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Jacques Delille Le Poéte Instituteur.

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Message par tamima Mer 12 Mai - 19:42

Rappel du premier message :

Jacques Delille Le Poéte Instituteur. 1738-1813

Les jardins ou L'art d'embellir les paysages (poème)
Par Jacques Delille (1738-1813)


AVERTISSEMENT

Plusieurs personnes d' un grand mérite ont
écrit en prose sur les jardins. L' auteur de ce
poème leur a emprunté quelques préceptes,
et même quelques descriptions. Dans plusieurs
endroits il a eu le bonheur de se rencontrer avec
eux; car son poème a été commencé, avant
que leurs ouvrages parussent. Il ne dissimulera
pas que c' est avec la plus grande défiance qu' il
livre à l' impression cet ouvrage trop attendu,
et sur-tout trop loué. L' indulgence extrême de
ceux qui l' ont entendu, lui est un garant trop
sûr de la rigueur de ceux qui le liront.
Ce poème a d' ailleurs un très-grand inconvénient,
celui d' être un poème didactique. Ce
genre est nécessairement un peu froid, et doit
le paroître encore davantage à une nation qui
ne supporte guère, comme on l' a souvent
remarqué, que les vers composés pour le
théâtre, et qui sont la peinture des passions ou
des ridicules. Peu de personnes, je dirois même
peu de gens de lettres, lisent les géorgiques de
Virgile; et tous ceux qui connoissent la langue
latine, savent par coeur le quatrième livre de
l' énéide.

Dans le premier de ces deux poèmes, le poète
semble regretter que les bornes de son sujet ne
lui permettent pas de chanter les jardins. Après
avoir lutté long-temps contre les détails un peu
ingrats de la culture générale des champs, il
paroît désirer de se reposer sur des objets plus
rians. Mais resserré dans les limites de son sujet,
il s' en est dédommagé par une esquisse rapide
et charmante des jardins, et par ce touchant
épisode d' un vieillard heureux dans son petit
enclos cultivé par ses mains.
Ce que le poète romain regrettoit de ne pouvoir
faire, le père Rapin l' a exécuté. Il a écrit
dans la langue et quelquefois dans le style de
Virgile, un poème en quatre chants sur les
jardins, qui eut un grand succès, dans un temps
où on lisoit encore des vers latins modernes.
Son ouvrage n' est pas sans élégance; mais on y
desireroit plus de précision, et des épisodes
plus heureux.

Le plan de son poème manque d' ailleurs
d' intérêt et de variété. Un chant tout entier est
consacré aux eaux, un aux arbres, un aux fleurs.
On devine d' avance ce long catalogue et cette
énumération fastidieuse qui appartient plus à
un botaniste qu' à un poète: et cette marche
méthodique, qui seroit un mérite dans un traité
en prose, est un grand défaut dans un ouvrage
en vers, où l' esprit demande qu' on le mène par
des routes un peu détournées, et qu' on lui
présente des objets inattendus.
De plus, il a chanté les jardins du genre
régulier, et la monotonie attachée à la grande
régularité a passé du sujet dans le poème.
L' imagination, naturellement amie de la liberté,
tantôt se promène péniblement dans les dessins
contournés d' un parterre, tantôt va expirer au
bout d' une longue allée droite. Par-tout elle
regrette la beauté un peu désordonnée et la
piquante irrégularité de la nature.
Enfin, il n' a traité que la partie méchanique
de l' art des jardins. Il a entièrement oublié la
partie la plus essentielle, celle qui cherche dans
nos sensations, dans nos sentimens, la source des
plaisirs que nous causent les scènes champêtres et
les beautés de la nature, perfectionnées par l' art.
En un mot, ses jardins sont ceux de l' architecte;
les autres sont ceux du philosophe, du peintre
et du poète.

Ce genre a beaucoup gagné depuis quelques
années; et si c' est encore un effet de la mode,
il faut lui rendre grace. L' art des jardins, qu' on
pourroit appeller le luxe de l' agriculture, me
paroît un des amusemens les plus convenables,
je dirois presque les plus vertueux des personnes
riches. Comme culture, il les ramène à l' innocence
des occupations champêtres; comme
décoration, il favorise sans danger ce goût de
dépenses, qui suit les grandes fortunes: enfin,
il a, pour cette classe d' hommes, le double
avantage de tenir à la fois aux goûts de la ville
et à ceux de la campagne.

Ce plaisir des particuliers s' est trouvé joint à
l' utilité publique: il a fait aimer aux personnes
opulentes le séjour de leurs terres. L' argent qui
auroit entretenu les artisans du luxe, va nourrir
les cultivateurs, et la richesse retourne à sa
véritable source. De plus, la culture s' est
enrichie d' une foule de plantes ou d' arbres
étrangers ajoutés aux productions de notre sol, et
cela vaut bien tout le marbre que nos jardins ont
perdu.

Heureux si ce poème peut répandre encore
davantage ces goûts simples et purs! Car, comme
l' auteur de ce poème l' a dit ailleurs,
qui fait aimer les champs, fait aimer la vertu.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:30

Plus ces temps sont fameux, plus ces peuples sont grands,
Et plus j' admirerai ces restes imposans.
Ô champs de l' Italie! ô campagnes de Rome,
Où dans tout son orgueil gît le néant de l' homme!
C' est là que des débris fameux par de grands noms,
Pleins de grands souvenirs et de hautes leçons,
Vous offrent ces aspects, trésors des paysages.
Voyez de toutes parts, comment le cours des âges
Dispersant, déchirant de précieux lambeaux,
Jettant temple sur temple, et tombeaux sur tombeaux,
De Rome étale au loin la ruine immortelle;
Ces portiques, ces arcs, où la pierre fidelle
Garde du peuple-roi les exploits éclatans;
Leur masse indestructible a fatigué le temps.

Des fleuves suspendus ici mugissoit l' onde;
Sous ces portes passoient les dépouilles du monde;
Par-tout confusément dans la poussière épars,
Les thermes, les palais, les tombeaux des Césars,
Tandis que de Virgile, et d' Ovide, et d' Horace,
La douce illusion nous montre encor la trace.
Heureux, cent fois heureux l' artiste des jardins,
Dont l' art peut s' emparer de ces restes divins!

