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poésie: Jean-Baptiste Caouette

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poésie: Jean-Baptiste Caouette - Page 2 Empty poésie: Jean-Baptiste Caouette

Message par Najat Ven 7 Mai - 17:25

Rappel du premier message :

PRÉFACE
Pourquoi une préface de moi, plutôt que d'un autre? Pour la plus simple
des raisons: nos écrivains redoutent de signer les premières pages du
libre d'un autre. Moi, non pas-et voici comment la chose m'apparaît.
Après avoir lu un livre imprimé, vous en faites la post-face, devant vos
amis, au cours de la conversation. Après avoir lu un livre manuscrit, je
donne mon commentaire au commencement du volume.

Vous pensez, peut-être, qu'une préface doit se composer de l'éloge de
l'auteur, et c'est là le sujet de votre timidité, mais moi qui ne paye
pas toujours en compliments, je n'ai jamais songé à cet obstacle. Étant
libre de mes allures, je remplis le moule aux préfaces de ce que j'ai
trouvé dans le livre.

Il y a trente ans, nous nous présentions nous-mêmes au lecteurs, attendu
que n'ayant presque pas d'ancêtres littéraires, nous ne savions par
quelle voie nous introduire au milieu du public.

Maintenant les jeunes se recommandent à nous: faisons aux autres ce que
l'on n'a pu faire pour nous. M. J.-B. Caouette est un débutant que je
vous présente parce que ayant fait la connaissance de ses vers, je les
trouve de bonne compagnie. Vous pourrez les lire sans vous compromettre.
C'est un bon Canadien de plus dans notre cercle, et si, un jour, il nous
échappe pour passer à la postérité, vous ne serez ni inquiets sur son
compte ni gênés de l'avoir connu. Pour le moment, ce travailleur est au
moins estimable; saluons son arrivée sur la scène.

Si je vous disais que M. Caouette se croit un grand homme et que c'est
ainsi que je le considère, vous vous moqueriez de nous; c'est pourtant
sur ce pied-là que l'on pose ordinairement un écrivain nouveau... à
moins qu'on ne l'exécute en le lapidant.

Parmi des vers fort bien tournés il s'en rencontre quelques-uns de tout
à fait prosaïques, par exemple:

...l'oeuvre utile et salutaire
Qu'on nomme le défrichement.

Mais il y assez de bonnes pièces pour sauver les Voix Intimes d'un
oubli prématuré. Le souffle religieux et national agite noblement un
grand nombre de pages, et cela suffirait pour valoir un accueil
favorable à leur auteur.

Publier un livre, c'est partir en guerre, s'exposer comme une cible,
attraper les rhumatismes de la critique, recevoir des coups de lance, se
faire pincer les chaires par des balles qui ricochent sans savoir où
elles vont; mais on est rarement tué à ce métier et, le plus souvent, on
y gagne de s'aguerrir et d'atteindre les plus hauts grades.

Il y a longtemps que le dicton roule de par le monde: «ce sont toujours
les mêmes qui se font tuer»-il n'y a donc pas trop de risques à
courir.-En avant les jeunes! C'est à notre tour à vous regarder faire.
Benjamin Sulte.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:36

AUX POLITICIENS


O défenseurs de nos droits politiques,
Fiers rejetons d'un peuple valeureux,
Vous qui dictez les lois patriotiques,
Vivez longtemps, surtout vivez heureux!

Rouges ou bleus-qu'importe la nuance,
N'êtes-vous pas de nos droits les gardiens?-
Or moi je dis avec indépendance:
Soyez bénis de tous les Canadiens!
Soyez bénis par le céleste Père,
Vous, citoyens, qui travaillez toujours
Pour assurer un avenir prospère
Au Canada, mon pays, mes amours!

Votre travail reste sans récompense:
Le monde, hélas! est composé d'ingrats...
Mais la patrie, elle, aime et récompense
Ses braves fils qui lui prêtent leurs bras!

Faites la guerre au sombre fanatisme,
Ce ver hideux qui ronge tant de coeurs;
Luttez aussi contre le népotisme
Qui donne au lâche un titre et des honneurs...

De ses devoirs instruisez la jeunesse
Que Dieu destine aux luttes à venir,
Afin qu'elle ait pour flambeau la sagesse,
Et pour seul rêve un honnête avenir.

Parlez partout l'harmonieux langage
Qu'avec le lait vous puisiez au berceau;
Conservez-le comme un bel héritage:
De notre race il est le noble sceau!

Ah! pratiquez des aïeux la devise
«Vivre en Français et mourir en Chrétien!»
Soyez unis; et que votre âme vise
A rendre heureux le peuple canadien!

A l'ouverture des chambres 1880.

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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:36

A MON AMI M. W. CHAPMAN


Lorsque la renommée embouche sa trompette
Pour redire aux échos le nom d'un Canadien,
Émule de Taché, de Casgrain, de Fréchette,
Il me semble toujours que ce nom est le tien!

Car déjà, mon ami, les poètes de France,
-Des rivaux fraternels-applaudissent tes chants.
Leur éloge flatteur exprime l'espérance
Que ta muse obtiendra des succès éclatants.

Moi qui prête à ta lyre une oreille attentive,
Qui m'enivre parfois aux flots de l'art divin,
Qui des sons de mon luth quelquefois te ravive,
Je m'unis à ces coeurs pour te serrer la main!

6 juin 1880.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:37

ELLE EST MORTE!


Rose avait dix sept ans; elle était belle et blonde;
Sur son front les rayons de la candeur brillaient;
Les perles de sa bouche enchantaient tout le monde;
Ses cheveux en flots d'or jusqu'à ses pieds roulaient.

Ses lèvres souriaient comme celles d'un ange;
Son oeil d'azur jetant un vif rayonnement;
Sa voix avait parfois une harmonie étrange
Qui me plongeant soudain dans le ravissement!

Quand venait le printemps avec ses nids de mousse,
Ses brises, ses parfums, son soleil radieux,
Nous allions, elle et moi,-réminiscence douce-
Tout pensifs, nous asseoir sur le gazon soyeux.

Et là nous admirions le couchant et l'aurore
Déployant à notre oeil leurs tableaux gracieux;
Et nos coeurs bénissaient l'Artiste que décore
Toute l'immensité de la terre et des cieux.

Aux coupes de l'espoir nous abreuvions notre âme;
Un heureux avenir brillait dans le lointain;
L'Hymen allait bientôt nous verser son dictame,
Mais, hélas! nous comptions sans le cruel destin!

Et maintenant, voyez: elle est là qui repose
Sous la terre où chacun tôt ou tard doit dormir!
Et tout ce qui me reste aujourd'hui de ma Rose,
C'est le parfum que m'a laissé son souvenir...

Avril 1879
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:37

A BEAUPORT


A MESSIRE ADOLPHE LÉGARÉ

Drapé dans son manteau de verdure odorante,
En face de Québec, de l'Île de Lévis,
Beauport baigne ses pieds dans l'onde murmurante
Du fleuve dont nos yeux sont sans cesse ravis.

Son temple-vrai bijou que des mains artistiques
Ont orné de tableaux aux riantes couleurs-
Dresse vers le ciel bleu ses deux flèches gothiques
Que souvent le soleil dore de ses lueurs. [4]

[Note 4: Cette église a été incendiée le 24 janvier 1889.]

Depuis douze ou treize ans, au sein de ce village
Ont surgi des villas et quasi des palais
Aux donjons tapissés de fleur et de feuillage,
Où le mortel ennui ne vient s'asseoir jamais.

L'habitant de Beauport est du Breton le type:
Charitable, joyeux, prompt, vif et grand parleur;
Puis en morale il a l'admirable principe
De garder à nos moeurs leur antique splendeur.

Beauport! ce nom figure au livre de la gloire,
Car son sol autrefois a bu le sang des preux;
Laverdière, Garneau, Ferland, dans leur histoire
Parlent de cet endroit en termes chaleureux.

C'est de là que partaient ces bombes meurtrières
Qui jetaient la terreur au milieu des Anglais,
Quand ceux-ci, s'avançant sur leurs longues voilières,
Voulaient ravir Québec au pouvoir des Français.

Parfois on y découvre, en remuant la terre,
Des sabres, des boulets, des débris d'arme à feu;
Et l'on m'a raconté qu'on y trouvait naguère
Des ossements humains, car tout parle en ce lieu.

Ces objets que la rouille a rongés sous la glaise,
Rappellent à nos coeurs les mémorables jours
Où nos pères luttaient contre l'armée anglaise
Pour défendre leurs droits, leurs foyers, leurs amours.

Ce lieu possède encore, en ses riches annales,
Plus d'un illustre nom par les hommes chéri;
C'est là qu'ont vu le jour deux gloires sans rivales:
L'humble Étienne Parent et de Salaberry!

Dès que le printemps brille, et jusques à l'automne,
J'habite sous ton ciel, ô village enchanteur!
De la ville je fuis le fracas monotone,
L'air impur, la poussière et l'ardente chaleur.

