Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
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Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Rappel du premier message :
Jacques Delille Le Poéte Instituteur. 1738-1813
Les jardins ou L'art d'embellir les paysages (poème)
Par Jacques Delille (1738-1813)
AVERTISSEMENT
Plusieurs personnes d' un grand mérite ont
écrit en prose sur les jardins. L' auteur de ce
poème leur a emprunté quelques préceptes,
et même quelques descriptions. Dans plusieurs
endroits il a eu le bonheur de se rencontrer avec
eux; car son poème a été commencé, avant
que leurs ouvrages parussent. Il ne dissimulera
pas que c' est avec la plus grande défiance qu' il
livre à l' impression cet ouvrage trop attendu,
et sur-tout trop loué. L' indulgence extrême de
ceux qui l' ont entendu, lui est un garant trop
sûr de la rigueur de ceux qui le liront.
Ce poème a d' ailleurs un très-grand inconvénient,
celui d' être un poème didactique. Ce
genre est nécessairement un peu froid, et doit
le paroître encore davantage à une nation qui
ne supporte guère, comme on l' a souvent
remarqué, que les vers composés pour le
théâtre, et qui sont la peinture des passions ou
des ridicules. Peu de personnes, je dirois même
peu de gens de lettres, lisent les géorgiques de
Virgile; et tous ceux qui connoissent la langue
latine, savent par coeur le quatrième livre de
l' énéide.
Dans le premier de ces deux poèmes, le poète
semble regretter que les bornes de son sujet ne
lui permettent pas de chanter les jardins. Après
avoir lutté long-temps contre les détails un peu
ingrats de la culture générale des champs, il
paroît désirer de se reposer sur des objets plus
rians. Mais resserré dans les limites de son sujet,
il s' en est dédommagé par une esquisse rapide
et charmante des jardins, et par ce touchant
épisode d' un vieillard heureux dans son petit
enclos cultivé par ses mains.
Ce que le poète romain regrettoit de ne pouvoir
faire, le père Rapin l' a exécuté. Il a écrit
dans la langue et quelquefois dans le style de
Virgile, un poème en quatre chants sur les
jardins, qui eut un grand succès, dans un temps
où on lisoit encore des vers latins modernes.
Son ouvrage n' est pas sans élégance; mais on y
desireroit plus de précision, et des épisodes
plus heureux.
Le plan de son poème manque d' ailleurs
d' intérêt et de variété. Un chant tout entier est
consacré aux eaux, un aux arbres, un aux fleurs.
On devine d' avance ce long catalogue et cette
énumération fastidieuse qui appartient plus à
un botaniste qu' à un poète: et cette marche
méthodique, qui seroit un mérite dans un traité
en prose, est un grand défaut dans un ouvrage
en vers, où l' esprit demande qu' on le mène par
des routes un peu détournées, et qu' on lui
présente des objets inattendus.
De plus, il a chanté les jardins du genre
régulier, et la monotonie attachée à la grande
régularité a passé du sujet dans le poème.
L' imagination, naturellement amie de la liberté,
tantôt se promène péniblement dans les dessins
contournés d' un parterre, tantôt va expirer au
bout d' une longue allée droite. Par-tout elle
regrette la beauté un peu désordonnée et la
piquante irrégularité de la nature.
Enfin, il n' a traité que la partie méchanique
de l' art des jardins. Il a entièrement oublié la
partie la plus essentielle, celle qui cherche dans
nos sensations, dans nos sentimens, la source des
plaisirs que nous causent les scènes champêtres et
les beautés de la nature, perfectionnées par l' art.
En un mot, ses jardins sont ceux de l' architecte;
les autres sont ceux du philosophe, du peintre
et du poète.
Ce genre a beaucoup gagné depuis quelques
années; et si c' est encore un effet de la mode,
il faut lui rendre grace. L' art des jardins, qu' on
pourroit appeller le luxe de l' agriculture, me
paroît un des amusemens les plus convenables,
je dirois presque les plus vertueux des personnes
riches. Comme culture, il les ramène à l' innocence
des occupations champêtres; comme
décoration, il favorise sans danger ce goût de
dépenses, qui suit les grandes fortunes: enfin,
il a, pour cette classe d' hommes, le double
avantage de tenir à la fois aux goûts de la ville
et à ceux de la campagne.
Ce plaisir des particuliers s' est trouvé joint à
l' utilité publique: il a fait aimer aux personnes
opulentes le séjour de leurs terres. L' argent qui
auroit entretenu les artisans du luxe, va nourrir
les cultivateurs, et la richesse retourne à sa
véritable source. De plus, la culture s' est
enrichie d' une foule de plantes ou d' arbres
étrangers ajoutés aux productions de notre sol, et
cela vaut bien tout le marbre que nos jardins ont
perdu.
Heureux si ce poème peut répandre encore
davantage ces goûts simples et purs! Car, comme
l' auteur de ce poème l' a dit ailleurs,
qui fait aimer les champs, fait aimer la vertu.
Jacques Delille Le Poéte Instituteur. 1738-1813
Les jardins ou L'art d'embellir les paysages (poème)
Par Jacques Delille (1738-1813)
AVERTISSEMENT
Plusieurs personnes d' un grand mérite ont
écrit en prose sur les jardins. L' auteur de ce
poème leur a emprunté quelques préceptes,
et même quelques descriptions. Dans plusieurs
endroits il a eu le bonheur de se rencontrer avec
eux; car son poème a été commencé, avant
que leurs ouvrages parussent. Il ne dissimulera
pas que c' est avec la plus grande défiance qu' il
livre à l' impression cet ouvrage trop attendu,
et sur-tout trop loué. L' indulgence extrême de
ceux qui l' ont entendu, lui est un garant trop
sûr de la rigueur de ceux qui le liront.
Ce poème a d' ailleurs un très-grand inconvénient,
celui d' être un poème didactique. Ce
genre est nécessairement un peu froid, et doit
le paroître encore davantage à une nation qui
ne supporte guère, comme on l' a souvent
remarqué, que les vers composés pour le
théâtre, et qui sont la peinture des passions ou
des ridicules. Peu de personnes, je dirois même
peu de gens de lettres, lisent les géorgiques de
Virgile; et tous ceux qui connoissent la langue
latine, savent par coeur le quatrième livre de
l' énéide.
Dans le premier de ces deux poèmes, le poète
semble regretter que les bornes de son sujet ne
lui permettent pas de chanter les jardins. Après
avoir lutté long-temps contre les détails un peu
ingrats de la culture générale des champs, il
paroît désirer de se reposer sur des objets plus
rians. Mais resserré dans les limites de son sujet,
il s' en est dédommagé par une esquisse rapide
et charmante des jardins, et par ce touchant
épisode d' un vieillard heureux dans son petit
enclos cultivé par ses mains.
Ce que le poète romain regrettoit de ne pouvoir
faire, le père Rapin l' a exécuté. Il a écrit
dans la langue et quelquefois dans le style de
Virgile, un poème en quatre chants sur les
jardins, qui eut un grand succès, dans un temps
où on lisoit encore des vers latins modernes.
Son ouvrage n' est pas sans élégance; mais on y
desireroit plus de précision, et des épisodes
plus heureux.
Le plan de son poème manque d' ailleurs
d' intérêt et de variété. Un chant tout entier est
consacré aux eaux, un aux arbres, un aux fleurs.
On devine d' avance ce long catalogue et cette
énumération fastidieuse qui appartient plus à
un botaniste qu' à un poète: et cette marche
méthodique, qui seroit un mérite dans un traité
en prose, est un grand défaut dans un ouvrage
en vers, où l' esprit demande qu' on le mène par
des routes un peu détournées, et qu' on lui
présente des objets inattendus.
De plus, il a chanté les jardins du genre
régulier, et la monotonie attachée à la grande
régularité a passé du sujet dans le poème.
L' imagination, naturellement amie de la liberté,
tantôt se promène péniblement dans les dessins
contournés d' un parterre, tantôt va expirer au
bout d' une longue allée droite. Par-tout elle
regrette la beauté un peu désordonnée et la
piquante irrégularité de la nature.
Enfin, il n' a traité que la partie méchanique
de l' art des jardins. Il a entièrement oublié la
partie la plus essentielle, celle qui cherche dans
nos sensations, dans nos sentimens, la source des
plaisirs que nous causent les scènes champêtres et
les beautés de la nature, perfectionnées par l' art.
En un mot, ses jardins sont ceux de l' architecte;
les autres sont ceux du philosophe, du peintre
et du poète.
Ce genre a beaucoup gagné depuis quelques
années; et si c' est encore un effet de la mode,
il faut lui rendre grace. L' art des jardins, qu' on
pourroit appeller le luxe de l' agriculture, me
paroît un des amusemens les plus convenables,
je dirois presque les plus vertueux des personnes
riches. Comme culture, il les ramène à l' innocence
des occupations champêtres; comme
décoration, il favorise sans danger ce goût de
dépenses, qui suit les grandes fortunes: enfin,
il a, pour cette classe d' hommes, le double
avantage de tenir à la fois aux goûts de la ville
et à ceux de la campagne.
Ce plaisir des particuliers s' est trouvé joint à
l' utilité publique: il a fait aimer aux personnes
opulentes le séjour de leurs terres. L' argent qui
auroit entretenu les artisans du luxe, va nourrir
les cultivateurs, et la richesse retourne à sa
véritable source. De plus, la culture s' est
enrichie d' une foule de plantes ou d' arbres
étrangers ajoutés aux productions de notre sol, et
cela vaut bien tout le marbre que nos jardins ont
perdu.
Heureux si ce poème peut répandre encore
davantage ces goûts simples et purs! Car, comme
l' auteur de ce poème l' a dit ailleurs,
qui fait aimer les champs, fait aimer la vertu.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Ici d'un jus vermeil la sève généreuse
Dans nos veines répand une chaleur heureuse;
Là les esprits fumeux de ce vin sans couleur
Enchaîneront la langue et les pas du buveur.
Vois les vins blancs de Thase et de Maréotide:
L'un veut un terrain gras, et l'autre un sol aride.
Rhétie, on vante au loin tes vins délicieux;
Mais Hébé verserait notre Falerne aux dieux.
Veut-on boire un vin fort? On choisit l'Aminée,
Vainqueur heureux du Tmole, et même du Phanée.
Argos est renommé par ses vins bienfaisans,
Dont la sève résiste à l'injure des ans.
Et toi, divin nectar que Rhodes nous envoie,
Du convive assoupi viens réveiller la joie.
Puis-je encore oublier ces énormes raisins...
Mais qui pourrait compter et nommer tous ces vins?
On compterait plutôt sur les mers courroucées
Les vagues, vers les bords par l'aquilon poussées;
On compterait plutôt, dans les brûlans déserts,
Les sables que les vents emportent dans les airs.
Tout sol enfin n'est pas propice à toute plante:
Le saule aime une eau vive, et l'aune une eau dormante;
Le frêne veut plonger dans un coteau pierreux:
Au bord riant des eaux les myrtes sont heureux.
Le soleil sur les monts cuit la grappe dorée;
Et l'if s'épanouit au souffle de Borée.
Dans nos veines répand une chaleur heureuse;
Là les esprits fumeux de ce vin sans couleur
Enchaîneront la langue et les pas du buveur.
Vois les vins blancs de Thase et de Maréotide:
L'un veut un terrain gras, et l'autre un sol aride.
Rhétie, on vante au loin tes vins délicieux;
Mais Hébé verserait notre Falerne aux dieux.
Veut-on boire un vin fort? On choisit l'Aminée,
Vainqueur heureux du Tmole, et même du Phanée.
Argos est renommé par ses vins bienfaisans,
Dont la sève résiste à l'injure des ans.
Et toi, divin nectar que Rhodes nous envoie,
Du convive assoupi viens réveiller la joie.
Puis-je encore oublier ces énormes raisins...
Mais qui pourrait compter et nommer tous ces vins?
On compterait plutôt sur les mers courroucées
Les vagues, vers les bords par l'aquilon poussées;
On compterait plutôt, dans les brûlans déserts,
Les sables que les vents emportent dans les airs.
Tout sol enfin n'est pas propice à toute plante:
Le saule aime une eau vive, et l'aune une eau dormante;
Le frêne veut plonger dans un coteau pierreux:
Au bord riant des eaux les myrtes sont heureux.
Le soleil sur les monts cuit la grappe dorée;
Et l'if s'épanouit au souffle de Borée.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
De l'aurore au couchant parcourons l'univers.
Les différens climats ont des arbres divers:
Chez l'arabe l'encens embaume au loin la plaine;
Sur les rives du Gange on voit noircir l'ébène.
Là d'un tendre duvet les arbres sont blanchis,
Ici d'un fil doré les bois sont enrichis;
Le Nil du vert acanthe admire les feuillages;
Le baume, heureux Jourdain, parfume tes rivages;
Et l'Inde au bord des mers voit monter ses forêts
Plus haut que ses archers ne font voler leurs traits.
Vois les arbres du Mède et son orange amère,
Qui, lorsque la marâtre aux fils d'une autre mère
Verse le noir poison d'un breuvage enchanté,
Dans leur corps expirant rappelle la santé.
L'arbre égale en beauté celui que Phébus aime;
S'il en avait l'odeur, c'est le laurier lui-même.
Sa feuille sans effort ne se peut arracher;
Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher,
Et son suc, du vieillard qui respire avec peine,
Raffermit les poumons et parfume l'haleine.
Mais l'Inde et ses forêts, et leur riche trésor,
Et le Gange, et l'Hermus qui roule un limon d'or,
Et les riches parfums que l'Arabie exhale,
À l'antique Ausonie ont-ils rien qui s'égale?
Colchos, pour labourer tes vallons fabuleux,
Mets au joug des taureaux étincelans de feux;
Que des dents d'un dragon les fatales semences
Hérissent tes guérets d'une moisson de lances.
Le blé pare nos champs, le raisin nos coteaux;
J'y vois mûrir l'olive, et bondir nos troupeaux.
Ici l'ardent coursier s'échappe au loin sur l'herbe:
Là paissent la génisse et le taureau superbe,
Qui, baignés d'une eau pure, et couronnés de fleurs,
Conduisent aux autels nos fiers triomphateurs.
