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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 13:51

Rappel du premier message :

Les Amants Malheureux, Ou Le Comte De Comminge
Drame En Trois Actes Et En Vers (1764)

Par François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805)



ACTE 1 SCENE 1
La scène est dans l' abbaye de la trappe.

La toile se lève, et laisse voir un souterrain
vaste et profond, qui est supposé être le lieu
consacré aux sépultures des religieux de la
trappe ; deux ailes du cloître, fort longue
et à perte de vue, viennent aboutir
à ce souterrain. On y descend par deux
escaliers composés de pierres grossièrement
taillées, et d' une vingtaine de degrés.
Il n' est éclairé que d' une lampe.
Au fond du caveau s' élève une grande croix,
telle qu' on en voit dans nos cimetières,
au bas de laquelle est adossé un sépulchre
peu élevé, et formé de pierres brutes ;
plusieurs têtes de morts amoncelées lient ce
monument avec la croix. C' est le tombeau du
célèbre abbé de Rancé, fondateur de la trappe.
Plus avant, du côté gauche, est une fosse qui
paroît nouvellement creusée, sur les bords de
laquelle sont une pioche, une pelle, etc.
Au-devant de la scène, dans un des
côtés, à main droite, est une autre fosse.
Sur les deux ailes de ce souterrain se
distinguent de distance en distance,
et à peu de hauteur de terre, une infinité
de petites croix, qui désignent les sépultures
des religieux.
Rita-kazem
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:33

ACTE 3 SCENE 4

Comminge, D' Orvigni, le père abbé, des religieux.
(deux rangs de religieux descendent les bras
croisés sur la poitrine, et dans un grand
accablement, par les deux escaliers. Chacun
fait une génuflexion devant la croix, une
autre devant l' abbé, et ensuite ils vont se
remettre à leur place des deux côtés de
la scène ; les deux colonnes sont en face l' une de
l' autre ; le père abbé est au milieu. Sur un des
côtés du théâtre sont Comminge et D' Orvigni tous
deux accablés de la plus vive douleur, et
paroissant inquiets sur ce que doit revéler
Euthime. On n' oublira pas que la cloche sonnera
toujours, de façon pourtant qu' elle ne couvre
pas la voix.)

Le Père Abbé aux religieux .
Que chacun prenne place, et m' écoute.

les religieux se rangent comme on l' a dit à côté
l' un de l' autre et dans une tristesse
recueillie .

La mort
Sur un de nous s' arrête, et va finir son sort.
Le frère Euthime est prêt à sortir de la vie.
Il attend vos secours ; par ma bouche il vous prie
D' une commune voix d'implorer l'éternel.
Que cet infortuné, vainqueur d'un corps mortel,
Plein de ce feu sacré que l'espérance allume,
Au calice de mort boive sans amertume,
Et que son ame en paix rejettant ses liens,
S' élance au sein d' un dieu, la source des vrais biens.

il se tourne de côté ainsi que tous les religieux
en face de la croix, et adresse cette prière que
lui seul prononce, les religieux ne disant tout
haut que le dernier mot.

"prière.
Dieu suprême, daigne m'entendre;
que l' esprit éternel s'enflamme de ton feu !
Rends à la terre une mortelle cendre.
Mon ame reconnoît, aime, et bénit un dieu."

tous les Religieux répétent à la fois ce
dernier mot .

"Un dieu !"

Le Père Abbé continuant.
"Mon ame en toi seul se confie;
écarte les dangers qui m' attendent au port.
à l' homme, qu' a trompé le songe de la vie,
grand dieu, fais supporter la mort."

Tous les Religieux répétent .
"La mort !"

Rita-kazem

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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:34

Le Père Abbé poursuit .
"Ouvre, ô mon Dieu, les portes éternelles ;
que je me plonge au sein des miracles divers
créés par tes mains immortelles !
L' espérance, la foi m' emportent sur leurs aîles.
Dieu puissant, sous mes pas viens fermer les enfers."

Tous les Religieux.
"Les enfers !"

Le Père Abbé continue .