Je respire à longs traits les parfums de tes roses
Et les douces senteurs qui s'exhalent des bois;
J'observe les ébats des ailés virtuoses,
Et j'écoute, ravi, leurs gracieuses voix.

Puis le soir je contemple, assis au bord des vagues,
Toute l'immensité de la mer et des cieux;
Parfois je crois ouïr des bruits étranges, vagues:
C'est le flot qui redit ton passé glorieux!

Alors, le coeur ému, je prends mon humble lyre
Et mêle mes accords à ces concerts géants
Qui s'élèvent des bois, de la chute en délire,
Du fleuve, des ruisseaux et des gouffres béants!

20 juillet 1887.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:38

LE JOUR DE L'AN


Douze sanglots ont vibré dans l'espace,
-Sont-ce les pleurs du lugubre beffroi?
-C'est l'avenir jetant à l'an qui passe,
Avec mépris, un adieu sombre et froid!

Un nouvel an, constellé de promesses,
Vient de surgir des vastes profondeurs;
Accordons-lui nos plus tendres caresses,
Car il promet d'ineffables bonheurs.

L'an dernier fut désastreux et terrible:
Il a semé partout tant de revers...
Il a changé-ce despote inflexible-
Nos rêves d'or en mille maux divers!

N'en parlons plus! Et saluons l'aurore
Du nouveau jour qui brille à l'horizon;
Que de nos coeurs parte un hymne sonore
Pour acclamer l'hôte de la saison!

Voyez là-bas, dans la pauvre chaumière,
Le malheureux amaigri par la faim:
Du nouvel an, il attend, il espère
Plus de bonheur et le morceau de pain!

Sous les lambris, où la pourpre rayonne,
Le riche aussi formule ses désirs:
«Bel an, dit-il d'un pur éclat couronne
Nos doux banquets, nos fêtes, nos plaisirs!»

Au saint autel, le prêtre vénérable
Pour le pécheur implore le bon Dieu;
Son chant d'amour-cri de joie admirable-
Comme l'encens monte vers le ciel bleu...

.......................................

Dès ce moment, oublions nos rancunes;
A l'ennemi présentons notre main.
Après les jours de noires infortunes,
Dieu nous réserve un heureux lendemain!
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:38

ÉLÉGIE

A MONSIEUR E. G.... qui vient de perdre sa femme.


Tout est fini! La tombe
Te couvre pour toujours...
Mon pauvre coeur succombe
Sous le fardeau des jours...

Dieu m'a ravi la joie
En t'appelant aux cieux,
Et la douleur déploie
Son voile sur mes yeux!

Du haut du ciel, ô femme
Veille sur nos enfants,
Afin que leur jeune âme
Ressemble au pur encens.

Obtiens-leur l'avantage
D'aimer le doux Jésus,
De suivre sa loi sage,
D'imiter ses vertus

Et lorsque la souffrance
Viendra les visiter,
Donne-leur la vaillance
De bien la supporter.

Oui, fais qu'à ton exemple,
Au jour de la douleur,
Ils aillent dans le temple
Implorer le Seigneur.

Et moi qui suis le père
De ces trois malheureux,
Je serai, je l'espère,
Un modèle pour eux.

Adieu, femme adorée!
Dors sous ce tertre en fleurs
Que mon âme navrée
Féconde de ses pleurs!

15 septembre 1886.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:38

AU PEUPLE CANADIEN


A M. L. O. DAVID.

O peuple canadien, tressaille d'allégresse,
Plonge ton noble coeur dans une sainte ivresse,
Entonne des hymnes d'amour!
Déroule avec orgueil les plis de tes bannières,
Fais retentir partout tes fanfares guerrières,
Car de Saint-Jean c'est le beau jour!

L'astre d'or, ce matin, à l'horizon sans bornes,
S'est levé radieux, posant au front des mornes
Un diadème de rayons;
Le vaste Saint-Laurent roule sa vague pure,
Et les petits oiseaux cachés dans la verdure
Disent leurs plus douces chansons.

La forêt secouant sa crinière brillante,
Jette mille clameurs à la brise odorante;
Le ruisseau, serpentant dans les vallons en fleur
Mêle au concert des bois sa suave harmonie;
L'airain lance aux échos sa mâle symphonie:
Tout sous le soleil chante une hymne au Créateur!

Joignant ta voix aux voix de la nature entière,
Peuple, au pied des autels, courbant la tête altière,
Va chanter et prier ton glorieux patron.
Pour retremper ton coeur aux sources de la gloire,
Étale les feuillets de ta sublime histoire,
De tes fastes dorés rouvre le panthéon!

C'est toi qui, découvrant nos forêts et nos ondes,
Les baptisa d'un nom français,
Et c'est toi que plantas sur ces rives fécondes
Le doux symbole de la paix.

Tu rêvais pour tes fils un avenir prospère
Sur la plage que nous foulons,
Quand, un jour, contre toi la puissante Angleterre
Déchaîna ses gros bataillons.

Tu sentis bouillonner dans tes veines la sève
Vigoureuse de tes aïeux,
Et combattis longtemps sans repos et sans trève,
Mais ne fus pas victorieux.

Et ton heureux vainqueur, pour prix d'une victoire,
Pauvre peuple, te demanda
Tes villes, tes hameaux, et tout le territoire
Qui s'appelle le Canada!...

Alors, abandonné par ta mère la France,
Ou plutôt par son lâche roi,
Tu cédas ce trésor, ayant eu l'assurance
De garder ta langue et ta foi!

Peuple, en ce jour béni de la Saint-Jean-Baptiste,
Démontre avec éclat que dans ton âme existe
L'amour pur de la liberté!
Redis à l'étranger ton histoire héroïque,
Affirme hautement ta constance stoïque
Ta force et ta vitalité!

24 juin 1878.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:39

L'AUTOMNE


Le ciel n'a plus d'azur; l'atmosphère est de glace;
La splendeur du soleil pâlit de jour en jour;
Sur l'arbre dépouillé que le frimas enlace,
L'oiseau ne redit plus sa romance d'amour.

La nature a souillé la robe éblouissante
Qui parait les coteaux de ses replis soyeux;
Les fleurs ont disparu; l'abeille vigilante
Ne dore plus nos bois de son miel savoureux.

Les torrents écumeux, grandis par les orages,
Font retentir les airs de lugubres sanglots;
Et, bondissant soudain par dessus les rivages,
Dévastent les moissons de leurs terribles flots.

Quand tu parais, automne, aussitôt la tristesse
Sur notre front serein pose son noir bandeau;
Tu viens ravir aux champs leur brillante jeunesse,
Tu nous donnes des jours sombres comme un tombeau!

Au vieillard que les ans inclinent vers la tombe,
Et qui plonge son coeur aux sources des plaisirs,
Tu dis: «Lève la tête, et vois ce fruit qui tombe,
Ainsi tu tomberas avec tes vains désirs...»

L'automne, de la vie est la fidèle image:
Les jours calmes et doux sont nos jours sans remords;
Les bosquets dénudés rappellent le vieil âge;
La neige et les frimas, le blanc linceul des morts!...

Eh bien! puisque l'automne en souverain commande,
Inclinons tous nos fronts devant sa majesté;
Car sa voix est l'écho de Dieu qui réprimande
Ceux qui ne pensent pas à leur éternité.

Novembre 1883.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:39

AUX CÉLIBATAIRES


Allons, debout! pauvres célibataires,
Vous que la femme abreuve de mépris!
Abandonnez vos gîtes solitaire,
Où l'on ne voit que des chats favoris!

De votre coeur bannissez la souffrance:
Ne soyez plus désormais soucieux;
Et saluez avec joie, espérance,
Le nouvel an qui brille au front des cieux!

Car en ce jour de fête universelle,
La fille d'Ève absout les amoureux;
Sa douce voix attendrit l'infidèle,
Et son regard rend les hommes heureux.

En votre honneur elle fait sa toilette;
Elle embellit de fleurs ses longs cheveux;
A son faux col rayonne l'épinglette
Qu'elle reçut un soir avec vos voeux!

Vite, debout! accourez donc vers elle
Vous que l'ennui torture tous les jours!
Et dites-lui: «Ma tendre demoiselle,
Je pleure encor mes premières amours;

«Je suis cruel, barbare et bien coupable
D'avoir blessé vos nobles sentiments;
Mais mon offense est-elle impardonnable?
Oh! non; alors, reprenez mes serments.»

Mariez-vous! l'Évangile l'ordonne;
C'est un devoir sacré pour le chrétien,
Aux bons époux parfois le Seigneur donne
La paix de l'âme et le pain quotidien.

C'est le souhait, braves célibataires,
Que je formule en ce beau jour de l'an
A l'avenir, soyez moins solitaires;
Rendez des points aux plus jeunes galants!

1er janvier 1883.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:40

SUR L'ALBUM DE MLLE D. M...

Le souvenir c'est tout;
C'est l'âme de la vie.


J'aime souvent, l'oeil perdu dans l'espace,
A remonter l'échelle d'or du temps;
Je vois alors, comme une aube qui passe,
L'éclair serein de mes premiers printemps.

