire l'hydromel qui pétille dans l'or,
Jusqu'à l'heure où du jour l'éclat douteux encor,
Dissipant cette troupe inconstante et folâtre,
La ramène captive en sa prison d'albâtre.
Plus loin, au pied d'un mont obscurci de vapeurs,
Sous le chêne d'Odin, les trois fatales soeurs,
Monstres que le danois en frémissant adore,
Au fracas du torrent, aux feux du météore,
D'un breuvage fatal commencent les apprêts.
Quel est le roi puissant que menacent leurs traits?
Un poignard à la main, pâles, échevelées,
Elles chantent. Leur voix rugit dans les vallées;
Et les spectres, du fond des sombres monuments,
Accourent éveillés par leurs enchantements.
Que dis-je? Ah! Des tombeaux franchissant la barrière,
Si les morts, en effet, rendus à la lumière,
Reviennent quelquefois errer autour de nous,
Ô ma mère! ô ma soeur! Spectres charmants et doux,
À cette heure de paix quand ma voix vous appelle,
Pourquoi reposez-vous dans la nuit éternelle?
Mais du fatal sommeil qui s'endort une fois
De la tombe jamais ne soulève le poids.
Tout est calme. Zéphyr m'apporte sur son aile,
Avec l'esprit des fleurs, les sons de Philomèle:
Tandis que, par ses chants de tristesse et d'amour,
Les bois sont consolés de l'absence du jour,
Que fait l'homme, ce roi dont la force ou l'audace
De la terre et du ciel lui soumettaient l'espace?
Naguère à la clarté d'un soleil radieux,
Il étendait partout ses soins laborieux,
Du poids de ses vaisseaux chargeait l'onde inconstante,
Emprisonnait les vents dans la voile flottante,
Parcourait l'univers en monarque indompté,
Et semblait le remplir de son immensité.
Que fait l'homme? Au repos son ame s'abandonne;
Il abdique un moment sa brillante couronne;
Le sommeil sur son front épanche des pavots,
Et lui verse l'oubli de ses mâles travaux.
Mais quoi! Tous les mortels sans trouble, sans alarmes,
Du repos, à longs traits, savourent-ils les charmes?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Non, ministre d'un dieu, l'équitable sommeil
Vient punir des forfaits qu'éclaira le soleil.
Le crime, tourmenté de noires rêveries,
S'agite, se débat sous le fouet des furies.
L'innocence respire un air pur et serein;
L'espoir, la douce paix habitent dans son sein;
Et ces enfans du ciel, sur son front qui repose,
Versent tous les parfums de leurs ailes de rose.
Maintenant échappés de leurs antres secrets,
Les brigands réunis veillent dans les forêts:
L'oeil sombre, et respirant une homicide joie,
À travers ces détours ils attendent leur proie.
Un bruit lointain les frappe... ils s'arment... ciel vengeur!
Sous leur couteau de mort tombe le voyageur...
Voyez-vous, au milieu de la plaine rustique,
L'herbe haute flottant sur ce tombeau gothique?
Non loin d'un vieux manoir s'élèvent ses débris;
Lorsque le voyageur, par l'orage surpris,
Vient se réfugier au sein de ces décombres,
Il voit, à ses côtés, errer de pâles ombres;
Et sitôt que les vents et la foudre ont cessé,
Il s'éloigne interdit, muet, d'horreur glacé,
Et n'ose raconter quels étranges mystères
Se passent dans la nuit de ces murs solitaires.
Un ange de pudeur, d'innocence et d'amour,
Azémire, autrefois habitait ce séjour.
Edvin idolâtrait sa grace enchanteresse,
Et la jeune beauté partageait sa tendresse.
Vient punir des forfaits qu'éclaira le soleil.
Le crime, tourmenté de noires rêveries,
S'agite, se débat sous le fouet des furies.
L'innocence respire un air pur et serein;
L'espoir, la douce paix habitent dans son sein;
Et ces enfans du ciel, sur son front qui repose,
Versent tous les parfums de leurs ailes de rose.
Maintenant échappés de leurs antres secrets,
Les brigands réunis veillent dans les forêts:
L'oeil sombre, et respirant une homicide joie,
À travers ces détours ils attendent leur proie.
Un bruit lointain les frappe... ils s'arment... ciel vengeur!
Sous leur couteau de mort tombe le voyageur...
Voyez-vous, au milieu de la plaine rustique,
L'herbe haute flottant sur ce tombeau gothique?
Non loin d'un vieux manoir s'élèvent ses débris;
Lorsque le voyageur, par l'orage surpris,
Vient se réfugier au sein de ces décombres,
Il voit, à ses côtés, errer de pâles ombres;
Et sitôt que les vents et la foudre ont cessé,
Il s'éloigne interdit, muet, d'horreur glacé,
Et n'ose raconter quels étranges mystères
Se passent dans la nuit de ces murs solitaires.
Un ange de pudeur, d'innocence et d'amour,
Azémire, autrefois habitait ce séjour.
Edvin idolâtrait sa grace enchanteresse,
Et la jeune beauté partageait sa tendresse.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Ce jour que, dès long-temps, appellent tous leurs voeux,
Le beau jour de l'hymen va se lever pour eux;
Et cependant Edvin à s'éloigner s'apprête.
Eh quoi! De notre hymen on dispose la fête,
Dit Azémire en pleurs, et tu veux me quitter? -
Du devoir le plus saint il me faut acquitter,
Lui répond son amant. Une mère adorée
Ne doit pas embellir cette pompe sacrée.
Tremblante sous le poids et des maux et des ans,
Elle ne peut bénir les noeuds de ses nfans. -
Eh bien, je vais la voir; je l'entendrai moi-même
Solliciter pour nous la clémence suprême.
Demain, béni par elle, et plus digne de toi,
Demain, avant minuit, j'aurai reçu ta foi.
Il dit, et part. Soudain, plaintive, solitaire,
Azémire ressent un trouble involontaire;
Mais un plus doux espoir est rentré dans son sein.
Qu'ai-je à craindre? Dit-elle: il reviendra demain.
Des ombres de la nuit déjà tout s'environne:
Azémire au repos, heureuse, s'abandonne,
Et les songes d'amour enchantent son sommeil.
Le lendemain ses yeux, à l'instant du réveil,
S'étonnèrent de voir l'aurore accoutumée
Se montrer sans éclat, sans fraîcheur embaumée:
Un voile triste, sombre, enveloppait les cieux,
Et l'oiseau du matin restait silencieux.
Oh! Combien Azémire, en son inquiétude,
Accuse de ce jour la longue solitude!
Le beau jour de l'hymen va se lever pour eux;
Et cependant Edvin à s'éloigner s'apprête.
Eh quoi! De notre hymen on dispose la fête,
Dit Azémire en pleurs, et tu veux me quitter? -
Du devoir le plus saint il me faut acquitter,
Lui répond son amant. Une mère adorée
Ne doit pas embellir cette pompe sacrée.
Tremblante sous le poids et des maux et des ans,
Elle ne peut bénir les noeuds de ses nfans. -
Eh bien, je vais la voir; je l'entendrai moi-même
Solliciter pour nous la clémence suprême.
Demain, béni par elle, et plus digne de toi,
Demain, avant minuit, j'aurai reçu ta foi.
Il dit, et part. Soudain, plaintive, solitaire,
Azémire ressent un trouble involontaire;
Mais un plus doux espoir est rentré dans son sein.
Qu'ai-je à craindre? Dit-elle: il reviendra demain.
Des ombres de la nuit déjà tout s'environne:
Azémire au repos, heureuse, s'abandonne,
Et les songes d'amour enchantent son sommeil.
Le lendemain ses yeux, à l'instant du réveil,
S'étonnèrent de voir l'aurore accoutumée
Se montrer sans éclat, sans fraîcheur embaumée:
Un voile triste, sombre, enveloppait les cieux,
Et l'oiseau du matin restait silencieux.
Oh! Combien Azémire, en son inquiétude,
Accuse de ce jour la longue solitude!
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Lentement il se traîne, et son heureux déclin
A donné le signal de l'approche d'Edvin.
La jeune amante alors, par l'espoir embellie,
Respire des langueurs de sa mélancolie;
On s'empresse autour d'elle, et l'art ingénieux
Se plaît à la parer de cent dons précieux.
Les perles et les fleurs, avec goût mariées,
Se courbent sur sa tête en tresses variées;
Et sa soeur, au regard pudique et virginal,
Attache sur son sein le bouquet nuptial.
On ouvre cependant la gothique chapelle,
Les flambeaux consacrés dont l'autel étincelle,
L'encens, les vases d'or, le prêtre du seigneur,
Tout n'attend plus qu'Edvin. Mais, par sa jeune soeur
Dans la pieuse enceinte, Azémire amenée
A voulu devancer l'heure de l'hyménée;
Elle a voulu prier le monarque éternel
De jeter sur Edvin un regard paternel.
Tout le hameau voisin, rassemblé dans le temple,
Forme des voeux pour elle, et prie à son exemple.
Edvin ne revient pas... qui l'arrête, grand dieu!
Quel obstacle jaloux l'éloigne du saint lieu?
L'heure fuit... Azémire, à l'autel prosternée,
Se tait, et n'ose encor se croire abandonnée.
Enfin, ne cachant plus le trouble qui la suit....
L'horloge du château frappait alors minuit:
Le son lugubre roule et meurt dans l'étendue.
Mais au faîte sacré la cloche suspendue
D'elle-même s'ébranle, et semble avec effort
Tinter les cris du meurtre et le glas de la mort.
A donné le signal de l'approche d'Edvin.
La jeune amante alors, par l'espoir embellie,
Respire des langueurs de sa mélancolie;
On s'empresse autour d'elle, et l'art ingénieux
Se plaît à la parer de cent dons précieux.
Les perles et les fleurs, avec goût mariées,
Se courbent sur sa tête en tresses variées;
Et sa soeur, au regard pudique et virginal,
Attache sur son sein le bouquet nuptial.
On ouvre cependant la gothique chapelle,
Les flambeaux consacrés dont l'autel étincelle,
L'encens, les vases d'or, le prêtre du seigneur,
Tout n'attend plus qu'Edvin. Mais, par sa jeune soeur
Dans la pieuse enceinte, Azémire amenée
A voulu devancer l'heure de l'hyménée;
Elle a voulu prier le monarque éternel
De jeter sur Edvin un regard paternel.
Tout le hameau voisin, rassemblé dans le temple,
Forme des voeux pour elle, et prie à son exemple.
Edvin ne revient pas... qui l'arrête, grand dieu!
Quel obstacle jaloux l'éloigne du saint lieu?
L'heure fuit... Azémire, à l'autel prosternée,
Se tait, et n'ose encor se croire abandonnée.
Enfin, ne cachant plus le trouble qui la suit....
L'horloge du château frappait alors minuit:
Le son lugubre roule et meurt dans l'étendue.
Mais au faîte sacré la cloche suspendue
D'elle-même s'ébranle, et semble avec effort
Tinter les cris du meurtre et le glas de la mort.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Le vent se lève, gronde autour de ces portiques,
Pénètre, en tourbillon, sous les voûtes gothiques,
Et de l'autel divin renverse tous les feux:
L'horreur sur chaque front fait dresser les cheveux.
Hors du temple aussitôt la foule répandue
Entraîne, dans ses flots, Azémire éperdue.
Tout fuit, tout l'abandonne à ses justes frayeurs.
Mais, que dis-je? Insensible à force de douleurs,
La vierge, solitaire, errant ainsi qu'une ombre,
Précipite ses pas à travers la nuit sombre.
Non loin du vieux château s'étend un bois obscur,
Muet, impénétrable aux rayons d'un jour pur.
Jamais sous cette voûte immense, ténébreuse,
L'oiseau n'a soupiré sa romance amoureuse;
Seulement de l'orfraie on entend quelquefois
En sons mourants et sourds s'y prolonger la voix;
Et le reptile, au pied de ces vertes murailles,
De son corps, en sifflant, promène les écailles.
C'est là, c'est vers ces lieux d'horreur environnés,
Qu'Azémire, adressant ses pas désordonnés,
Porte son désespoir, ou plutôt son délire.