Les différens climats ont des arbres divers:
Chez l'arabe l'encens embaume au loin la plaine;
Sur les rives du Gange on voit noircir l'ébène.
Là d'un tendre duvet les arbres sont blanchis,
Ici d'un fil doré les bois sont enrichis;
Le Nil du vert acanthe admire les feuillages;
Le baume, heureux Jourdain, parfume tes rivages;
Et l'Inde au bord des mers voit monter ses forêts
Plus haut que ses archers ne font voler leurs traits.
Vois les arbres du Mède et son orange amère,
Qui, lorsque la marâtre aux fils d'une autre mère
Verse le noir poison d'un breuvage enchanté,
Dans leur corps expirant rappelle la santé.
L'arbre égale en beauté celui que Phébus aime;
S'il en avait l'odeur, c'est le laurier lui-même.
Sa feuille sans effort ne se peut arracher;
Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher,
Et son suc, du vieillard qui respire avec peine,
Raffermit les poumons et parfume l'haleine.
Mais l'Inde et ses forêts, et leur riche trésor,
Et le Gange, et l'Hermus qui roule un limon d'or,
Et les riches parfums que l'Arabie exhale,
À l'antique Ausonie ont-ils rien qui s'égale?
Colchos, pour labourer tes vallons fabuleux,
Mets au joug des taureaux étincelans de feux;
Que des dents d'un dragon les fatales semences
Hérissent tes guérets d'une moisson de lances.
Le blé pare nos champs, le raisin nos coteaux;
J'y vois mûrir l'olive, et bondir nos troupeaux.
Ici l'ardent coursier s'échappe au loin sur l'herbe:
Là paissent la génisse et le taureau superbe,
Qui, baignés d'une eau pure, et couronnés de fleurs,
Conduisent aux autels nos fiers triomphateurs.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Deux fois nos fruits sont mûrs, deux fois nos brebis pleines;
Même au sein des hivers, l'été luit dans nos plaines:
Mais ce sol ne nourrit ni le tigre inhumain,
Ni le poison qui trompe une imprudente main.
Nul lion n'y rugit, et jamais sur l'arène
Une hydre épouvantable à longs plis ne s'y traîne:
Partout sont de beaux champs qu'éclairent de beaux cieux,
Où la nature est riche, et l'art industrieux.
Vois ces forts suspendus sur ces rochers sauvages,
Ces fleuves dont nos murs couronnent les rivages:
La mer de deux côtés nous présente son sein;
Vingt lacs autour de nous ont creusé leur bassin.
Ici le Lare étend son enceinte profonde;
Là, tel qu'un océan, le Bénac s'enfle et gronde.
Peindrai-je ces beaux ports, ce hardi monument
Qui maîtrise l'orgueil d'un fougueux élément;
Et, dans les lacs voisins lui laissant un passage,
Présente à nos vaisseaux une mer sans orage?
Fouille ces champs féconds: le fer, l'argent, l'airain,
L'or même, en longs ruisseaux circulent dans leur sein;
Ces champs ont vu fleurir cent peuples redoutables,
Les sabins belliqueux, les marses indomptables,
Et ces liguriens qu'indigne le repos,
Et ces volsques, armés d'énormes javelots.
Ces champs ont enfanté les dèces, les émiles,
Les braves scipions, les généreux camilles;
Toi surtout, toi César, qui sur des bords lointains
Soumets l'Inde tremblante à l'aigle des romains.
Terre féconde en fruits, en conquérans fertile,
Salut! Je chante un art à ta grandeur utile;
Du permesse pour toi les canaux sont rouverts,
Hésiode aux romains va parler dans mes vers.
Même au sein des hivers, l'été luit dans nos plaines:
Mais ce sol ne nourrit ni le tigre inhumain,
Ni le poison qui trompe une imprudente main.
Nul lion n'y rugit, et jamais sur l'arène
Une hydre épouvantable à longs plis ne s'y traîne:
Partout sont de beaux champs qu'éclairent de beaux cieux,
Où la nature est riche, et l'art industrieux.
Vois ces forts suspendus sur ces rochers sauvages,
Ces fleuves dont nos murs couronnent les rivages:
La mer de deux côtés nous présente son sein;
Vingt lacs autour de nous ont creusé leur bassin.
Ici le Lare étend son enceinte profonde;
Là, tel qu'un océan, le Bénac s'enfle et gronde.
Peindrai-je ces beaux ports, ce hardi monument
Qui maîtrise l'orgueil d'un fougueux élément;
Et, dans les lacs voisins lui laissant un passage,
Présente à nos vaisseaux une mer sans orage?
Fouille ces champs féconds: le fer, l'argent, l'airain,
L'or même, en longs ruisseaux circulent dans leur sein;
Ces champs ont vu fleurir cent peuples redoutables,
Les sabins belliqueux, les marses indomptables,
Et ces liguriens qu'indigne le repos,
Et ces volsques, armés d'énormes javelots.
Ces champs ont enfanté les dèces, les émiles,
Les braves scipions, les généreux camilles;
Toi surtout, toi César, qui sur des bords lointains
Soumets l'Inde tremblante à l'aigle des romains.
Terre féconde en fruits, en conquérans fertile,
Salut! Je chante un art à ta grandeur utile;
Du permesse pour toi les canaux sont rouverts,
Hésiode aux romains va parler dans mes vers.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Maintenant des terrains distinguons la nature,
Leur force et leur couleur, leurs fruits et leur culture.
D'abord le sol pierreux de ces arides monts,
D'argile entremêlés, hérissés de buissons,
De l'arbre de Pallas aime l'utile ombrage:
En veux-tu des garans? Vois l'olivier sauvage
Sur ces coteaux chéris croître de toutes parts,
Et sur la terre au loin semer ses fruits épars.
Mais ces terrains féconds que la nature engraisse,
Qui regorgent de sucs, où croît une herbe épaisse,
Tels qu'au pied de ces rocs s'étend ce beau vallon,
Où l'eau des monts voisins porte un riche limon,
Si des feux du midi le soleil les éclaire,
S'ils présentent au soc l'importune fougère,
Ils te prodigueront des vins délicieux.
Ces vins brillant dans l'or, et versés pour les dieux,
Lorsque, auprès des taureaux immolés à leur gloire,
Le toscan, sous ses doigts, fait résonner l'ivoire.
Voudrais-tu faire envie aux bergers tes rivaux?
Les forêts de Tarente appellent tes troupeaux:
Va dans ces prés ravis à ma chère Mantoue,
Où le cygne argenté sur les ondes se joue;
Là tout rit aux pasteurs, la beauté du vallon,
La fraîcheur des ruisseaux, l'épaisseur du gazon;
Et tout ce qu'un long jour consume de pâture,
La plus courte des nuits le rend avec usure.
Enfin pour le froment choisis ces terrains forts,
Pleins de sucs au dedans, noirâtres au dehors,
Dont la terre est broyée, et pour qui la nature
Semble avoir épargné les frais de la culture.
Leur force et leur couleur, leurs fruits et leur culture.
D'abord le sol pierreux de ces arides monts,
D'argile entremêlés, hérissés de buissons,
De l'arbre de Pallas aime l'utile ombrage:
En veux-tu des garans? Vois l'olivier sauvage
Sur ces coteaux chéris croître de toutes parts,
Et sur la terre au loin semer ses fruits épars.
Mais ces terrains féconds que la nature engraisse,
Qui regorgent de sucs, où croît une herbe épaisse,
Tels qu'au pied de ces rocs s'étend ce beau vallon,
Où l'eau des monts voisins porte un riche limon,
Si des feux du midi le soleil les éclaire,
S'ils présentent au soc l'importune fougère,
Ils te prodigueront des vins délicieux.
Ces vins brillant dans l'or, et versés pour les dieux,
Lorsque, auprès des taureaux immolés à leur gloire,
Le toscan, sous ses doigts, fait résonner l'ivoire.
Voudrais-tu faire envie aux bergers tes rivaux?
Les forêts de Tarente appellent tes troupeaux:
Va dans ces prés ravis à ma chère Mantoue,
Où le cygne argenté sur les ondes se joue;
Là tout rit aux pasteurs, la beauté du vallon,
La fraîcheur des ruisseaux, l'épaisseur du gazon;
Et tout ce qu'un long jour consume de pâture,
La plus courte des nuits le rend avec usure.
Enfin pour le froment choisis ces terrains forts,
Pleins de sucs au dedans, noirâtres au dehors,
Dont la terre est broyée, et pour qui la nature
Semble avoir épargné les frais de la culture.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Aucun champ ne verra tant de boeufs attelés
T'apporter à pas lents le tribut de ses blés.
Tel encor ce terrain couvert d'un bois stérile,
Que son maître rougit de laisser inutile.
D'une main indignée il y porte le fer,
Détruit les vieux palais des habitans de l'air:
L'oiseau tremblant s'enfuit de ses toits qu'on ravage,
Et le soc rajeunit cette plaine sauvage.
Mais fuis ce mont pierreux, dont le maigre terrain
Offre à peine à l'abeille un humble romarin;
Fuis de ce tuf ingrat la rudesse indocile,
Et ce fonds plein de craie où gît l'affreux reptile;
Aucun champ ne fournit à ses enfans impurs
Ni d'alimens plus doux, ni d'asiles plus sûrs.
Pour ce terrain poreux où l'air trouve un passage,
Qui pompe sa vapeur et l'exhale en nuage;
Que tapisse à nos yeux un gazon toujours frais,
Où le coûtre brillant ne se rouille jamais,
Ce fonds se prête à tout, pourvu qu'on le cultive:
Il se couvre d'épis, il fait mûrir l'olive;
La vigne, si je veux, s'y marie aux ormeaux,
Ou dans des prés fleuris il nourrit mes troupeaux.
Telles on aime à voir ces campagnes fécondes,
Que le Clain trop souvent engloutit sous ses ondes:
Tels les champs du Vésuve, et ces heureux vallons
Dont la riche Capoue admire les moissons.
Apprenons maintenant par quelle épreuve sûre
On peut des sols divers distinguer la nature.
Ici la terre est forte, et Cérès la chérit;
Ailleurs elle est légère, et Bacchus lui sourit.
Pour ne pas t'y tromper, que la bêche la sonde.
Creuse dans son enceinte une fosse profonde:
Ce qui vient d'en sortir, il faut l'y repousser;
Sur ce monceau poudreux bondis pour l'affaisser.
Descend-il sous les bords? Cette terre est légère;
Là ton troupeau s'engraisse, ou ta vigne prospère.
Si cet amas épais, rebelle à ton effort,
Refuse de rentrer dans le lieu dont il sort,
À la plus forte terre il faut dès lors t'attendre:
Que tes plus forts taureaux gémissent pour la fendre.
Mais ce terrain amer qu'aucun soin n'adoucit,
Où l'arbre de Pallas jamais ne réussit,
Où le cep dégénère, où le blé craint de naître,
Apprends par quel moyen tu peux le reconnaître.
Sous tes toits enfumés prends ces paniers de joncs
Dont le tissu n'admet que de faibles rayons;
Ces vases du pressoir, où des raisins qu'on foule
En ruisseaux épurés le jus brillant s'écoule.
Là, pour mieux l'éprouver, j'ordonne que ta main
Détrempe d'une eau douce et presse ce terrain:
Ces eaux, pour s'échapper se frayant une route,
Coulent le long des joncs, et tombent goutte à goutte:
Alors fais-en l'essai; ton palais révolté
Connaît ce sol ingrat à leur triste âcreté.
Un sol maigre est celui qui, prompt à se dissoudre,
Sitôt qu'on l'a touché, tombe réduit en poudre.
Un terrain gras, semblable à la gomme des bois,
S'amollit dans tes mains et s'attache à tes doigts.
La hauteur de l'herbage annonce un fonds humide:
Ah! De ces jeunes blés crains la beauté perfide!
De la couleur du sol l'oeil décide aisément,
Et la main de son poids t'informe sûrement:
Mais son froid meurtrier coûte plus à connaître;
Quelquefois cependant les plantes qu'il fait naître,
Le pin, le lierre noir, les ifs contagieux,
De ce défaut secret avertiront tes yeux.
T'apporter à pas lents le tribut de ses blés.
Tel encor ce terrain couvert d'un bois stérile,
Que son maître rougit de laisser inutile.
D'une main indignée il y porte le fer,
Détruit les vieux palais des habitans de l'air:
L'oiseau tremblant s'enfuit de ses toits qu'on ravage,
Et le soc rajeunit cette plaine sauvage.
Mais fuis ce mont pierreux, dont le maigre terrain
Offre à peine à l'abeille un humble romarin;
Fuis de ce tuf ingrat la rudesse indocile,
Et ce fonds plein de craie où gît l'affreux reptile;
Aucun champ ne fournit à ses enfans impurs
Ni d'alimens plus doux, ni d'asiles plus sûrs.
Pour ce terrain poreux où l'air trouve un passage,
Qui pompe sa vapeur et l'exhale en nuage;
Que tapisse à nos yeux un gazon toujours frais,
Où le coûtre brillant ne se rouille jamais,
Ce fonds se prête à tout, pourvu qu'on le cultive:
Il se couvre d'épis, il fait mûrir l'olive;
La vigne, si je veux, s'y marie aux ormeaux,
Ou dans des prés fleuris il nourrit mes troupeaux.
Telles on aime à voir ces campagnes fécondes,
Que le Clain trop souvent engloutit sous ses ondes:
Tels les champs du Vésuve, et ces heureux vallons
Dont la riche Capoue admire les moissons.
Apprenons maintenant par quelle épreuve sûre
On peut des sols divers distinguer la nature.
Ici la terre est forte, et Cérès la chérit;
Ailleurs elle est légère, et Bacchus lui sourit.
Pour ne pas t'y tromper, que la bêche la sonde.
Creuse dans son enceinte une fosse profonde:
Ce qui vient d'en sortir, il faut l'y repousser;
Sur ce monceau poudreux bondis pour l'affaisser.
Descend-il sous les bords? Cette terre est légère;
Là ton troupeau s'engraisse, ou ta vigne prospère.