Et j'aperçois la pauvre maisonnette
Où je naquis et coulai d'heureux jours,
Les beaux enfants à la figure honnête
Qui me juraient de m'estimer toujours!

Nous descendions la pente de la vie,
Insoucieux des heures à venir;
Et pensions, dans notre étourderie,
Que le bonheur ne peut jamais fuir!

Hélas! pourtant (penser qui me chagrine)
Dieu moissonna mes amis tour à tour...
Je m'inclinai devant sa loi divine,
Car je compris pour l'enfant son amour.

Huit ans plus tard, je rencontrai vos frères-
Que le hasard sur ma route avait mis-
En entendant leurs paroles sincères,
Je m'écriai: soyons toujours unis!

Leur amitié fut l'écho de la mienne:
Nous étions faits, je crois pour nous aimer!
Et leur gaîté-leur gaîté canadienne-
Sut de tout temps me plaire et me charmer.

Souvent le soir, aux lumières de l'âtre,
Nous prenions part à des festins joyeux,
Où notre esprit, ironique et folâtre,
Faisait la guerre aux sujets sérieux!

Oui, nous fêtions à la bonne franquette,
Comme fêtaient nos aimable aïeux;
Nous nous moquions de l'absurde étiquette
Que le mondain s'impose en certains lieux.

Vous étiez jeune alors, mademoiselle:
L'on vous montrait encor le B-A: ba!
Vous ne rêviez que de poupée et dentelle,
Que ruban rose et succulent baba...

Mais, aujourd'hui, (Dieu, que le monde change!)
Vous n'êtes plus la «p'tite» d'autrefois;
Vous possédez la sagesse d'un ange;
Vous êtes grande et savante à la fois!

Vous avez eu-superbe récompense-
A l'examen une médaille d'or:
C'est le fruit mûr d'une belle semence,
Oh! gardez-la, comme on garde un trésor!

Sur votre front rayonne l'allégresse:
Rendez-en grâce au divin Créateur;
Demandez-lui, pour unique richesse,
D'éterniser en vous tant de bonheur!

25 août 1882.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:40

A MADAME B...

CANTATRICE

(Vers écrits sur un album au-dessous d'une pièce signée: N. Legendre.)


Madame, si, comme Legendre,
J'étais un pur littérateur,
Et si j'avais votre voix tendre
Qui charme l'oreille et le coeur,
Je chanterais la Canadienne
Au front rayonnant de candeur,
Je chanterais cette gardienne
De notre foi, de notre honneur.
Mais, hélas! je n'ai qu'une lyre
Peut-être indigne de ce nom
Qui ne saurait jamais redire
Les vertus de cette Ève; oh! non...

Septembre 1885.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:41

UN HÉROS DE 1870


(A mon bienfaiteur et vieil ami, M. Philéas Huot.)

Il offrit à la France et son coeur et sa vie.


En l'an de grâce mil huit cent soixante et quatre,
Dans le froid célibat vivait Pierre Francoeur;
Contre l'amour son âme avait voulu combattre,
Mais à la fin l'amour était resté vainqueur!

Un soir, se promenant sur l'immense terrasse
Qui couronne le front du haut Cap Diamant,
Pierre avait aperçu-vrai type de sa race-
Une blonde fillette au visage charmant.
Il se souvint qu'un jour, quittant la cathédrale,
La jeune fille et lui s'étaient vus en passant;
Il avait même osé lui tendre l'eau lustrale
Qu'elle avait acceptée en le remerciant...
Mais ce soir, elle était au bras de son vieux père,
Comme une belle pêche aux branches du pêcher;
Son coeur avait battu lorsqu'elle avait vu Pierre
Qui semblait du regard vouloir la rechercher.

Le père, en remarquant l'émotion de Rose,
(Car Rose était son nom) avait tout deviné.
«Allons, avait-il dit, pourquoi cet air morose?
Et pourquoi donc ton oeil s'est-il illuminé?
Quoi! tu ne parles plus? tu n'étais pas muette,
Ma petite, tantôt. Tu trembles follement:
Aurais-tu peur? voyons, une bonne fillette
A son père, toujours doit parler franchement.»

Rose voulait parler, mais ses lèvres timides
Ne faisaient qu'exhaler des soupirs douloureux;
Et ses grands yeux d'azur, si doux et si limpides,
Se troublaient et parfois lançaient d'étranges feux.

Le vieillard, en voyant l'embarras de sa fille,
Qu'il n'aurait pas voulu davantage effrayer,
Après avoir jeté sur elle une mantille,
L'avait, le coeur ému, ramenée au foyer.

Pierre était resté là, droit comme une statue,
Regardant s'envoler l'objet de ses amours;
Car il l'aimait déjà, cette belle inconnue,
Et son coeur lui disait qu'il l'aimerait toujours!
Il y rêvait encore, quand l'airain de l'église,
Égrenant dans les airs les notes de minuit,
Le tira de son rêve, et, prompt comme la brise,
Il courut aussitôt vers son humble réduit.

Le lendemain matin, avec la pâle aurore,
Rose s'était levée en proie à la douleur.
Pensive, elle écoutait l'hymne doux et sonore
Que les chantres ailés adressaient au Seigneur.
Puis des larmes voilaient l'éclat de sa prunelle;
Sa bouche murmurait des mots incohérents.
«Je le reverrai donc, ici, soupira-t-elle,
Du moins c'est le désir de mes tendres parents...»

De fait, la veille au soir, à sa fille chérie,
Ce père avait parlé le langage du coeur;
«J'ai deviné l'amour, ou plutôt la folie
qui trouble en ce moment ta joie et ton bonheur.

Ce jeune homme me plaît; il a bonne figure,
Taille robuste, oeil vif et mains d'un travailleur;
Ces dons du corps, souvent, sont d'un superbe augure,
Mais aimer Dieu, ma fille, est un don des meilleurs.
Est-il un bon chrétien? J'en jugerai moi-même,
Oui, car avant longtemps je le rencontrerai;
Si je suis convaincu qu'avec ardeur il t'aime,
Ma parole d'honneur! Je te l'amènerai...»

Le nom de ce vieillard, de ce père excentrique,
Était Jacques Benoit. Il ne redoutait rien;
Il eut versé son sang pour la foi catholique;
Il se glorifiait d'être né Canadien!

Pierre enfin se coucha; mais l'amère insomnie
Jusques au point du jour tortura son cerveau;
Espérant mettre un terme à sa longue agonie,
Dans sa forge, il alla manoeuvrer le marteau.

Il tenait à Saint-Roch une large boutique
Où le bruit de l'enclume aux rires se mêlait.
Le soir, après souper, pour parler politique,
Sous ce toit enfumé souvent l'on s'assemblait.

Pierre, ce matin-là, suait à grosses gouttes,
Lui, le gai forgeron aux bras si vigoureux!
Ah! c'est qu'alors son coeur entretenait des doutes
Sur l'accomplissement de ses projets heureux...
«Pourtant, se disait-il, il faut que je connaisse
Cet ange blond qui fait ma joie et mon tourment;
Je veux mettre à son front, où brille la jeunesse,
Les roses de l'hymen-divin couronnement!»

Cinq jours plus tard, assis sur le seuil de sa porte,
Il respirait du soir l'agréable fraîcheur;
Devant lui défilait la nombreuse cohorte
Des braves ouvriers revenant du labeur.
-Eh! bonjour, Messieu Pierre! exclamait tout le monde,
Car il était connu parmi les travailleurs;
On proclamait sa force une lieue à la ronde:
A lui seul! il avait rossé trois batailleurs...

Mais Pierre, tout-à-coup, s'élança dans la rue
Pour saisir un coursier qui venait au galop,
Trimbalant dans un fiacre une enfant éperdue
Dont la terreur offrait le plus triste tableau.

Notre héros, soudain, au péril de sa vie,
Bondit comme un lion au cou de l'animal
Qui s'élança d'abord avec plus de furie,
Mais se calma bientôt, vaincu par son rival!

Presque aussitôt survint un homme à barbe blanche:
C'était Jacques Benoit, le maître du cheval!...
Dans Pierre il reconnut, à sa figure franche,
Celui que son enfant nommait son idéal!
Prenant du forgeron la main forte et grossière,

Il sa serra longtemps avec effusion:
«Ami, vous êtes brave et d'une race fière,
Car de là-bas j'ai vu votre belle action.
Comment vous exprimer ce qu'éprouve mon âme?
Ajouta le vieillard, visiblement confus;
La gratitude, allez!-cette vivace flamme-
Brûlera dans mon coeur pour ne s'éteindre plus!
Oui, sans vous la fillette, à l'heure où je vous parle,
Serait peut-être morte, oh! j'en frémis d'horreur!
Je vous cherchais... pardon... je cherchais l'ami Charle...
Quand mon fougueux coursier a fui comme un voleur!»
Pierre, d'emblée, avait reconnu le vieux père
De l'ange au front rêveur qui troublait son repos;
Et, surpris de le voir, il regardait la terre
Sans pouvoir seulement bredouiller quelques mots!
Mais bientôt, recouvrant son ferme caractère,
Il dit, en désignant sa modeste maison:
-«Entrez donc sous le toit d'un vieux célibataire!