Étrangère à l'effroi qu'un tel séjour inspire,
Elle marche au hasard, lorsque du bois épais
Un hurlement lointain trouble l'affreuse paix:
Il redouble.... il s'approche.... ô surprise soudaine!
Azémire, est-ce Edvin que le ciel te ramène?
Pénètre, en tourbillon, sous les voûtes gothiques,
Et de l'autel divin renverse tous les feux:
L'horreur sur chaque front fait dresser les cheveux.
Hors du temple aussitôt la foule répandue
Entraîne, dans ses flots, Azémire éperdue.
Tout fuit, tout l'abandonne à ses justes frayeurs.
Mais, que dis-je? Insensible à force de douleurs,
La vierge, solitaire, errant ainsi qu'une ombre,
Précipite ses pas à travers la nuit sombre.
Non loin du vieux château s'étend un bois obscur,
Muet, impénétrable aux rayons d'un jour pur.
Jamais sous cette voûte immense, ténébreuse,
L'oiseau n'a soupiré sa romance amoureuse;
Seulement de l'orfraie on entend quelquefois
En sons mourants et sourds s'y prolonger la voix;
Et le reptile, au pied de ces vertes murailles,
De son corps, en sifflant, promène les écailles.
C'est là, c'est vers ces lieux d'horreur environnés,
Qu'Azémire, adressant ses pas désordonnés,
Porte son désespoir, ou plutôt son délire.
Étrangère à l'effroi qu'un tel séjour inspire,
Elle marche au hasard, lorsque du bois épais
Un hurlement lointain trouble l'affreuse paix:
Il redouble.... il s'approche.... ô surprise soudaine!
Azémire, est-ce Edvin que le ciel te ramène?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Regarde, reconnais ce Médor tant chéri,
Compagnon de son maître et par ses mains nourri....
La lune, en ce moment, sur le bois homicide
Laissait tomber à peine un jour sombre et livide.
De son dernier malheur osant douter encor,
À travers la forêt, sur les pas de Médor,
Azémire s'élance. Enfin Médor s'arrête.
Azémire!... la foudre éclate sur sa tête.
Quel objet! Son Edvin meurtri, défiguré!...
Elle attache sur lui son oeil désespéré,
Horriblement sourit, et de ses mains tremblantes
Parcourt, semble compter les blessures sanglantes.
" éveille-toi, dit-elle, il est tard.... à l'autel
On nous attend tous deux.... quel silence mortel!
Edvin, ouvre les yeux.... reconnais Azémire!...
Comme ton sein est froid!... " sa voix alors expire:
Elle chancelle, tombe, et bientôt la douleur
Décompose ses traits, presse et brise son coeur.
Le jour parut enfin. Loin de ces lieux funestes
Du couple malheureux on emporta les restes.
Le château paternel s'enveloppe de deuil;
La guirlande d'hymen entoure le cercueil;
Et la mer, rugissant autour des funérailles,
D'un insensible flot bat ces tristes murailles.
Compagnon de son maître et par ses mains nourri....
La lune, en ce moment, sur le bois homicide
Laissait tomber à peine un jour sombre et livide.
De son dernier malheur osant douter encor,
À travers la forêt, sur les pas de Médor,
Azémire s'élance. Enfin Médor s'arrête.
Azémire!... la foudre éclate sur sa tête.
Quel objet! Son Edvin meurtri, défiguré!...
Elle attache sur lui son oeil désespéré,
Horriblement sourit, et de ses mains tremblantes
Parcourt, semble compter les blessures sanglantes.
" éveille-toi, dit-elle, il est tard.... à l'autel
On nous attend tous deux.... quel silence mortel!
Edvin, ouvre les yeux.... reconnais Azémire!...
Comme ton sein est froid!... " sa voix alors expire:
Elle chancelle, tombe, et bientôt la douleur
Décompose ses traits, presse et brise son coeur.
Le jour parut enfin. Loin de ces lieux funestes
Du couple malheureux on emporta les restes.
Le château paternel s'enveloppe de deuil;
La guirlande d'hymen entoure le cercueil;
Et la mer, rugissant autour des funérailles,
D'un insensible flot bat ces tristes murailles.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
SECONDE VEILLEE
Comme sur la prairie au matin arrosée
Étincelle et s'épand une fraîche rosée,
Qui bientôt en vapeurs remonte vers les cieux;
Ainsi ma jeune soeur a brillé sous mes yeux.
Toi que j'appelle en vain, durant la nuit obscure,
Emma, toi de mon coeur éternelle blessure,
Hélas! Où retrouver ton sourire charmant,
Ton entretien si doux, ton folâtre enjoûment?
Qui me rendra ces jours de paix et d'innocence,
Où l'un et l'autre, à peine en notre adolescence,
Par les mêmes penchans nos coeurs prompts à s'unir,
Des roses du bonheur couronnaient l'avenir?
Dans ce monde désert, mon oeil te cherche encore.
Comme un lis virginal qui passe avec l'aurore,
Belle et le front couvert des ombres de la mort,
Ta défaillante voix me dit avec effort:
" je n'ai vu qu'un matin. Le vent de la tempête
Autour de moi se lève, et fait ployer ma tête.
Demain, ce beau soleil, ô regrets superflus!
Brillera pour un monde où je ne serai plus:
Il nous faut séparer; et déjà ma paupière.....
Ô d'un si chaste amour qui t'aimera, mon frère? "
Depuis ce jour fatal je pleure son trépas,
Et ne vois point la tombe ouverte sous mes pas.
Oui, telle est ici-bas notre démence extrême;
L'homme dans l'esclavage, ou ceint du diadême,
Jouet des passions, du monde et de son coeur,
Flotte de peine en peine, et d'erreur en erreur:
Et pourtant je ne sais quel instinct déplorable
L'invite à prolonger le tourment qui l'accable.
Tel qu'on voit d'Ispahan le ver laborieux
Tresser d'un réseau d'or le fil industrieux;
Tel l'homme s'environne, au déclin de la vie,
De ses voiles brillants, tissus par la folie.
Un pied dans le cercueil, n'ose-t-il pas encor
Donner à ses désirs un chimérique essor;
Et soi-même excusant cette lâche faiblesse,
Pour l'avenir douteux réserver la sagesse?
Quand un sang généreux fait palpiter son sein;
Séduite par l'éclat d'un jour pur et serein,
La jeunesse s'embarque, et follement ravie,
Brave, dans ses écueils, le détroit de la vie.
Dans sa fougueuse ardeur tout lui semble permis.
Les astres, les saisons et les vents sont amis;
Mais l'ouragan se lève et l'éclair étincelle.
La tempête poursuit l'imprudente nacelle,
Et, trompant les efforts des jeunes matelots,
Les précipite, en foule, au sein des vastes flots.
Qui put leur inspirer un tel excès d'audace?
Devaient-ils de la mort oublier la menace?
Comme sur la prairie au matin arrosée
Étincelle et s'épand une fraîche rosée,
Qui bientôt en vapeurs remonte vers les cieux;
Ainsi ma jeune soeur a brillé sous mes yeux.
Toi que j'appelle en vain, durant la nuit obscure,
Emma, toi de mon coeur éternelle blessure,
Hélas! Où retrouver ton sourire charmant,
Ton entretien si doux, ton folâtre enjoûment?
Qui me rendra ces jours de paix et d'innocence,
Où l'un et l'autre, à peine en notre adolescence,
Par les mêmes penchans nos coeurs prompts à s'unir,
Des roses du bonheur couronnaient l'avenir?
Dans ce monde désert, mon oeil te cherche encore.
Comme un lis virginal qui passe avec l'aurore,
Belle et le front couvert des ombres de la mort,
Ta défaillante voix me dit avec effort:
" je n'ai vu qu'un matin. Le vent de la tempête
Autour de moi se lève, et fait ployer ma tête.
Demain, ce beau soleil, ô regrets superflus!
Brillera pour un monde où je ne serai plus:
Il nous faut séparer; et déjà ma paupière.....
Ô d'un si chaste amour qui t'aimera, mon frère? "
Depuis ce jour fatal je pleure son trépas,
Et ne vois point la tombe ouverte sous mes pas.
Oui, telle est ici-bas notre démence extrême;
L'homme dans l'esclavage, ou ceint du diadême,
Jouet des passions, du monde et de son coeur,
Flotte de peine en peine, et d'erreur en erreur:
Et pourtant je ne sais quel instinct déplorable
L'invite à prolonger le tourment qui l'accable.
Tel qu'on voit d'Ispahan le ver laborieux
Tresser d'un réseau d'or le fil industrieux;
Tel l'homme s'environne, au déclin de la vie,
De ses voiles brillants, tissus par la folie.
Un pied dans le cercueil, n'ose-t-il pas encor
Donner à ses désirs un chimérique essor;
Et soi-même excusant cette lâche faiblesse,
Pour l'avenir douteux réserver la sagesse?
Quand un sang généreux fait palpiter son sein;
Séduite par l'éclat d'un jour pur et serein,
La jeunesse s'embarque, et follement ravie,
Brave, dans ses écueils, le détroit de la vie.
Dans sa fougueuse ardeur tout lui semble permis.
Les astres, les saisons et les vents sont amis;
Mais l'ouragan se lève et l'éclair étincelle.
La tempête poursuit l'imprudente nacelle,
Et, trompant les efforts des jeunes matelots,
Les précipite, en foule, au sein des vastes flots.
Qui put leur inspirer un tel excès d'audace?
Devaient-ils de la mort oublier la menace?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Eh! Comment oublier qu'il nous faut tour-à-tour
Passer les sombres bords qu'on passe sans retour?
Par quel enchantement, quelle erreur criminelle,
L'homme ne voit-il pas, hideuse sentinelle,
À sa porte veiller l'inexorable mort?
Elle crie... il l'entend, s'éveille, et... se rendort!
De maux et de périls cette terre semée
En un champ de bataille est en vain transformée:
En vain aux yeux de l'homme, et jusqu'à ses côtés,
Mille braves soldats tombent ensanglantés;
En vain du trait fatal il est atteint lui-même;
Pâle et déjà touchant à son heure suprême,
Prêt à s'offrir sans voile aux yeux de l'éternel,
Environné de morts, il se croit immortel.
Ô fol aveuglement! Qu'un vieillard de notre âge,
Chancelant et courbé, s'offre à notre passage;
Notre oeil sur ce terrible et fidèle miroir
S'arrête indifférent, et ne sait rien y voir.
Ce front chauve, ces traits que les rides sillonnent,
Tous ces pas que la mort et la tombe environnent,
Nous les voyons sans trouble; et, gais comme à vingt ans,
Ce vieillard, disons-nous, ne vivra pas long-temps.
Passer les sombres bords qu'on passe sans retour?
Par quel enchantement, quelle erreur criminelle,
L'homme ne voit-il pas, hideuse sentinelle,
À sa porte veiller l'inexorable mort?
Elle crie... il l'entend, s'éveille, et... se rendort!
De maux et de périls cette terre semée
En un champ de bataille est en vain transformée:
En vain aux yeux de l'homme, et jusqu'à ses côtés,
Mille braves soldats tombent ensanglantés;
En vain du trait fatal il est atteint lui-même;
Pâle et déjà touchant à son heure suprême,
Prêt à s'offrir sans voile aux yeux de l'éternel,
Environné de morts, il se croit immortel.
Ô fol aveuglement! Qu'un vieillard de notre âge,
Chancelant et courbé, s'offre à notre passage;
Notre oeil sur ce terrible et fidèle miroir
S'arrête indifférent, et ne sait rien y voir.
Ce front chauve, ces traits que les rides sillonnent,
Tous ces pas que la mort et la tombe environnent,
Nous les voyons sans trouble; et, gais comme à vingt ans,
Ce vieillard, disons-nous, ne vivra pas long-temps.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Accablés, comme lui, de tourments et d'années,
Nous espérons encor de longues destinées;
Nous croyons (et tel est notre malheureux sort)
Que l'homme à force d'ans triomphe de la mort.