"Brise un joug que la matière impose;
romps les fers de l'humanité ;
tout fuit, comme un torrent dans son cours emporté
c' est en toi seul, ô mon Dieu, que repose
l' éternité."

tous les Religieux.
"L' éternité !"
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:34

ACTE 3 SCENE 5

Comminge, D' Orvigni, le père abbé,
les religieux.
Quatre nouveaux religieux, dont deux portent une
espèce d' urne de terre grossière et remplie de
cendre, l' autre a sous son bras de la paille.
le quatrième Religieux au père abbé,
et d' une voix basse et pénétrée .
Le frère Euthime approche.

Le Père Abbé.
Empressons-nous, mes frères,
À préparer ce lit, terme de nos misères.
Euthime a demandé que son oeil expirant
Put contempler sa fosse à son dernier instant.

Il est accompagné de ces quatre nouveaux
religieux ; il prend dans une coquille qu' on lui
présente avec cette urne, de la cendre, la laisse
tomber en levant les yeux au ciel, et en
disant :

Esprits consolateurs entourez cette cendre.

Les quatre religieux forment une croix de cendre,
qu' ils couvrent de paille, on voit la
cendre, elle est sur le devant du théâtre à
gauche, distante de la fosse d' Euthime, les
deux colonnes de religieux
dépassent cette cendre, de façon que Comminge
sera vis-à-vis d' Euthime, lorsqu' il y sera
placé.

Et sur ce lit de mort mes mains doivent l' étendre !
Rita-kazem
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:34

D' Orvigni à part .
Ô spectacle touchant ! ... je ne pourrai jamais...

Le Père Abbé à Comminge .
À votre rang placé... moderez ces regrets,
Frère Arsène, et songez que le ciel s'en offense.

Comminge dans la profonde douleur va se placer
parmi les religieux, il est le second de la
colonne droite, D' Orvigni est quelques pas
plus haut que les religieux, et un peu plus de
côté, de façon qu' il ne cache ni les religieux,
ni Comminge.

A D' Orvigni.
Et vous, que dans ces murs la sage providence
A sans doute elle-même à nos yeux amené,
Vous, d' un monde trompeur toujours environné,
Vous avez vu mourrir ces héros de la guerre,
Dont le faste imposant peut éblouir la terre,
Ces sages, dont l' orgueil est le foible soutien...

D' Orvigni appercevant Euthime qui descend.
Ô ciel.

Le Père Abbé.
Vous allez voir comme meurt un crétien.
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:35

ACTE 3 SCENE 6

Comminge, D' Orvigni, le père abbé, religieux,
Euthime soutenu par deux religieux, un
troisième le suit avec un crucifix à la main .
Le Père Abbé voyant Euthime .
à D' Orvigni. à Euthime.
Il se montre à nos yeux ; venez, venez, mon frère ;
Mériter les bienfaits d' une mort salutaire.

Euthime avançant sur le théâtre, toujours
soutenu par les deux religieux, et se traînant au
lit de cendre .

C'est-là que j'attendrai l'arrêt de mon trépas !

Au père abbé.

Ô mon père, daignez me prêter votre bras.
Le père abbé l' aide, et l' étend sur la cendre,

L' un des deux religieux qui le soutenoit se
retire, il n' en reste plus qu' un qui l' appuye
derrière. Ce dernier est le religieux qui porte
le crucifix ; Euthime demande au père abbé
qui est à ses côtés :

Suis-je près de ma fosse ?

D' Orvigni le regardant avec attention et
à part.
Est-ce l' erreur d' un songe ? ...

Le Père Abbé à Euthime .
La voici.

Il la lui montre.

D' Orvigni, toujours à part .
Cette voix... tout appuye un mensonge...

Euthime regardant sa fosse.
Mon courage incertain demande à s' affermir...
Soutenons ce spectacle... il apprend à mourir.

Au père abbé.
Il est inutile d' avertir qu' Euthime doit
avoir une voix languissante et affaiblie.