Déjà la main du temps sourdement le seconde;
Déjà sur les grandeurs de ces maîtres du monde
La nature se plaît à reprendre ses droits.
Au lieu même où Pompée, heureux vainqueur des rois,
Étaloit tant de faste, ainsi qu' aux jours d' évandre,
La flûte des bergers revient se faire entendre.

tamima

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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:31

Voyez rire ces champs au laboureur rendus,
Sur ces combles tremblans ces chevreaux suspendus,
L' orgueilleux obélisque au loin couché sur l' herbe,
L' humble ronce embrassant la colonne superbe;
Ces forêts d' arbrisseaux, de plantes, de buissons,
Montant, tombant en grappe, en touffes, en festons,
Par le souffle des vents semés sur ces ruines;
Le figuier, l' olivier, de leurs foibles racines
Achèvent d' ébranler l' ouvrage des romains;
Et la vigne flexible, et le lierre aux cent mains,
Autour de ces débris rampant avec souplesse,
Semblent vouloir cacher ou parer leur vieillesse.
Mais si vous n' avez pas ces restes renommés,
N' avez-vous pas du moins ces bronzes animés,
Et ces marbres vivans, déïtés des vieux âges,
Où l' art seul fut divin et força les hommages?
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:31

Je sais qu' un goût sévère a voulu des jardins
Exiler tous ces dieux des grecs et des romains.
Et pourquoi? Dans Athène et dans Rome nourrie,
Notre enfance a connu leur riante féerie.
Ces dieux n' étoient-ils pas laboureurs et bergers?
Pourquoi donc leur fermer vos bois et vos vergers?
Sans Pomone, vos fruits oseront-ils éclore?
De l' empire des fleurs pouvez-vous chasser Flore?
Ah! Que ces dieux toujours enchantent nos regards!
L' idolâtrie encore est le culte des arts.

Mais que l'art soit parfait; loin des jardins qu' on chasse
Ces dieux sans majesté, ces déesses sans grace.
À chaque déïté choisissez son vrai lieu.
Qu' un dieu n' usurpe pas les droits d' un autre dieu.
Laissez Pan dans les bois. D' où vient que ces naïades,
Que ces tritons à sec se mêlent aux dryades?
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:31

Pourquoi ce Nil en vain couronné de roseaux,
Et dont l' urne poudreuse est l' abri des oiseaux?
Ôtez-moi ces lions et ces tigres sauvages:
Ces monstres me font peur, même dans leurs images;
Et ces tristes Césars, cent fois plus monstres qu' eux,
Aux portes des bosquets sentinelles affreux,
Qui tout hideux encor de soupçons et de crimes,
Semblent encor de l' oeil désigner leurs victimes,
De quel droit s' offrent-ils dans ce riant séjour?
Montrez-moi des mortels plus chers à notre amour.
En des lieux consacrés à leur apothéose,
Créez un élysée où leur ombre repose.
Loin des profanes yeux, dans des vallons couverts
De lauriers odorans, de myrtes toujours verds,
En marbre de Paros offrez-nous leurs images.
Qu' une eau lente se plaise à baigner ces bocages,
Et qu' aux ombres du soir mêlant un jour douteux,
Diane aux doux rayons soit l' astre de ces lieux.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:32

Leur tranquille beauté, sous ces dais de verdure
De ces marbres chéris la blancheur tendre et pure,
Ces grands hommes, leur calme et simple majesté,
Cette eau silencieuse, image du Léthé,
Qui semble pour leurs coeurs exempts d' inquiétude
Rouler l' oubli des maux et de l' ingratitude,
Ces bois, ce jour mourant sous leur ombrage épais,
Tout des mânes heureux y respire la paix.
Vous donc, n' y consacrez que des vertus tranquilles.
Loin tous ces conquérans en ravages fertiles:

Comme ils troubloient le monde, ils troubleroient ces lieux.
Placez-y les amis des hommes et des dieux,
Ceux qui par des bienfaits vivent dans la mémoire,
Ces rois dont leurs sujets n' ont point pleuré la gloire.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:32

Montrez-y Fénelon à notre oeil attendri;
Que Sully s' y relève embrassé par Henri.
Donnez des fleurs, donnez; j' en couvrirai ces sages
Qui, dans un noble exil, sur de lointains rivages
Cherchoient ou répandoient les arts consolateurs;
Toi sur-tout, brave Cook, qui, cher à tous les coeurs,
Unis par les regrets la France et l' Angleterre;
Toi qui, dans ces climats où le bruit du tonnerre
Nous annonçoit jadis, Triptolème nouveau,
Apportois le coursier, la brebis, le taureau,
Le soc cultivateur, les arts de ta patrie,
Et des brigands d' Europe expiois la furie.
Ta voile en arrivant leur annonçoit la paix,
Et ta voile en partant leur laissoit des bienfaits.
Reçois donc ce tribut d' un enfant de la France.
Et que fait son pays à ma reconnoissance?
Ses vertus en ont fait notre concitoyen.
Imitons notre roi, digne d' être le sien.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 20:32

Hélas! De quoi lui sert que deux fois son audace
Ait vu des cieux brûlans, fendu des mers de glace;
Que des peuples, des vents, des ondes révéré,
Seul sur les vastes mers son vaisseau fût sacré;
Que pour lui seul la guerre oubliât ses ravages?
L' ami du monde, hélas! Meurt en proie aux sauvages.
Vous qui pleurez sa mort, fiers enfans d' Albion,
Imitez, il est tems, sa noble ambition.
Pourquoi dans vos égaux cherchez-vous des esclaves?
Portez-leur des bienfaits et non pas des entraves.
Le front ceint de lauriers cueillis par les françois,
La victoire aujourd' hui sollicite la paix.

Descends, aimable paix, si long-temps attendue,
Descends; que ta présence à l' univers rendue,
Embellisse les lieux qu' ont célébrés mes vers;
Viens; forme un peuple heureux de cent peuples divers.
Rends l' abondance aux champs, rends le commerce aux ondes,
Et la vie aux beaux arts, et le calme aux deux mondes.








Source: http://www.poesies.net
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Jacques Delille Le Poéte Instituteur. - Page 4 Empty Les Géorgiques Par Jacques Delille

Message par tamima Mer 12 Mai - 22:04

Les Géorgiques (Edition 1832)

Par Jacques Delille (1738-1813).

LIVRE 1

Je chante les moissons: je dirai sous quel signe
Il faut ouvrir la terre et marier la vigne;
Les soins industrieux que l'on doit aux troupeaux;
Et l'abeille économe, et ses sages travaux.
Astres qui, poursuivant votre course ordonnée,
Conduisez dans les cieux la marche de l'année;
Protecteur des raisins, déesse des moissons,
Si l'homme encor sauvage, instruit par vos leçons,
Quitta le gland des bois pour les gerbes fécondes,
Et d'un nectar vermeil rougit les froides ondes;
Divinités des prés, des champs et des forêts,
Faunes aux pieds légers, vous, nymphes des guérets,
Faunes, nymphes, venez; c'est pour vous que je chante.
Et toi, dieu du trident, qui de ta main puissante
De la terre frappas le sein obéissant,
Et soudain fis bondir un coursier frémissant;
Pallas, dont l'olivier enrichit nos rivages;
Vous, jeune dieu de Cée, ami des verts bocages,
Pour qui trois cents taureaux, éclatans de blancheur,
Paissent l'herbe nouvelle et l'aubépine en fleur;
Pan, qui, sur le Lycée ou le riant Ménale,
Animes sous tes doigts la flûte pastorale;
Vieillard, qui dans ta main tiens un jeune cyprès;
Enfant, qui le premier sillonnas les guérets;
Vous tous, dieux bienfaisans, déesses protectrices,
Qui de nos fruits heureux nourrissez les prémices,
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:04