Si cet amas épais, rebelle à ton effort,
Refuse de rentrer dans le lieu dont il sort,
À la plus forte terre il faut dès lors t'attendre:
Que tes plus forts taureaux gémissent pour la fendre.
Mais ce terrain amer qu'aucun soin n'adoucit,
Où l'arbre de Pallas jamais ne réussit,
Où le cep dégénère, où le blé craint de naître,
Apprends par quel moyen tu peux le reconnaître.
Sous tes toits enfumés prends ces paniers de joncs
Dont le tissu n'admet que de faibles rayons;
Ces vases du pressoir, où des raisins qu'on foule
En ruisseaux épurés le jus brillant s'écoule.
Là, pour mieux l'éprouver, j'ordonne que ta main
Détrempe d'une eau douce et presse ce terrain:
Ces eaux, pour s'échapper se frayant une route,
Coulent le long des joncs, et tombent goutte à goutte:
Alors fais-en l'essai; ton palais révolté
Connaît ce sol ingrat à leur triste âcreté.
Un sol maigre est celui qui, prompt à se dissoudre,
Sitôt qu'on l'a touché, tombe réduit en poudre.
Un terrain gras, semblable à la gomme des bois,
S'amollit dans tes mains et s'attache à tes doigts.
La hauteur de l'herbage annonce un fonds humide:
Ah! De ces jeunes blés crains la beauté perfide!
De la couleur du sol l'oeil décide aisément,
Et la main de son poids t'informe sûrement:
Mais son froid meurtrier coûte plus à connaître;
Quelquefois cependant les plantes qu'il fait naître,
Le pin, le lierre noir, les ifs contagieux,
De ce défaut secret avertiront tes yeux.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Enfin à ton vignoble as-tu choisi sa terre?
Dès lors, pour la dompter, qu'on lui fasse la guerre.
Il faut entrecouper le penchant des coteaux,
Et retourner la glèbe élevée en monceaux;
Que les froids aquilons, que l'hiver la mûrissent,
Et que tes bras nerveux sans cesse l'amollissent.
Si tu le peux encor, que le cep transplanté,
Retrouve un sol pareil au sol qu'il a quitté:
Le jeune arbuste ainsi jamais ne dégénère,
Et ne s'aperçoit pas qu'il a changé de mère.
Plusieurs même, observant dans l'endroit dont il sort,
Quel côté vit le sud, et quel côté le nord,
Conservent ces aspects qu'ils gravent sur l'écorce.
Tant de nos premiers ans l'habitude a de force!
Mais avant de creuser, de peupler les sillons,
Il faut choisir d'abord de la plaine ou des monts.
On peut presser les rangs dans de grasses campagnes;
On doit les élargir au penchant des montagnes:
Enfin dans les vallons, comme sur les coteaux,
Qu'ils soient distribués en espaces égaux.
Vois de longs bataillons rangés sur une plaine
Où flotte de l'airain la lueur incertaine,
Avant qu'un choc affreux confonde tous ces bras,
Quand mars prélude encore à l'horreur des combats,
Imite de ces rangs l'exacte symétrie,
Non pour flatter les yeux par ta vaine industrie;
Mais chaque tige ainsi peut croître en liberté,
Et le suc se partage avec égalité.
Dès lors, pour la dompter, qu'on lui fasse la guerre.
Il faut entrecouper le penchant des coteaux,
Et retourner la glèbe élevée en monceaux;
Que les froids aquilons, que l'hiver la mûrissent,
Et que tes bras nerveux sans cesse l'amollissent.
Si tu le peux encor, que le cep transplanté,
Retrouve un sol pareil au sol qu'il a quitté:
Le jeune arbuste ainsi jamais ne dégénère,
Et ne s'aperçoit pas qu'il a changé de mère.
Plusieurs même, observant dans l'endroit dont il sort,
Quel côté vit le sud, et quel côté le nord,
Conservent ces aspects qu'ils gravent sur l'écorce.
Tant de nos premiers ans l'habitude a de force!
Mais avant de creuser, de peupler les sillons,
Il faut choisir d'abord de la plaine ou des monts.
On peut presser les rangs dans de grasses campagnes;
On doit les élargir au penchant des montagnes:
Enfin dans les vallons, comme sur les coteaux,
Qu'ils soient distribués en espaces égaux.
Vois de longs bataillons rangés sur une plaine
Où flotte de l'airain la lueur incertaine,
Avant qu'un choc affreux confonde tous ces bras,
Quand mars prélude encore à l'horreur des combats,
Imite de ces rangs l'exacte symétrie,
Non pour flatter les yeux par ta vaine industrie;
Mais chaque tige ainsi peut croître en liberté,
Et le suc se partage avec égalité.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Apprends aussi combien tu dois creuser la terre,
Qui de tes jeunes plants sera dépositaire.
Comme tes nourrissons diffèrent en grandeur,
Il faut que leur berceau diffère en profondeur.
Dans un léger sillon la vigne croît sans peine;
L'arbre doit plus avant s'enfoncer dans la plaine,
Surtout le chêne altier, qui, perdu dans les airs,
De son front touche aux cieux, de ses pieds aux enfers.
Aussi les noirs torrens, les vents et la tempête,
En vain rongent ses pieds, en vain battent sa tête:
Malgré les vents fougueux, malgré les noirs torrens,
Tranquille, il voit passer les hommes et les temps;
Et loin de tous côtés tendant ses rameaux sombres,
Seul il jette alentour une immensité d'ombres.
N'attends rien d'une vigne exposée au couchant:
Que le vil coudrier n'affame point ton plant:
Fais choix, pour le former, de la branche nouvelle
Qui reçoit de plus près la sève maternelle;
Ne la déchire point par un fer émoussé:
Surtout que de tes plants l'olivier soit chassé.
Quelquefois de bergers une troupe imprudente
Laisse au pied de cet arbre une étincelle ardente.
Le feu, nourri du suc dont ce bois est enduit,
Sous l'écorce onctueuse en secret s'introduit;
Il s'empare du tronc, et, gagnant le feuillage,
Dévore en petillant l'aliment de sa rage;
Il court de branche en branche, il s'élance au sommet,
Il vole d'arbre en arbre, il couvre la forêt;
Et, présentant au loin une plaine enflammée,
Roule un torrent de flamme et des flots de fumée,
Surtout si l'aquilon s'élève en ce moment,
Et chasse devant lui ce vaste embrasement.
Qui de tes jeunes plants sera dépositaire.
Comme tes nourrissons diffèrent en grandeur,
Il faut que leur berceau diffère en profondeur.
Dans un léger sillon la vigne croît sans peine;
L'arbre doit plus avant s'enfoncer dans la plaine,
Surtout le chêne altier, qui, perdu dans les airs,
De son front touche aux cieux, de ses pieds aux enfers.
Aussi les noirs torrens, les vents et la tempête,
En vain rongent ses pieds, en vain battent sa tête:
Malgré les vents fougueux, malgré les noirs torrens,
Tranquille, il voit passer les hommes et les temps;
Et loin de tous côtés tendant ses rameaux sombres,
Seul il jette alentour une immensité d'ombres.
N'attends rien d'une vigne exposée au couchant:
Que le vil coudrier n'affame point ton plant:
Fais choix, pour le former, de la branche nouvelle
Qui reçoit de plus près la sève maternelle;
Ne la déchire point par un fer émoussé:
Surtout que de tes plants l'olivier soit chassé.
Quelquefois de bergers une troupe imprudente
Laisse au pied de cet arbre une étincelle ardente.
Le feu, nourri du suc dont ce bois est enduit,
Sous l'écorce onctueuse en secret s'introduit;
Il s'empare du tronc, et, gagnant le feuillage,
Dévore en petillant l'aliment de sa rage;
Il court de branche en branche, il s'élance au sommet,
Il vole d'arbre en arbre, il couvre la forêt;
Et, présentant au loin une plaine enflammée,
Roule un torrent de flamme et des flots de fumée,
Surtout si l'aquilon s'élève en ce moment,
Et chasse devant lui ce vaste embrasement.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Dès lors plus d'espérance: atteints dans leurs racines,
N'attends pas que tes ceps réparent leurs ruines;
La race en est éteinte, et jamais ne revit:
L'auteur seul de sa mort, l'olivier lui survit.
Tu n'iras pas non plus, quand le froid la resserre,
Confier vainement tes vignes à la terre:
Alors son suc oisif, glacé dans ses canaux,
Refuse de nourrir les jeunes arbrisseaux.
Avec plus de succès les vignes sont plantées,
Soit lorsque, déployant ses ailes argentées,
L'ennemi des serpens vient, après les frimas,
Retrouver les beaux jours dans nos rians climats;
Soit lorsque le soleil, sur son char plus rapide,
De l'été vers l'hiver conduit l'automne humide.
Mais le printemps surtout seconde tes travaux;
Le printemps rend aux bois des ornemens nouveaux:
Alors la terre, ouvrant ses entrailles profondes,
Demande de ses fruits les semences fécondes.
Le dieu de l'air descend dans son sein amoureux,
Lui verse ses trésors, lui darde tous ses feux,
Remplit ce vaste corps de son âme puissante;
Le monde se ranime, et la nature enfante.
Dans les champs, dans les bois, tout sent les feux d'amour;
L'oiseau reprend sa voix; les zéphyrs, de retour,
Attiédissent les airs de leurs molles haleines;
Un suc heureux nourrit l'herbe tendre des plaines;
Aux rayons doux encor du soleil printanier
Le gazon sans péril ose se confier;
Et la vigne, des vents bravant déjà l'outrage,
Laisse échapper ses fleurs, et sortir son feuillage.
Sans doute le printemps vit naître l'univers;
Il vit le jeune oiseau s'essayer dans les airs;
Il ouvrit au soleil sa brillante carrière,
Et pour l'homme naissant épura la lumière.
Les aquilons glacés et l'oeil ardent du jour
Respectaient la beauté de son nouveau séjour.
Le seul printemps sourit au monde en son aurore;
Le printemps tous les ans le rajeunit encore;
Et, des brûlans étés séparant les hivers,
Laisse du moins entre eux respirer l'univers.
Tes ceps sont-ils plantés? Il faut couvrir de terre,
Engraisser de fumier, le lit qui les resserre:
Là, que la pierre ponce aux conduits spongieux,
Que l'écaille poreuse, enfouie avec eux,
Laisse pénétrer l'air dans leurs couches fécondes,
Et du ciel orageux interceptent les ondes.
J'ai vu des vignerons, du ciel favorisés,
Couvrir leurs ceps de pierre ou de vases brisés:
Ainsi du chien brûlant ils évitent l'haleine;
Ainsi la froide hyade inonde en vain la plaine.
Mais à la terre, enfin, dès qu'ils sont confiés,
Que souvent le hoyau la ramène à leurs pieds:
Qu'on y pousse la bêche; et, sans rompre les lignes,
Que le soc se promène au travers de tes vignes.
Puis tu présenteras aux naissans arbrisseaux
Ou des appuis de frêne, ou de légers roseaux;
La vigne les rencontre; et l'arbuste timide,
Conduit sur les ormeaux par ce fidèle guide,
Bientôt unit son pampre à leurs feuillages verts;
Comme eux soutient l'orage, et les suit dans les airs.
Quand ses premiers bourgeons s'empresseront d'éclore,
Que l'acier rigoureux n'y touche point encore:
Même lorsque dans l'air, qu'il commence à braver,
Le rejeton moins frêle ose enfin s'élever,
Pardonne à son audace en faveur de son âge;
Seulement de ta main éclaircis son feuillage.
N'attends pas que tes ceps réparent leurs ruines;
La race en est éteinte, et jamais ne revit:
L'auteur seul de sa mort, l'olivier lui survit.
Tu n'iras pas non plus, quand le froid la resserre,
Confier vainement tes vignes à la terre:
Alors son suc oisif, glacé dans ses canaux,
Refuse de nourrir les jeunes arbrisseaux.
Avec plus de succès les vignes sont plantées,
Soit lorsque, déployant ses ailes argentées,
L'ennemi des serpens vient, après les frimas,
Retrouver les beaux jours dans nos rians climats;
Soit lorsque le soleil, sur son char plus rapide,
De l'été vers l'hiver conduit l'automne humide.
Mais le printemps surtout seconde tes travaux;
Le printemps rend aux bois des ornemens nouveaux:
Alors la terre, ouvrant ses entrailles profondes,
Demande de ses fruits les semences fécondes.
Le dieu de l'air descend dans son sein amoureux,
Lui verse ses trésors, lui darde tous ses feux,
Remplit ce vaste corps de son âme puissante;
Le monde se ranime, et la nature enfante.
Dans les champs, dans les bois, tout sent les feux d'amour;
L'oiseau reprend sa voix; les zéphyrs, de retour,
Attiédissent les airs de leurs molles haleines;
Un suc heureux nourrit l'herbe tendre des plaines;
Aux rayons doux encor du soleil printanier
Le gazon sans péril ose se confier;
Et la vigne, des vents bravant déjà l'outrage,
Laisse échapper ses fleurs, et sortir son feuillage.
Sans doute le printemps vit naître l'univers;
Il vit le jeune oiseau s'essayer dans les airs;
Il ouvrit au soleil sa brillante carrière,
Et pour l'homme naissant épura la lumière.
Les aquilons glacés et l'oeil ardent du jour
Respectaient la beauté de son nouveau séjour.
Le seul printemps sourit au monde en son aurore;
Le printemps tous les ans le rajeunit encore;
Et, des brûlans étés séparant les hivers,
Laisse du moins entre eux respirer l'univers.
Tes ceps sont-ils plantés? Il faut couvrir de terre,
Engraisser de fumier, le lit qui les resserre:
Là, que la pierre ponce aux conduits spongieux,
Que l'écaille poreuse, enfouie avec eux,
Laisse pénétrer l'air dans leurs couches fécondes,
Et du ciel orageux interceptent les ondes.
J'ai vu des vignerons, du ciel favorisés,
Couvrir leurs ceps de pierre ou de vases brisés:
Ainsi du chien brûlant ils évitent l'haleine;
Ainsi la froide hyade inonde en vain la plaine.