-Vieux, dites-vous? Ah! Ah! oui, vieux... par la raison!

-Vous êtes trop flatteur; je passe la trentaine
Depuis quatre printemps.

-Ne vous désolez pas,
Car, à trente-quatre ans, la vieillesse est lointaine,
C'est l'âge où l'on ne voit que les fleurs sous ses pas.»

Laissons-les discourir, en prenant le breuvage,
Sur l'étrange incident qui les a réunis,
Et revenons à Rose. Elle veille au ménage,
Y mettant une adresse et des soins infinis.

Ses mains ont tout rangé dans un ordre admirable,
Depuis les objets d'art jusqu'au luisant miroir;
Et par la porte ouverte, on aperçoit la table
sur laquelle est l'humble repas du soir.

Sa mère, vieille femme, arrive de l'église,
Où souvent elle va prier le roi des cieux;
Mais sur son front de suite éclate la surprise
En ne voyant que Rose apparaître à ses yeux.
-«Et ton bon père, enfant?
-Pas de retour encore!
-Pauvre vieux! de ce train il sera bientôt mort!
Car pour trouver celui que ta jeune âme adore,
Il peut mettre à l'envers tout Québec et Beauport...

-«Ciel! que vois-je! fit Rose, en courant vers la porte:
Mon père qui revient avec notre inconnu...
Mais, réprimant alors l'ardeur qui la transporte,
Elle recule et dit: Qu'il soit le bienvenu!»

En effet aussitôt sautèrent de voiture
Pierre et Jacques Benoit, ce vieux Roger-Bontemps.
La gaîté rayonnait sur leur bonne figure,
Mais, hélas! la gaîté ne dura pas longtemps!

Lorsque la jeune fille ouït la voix vibrante
De l'homme qu'elle aimait, son coeur battit bien fort;
Elle rougit, s'émut; et sa lèvre brûlante
Laissa tomber un cri d'ineffable transport!

«Mordienne! qu'as-tu donc, ô mon enfant chérie,
S'écria le vieillard, lui saisissant la main;
Nous t'aimons, tu le sais, avec idolâtrie,
Et voulons du bonheur te tracer le chemin.
Monsieur Pierre Francoeur-que tout le monde approche,
Et que je suis heureux de recevoir chez moi-
Est un noble artisan sans peur et sans reproche,
Qui serait enchanté de vivre sous ta loi;
Il m'a fait cet aveu quand j'étais à sa table,
(Car tu sauras tantôt comment je l'ai connu).
Catholique fervent, honnête et charitable,
Enfant, tel est celui que tu crois inconnu!
Tu pleures à présent! voyons, voyons petite!
Sèche ces vilains pleurs qui rougissent tes yeux;
Prouve à ce beau Monsieur qu'ici la joie habite
Et que notre étiquette est celle des aïeux!

Rose, en effet, pleurait! Ses bienfaisantes larmes,
Comme des diamants jusqu'à ses pieds roulaient;
Cet aimable chagrin faisait briller ses charmes;
Pierre et les deux vieillards, ravis, la contemplaient.

Oui, cette enfant pleurait! mais un chaste délice
Sous ce voile de pleurs alors se déguisait;
Elle avait mis sa lèvre à l'enivrant calice,
Et pleurait le bonheur que son coeur y puisait!

O larmes précieuses,
Douces, silencieuses,
Baume consolateur
Inénarrable joie,
Que du ciel nous envoie
Le divin Créateur!

Des grands yeux bleus de Rose,
Coule, rosée éclose
Du pur et saint amour;
Ah! rafraîchis son âme
Dont la soif te réclame;
Oui, coule en ce beau jour!

Mais Rose, revenant de la folle surprise
Qu'elle avait éprouvée en revoyant Francoeur,
Lui dit:
«Veuillez, Monsieur, excuser ma franchise:
Vous m'avez trop causé de joie et de bonheur!...»

Ce gracieux reproche, au lieu de blesser Pierre,
Alluma dans son âme une lueur d'espoir;
Il répondit:
«Le ciel exauce ma prière,
Puisque l'ai maintenant l'honneur de vous revoir.»

«poésie: Jean-Baptiste Caouette - Page 2 426491! bravissimo! trois fois bravo, mordienne!
Glapit Jacques Benoit, tout fier de ce début;
Merveilleusement dit, ma parole chrétienne!
De ce pas, mes enfants, vous atteindrez le but!
Allons, Monsieur Francoeur, allons, sans gêne, à table!
Nous avons, il est vrai, chez vous fait bon repas;
Mais ma femme et ma fille ont de la dent, que diable!
Et le jeûne ce soir ne leur conviendrait pas!»

Le galant accepta la franche politesse,
Puis, en homme d'usage, il but et mangea peu.
De Rose il admira la beauté, la finesse,
Et la complimenta sur l'exquis pot-au-feu.
Après ce gai repas, on fit de la musique
Dans un petit salon de fleurs tout embaumé;
Rose, en s'accompagnant, chanta plus d'un cantique
Où le nom de Marie était souvent rimé.
Pierre ne chantait pas, lui, selon les principes;
Il en connaissait point l'art des dilettanti;
Il ignorait aussi l'accord des participes,
Mais chanta volontiers plus d'un couplet joli.

Ce soir-là, chez Benoit, on était en liesse;
Les coeurs, jeunes et vieux, vibraient à l'unisson.
Les deux vieillards tout bas, se répétaient sans cesse
Que Rose pour époux aurait un beau garçon!

«Comment le trouves-tu, Rose et toi, bonne vieille?
Demanda le vieillard, quand Pierre fut parti.
Rose joyeuse, dit:
-Vraiment il m'émerveille!
Et sa mère ajouta:
-C'est un fameux parti!...»

Dieu! que les vrais plaisirs sont de courte durée!
Pensait, en cheminant, le jeune homme amoureux;
Je veux garder toujours de ma belle soirée
Dans les plis de mon coeur, le souvenir heureux!
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poésie: Jean-Baptiste Caouette - Page 2 Empty Re: poésie: Jean-Baptiste Caouette

Message par Najat Ven 7 Mai - 17:42

II

Dans le bourg Sainte-Foye, auprès de la barrière
S'élevait un logis touré de bouleaux;
Sur ses murs crevassés le houblon et le lierre,
Ainsi que des serpents déroulaient leurs anneaux.

C'était un beau soir d'août. Dans un ciel sans nuages,
L'astre du jour lançait sa dernière lueur,
Et les oiseaux mêlaient leurs gracieux ramages
A la voix du Zéphyr volant de fleur en fleur.
L'air était tout rempli de senteurs odorantes
Que le foin, en séchant, exhalait en foison;
Et la gentille abeille, aux ailes transparentes
Buvait avec ivresse aux perles du gazon.

Trois personnes causaient, assises sur un banc;
La fine humeur gauloise animait leur langage
Et l'écho répétait parfois leur rire franc.
Cependant la plus belle, une blonde fillette,
Interrompit soudain son rire harmonieux
Pour aller recevoir, à la bonne franquette,
Deux nouveaux arrivants, l'un jeune et l'autre vieux.

-«Salut à vous, salut! Mademoiselle Rose,
Lui dit en s'inclinant le plus âgé des deux;
Votre teint à toujours l'incarnat de la rose
Et mon ami de vous a droit d'être orgueilleux.»

Pierre à son tour reprit:
-«J'approuve le notaire
Qui sait dire à propos toute la vérité;
Mieux que lui je connais votre doux caractère,
Et j'admire avec lui votre rare beauté.»

-«De grâce, c'est assez! assez! répliqua-t-elle,
Je ne mérite pas tous ces beaux compliments;
Spirituels moqueurs, venez sous la tonnelle
Où nous retrouverons mes excellents parents.»
Ils furent accueillis d'une façon charmante
Par Benoit et sa femme. Et Pierre, ce soir-là,
Vint s'asseoir sans trembler auprès de son amante,
Qui portait à ravir la robe de gala.

Pourquoi tant de gaîté sur toutes ces figures?
Et pourquoi le notaire était-il chez Benoit?
C'est que, par un contrat, deux jeunes créatures,
Allaient en ce beau soir, s'unir devant la loi.

Pierre, depuis trois mois, sur l'océan du Tendre
Confiait son esquif au doux vent de l'espoir;
Car Rose quelquefois osait lui faire entendre
Ces cinq mots consolants:
«Ainsi j'aime à te voir!»
Or, un jour de juillet-il m'en souvient encore-
Pierre chez son amante arrivait tout rêveur.
«Je viens, avait-il dit, ô fille que j'adore,
T'offrir en ce moment et ma vie et mon coeur.
Je veux me marier: la raison me l'ordonne;
Et n'est-ce pas d'ailleurs le devoir d'un chrétien?
A tous les bons époux le Maître du ciel donne
Au foyer l'harmonie et le pain quotidien.
Ne me repousse pas, idole de ma vie,
Toi qui portes au front la suave candeur!
Au banquet de l'hymen le Seigneur nous convie:
O Rose, accepte donc avec moi cet honneur...»
Rose avait reparti:
«J'admire ta franchise
Et les fiers sentiments que tu viens d'exprimer;
Mais, sans voir mes parents auxquels je suis soumise
Je ne puis te répondre: ils pourraient me blâmer.»