Mais lorsqu'autour d'un lit où veillent les alarmes,
Le coeur gros de soupirs et l'oeil noyé de larmes,
Debout près d'un ami qui lutte vainement
Contre toute l'horreur de son dernier moment,
Nous soutenons en pleurs sa tête qui succombe,
S'échappe de nos bras et penche vers la tombe,
Alors le charme cesse; alors, autour de nous,
La terreur épaissit un nuage jaloux;
Nous perdons des plaisirs la trace fugitive,
Et d'un monde riant la douce perspective.
Avertis du néant de nos illusions,
Dans notre sein glacé meurent les passions;
Mais le cercueil à peine a dévoré sa proie,
Un ascendant fatal nous ramène à la joie.
Dans nos yeux obscurcis roulent encor des pleurs,
Et déjà l'allégresse habite dans nos coeurs.
Nous devenons bientôt pour l'ami le plus tendre
Aussi froids que le marbre où repose sa cendre,
Plus étrangers à lui que ces troupeaux errants
Qui sur son lit de mort paissent indifférents.
Où va ce jeune amant, troublé, hors de lui-même?
Hélas! Le malheureux a perdu ce qu'il aime.
Les parfums du matin et l'or de ses rayons
Se jouant sur la plaine et la cime des monts,
La paix des champs, les soins de l'amitié fidèle,
Rien ne distrait son ame et sa langueur mortelle;
Pour lui tout est muet, triste dans l'univers.
Les cieux d'un voile sombre à peine sont couverts;
Il dirige ses pas vers l'enceinte sacrée
Où dort de nos aïeux la cendre révérée.
Nous espérons encor de longues destinées;
Nous croyons (et tel est notre malheureux sort)
Que l'homme à force d'ans triomphe de la mort.
Mais lorsqu'autour d'un lit où veillent les alarmes,
Le coeur gros de soupirs et l'oeil noyé de larmes,
Debout près d'un ami qui lutte vainement
Contre toute l'horreur de son dernier moment,
Nous soutenons en pleurs sa tête qui succombe,
S'échappe de nos bras et penche vers la tombe,
Alors le charme cesse; alors, autour de nous,
La terreur épaissit un nuage jaloux;
Nous perdons des plaisirs la trace fugitive,
Et d'un monde riant la douce perspective.
Avertis du néant de nos illusions,
Dans notre sein glacé meurent les passions;
Mais le cercueil à peine a dévoré sa proie,
Un ascendant fatal nous ramène à la joie.
Dans nos yeux obscurcis roulent encor des pleurs,
Et déjà l'allégresse habite dans nos coeurs.
Nous devenons bientôt pour l'ami le plus tendre
Aussi froids que le marbre où repose sa cendre,
Plus étrangers à lui que ces troupeaux errants
Qui sur son lit de mort paissent indifférents.
Où va ce jeune amant, troublé, hors de lui-même?
Hélas! Le malheureux a perdu ce qu'il aime.
Les parfums du matin et l'or de ses rayons
Se jouant sur la plaine et la cime des monts,
La paix des champs, les soins de l'amitié fidèle,
Rien ne distrait son ame et sa langueur mortelle;
Pour lui tout est muet, triste dans l'univers.
Les cieux d'un voile sombre à peine sont couverts;
Il dirige ses pas vers l'enceinte sacrée
Où dort de nos aïeux la cendre révérée.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Sous la voûte des pins et des cyprès en deuil,
Tel qu'un spectre échappé des ombres du cercueil,
Il s'avance: nul bruit ne trouble son passage;
Mais non: un rossignol, transfuge du bocage,
Des arbres de la mort habite les rameaux,
Et de ses chants d'amour console les tombeaux.
L'infortuné frémit: la pierre sépulcrale,
Qui presse de son poids la beauté virginale,
Vient frapper ses regards!..., et lui, pâle, sans pleurs,
En mots désordonnés exhale ses douleurs:
" une tombe! Voilà ce qui me reste d'elle!
M'abandonner,.... mourir et si jeune et si belle!
Tout repose; il fait nuit... nous sommes seuls... c'est moi;
Tu m'as quitté, cruelle! Et cependant pour toi
Chaque aurore, de fleurs la tête couronnée,
Se levait, dans le ciel, riante et fortunée,
De mes jours importuns que faire désormais?
Non, tu n'as pu connaître à quel point je t'aimais.
Oh! Quel voile funèbre enveloppe tes charmes!
Et ces hommes cruels me reprochent mes larmes!
Contre mon désespoir je les vois tous s'unir;
Tous veulent de mon coeur chasser ton souvenir.
Moi, t'oublier... jamais... " il dit: serment frivole!
Avec rapidité le temps fuit et s'envole.
Cet amant consolé des maux qu'il a soufferts,
Parjure envers sa foi, brigue de nouveaux fers,
Et craignant de la mort la leçon salutaire,
Il ne visite plus la tombe solitaire.
Tel qu'un spectre échappé des ombres du cercueil,
Il s'avance: nul bruit ne trouble son passage;
Mais non: un rossignol, transfuge du bocage,
Des arbres de la mort habite les rameaux,
Et de ses chants d'amour console les tombeaux.
L'infortuné frémit: la pierre sépulcrale,
Qui presse de son poids la beauté virginale,
Vient frapper ses regards!..., et lui, pâle, sans pleurs,
En mots désordonnés exhale ses douleurs:
" une tombe! Voilà ce qui me reste d'elle!
M'abandonner,.... mourir et si jeune et si belle!
Tout repose; il fait nuit... nous sommes seuls... c'est moi;
Tu m'as quitté, cruelle! Et cependant pour toi
Chaque aurore, de fleurs la tête couronnée,
Se levait, dans le ciel, riante et fortunée,
De mes jours importuns que faire désormais?
Non, tu n'as pu connaître à quel point je t'aimais.
Oh! Quel voile funèbre enveloppe tes charmes!
Et ces hommes cruels me reprochent mes larmes!
Contre mon désespoir je les vois tous s'unir;
Tous veulent de mon coeur chasser ton souvenir.
Moi, t'oublier... jamais... " il dit: serment frivole!
Avec rapidité le temps fuit et s'envole.
Cet amant consolé des maux qu'il a soufferts,
Parjure envers sa foi, brigue de nouveaux fers,
Et craignant de la mort la leçon salutaire,
Il ne visite plus la tombe solitaire.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Plus fidèle que lui, sitôt que le printemps
Fait ondoyer des bois les panaches flottants,
Le même rossignol vient, dans la même enceinte,
Soupirer, près des morts, sa douleur et sa plainte.
Si l'homme seul du moins subissait le trépas!
Mais tous ses monuments ne lui survivront pas;
Une seconde fois il meurt dans sa statue,
Et sous la faux du temps son ombre est abattue.
Homme, empire, tout meurt: où retrouver encor
Babylone, Corinthe, et la cité d'Hector?
Elles ont disparu. Reine pâle et terrible!
Ô mort! Ouvre à mes yeux la profondeur horrible
Du gouffre où, dans la nuit, flottent tes étendards.
Que de glaives rompus! Que de spectres épars!
Mon souffle seul perdu dans cet espace immense,
D'un écho de la mort réveille le silence;
Et le ver du sépulcre, effrayé par ma voix,
Ronge plus sourdement la dépouille des rois.
Mais qu'ai-je dit? Au fond d'un vaste mausolée,
Sur la pierre funèbre, et de mousse voilée,
L'homme a-t-il donc besoin, pour deviner son sort,
D'attacher ses regards et de lire la mort?
C'est en vain qu'il la fuit; il la trouve à toute heure;
L'artiste la suspend au sein de sa demeure.
Ces bronzes animés, ces portraits glorieux
Où son oeil voit revivre une foule d'aïeux,
Décorent ses lambris, relèvent leur richesse,
Et, comme des flatteurs, chatouillent sa faiblesse.
Fait ondoyer des bois les panaches flottants,
Le même rossignol vient, dans la même enceinte,
Soupirer, près des morts, sa douleur et sa plainte.
Si l'homme seul du moins subissait le trépas!
Mais tous ses monuments ne lui survivront pas;
Une seconde fois il meurt dans sa statue,
Et sous la faux du temps son ombre est abattue.
Homme, empire, tout meurt: où retrouver encor
Babylone, Corinthe, et la cité d'Hector?
Elles ont disparu. Reine pâle et terrible!
Ô mort! Ouvre à mes yeux la profondeur horrible
Du gouffre où, dans la nuit, flottent tes étendards.
Que de glaives rompus! Que de spectres épars!
Mon souffle seul perdu dans cet espace immense,
D'un écho de la mort réveille le silence;
Et le ver du sépulcre, effrayé par ma voix,
Ronge plus sourdement la dépouille des rois.
Mais qu'ai-je dit? Au fond d'un vaste mausolée,
Sur la pierre funèbre, et de mousse voilée,
L'homme a-t-il donc besoin, pour deviner son sort,
D'attacher ses regards et de lire la mort?
C'est en vain qu'il la fuit; il la trouve à toute heure;
L'artiste la suspend au sein de sa demeure.
Ces bronzes animés, ces portraits glorieux
Où son oeil voit revivre une foule d'aïeux,
Décorent ses lambris, relèvent leur richesse,
Et, comme des flatteurs, chatouillent sa faiblesse.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Hélas! Il ne voit pas, de son néant charmé,
Qu'il respire au milieu d'un peuple inanimé.
Le monarque superbe, à qui tout rend hommage,
Voudrait fuir, à son tour, cette importune image:
En vain, pour s'étourdir sur ses derniers instants,
Il s'entoure de jeux, de hochets éclatants:
En vain dans ses banquets tout son faste s'étale.
Le spectre affreux s'assied à la table royale;
Et, convive sanglant, d'un oeil plein de courroux,
Il désigne la place où tomberont ses coups.
Qu'est ce monde lui-même? Un tombeau sans mesure.
La terre des vivants, rebelle à la culture,
Ingrate et s'endormant dans son oisiveté,
À la destruction doit la fécondité.
La substance des morts dans ses veines fermente.
Quelle poussière, ô ciel! N'a pas été vivante?
La bêche et la charrue, en nos jardins fleuris,
De nos aïeux en poudre exhument les débris.
Avec l'or des moissons ils flottent et s'unissent
Au pain réparateur dont leurs fils se nourrissent.
Quand l'ame, rappelée au trône de son dieu,
Monte et vole vers lui sur des ailes de feu,
Le soleil de nos corps boit la flamme éthérée,
La terre en ressaisit la dépouille altérée,
Et tous les éléments se disputent entr'eux
D'un souverain détruit les restes malheureux
Ma vue, à cet aspect, d'épouvante glacée....
Ciel! La mort est partout, hors dans notre pensée.
Qu'il respire au milieu d'un peuple inanimé.
Le monarque superbe, à qui tout rend hommage,
Voudrait fuir, à son tour, cette importune image:
En vain, pour s'étourdir sur ses derniers instants,
Il s'entoure de jeux, de hochets éclatants:
En vain dans ses banquets tout son faste s'étale.
Le spectre affreux s'assied à la table royale;
Et, convive sanglant, d'un oeil plein de courroux,
Il désigne la place où tomberont ses coups.
Qu'est ce monde lui-même? Un tombeau sans mesure.
La terre des vivants, rebelle à la culture,
Ingrate et s'endormant dans son oisiveté,
À la destruction doit la fécondité.
La substance des morts dans ses veines fermente.
Quelle poussière, ô ciel! N'a pas été vivante?
La bêche et la charrue, en nos jardins fleuris,
De nos aïeux en poudre exhument les débris.
Avec l'or des moissons ils flottent et s'unissent
Au pain réparateur dont leurs fils se nourrissent.
Quand l'ame, rappelée au trône de son dieu,
Monte et vole vers lui sur des ailes de feu,
Le soleil de nos corps boit la flamme éthérée,
La terre en ressaisit la dépouille altérée,
Et tous les éléments se disputent entr'eux
D'un souverain détruit les restes malheureux
Ma vue, à cet aspect, d'épouvante glacée....