Mais à la terre, enfin, dès qu'ils sont confiés,
Que souvent le hoyau la ramène à leurs pieds:
Qu'on y pousse la bêche; et, sans rompre les lignes,
Que le soc se promène au travers de tes vignes.
Puis tu présenteras aux naissans arbrisseaux
Ou des appuis de frêne, ou de légers roseaux;
La vigne les rencontre; et l'arbuste timide,
Conduit sur les ormeaux par ce fidèle guide,
Bientôt unit son pampre à leurs feuillages verts;
Comme eux soutient l'orage, et les suit dans les airs.
Quand ses premiers bourgeons s'empresseront d'éclore,
Que l'acier rigoureux n'y touche point encore:
Même lorsque dans l'air, qu'il commence à braver,
Le rejeton moins frêle ose enfin s'élever,
Pardonne à son audace en faveur de son âge;
Seulement de ta main éclaircis son feuillage.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Mais enfin, quand tu vois ses robustes rameaux
Par des noeuds redoublés embrasser les ormeaux,
Alors saisis le fer; alors sans indulgence
De la sève égarée arrête la licence;
Borne des jets errans l'essor présomptueux,
Et des pampres touffus le luxe infructueux.
Surtout que de buissons la vigne environnée
Évite des troupeaux la dent empoisonnée;
Que la génisse avide et les chevreaux gloutons
Respectent sa faiblesse et ses jeunes boutons:
L'hiver dont les frimas engourdissent la terre,
L'été qui fend la plaine et qui brûle la pierre,
Lui seraient moins cruels que ces vils animaux,
Dont la dent déshonore et flétrit ses rameaux.
Aussi le dieu du vin, pour expier ce crime,
Partout sur ses autels veut un bouc pour victime:
Un bouc était le prix de ces grossiers acteurs
Qui, de nos jeux brillans barbares inventeurs,
Sur un char mal orné promenaient dans l'Attique
Leurs théâtres errans et leur scène rustique;
Et, de joie et de vin à la fois enivrés,
Sur des outres glissans bondissaient dans les prés.
Nos latins, à leur tour, ont des fils de la Grèce
Transporté dans leurs jeux la bachique allégresse:
Ils se forment d'écorce un visage hideux,
Entonnent pour Bacchus des vers grossiers comme eux;
Et de l'objet sacré de leurs bruyans hommages
Suspendent à des pins les mobiles images.
Soudain l'aspect du dieu fertilise les monts,
Les arides coteaux, les humides vallons.
Par des noeuds redoublés embrasser les ormeaux,
Alors saisis le fer; alors sans indulgence
De la sève égarée arrête la licence;
Borne des jets errans l'essor présomptueux,
Et des pampres touffus le luxe infructueux.
Surtout que de buissons la vigne environnée
Évite des troupeaux la dent empoisonnée;
Que la génisse avide et les chevreaux gloutons
Respectent sa faiblesse et ses jeunes boutons:
L'hiver dont les frimas engourdissent la terre,
L'été qui fend la plaine et qui brûle la pierre,
Lui seraient moins cruels que ces vils animaux,
Dont la dent déshonore et flétrit ses rameaux.
Aussi le dieu du vin, pour expier ce crime,
Partout sur ses autels veut un bouc pour victime:
Un bouc était le prix de ces grossiers acteurs
Qui, de nos jeux brillans barbares inventeurs,
Sur un char mal orné promenaient dans l'Attique
Leurs théâtres errans et leur scène rustique;
Et, de joie et de vin à la fois enivrés,
Sur des outres glissans bondissaient dans les prés.
Nos latins, à leur tour, ont des fils de la Grèce
Transporté dans leurs jeux la bachique allégresse:
Ils se forment d'écorce un visage hideux,
Entonnent pour Bacchus des vers grossiers comme eux;
Et de l'objet sacré de leurs bruyans hommages
Suspendent à des pins les mobiles images.
Soudain l'aspect du dieu fertilise les monts,
Les arides coteaux, les humides vallons.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Gloire, honneur à ce dieu! Célébrons ses mystères;
Chantons pour lui les vers que lui chantaient nos pères;
Qu'un bouc soit par la corne entraîné vers l'autel.
Préparons de ses chairs un festin solennel;
Et que le coudrier, de ses branches sanglantes,
Perce de l'ennemi les entrailles fumantes.
La vigne veut des soins sans cesse renaissans;
De la terre trois fois il faut fendre les flancs,
Sans cesse retrancher les feuilles inutiles,
Sans cesse tourmenter des coteaux indociles.
Le soleil tous les ans recommence son cours:
Ainsi roulent en cercle et ta peine et tes jours.
Même lorsque le cep, privé de sa parure,
Cède aux froids aquilons un reste de verdure,
Déjà le vigneron, reprenant ses travaux,
Bien loin vers l'autre année étend ses soins nouveaux;
Déjà, d'un fer courbé, la serpette tranchante
Taille et forme à son gré la vigne obéissante.
Veux-tu de ses trésors t'enrichir tous les ans?
Prends le premier la bêche et les hoyaux pesans;
Retranche le premier les sarmens inutiles;
Le premier jette au feu leurs dépouilles fragiles;
Renferme leurs appuis; remets-les le premier:
Pour boire du nectar vendange le dernier.
Deux fois de pampres verts la vigne est surchargée;
Deux fois d'herbage épais sa tige est assiégée.
Ne désire donc point un enclos spacieux:
Le plus riche est celui qui cultive le mieux.
Ne faut-il pas encor, le long des marécages,
Dans le fond des forêts, au penchant des rivages,
Couper le saule inculte et le houx épineux,
Et marier la vigne aux ormeaux amoureux?
Enfin au dernier rang tu parviens avec joie:
Tout ton plant façonné sous tes yeux se déploie,
Et je t'entends chanter la fin de tes travaux.
Eh bien! La bêche encor doit fouiller tes coteaux;
Et, quand la grappe enfin mûrit sous son feuillage,
Pour noyer ton espoir, il suffit d'un orage.
L'olivier, par la terre une fois adopté,
De ces pénibles soins n'attend pas sa beauté:
Fouille à ses pieds le sol qui nourrit sa verdure,
C'est assez: dédaignant une vaine culture,
Et la serpe tranchante, et les pesans râteaux,
L'arbre heureux de la paix voit fleurir ses rameaux.
Tel encor, quand les ans ont augmenté sa force,
Quand son tronc est muni d'une plus dure écorce,
L'arbre fruitier, sans nous, s'élève dans les airs;
Sans nous, mille arbrisseaux de leurs fruits sont couverts.
Sur le buisson inculte on voit rougir la mûre,
Et l'abri des oiseaux donne aussi leur pâture.
Que d'arbres en tous lieux multipliés par nous!
Ah! Du moins plantez-les, puisqu'ils croissent sans vous.
Pour nos jeunes chevreaux les aliziers fleurissent,
Du suc des pins altiers les flambeaux se nourrissent.
Mais pourquoi te parler de ces rois des forêts?
Tout sert, même le saule et les humbles genêts;
Le miel leur doit des sucs, les troupeaux du feuillage,
Les moissons des remparts, les pasteurs de l'ombrage.
J'aime et des sombres buis le lugubre coup d'oeil,
Et de ces noirs sapins le vénérable deuil,
J'aime à voir ces forêts qui croissent sans culture,
Où l'art n'a point encor profané la nature:
Ces bois même, d'Athos enfans infructueux,
Et l'éternel jouet des vents impétueux,
Dans leur stérilité sont encore fertiles.
Chantons pour lui les vers que lui chantaient nos pères;
Qu'un bouc soit par la corne entraîné vers l'autel.
Préparons de ses chairs un festin solennel;
Et que le coudrier, de ses branches sanglantes,
Perce de l'ennemi les entrailles fumantes.
La vigne veut des soins sans cesse renaissans;
De la terre trois fois il faut fendre les flancs,
Sans cesse retrancher les feuilles inutiles,
Sans cesse tourmenter des coteaux indociles.
Le soleil tous les ans recommence son cours:
Ainsi roulent en cercle et ta peine et tes jours.
Même lorsque le cep, privé de sa parure,
Cède aux froids aquilons un reste de verdure,
Déjà le vigneron, reprenant ses travaux,
Bien loin vers l'autre année étend ses soins nouveaux;
Déjà, d'un fer courbé, la serpette tranchante
Taille et forme à son gré la vigne obéissante.
Veux-tu de ses trésors t'enrichir tous les ans?
Prends le premier la bêche et les hoyaux pesans;
Retranche le premier les sarmens inutiles;
Le premier jette au feu leurs dépouilles fragiles;
Renferme leurs appuis; remets-les le premier:
Pour boire du nectar vendange le dernier.
Deux fois de pampres verts la vigne est surchargée;
Deux fois d'herbage épais sa tige est assiégée.
Ne désire donc point un enclos spacieux:
Le plus riche est celui qui cultive le mieux.
Ne faut-il pas encor, le long des marécages,
Dans le fond des forêts, au penchant des rivages,
Couper le saule inculte et le houx épineux,
Et marier la vigne aux ormeaux amoureux?
Enfin au dernier rang tu parviens avec joie:
Tout ton plant façonné sous tes yeux se déploie,
Et je t'entends chanter la fin de tes travaux.
Eh bien! La bêche encor doit fouiller tes coteaux;
Et, quand la grappe enfin mûrit sous son feuillage,
Pour noyer ton espoir, il suffit d'un orage.
L'olivier, par la terre une fois adopté,
De ces pénibles soins n'attend pas sa beauté:
Fouille à ses pieds le sol qui nourrit sa verdure,
C'est assez: dédaignant une vaine culture,
Et la serpe tranchante, et les pesans râteaux,
L'arbre heureux de la paix voit fleurir ses rameaux.
Tel encor, quand les ans ont augmenté sa force,
Quand son tronc est muni d'une plus dure écorce,
L'arbre fruitier, sans nous, s'élève dans les airs;
Sans nous, mille arbrisseaux de leurs fruits sont couverts.
Sur le buisson inculte on voit rougir la mûre,
Et l'abri des oiseaux donne aussi leur pâture.
Que d'arbres en tous lieux multipliés par nous!
Ah! Du moins plantez-les, puisqu'ils croissent sans vous.
Pour nos jeunes chevreaux les aliziers fleurissent,
Du suc des pins altiers les flambeaux se nourrissent.
Mais pourquoi te parler de ces rois des forêts?
Tout sert, même le saule et les humbles genêts;
Le miel leur doit des sucs, les troupeaux du feuillage,
Les moissons des remparts, les pasteurs de l'ombrage.
J'aime et des sombres buis le lugubre coup d'oeil,
Et de ces noirs sapins le vénérable deuil,
J'aime à voir ces forêts qui croissent sans culture,
Où l'art n'a point encor profané la nature:
Ces bois même, d'Athos enfans infructueux,
Et l'éternel jouet des vents impétueux,
Dans leur stérilité sont encore fertiles.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Pour former nos lambris leurs arbres sont utiles:
Ici, taillés en char, là, courbés en vaisseaux,
Ils roulent sur la terre, ils voguent sur les eaux.
Le saule prête aux ceps sa branche obéissante;
L'orme donne aux troupeaux sa feuille nourrissante:
L'if en arc est ployé; le cormier fait des dards;
Le myrte de Vénus fournit des traits à mars.
Le tilleul cependant cède au fer qui le creuse;
Le buis, au gré du tour, prend une forme heureuse;
L'aune léger fend l'onde; et des jeunes essaims
Le vieux chêne en ses flancs recèle les larcins.
Les trésors de Bacchus valent-ils ces richesses?
Mortels, défiez-vous de ses faveurs traîtresses:
C'est par lui que l'on vit les centaures vaincus,
Et Pholus immolé par la main de Rhétus;
Et, le plus menaçant de cette horrible troupe,
Hylée à l'ennemi lançant sa large coupe.
Ah! Loin des fiers combats, loin d'un luxe imposteur,
Heureux l'homme des champs, s'il connaît son bonheur!
Fidèle à ses besoins, à ses travaux docile,
La terre lui fournit un aliment facile.
Sans doute, il ne voit pas, au retour du soleil,
De leur patron superbe adorant le réveil,
Sous les lambris pompeux de ses toits magnifiques,
Des flots d'adulateurs inonder ses portiques;
Il ne voit pas le peuple y dévorer des yeux
De riches tapis d'or, des vases précieux;
D'agréables poisons ne brûlent point ses veines;
Tyr n'altéra jamais la blancheur de ses laines;
Il n'a point tous ces arts qui trompent notre ennui;
Mais que lui manque-t-il? La nature est à lui:
Des grottes, des étangs, une claire fontaine
Dont l'onde, en murmurant, l'endort sous un vieux chêne;
Un troupeau qui mugit, des vallons, des forêts:
Ce sont là ses trésors, ce sont là ses palais.
C'est dans les champs qu'on trouve une mâle jeunesse;
C'est là qu'on sert les dieux, qu'on chérit la vieillesse:
La justice, fuyant nos coupables climats,
Sous le chaume innocent porta ses derniers pas.
Ici, taillés en char, là, courbés en vaisseaux,
Ils roulent sur la terre, ils voguent sur les eaux.
Le saule prête aux ceps sa branche obéissante;
L'orme donne aux troupeaux sa feuille nourrissante:
L'if en arc est ployé; le cormier fait des dards;
Le myrte de Vénus fournit des traits à mars.
Le tilleul cependant cède au fer qui le creuse;
Le buis, au gré du tour, prend une forme heureuse;
L'aune léger fend l'onde; et des jeunes essaims
Le vieux chêne en ses flancs recèle les larcins.
Les trésors de Bacchus valent-ils ces richesses?
Mortels, défiez-vous de ses faveurs traîtresses:
C'est par lui que l'on vit les centaures vaincus,
Et Pholus immolé par la main de Rhétus;
Et, le plus menaçant de cette horrible troupe,
Hylée à l'ennemi lançant sa large coupe.
Ah! Loin des fiers combats, loin d'un luxe imposteur,
Heureux l'homme des champs, s'il connaît son bonheur!
Fidèle à ses besoins, à ses travaux docile,
La terre lui fournit un aliment facile.