Qui versez l'eau des cieux, qui fécondez les champs,
Ainsi qu'à nos moissons présidez à mes chants!
Et toi qu'attend le ciel, et que la terre adore,
Sous quel titre, ô César! Faudra-t-il qu'on t'implore?
Veux-tu, le front paré du myrte maternel,
Remplacer Jupiter sur son trône éternel?
Va, préside aux saisons, gouverne le tonnerre,
Protège les cités, fertilise la terre.
Veux-tu sur l'océan un pouvoir souverain?
Le trident de Neptune est remis dans ta main:
Téthys t'offre sa fille; et, roi des mers profondes,
Tu recevras pour dot tout l'empire des ondes.
Peut-être, plus voisin de tes nobles aïeux,
Nouveau signe d'été, veux-tu briller aux cieux?
Le scorpion brûlant, déjà loin d'érigone,
S'écarte avec respect et fait place à ton trône.
Choisis: mais garde-toi d'accepter les enfers!
Qu'on vante l'élysée et ses bois toujours verts,
Fière d'un sceptre affreux, que Proserpine y règne,
Toi, je veux qu'on t'adore, et non pas qu'on te craigne.
De nos cultivateurs viens donc guider les mains,
Et commence par eux le bonheur des humains.
Quand la neige au printemps s'écoule des montagnes,
Dès que le doux zéphyr amollit les campagnes,
Que j'entende le boeuf gémir sous l'aiguillon;
Qu'un soc long-temps rouillé brille dans le sillon.
Veux-tu voir les guérets combler tes voeux avides?
Par les soleils brûlans, par les frimas humides,
Qu'ils soient deux fois mûris et deux fois engraissés:
Tes greniers crouleront sous tes grains entassés.
Toutefois, dans le sein d'une terre inconnue
Ne va point vainement enfoncer la charrue:
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:04

Observe le climat, connais l'aspect des cieux,
L'influence des vents, la nature des lieux,
Des anciens laboureurs l'usage héréditaire,
Et les biens que prodigue ou refuse une terre.
Dans ces riches vallons la moisson jaunira;
Sur ces coteaux rians la grappe noircira:
Ici sont des vergers qu'enrichit la culture,
Là règne un vert gazon qu'entretient la nature;
Le Tmole est parfumé d'un safran précieux;
Dans les champs de Saba l'encens croît pour les dieux;
L'Euxin voit le castor se jouer dans ses ondes;
Le Pont s'enorgueillit de ses mines fécondes;
L'Inde produit l'ivoire; et, dans ses champs guerriers,
L'épire pour l'élide exerce ses coursiers.
Ainsi jadis le ciel partagea ses largesses,
Lorsqu'un mortel, sauvé des ondes vengeresses,
De fertiles cailloux semant d'affreux déserts,
D'hommes laborieux repeupla l'univers.
Connais donc la nature, et règle-toi sur elle.
Si ton terrain est gras, dès la saison nouvelle
Qu'on y plonge le soc, et que l'été poudreux
Mûrisse les sillons embrasés par ses feux.
Mais si ton sol ingrat n'est qu'une faible arène,
Qu'au retour du bouvier le soc l'effleure à peine.
Ainsi l'un perd l'excès de sa fécondité;
L'autre de quelque suc est encore humecté.
Qu'un vallon moissonné dorme un an sans culture:
Son sein reconnaissant te paie avec usure:
Ou sème un pur froment dans le même terrain
Qui n'a produit d'abord que le frêle lupin,
Ou la vesce légère, ou ces moissons bruyantes
De pois retentissans dans leurs cosses tremblantes.
Pour l'avoine et le lin, et les pavots brûlans,
De leurs sucs nourriciers ils épuisent les champs:
La terre toutefois, malgré leurs influences,
Pourra par intervalle admettre ces semences,
Pourvu qu'un sol usé, qu'un terrain sans vigueur,
Par de riches engrais raniment leur langueur.
La terre ainsi repose en changeant de richesses;
Mais un entier repos redouble ses largesses.
Cérès approuve encor que des chaumes flétris
La flamme, en petillant, dévore les débris:
Soit que les sels heureux d'une cendre fertile
Deviennent pour la terre un aliment utile;
Soit que le feu l'épure, et chasse le venin
Des funestes vapeurs qui dorment dans son sein;
Soit qu'en la dilatant par sa chaleur active,
Il ouvre des chemins à la sève captive;
Soit qu'enfin, resserrant les pores trop ouverts
D'un sol que fatiguait l'inclémence des airs,
Aux froides eaux du ciel, au souffle de borée,
Au soleil dévorant, il en ferme l'entrée.
Vois-tu ce laboureur, constant dans ses travaux,
Traverser ses sillons par des sillons nouveaux;
Écraser, sous le poids des longs râteaux qu'il traîne,
Les glèbes dont le soc a hérissé la plaine,
Gourmander sans relâche un terrain paresseux?
Cérès à ses travaux sourit du haut des cieux.
J'aime des hivers secs et des étés humides:
L'été des sillons frais, l'hiver des champs arides,
Sont un garant certain de la fertilite:
C'est alors que, surpris de leur fécondité,
Et le riche Gargare, et l'heureuse Mysie,
Enfantent ces moissons qui nourrissent l'Asie.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:05

Au maître des saisons adresse donc tes voeux.
Mais l'art du laboureur peut tout après les dieux.
Dans les champs la semence est-elle déposée,
Il la couvre à l'instant sous la glèbe écrasée;
Puis d'un fleuve, coupé par de nombreux canaux,
Court dans chaque sillon distribuer les eaux.
Si le soleil brûlant flétrit l'herbe mourante,
Aussitôt je le vois par une douce pente
Amener, du sommet d'un rocher sourcilleux,
Un docile ruisseau, qui sur un lit pierreux
Tombe, écume, et, roulant avec un doux murmure,
Des champs désaltérés ranime la verdure.
Tantôt, pour empêcher qu'un frêle chalumeau
Ne languisse accablé sous un riche fardeau,
Dès qu'il voit du sillon sortir ses blés superbes,
Il livre à ses troupeaux le vain luxe des herbes.
Tantôt son bras actif, desséchant des marais,
De leurs dormantes eaux délivre les guérets;
Surtout lorsque, gonflant ses ondes orageuses,
Un fleuve a submergé les campagnes fangeuses,
Et que du noir limon dont les champs sont couverts
L'exhalaison impure empoisonne les airs.
Mais, malgré tant de soins, malheureux que nous sommes!
Malgré les animaux qui secondent les hommes,
Tout n'est pas fait encor; crains pour tes jeunes blés
L'ombre, et l'herbe indomptable, et les brigands ailés.
Tel est l'arrêt fatal du maître du tonnerre:
Lui-même il força l'homme à cultiver la terre;
Et, n'accordant ses fruits qu'à nos soins vigilans,
Voulut que l'indigence éveillât les talens.
Avant lui, point d'enclos, de bornes, de partage;
La terre était de tous le commun héritage;
Et, sans qu'on l'arrachât, prodigue de son bien
La terre donnait plus à qui n'exigeait rien.
C'est lui qui, proscrivant une oisive opulence,
Partout de son empire exila l'indolence.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:05