Ciel! La mort est partout, hors dans notre pensée.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
TROISIEME VEILLEE
Qu'il est puissant, cet être architecte des mondes,
Qui, peuplant du chaos les ténèbres fécondes,
Fit éclore le jour, fit bouillonner les mers,
Alluma le soleil, dessina l'univers;
Et de ces astres d'or roulant dans leur carrière,
Prodigua, sous ses pieds, la brillante poussière!
Où commence, où finit le travail de ses mains?
Vers quels lieux inconnus des fragiles humains,
De la création accomplissant l'ouvrage,
A-t-il dit aux esprits qui lui rendent hommage:
" enfants du ciel, ici s'arrêtent mes travaux;
Je n'enfanterai plus de prodiges nouveaux? "
Nuit, de tant de trésors sage dépositaire,
Qui portes dans ton sein le monde planétaire,
Dis-moi, ne puis-je voir le monarque éternel
Assis dans son repos auguste et solennel?
Et vous, au char du pôle étoiles attelées,
Toi, brillant Orion, vous, pléiades voilées,
Où faut-il diriger mes pas et mon ardeur,
Pour contempler ce dieu dans toute sa splendeur?
Mais en vain, chaque nuit, mon zèle vous implore;
Dans ces lieux qu'embellit une éternelle aurore
Vous voyez votre maître, et ne trahissez pas
Le secret de l'enceinte où s'impriment ses pas.
L'enfant de Sybaris veille encore dans l'ombre:
Est-ce pour admirer les prodiges sans nombre
Qu'étale, à nos regards, la splendeur de la nuit?
Non, non; la volupté, dont l'attrait le séduit,
Le promène au milieu de ses fêtes impies.
De profanes beautés, rivales des Harpies,
Se disputent son or, l'abreuvent tour-à-tour
Du filtre, des poisons d'un impudique amour;
Et le soleil, levé pour éclairer le monde,
Le retrouve abruti par la débauche immonde.
Arrête, malheureux! Si ton coeur abattu
N'est pas sourd à ma voix et mort à la vertu,
Lève les yeux au ciel, qu'épouvante ton crime,
Et contemple, avec moi, sa majesté sublime.
S'il te faut des parvis et des dômes brillants
Où l'or se mêle aux feux des cristaux vacillants,
Viens sous la voûte immense où Dieu posa son trône;
Et pour Jérusalem renonce à Babylone.
Vois l'astre au front d'argent: son éclat tempéré
Charme ton oeil vers lui mollement attiré:
Plus doux que le soleil il caresse ta vue,
Et te laisse jouir d'une scène imprévue.
Vois comme ses rayons tremblent sur les ruisseaux,
Mêlent l'albâtre au vert des jeunes arbrisseaux,
Se glissent, divisés, à travers le feuillage,
Et blanchissent au loin les roses du bocage.
Qu'il est puissant, cet être architecte des mondes,
Qui, peuplant du chaos les ténèbres fécondes,
Fit éclore le jour, fit bouillonner les mers,
Alluma le soleil, dessina l'univers;
Et de ces astres d'or roulant dans leur carrière,
Prodigua, sous ses pieds, la brillante poussière!
Où commence, où finit le travail de ses mains?
Vers quels lieux inconnus des fragiles humains,
De la création accomplissant l'ouvrage,
A-t-il dit aux esprits qui lui rendent hommage:
" enfants du ciel, ici s'arrêtent mes travaux;
Je n'enfanterai plus de prodiges nouveaux? "
Nuit, de tant de trésors sage dépositaire,
Qui portes dans ton sein le monde planétaire,
Dis-moi, ne puis-je voir le monarque éternel
Assis dans son repos auguste et solennel?
Et vous, au char du pôle étoiles attelées,
Toi, brillant Orion, vous, pléiades voilées,
Où faut-il diriger mes pas et mon ardeur,
Pour contempler ce dieu dans toute sa splendeur?
Mais en vain, chaque nuit, mon zèle vous implore;
Dans ces lieux qu'embellit une éternelle aurore
Vous voyez votre maître, et ne trahissez pas
Le secret de l'enceinte où s'impriment ses pas.
L'enfant de Sybaris veille encore dans l'ombre:
Est-ce pour admirer les prodiges sans nombre
Qu'étale, à nos regards, la splendeur de la nuit?
Non, non; la volupté, dont l'attrait le séduit,
Le promène au milieu de ses fêtes impies.
De profanes beautés, rivales des Harpies,
Se disputent son or, l'abreuvent tour-à-tour
Du filtre, des poisons d'un impudique amour;
Et le soleil, levé pour éclairer le monde,
Le retrouve abruti par la débauche immonde.
Arrête, malheureux! Si ton coeur abattu
N'est pas sourd à ma voix et mort à la vertu,
Lève les yeux au ciel, qu'épouvante ton crime,
Et contemple, avec moi, sa majesté sublime.
S'il te faut des parvis et des dômes brillants
Où l'or se mêle aux feux des cristaux vacillants,
Viens sous la voûte immense où Dieu posa son trône;
Et pour Jérusalem renonce à Babylone.
Vois l'astre au front d'argent: son éclat tempéré
Charme ton oeil vers lui mollement attiré:
Plus doux que le soleil il caresse ta vue,
Et te laisse jouir d'une scène imprévue.
Vois comme ses rayons tremblent sur les ruisseaux,
Mêlent l'albâtre au vert des jeunes arbrisseaux,
Se glissent, divisés, à travers le feuillage,
Et blanchissent au loin les roses du bocage.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Du globe des vivants, du terrestre horizon,
Détache, à cet aspect, ton coeur et ta raison;
Suis mes pas sans effroi: viens; nouveaux Prométhées,
Dérobons tous leurs feux aux voûtes argentées;
Et, nous applaudissant de ce noble larcin,
Réveillons la vertu qui dort en notre sein.
Entre au fond du brasier où la foudre s'allume,
Où de l'éclair naissant bouillonne le bitume;
Mesure sans pâlir, dans son orbe trompeur,
Cet astre vagabond qu'exagère la peur;
Qui, les cheveux épars et la queue enflammée,
S'offre comme un fantôme à la terre alarmée.
Dans son horrible éclat, vois un ciel orageux;
Ou plutôt, affranchi du tourbillon fangeux
Qui pesait sur ton ame et la tenait captive,
Dans un ciel tout d'azur que ta vue attentive,
S'égarant, au hasard, de beautés en beautés,
Compte du firmament les berceaux enchantés.
L'allégresse, l'amour, dans ton coeur se confondent.
Tu viens parler aux cieux, et les cieux te répondent.
Quels sublimes objets! Quel luxe ravissant!
Le jour n'a qu'un soleil à l'horizon naissant;
Et de mille soleils la nuit est éclairée.
Mille astres à ma vue interdite, égarée,
Épanchent â la fois des torrents lumineux
Qui, sans les fatiguer, éblouissent mes yeux.
Innombrables soleils, vous planètes errantes,
Et de lois et de moeurs familles différentes,
Qu'importe, dites-moi, cet amas fastueux?
Palais aérien, temple majestueux,
Loges-tu l'éternel?... insensé! Quelle audace!
Dès que je nomme Dieu, toute pompe s'efface.
Détache, à cet aspect, ton coeur et ta raison;
Suis mes pas sans effroi: viens; nouveaux Prométhées,
Dérobons tous leurs feux aux voûtes argentées;
Et, nous applaudissant de ce noble larcin,
Réveillons la vertu qui dort en notre sein.
Entre au fond du brasier où la foudre s'allume,
Où de l'éclair naissant bouillonne le bitume;
Mesure sans pâlir, dans son orbe trompeur,
Cet astre vagabond qu'exagère la peur;
Qui, les cheveux épars et la queue enflammée,
S'offre comme un fantôme à la terre alarmée.
Dans son horrible éclat, vois un ciel orageux;
Ou plutôt, affranchi du tourbillon fangeux
Qui pesait sur ton ame et la tenait captive,
Dans un ciel tout d'azur que ta vue attentive,
S'égarant, au hasard, de beautés en beautés,
Compte du firmament les berceaux enchantés.
L'allégresse, l'amour, dans ton coeur se confondent.
Tu viens parler aux cieux, et les cieux te répondent.
Quels sublimes objets! Quel luxe ravissant!
Le jour n'a qu'un soleil à l'horizon naissant;
Et de mille soleils la nuit est éclairée.
Mille astres à ma vue interdite, égarée,
Épanchent â la fois des torrents lumineux
Qui, sans les fatiguer, éblouissent mes yeux.
Innombrables soleils, vous planètes errantes,
Et de lois et de moeurs familles différentes,
Qu'importe, dites-moi, cet amas fastueux?
Palais aérien, temple majestueux,
Loges-tu l'éternel?... insensé! Quelle audace!
Dès que je nomme Dieu, toute pompe s'efface.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
L'univers, comme un point, disparaît devant moi,
Et le sujet se perd dans l'éclat de son roi.
Faut-il donc s'étonner qu'aux jours de l'ignorance,
Ces astres, qui des dieux offrent la ressemblance,
Aient usurpé l'encens des crédules mortels?
Le sage, dans son coeur, leur dresse des autels,
Et, contemplant du ciel la majesté suprême,
Au milieu de la nuit se demande à lui-même:
" quel art dut présider à ce dôme éclatant,
Sur un fleuve d'azur, sans orage flottant?
Rien dans tous ses rapports n'annonce l'indigence.
La sagesse, le choix, l'ordre, l'intelligence,
Savamment confondus, brillent de toutes parts;
Un seul lien unit tant de mondes épars.
Ô surprise! Tandis qu'un mouvement rapide
Les emporte à travers cet océan limpide,
Que tout part, va, revient, se balance, s'étend,
Roule, vole, et se suit dans un ordre constant,
Quel silence profond règne sur la nature!
Quelle main de ces corps éleva la stature?
Quel invisible bras, par la force conduit,
Sema d'or et de feux les déserts de la nuit,
De ces astres roulants étendit la surface,
Et versa leurs rayons au milieu de l'espace,
Plus nombreux mille fois que les sables des mers,
Les perles du matin, les flocons des hivers,
Et tous ces flots qu'au sein des villes consumées
Promène l'incendie aux ailes enflammées?
Et le sujet se perd dans l'éclat de son roi.
Faut-il donc s'étonner qu'aux jours de l'ignorance,
Ces astres, qui des dieux offrent la ressemblance,
Aient usurpé l'encens des crédules mortels?
Le sage, dans son coeur, leur dresse des autels,
Et, contemplant du ciel la majesté suprême,
Au milieu de la nuit se demande à lui-même:
" quel art dut présider à ce dôme éclatant,
Sur un fleuve d'azur, sans orage flottant?
Rien dans tous ses rapports n'annonce l'indigence.
La sagesse, le choix, l'ordre, l'intelligence,
Savamment confondus, brillent de toutes parts;
Un seul lien unit tant de mondes épars.
Ô surprise! Tandis qu'un mouvement rapide
Les emporte à travers cet océan limpide,
Que tout part, va, revient, se balance, s'étend,
Roule, vole, et se suit dans un ordre constant,
Quel silence profond règne sur la nature!
Quelle main de ces corps éleva la stature?
Quel invisible bras, par la force conduit,
Sema d'or et de feux les déserts de la nuit,
De ces astres roulants étendit la surface,
Et versa leurs rayons au milieu de l'espace,
Plus nombreux mille fois que les sables des mers,
Les perles du matin, les flocons des hivers,
Et tous ces flots qu'au sein des villes consumées
Promène l'incendie aux ailes enflammées?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
C'est en vain que l'impie ose élever la voix,
Et, dépouiller encor l'éternel de ses droits.
Oui, la religion est fille d'Uranie;
Tout d'un dieu créateur atteste le génie.
Il est sans doute un chef qui, sous ses pavillons,
De ce peuple étoilé range les bataillons.
Guerriers du tout-puissant, ministres de sa gloire,
Leurs mains à ses drapeaux attache la victoire.
Quel oeil pourrait les suivre en leur brillant essor?
Des casques de rubis pressent leurs cheveux d'or;
De saphirs immortels rayonne leur armure;
Leurs rangs aériens, sans trouble, sans murmure,
S'étendent par milliers dans l'éther radieux,
Et veillent, en silence, à la garde des cieux. "
Et l'homme, incessamment témoin de ces spectacles,
Pour croire à l'éternel demande des miracles!....