Sans doute, il ne voit pas, au retour du soleil,
De leur patron superbe adorant le réveil,
Sous les lambris pompeux de ses toits magnifiques,
Des flots d'adulateurs inonder ses portiques;
Il ne voit pas le peuple y dévorer des yeux
De riches tapis d'or, des vases précieux;
D'agréables poisons ne brûlent point ses veines;
Tyr n'altéra jamais la blancheur de ses laines;
Il n'a point tous ces arts qui trompent notre ennui;
Mais que lui manque-t-il? La nature est à lui:
Des grottes, des étangs, une claire fontaine
Dont l'onde, en murmurant, l'endort sous un vieux chêne;
Un troupeau qui mugit, des vallons, des forêts:
Ce sont là ses trésors, ce sont là ses palais.
C'est dans les champs qu'on trouve une mâle jeunesse;
C'est là qu'on sert les dieux, qu'on chérit la vieillesse:
La justice, fuyant nos coupables climats,
Sous le chaume innocent porta ses derniers pas.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Ô vous, à qui j'offris mes premiers sacrifices,
Muses, soyez toujours mes plus chères délices!
Dites-moi quelle cause éclipse dans leur cours
Le clair flambeau des nuits, l'astre pompeux des jours;
Pourquoi la terre tremble, et pourquoi la mer gronde;
Quel pouvoir fait enfler, fait décroître son onde;
Comment de nos soleils l'inégale clarté
S'abrège dans l'hiver, se prolonge en été;
Comment roulent les cieux, et quel puissant génie
Des sphères dans leur cours entretient l'harmonie.
Mais si mon sang trop froid m'interdit ces travaux,
Eh bien! Vertes forêts, prés fleuris, clairs ruisseaux,
J'irai, je goûterai votre douceur secrète:
Adieu, gloire, projets. ô coteaux du Taygète,
Par les vierges de Sparte en cadence foulés,
Oh! Qui me portera dans vos bois reculés?
Où sont, ô Sperchius, tes fortunés rivages?
Laissez-moi de Tempé parcourir les bocages;
Et vous, vallons d'Hémus, vallons sombres et frais,
Couvrez-moi tout entier de vos rameaux épais.
Muses, soyez toujours mes plus chères délices!
Dites-moi quelle cause éclipse dans leur cours
Le clair flambeau des nuits, l'astre pompeux des jours;
Pourquoi la terre tremble, et pourquoi la mer gronde;
Quel pouvoir fait enfler, fait décroître son onde;
Comment de nos soleils l'inégale clarté
S'abrège dans l'hiver, se prolonge en été;
Comment roulent les cieux, et quel puissant génie
Des sphères dans leur cours entretient l'harmonie.
Mais si mon sang trop froid m'interdit ces travaux,
Eh bien! Vertes forêts, prés fleuris, clairs ruisseaux,
J'irai, je goûterai votre douceur secrète:
Adieu, gloire, projets. ô coteaux du Taygète,
Par les vierges de Sparte en cadence foulés,
Oh! Qui me portera dans vos bois reculés?
Où sont, ô Sperchius, tes fortunés rivages?
Laissez-moi de Tempé parcourir les bocages;
Et vous, vallons d'Hémus, vallons sombres et frais,
Couvrez-moi tout entier de vos rameaux épais.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Heureux le sage, instruit des lois de la nature,
Qui du vaste univers embrasse la structure,
Qui dompte et foule aux pieds d'importunes erreurs,
Le sort inexorable et les fausses terreurs;
Qui regarde en pitié les fables du Ténare,
Et s'endort au vain bruit de l'Achéron avare!
Mais trop heureux aussi qui suit les douces lois
Et du dieu des troupeaux et des nymphes des bois!
La pompe des faisceaux, l'orgueil du diadème,
L'intérêt, dont la voix fait taire le sang même,
De l'Ister conjuré les bataillons épais,
Rome, les rois vaincus, ne troublent point sa paix:
Auprès de ses égaux passant sa douce vie,
Son coeur n'est attristé de pitié ni d'envie:
Jamais aux tribunaux, disputant de vains droits,
La chicane pour lui ne fit mugir sa voix:
Sa richesse, c'est l'or des moissons qu'il fait naître;
Et l'arbre qu'il planta chauffe et nourrit son maître.
D'autres, la rame en main, tourmenteront la mer,
Ramperont dans les cours, aiguiseront le fer:
L'avide conquérant, la terreur des familles,
Égorge les vieillards, les mères et les filles,
Pour dormir sur la pourpre et pour boire dans l'or;
L'avare ensevelit et couve son trésor;
L'orateur au barreau, le poète au théâtre,
S'enivrent de l'encens d'une foule idolâtre;
Le frère égorge un frère, et va sous d'autres cieux
Mourir loin des lieux chers qu'habitaient ses aïeux.
Le laboureur en paix coule des jours prospères:
Il cultive le champ que cultivaient ses pères:
Ce champ nourrit l'état, ses enfans, ses troupeaux,
Et ses boeufs, compagnons de ses heureux travaux.
Qui du vaste univers embrasse la structure,
Qui dompte et foule aux pieds d'importunes erreurs,
Le sort inexorable et les fausses terreurs;
Qui regarde en pitié les fables du Ténare,
Et s'endort au vain bruit de l'Achéron avare!
Mais trop heureux aussi qui suit les douces lois
Et du dieu des troupeaux et des nymphes des bois!
La pompe des faisceaux, l'orgueil du diadème,
L'intérêt, dont la voix fait taire le sang même,
De l'Ister conjuré les bataillons épais,
Rome, les rois vaincus, ne troublent point sa paix:
Auprès de ses égaux passant sa douce vie,
Son coeur n'est attristé de pitié ni d'envie:
Jamais aux tribunaux, disputant de vains droits,
La chicane pour lui ne fit mugir sa voix:
Sa richesse, c'est l'or des moissons qu'il fait naître;
Et l'arbre qu'il planta chauffe et nourrit son maître.
D'autres, la rame en main, tourmenteront la mer,
Ramperont dans les cours, aiguiseront le fer:
L'avide conquérant, la terreur des familles,
Égorge les vieillards, les mères et les filles,
Pour dormir sur la pourpre et pour boire dans l'or;
L'avare ensevelit et couve son trésor;
L'orateur au barreau, le poète au théâtre,
S'enivrent de l'encens d'une foule idolâtre;
Le frère égorge un frère, et va sous d'autres cieux
Mourir loin des lieux chers qu'habitaient ses aïeux.
Le laboureur en paix coule des jours prospères:
Il cultive le champ que cultivaient ses pères:
Ce champ nourrit l'état, ses enfans, ses troupeaux,
Et ses boeufs, compagnons de ses heureux travaux.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Ainsi que les saisons, sa fortune varie:
Ses agneaux au printemps peuplent sa bergerie;
L'été remplit sa grange, affaisse ses greniers;
L'automne d'un doux poids fait gémir ses paniers;
Et les derniers soleils, sur les côtes vineuses,
Achèvent de mûrir les grappes paresseuses.
L'hiver vient; mais pour lui l'automne dure encor:
Les bois donnent leurs fruits, l'huile coule à flots d'or.
Cependant ses enfans, ses premières richesses,
À son cou suspendus disputent ses caresses:
Chez lui de la pudeur tout respecte les lois;
Le lait de ses troupeaux écume entre ses doigts;
Et ses chevreaux, tout fiers de leur corne naissante,
Se font en bondissant une guerre innocente.
Les fêtes, je le vois partager ses loisirs
Entre un culte pieux et d'utiles plaisirs:
Il propose des prix à la force, à l'adresse;
L'un déploie en luttant sa nerveuse souplesse;
L'autre frappe le but d'un trait victorieux,
Et d'un cri triomphant fait retentir les cieux.
Ainsi les vieux sabins vivaient dans l'innocence;
Ainsi des fiers toscans s'agrandit la puissance;
Ainsi Rome, aujourd'hui reine des nations,
Seule en sa vaste enceinte a renfermé sept monts.
Même avant Jupiter, avant que l'homme impie
Du sang des animaux osât souiller sa vie,
Ainsi vivait Saturne: alors d'affreux soldats
Au bruit des fiers clairons ne s'entr'égorgeaient pas;
Et le marteau pesant, sur l'enclume bruyante,
Ne forgeait point encor l'épée étincelante.
Mais ma seconde course a duré trop long-temps,
Et je détèle enfin mes coursiers haletans.
Ses agneaux au printemps peuplent sa bergerie;
L'été remplit sa grange, affaisse ses greniers;
L'automne d'un doux poids fait gémir ses paniers;
Et les derniers soleils, sur les côtes vineuses,
Achèvent de mûrir les grappes paresseuses.
L'hiver vient; mais pour lui l'automne dure encor:
Les bois donnent leurs fruits, l'huile coule à flots d'or.
Cependant ses enfans, ses premières richesses,
À son cou suspendus disputent ses caresses:
Chez lui de la pudeur tout respecte les lois;
Le lait de ses troupeaux écume entre ses doigts;
Et ses chevreaux, tout fiers de leur corne naissante,
Se font en bondissant une guerre innocente.
Les fêtes, je le vois partager ses loisirs
Entre un culte pieux et d'utiles plaisirs:
Il propose des prix à la force, à l'adresse;
L'un déploie en luttant sa nerveuse souplesse;
L'autre frappe le but d'un trait victorieux,
Et d'un cri triomphant fait retentir les cieux.
Ainsi les vieux sabins vivaient dans l'innocence;
Ainsi des fiers toscans s'agrandit la puissance;
Ainsi Rome, aujourd'hui reine des nations,
Seule en sa vaste enceinte a renfermé sept monts.
Même avant Jupiter, avant que l'homme impie
Du sang des animaux osât souiller sa vie,
Ainsi vivait Saturne: alors d'affreux soldats
Au bruit des fiers clairons ne s'entr'égorgeaient pas;
Et le marteau pesant, sur l'enclume bruyante,
Ne forgeait point encor l'épée étincelante.
Mais ma seconde course a duré trop long-temps,
Et je détèle enfin mes coursiers haletans.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
LIVRE 3
LIVRE 3
Jeune Palès, et toi, divin berger d'Admète,
Qui sur les bords d'Amphryse as porté la houlette;
Déesses des forêts, divinités des eaux,
Ma muse va pour vous reprendre ses pinceaux.
Assez et trop long-temps de vulgaires merveilles
Ont des peuples oisifs fatigué les oreilles:
Eh! Qui n'a pas cent fois chanté le jeune Hylas,
Busiris et sa mort, Hercule et ses combats?
Qui ne connaît Pélops et sa fatale amante,
Les courses de Latone et son île flottante?
Osons enfin, osons, loin des vulgaires yeux,
Prendre aussi vers la gloire un vol audacieux.
Oui, je veux, ô Mantoue, en dépit de la Grèce,
T'amener les neuf soeurs des bords de son Permesse:
C'est moi qui le premier de son sacré vallon
Transplanterai chez toi les palmes d'Apollon;
Bien plus, sur le penchant de ces rives fécondes
Où, parmi les roseaux qui couronnent ses ondes,
Ton fleuve se promène à flots majestueux,
Mes mains élèveront un temple somptueux.
De César au milieu je placerai l'image,
Et là de ma victoire il recevra l'hommage.
En longs habits de pourpre attirant les regards,
Moi-même au bord des eaux ferai voler cent chars.
La Grèce quittera, pour ces jeux magnifiques,
Ses combats néméens, ses fêtes olympiques.
Jeune Palès, et toi, divin berger d'Admète,
Qui sur les bords d'Amphryse as porté la houlette;
Déesses des forêts, divinités des eaux,
Ma muse va pour vous reprendre ses pinceaux.
Assez et trop long-temps de vulgaires merveilles
Ont des peuples oisifs fatigué les oreilles:
Eh! Qui n'a pas cent fois chanté le jeune Hylas,
Busiris et sa mort, Hercule et ses combats?
Qui ne connaît Pélops et sa fatale amante,
Les courses de Latone et son île flottante?
Osons enfin, osons, loin des vulgaires yeux,
Prendre aussi vers la gloire un vol audacieux.
Oui, je veux, ô Mantoue, en dépit de la Grèce,
T'amener les neuf soeurs des bords de son Permesse:
C'est moi qui le premier de son sacré vallon
Transplanterai chez toi les palmes d'Apollon;
Bien plus, sur le penchant de ces rives fécondes
Où, parmi les roseaux qui couronnent ses ondes,
Ton fleuve se promène à flots majestueux,
Mes mains élèveront un temple somptueux.
De César au milieu je placerai l'image,
Et là de ma victoire il recevra l'hommage.
En longs habits de pourpre attirant les regards,
Moi-même au bord des eaux ferai voler cent chars.
La Grèce quittera, pour ces jeux magnifiques,
Ses combats néméens, ses fêtes olympiques.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Le front ceint d'olivier, c'est moi qui du vainqueur
Couronnerai l'adresse ou la mâle vigueur.
Je me trompe, ou déjà la pompe auguste est prête:
Allons, marchons au temple, et commençons la fête;
Allumons cet encens, égorgeons ces taureaux.
Le théâtre m'appelle à ses mouvans tableaux;
J'y vole: nos captifs à ma vue empressée
Étalent ces tapis où leur honte est tracée:
Sur les portes ma main grave nos fiers combats,
Le Nil au loin roulant sous des forêts de mâts.
Pour mieux représenter sa honte et notre gloire,
L'indien me fournit son or et son ivoire;
Et l'airain des vaisseaux usurpateurs des mers,
En colonne, à ma voix, va monter dans les airs.
Je montrerai l'Asie et ses villes tremblantes,
Le niphate pleurant sur ses rives sanglantes;
Et le parthe perfide, en son courroux prudent,
Qui combat dans sa fuite, et résiste en cédant;
Et César aux deux mers étalant leurs conquêtes,
Et d'un double trophée embellissant nos fêtes.
Au milieu je ranime en marbre de Paros
Les fils d'Assaracus, les descendans de Tros,
Ces dieux, ces demi-dieux, cette famille immense,
Que termine César, que Jupiter commence.