Il endurcit la terre, il souleva les mers,
Nous déroba le feu, troubla la paix des airs,
Empoisonna la dent des vipères livides,
Contre l'agneau craintif arma les loups avides,
Dépouilla de leur miel les riches arbrisseaux,
Et du vin dans les champs fit tarir les ruisseaux.
Enfin l'art à pas lents vint adoucir nos peines;
Le caillou rend le feu recelé dans ses veines;
La terre obéissante et les flots étonnés
Par la rame et le soc déjà sont sillonnés;
Déjà le nocher compte et nomme les étoiles;
Des chiens lancent un cerf, le chasseur tend ses toiles;
La glu trompe l'oiseau; le crédule poisson
Tombe dans des filets, ou pend à l'hameçon.
Bientôt le fer rougit dans la fournaise ardente;
J'entends crier la dent de la lime mordante;
L'acier coupe le bois que déchiraient les coins.
Tout cède aux longs travaux, et surtout aux besoins.
Quand Dodone aux mortels refusa leur pâture,
Cérès vint des guérets leur montrer la culture.
De ces nouveaux bienfaits sont nés des soins nouveaux:
La rouille vient ronger le fruit de nos travaux;
La ronce naît en foule, et les épis périssent;
D'arbustes épineux les sillons se hérissent;
Et Cérès, à côté de ses plus riches dons,
Voit triompher l'ivraie, et régner les chardons.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:06

Tourmente donc la terre, appelle donc la pluie,
Chasse l'avide oiseau, détruis l'ombre ennemie;
Ou, bientôt affamé près d'un riche voisin,
Retourne au gland des bois pour assouvir ta faim.
Mais les momens sont chers; hâte-toi de connaître
Ce qui doit composer ton arsenal champêtre.
D'abord on forge un soc; on taille des traîneaux;
De leurs ongles de fer on arme des râteaux;
On entrelace en claie un arbuste docile;
Le van chasse des grains une paille inutile;
Le madrier pesant te sert à les fouler;
Et des chars au besoin seront prêts à rouler;
Sans tous ces instrumens, il n'est point de culture.
De la charrue enfin dessinons la structure.
D'abord il faut choisir, pour en former le corps,
Un ormeau que l'on courbe avec de longs efforts.
Le joug qui t'asservit ton robuste attelage,
Le manche qui conduit le champêtre équipage,
Pour soulager tes mains et le front de tes boeufs,
Du bois le plus léger seront formés tous deux.
Le fer, dont le tranchant dans la terre se plonge,
S'enchâsse entre deux coins, d'où sa pointe s'alonge.
Aux deux côtés du soc de larges orillons,
En écartant la terre, exhaussent les sillons.
De huit pieds en avant que le timon s'étende;
Sur deux orbes roulans que ta main le suspende:
Et qu'enfin tout ce bois, éprouvé par les feux,
Se durcisse à loisir sur ton foyer fumeux.
Il est mille autres soins consacrés par nos pères;
Ne dédaigne donc pas ces préceptes vulgaires.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:07

D'abord, qu'un long cylindre également roulé
Aplanisse la terre où tu battras le blé.
Si d'un ciment visqueux tes mains ne la pétrissent,
D'herbes et d'animaux les fentes se remplissent:
Là, l'immonde crapaud dans un coin s'assoupit;
Dans son trou tortueux la taupe se tapit;
Prévoyant les besoins de la triste vieillesse,
La fourmi diligente y butine sans cesse;
Le charançon dévore un vaste amas de grains;
Et le mulot remplit ses greniers souterrains.
Peut-être voudrais-tu, dès la saison de flore,
Prévoir ce que pour toi l'été va faire éclore?
Regarde l'amandier reverdir tous les ans,
Et courber en festons ses rameaux odorans:
Abonde-t-il en fleurs? Par des chaleurs ardentes
Le soleil mûrira des moissons abondantes;
Si des feuilles sans fruit surchargent ses rameaux,
Le fléau ne battra que de vains chalumeaux.

Des légumes souvent l'enveloppe infidèle
Déguise la maigreur des fruits qu'elle recèle.
Pour qu'ils soient mieux nourris, et pour rendre le grain
Plus prompt à s'amollir en bouillant dans l'airain,
J'ai vu dans le marc d'huile et dans une eau nitrée
Détremper la semence avec soin préparée:
Remède infructueux! Inutiles secrets!
Les grains les plus heureux, malgré tous ces apprêts,
Dégénèrent enfin, si l'homme avec prudence
Tous les ans ne choisit la plus belle semence.
Tel est l'arrêt du sort: tout marche à son déclin.
Je crois voir un nocher, qui, la rame à la main,
Lutte contre les flots, et les fend avec peine;
Suspend-il ses efforts? L'onde roule et l'entraîne.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:07

Il faut savoir encore interroger les cieux.
L'arcture, les chevreaux, le dragon lumineux,
Sont pour le laboureur d'aussi fidèles guides
Que pour l'adroit nocher, qui sur des mers perfides,
Implorant son pays la terre, et le repos,
Du détroit de Léandre ose affronter les flots
Observe donc leur cours. Sitôt que la balance
Du travail, du repos, du bruit et du silence,
Rendra l'empire égal, et du trône des airs
Entre l'ombre et le jour suspendra l'univers,
Avant que des vents froids le souffle la resserre,
Tandis qu'elle est traitable, on façonne la terre:
De tes taureaux nerveux aiguillonne les flancs;
Sème l'orge, le lin, les pavots nourrissans;
Ne quitte point le soc: hâte-toi; les tempêtes
Vont verser les torrens suspendus sur nos têtes.
Sitôt que dans nos champs Zéphire est de retour,
On y sème la fève; et quand l'astre du jour,
Ouvrant dans le taureau sa brillante carrière,
Engloutit Sirius dans des flots de lumière,
Les sillons amollis reçoivent les sainfoins,
Et le millet doré redemande tes soins.
Préfères-tu des blés, dont les gerbes flottantes
Roulent au gré des vents leurs ondes jaunissantes?
Attends jusqu'au lever de la couronne d'or.
Plusieurs jettent leurs grains quand Maïa luit encor:
Mais la terre à regret reçoit cette semence,
Et de maigres épis trompent leur espérance.
La faisole à tes soins a-t-elle quelque part?
Jusqu'à l'humble lentille abaisses-tu ton art?
Attends que dans les cieux disparaisse l'arcture,
Et poursuis jusqu'au temps où règne la froidure.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:08