Des miracles! Ingrat, contemple l'univers.
Mais au brillant aspect de ces globes divers,
Je ne sais quel délire a passé dans mon ame;
Je me crois enlevé sur des ailes de flamme,
Et, du sein de la terre, élancé vers les cieux,
Le globe des vivants disparaît à mes yeux.
J'ai franchi de la nuit l'astre mélancolique;
Je touche au voile d'or, au voile magnifique,
Qui des mondes lointains me cachait la grandeur.
Perdu dans ces rayons d'éternelle splendeur,
Je m'égare à travers des soleils innombrables,
De vie et de chaleur foyers inépuisables.
Que vois-je! Un long espace, un désert enflammé!....
Sans doute du grand roi le trône accoutumé
S'élève dans ces lieux.... vain espoir qui m'abuse!
À se montrer déjà l'éternel se refuse:
Il est encor plus haut, par-delà les soleils,
Par-delà tous les cieux et leurs palais vermeils.
Arrêtons un moment.... aussi bien ma paupière
Ne s'ouvre qu'à regret et fuit tant de lumière.
Commandons, s'il se peut, à mes sens effrayés.
Quel amas d'univers sous mes pas déployés!
Que d'astres radieux, de sphères vagabondes!
Me voici seul, debout sur le sommet des mondes.
Invisibles témoins de mon secret effroi,
Habitants de ces bords, parlez, rassurez-moi.
Dans ce monde où bientôt dormira ma poussière,
L'homme ne vit qu'un jour de trouble et de misère;
Les yeux à peine ouverts, il gémit et pressent
Les ennuis du séjour qu'il habite en passant,
Vous que déjà mon coeur chérit sans vous connaître,
Si loin du grain mouvant où le ciel me fit naître,
Partagez-vous, hélas! Notre funeste sort?
De douleurs en douleurs marchez-vous à la mort?
Mais sans doute, étrangers aux passions humaines,
Un sang aérien fait palpiter vos veines.
Et, dépouiller encor l'éternel de ses droits.
Oui, la religion est fille d'Uranie;
Tout d'un dieu créateur atteste le génie.
Il est sans doute un chef qui, sous ses pavillons,
De ce peuple étoilé range les bataillons.
Guerriers du tout-puissant, ministres de sa gloire,
Leurs mains à ses drapeaux attache la victoire.
Quel oeil pourrait les suivre en leur brillant essor?
Des casques de rubis pressent leurs cheveux d'or;
De saphirs immortels rayonne leur armure;
Leurs rangs aériens, sans trouble, sans murmure,
S'étendent par milliers dans l'éther radieux,
Et veillent, en silence, à la garde des cieux. "
Et l'homme, incessamment témoin de ces spectacles,
Pour croire à l'éternel demande des miracles!....
Des miracles! Ingrat, contemple l'univers.
Mais au brillant aspect de ces globes divers,
Je ne sais quel délire a passé dans mon ame;
Je me crois enlevé sur des ailes de flamme,
Et, du sein de la terre, élancé vers les cieux,
Le globe des vivants disparaît à mes yeux.
J'ai franchi de la nuit l'astre mélancolique;
Je touche au voile d'or, au voile magnifique,
Qui des mondes lointains me cachait la grandeur.
Perdu dans ces rayons d'éternelle splendeur,
Je m'égare à travers des soleils innombrables,
De vie et de chaleur foyers inépuisables.
Que vois-je! Un long espace, un désert enflammé!....
Sans doute du grand roi le trône accoutumé
S'élève dans ces lieux.... vain espoir qui m'abuse!
À se montrer déjà l'éternel se refuse:
Il est encor plus haut, par-delà les soleils,
Par-delà tous les cieux et leurs palais vermeils.
Arrêtons un moment.... aussi bien ma paupière
Ne s'ouvre qu'à regret et fuit tant de lumière.
Commandons, s'il se peut, à mes sens effrayés.
Quel amas d'univers sous mes pas déployés!
Que d'astres radieux, de sphères vagabondes!
Me voici seul, debout sur le sommet des mondes.
Invisibles témoins de mon secret effroi,
Habitants de ces bords, parlez, rassurez-moi.
Dans ce monde où bientôt dormira ma poussière,
L'homme ne vit qu'un jour de trouble et de misère;
Les yeux à peine ouverts, il gémit et pressent
Les ennuis du séjour qu'il habite en passant,
Vous que déjà mon coeur chérit sans vous connaître,
Si loin du grain mouvant où le ciel me fit naître,
Partagez-vous, hélas! Notre funeste sort?
De douleurs en douleurs marchez-vous à la mort?
Mais sans doute, étrangers aux passions humaines,
Un sang aérien fait palpiter vos veines.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Vous ne connaissez pas nos besoins renaissants,
Tous ces fougueux désirs, orages de nos sens.
Aussi pur que le ciel qui vous sert de ceinture,
Chacun de vous respire et nage à l'aventure,
En des flots lumineux, dont la foudre et les vents
Respectent le cristal et les trésors mouvants....
Eh quoi! Vous m'entendez et n'osez me répondre!
Que votre voix s'élève et vienne me confondre,
Si dans ma folle erreur, multipliant les cieux,
Je tends, vers l'infini, mon vol audacieux.
Que dis-je? Et qui pourrait, sans crime et sans blasphême,
Assigner quelque borne à l'artisan suprême?
S'il cra d'un seul mot l'atome et l'univers,
N'a-t-il pu s'entourer de cent mondes divers?
Mon ame aime à le croire: ici-bas exilée,
Elle vole en espoir dans la sphère étoilée,
Sous ces berceaux d'azur, à travers ces jardins
Où rayonnent la pourpre et l'or des séraphins.
Mortel qui, dans la nuit majestueuse et sombre,
Contemples, loin de moi, ces prodiges sans nombre,
Tous ces milliers de cieux, miroir éblouissant
Où vient se réfléchir le front du tout-puissant,
Oh! Que le grand destin promis à ta noblesse,
Fasse battre ton coeur d'une saine allégresse;
Reconnais du très-haut le bienfait paternel;
Ces mondes passeront, toi seul es éternel.
Oui, toi seul.... mais où suis-je? Et quel rayon m'éclaire!
L'avenir se dévoile à mon oeil téméraire;
Tout s'émeut.... tout frémit.... dans l'espace arrêté,
Le temps même suspend son vol précipité.
Tous ces fougueux désirs, orages de nos sens.
Aussi pur que le ciel qui vous sert de ceinture,
Chacun de vous respire et nage à l'aventure,
En des flots lumineux, dont la foudre et les vents
Respectent le cristal et les trésors mouvants....
Eh quoi! Vous m'entendez et n'osez me répondre!
Que votre voix s'élève et vienne me confondre,
Si dans ma folle erreur, multipliant les cieux,
Je tends, vers l'infini, mon vol audacieux.
Que dis-je? Et qui pourrait, sans crime et sans blasphême,
Assigner quelque borne à l'artisan suprême?
S'il cra d'un seul mot l'atome et l'univers,
N'a-t-il pu s'entourer de cent mondes divers?
Mon ame aime à le croire: ici-bas exilée,
Elle vole en espoir dans la sphère étoilée,
Sous ces berceaux d'azur, à travers ces jardins
Où rayonnent la pourpre et l'or des séraphins.
Mortel qui, dans la nuit majestueuse et sombre,
Contemples, loin de moi, ces prodiges sans nombre,
Tous ces milliers de cieux, miroir éblouissant
Où vient se réfléchir le front du tout-puissant,
Oh! Que le grand destin promis à ta noblesse,
Fasse battre ton coeur d'une saine allégresse;
Reconnais du très-haut le bienfait paternel;
Ces mondes passeront, toi seul es éternel.
Oui, toi seul.... mais où suis-je? Et quel rayon m'éclaire!
L'avenir se dévoile à mon oeil téméraire;
Tout s'émeut.... tout frémit.... dans l'espace arrêté,
Le temps même suspend son vol précipité.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Voici l'heure dernière; une voix qui menace,
La voix du dieu vivant tonne au sein de l'espace:
" fils des hommes, sortez de la profonde nuit;
Le grand jour est venu; l'éternité vous luit. "
Alors du fond des bois, des eaux et des vallées,
Les générations se lèvent désolées;
Et deux rideaux de flamme, au même instant ouverts,
Offrent, dans sa splendeur, le roi de l'univers.
Sur un trône flottant, où l'or pur étincelle,
Il repose, entouré de sa garde fidelle;
Dans sa main resplendit le glaive lumineux;
Vingt soleils, à ses pieds, rassemblent tous leurs feux;
Ses habits sont semés d'étoiles flamboyantes;
Et l'éther réfléchit leurs clartés ondoyantes.
Mais le fatal arrêt est déjà prononcé;
De la création le prodige a cessé.
L'homme seul, des tombeaux secouant la poussière,
Superbe, revêtu de force, de lumière,
S'élève et va s'asseoir dans le palais divin;
Sur sa tête immortelle éclate un jour sans fin.
Tandis qu'à son bonheur les harpes applaudissent,
Que de l'hymne d'amour tous les cieux retentissent;
Quel spectacle ici-bas! Mille sombres vapeurs
Des astres de la nuit éclipsent les lueurs.
L'océan mutiné soulève les orages,
Gronde dans tous ses flots, franchit tous ses rivages.
Les montagnes, les tours, les temples, les cités,
Dans l'abîme des eaux croulent de tous côtés;
Les cieux sont des volcans; mille éclairs en jaillissent;
Mille foudres rivaux se croisent et rugissent;
Tous les enfants de l'air, turbulents, vagabonds,
S'échappent, à la fois, de leurs antres profonds,
Se heurtent en courroux, et d'une aile hardie
Aux plus lointains climats vont porter l'incendie.
Les astres, arrachés de leurs axes brûlants,
Du sommet de l'éther l'un sur l'autre roulants,
Nourrissent de leurs feux la flamme universelle;
Déjà brille et s'éteint la dernière étincelle.
Fuyons, fuyons la mort.... mais la mort est partout;
Sur l'univers détruit son fantôme est debout.
Dans l'antique chaos la nature retombe;
Toute une éternité va peser sur sa tombe.
Dieu chasse devant lui, comme de vains brouillards,
La poudre des soleils dissous de toutes parts;
Et, porté sur un char où sa colère gronde,
Il passe, et, dans sa course, il efface le monde.
La voix du dieu vivant tonne au sein de l'espace:
" fils des hommes, sortez de la profonde nuit;
Le grand jour est venu; l'éternité vous luit. "
Alors du fond des bois, des eaux et des vallées,
Les générations se lèvent désolées;
Et deux rideaux de flamme, au même instant ouverts,
Offrent, dans sa splendeur, le roi de l'univers.
Sur un trône flottant, où l'or pur étincelle,
Il repose, entouré de sa garde fidelle;
Dans sa main resplendit le glaive lumineux;
Vingt soleils, à ses pieds, rassemblent tous leurs feux;
Ses habits sont semés d'étoiles flamboyantes;
Et l'éther réfléchit leurs clartés ondoyantes.
Mais le fatal arrêt est déjà prononcé;
De la création le prodige a cessé.
L'homme seul, des tombeaux secouant la poussière,
Superbe, revêtu de force, de lumière,
S'élève et va s'asseoir dans le palais divin;
Sur sa tête immortelle éclate un jour sans fin.
Tandis qu'à son bonheur les harpes applaudissent,
Que de l'hymne d'amour tous les cieux retentissent;
Quel spectacle ici-bas! Mille sombres vapeurs
Des astres de la nuit éclipsent les lueurs.
L'océan mutiné soulève les orages,
Gronde dans tous ses flots, franchit tous ses rivages.
Les montagnes, les tours, les temples, les cités,
Dans l'abîme des eaux croulent de tous côtés;
Les cieux sont des volcans; mille éclairs en jaillissent;
Mille foudres rivaux se croisent et rugissent;
Tous les enfants de l'air, turbulents, vagabonds,
S'échappent, à la fois, de leurs antres profonds,
Se heurtent en courroux, et d'une aile hardie
Aux plus lointains climats vont porter l'incendie.