Vous me l' avez permis. Le malheureux Euthime
Peut, rempli des transports du zèle qui l' anime,
Révéler des secrets, qui du jour éclairés,
Rendront Dieu plus visible à ces lieux révérés,
À ces ames, du monde et des sens détachées...
Oui, vous verrez son bras par des routes cachées,
Me tirer des enfers, pour me conduire au port.

Il lève les yeux au ciel.

Que ma bouche, ô mon Dieu, par un suprême effort
Puisse offrir de ta gloire une preuve éclatante !
Ranime en sa faveur cette voix expirante !
Que mon dernier soupir s' arrête, pour montrer
Ce que peut faire un dieu, qui veut nous inspirer ! ...

au religieux qui le soutient. On observe qu' il
est un peu élevé et souvent appuyé sur son bras
droit.

Aux religieux.
Daignez me soutenir... vertueux solitaires,
Vous avez cru ma foi, ma piété sincères,
Que digne enfin du nom que vous m'avez donné,
J'étois par un saint zèle aux autels entrainé.
Il faut vous détromper. Contemplez dans Euthime,
Des désordres du coeur la honteuse victime...
En un mot... une femme...

Comminge en s' écriant .
Une femme !
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:35

Le Père Abbé.
En ce lieu ?
Euthime.
Qui vécut pour le monde, et veut mourir pour Dieu.
Oui, je suis, je l'avoue, une femme coupable,
Et la plus criminelle, et la plus misérable...
Comminge, entens, regarde, et reconnois enfin
L'artisan malheureux de ton cruel destin...
Celle qui prit hélas ! Un fol amour pour guide,
Celle qui t'égara, qui vient...


A ce dernier mot elle se lève encore un peu plus,
et sa tête moins enfoncée dans son habillement
laisse distinguer ses traits.
Comminge avec un cri, allant se précipiter
à genoux auprès d' Euthime, et paroissant vouloir
lui prendre la main.

Adélaïde !

D' Orvigni.
Ciel !

Euthime à Comminge, et le repoussant de la main.
Elle même. Arrête ; écoute, et lève toi.

Deux religieux viennent relever Comminge, qui
pendant toute la scène est dans leurs bras, et
suivant.

Ce que dit Euthime, laisse éclater des signes
variés de douleur. D' Orvigni de son côté n' est
pas moins frappé d'étonnement, ses mouvemens sont
moins marqués que ceux de Comminge, on observe
encore que ce dernier n'est point caché par les
religieux, il est entr'eux et Euthime ; le
père abbé est plus avancé sur le devant du
théâtre.

Je dois un grand exemple, et tout l' attend de moi.
Que mon trépas du moins puisse expier ma vie !

A D' Orvigni avec surprise et attendrissement.

Vous aussi dans ces murs!
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:36

Aux religieux en leur montrant Comminge.

Voilà d' un culte impie
Le trop fatal objet... et que j' ai trop chéri...
Pour qui Dieu tant de fois fut oublié, trahi...
Je vous l' ai dit; ma mort, et mon aveu sincère
Vous rendront Dieu plus grand, et sa bonté plus chère.

une grande pause.