Cette soumission et ce hardi langage
Jetèrent notre ami dans le ravissement.
«Tu parles bien, dit-il; je n'ai pas le courage
«De répliquer un mot à ton raisonnement.»

Pierre, le lendemain, rayonnant d'espérance
Et frais comme une fleur, arrivait chez Benoit.
Le bonhomme lui dit:
-«Écoutez ma sentence:
Vous voulez épouser ma fillette?... eh bien, soit!
Dans les premiers jours d'août, amenez M. Fabre,
Ce notaire galant que nous estimons tous;
Il manie encor mieux la plume que le sabre,
Quoiqu'il porte cette arme avec un soin jaloux.

Puis, le contrat passé, nous fixerons la date
De votre mariage. Au pied des saints autels,
Le prêtre célébrant (oh! ce dessein me flatte!)
Sera mon vieux cousin, Messire Désautels.
Nous ferons, n'est-ce pas? une noce tranquille,
Nos aïeux s'amusaient de cette façon-là;
N'allons pas imiter les «noceurs» de la ville,
Je n'ai jamais aimé leur bruit ni leur éclat.»

Pierre, tout ému, dit:
«Mon cher futur beau-père,
Votre sentence est douce, et j'en suis bien heureux.
Je suivrai vos conseils et saurai, je l'espère,
Éviter des «noceurs» les écarts dangereux.»

Maintenant le lecteur sait pourquoi le notaire
Chez le père Benoit accompagnait Francoeur,
L'habile homme de loi montra son savoir-faire
En dressant le contrat sans commettre une erreur.
Au moment solennel où l'épouse future
Prenait la plume d'or pour signer le contrat,
Le notaire, vers elle inclinant sa figure,
Mit un léger baiser sur son front incarnat.

«Vous êtes fin voleur, dit en souriant Rose;
Je ne vous donne point de petit baiser-là!
Quoi! reprit le notaire, il faudra, je suppose,
Pour être pardonné, vous remettre cela?
Comment, vous oseriez?... non, non, riposta-t-elle,
Je préfère excuser plutôt votre larcin;
Vous avez de l'esprit, oh! oui, plein la cervelle,
Mais je n'approuve pas votre hardi dessein!...»
-C'est bien, faisons l'accord, ma bonne demoiselle,
Et, comme la musique est l'accord le meilleur,
Veuillez donc chanter la romance nouvelle
Que vient de publier l'artiste Lavigueur.»

Quand l'acte fut signé, les chansons et le rire
Retentirent longtemps dans ce logis heureux;
Les futurs époux-illusoire délire-
Crurent que leur bonheur valait celui des cieux!...

Par un soleil brillant, un superbe carrosse,
Traîné par deux chevaux, arrêta chez Benoit.
Pierre, charmant à voir sous son habit de noce,
Sauta de la voiture, aussi fier que le roi!

Mais quand il aperçut Rose en toilette blanche
Et le front couronné des fleurs de l'oranger,
Il ne put retenir cette parole franche:
«Le Créateur en toi ne peut rien corriger!
Accepte ces bouquets, cadeau du jeune prêtre,
L'aimable et généreux curé de Charlesbourg;
Il doit, au saint autel, implorer le grand Maître
Pour qu'il daigne bénir notre sincère amour.»
-«Oui, j'accepte ces fleurs, merci du fond de l'âme!
Veuillez assurer l'abbé de mon profond respect;
Puisse de cette vertu la douce et sainte flamme
Produire sur nous deux son salutaire effet...»

Après s'être adressé les compliments d'usage,
Jacque Benoit, Jean Fabre[5] et les futurs époux
Prirent place, joyeux, dans le bel équipage
Pour se rendre à l'église et se mettre aux genoux
de l'abbé Désautels.

[Note 5: M. Jean Fabre, le notaire dont j'ai parlé plus haut, servait
de père à Pierre Francoeur, qui avait perdu ses père et mère depuis
plusieurs années.]

L'église de Sainte-Foye
Brillait de mille feux, de fleurs et d'ornement.
La foule était nombreuse; une céleste joie
Répandait sur les fronts de vifs rayonnements.
Car le peuple aimait Rose et savait bien que Pierre
Avait le coeur honnête et le bras vigoureux;
Et, de là, concluait qu'une belle carrière,
Après leur mariage, allait s'ouvrir pour eux.
Peindre l'émotion et la joie indicible
Qui firent tressaillir ce couple vertueux
Au moment d'être uni, n'est pas chose possible:
Ils avaient du bonheur plein l'âme et plein les yeux.

O jour de mariage
Incomparable page
Du livre des mortels;
Époque de la vie
Où se fait l'harmonie
Des coeurs près des autels.

Ineffable mystère:
Un ange de la terre
A l'homme vient s'unir;
Et ces deux créatures,
Aux riantes figures,
Ont foi dans l'avenir;

Car devant la Madone
Un apôtre leur donne
Sa bénédiction;
Et, selon sa promesse,
Le roi des cieux s'empresse
De sceller l'union.

Or, avec cette force,
(Primant celle du Corse
Le grand Napoléon)
Ces époux seront braves
Et riront des entraves
Que dresse le démon!

O divin mariage,
Toi le fidèle gage
Du bonheur des époux,
Puissent l'homme et la femme
Imprimer en leur âme
Ton souvenir si doux!

Quatre ans avaient passé depuis le mariage
De Rose et de Francoeur. Nos héros habitaient
Dans le faubourg Saint-Roch, sur le bord du rivage,
Une belle demeure où les amis fêtaient.

Ils ne désiraient rien, la sainte Providence
Leur ayant départi joie et prospérité;
Aussi conservaient-ils de la reconnaissance
Pour le Dieu qui soutient la pauvre humanité.
Deux jolis jumeaux blonds, un garçon, une fille
Étaient venus au monde un soir de février;
Et ces charmants amours-bijoux de la famille-
Égayaient de leurs cris cet aimable foyer.
Ils avaient vingt-deux mois, Pierre-Émile et Corinne.
(Ainsi les appelaient le père et la maman).
Vingt-deux mois! c'est l'âge où la lèvre purpurine
De ces êtres chéris bredouille gentiment!
Qu'il était beau de voir ces figures joyeuses,
Ces fronts où rayonnait la divine candeur,
Ces teints couleur de rose-images gracieuses-
Que n'avait pas ternis le vent de la douleur!
Chaque soir, à genoux près de leur bonne mère,
Par sa bouche inspirée ils parlaient au bon Dieu;
Et, semblable à l'encens, leur naïve prière.

Dans un nimbe brillant montait vers le ciel bleu!
Ils ignoraient que l'homme a des songes moroses,
Que ses yeux quelquefois sont rougis par les pleurs;
Ces anges ne voyaient que joie et rêves roses
Où l'homme trop souvent n'aperçoit que malheurs!...
..................................................

Lorsque Pierre sortait le soir de sa boutique,
Les membres fatigués par le rude labeur,
Les joyeux papillons du foyer domestique
Lui faisaient oublier et fatigue et douleur;
Volant à sa rencontre, ils ouvraient sa figure
De sonores baisers en riant aux éclats;
Il les faisait sauter, rouler sur la verdure
Et savourait longtemps leurs gracieux ébats!

Rose cherchait sans cesse, en femme aimable et bonne,
A prévenir les goûts du maître de son coeur;
Elle y réussissait, grâce à l'humble Madone,
Qu'elle implorait toujours avec grande ferveur,
De notre Canadienne elle était le vrai type:
Taille moyenne, oeil doux et teint plein de fraîcheur;
En morale, elle avait l'admirable principe
De garder à nos moeurs leur antique splendeur.

Son mari! ses enfants!... ah! qui pourrait redire
La tendresse et l'amour qu'elle éprouvait pour eux?
Seuls les anges du ciel sur leur divine lyre
Auraient pu retracer ces sentiments pieux!

Pierre et Rose étaient fiers de se sentir revivre
Dans les doux jumeaux blonds aux yeux intelligents;
Nous leur enseignerons la route qu'il faut suivre
Pour accomplir le bien, disaient ces bons parents.
Mais ce rêve enchanteur, ces projets fort louables
Ne devaient pas avoir leur accomplissement,
Car Dieu, dont les décrets sont tous impénétrables,
Allait anéantir leur rêve en un moment.

Le trois septembre au soir, par un beau clair de lune,
Pierre, la rame en main, refoulait le courant.
L'air était embaumé, mais le sournois Neptune
Agitait quelquefois les flots du Saint-Laurent.
Rose et les chérubins se tenaient près de Pierre,
Assis en cercle, au fond de l'embarcation,
Et contemplaient ravis, l'éclatante lumière
Que l'astre répandait sur la création.