Dans un coin du tableau je mets l'envie aux fers,
Et j'étale à ses yeux les tourmens des enfers:
Les serpens d'Alecton, les ondes de Tantale,
La roue infatigable, et la roche fatale.
Cependant, ô Mécène, animé par ta voix,
Pour guider les troupeaux je rentre dans les bois.
Viens: déjà des bergers les trompes m'avertissent;
Déjà des chiens ardens les clameurs retentissent;
Le coursier frappe l'air de ses hennissemens;
Le taureau lui répond par ses mugissemens;
Et l'écho des forêts et l'écho des rivages
Se joignent aux concerts de leurs accens sauvages.
Achevons de dicter ces champêtres leçons;
Et ma muse bientôt, par de plus nobles sons,
Fera vivre les faits du héros que j'adore,
Plus long-temps que l'époux de la brillante aurore.
Veut-on pour vaincre à Pise un coursier généreux?
Veut-on pour la charrue un taureau vigoureux?
Des mères avec soin il faut choisir l'espèce.
Je veux dans la génisse une mâle rudesse,
Une oreille velue, un regard menaçant,
Des cornes dont les dards se courbent en croissant;
Que son flanc alongé sans mesure s'étende;
Vers la terre en flottant que son fanon descende;
Qu'enfin ses pieds, sa tête et son cou monstrueux,
De leur beauté difforme épouvantent les yeux.
J'aime aussi sur son corps, taché par intervalles,
Et de noir et de blanc les marques inégales;
J'aime à lui voir du joug secouer le fardeau,
Par son mufle sauvage imiter le taureau,
Menacer de la corne, et, dans sa marche altière,
D'une queue à longs crins balayer la poussière.
L'âge, soit de l'hymen, soit du travail des champs,
Après quatre ans commence, et cesse avant dix ans.
Ces jours sont précieux: dès le printemps de l'âge
Livre au taureau fougueux son amante sauvage;
Qu'elle laisse en mourant de nombreux héritiers.
Hélas! Nos plus beaux jours s'envolent les premiers;
Un essaim de douleurs bientôt nous environne;
La vieillesse nous glace et la mort nous moissonne.
Couronnerai l'adresse ou la mâle vigueur.
Je me trompe, ou déjà la pompe auguste est prête:
Allons, marchons au temple, et commençons la fête;
Allumons cet encens, égorgeons ces taureaux.
Le théâtre m'appelle à ses mouvans tableaux;
J'y vole: nos captifs à ma vue empressée
Étalent ces tapis où leur honte est tracée:
Sur les portes ma main grave nos fiers combats,
Le Nil au loin roulant sous des forêts de mâts.
Pour mieux représenter sa honte et notre gloire,
L'indien me fournit son or et son ivoire;
Et l'airain des vaisseaux usurpateurs des mers,
En colonne, à ma voix, va monter dans les airs.
Je montrerai l'Asie et ses villes tremblantes,
Le niphate pleurant sur ses rives sanglantes;
Et le parthe perfide, en son courroux prudent,
Qui combat dans sa fuite, et résiste en cédant;
Et César aux deux mers étalant leurs conquêtes,
Et d'un double trophée embellissant nos fêtes.
Au milieu je ranime en marbre de Paros
Les fils d'Assaracus, les descendans de Tros,
Ces dieux, ces demi-dieux, cette famille immense,
Que termine César, que Jupiter commence.
Dans un coin du tableau je mets l'envie aux fers,
Et j'étale à ses yeux les tourmens des enfers:
Les serpens d'Alecton, les ondes de Tantale,
La roue infatigable, et la roche fatale.
Cependant, ô Mécène, animé par ta voix,
Pour guider les troupeaux je rentre dans les bois.
Viens: déjà des bergers les trompes m'avertissent;
Déjà des chiens ardens les clameurs retentissent;
Le coursier frappe l'air de ses hennissemens;
Le taureau lui répond par ses mugissemens;
Et l'écho des forêts et l'écho des rivages
Se joignent aux concerts de leurs accens sauvages.
Achevons de dicter ces champêtres leçons;
Et ma muse bientôt, par de plus nobles sons,
Fera vivre les faits du héros que j'adore,
Plus long-temps que l'époux de la brillante aurore.
Veut-on pour vaincre à Pise un coursier généreux?
Veut-on pour la charrue un taureau vigoureux?
Des mères avec soin il faut choisir l'espèce.
Je veux dans la génisse une mâle rudesse,
Une oreille velue, un regard menaçant,
Des cornes dont les dards se courbent en croissant;
Que son flanc alongé sans mesure s'étende;
Vers la terre en flottant que son fanon descende;
Qu'enfin ses pieds, sa tête et son cou monstrueux,
De leur beauté difforme épouvantent les yeux.
J'aime aussi sur son corps, taché par intervalles,
Et de noir et de blanc les marques inégales;
J'aime à lui voir du joug secouer le fardeau,
Par son mufle sauvage imiter le taureau,
Menacer de la corne, et, dans sa marche altière,
D'une queue à longs crins balayer la poussière.
L'âge, soit de l'hymen, soit du travail des champs,
Après quatre ans commence, et cesse avant dix ans.
Ces jours sont précieux: dès le printemps de l'âge
Livre au taureau fougueux son amante sauvage;
Qu'elle laisse en mourant de nombreux héritiers.
Hélas! Nos plus beaux jours s'envolent les premiers;
Un essaim de douleurs bientôt nous environne;
La vieillesse nous glace et la mort nous moissonne.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Préviens donc leur ravage, et que dans tes troupeaux
L'hymen forme toujours des nourrissons nouveaux.
Dans le choix des coursiers ne sois pas moins sévère
Du troupeau, dès l'enfance, il faut soigner le père:
Des gris et des bais-bruns on estime le coeur;
Le blanc, l'alezan clair languissent sans vigueur;
L'étalon généreux a le port plein d'audace,
Sur ses jarrets plians se balance avec grâce;
Aucun bruit ne l'émeut; le premier du troupeau,
Il fend l'onde écumante, affronte un pont nouveau:
Il a le ventre court, l'encolure hardie,
Une tête effilée, une croupe arrondie;
On voit sur son poitrail ses muscles se gonfler,
Et ses nerfs tressaillir, et ses veines s'enfler:
Que du clairon bruyant le son guerrier l'éveille,
Je le vois s'agiter, trembler, dresser l'oreille;
Son épine se double et frémit sur son dos;
D'une épaisse crinière il fait bondir les flots;
De ses naseaux brûlans il respire la guerre;
Ses yeux roulent du feu, son pied creuse la terre.
Tel dompté par les mains du frère de Castor,
Ce cyllare fameux s'assujettit au mor;
Tels les chevaux d'Achille et du dieu de la Thrace
Soufflaient le feu du ciel, d'où descendait leur race;
Tel Saturne, surpris dans un tendre larcin,
En superbe coursier se transforma soudain,
Et, secouant dans l'air sa crinière flottante,
De ses hennissemens effraya son amante.
Quel que soit le coursier qu'ait adopté ton choix,
Quand des ans ou des maux il sentira le poids,
Des travaux de l'amour dispense sa faiblesse:
Vénus ainsi que Mars demande la jeunesse.
L'hymen forme toujours des nourrissons nouveaux.
Dans le choix des coursiers ne sois pas moins sévère
Du troupeau, dès l'enfance, il faut soigner le père:
Des gris et des bais-bruns on estime le coeur;
Le blanc, l'alezan clair languissent sans vigueur;
L'étalon généreux a le port plein d'audace,
Sur ses jarrets plians se balance avec grâce;
Aucun bruit ne l'émeut; le premier du troupeau,
Il fend l'onde écumante, affronte un pont nouveau:
Il a le ventre court, l'encolure hardie,
Une tête effilée, une croupe arrondie;
On voit sur son poitrail ses muscles se gonfler,
Et ses nerfs tressaillir, et ses veines s'enfler:
Que du clairon bruyant le son guerrier l'éveille,
Je le vois s'agiter, trembler, dresser l'oreille;
Son épine se double et frémit sur son dos;
D'une épaisse crinière il fait bondir les flots;
De ses naseaux brûlans il respire la guerre;
Ses yeux roulent du feu, son pied creuse la terre.
Tel dompté par les mains du frère de Castor,
Ce cyllare fameux s'assujettit au mor;
Tels les chevaux d'Achille et du dieu de la Thrace
Soufflaient le feu du ciel, d'où descendait leur race;
Tel Saturne, surpris dans un tendre larcin,
En superbe coursier se transforma soudain,
Et, secouant dans l'air sa crinière flottante,
De ses hennissemens effraya son amante.
Quel que soit le coursier qu'ait adopté ton choix,
Quand des ans ou des maux il sentira le poids,
Des travaux de l'amour dispense sa faiblesse:
Vénus ainsi que Mars demande la jeunesse.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Pour son corps, dévoré d'un impuissant désir,
L'hymen est un tourment, et non pas un plaisir;
Vieil athlète, son feu dès l'abord se consume:
Tel le chaume s'éteint au moment qu'il s'allume.
Connais donc et son âge, et sa race, et son coeur,
Et surtout dans la lice observe son ardeur.
Le signal est donné: déjà de la barrière
Cent chars précipités fondent dans la carrière;
Tout s'éloigne, tout fuit: les jeunes combattans,
Tressaillant d'espérance, et d'effroi palpitans,
À leurs bouillans transports abandonnent leur âme;
Ils pressent leurs coursiers; l'essieu siffle et s'enflamme;
On les voit se baisser, se dresser tour à tour;
Des tourbillons de sable ont obscurci le jour:
On se quitte, on s'atteint, on s'approche, on s'évite;
Des chevaux haletans le crin poudreux s'agite;
Et, blanchissant d'écume et baigné de sueur,
Le vaincu de son souffle humecte le vainqueur:
Tant la gloire leur plaît, tant l'honneur les anime!
Érichthon le premier, par un effort sublime,
Osa plier au joug quatre coursiers fougueux,
Et, porté sur un char, s'élancer avec eux.
Le lapithe, monté sur ces monstres farouches,
À recevoir le frein accoutuma leurs bouches,
Leur apprit à bondir, à cadencer leurs pas,
Et gouverna leur fougue au milieu des combats.
Mais, soit qu'il traîne un char, soit qu'il porte son guide,
J'exige qu'un coursier soit jeune, ardent, rapide:
Fût-il sorti d'épire, eût-il servi les dieux,
Fût-il né du trident, il languit s'il est vieux.
Enfin ton choix est fait, aucun soin ne t'arrête:
Que le chef du troupeau pour son hymen s'apprête.
D'une prodigue main verse-lui sa boisson;
Qu'il s'engraisse du lait de la jeune moisson:
Autrement il succombe, aux plaisirs inhabile,
Et d'un père affaibli naît un enfant débile.
Au contraire, sitôt que les tendres désirs
Sollicitent la mère aux amoureux plaisirs,
Éloigne-la des eaux, retranche sa pâture;
Et quand l'été brûlant fatigue la nature,
Lorsque l'aire gémit sous les fléaux pesans,
Qu'une pénible course amaigrisse ses flancs:
Des routes de l'amour l'embonpoint inutile
Aux germes créateurs ouvre un champ moins fertile.
Dès que son sein grossit, tous nos soins lui sont dus,
Et le soc et le char lui seront défendus.
Je ne veux plus la voir bondir dans les campagnes,
Lutter contre un torrent, gravir sur les montagnes:
Qu'elle paisse en des prés où les plus clairs ruisseaux
Parmi des bords fleuris roulent à pleins canaux,
Où le sommeil l'invite au fond d'un antre sombre,
Où des rochers voisins versent le frais et l'ombre.
Surtout je crains pour elle et la rage et le bruit
Des insectes ailés que la chaleur produit.
Aux rives du Silare, où des forêts d'yeuses
Prolongent dans les champs leurs ombres ténébreuses,
Vole un insecte affreux, que Junon autrefois,
Pour tourmenter Io, déchaîna dans les bois.
L'hymen est un tourment, et non pas un plaisir;
Vieil athlète, son feu dès l'abord se consume:
Tel le chaume s'éteint au moment qu'il s'allume.
Connais donc et son âge, et sa race, et son coeur,
Et surtout dans la lice observe son ardeur.
Le signal est donné: déjà de la barrière
Cent chars précipités fondent dans la carrière;
Tout s'éloigne, tout fuit: les jeunes combattans,
Tressaillant d'espérance, et d'effroi palpitans,
À leurs bouillans transports abandonnent leur âme;
Ils pressent leurs coursiers; l'essieu siffle et s'enflamme;
On les voit se baisser, se dresser tour à tour;
Des tourbillons de sable ont obscurci le jour:
On se quitte, on s'atteint, on s'approche, on s'évite;
Des chevaux haletans le crin poudreux s'agite;
Et, blanchissant d'écume et baigné de sueur,
Le vaincu de son souffle humecte le vainqueur:
Tant la gloire leur plaît, tant l'honneur les anime!
Érichthon le premier, par un effort sublime,
Osa plier au joug quatre coursiers fougueux,
Et, porté sur un char, s'élancer avec eux.
Le lapithe, monté sur ces monstres farouches,
À recevoir le frein accoutuma leurs bouches,
Leur apprit à bondir, à cadencer leurs pas,
Et gouverna leur fougue au milieu des combats.
Mais, soit qu'il traîne un char, soit qu'il porte son guide,
J'exige qu'un coursier soit jeune, ardent, rapide:
Fût-il sorti d'épire, eût-il servi les dieux,
Fût-il né du trident, il languit s'il est vieux.
Enfin ton choix est fait, aucun soin ne t'arrête:
Que le chef du troupeau pour son hymen s'apprête.
D'une prodigue main verse-lui sa boisson;
Qu'il s'engraisse du lait de la jeune moisson:
Autrement il succombe, aux plaisirs inhabile,
Et d'un père affaibli naît un enfant débile.
Au contraire, sitôt que les tendres désirs
Sollicitent la mère aux amoureux plaisirs,
Éloigne-la des eaux, retranche sa pâture;
Et quand l'été brûlant fatigue la nature,
Lorsque l'aire gémit sous les fléaux pesans,
Qu'une pénible course amaigrisse ses flancs:
Des routes de l'amour l'embonpoint inutile
Aux germes créateurs ouvre un champ moins fertile.