Les astres, arrachés de leurs axes brûlants,
Du sommet de l'éther l'un sur l'autre roulants,
Nourrissent de leurs feux la flamme universelle;
Déjà brille et s'éteint la dernière étincelle.
Fuyons, fuyons la mort.... mais la mort est partout;
Sur l'univers détruit son fantôme est debout.
Dans l'antique chaos la nature retombe;
Toute une éternité va peser sur sa tombe.
Dieu chasse devant lui, comme de vains brouillards,
La poudre des soleils dissous de toutes parts;
Et, porté sur un char où sa colère gronde,
Il passe, et, dans sa course, il efface le monde.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
QUATRIEME VEILLEE
Pourquoi, me révoltant contre la destinée,
Déplorer nuit et jour, dans ma plainte obstinée,
Mes parens, mes amis au tombeau descendus,
Et la perte de ceux que je n'ai point perdus?
Oui, de stériles pleurs pourquoi mouiller leur cendre?
Dans un monde éternel ils sont allés m'attendre.
Ils coulent dans la paix des jours délicieux,
Et l'astre du matin luit toujours à leurs yeux.
Sans un espoir si doux à notre ame ravie,
Combien serait pesant le fardeau de la vie!
Qui pourrait ici-bas supporter ses malheurs,
Et ne pas rejeter la coupe des douleurs?
Mais tout nous entretient du jour de la victoire.
Veux-tu d'un seul regard t'assurer de ta gloire,
Mortel infortuné! Contemple l'univers!
Tu ne peux l'observer sans bénir les revers
Que répandit sur toi la sagesse suprême
Pour épurer ton front promis au diadême;
Sans te croire immortel, et voir, ainsi que toi,
La nature subir l'inévitable loi.
Inconstante, mobile, elle se renouvelle,
Expire, et cependant rien ne périt en elle.
Vois l'été qui s'avance: il marche sur des fleurs,
Et de son pied de flamme en ternit les couleurs.
De son teint, par degrés, le vermillon se fane;
Il fuit et disparaît dans l'air moins diaphane.
L'automne prend alors le sceptre des climats;
Il s'envole à son tour: couronné de frimas,
Assis sur des glaçons, dans le char des orages,
Le sombre hiver accourt et presse ses ravages.
Son empire n'est plus: mais brillant de saphirs,
Le printemps amoureux vole sur les zéphyrs,
Et, fermant de ses mains le cercle de l'année,
Du palais où languit sa force emprisonnée,
Il rappelle l'été qui, lui-même à son tour,
De ses frères rivaux annonce le retour.
Ainsi, grace au bienfait de la loi souveraine,
Dans un ordre éternel tout se suit et s'enchaîne.
Voit-on l'astre brillant qui mesure les jours
S'arrêter et s'éteindre au milieu de son cours?
Partout, dans l'univers, la sagesse infinie
Nous donne des leçons et d'ordre et d'harmonie.
Depuis l'aigle superbe, habitante des airs,
Jusqu'au ciron perdu dans les sables déserts,
Tout renaît: pourquoi donc le plus noble des êtres
Qui comptent la nature et Dieu pour leurs ancêtres,
Sur un sol infécond, par ses soins embelli,
Seul dans tout l'univers serait-il avili?
Ce globe est un domaine où sa toute-puissance
S'environne de pompe et de magnificence,
À travers mille efforts par l'obstacle excités,
À la cime des monts il suspend des cités.
Pourquoi, me révoltant contre la destinée,
Déplorer nuit et jour, dans ma plainte obstinée,
Mes parens, mes amis au tombeau descendus,
Et la perte de ceux que je n'ai point perdus?
Oui, de stériles pleurs pourquoi mouiller leur cendre?
Dans un monde éternel ils sont allés m'attendre.
Ils coulent dans la paix des jours délicieux,
Et l'astre du matin luit toujours à leurs yeux.
Sans un espoir si doux à notre ame ravie,
Combien serait pesant le fardeau de la vie!
Qui pourrait ici-bas supporter ses malheurs,
Et ne pas rejeter la coupe des douleurs?
Mais tout nous entretient du jour de la victoire.
Veux-tu d'un seul regard t'assurer de ta gloire,
Mortel infortuné! Contemple l'univers!
Tu ne peux l'observer sans bénir les revers
Que répandit sur toi la sagesse suprême
Pour épurer ton front promis au diadême;
Sans te croire immortel, et voir, ainsi que toi,
La nature subir l'inévitable loi.
Inconstante, mobile, elle se renouvelle,
Expire, et cependant rien ne périt en elle.
Vois l'été qui s'avance: il marche sur des fleurs,
Et de son pied de flamme en ternit les couleurs.
De son teint, par degrés, le vermillon se fane;
Il fuit et disparaît dans l'air moins diaphane.
L'automne prend alors le sceptre des climats;
Il s'envole à son tour: couronné de frimas,
Assis sur des glaçons, dans le char des orages,
Le sombre hiver accourt et presse ses ravages.
Son empire n'est plus: mais brillant de saphirs,
Le printemps amoureux vole sur les zéphyrs,
Et, fermant de ses mains le cercle de l'année,
Du palais où languit sa force emprisonnée,
Il rappelle l'été qui, lui-même à son tour,
De ses frères rivaux annonce le retour.
Ainsi, grace au bienfait de la loi souveraine,
Dans un ordre éternel tout se suit et s'enchaîne.
Voit-on l'astre brillant qui mesure les jours
S'arrêter et s'éteindre au milieu de son cours?
Partout, dans l'univers, la sagesse infinie
Nous donne des leçons et d'ordre et d'harmonie.
Depuis l'aigle superbe, habitante des airs,
Jusqu'au ciron perdu dans les sables déserts,
Tout renaît: pourquoi donc le plus noble des êtres
Qui comptent la nature et Dieu pour leurs ancêtres,
Sur un sol infécond, par ses soins embelli,
Seul dans tout l'univers serait-il avili?
Ce globe est un domaine où sa toute-puissance
S'environne de pompe et de magnificence,
À travers mille efforts par l'obstacle excités,
À la cime des monts il suspend des cités.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Animé par ses doigts, ici l'airain soupire;
Là palpite le marbre, et le bronze respire:
Plus loin la terre s'ouvre et cède ses trésors;
L'océan contenu bat, en grondant, ses bords:
Les cieux sont dévoilés; heureux dans son audace,
L'homme soumet aux arts la nature et l'espace;
En naissant il trouva son séjour ébauché:
À sa perfection, à toute heure attaché,
Il travailla long-temps; et Dieu, qui le seconde,
Acheva, par ses mains, l'édifice du monde.
Et ce fier conquérant, une fois terrassé,
Verrait tout son éclat dans la poudre effacé!....
Quoi! Lorsque le héros, le poëte, le sage,
Ont franchi de la mort le terrible passage,
Que la tombe, sur eux, se fermant à grand bruit,
Enveloppe leurs fronts d'une profonde nuit,
Il ne resterait d'eux qu'une vile poussière!
Ah! Si tel est le sort des fils de la lumière;
Trahi dans son espoir, si l'homme infortuné
Du dieu qui le forma doit être abandonné,
Bravons ce dieu jaloux, ce tyran solitaire;
Qu'il reprenne des jours, présent de sa colère!
Insensé que j'étais! Devant lui confondu,
Au pied de ses autels que d'encens j'ai perdu!
Ô dieu, que trop long-temps mon coeur voulut connaître,
Impitoyable dieu, pourquoi m'as-tu fait naître?
Là palpite le marbre, et le bronze respire:
Plus loin la terre s'ouvre et cède ses trésors;
L'océan contenu bat, en grondant, ses bords:
Les cieux sont dévoilés; heureux dans son audace,
L'homme soumet aux arts la nature et l'espace;
En naissant il trouva son séjour ébauché:
À sa perfection, à toute heure attaché,
Il travailla long-temps; et Dieu, qui le seconde,
Acheva, par ses mains, l'édifice du monde.
Et ce fier conquérant, une fois terrassé,
Verrait tout son éclat dans la poudre effacé!....
Quoi! Lorsque le héros, le poëte, le sage,
Ont franchi de la mort le terrible passage,
Que la tombe, sur eux, se fermant à grand bruit,
Enveloppe leurs fronts d'une profonde nuit,
Il ne resterait d'eux qu'une vile poussière!
Ah! Si tel est le sort des fils de la lumière;
Trahi dans son espoir, si l'homme infortuné
Du dieu qui le forma doit être abandonné,
Bravons ce dieu jaloux, ce tyran solitaire;
Qu'il reprenne des jours, présent de sa colère!
Insensé que j'étais! Devant lui confondu,
Au pied de ses autels que d'encens j'ai perdu!
Ô dieu, que trop long-temps mon coeur voulut connaître,
Impitoyable dieu, pourquoi m'as-tu fait naître?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Pourquoi, si ton courroux a besoin de mes pleurs,
Par l'aspect de ta gloire irriter mes douleurs?
Fallait-il m'entourer de tes pompeux ouvrages,
Suspendre sur ma tête, au-dessus des nuages,
Ce firmament d'azur, ces mondes enflammés,
Ces globes d'or roulant, pour toi seul allumés?
Fallait-il tout soumettre à mes lois souveraines,
De la terre, à mes mains, abandonner les rênes,
Et, pour me replonger dans une nuit d'effroi,
Me ravir au néant qui me sauvait de toi!...
Malheureux! Qu'ai-je dit? Abjurons ce blasphème!
C'est trop calomnier la clémence suprême;
Non, par un vain orgueil mon esprit tourmenté
Ne rêva point la gloire et l'immortalité.
Pour un monde éternel j'ai reçu la naissance;
Tout, jusques au sommeil, m'en donne l'assurance.
De tranquilles pavots quand mes yeux sont couverts,
Mon ame veille encore et parcourt l'univers.
Tantôt, développant ses ailes fantastiques,
Sur la cime des monts ou des temples antiques
Elle plane: tantôt du lointain horizon
Elle descend, et vient effleurer le gazon.
Souvent elle traverse une forêt sauvage;
Rêveuse, elle s'enfonce au sein du noir ombrage;
Ou, d'un vol inconstant, dans les plaines des cieux,
Légère, elle se trace un chemin radieux.
Par l'aspect de ta gloire irriter mes douleurs?
Fallait-il m'entourer de tes pompeux ouvrages,
Suspendre sur ma tête, au-dessus des nuages,
Ce firmament d'azur, ces mondes enflammés,
Ces globes d'or roulant, pour toi seul allumés?
Fallait-il tout soumettre à mes lois souveraines,
De la terre, à mes mains, abandonner les rênes,
Et, pour me replonger dans une nuit d'effroi,
Me ravir au néant qui me sauvait de toi!...
Malheureux! Qu'ai-je dit? Abjurons ce blasphème!
C'est trop calomnier la clémence suprême;
Non, par un vain orgueil mon esprit tourmenté
Ne rêva point la gloire et l'immortalité.
Pour un monde éternel j'ai reçu la naissance;
Tout, jusques au sommeil, m'en donne l'assurance.
De tranquilles pavots quand mes yeux sont couverts,
Mon ame veille encore et parcourt l'univers.
Tantôt, développant ses ailes fantastiques,
Sur la cime des monts ou des temples antiques
Elle plane: tantôt du lointain horizon
Elle descend, et vient effleurer le gazon.
Souvent elle traverse une forêt sauvage;
Rêveuse, elle s'enfonce au sein du noir ombrage;
Ou, d'un vol inconstant, dans les plaines des cieux,
Légère, elle se trace un chemin radieux.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Elle vient se mêler à la troupe folâtre
Des sylphes vagabonds, aux épaules d'albâtre,
À la robe d'azur, aux cheveux d'or épars;
Mais qu'un mensonge heureux enchante ses regards,
Ou que d'un faux péril elle soit alarmée,
Tout lui parle en secret du dieu qui l'a formée;
Tout lui dit que sa main l'enchaîna dans nos corps
Pour en faire mouvoir les flexibles ressorts;
Mais qu'elle doit un jour, à la gloire rendue,
Remonter vers celui dont elle est descendue.