Pour régler nos travaux, pour marquer les saisons,
L'art divisa du ciel les vastes régions.
Soleil, âme du monde, océan de lumière,
Douze astres différens partagent ta carrière.
Cinq zones de l'Olympe embrassent le contour:
L'une des feux brûlans est l'aride séjour;
Deux autres, qu'en tous temps attriste la froidure,
Des deux pôles glacés ont formé la ceinture:
Mais entre ces glaçons et ces feux éternels,
Deux autres ont reçu les malheureux mortels;
Et dans son cours brillant bornent l'oblique voie
Où du dieu des saisons la marche se déploie.
Le globe vers le nord hérissé de frimas
S'élève, et redescend vers les brûlans climats.
Notre pôle des cieux voit la clarté sublime:
Du Tartare profond l'autre touche l'abîme.
Calisto, dont le char craint les flots de Téthys,
Vers les glaces du nord brille auprès de son fils;
Le dragon les embrasse ainsi qu'un fleuve immense.
Le pôle du midi, noir séjour du silence,
N'offre aux tristes humains qu'une éternelle nuit:
Peut-être en nous quittant Phébus chez eux s'enfuit;
Et lorsque ses coursiers nous soufflent la lumière,
Pour eux l'obscure nuit commence sa carrière.
Le globe ainsi connu t'annonce les saisons:
Quand il faut ou semer, ou couper les moissons,
Abattre le sapin destiné pour Neptune,
Aux infidèles mers confier sa fortune:
Et ce n'est pas en vain que ces astres brillans
En quatre temps égaux nous partagent les ans.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:08

Plusieurs font à loisir, retenus par l'orage,
Ce qu'il faudrait hâter sous un ciel sans nuage:
Ils aiguisent leur soc, ils comptent leurs boisseaux;
Creusent une nacelle, ou marquent leurs troupeaux;
Préparent des liens à leurs vignes naissantes;
Taillent des pieux aigus, des fourches menaçantes;
La meule met en poudre ou le feu cuit leurs grains;
Et le jonc en panier s'arrondit sous leurs mains.

Les fêtes même, il est un travail légitime.
Ne peut-on pas alors, sans scrupule et sans crime,
Tendre un piége aux oiseaux, embraser des buissons,
D'un mur tissu d'épine entourer ses moissons,
Ou rafraîchir ses prés que la chaleur altère,
Ou baigner ses brebis dans une eau salutaire?
C'est dans ces mêmes jours que, libre de travaux,
Chacun porte aux cités les présens des hameaux;
Et, rapportant chez soi les tributs de la ville,
Presse les pas tardifs de son âne indocile.
La lune apprend aussi, dans son cours inégal,
Quel jour à tes travaux est propice ou fatal.
Le cinquième est funeste; en ce jour de colère
Naquirent érinnys, Tisiphone, Mégère,
Et vous, fameux titans, géans audacieux,
Que la terre enfanta pour attaquer les cieux.
Trois fois roulant des monts arrachés des campagnes,
Leur audace entassa montagnes sur montagnes,
Ossa sur Pélion, Olympe sur Ossa;
Trois fois, le foudre en main, le dieu les renversa.
Au dixième croissant de la lune nouvelle,
On peut du fier taureau dompter le front rebelle,
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:08

Planter la jeune vigne, ou d'une agile main
Promener la navette errante sur le lin.
Une clarté plus pure embellit le neuvième:
Le brigand le redoute, et le voyageur l'aime.
Chacun a son emploi; mais, dans ce choix du temps,
Ainsi que d'heureux jours, il est d'heureux instans.
Faut-il couper le chaume? On le coupe sans peine
Quand la nuit l'a mouillé de son humide haleine:
Pour dépouiller les prés, attends que sur les fleurs
L'aurore en souriant ait répandu ses pleurs.
Plusieurs pendant l'hiver, près d'un foyer antique,
Veillent à la lueur d'une lampe rustique:
Leur compagne près d'eux, partageant leurs travaux,
Tantôt d'un doigt léger fait rouler ses fuseaux;
Tantôt cuit dans l'airain le doux jus de la treille,
Et charme par ses chants la longueur de la veille.
Mais c'est en plein soleil, dans l'ardente saison,
Qu'au tranchant de la faux on livre la moisson,
Que sur l'épi doré le fléau se déploie.
Donne aux soins les beaux jours, et l'hiver à la joie.
L'hiver, tel qu'un nocher qui, plein d'un doux transport,
Couronne ses vaisseaux triomphans dans le port,
Tranquille sous le chaume, à l'abri des tempêtes,
L'heureux cultivateur donne ou reçoit des fêtes:
Pour lui ces tristes jours rappellent la gaîté;
Il s'applaudit l'hiver des travaux de l'été.
Alors même sa main n'est pas toujours oisive;
De l'arbre de Pallas il recueille l'olive;
Le myrte de Vénus lui cède un fruit sanglant,
Et le laurier sa graine, et les chênes leur gland.
Les flots sont-ils glacés, les champs couverts de neige?
Il tend des rets au cerf, prend l'oiseau dans un piége,
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:09

Ou presse un lièvre agile, ou, la fronde à la main,
Fait siffler un caillou qui terrasse le daim.
D'autres temps, d'autres soins. Dirai-je à quels désastres
De l'automne orageux nous exposent les astres,
Quand les jours sont moins longs, les soleils moins ardens;
Ou quels torrens affreux épanche le printemps,
Quand le blé d'épis verts a hérissé les plaines,
Et des flots d'un lait pur déjà gonfle ses veines?
L'été même, à l'instant qu'on liait en faisceaux
Les épis jaunissans qui tombent sous la faux,
J'ai vu les vents, grondant sur ces moissons superbes,
Déraciner les blés, se disputer les gerbes,
Et, roulant leurs débris dans de noirs tourbillons,
Enlever, disperser les trésors des sillons.
Tantôt un vaste amas d'effroyables nuages,
Dans ses flancs ténébreux couvant de noirs orages,
S'élève, s'épaissit, se déchire; et soudain
La pluie, à flots pressés, s'échappe de son sein;
Le ciel descend en eaux, et couche sur les plaines
Ces riantes moissons, vains fruits de tant de peines;
Les fossés sont remplis; les fleuves débordés
Roulent en mugissant dans les champs inondés;
Les torrens bondissans précipitent leur onde,
Et des mers en courroux le noir abîme gronde.
Dans cette nuit affreuse, environné d'éclairs,
Le roi des dieux s'assied sur le trône des airs:
La terre tremble au loin sous son maître qui tonne;
Les animaux ont fui; l'homme éperdu frisonne;
L'univers ébranlé s'épouvante... le dieu,
D'un bras étincelant, dardant un trait de feu,
De ces monts si souvent mutilés par la foudre,
De Rhodope ou d'Athos met les rochers en poudre;
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:09