-«Voyez-donc, chers parents, comme la lune est belle,
S'écria Pierre-Émile, en croquant un gâteau.»
Rose reprit:
-«Pourtant, ce n'est qu'une étincelle
Qui s'échappe la nuit du céleste Flambeau!
Mais si vous restez bons, pieux et charitables,
Si vous savez porter des malheurs le fardeau,
Un jour vous quitterez tous nos biens périssables
Pour aller contempler cet astre encor plus beau!»

Pierre, depuis longtemps observait le silence;
Un noir pressentiment faisait battre son coeur;
Il avait beau lutter, se faire violence,
Il restait au pouvoir de l'occulte oppresseur.
Aussi redoutait-il ces bourrasques fréquentes
Qui sont le cauchemar du courageux marin,
Car le vent soulevait des vagues écumantes,
L'air devenait plus lourd, et le ciel moins serein.

Tout à coup un éclair, un éclair grandiose,
Décrivit dans l'espace un long serpent de feu,
Et l'orage éclata. Les deux enfants et Rose,
Affolés de terreur, tremblaient en priant Dieu.

Pierre les rassurait en montrant le rivage
Qu'il s'efforçait d'atteindre avec son vieux canot;
Le vent le repoussait. Sous un épais nuage
La lampe de la nuit se déroba bientôt!
Les malheureux étaient plongés dans les ténèbres
Et ballottés ainsi qu'un fragile roseau.
Le tonnerre aux échos jeta des sons funèbres,
Et la vague lança les promeneurs à l'eau...
Mais Pierre, redoublant aussitôt de courage,
Saisit d'une main Rose et de l'autre un enfant;
Et, vif comme un poisson, il revint à la nage
Sur les flots tourmentés sans cesse par le vent.

Eh! que pourrait-il faire ainsi sans assistance,
N'ayant plus de canot ni la moindre clarté?
Mourir... hélas! oui, car une bonne distance
Le séparait encor de sa chère cité!...
Quoi! mourir à cet âge où la vie est si belle,
Où tout sous le soleil nous parle joie, amours...
Mourir! lorsqu'on possède une épouse modèle
Dont l'esprit, les vertus embellissent nos jours...

Ce lugubre penser hanta l'esprit de Pierre,
Mais il le repoussa de suite avec dédain;
Puis, bravant derechef du fleuve l'onde amère,
Il se mit à jouer du pied et de la main.
Le nageur quelquefois disparaissait dans l'onde,
Entraîné par sa femme et l'un de ses enfants;
N'importe, il n'aurait pas-pour les trésors du monde-
Voulu laisser périr ces deux êtres charmants!
Mais ses forces d'Hercule à la fin s'épuisèrent;
Le Saint-Laurent allait se referment sur eux,
Quand six robustes bras prestement les tirèrent
De ce gouffre, ou plutôt de ce tombeau honteux!

Les sauveurs étaient trois bateliers de Saint-Pierre,
En route pour Québec avec un lot de bois.
Ils avaient aperçu sur le fleuve en colère,
Cet homme que la vague enveloppait parfois.
Ils firent à la hâte un lit de fraîche paille,
Au fond de leur bateau, pour les trois malheureux.
Mais, ô fatalité! le sort, de sa tenaille,
Voulait broyer le coeur du père courageux.
Car, spectacle navrant! c'était deux corps livides,
Deux cadavres que Pierre avait ravis aux flots!
Ils étaient là, gisant sur les grabats humides,
Le visage éclairé par le feu des falots...

Pierre était atterré. Des larmes abondantes
Inondaient sa figure aux traits mâles et beaux;
Debout, pâle, muet, il ressemblait aux plantes
Qui vivent sans chaleur à l'ombre des tombeaux!

Il avait tout perdu dans l'espace d'une heure;
Son adorable femme et ses fiers rejetons;
Il ne lui restait plus que sa sombre demeure
Où les sanglots allaient remplacer les chansons!

Les bateliers, émus, regardaient en silence
L'éloquente douleur de notre infortuné,
Et suppliaient tout bas la sainte Providence
De consoler ce brave au chagrin destiné.

Mais Pierre, tout à coup, vaincu par la souffrance,
-Ce mal dont les humains doivent subir la loi-
Roula sur le carreau, privé de connaissance,
En s'écriant:
«Seigneur, ayez pitié de moi!»

Trois semaines après cette scène terrible,
Que la plume ne peut fidèlement tracer,
Pierre quittait le lit. Il était impossible,
Pour qui l'avait connu, de le voir sans pleurer,
Ce n'était plus cet homme à la forte encolure,
Au visage serein, aux bras si vigoureux!
Du vieillard il avait déjà l'allure,
La tristesse trônait sur son front anguleux.
Il ne ressentait plus de douleurs corporelles;
Son estomac pouvait recevoir tous les mets,
Mais l'âme, hélas! portait des blessures cruelles
Que les princes de l'art ne guérissent jamais...
C'est en vain qu'il cherchait souvent à se distraire
En lisant les journaux ou quelques bons romans;
L'inexorable sort semblait toujours se plaire
A lui rendre odieux ces doux amusements.
Alors il s'écriait, la voix pleine de larmes:
«Accordez-moi, mon Dieu, la résignation,
Ou faites-moi goûter las douceurs de vos charmes
En daignant m'appeler dans la sainte Sion!»
Enfin Dieu lui donna la force et le courage
De porter des revers le pénible fardeau.
A la forge bientôt il conduisait l'ouvrage
Pendant que trois gaillards manoeuvraient le marteau.

Un illustre défunt qui vit dans la mémoire
Des hommes d'aujourd'hui, le bon curé Charest,
Venait parfois le voir pour lui parler d'histoire
Et surtout des héros que Francoeur admirait.
Le malade écoutait les récits du vieux prêtre,
Récits qui l'enflammaient au suprême degré;
Au seul nom de la France, il sentait tout son être
Tressaillir. Ah! ce nom était pour lui sacré.
Aussi, c'est qu'il l'aimait ce beau pays de France,
-Soleil que les prussiens ne pourront obscurcir!-
C'est là que ses aïeux prirent jadis naissance,
Et c'est là qu'il aurait voulu vivre et mourir!
Or, depuis que la mort de sa faux redoutable
Avait moissonné Rose et ses deux chers enfants,
Il ne nourrissait plus qu'un désir admirable:
Combattre en Canadien contre les allemands!

Il lui fallait partir, car l'eau de notre fleuve
Rappelait à son âme un spectacle navrant:
Toujours il croyait voir-insupportable épreuve-
Les défunts entraînés par l'horrible courant...
Mais un autre motif plus grand que la souffrance
L'engageait à partir pour le sol étranger;
Il se disait souvent:
«Quand on aime la France,
On doit la secourir à l'heure du danger!»
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:43

III

L'été de mil huit cent soixante et dix achève;
L'oiseau commence à fuir vers des climats plus doux;
Le soleil, triste et pâle, à l'horizon se lève;
La ramure secoue au vent ses cheveux roux.

C'est le dimanche au soir. Une foule innombrable
Envahit le forum (place Jacques-Cartier);
On dirait, à la voir, qu'un malheur effroyable
Menace les mortels de l'univers entier.

Que s'est-il donc passé de si grand sous les astres
Pour que sur tous ces fronts éclate le chagrin?
Ah! la France se meurt! déjà quatre désastres:
Weissembourg, Reischofen, Forbach et Spickerin!

Eh! oui, voilà pourquoi l'on pleure et l'on murmure
Dans la ville où grandit l'héroïque valeur;
Quand la France reçoit au coeur une blessure,
Les habitants d'ici tressaillent de douleur!

«Je vole à son secours, s'écrie un patriote,
Et vais au consulat offrir mes faibles mains.
Et si je dois tomber sous le fer du despote,
Je mourrai, sans regret comme les vieux Romains!»

Il part, la tête haute et l'oeil plein de lumière,
Et va chez le consul, qui l'accueille fort bien.
«J'appartiens, Excellence, à la classe ouvrière,
Dit-il, et j'ai l'honneur d'être né Canadien.
Or, j'apprends que la France où naquirent nos pères,
-Belle France que j'aime autant que mon pays!-
Est soumise à cette heure aux troupes meurtrières
Que commandent Von Molke et ses cruels amis!

Eh bien, mille tambours! je vends maison, boutique,
Pour aller me ranger sous son noble drapeau;
Oui, si j'obtiens de vous une pièce authentique,
Je troquerai l'outil contre le chassepot!»

-«Quel est donc votre nom, homme plein de courage?

-Pierre Francoeur, obscur artisan, de Saint-Roch.

-Quoi! c'est à vous qu'un soir le fleuve, dans sa rage,
Ravissait et l'épouse et les enfants en bloc?...

-«Hélas! oui, c'est à moi que le fleuve en colère,-
Ce fleuve au bord duquel j'aimais à respirer-,
A ravi les trois coeur, les plus purs de la terre...
Et depuis cet instant je ne fais que pleurer...