Dès le berceau, mon coeur, par le monde égaré,
Au prestige des sens, à l' amour fut livré.
Nourrie avec le fils du frère de mon père,
J'attachai tous mes soins à l'aimer, à lui plaire.
Sans avoir consulté le choix de mes parens,
Mon ame avoit reçu ses goûts, et ses penchans ;
De là, tous les malheurs à qui je fus en butte,
Et de ce premier pas je marchai vers ma chûte.
Tous deux nous entraînant à ces douces erreurs...
Tous deux nous nous aimions : nous remplissions nos coeurs
Des transports mutuels d' une aveugle tendresse ;
Rien n' eût pu dissiper cette fatale ivresse ;
Tout, la terre, le ciel, de nos yeux avoient fui ;
Il n' adoroit que moi ; je n' adorois que lui ;
Nous ne voyions enfin que l' autel d' hyménée,
Nous y touchions... j' étois au crime destinée.
Par cette folle ardeur chaque jour offensé,
De mon égarement le ciel s' étoit lassé ;
Il vouloit me punir ; il me punit sans doute.
Je vis mourir les fleurs qui naissoient sur ma route.
Mes regards jusqu' alors, du présent enchantés,
D' un affreux avenir furent épouvantés.
Tout changea ; ces beaux jours sans ombre et sans nuage
Se virent obscurcis d' un éternel orage ;
L' intérêt divisa nos parens furieux ;
Les flambeaux de l' hymen, qui séduisoient nos yeux,
Tout prêts de s' allumer, à leur voix s' éteignirent,
Et pour jamais hélas ! Leurs mains nous désunirent.
J' aurois dû, si j' avois écouté la vertu,
Réprimer un penchant, par le ciel combattu,
C' étoit là mon devoir ; bien loin de m' y soumettre,
Pour fomenter ces feux, je crus tout me permettre ;
Des écrits mutuels recevoient nos ardeurs,
J' envoyois à Comminge et mon ame et mes pleurs,
L' un par l' autre excités à cette intelligence,
Ainsi de nos parens nous trompions la prudence.
Le père de Comminge offensé d' un amour
Que son ordre absolu condamnoit sans retour,
S' irrite contre un fils, le poursuit dans sa haine,
Au fond d' une prison le retient et l' enchaîne ;
Pour briser ses liens, il falloit m' immoler,
Que d' un hymen forcé le joug vint m' accabler.
Je cherchai pour l' objet de ce noeud respectable
Un mortel... qui jamais ne me parut aimable,
Dont le choix odieux rassurât mon amant,
Et fût pour son amante un éternel tourment ;
Je trouvai ce mari... trop certain de déplaire.
Un tel hymen, mon Dieu, méritoit ta colère.
Comminge vit tomber ses chaînes... j' épousai...
Un autre enfin que lui... le comte D' Ermansai.

Comminge sortant de son accablement, et avec transport .
Et voilà le malheur qui...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:36

Euthime.
Fais toi violence,
Comminge, pour m'entendre et garder le silence.
On ne sait point encore jusqu' où vont mes forfaits.
Malheureuse ! L' amour m' enivroit à longs traits :
Ma criminelle ardeur avoit peine à se taire :
J' osois, j' osois nourrir une flamme adultère ! ...
Dans le sein d' un époux ! ... je portois dans ses bras
Un coeur qui chérissoit ses secrets attentats,
Qui sembloit s' enhardir à d' éternels parjures ;
Oui, j' approfondissois mes coupables blessures,
Croyant que je faisois assez pour mon honneur,
Pour ce ciel, qui souvent accusoit cette ardeur,
De déguiser le trait dont je sentois l' atteinte,
Sous le voile imposteur d' une pudeur trop feinte ;
Je me félicitois d' un courage... abattu.
Qu' est-ce donc, Dieu puissant, que l'humaine vertu!
Qu' est-elle sans ta grace ? Emporté par la rage
Comminge accourt, il blesse un époux que j' outrage.

Avouerai-je mon crime? En ces momens affreux
Pour la mort d'un mari j'ai pu former des voeux!
Eh, voilà ce qu' étoit une femme infidelle,
Qui paroissoit s' armer d' une vertu rebelle !
Comminge dans les fers étoit prêt de périr.
Ne voyant point l' époux menacé de mourir,
J' envisage l' amant, les dangers qui l' attendent ;
Mes larmes, mes transports, mes crimes se répandent
Dans un sein que l' honneur fermoit à ces aveux ;
Au frère d' un mari je révèle mes feux;
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:37