Et leur sommet brisé vole en éclats fumans;
Le vent croît, l'air frémit d'horribles sifflemens;
En torrens redoublés les vastes cieux se fondent;
La rive au loin gémit, et les bois lui répondent.
Pour prévenir ces maux, lis aux voûtes des cieux;
Suis dans son cours errant le messager des dieux;
Observe si saturne est d'un heureux présage:
Surtout aux dieux des champs présente un pur hommage.
Quand l'ombrage au printemps invite au doux sommeil,
Lorsque l'air est plus doux, l'horizon plus vermeil,
Les vins plus délicats, les victimes plus belles,
Offre des voeux nouveaux pour des moissons nouvelles;
Choisis pour temple un bois, un gazon pour autel,
Pour offrande du vin, et du lait, et du miel:
Trois fois autour des blés on conduit la victime:
Et trois fois, enivré d'une joie unanime,
Un choeur nombreux la suit en invoquant Cérès:
Même, avant que le fer dépouille les guérets,
Tous entonnent un hymne; et, couronné de chêne,
Chacun d'un pied pesant frappe gaîment la plaine.
Si ce culte pieux n'obtient pas de beaux jours,
La lune de l'orage annonce au moins le cours:
Et le berger connaît par d'assurés présages
Quand il doit éviter les lointains pâturages.
Au premier sifflement des vents tumultueux,
Tantôt au haut des monts d'un bruit impétueux
On entend les éclats; tantôt les mers profondes
Soulèvent en grondant et balancent leurs ondes;
Tantôt court sur la plage un long mugissement,
Et les noires forêts murmurent sourdement.
Que je plains les nochers, lorsqu'aux prochains rivages
Les plongeons effrayés, avec des cris sauvages,
Volent du sein de l'onde; ou quand l'oiseau des mers
Parcourt en se jouant les rivages déserts;
Ou lorsque le héron, les ailes étendues,
De ses marais s'élance et se perd dans les nues!
Quelquefois, de l'orage avant-coureur brûlant,
Des cieux se précipite un astre étincelant,
Et dans le sein des nuits, qu'il rend encor plus sombres,
Traîne de longs éclairs qui sillonnent les ombres:
Tantôt on voit dans l'air des feuilles voltiger,
Et la plume, en tournant, sur les ondes nager.
Si l'éclair brille au nord, de l'Eure et de Zéphire
Si la foudre en éclat ébranle au loin l'empire,
Alors, ô laboureur! Crains les torrens des cieux;
Nochers, ployez la voile, et redoublez vos voeux.
Que dis-je? Tout prédit l'approche des orages:
Nul, sans être averti, n'éprouva leurs ravages:
Déjà l'arc éclatant qu'Iris trace dans l'air
Boit les feux du soleil et les eaux de la mer;
La grue, avec effroi s'élançant des vallées,
Fuit ces noires vapeurs de la terre exhalées;
Le taureau hume l'air par ses larges naseaux;
La grenouille se plaint au fond de ses roseaux;
L'hirondelle en volant effleure le rivage;
Tremblante pour ses oeufs, la fourmi déménage;
Et des affreux corbeaux les noires légions
Fendent l'air qui frémit sous leurs longs bataillons.
Vois les oiseaux des mers, et ceux que les prairies
Nourrissent près des eaux sur des rives fleuries;
De leur séjour humide on les voit s'approcher:
Offrir leur tête aux flots qui battent le rocher,
Promener sur les eaux leur troupe vagabonde,
Se plonger dans leur sein, reparaître sur l'onde,
S'y replonger encore, et par cent jeux divers
Annoncer les torrens suspendus dans les airs.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:09

Seule, errant à pas lents sur l'aride rivage,
La corneille enrouée appelle aussi l'orage.
Le soir la jeune fille, en tournant son fuseau,
Tire encor de sa lampe un présage nouveau,
Lorsque la mèche en feu, dont la clarté s'émousse,
Se couvre, en petillant, de noirs flocons de mousse.
Mais la sérénité reparaît à son tour:
Des signes non moins sûrs t'annoncent son retour;
Des astres plus brillans ont peuplé l'hémisphère:
La lune sur son char le dispute à son frère;
On ne voit plus dans l'air des nuages errans
Flotter, comme la laine éparse au gré des vents;
Ni l'oiseau de Thétis sur l'humide rivage
Aux rayons du soleil étaler son plumage;
Ni ces vils animaux dans la fange engraissés
Délier des épis les faisceaux dispersés.
Enfin l'air s'éclaircit; du sommet des montagnes
Le brouillard affaissé descend dans les campagnes;
Et le triste hibou, le soir au haut des toits,
En longs gémissemens ne traîne plus sa voix.
Tantôt l'affreux nisus, avide de vengeance,
Sur sa fille, à grand bruit, du haut des cieux s'élance:
Scylla vole et fend l'air; nisus vole et la suit;
Scylla, plus prompte encor, se détourne et s'enfuit.
Même les noirs corbeaux, bannissant la tristesse,
Annoncent les beaux jours par trois cris d'allégresse,
Et d'un gosier moins rauque expriment leur gaîté:
Souvent, au haut de l'arbre où flotte leur cité,
Vous voyez leurs ébats agiter le feuillage;
Une douceur secrète attendrit leur ramage:
Ils aiment à revoir, depuis long-temps bannis,
Leur arbre hospitalier, leur famille et leurs nids.
Non que du ciel en eux la sagesse immortelle
D'un rayon prophétique ait mis quelque étincelle:
L'instinct seul les éclaire; et lorsque ces vapeurs
D'où naissent tour à tour le froid et les chaleurs,
Ou des vents inconstans lorsque l'humide haleine
Change pour nous des cieux l'influence incertaine,
Les êtres animés changent avec le temps:
Ainsi, muet l'hiver, l'oiseau chante au printemps.
Ainsi l'agneau bondit sur le naissant herbage,
Et même le corbeau pousse un cri moins sauvage.
Mais, malgré ces leçons, crains-tu d'être séduit
Par le perfide éclat d'une brillante nuit?
Du soleil, de sa soeur, observe la carrière.
Quand la jeune Phébé rassemble sa lumière,
Si son croissant terni s'émousse dans les airs,
La pluie alors menace et la terre et les mers.
Du fard de la pudeur peint-elle son visage?
Des vents prêts à gronder c'est le plus sûr présage.
Le quatrième jour (cet augure est certain),
Si son arc est brillant, si son front est serein,
Durant le mois entier que ce beau jour amène,
Le ciel sera sans eau, l'aquilon sans haleine,
L'océan sans tempête; et les nochers heureux
Bientôt sur le rivage acquitteront leurs voeux.
Le soleil à son tour t'instruit, soit dès l'aurore,
Soit lorsque de ses feux l'occident se colore.
Si, de taches semé, sous un voile ennemi
Son disque renaissant se dérobe à demi,
Crains les vents pluvieux; leurs humides haleines
Menacent tes troupeaux, tes vergers et tes plaines.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:10