-O le deuil éprouvé des époux et des pères!
Je comprends vos malheurs et sais y compatir;
Vous êtes un héros tel que l'on n'en voit guères,
Et la France de vous n'aura pas à rougir.

Prenez ce sauf-conduit cacheté de mes armes,
Puis rendez vous auprès du gouverneur Trochu;
Devant ce pli les Francs abaisseront leurs armes,
Et par eux vous serez, au besoin, secouru.»

«-Pour vos bontés, merci mille fois, Excellence!
Je serai, je l'espère, un valeureux soldat,
Car je sens dans mon coeur refleurir la vaillance
Que Montcalm a légué aux fils du Canada!»

Le lendemain au soir, à genoux sur la terre
Où dormaient pour toujours Rose et les deux jumeaux,
Pierre parlait tout bas dans ce lieu solitaire,
Mais l'indiscret zéphyr nous apporta ces mots:

Adieu, tombe chérie,
Sombre et muet séjour
Où tous, après la vie
Nous dormirons un jour!

Demeure des trois anges
Que follement j'aimais
Et que les viles fanges
Ne salirent jamais!

Adieu, charmante femme,
Adieu, fruits de son flanc:
A vous, j'offre mon âme,
A la France, mon sang!

Demain, avant l'aurore,
Je quitterai ces lieux;
-Vous reverrai-je encore?
Oui, plus tard, dans les cieux!

Mais, vive inquiétude,
Qui me remplacera?
En cette solitude
Qui vous visitera?

Hélas! sur votre tombe
Que j'arrose de pleurs,
Nul ne viendra quand tombe
Le jour, mettre des fleurs!

Ni faire la prière,
Cette aumône du coeur,
Que le céleste Père
Accueille avec bonheur.

Non, car l'homme se livre
Ici-bas aux plaisirs,
Et n'aspire qu'à vivre
Pour combler ses désirs!

Eh bien, puisque le monde
Ne songe qu'à jouir,
Moi, sur la terre et l'onde
Pour vous je veux souffrir!

Donc, adieu, tendre femme,
Adieu, fruits de son flanc!
A vous, j'offre mon âme,
A la France, mon sang!»

Laissons dormir en paix dans leur sombre retraite
Ces trois infortunés, et rejoignons Francoeur,
Qui, près de Châtillon, à la lutte s'apprête
Sous le commandement d'un général de coeur.
Il a pu parvenir jusque là sans entrave,
Grâce à l'aimable pli du consul québecquois;
Du reste, en le voyant, on devinait un brave
Dans les veines duquel coulait le sang gaulois!

La France tous les jours éprouve les défaites;
Nos vaillants soldats sont par le nombre écrasés;
Et déjà les Prussiens se préparent des fêtes
Dans les riches hameaux qu'ils ont germanisés.

Ils ne respectent rien, ces conquérants d'une heure!
Ils insultent l'enfant, la femme, le vieillard,
Détruisent la moisson et brûlent la demeure
Où vit paisiblement l'honnête montagnard.

Ivres d'or et de sang, ils attaquent les villes
Qu'ils pillent aussitôt et plongent dans le deuil;
Puis, l'esprit ébranlé par leurs succès faciles,
Ils lancent sur Paris un envieux coup d'oeil!

Halte-là! car Paris, le vrai coeur de la France,
Le royaume des arts, l'imprenable cité,
Secoue avec éclat sa folle insouciance
Et veut garder encor son immortalité!

Jules Favre aux Prussiens demande un armistice,
Afin d'examiner leurs nombreux armements:
Mais de Bismark répond:
«Je ne puis, en justice,
L'accorder... Agréez mes meilleurs sentiments!»

Cette froide réponse allume la colère
et l'indignation dans l'âme des Français.
«C'est bien, disent plusieurs, fertilisons la terre,
Les cadavres prussiens nous serviront d'engrais!

Tout Paris se prépare à combattre les reîtres,
Les jeunes et les vieux marchent sous les drapeaux;
On jure de tuer, sans pitié, tous les traîtres
Et de livrer leur chair en pâture aux corbeaux!

Les fusils, les canons, les boulets et la poudre
Sont vite fabriqués et remis aux soldats;
Et, quand sonnera l'heure, aussi prompts que la foudre,
Ces terribles engins feront mille dégâts...

C'est le vingt-deux septembre. Escorté de ses troupes
Le général Ducrot traverse Châtillon;
Les habitants du lieu, qui se tiennent par groupes
Agitent devant lui maint et maint pavillon.
Ducrot s'incline et dit:
«Priez pour nous, mes frères,
Afin que du combat nous sortions triomphants;
Demain nous camperons près des hautes Bruyères
Où les Prussiens encor se montrent turbulents.»
Et quittant à regret ce peuple qu'il estime,
Esclave du devoir, il poursuit son chemin;
Il n'a plus qu'un désir-désir vraiment sublime-
Lutter, et, s'il le faut, mourir le lendemain!
De bonne heure, Ducrot le lendemain arrive
A l'endroit redoutable avec ses bataillons.
«Tenez-vous, leur dit-il, tous sur la défensive,
Car l'ennemi déjà doit charger ses canons.

A peine a-t-il parlé, qu'une balle prussienne
Laboure jusqu'à l'os le flanc de son cheval!
La bête de douleur rugit comme l'hyène
Qui se trouve placée en face d'un rival.
Les ennemis alors sortent de leur cachette
En lançant des obus à travers les bosquets;
Mais Ducrot, sans frayeur, à ses soldats répète:
Laissez-les dépenser leur force et leurs boulets!
Cependant les Prussiens-que ce silence intrigue-
Osent se découvrir aux regards des Français.
Ducrot les voit venir, et, fier de son intrigue,
Jubile en présentant un glorieux succès!
«A l'oeuvre! ordonne-t-il; déplantez-moi ces rustres.
Que l'orgueil a rendu méchants, audacieux!
La France attend de vous les faits les plus illustres,
Allons donc, en avant! ô soldats valeureux!»
Aussitôt des milliers de boulets et de balles
Tombent comme un orage au milieu des Prussiens.
Et l'air redit alors des clameurs infernales
Qui ressemblent aux cris d'une meute de chiens!

Çà et là des blessés étendus en grand nombre
Exhalent leurs douleurs et maudissent le sort,
Puis d'autres effrayés par ce spectacle sombre,
Sous les bois vont se mettre à l'abri de la mort.

Les chevaux, l'oeil en feu, les naseau pleins d'écume,
Affolés de terreur, s'élancent au galop,
Mutilant de leurs fers le cadavre qui fume
Sur le sol détrempé par le sang et par l'eau!

C'est un sauve-qui-peut: le général lui-même,
Espèce de colosse au coeur ambitieux,
Est obligé de fuir; et, dans sa rage extrême,
Maudit, en se sauvant, les Français et les dieux...

Maintenant, grâce au ciel, sur les Hautes-Bruyères,
Le vieux drapeau français déroule au vent ses plis;
Il semble défier les hordes meurtrières
Qui nourrissent l'espoir de bombarder Paris.

Neuf jours ont fui. Ducrot à cheval se promène
En rêvant au plaisir de revoir l'ennemi,
Car il l'attend. Depuis bientôt une semaine
Ce général fameux n'a presque point dormi.

Au détour d'une route, à travers le feuillage,
Il croit voir onduler dans le lointain brumeux
Une mer de soldats: tel on voit un rivage
Mollement s'avancer les flots silencieux.
Tiens! ce sont les enfants de la blonde Allemagne,
Se dit le promeneur, en mettant son lorgnon;
Nous leur ferons danser, ici, dans la montagne,
Un joli moulinet aux accords du canon...
Ils aiment ce jeu-là, si j'en crois ma mémoire,
Eh bien, ces beaux danseurs ne seront pas déçus!
Mais! ils sont très nombreux: la plaine en est toute noire!
Bah! qu'importe leur nombre, ils seront bien reçus!
Sur ce, le général pique au flanc sa monture
Et s'élance au galop vers le champ des soldats.
«-Aux armes! leur dit-il, de sa voix mâle et pure,
Les Allemands sur nous s'avancent à grands pas!
Leur nombre est légion; mais vous êtes des braves
Que ne comptez jamais le nombre des rivaux;
Si vous ne voulez pas devenir leurs esclaves,
Ni même leur livrer vos glorieux drapeaux,
Alors, repoussez-les! N'ayez aucune crainte,
Soldats, d'être vaincus; non luttez vaillamment,
Sous le regard de Dieu, car votre cause est sainte
Et Dieu vous aidera jusqu'au dernier moment!»

Tous les soldats en choeur à cet appel répondent:
-Nous vous suivrons partout, ô noble général!
-Ah! merci, fait Ducrot; vos cris puissants inondent
Mon âme d'allégresse... Attendez le signal!