A D' Orvigni.
Vous le voyez ; mes pleurs obtiennent qu' il délivre

A Comminge.
Ce malheureux hélas! Que je forçois de vivre.
Mon époux... il renaît... et je meurs chaque jour.
Pourtant trop éclairé sur mon perfide amour, (????)
À venger ses affronts sa fureur animée,
Dans une sombre tour me tenoit renfermée ;
Je reçus tous les coups de sa barbare main ;
De Comminge... en un mot, j' ignorois le destin.
Ce trop cruel époux... mais, quel nom je lui donne !
En ce moment encore... ô Dieu, mon dieu pardonne !
De ton juste courroux il étoit l' instrument ;
Et loin d' ouvrir les yeux sur mon égarement,
Loin qu' un remords heureux excitât mes alarmes,
C' étoit à mon amant que je donnois mes larmes.
D' Ermansai meurt. Comminge attire tous mes voeux...
Le ciel me reservoit ce châtiment affreux,
Je demande Comminge aux lieux de sa naissance ;
À mes tristes regards tout cache sa présence ;
D' une profonde nuit son sort s' enveloppoit.
Ne pouvant posséder tout ce qui m' occupoit,
J' attens quelque douceur de voir, d' aimer sa mère ;
Elle vient près de moi. D' une tristesse chère
Nous faisions nos plaisirs. Par la voix des douleurs
Dieu quelquefois appelle, et vient s' ouvrir les coeurs ;
Le mien le repoussoit. D' un trait profond blessée,
Comminge revenoit toujours à ma pensée...
Que la raison, l' honneur, de mon ame étoient loin !
Sa mère... je la quitte ; et n' ayant de témoin
Qu' une femme au secret par l' intérêt liée,
De ma mort la nouvelle est partout publiée.
Je prens des vêtemens à mon sexe interdits,
Je cherche mon amant sous ces nouveaux habits.
D' un ami qui toujours lui demeura fidèle
À mon esprit, le nom tout-à-coup se rappelle ;
Le séjour qu' il habite est non loin de ces bords ;
Mon amour y voloit avec tous ses transports.
C' est ici que d' un dieu le bras se manifeste.
J' étois près de ces lieux. Un sentiment céleste
Me presse, me maîtrise, et me force d' entrer
Dans votre temple, où Dieu paroissoit m' attirer.
Parmi toutes ces voix qui chantent ses louanges,
Qui s' élevent à lui sur les ailes des anges,
Je distingue une voix... un son... accoutumé
À pénétrer un coeur, toujours plus enflammé,...
Par un songe imposteur je crois être trompée...
J' approche... de quels traits je demeure frappée ! ...
Je découvre... à travers les outrages du tems,
Et de l' austérité les sillons pénitens...
Je revois... cet objet... d' une immortelle flamme,
Ce séducteur si cher... ce maître de mon ame...
Je pousse un cri d' effroi... de surprise. . d' amour...
Toutes les passions m' agitent tour à tour ; ...
Aussitôt... connoissez jusqu' où l' homme s' égare,
Lorsqu' un dieu courroucé des élus le sépare ;
Je conçois le projet... d' enlever à ce dieu
Une ame, qu' il sembloit échauffer de son feu...
Foible mortelle ! Oser me croire son égale !
Oser être d' un dieu l' orgueilleuse rivale !
Je m' informe... j' apprens... Comminge... à vos autels
Venoit d' être enchaîné par des noeuds éternels...
Le jour même... où le ciel dans ce séjour m' amène...
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:37

Comminge se relevant du sein de la douleur, et
avec désespoir .

Quels coups !