Si de son lit de pourpre on voit l'aurore en pleurs
Sortir languissamment sans force et sans couleurs;
Si Phébus, à travers une vapeur grossière
Dispersant faiblement quelques traits de lumière,
Semble luire à regret, de leurs feuillages verts
Les raisins colorés vainement sont couverts;
Sous les grains bondissans dont les toits retentissent,
La grêle écrase, hélas! Les grappes qui mûrissent.
Surtout sois attentif lorsque achevant leur tour
Ses coursiers dans la mer vont éteindre le jour;
Du pourpre, de l'azur, les couleurs différentes
Souvent marquent son front de leurs taches errantes:
Saisis de ces vapeurs le spectacle mouvant;
L'azur marque la pluie, et le pourpre le vent:
Si le pourpre et l'azur colorent son visage,
De la pluie et des vents redoute le ravage:
Je n'irai point alors, sur de frêles vaisseaux,
Dans l'horreur de la nuit m'égarer sur les eaux.
Mais lorsqu'il recommence et finit sa carrière,
S'il brille tout entier d'une pure lumière,
Sois sans crainte: vainqueur des humides autans,
L'aquilon va chasser les nuages flottans.
Ainsi ce dieu puissant, dans sa marche féconde,
Tandis que de ses feux il ranime le monde,
Sur l'humble laboureur veille du haut des cieux;
Lui prédit les beaux jours, et les jours pluvieux.
Qui pourrait, ô soleil! T'accuser d'imposture?
Tes immenses regards embrassent la nature:
C'est toi qui nous prédis ces tragiques fureurs
Qui couvent sourdement dans l'abîme des coeurs.
Quand César expira, plaignant notre misère,
D'un nuage sanglant tu voilas ta lumière;
Tu refusas le jour à ce siècle pervers;
Une éternelle nuit menaça l'univers.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:10

Que dis-je? Tout sentait notre douleur profonde,
Tout annonçait nos maux: le ciel, la terre et l'onde,
Les hurlemens des chiens, et le cri des oiseaux.
Combien de fois l'Etna, brisant ses arsenaux,
Parmi des rocs ardens, des flammes ondoyantes,
Vomit en bouillonnant ses entrailles brûlantes!
Des bataillons armés dans les airs se heurtaient:
Sous leurs glaçons tremblans les Alpes s'agitaient;
On vit errer, la nuit, des spectres lamentables;
Des bois muets sortaient des voix épouvantables;
L'airain même parut sensible à nos malheurs;
Sur le marbre amolli l'on vit couler des pleurs:
La terre s'entr'ouvrit, les fleuves reculèrent;
Et, pour comble d'effroi... les animaux parlèrent.
Le superbe éridan, le souverain des eaux,
Traîne et roule à grand bruit forêts, bergers, troupeaux;
Le prêtre, environné de victimes mourantes,
Observe avec horreur leurs fibres menaçantes;
L'onde changée en sang roule des flots impurs;
Des loups hurlant dans l'ombre épouvantent nos murs;
Même en un jour serein l'éclair luit, le ciel gronde,
Et la comète en feu vient effrayer le monde.
Aussi la Macédoine a vu nos combattans
Une seconde fois s'égorger dans ses champs;
Deux fois le ciel souffrit que ces fatales plaines
S'engraissassent du sang des légions romaines.
Un jour le laboureur, dans ces mêmes sillons
Où dorment les débris de tant de bataillons,
Heurtant avec le soc leur antique dépouille,
Trouvera, plein d'effroi, des dards rongés de rouille:
Verra de vieux tombeaux sous ses pas s'écrouler,
Et des soldats romains les ossemens rouler.
Ô père des romains, fils du dieu des batailles!
Protectrice du Tibre, appui de nos murailles,
Vesta! Dieux paternels, ô dieux de mon pays!
Ah! Du moins que César rassemble nos débris!
Par ces revers sanglans dont elle fut la proie,
Rome a bien effacé les parjures de Troie.
Hélas! Le ciel, jaloux du bonheur des romains,
César, te redemande aux profanes humains.
Que d'horreurs en effet ont souillé la nature!
Les villes sont sans lois, la terre sans culture;
En des champs de carnage on change nos guérets,
Et mars forge ses dards des armes de Cérès.
Ici le Rhin se trouble, et là mugit l'Euphrate;
Partout la guerre tonne et la discorde éclate;
Des augustes traités le fer tranche les noeuds,
Et Bellone en grondant se déchaîne en cent lieux.
Ainsi, lorsqu'une fois lancés de la barrière,
D'impétueux coursiers volent dans la carrière,
Leur guide les rappelle et se raidit en vain:
Le char n'écoute plus ni la voix ni le frein.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:17

LIVRE 2

J'ai chanté les guérets et le cours des saisons;
Soyez à votre tour l'objet de mes leçons,
Beaux vergers, sombres bois, et vous, riches vendanges.
Viens! Tout répète ici ton nom et tes louanges;
Viens, Bacchus! De tes dons ces coteaux sont couverts;
L'automne a sur son front tressé tes pampres verts;
Et déjà sur les bords de la cuve fumante
S'élève en bouillonnant la vendange écumante:
Descends de tes coteaux, mets bas ton brodequin,
Et rougissons nos pieds dans des ruisseaux de vin.
Et toi, de qui la main vint m'ouvrir la barrière,
Mécène, soutiens-moi dans ma longue carrière.
Que d'autres de la fable empruntent les atours;
Que leur muse s'égare en de vagues détours:
Le vrai seul est mon but, et toi seul es mon guide.
Sur la fleur des objets glissons d'un pas rapide:
Pour tout approfondir, tout peindre dans mes vers,
La nature est trop vaste, et tes momens trop chers.
Les arbres, de la terre agréable parure,
Sortent diversement des mains de la nature.
Les uns, sans implorer des soins infructueux,
Dans les champs, sur les bords des fleuves tortueux,
Naissent indépendans de l'industrie humaine:
Ainsi le souple osier se reproduit sans peine;
Tels sont l'humble genêt, les saules demi-verts,
Et ces blancs peupliers balancés dans les airs.
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Message par tamima Mer 12 Mai - 22:17