Dès que son sein grossit, tous nos soins lui sont dus,
Et le soc et le char lui seront défendus.
Je ne veux plus la voir bondir dans les campagnes,
Lutter contre un torrent, gravir sur les montagnes:
Qu'elle paisse en des prés où les plus clairs ruisseaux
Parmi des bords fleuris roulent à pleins canaux,
Où le sommeil l'invite au fond d'un antre sombre,
Où des rochers voisins versent le frais et l'ombre.
Surtout je crains pour elle et la rage et le bruit
Des insectes ailés que la chaleur produit.
Aux rives du Silare, où des forêts d'yeuses
Prolongent dans les champs leurs ombres ténébreuses,
Vole un insecte affreux, que Junon autrefois,
Pour tourmenter Io, déchaîna dans les bois.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Aux bourdonnemens sourds de son aile bruyante,
Tout un troupeau s'enfuit en hurlant d'épouvante:
De leurs cris furieux le Tanagre frémit,
La forêt s'en ébranle, et l'Olympe en gémit.
Fais donc paître la mère au soir ou dès l'aurore,
Lorsque de son hymen les fruits sont près d'éclore.
Sont-ils nés? à tes soins ils ont droit à leur tour.
Marque au front de chacun quel sort l'attend un jour:
Les uns sont du troupeau l'espérance certaine;
D'autres d'un soc tranchant déchireront la plaine;
D'autres pour les autels de fleurs seront parés,
Et le reste au hasard bondira dans les prés.
Ceux qu'on destine au soc, il faut dès leur jeune âge
Discipliner au joug leur docile courage.
Sur son cou libre encor, ton jeune nourrisson
Porte un collier flottant pour première leçon:
Bientôt deux compagnons, qu'un joug d'osier rassemble,
Apprennent à marcher, à s'arrêter ensemble:
Déjà même un char vide est par eux emporté,
Et glisse sur l'arène avec agilité;
Puis sous un lourd fardeau, qu'ils ébranlent à peine,
Ils font crier la roue, et sillonnent la plaine.
Cependant, pour nourrir tes élèves naissans,
Au feuillage du saule, au vert gazon des champs,
À l'herbe des marais joins la moisson nouvelle.
De la mère autrefois on pressait la mamelle:
Pasteur plus indulgent, laisse-la sans regret
Pour ses tendres enfans épancher tout son lait.
Mais veux-tu près d'élis, dans des torrens de poudre,
Guider un char plus prompt, plus brûlant que la foudre?
Tout un troupeau s'enfuit en hurlant d'épouvante:
De leurs cris furieux le Tanagre frémit,
La forêt s'en ébranle, et l'Olympe en gémit.
Fais donc paître la mère au soir ou dès l'aurore,
Lorsque de son hymen les fruits sont près d'éclore.
Sont-ils nés? à tes soins ils ont droit à leur tour.
Marque au front de chacun quel sort l'attend un jour:
Les uns sont du troupeau l'espérance certaine;
D'autres d'un soc tranchant déchireront la plaine;
D'autres pour les autels de fleurs seront parés,
Et le reste au hasard bondira dans les prés.
Ceux qu'on destine au soc, il faut dès leur jeune âge
Discipliner au joug leur docile courage.
Sur son cou libre encor, ton jeune nourrisson
Porte un collier flottant pour première leçon:
Bientôt deux compagnons, qu'un joug d'osier rassemble,
Apprennent à marcher, à s'arrêter ensemble:
Déjà même un char vide est par eux emporté,
Et glisse sur l'arène avec agilité;
Puis sous un lourd fardeau, qu'ils ébranlent à peine,
Ils font crier la roue, et sillonnent la plaine.
Cependant, pour nourrir tes élèves naissans,
Au feuillage du saule, au vert gazon des champs,
À l'herbe des marais joins la moisson nouvelle.
De la mère autrefois on pressait la mamelle:
Pasteur plus indulgent, laisse-la sans regret
Pour ses tendres enfans épancher tout son lait.
Mais veux-tu près d'élis, dans des torrens de poudre,
Guider un char plus prompt, plus brûlant que la foudre?
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Veux-tu, dans les horreurs d'un choc tumultueux,
Régler d'un fier coursier les bonds impétueux?
Accoutume son oeil au spectacle des armes,
Et son oreille au bruit, et son coeur aux alarmes:
Qu'il entende déjà le cliquetis du frein,
Le roulement des chars, les accens de l'airain;
Qu'au seul son de ta voix son allégresse éclate;
Qu'il frémisse au doux bruit de la main qui le flatte.
Ainsi, de la mamelle à peine séparé,
Ton élève à son art est déjà préparé;
Déjà son front timide et sans expérience
Vient aux premiers liens s'offrir sans défiance.
Mais compte-t-il trois ans? Bientôt, mordant le frein,
Il tourne, il caracole, il bondit sous ta main;
Sur ses jarrets nerveux il retombe en mesure:
Pour la rendre plus libre, on gêne son allure;
Tout-à-coup il s'élance, et, plus prompt que l'éclair,
Dans les champs effleurés il court, vole, et fend l'air.
Tel le fougueux époux de la jeune Orythie
Vole et disperse au loin les frimas de Scythie,
Fait frémir mollement les vagues des moissons,
Balance les forêts sur la cime des monts,
Chasse et poursuit les flots de l'océan qui gronde,
Et balaie, en fuyant, les airs, la terre et l'onde.
Un jour tu le verras, ce coursier généreux,
Ensanglanter son mors et vaincre dans nos jeux;
Ou, plus utile encor, dans les champs de la guerre,
Sous de rapides chars faire gémir la terre.
Ne l'engraisse surtout qu'après l'avoir dompté;
Autrement son orgueil jamais n'est surmonté:
Il se dresse en fureur sous le fouet qui le touche,
Et s'indigne du frein qui gourmande sa bouche.
Régler d'un fier coursier les bonds impétueux?
Accoutume son oeil au spectacle des armes,
Et son oreille au bruit, et son coeur aux alarmes:
Qu'il entende déjà le cliquetis du frein,
Le roulement des chars, les accens de l'airain;
Qu'au seul son de ta voix son allégresse éclate;
Qu'il frémisse au doux bruit de la main qui le flatte.
Ainsi, de la mamelle à peine séparé,
Ton élève à son art est déjà préparé;
Déjà son front timide et sans expérience
Vient aux premiers liens s'offrir sans défiance.
Mais compte-t-il trois ans? Bientôt, mordant le frein,
Il tourne, il caracole, il bondit sous ta main;
Sur ses jarrets nerveux il retombe en mesure:
Pour la rendre plus libre, on gêne son allure;
Tout-à-coup il s'élance, et, plus prompt que l'éclair,
Dans les champs effleurés il court, vole, et fend l'air.
Tel le fougueux époux de la jeune Orythie
Vole et disperse au loin les frimas de Scythie,
Fait frémir mollement les vagues des moissons,
Balance les forêts sur la cime des monts,
Chasse et poursuit les flots de l'océan qui gronde,
Et balaie, en fuyant, les airs, la terre et l'onde.
Un jour tu le verras, ce coursier généreux,
Ensanglanter son mors et vaincre dans nos jeux;
Ou, plus utile encor, dans les champs de la guerre,
Sous de rapides chars faire gémir la terre.
Ne l'engraisse surtout qu'après l'avoir dompté;
Autrement son orgueil jamais n'est surmonté:
Il se dresse en fureur sous le fouet qui le touche,
Et s'indigne du frein qui gourmande sa bouche.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Crains aussi, crains l'amour, dont la douce langueur
Des troupeaux, quels qu'ils soient, énerve la vigueur:
Que des fleuves profonds, qu'une haute montagne
Sépare le taureau de sa belle compagne;
Ou que, loin de ses yeux, dans l'étable caché,
Près d'une ample pâture il demeure attaché.
Près d'elle il fond d'amour, il erre triste et sombre,
Et néglige les eaux et la verdure et l'ombre.
Souvent même, troublant l'empire des troupeaux,
Une Hélène au combat entraîne deux rivaux:
Tranquille, elle s'égare en un gras pâturage;
Ses superbes amans s'élancent pleins de rage;
Tous deux, les yeux baissés et les regards brûlans,
Entrechoquent leurs fronts, se déchirent les flancs;
De leur sang qui jaillit, les ruisseaux les inondent;
À leurs mugissemens les vastes cieux répondent.
Entre eux point de traité: dans de lointains déserts
Le vaincu désolé va cacher ses revers,
Va pleurer d'un rival la victoire insolente,
La perte de sa gloire, et surtout d'une amante;
Et, vers ces bords chéris tournant encor les yeux,
Abandonne l'empire où régnaient ses aïeux.
Des troupeaux, quels qu'ils soient, énerve la vigueur:
Que des fleuves profonds, qu'une haute montagne
Sépare le taureau de sa belle compagne;
Ou que, loin de ses yeux, dans l'étable caché,
Près d'une ample pâture il demeure attaché.
Près d'elle il fond d'amour, il erre triste et sombre,
Et néglige les eaux et la verdure et l'ombre.
Souvent même, troublant l'empire des troupeaux,
Une Hélène au combat entraîne deux rivaux:
Tranquille, elle s'égare en un gras pâturage;
Ses superbes amans s'élancent pleins de rage;
Tous deux, les yeux baissés et les regards brûlans,
Entrechoquent leurs fronts, se déchirent les flancs;
De leur sang qui jaillit, les ruisseaux les inondent;
À leurs mugissemens les vastes cieux répondent.
Entre eux point de traité: dans de lointains déserts
Le vaincu désolé va cacher ses revers,
Va pleurer d'un rival la victoire insolente,
La perte de sa gloire, et surtout d'une amante;
Et, vers ces bords chéris tournant encor les yeux,
Abandonne l'empire où régnaient ses aïeux.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Mais l'amour le poursuit jusqu'en ces lieux sauvages:
Là, dormant sur des rocs, nourri d'amers feuillages,
Furieux, il s'exerce à venger ses affronts,
De ses dards tortueux il attaque des troncs;
Son front combat les vents, son pied frappe la plaine,
Et sous ses bonds fougueux il fait voler l'arène.
Mais c'en est fait, il part, et, bouillant de désirs,
De l'orgueilleux vainqueur va troubler les plaisirs.
Tel, par un pli léger ridant le sein de l'onde,
Un flot de loin blanchit, s'alonge, s'enfle et gronde:
Soudain le mont liquide, élevé dans les airs,
Retombe: un noir limon bouillonne sur les mers.
Amour, tout sent tes feux, tout se livre à ta rage;
Tout, et l'homme qui pense, et la brute sauvage,
Et le peuple des eaux, et l'habitant des airs.
Amour, tu fais rugir les monstres des déserts:
Alors, battant ses flancs, la lionne inhumaine
Quitte ses lionceaux et rôde dans la plaine;
C'est alors que, brûlant pour d'informes appas,
Le noir peuple des ours sème au loin le trépas;
Alors le tigre affreux ravage la Libye:
Malheur au voyageur errant dans la Nubie!
Si le coursier fougueux sent l'attrait du plaisir,
Voyez-vous tout son corps frissonner de désir?
Il ne sent plus le fouet, ne connaît plus les rênes;
Il vole; il franchit tout, et les bois et les plaines,
Et les rocs menaçans, et les gouffres profonds,
Et les torrens enflés par les débris des monts.
L'horrible sanglier se prépare à la guerre;
Il aiguise sa dent, il tourmente la terre:
Contre un chêne ridé s'endurcit aux assauts,
Hérisse tous ses crins, et fond sur ses rivaux.
Que n'ose un jeune amant qu'un feu brûlant dévore!
L'insensé, pour jouir de l'objet qu'il adore,
La nuit, au bruit des vents, aux lueurs de l'éclair,
Seul traverse à la nage une orageuse mer;
Il n'entend ni les cieux qui grondent sur sa tête,
Ni le bruit des rochers battus par la tempête,
Ni ses tristes parens de douleur éperdus,
Ni son amante, hélas! Qui meurt s'il ne vit plus.
Vois combattre le lynx, le chien, le cerf lui-même;
N'entends-tu pas le loup hurler pour ce qu'il aime?
Là, dormant sur des rocs, nourri d'amers feuillages,
Furieux, il s'exerce à venger ses affronts,
De ses dards tortueux il attaque des troncs;
Son front combat les vents, son pied frappe la plaine,
Et sous ses bonds fougueux il fait voler l'arène.
Mais c'en est fait, il part, et, bouillant de désirs,
De l'orgueilleux vainqueur va troubler les plaisirs.
Tel, par un pli léger ridant le sein de l'onde,
Un flot de loin blanchit, s'alonge, s'enfle et gronde:
Soudain le mont liquide, élevé dans les airs,
Retombe: un noir limon bouillonne sur les mers.
Amour, tout sent tes feux, tout se livre à ta rage;
Tout, et l'homme qui pense, et la brute sauvage,
Et le peuple des eaux, et l'habitant des airs.
Amour, tu fais rugir les monstres des déserts:
Alors, battant ses flancs, la lionne inhumaine
Quitte ses lionceaux et rôde dans la plaine;
C'est alors que, brûlant pour d'informes appas,
Le noir peuple des ours sème au loin le trépas;
Alors le tigre affreux ravage la Libye:
Malheur au voyageur errant dans la Nubie!
Si le coursier fougueux sent l'attrait du plaisir,
Voyez-vous tout son corps frissonner de désir?
Il ne sent plus le fouet, ne connaît plus les rênes;
Il vole; il franchit tout, et les bois et les plaines,
Et les rocs menaçans, et les gouffres profonds,
Et les torrens enflés par les débris des monts.
L'horrible sanglier se prépare à la guerre;
Il aiguise sa dent, il tourmente la terre:
Contre un chêne ridé s'endurcit aux assauts,
Hérisse tous ses crins, et fond sur ses rivaux.
Que n'ose un jeune amant qu'un feu brûlant dévore!