Et l'homme cependant à toute heure, en tout lieu,
Couvert de la présence et du pouvoir d'un dieu,
Sur ce globe d'exil s'agite et se tourmente!
Plus son espoir s'accroît, plus sa terreur augmente.
Le monarque et le pâtre, irrités de leur sort,
Se plaignent tous les deux, et redoutent la mort.
En murmures ingrats tous deux ils se confondent,
Et du chaume au palais les soupirs se répondent.
Mortel! Ces longs ennuis ne t'annoncent-ils pas
Quel bonheur, à tes voeux, réserve le trépas?
Vois enfin ta noblesse; apprends à te connaître:
Tu naquis pour mourir, mais tu meurs pour renaître.
Que le sage est heureux! Sûr de vivre toujours,
Je l'entends s'écrier: " pâlis, flambeau des jours!
Levez-vous, ouragants, et soufflez la tempête!
Astres, éteignez-vous! Cieux, croulez sur ma tête!
Mon ame invulnérable, à travers vos débris,
Monte, comme la flamme, aux célestes lambris;
Mon ame du très-haut est l'image vivante:
La foudre, à son aspect, recule d'épouvante;
Et les traits de la mort sur les mondes lancés
S'égarent autour d'elle, et tombent émoussés.
J'habiterai bientôt ma nouvelle patrie.
Toi que je pleure encor, mon épouse chérie!
Que depuis si long-temps je brûle de revoir,
Sous les parvis du ciel, oh! Viens me recevoir;
Viens, brillante d'amour, d'éternelle jeunesse,
Conduire le vieillard au banquet d'allégresse;
Et, dans ces beaux palais, de feux étincelants,
Des roses de l'éden couvrir mes cheveux blancs. "
Des sylphes vagabonds, aux épaules d'albâtre,
À la robe d'azur, aux cheveux d'or épars;
Mais qu'un mensonge heureux enchante ses regards,
Ou que d'un faux péril elle soit alarmée,
Tout lui parle en secret du dieu qui l'a formée;
Tout lui dit que sa main l'enchaîna dans nos corps
Pour en faire mouvoir les flexibles ressorts;
Mais qu'elle doit un jour, à la gloire rendue,
Remonter vers celui dont elle est descendue.
Et l'homme cependant à toute heure, en tout lieu,
Couvert de la présence et du pouvoir d'un dieu,
Sur ce globe d'exil s'agite et se tourmente!
Plus son espoir s'accroît, plus sa terreur augmente.
Le monarque et le pâtre, irrités de leur sort,
Se plaignent tous les deux, et redoutent la mort.
En murmures ingrats tous deux ils se confondent,
Et du chaume au palais les soupirs se répondent.
Mortel! Ces longs ennuis ne t'annoncent-ils pas
Quel bonheur, à tes voeux, réserve le trépas?
Vois enfin ta noblesse; apprends à te connaître:
Tu naquis pour mourir, mais tu meurs pour renaître.
Que le sage est heureux! Sûr de vivre toujours,
Je l'entends s'écrier: " pâlis, flambeau des jours!
Levez-vous, ouragants, et soufflez la tempête!
Astres, éteignez-vous! Cieux, croulez sur ma tête!
Mon ame invulnérable, à travers vos débris,
Monte, comme la flamme, aux célestes lambris;
Mon ame du très-haut est l'image vivante:
La foudre, à son aspect, recule d'épouvante;
Et les traits de la mort sur les mondes lancés
S'égarent autour d'elle, et tombent émoussés.
J'habiterai bientôt ma nouvelle patrie.
Toi que je pleure encor, mon épouse chérie!
Que depuis si long-temps je brûle de revoir,
Sous les parvis du ciel, oh! Viens me recevoir;
Viens, brillante d'amour, d'éternelle jeunesse,
Conduire le vieillard au banquet d'allégresse;
Et, dans ces beaux palais, de feux étincelants,
Des roses de l'éden couvrir mes cheveux blancs. "
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
CINQUIEME VEILLEE
A-t-on vu, dans les nuits de l'été dévorant,
Se détacher du ciel un météore errant,
Qui s'éteint au milieu de sa chute enflammée?
Tel est notre destin. L'or et la renommée,
Le trône, les plaisirs, tous ces fantômes vains
Qu'adorent, à genoux, les vulgaires humains,
Rien ne peut à nos lois, par un charme suprême,
Assujettir le souffle émané de Dieu même.
Oui, ces réseaux mouvants, ces fils inaperçus,
Que, sous les toits déserts, l'araignée a tissus,
Sont plus forts que les noeuds dont l'étreinte nous lie
Un moment au bonheur, un moment à la vie.
Ô douleur! Que de fois un père en cheveux blancs
Pleura sur le tombeau de ses jeunes enfants!
Hélas! Il se flattait qu'un jour leur main si chère
Au soleil des vivants fermerait sa paupière;
Il les voyait sourire, et son coeur enchanté
Les dotait, en espoir, de l'immortalité.
Mais qu'un amant sur-tout à tromper est facile!
Comme il prête au plaisir une oreille docile!
En voyant de ce front l'incarnat vif et pur,
L'albâtre d'un beau sein que nuance l'azur,
Et de ces longs cheveux les ondes caressantes,
Et de ce corps de lis les formes ravissantes,
Le malheureux s'abuse, et sa crédulité
Lui fait d'une mortelle une divinité.
L'éclair brille soudain.... la foudre vengeresse
Gronde, et brise, à ses pieds, l'autel et la déesse.
Dans un vallon tranquille, aux campagnes d'Enna,
Que de ses flots brûlants fertilise l'Etna,
S'élevait, entouré de parfums et d'ombrages,
Un château, monument des antiques pélages;
Pure comme un beau jour de ces climats riants,
Sous les yeux paternels, Amélie, à seize ans,
De tous les dons du ciel fleurissait embellie;
Pourtant on ignorait quelle mélancolie
Lui faisait des destins pressentir le courroux,
Et versait dans son coeur un charme triste et doux.
On ne la voyait point sur l'émail des prairies,
Au printemps, égarer ses molles rêveries,
Ni, dans les bois prochains devançant le soleil,
Des oiseaux et des fleurs épier le réveil.
Elle aimait à gravir la roche solitaire;
À voir l'astre des nuits sortir, avec mystère,
Des flancs noirs du nuage, et de pâles rayons
Blanchir l'azur des flots et la cime des monts.
Bien jeune, elle pleurait une mère adorée.
Par les soins d'un époux, en marbre figurée,
Cette mère si tendre, à ses pieds, chaque jour
Voyait couler des pleurs de regret et d'amour.
A-t-on vu, dans les nuits de l'été dévorant,
Se détacher du ciel un météore errant,
Qui s'éteint au milieu de sa chute enflammée?
Tel est notre destin. L'or et la renommée,
Le trône, les plaisirs, tous ces fantômes vains
Qu'adorent, à genoux, les vulgaires humains,
Rien ne peut à nos lois, par un charme suprême,
Assujettir le souffle émané de Dieu même.
Oui, ces réseaux mouvants, ces fils inaperçus,
Que, sous les toits déserts, l'araignée a tissus,
Sont plus forts que les noeuds dont l'étreinte nous lie
Un moment au bonheur, un moment à la vie.
Ô douleur! Que de fois un père en cheveux blancs
Pleura sur le tombeau de ses jeunes enfants!
Hélas! Il se flattait qu'un jour leur main si chère
Au soleil des vivants fermerait sa paupière;
Il les voyait sourire, et son coeur enchanté
Les dotait, en espoir, de l'immortalité.
Mais qu'un amant sur-tout à tromper est facile!
Comme il prête au plaisir une oreille docile!
En voyant de ce front l'incarnat vif et pur,
L'albâtre d'un beau sein que nuance l'azur,
Et de ces longs cheveux les ondes caressantes,
Et de ce corps de lis les formes ravissantes,
Le malheureux s'abuse, et sa crédulité
Lui fait d'une mortelle une divinité.
L'éclair brille soudain.... la foudre vengeresse
Gronde, et brise, à ses pieds, l'autel et la déesse.
Dans un vallon tranquille, aux campagnes d'Enna,
Que de ses flots brûlants fertilise l'Etna,
S'élevait, entouré de parfums et d'ombrages,
Un château, monument des antiques pélages;
Pure comme un beau jour de ces climats riants,
Sous les yeux paternels, Amélie, à seize ans,
De tous les dons du ciel fleurissait embellie;
Pourtant on ignorait quelle mélancolie
Lui faisait des destins pressentir le courroux,
Et versait dans son coeur un charme triste et doux.
On ne la voyait point sur l'émail des prairies,
Au printemps, égarer ses molles rêveries,
Ni, dans les bois prochains devançant le soleil,
Des oiseaux et des fleurs épier le réveil.
Elle aimait à gravir la roche solitaire;
À voir l'astre des nuits sortir, avec mystère,
Des flancs noirs du nuage, et de pâles rayons
Blanchir l'azur des flots et la cime des monts.
Bien jeune, elle pleurait une mère adorée.
Par les soins d'un époux, en marbre figurée,
Cette mère si tendre, à ses pieds, chaque jour
Voyait couler des pleurs de regret et d'amour.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
Debout, sous le parvis de l'antique édifice,
Presque vivante à l'oeil, comme un ange propice
Qui diffère, un moment, son retour vers les cieux,
Elle semblait veiller à la paix de ces lieux.
Sa fille en deuil, sa fille, à cette auguste image,
Venait, silencieuse, adresser son hommage.
Quelquefois, à travers les pleurs et les sanglots,
Elle disait: " du sein de l'éternel repos
Arrête encor sur moi tes voeux et ta pensée:
Cette terre d'exil où tu m'as délaissée
N'est qu'une solitude ouverte à mon ennui,
Et du monde, avec toi, mon bonheur s'est enfui. "
Elle disait. Pourtant une modeste flamme,
En faveur d'Orsano, faisait brûler son ame.
Par sa mère, autrefois, avaient été bénis
Ces noeuds dont, aux autels, ils doivent être unis.
Un père enfin l'ordonne, et leur hymne s'apprête;
L'airain religieux en proclame la fête.
Vers le temple voisin, le couple fortuné
D'un cortége nombreux s'avance environné.
Ils entrent.... quel moment! Une pompe rustique
A rajeuni, pour eux, la vieille basilique;
Des vierges du hameau les groupes innocents
Font monter vers le ciel la prière et l'encens.
On croirait que, témoin de l'auguste hyménée,
Dieu même, avec plaisir, en bénit la journée.
L'Etna, dont le soleil, abandonnant les flots,
De ses premiers rayons éclairait le repos;
Les sons du rossignol, que l'écho solitaire
Renvoyait affaiblis aux murs du sanctuaire;
Les vallons embaumés du souffle matinal;
La rose au sein pudique et le lis virginal,
Et les vertes forêts que la pourpre colore....
Tout semblait saluer et l'hymen et l'aurore.
Mais les jeunes amants sont au pied des autels;
Le pontif a reçu leurs serments immortels;
Tout-à-coup Orsano, jetant sur Amélie
Un regard plein d'amour, la voit pâle, affaiblie....
Elle tremble, et des pleurs s'échappent de ses yeux:
Enfin ils sont époux. Bientôt, loin de ces lieux,
Ensemble ils ont revu le toit héréditaire.
" d'où naît, dit Orsano, ce trouble involontaire?
Pourquoi donc, en tes yeux et sur ton front charmant,
Ne vois-je pas l'excès de mon ravissement?
De quel muet effroi tu sembles poursuivie!
Te repens-tu déjà du bonheur de ma vie? "
" -Orsano, lui répond la sensible beauté,
Va, mon coeur est heureux de ta félicité;
Mais, quand à l'éternel j'adressais ma prière,
J'ai cru voir.... non, j'ai vu le spectre de ma mère
S'approcher de l'autel, éteindre les flambeaux,
Et de loin me montrer la route des tombeaux.
La fantôme a paru tristement me sourire....