D'autres furent semés; ainsi croissent l'yeuse,
Qui redouble des bois l'horreur religieuse;
Le châtaignier couvert de ses fruits épineux,
Et le chêne, à Dodone interprète des dieux.
Plusieurs sont entourés de rejetons sans nombre:
Ainsi le cerisier aime à voir sous son ombre
S'élever ses enfans; ainsi ces vieux ormeaux
Sur leur jeune famille étendent leurs rameaux;
Et même le laurier, que le Pinde révère,
Lève son front timide à l'abri de son père.
Tels, sans les soins de l'art, d'elle-même autrefois
La nature enfanta les vergers et les bois,
Et les humbles taillis, et les forêts sacrées.
Depuis, l'art, se frayant des routes ignorées,
Par des moyens nouveaux créa de nouveaux plants.
Là d'un arbre fécond les rejetons naissans,
Par le tranchant acier séparés de leur père,
Vont recevoir ailleurs une sève étrangère;
Ici des souches d'arbre, ou des rameaux fendus,
Ou des pieux aiguisés, à nos champs sont rendus:
Celui-ci courbe en arc la branche obéissante,
Et dans le sol natal l'ensevelit vivante;
Cet autre émonde un arbre, et plante ses rameaux,
Qui dans son champ surpris deviennent arbrisseaux.
Un aride olivier, surpassant ces prodiges,
Des éclats d'un vieux tronc pousse de jeunes tiges.
De rameaux étrangers un arbre s'embellit,
D'un fruit qu'il ignorait son tronc s'enorgueillit;
Le poirier sur son front voit des pommes éclore,
Et sur le cornouiller la prune se colore.
Connais donc chaque espèce, et soigne sa beauté;
D'un fruit sauvage encore adoucis l'âpreté:

Point d'arbres négligés, point de terres oisives;
Couvrons de pampre Ismare, et Taburne d'olives.
L'arbre né de lui-même étale fièrement
De ses rameaux pompeux le stérile ornement;
La nature se plut à parer son ouvrage:
Mais qu'on prête à sa tige un rameau moins sauvage,
Ou qu'il soit transplanté dans un sol plus heureux;
Dompté par la culture, il comblera tes voeux.
Tels encor, si tu veux les ranger dans la plaine,
Ces faibles rejetons paîront un jour ta peine;
Par l'ombre de leur père étouffés aujourd'hui,
Stériles avortons, ils languissent sous lui.
L'arbre qu'on a semé, croissant pour un autre âge,
À nos derniers neveux réserve son ombrage;
Sa tige même enfante un fruit décoloré;
Le pommier méconnaît son suc dénaturé;
La grappe est des oiseaux la honteuse pâture.
Tous ces arbres enfin ont besoin de culture;
Que tous soient transplantés, rangés dans les sillons,
Et qu'à force de soins on achète leurs dons.
Mais chacun d'eux exige un art qu'il faut connaître.
De tronçons enfouis l'olivier veut renaître:
D'un rameau sort un myrte agréable à Vénus;
Et les ceps provignés sont plus chers à Bacchus.
Avec plus de succès on transplante le frêne,
L'arbre de Jupiter, celui du fils d'Alcmène,
Le coudrier noueux, les palmiers toujours verts,
Et le sapin, qui croît pour affronter les mers.
D'autres seront greffés: sur les planes stériles
On porte du pommier les rejetons fertiles:
Le hêtre avec plaisir s'allie au châtaignier;
La pierre abat la noix sur l'aride arboisier;

Le poirier de sa fleur blanchit souvent le frêne;
Et le porc, sous l'ormeau, broya le fruit du chêne.
Cet art a deux secrets dont l'effet est pareil:
Tantôt, dans l'endroit même où le bouton vermeil
Déjà laisse échapper sa feuille prisonnière,
On fait avec l'acier une fente légère:
Là d'un arbre fertile on insère un bouton,
De l'arbre qui l'adopte utile nourrisson:
Tantôt des coins aigus entr'ouvrent avec force
Un tronc dont aucun noeud ne hérisse l'écorce:
À ces branches succède un rameau plus heureux.
Bientôt ce tronc s'élève en arbre vigoureux;
Et, se couvrant des fruits d'une race étrangère,
Admire ces enfans dont il n'est pas le père.
Le même arbre d'ailleurs, diversement produit,
Voit changer son feuillage et varier son fruit.
La terre, dans les bois, nourrit sous plusieurs formes
La race des lotos, des cyprès et des ormes;
Les saules ne sont pas les mêmes en tous lieux:
L'olive, ainsi qu'au goût, est différente aux yeux:
En des moules divers la nature la jette,
En globe l'arrondit, ou l'alonge en navette.
La poire est distinguée, ici par sa grosseur;
Là, par son coloris; plus loin, par sa douceur.
L'une mûrit l'été, l'autre tombe en automne;
Celle-ci dans l'hiver à la main s'abandonne.
Notre vigne fleurit suspendue aux ormeaux;
La grappe de Lesbos rampe sur les coteaux;
Les raisins sont tardifs, ou se pressent d'éclore;
Le pourpre les rougit, ou le safran les dore:
Ceux-ci sur les rochers se cuiront lentement,
Ceux-là s'amolliront dans l'airain écumant.
tamima
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Jacques Delille Le Poéte Instituteur. - Page 4 Empty Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.

Message par tamima Mer 12 Mai - 22:42

Ici d'un jus vermeil la sève généreuse
Dans nos veines répand une chaleur heureuse;
Là les esprits fumeux de ce vin sans couleur
Enchaîneront la langue et les pas du buveur.
Vois les vins blancs de Thase et de Maréotide:
L'un veut un terrain gras, et l'autre un sol aride.
Rhétie, on vante au loin tes vins délicieux;
Mais Hébé verserait notre Falerne aux dieux.
Veut-on boire un vin fort? On choisit l'Aminée,
Vainqueur heureux du Tmole, et même du Phanée.
Argos est renommé par ses vins bienfaisans,
Dont la sève résiste à l'injure des ans.
Et toi, divin nectar que Rhodes nous envoie,
Du convive assoupi viens réveiller la joie.
Puis-je encore oublier ces énormes raisins...
Mais qui pourrait compter et nommer tous ces vins?
On compterait plutôt sur les mers courroucées
Les vagues, vers les bords par l'aquilon poussées;
On compterait plutôt, dans les brûlans déserts,
Les sables que les vents emportent dans les airs.
Tout sol enfin n'est pas propice à toute plante:
Le saule aime une eau vive, et l'aune une eau dormante;
Le frêne veut plonger dans un coteau pierreux:
Au bord riant des eaux les myrtes sont heureux.
Le soleil sur les monts cuit la grappe dorée;
Et l'if s'épanouit au souffle de Borée.
tamima
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