Euthime avec vivacité à Comminge .
Rends plûtôt grace à la main souveraine.
Mais laisse-moi t' ouvrir le chemin du remord,
Et du moins puisses-tu profiter de ma mort !
Après tant de tourmens, de recherches, d' alarmes,
Je retrouvois enfin cet objet de mes larmes
Vivant, mais, ô mon Dieu, ne vivant plus pour moi,
Chargé, non de mes fers, mais du joug de ta loi,
Brûlant d' un autre feu, que cette flamme impie,
Dont jusqu' à ce moment mon ame fut remplie ;
À des yeux inquiets Comminge étoit rendu,
Mais... pour un coeur épris l' amant étoit perdu,
Et ce coeur, qu' ils perçoient, accuse les cieux mêmes
Contr' eux il se répand en plaintes, en blasphêmes ;
Rien ne m' étoit sacré... qu' un amour criminel
Qui sembloit s' irriter sous le couroux du ciel.
Ô vous, à qui mes cris alloient porter la guerre,
Vous n' avez point sur moi lancé votre tonnerre ?
Vous vouliez employer ce détestable amour,
Pour retenir mes voeux dans ce divin séjour,
Tant vos desseins profonds aux yeux humains se cachent !
Pour m' enchaîner ici que de liens m' attachent !
Vingt fois ces murs par moi furent abandonnés,
Autant de fois mes pas y furent ramenés ;
M' éloigner d' un asyle... ah ! C' étoit le ciel même
Où respire, où demeure... où mourra ce que j' aime...
Je ne le pus jamais... près de lui je vivrai :
L' air qui vient l' animer, je le respirerai ;
S' il faut que je renonce au plaisir de lui dire,
Qu' il est l' unique objet qui me charme, m' inspire,
Du moins... je l' entendrai... je le verrai toujours...
J' exhalois dans mon sein ces coupables discours.
L' amour... a décidé. Je viens à vous, mon père,
Vous ne m' effrayez point par votre règle austère,
Comminge la suivoit. Cette brûlante ardeur
Prend à vos yeux les traits d' une sainte ferveur.
Dieu seul, Dieu seul connoît la perfidie humaine,
Enfin vous m' admettez à l' essai d' une chaîne...
Je lui tends les deux mains, Comminge la portoit...
Eh, mon père, quel coeur parmi vous habitoit !
Il faut que tout entier à vos regards il s' ouvre,
Que de tous mes forfaits le tissu se découvre.
Misérable ! ... on croyoit que c' étoit l' éternel
Qui me tenoit sans cesse attachée à l' autel ;
Un homme... y recevoit mon sacrilège hommage !
C' étoit d' un homme, ô Dieu, que j' encensois l' image !
C' étoit là ton rival ! C' étoit là ton vainqueur !
Que dis-je ? Il n' étoit point d' autre dieu pour mon coeur...
Je vous vois tous frémir ; vous connoissez le crime ;
Jugez donc des remords dont je suis la victime.

Le Père Abbé.
Ciel ! Que des passions les excès sont affreux !
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Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:38

Euthime.
Compagne de ses pas, et dans les mêmes lieux ;
Sûre que l' un et l' autre y finiroient leur vie,
Qu' auprès de lui ma cendre y seroit recueillie,
Pouvant à ses côtés et pleurer et gémir,
Du bonheur de l' aimer pouvant enfin jouir,
Sans retour, sans espoir : je me croiois heureuse.
Qu' eût inspiré de plus une ardeur vertueuse ?
Je me dissimulois qu' une sombre langueur
Sur mes jours répandue, en desséchoit la fleur...
Je mourois... pour Comminge. à ma fosse entraînée
Je n' y déplorois point ma triste destinée ;
Peu sensible à ma fin, je disois seulement :
Là, je ne pourrai plus adorer mon amant !
C' est sur sa fosse hélas ! Que je portois mes larmes,
C' est-là que s' attachoit mes mortelles alarmes.
Ardente à partager ses pénibles travaux,
Pour l' aider, j' oubliois ma langueur et mes maux.
Encor même aujourd' hui, d' une main frémissante
J' essayois d' entr' ouvrir cette fosse effrayante
Où Comminge... mon coeur a trahi mon dessein,
Et l' instrument funèbre est tombé de ma main...
Vous serez étonnés qu' avec tant de foiblesse,
Avec tous les transports de l' amoureuse ivresse
Une femme ait dompté ce mouvement puissant,
Qu' elle ait pu subjuguer le desir si pressant
De se faire connoître au tyran de son ame ?
Ce n' est point la vertu qui repoussoit ma flamme.
C' étoit... c' étoit l' amour, la crainte de troubler
Des jours qui m' ont paru dans la paix s' écouler ;
Je pensois que ce dieu qu' aujourd' hui je révère,
Attachoit mon amant, par un culte sincère,
Que les pleurs de Comminge, et ses profonds ennuis
De la religion étoient les heureux fruits...
Combien de fois mes pas, ma voix, un coeur trop tendre
Pénétré du plaisir de le voir... de l' entendre,
Ont-ils été, grand dieu, tout prêts de me trahir...
Mais... j' aimois trop Comminge... et je pouvois mourir.
Nous touchons au moment où l' éternel lui-même
Fait marcher devant moi sa sagesse suprême.
Tantôt, ma passion... où le pouvoir d' un dieu
Sur des pas trop chéris m' appelloit en ce lieu...
Comminge... de ses pleurs arrosoit cette tombe,
Il la quitte, soudain à sa place je tombe,
Et dans mon sein mourant ces pleurs sont recueillis...
Je ne pus résister à mes sens attendris,
En vain l'amour m' arrête... à lui-même s' oppose,
De ces vives douleurs je veux savoir la cause.
J'entens... je vois Comminge... en ses mains un portrait...
Je sais... tous ses tourmens... et que j'en suis l' objet...
Mon ame... un cris m'échappe... et je fuis expirante.