-ah! Tu m'as fait frémir. -sa voix semblait me dire:
C'est en vain qu'Orsano veut régner sur ton coeur;
Dieu ne te permet pas de faire son bonheur;
Dieu te rejoint à moi; du monde il te sépare:
Ton banquet nuptial dans les cieux se prépare.
Presque vivante à l'oeil, comme un ange propice
Qui diffère, un moment, son retour vers les cieux,
Elle semblait veiller à la paix de ces lieux.
Sa fille en deuil, sa fille, à cette auguste image,
Venait, silencieuse, adresser son hommage.
Quelquefois, à travers les pleurs et les sanglots,
Elle disait: " du sein de l'éternel repos
Arrête encor sur moi tes voeux et ta pensée:
Cette terre d'exil où tu m'as délaissée
N'est qu'une solitude ouverte à mon ennui,
Et du monde, avec toi, mon bonheur s'est enfui. "
Elle disait. Pourtant une modeste flamme,
En faveur d'Orsano, faisait brûler son ame.
Par sa mère, autrefois, avaient été bénis
Ces noeuds dont, aux autels, ils doivent être unis.
Un père enfin l'ordonne, et leur hymne s'apprête;
L'airain religieux en proclame la fête.
Vers le temple voisin, le couple fortuné
D'un cortége nombreux s'avance environné.
Ils entrent.... quel moment! Une pompe rustique
A rajeuni, pour eux, la vieille basilique;
Des vierges du hameau les groupes innocents
Font monter vers le ciel la prière et l'encens.
On croirait que, témoin de l'auguste hyménée,
Dieu même, avec plaisir, en bénit la journée.
L'Etna, dont le soleil, abandonnant les flots,
De ses premiers rayons éclairait le repos;
Les sons du rossignol, que l'écho solitaire
Renvoyait affaiblis aux murs du sanctuaire;
Les vallons embaumés du souffle matinal;
La rose au sein pudique et le lis virginal,
Et les vertes forêts que la pourpre colore....
Tout semblait saluer et l'hymen et l'aurore.
Mais les jeunes amants sont au pied des autels;
Le pontif a reçu leurs serments immortels;
Tout-à-coup Orsano, jetant sur Amélie
Un regard plein d'amour, la voit pâle, affaiblie....
Elle tremble, et des pleurs s'échappent de ses yeux:
Enfin ils sont époux. Bientôt, loin de ces lieux,
Ensemble ils ont revu le toit héréditaire.
" d'où naît, dit Orsano, ce trouble involontaire?
Pourquoi donc, en tes yeux et sur ton front charmant,
Ne vois-je pas l'excès de mon ravissement?
De quel muet effroi tu sembles poursuivie!
Te repens-tu déjà du bonheur de ma vie? "
" -Orsano, lui répond la sensible beauté,
Va, mon coeur est heureux de ta félicité;
Mais, quand à l'éternel j'adressais ma prière,
J'ai cru voir.... non, j'ai vu le spectre de ma mère
S'approcher de l'autel, éteindre les flambeaux,
Et de loin me montrer la route des tombeaux.
La fantôme a paru tristement me sourire....
-ah! Tu m'as fait frémir. -sa voix semblait me dire:
C'est en vain qu'Orsano veut régner sur ton coeur;
Dieu ne te permet pas de faire son bonheur;
Dieu te rejoint à moi; du monde il te sépare:
Ton banquet nuptial dans les cieux se prépare.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Pierre Marie François Louis Baour-Lormian
À ces mots, elle a fui mon regard alarmé....
Cependant, Orsano, je t'aurais tant aimé!...
-peux-tu croire, un moment, que ta mère chérie,
Abandonnant le ciel, sa nouvelle patrie,
Brise des noeuds par elle approuvés autrefois?
Non, je suis ton époux, et l'époux de son choix. "
Il se tait; et pourtant, près de l'objet qu'il aime,
D'une vague terreur il est frappé lui-même.
Mais, pour mieux célébrer ces instants solennels,
Retentissent les sons des joyeux ménestrels.
On dresse les banquets; les antiques bannières
Flottent sur le sommet des tours hospitalières:
Les filles des vassaux, d'une moisson de fleurs,
Pour l'hymen d'Amélie, ont tressé les couleurs;
" comme un songe riant leur éclat s'évapore,
Dit-elle;.... ce matin, elles vivaient encore. "
Le festin se termine, et déjà, moins ardent,
Le disque du soleil penche vers l'occident.
Dans la vieille forêt la fête est transportée.
La cime des hauts pins, doucement agitée,
Balance ses parfums aux derniers feux du jour;
Tout rit dans la nature: Amélie, à son tour,
D'un avenir plus doux ose entrevoir l'aurore;
Son beau teint, par degrés, s'anime, se colore;
Ses yeux remplis d'amour, de charme, de langueur,
Déjà vers son époux.... tout-à-coup, ô douleur!
Un bruit lugubre et sourd fait frémir le feuillage;
L'éclair serpente et luit sous un ciel sans nuage;
Nul souffle dans les airs: l'Etna sort du sommeil.
Quel sinistre murmure annonce son réveil!
Un épais tourbillon de cendre et de fumée
S'échappe, au même instant, de sa bouche enflammée;
Il rugit, et du fond de ses noirs soupiraux
Mille rochers ardents, mille foudres rivaux
Se heurtent en fureur; et la nuit ténébreuse
S'éclaire, devant eux, d'une lumière affreuse.
Aux lueurs de l'éclair et du mont courroucé,
Loin des jeunes époux tout a fui dispersé;
Ils restent seuls, perdus dans la forêt immense.
Ô Dieu, sur Orsano jette un oeil de clémence!
De sa tremblante épouse il raffermit les pas:
" eh bien! Dit-elle, eh bien! Tu ne m'en croyais pas!
Défends-moi maintenant de l'horrible tempête,
De ce ciel irrité qui menace ma tête.
Cher époux! Ton amour ne peut me secourir;
Ne songe qu'à toi-même, et laisse-moi mourir. "
Ses genoux, à l'instant, se dérobent sous elle:
Mais Orsano, qu'anime une force nouvelle,
L'enlève dans ses bras, et pâle, échevelé,
L'emporte au bruit du ciel par l'orage ébranlé.
Plus d'un sentier confus l'égare dans la route:
L'ange de l'infortune en eut pitié sans doute.
Le déplorable amant, après mille détours,
Du château d'Amélie a reconnu les tours.
Sous le parvis désert aussitôt il s'élance.
Cependant Amélie, en un morne silence,
Demeure encor plongée, et son époux en pleurs
S'efforce d'apaiser de trop justes frayeurs:
" toi que me disputait la fortune jalouse,
Il n'est plus de péril.... ô ma charmante épouse,
Renais sous mes baisers, ouvre enfin tes beaux yeux! "
Il dit. Un long éclair pénètre dans ces lieux,
Et, d'un bleuâtre éclat entourant la statue,
La dévoile aux regards d'Amélie abattue.
" ma mère! " à ce nom seul, à ce plaintif accent,
L'écho de ces vieux murs répond en gémissant.
L'orage alors redouble: au fracas du tonnerre,
Au choc des éléments, tremble et s'ouvre la terre;
De ses flancs déchirés mille feux ont jailli;
D'épouvante Orsano lui-même a tressailli.
Sur le sol chancelant, Amélie incertaine
Aux pieds de la statue avec effort se traîne,
Et les presse en criant.... ma mère, me voici!
La foudre éclate alors dans le ciel obscurci:
Tout tremble; la statue, à sa base arrachée,
Sur la triste Amélie, à l'instant, s'est penchée,
Semble étendre les bras, tombe enfin; et son poids
La renverse sanglante, et meurtrie, et sans voix.
Un moment de sa force elle a repris l'usage:
" adieu, cher Orsano; rappelle ton courage;
Tu vois.... " le lendemain, immobiles, glacés,
On les trouva tous deux se tenant embrassés.
Cependant, Orsano, je t'aurais tant aimé!...
-peux-tu croire, un moment, que ta mère chérie,
Abandonnant le ciel, sa nouvelle patrie,
Brise des noeuds par elle approuvés autrefois?
Non, je suis ton époux, et l'époux de son choix. "
Il se tait; et pourtant, près de l'objet qu'il aime,
D'une vague terreur il est frappé lui-même.
Mais, pour mieux célébrer ces instants solennels,
Retentissent les sons des joyeux ménestrels.
On dresse les banquets; les antiques bannières
Flottent sur le sommet des tours hospitalières:
Les filles des vassaux, d'une moisson de fleurs,
Pour l'hymen d'Amélie, ont tressé les couleurs;
" comme un songe riant leur éclat s'évapore,
Dit-elle;.... ce matin, elles vivaient encore. "
Le festin se termine, et déjà, moins ardent,
Le disque du soleil penche vers l'occident.
Dans la vieille forêt la fête est transportée.
La cime des hauts pins, doucement agitée,
Balance ses parfums aux derniers feux du jour;
Tout rit dans la nature: Amélie, à son tour,
D'un avenir plus doux ose entrevoir l'aurore;
Son beau teint, par degrés, s'anime, se colore;
Ses yeux remplis d'amour, de charme, de langueur,
Déjà vers son époux.... tout-à-coup, ô douleur!
Un bruit lugubre et sourd fait frémir le feuillage;
L'éclair serpente et luit sous un ciel sans nuage;
Nul souffle dans les airs: l'Etna sort du sommeil.
Quel sinistre murmure annonce son réveil!
Un épais tourbillon de cendre et de fumée
S'échappe, au même instant, de sa bouche enflammée;
Il rugit, et du fond de ses noirs soupiraux
Mille rochers ardents, mille foudres rivaux
Se heurtent en fureur; et la nuit ténébreuse
S'éclaire, devant eux, d'une lumière affreuse.
Aux lueurs de l'éclair et du mont courroucé,
Loin des jeunes époux tout a fui dispersé;
Ils restent seuls, perdus dans la forêt immense.
Ô Dieu, sur Orsano jette un oeil de clémence!
De sa tremblante épouse il raffermit les pas:
" eh bien! Dit-elle, eh bien! Tu ne m'en croyais pas!
Défends-moi maintenant de l'horrible tempête,
De ce ciel irrité qui menace ma tête.
Cher époux! Ton amour ne peut me secourir;
Ne songe qu'à toi-même, et laisse-moi mourir. "
Ses genoux, à l'instant, se dérobent sous elle:
Mais Orsano, qu'anime une force nouvelle,
L'enlève dans ses bras, et pâle, échevelé,
L'emporte au bruit du ciel par l'orage ébranlé.
Plus d'un sentier confus l'égare dans la route:
L'ange de l'infortune en eut pitié sans doute.
Le déplorable amant, après mille détours,
Du château d'Amélie a reconnu les tours.
Sous le parvis désert aussitôt il s'élance.
Cependant Amélie, en un morne silence,
Demeure encor plongée, et son époux en pleurs
S'efforce d'apaiser de trop justes frayeurs:
" toi que me disputait la fortune jalouse,
Il n'est plus de péril.... ô ma charmante épouse,
Renais sous mes baisers, ouvre enfin tes beaux yeux! "
Il dit. Un long éclair pénètre dans ces lieux,
Et, d'un bleuâtre éclat entourant la statue,
La dévoile aux regards d'Amélie abattue.
" ma mère! " à ce nom seul, à ce plaintif accent,
L'écho de ces vieux murs répond en gémissant.
L'orage alors redouble: au fracas du tonnerre,
Au choc des éléments, tremble et s'ouvre la terre;
De ses flancs déchirés mille feux ont jailli;
D'épouvante Orsano lui-même a tressailli.
Sur le sol chancelant, Amélie incertaine
Aux pieds de la statue avec effort se traîne,
Et les presse en criant.... ma mère, me voici!
La foudre éclate alors dans le ciel obscurci:
Tout tremble; la statue, à sa base arrachée,
Sur la triste Amélie, à l'instant, s'est penchée,
Semble étendre les bras, tombe enfin; et son poids
La renverse sanglante, et meurtrie, et sans voix.
Un moment de sa force elle a repris l'usage:
" adieu, cher Orsano; rappelle ton courage;
Tu vois.... " le lendemain, immobiles, glacés,
On les trouva tous deux se tenant embrassés.
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