L'insensé, pour jouir de l'objet qu'il adore,
La nuit, au bruit des vents, aux lueurs de l'éclair,
Seul traverse à la nage une orageuse mer;
Il n'entend ni les cieux qui grondent sur sa tête,
Ni le bruit des rochers battus par la tempête,
Ni ses tristes parens de douleur éperdus,
Ni son amante, hélas! Qui meurt s'il ne vit plus.
Vois combattre le lynx, le chien, le cerf lui-même;
N'entends-tu pas le loup hurler pour ce qu'il aime?
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Des cavales surtout rien n'égale les feux;
Vénus même alluma leurs transports furieux,
Quand, pour avoir frustré leur amoureuse ivresse,
Elle livra Glaucus à leur dent vengeresse.
L'impérieux amour conduit leurs pas errans
Sur le sommet des monts, à travers les torrens:
Surtout, lorsqu'aux beaux jours leur fureur se ranime,
D'un rocher solitaire elles gagnent la cime.
Là, leur bouche brûlante, ouverte aux doux zéphyrs,
Reçoit avidement leurs amoureux soupirs:
Ô prodige inouï! Le zéphyr les féconde.
Soudain du haut des rocs leur troupe vagabonde
Bondit, se précipite, et fuit dans les vallons;
Non vers les lieux blanchis par les premiers rayons,
Mais vers les champs du nord, mais vers ces tristes plages
Où l'autan pluvieux entasse les orages.
C'est alors qu'on les voit, dans l'ardeur de leurs feux,
Distiller en courant l'hippomane amoureux;
L'hippomane, filtré par la marâtre impie,
Qui joint au noir poison l'infernale magie.
Mais moi-même où m'entraîne, où m'égare l'amour?
Revenons: le temps vole, et s'enfuit sans retour.
Après les grands troupeaux, il est temps que je chante
Des chèvres, des brebis la famille bêlante.
Ô vous, heureux bergers, veillez à leurs besoins;
Leur toison et leur lait vous paîront de vos soins.
Et moi, puissé-je orner cette aride matière!
Des ronces, je le sais, hérissent ma carrière;
Mais des sentiers battus je détourne mes pas:
Oui, les déserts du Pinde ont pour moi des appas:
Dans ces sentiers nouveaux qu'a frayés mon audace,
Mon oeil d'aucun mortel ne reconnaît la trace.
Vénus même alluma leurs transports furieux,
Quand, pour avoir frustré leur amoureuse ivresse,
Elle livra Glaucus à leur dent vengeresse.
L'impérieux amour conduit leurs pas errans
Sur le sommet des monts, à travers les torrens:
Surtout, lorsqu'aux beaux jours leur fureur se ranime,
D'un rocher solitaire elles gagnent la cime.
Là, leur bouche brûlante, ouverte aux doux zéphyrs,
Reçoit avidement leurs amoureux soupirs:
Ô prodige inouï! Le zéphyr les féconde.
Soudain du haut des rocs leur troupe vagabonde
Bondit, se précipite, et fuit dans les vallons;
Non vers les lieux blanchis par les premiers rayons,
Mais vers les champs du nord, mais vers ces tristes plages
Où l'autan pluvieux entasse les orages.
C'est alors qu'on les voit, dans l'ardeur de leurs feux,
Distiller en courant l'hippomane amoureux;
L'hippomane, filtré par la marâtre impie,
Qui joint au noir poison l'infernale magie.
Mais moi-même où m'entraîne, où m'égare l'amour?
Revenons: le temps vole, et s'enfuit sans retour.
Après les grands troupeaux, il est temps que je chante
Des chèvres, des brebis la famille bêlante.
Ô vous, heureux bergers, veillez à leurs besoins;
Leur toison et leur lait vous paîront de vos soins.
Et moi, puissé-je orner cette aride matière!
Des ronces, je le sais, hérissent ma carrière;
Mais des sentiers battus je détourne mes pas:
Oui, les déserts du Pinde ont pour moi des appas:
Dans ces sentiers nouveaux qu'a frayés mon audace,
Mon oeil d'aucun mortel ne reconnaît la trace.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Viens, auguste Palès, viens soutenir ma voix.
D'abord, que tes brebis, à couvert sous leurs toits,
Jusqu'au printemps nouveau se nourrissent d'herbage;
Qu'une molle fougère et qu'un épais fourrage,
Sous leurs corps délicats étendus par ta main,
Rendent leur lit moins dur, leur asile plus sain.
Les chèvres, à leur tour, veulent pour nourriture
Des feuilles d'arboisier et l'onde la plus pure:
Écarte de leur toit l'inclémence des airs:
Qu'il reçoive au midi le soleil des hivers,
Jusqu'aux jours où Phébus, quittant l'urne céleste,
Du cercle de l'année achève enfin le reste.
Oui, comme les brebis, l'humble chèvre a ses droits;
Si leur riche toison, pour habiller les rois,
Aux fuseaux de Milet offre une laine pure,
Et du poisson de Tyr boit la riche teinture,
La chèvre a des trésors qui ne lui cèdent pas:
Ses enfans sont nombreux, son lait ne tarit pas:
Et plus ta main avare épuise sa mamelle,
Plus sa douce ambroisie entre tes doigts ruisselle.
Cependant son époux contre l'âpre saison
Nous cède ces longs poils qui parent son menton.
Le jour, au fond des bois, au penchant des collines,
Elle vit de buissons, de ronces et d'épines;
Le soir, fidèle à l'heure, elle rentre au hameau:
Elle-même rassemble et conduit son troupeau;
Et, le sein tout gonflé des tributs qu'elle apporte,
Du bercail avec peine elle franchit la porte.
Soigne-la donc au moins durant les froids hivers,
Et tiens sa maison chaude et tes greniers ouverts.
Mais le printemps renaît, et le zéphyr t'appelle:
Viens, conduis tes troupeaux sur la mousse nouvelle:
Sors sitôt que l'aurore a rougi l'horizon,
Quand de légers frimas blanchissent le gazon,
Lorsque, brillant encor sur la tendre verdure,
Une fraîche rosée invite à la pâture.
D'abord, que tes brebis, à couvert sous leurs toits,
Jusqu'au printemps nouveau se nourrissent d'herbage;
Qu'une molle fougère et qu'un épais fourrage,
Sous leurs corps délicats étendus par ta main,
Rendent leur lit moins dur, leur asile plus sain.
Les chèvres, à leur tour, veulent pour nourriture
Des feuilles d'arboisier et l'onde la plus pure:
Écarte de leur toit l'inclémence des airs:
Qu'il reçoive au midi le soleil des hivers,
Jusqu'aux jours où Phébus, quittant l'urne céleste,
Du cercle de l'année achève enfin le reste.
Oui, comme les brebis, l'humble chèvre a ses droits;
Si leur riche toison, pour habiller les rois,
Aux fuseaux de Milet offre une laine pure,
Et du poisson de Tyr boit la riche teinture,
La chèvre a des trésors qui ne lui cèdent pas:
Ses enfans sont nombreux, son lait ne tarit pas:
Et plus ta main avare épuise sa mamelle,
Plus sa douce ambroisie entre tes doigts ruisselle.
Cependant son époux contre l'âpre saison
Nous cède ces longs poils qui parent son menton.
Le jour, au fond des bois, au penchant des collines,
Elle vit de buissons, de ronces et d'épines;
Le soir, fidèle à l'heure, elle rentre au hameau:
Elle-même rassemble et conduit son troupeau;
Et, le sein tout gonflé des tributs qu'elle apporte,
Du bercail avec peine elle franchit la porte.
Soigne-la donc au moins durant les froids hivers,
Et tiens sa maison chaude et tes greniers ouverts.
Mais le printemps renaît, et le zéphyr t'appelle:
Viens, conduis tes troupeaux sur la mousse nouvelle:
Sors sitôt que l'aurore a rougi l'horizon,
Quand de légers frimas blanchissent le gazon,
Lorsque, brillant encor sur la tendre verdure,
Une fraîche rosée invite à la pâture.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Mais quatre heures après, quand déjà de ses chants
La cigale enrouée importune les champs,
Que ton peuple, conduit à la source prochaine,
Boive l'eau qui s'enfuit dans des canaux de chêne.
À midi, va chercher ces bois noirs et profonds
Dont l'ombre au loin descend dans les sombres vallons.
Le soir, que ton troupeau s'abreuve et paisse encore.
Le soir rend à nos prés la fraîcheur de l'aurore;
Tout semble ranimé, gazons, zéphyrs, oiseaux:
Rossignols dans les bois, alcyons sur les eaux.
Selon les lieux pourtant ces lois sont différentes:
Vois les bergers d'Afrique et leurs courses errantes;
Là, leurs troupeaux épars, ainsi que leurs foyers,
Et paissant au hasard durant des mois entiers,
Soit que le jour renaisse ou que la nuit commence,
S'égarent lentement dans un désert immense:
Leurs dieux, leur chien, leur arc, leurs pénates roulans
Tout voyage avec eux sur ces sables brûlans.
Telle de nos romains une troupe vaillante
Marche d'un pas léger sous sa charge pesante,
Et, traversant les eaux, franchissant les sillons,
Court devant l'ennemi planter ses pavillons.
La cigale enrouée importune les champs,
Que ton peuple, conduit à la source prochaine,
Boive l'eau qui s'enfuit dans des canaux de chêne.
À midi, va chercher ces bois noirs et profonds
Dont l'ombre au loin descend dans les sombres vallons.
Le soir, que ton troupeau s'abreuve et paisse encore.
Le soir rend à nos prés la fraîcheur de l'aurore;
Tout semble ranimé, gazons, zéphyrs, oiseaux:
Rossignols dans les bois, alcyons sur les eaux.
Selon les lieux pourtant ces lois sont différentes:
Vois les bergers d'Afrique et leurs courses errantes;
Là, leurs troupeaux épars, ainsi que leurs foyers,
Et paissant au hasard durant des mois entiers,
Soit que le jour renaisse ou que la nuit commence,
S'égarent lentement dans un désert immense:
Leurs dieux, leur chien, leur arc, leurs pénates roulans
Tout voyage avec eux sur ces sables brûlans.
Telle de nos romains une troupe vaillante
Marche d'un pas léger sous sa charge pesante,
Et, traversant les eaux, franchissant les sillons,
Court devant l'ennemi planter ses pavillons.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
Re: Jacques Delille Le Poéte Instituteur.
Mais aux champs où l'Ister roule ses flots rapides,
Aux bords du Tanaïs et des eaux méotides,
Aux lieux où le Rhodope, après un long détour,
Termine vers le nord son oblique retour,
Aucun troupeau ne sort de son étable obscure:
Là les champs sont sans herbe et les bois sans verdure;
Là le temps l'un sur l'autre entasse les hivers;
L'oeil ébloui n'y voit que de brillans déserts,
Que des plaines de neige ou des rochers de glace,
Dont jamais le soleil n'effleura la surface:
Des frimas éternels et des brouillards épais
Éteignent tous ses feux, émoussent tous ses traits;
Et, soit que le jour naisse, ou qu'il meure dans l'onde,
La nature y sommeille en une horreur profonde:
Là le fleuve en courant sent épaissir ses eaux;
Des chars osent rouler où voguaient des vaisseaux:
Plus loin un lac entier n'est plus qu'un bloc de glace;
La laine sur les corps se raidit en cuirasse;
La hache fend le vin; le froid brise le fer,
Glace l'eau sur la lèvre et le souffle dans l'air.
Cependant, sous les flots de la neige qui tombe
La faible brebis meurt, le fier taureau succombe,
Les daims sont engloutis, et le cerf, aux abois,
Découvre à peine aux yeux la pointe de son bois.
Contre ces animaux, désormais moins agiles,
Les rets sont superflus, les chiens sont inutiles:
Tandis que, rugissant dans leurs froides prisons,
Ils soulèvent en vain le fardeau des glaçons,
Le barbare les perce, et, mugissant de joie,
Dans ses antres profonds court dévorer sa proie.
C'est là que ces mortels, dans d'immenses brasiers,
Entassent des ormeaux et des chênes entiers;
Là, brute comme l'ours qui fournit sa parure,
Dans un morne loisir toute une horde obscure
Abrège par le jeu la longueur des hivers,
Et boit un jus piquant, nectar de ces déserts.
Aux bords du Tanaïs et des eaux méotides,
Aux lieux où le Rhodope, après un long détour,
Termine vers le nord son oblique retour,
Aucun troupeau ne sort de son étable obscure:
Là les champs sont sans herbe et les bois sans verdure;
Là le temps l'un sur l'autre entasse les hivers;
L'oeil ébloui n'y voit que de brillans déserts,
Que des plaines de neige ou des rochers de glace,
Dont jamais le soleil n'effleura la surface:
Des frimas éternels et des brouillards épais
Éteignent tous ses feux, émoussent tous ses traits;
Et, soit que le jour naisse, ou qu'il meure dans l'onde,
La nature y sommeille en une horreur profonde:
Là le fleuve en courant sent épaissir ses eaux;
Des chars osent rouler où voguaient des vaisseaux:
Plus loin un lac entier n'est plus qu'un bloc de glace;
La laine sur les corps se raidit en cuirasse;
La hache fend le vin; le froid brise le fer,
Glace l'eau sur la lèvre et le souffle dans l'air.
Cependant, sous les flots de la neige qui tombe
La faible brebis meurt, le fier taureau succombe,
Les daims sont engloutis, et le cerf, aux abois,
Découvre à peine aux yeux la pointe de son bois.
Contre ces animaux, désormais moins agiles,
Les rets sont superflus, les chiens sont inutiles:
Tandis que, rugissant dans leurs froides prisons,
Ils soulèvent en vain le fardeau des glaçons,
Le barbare les perce, et, mugissant de joie,
Dans ses antres profonds court dévorer sa proie.
C'est là que ces mortels, dans d'immenses brasiers,
Entassent des ormeaux et des chênes entiers;
Là, brute comme l'ours qui fournit sa parure,
Dans un morne loisir toute une horde obscure
Abrège par le jeu la longueur des hivers,
Et boit un jus piquant, nectar de ces déserts.
tamima- Nombre de messages : 706
Date d'inscription : 01/05/2010
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