Comminge avec une profonde douleur.
Et moi, je vis encor !

Euthime.
Sous une main puissante
Succombant tout-à-coup, j'ai vu mes attentats ;
J'ai vu Dieu sur Comminge appésantir son bras,
Punir ce malheureux... dont je suis la complice...
Qu' ai-je dit ? J' ai tout fait, éternelle justice,
Daigne lui pardonner... c' est moi qui dois souffrir...
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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud - Page 3 Empty Re: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud

Message par Rita-kazem Mar 11 Mai - 14:38

A Comminge.
J' ai demandé que Dieu pour toi me fit mourir,
Il exauce mes voeux... ma tendresse... plus pure
D' expier... nos forfaits te presse... te conjure...
Comminge... cher amant... quel mot m' est échappé ! ...
J' irrite encor ce dieu, qui par moi t' a frappé...
Ne pleure point ma fin... ne pleure que ma vie...
Ah ! Plutôt que ton coeur... il le faut... qu' il m' oublie...
Remplis toi de Dieu seul... à sa voix obéis...
Et que ton repentir de ma mort soit le prix ! ...
Me le promets-tu ? Fuis... laisse-moi... je dois craindre...

Comminge se dégage des bras des religieux, et va
tomber prosterné à côté d' Adélaïde, il va pleurer
sur sa main qu' elle lui résentoît, et que tout-à-coup
elle retire.

Il n' est donc que la mort qui puisse, ô ciel, l' éteindre !

au père abbé.

Mon père, contre moi j' implore votre appui ;
Si j'offensai mon dieu... que j'expire pour lui.
Dans un coeur déchiré n' est-il pas tems qu'il règne?


A D' Orvigni.

Je veux n'aimer... que lui. Que l' amitié me plaigne,
D'Orvigni, vous voyez l' effet des passions,
Le jour affreux qui naît de leurs illusions !

Aux religieux.

Vous... que je n' oserois nommer encor mes frères.
Pour Euthime unissez vos regrets, vos prières,
Je n' eus point vos vertus... je sus les respecter.

Au père abbé.

Me seroit-il permis hélas ! De souhaiter

En montrant Comminge.

Qu' un jour l' humanité réunît notre cendre ? ...
Quels voeux j' ose former ? ... en mon sein viens descendre...
Au religieux qui porte le crucifix.

Viens... effacer des traits... donnez... et que mes pleurs...

Elle baise le crucifix avec transport.

Au père abbé.
Mon père... approchez-vous... Dieu... Comminge... je meurs.

Comminge avec un cri et la fureur de la douleur
et du désespoir, se jettant sur le corps
d' Adélaïde .
Elle expire !

On observe que la cloche cesse de sonner.

D' Orvigni allant en pleurant vers Comminge
qui est toujours dans la même situation .

Comminge ! ...

Le Père Abbé.
ô malheureux Arsène...

Aux religieux et en montrant Comminge.

Loin d' un si triste objet que la pitié l' entraîne...

Quelques religieux entourent Comminge pour
L' arracher à sa situation.

Le premier des devoirs de la religion,
Est de céder aux soins de la compassion,
De secourir le foible, et même le coupable...
Des humaines erreurs exemple déplorable !
Dès le premier soupir par son coeur égaré...
Grand dieu, qu' est-ce que l' homme aux passions livré !






Source: http://www.poesies.net
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