L'heure succède à l'heure et l'ombre à la lumière;
La nuit sur la nature étend son voile noir.
La lune, au bord du ciel, montrant sa tête altière,
Scintille tout à coup comme un bel ostensoir.
Tout est silencieux. Ducrot et son armée
Attendent, l'arme aux bras, le terrible moment
Où la tourbe prussienne-ivre de renommée-
Viendra le attaquer dans leur retranchement.
Mais le temps passe, et rien ne trouble le silence,
Si ce n'est quelquefois les murmures du vent.
Enfin l'aube paraît et l'horizon immense
Reflète les clartés d'un beau soleil levant.

Les belliqueux Français sont ennuyés d'attendre;
Ils ne redoutent pas leurs ennemis, oh! non!
Car leur unique voeu, maintenant, est d'entendre
La voix de la trompette et de celle du canon.
Néanmoins, imitant du général l'exemple,
Ils offrent au Seigneur les prémices du jour,
Et ce champ de combat se convertit en temple
D'où montent vers le ciel des prières d'amour.
Puis, ce devoir rempli, les cuisiniers préparent,
Avec habileté, le modeste repas.
La marmite est au feu. Tous les soldats s'emparent
De leurs brillants couteaux pour trancher le lard gras.
Bref, le tout est servi. La cloche carillonne
Invitant la milice à manger sans façon.
Le vin ne manque pas. La bonne humeur rayonne
Sur les fronts, et le coeurs vibrent à l'unisson.

Mais, dominant les ris, les tirades joyeuses,
La voix du général fait entendre ces mots:
«Aux armes! j'aperçois les cohortes nombreuses;
Vainquons! car la défaite est le plus grand des maux!»

Les soldats, oubliant le vin et la gamelle
Obéissent de suite à l'ordre de Ducrot,
Qui suit leurs mouvements de sa vive prunelle
En allant et venant sur son coursier au trot.

Les Prussiens, l'air railleur, vers les Français s'avancent,
Mais ceux-ci sont déjà prêts à les recevoir,
Les soldats de Ducrot à leurs ennemis lancent
Un regard dont l'éclair paraît les émouvoir.
Ducrot ordonne alors de commencer la lutte.
Par un feu bien nourri. Le feu gronde aussitôt;
Et, spectacle effrayant, des deux côtés on lutte
Avec un héroïsme où la colère éclot.
Allemands et Français combattent face à face
Et semblent décidés à vaincre ou bien mourir,
Car lorsqu'un soldat tombe, un autre le remplace,
Convaincu qu'à son tour la mort va le saisir!

La mort, sans préférence, enlève aux deux armées
Des hommes de valeur, que dis-je? des héros!
Elle n'a pas d'égard pour leurs jeunes années,
Non! comme les blés mûrs ils tombent sous sa faux!

O mort, cruelle mort! pour assouvir ta haine,
Tu fais couler à flot le sang de tous ces preux;
Tu plonges à la fois dans le deuil et la peine
Des mères au coeur d'or et des enfants heureux!
Ils n'ont plus de soutien, ils n'ont plus d'espérance!
Ah! qui donc désormais leur donnera du pain?
Qui les consolera quand l'amère souffrance
Posera sur leur front sa redoutable main?...

Mais la mort ne dort pas, au contraire elle veille
Et moissonne à son gré les faibles et les forts:
On a beau la prier, elle n'a point d'oreille
Pour écouter nos voix, nos douloureux accords...
Elle épargne à présent les soldats de la Prusse
Et frappe les Français qui luttent vainement;
Ceux-ci vont succomber, quand Ducrot, plein d'astuce,
Sous le dôme d'un bois les place adroitement.
Le pauvre général a la douleur dans l'âme:
Six cents vingt-deux des siens sont au nombre des morts!
Que faire? va-t-il fuir? Non! ce serait infâme,
Et partout le suivrait la honte et le remords...
Mais il devra lutter, hélas! sans espoir même,
Car les Prussiens à peine ont perdu cent soldats.
«N'importe! je mourrai pour la France que j'aime,
Dit-il: un Français meurt, mais il ne se rend pas...»
Il crie à ses héros: «Quittons notre retraite
Et derechef allons au poste de l'honneur:
Impossible pour nous d'éviter la défaite;
Prouvons donc aux Prussiens que nous avons du coeur!»

La résignation brille sur la figure
De ces braves soldats luttant vingt contre cent;
Mais personne ne jette une plainte, un murmure,
Ils ont déjà juré de répandre leur sang!

Le général alors à leur tête se place
En leur disant: «Soldats, imitons nos aïeux;
Lorsque des ennemis s'emparaient d'une place,
Ils les en délogeaient, eh bien, faisons comme eux!»
Sur ce, l'oeil enflammé, le voilà qui s'élance,
Vers la vaste clarière où règnent les Teutons;
Il y parvient bientôt trompant leur vigilance,
Et fait pleuvoir sur eux le fer de ses canons.

Les Allemands, surpris d'une attaque aussi rude,
Ne peuvent tout d'abord riposter à ce feu;
Mais leur général parle, et sa ferme attitude
Leur donne du courage et les rassure un peu.
Puis un combat nouveau, gigantesque, commence;
Ces puissants ennemis ne se ménagent pas.
On dirait, à les voir, qu'ils sont pris de démence,
Tant ils semblent contents s'affronter le trépas.
Balles, boulets, obus tombent comme la grêle;
Une épaisse fumée aveugle les soldats;
Aux plaintes des blessés, la trompette entremêle
Sa larmoyante voix, aussi triste qu'un glas.
Les Français luttent bien. Le bruit de la mitraille,
Loin de les effrayer, augmente leur ardeur;
Ils veulent à tout prix gagner cette bataille
Que renferme pour eux le salut et l'honneur!
Mais, qu'est-ce? entendez-vous les hourras frénétiques
Qu'ils poussent vers le ciel en combattant toujours?
Ils viennent de ravir aux sujets germaniques
Douze ou treize canons aux énormes contours!
Alors les Allemands, le front chargé de rage,
Font mine d'avancer sous le feu des Français,
Mais en vain! car ceux-ci redoublent de courage
Et leur font essuyer un nouvel insuccès!

Ducrot observe tout. Il voit parmi ses braves
Un homme culbuter à lui seul maints Prussiens,
Leur infligeant à tous de ces blessures graves
Que ne peuvent guérir les savants chirurgiens;
Car ceux qui sont tombés sous sa fatale étreinte
Sont là, sans mouvement, sur le terne gazon,
La poitrine brisée et la prunelle éteinte,
Mêlant leur dernier râle à la voix du canon!
Mais ce chanceux tireur que l'héroïsme guide,
Pourra-t-il résister aux coups des ennemis?
Regardez-le: de sang sa tunique est humide;
N'importe! il lutte encore, les membres tout meurtris!
Puis, ô bonheur! il voit que l'ennemi recule;
Il avance à la course avec ses compagnons,
Poursuivant les fuyards les tuant sans scrupule,
Comme on écraserait du pied des moucherons!...
Tout à coup il terrasse un soldat héroïque
Qui vient de dérober aux Français un drapeau;
Il arrache au voleur cette belle relique,
Plus pure à ses regards que le cristal de l'eau!

Quel est donc ce héros à la fière encolure
Que Bellone a chargé des lauriers du vainqueur?
Examinez les traits de sa noble figure,
Et vous reconnaîtrez le forgeron Francoeur!...
Les malheurs ont blanchi ses beaux cheveux d'ébène
Et creusé sur son front un glorieux sillon;
Blessé, mais non soumis, il est semblable au chêne
Qui résiste longtemps aux coups du bûcheron...
Il baise avec amour le drapeau de ses pères,
Après l'avoir pressé tendrement sur son coeur;
Et, sans respect humain, récite des prières
Que sa famille, au ciel doit répéter en choeur!

L'ardeur chez les Prussiens semble un instant renaître,
Car leur mitraille gronde encore avec éclat;
Mais, d'un coup d'oeil, il est aisé de reconnaître
Que c'est le désespoir qui les pousse au combat.

Ducrot veut balayer ces bandes étrangères
Qui croyaient par leur nombre effrayer les Français:
«Braves soldats! chassez ces infâmes vipères
Pour qu'elles n'osent plus nous troubler désormais...»

Pierre alors se redresse et prend sa carabine,
De l'échec de la veille il veut venger l'affront.
Ciel! soudain son bras tremble et sa tête s'incline:
Il vient de recevoir deux balles dans le front!

Il tombe sur le sol, théâtre de sa gloire,
Ce modeste artisan que rien n'intimida,
En murmurant ces mots que je livre à l'Histoire:
Adieu, France chérie! Adieu, beau Canada...

1er février 1887.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:44

SONNETS




MONTRÉAL


A M. LOUIS FRÉCHETTE

Bâtie au pied d'un roc à l'aspect grandiose,
Et que Jacques Cartier appela Mont-Royal
Cette belle cité, que le Pactole arrose,
Attache le progrès à son char triomphal.

Le commerce fleurit où fleurissait la rose,
Car il a détrôné le règne végétal;
La voix de la vapeur-moderne virtuose-
Fait retentir les airs d'un hymne magistral.

Là vit dans l'harmonie un peuple hétérogène
Dont les fils, chaque jour, descendent dans l'arène
Au seul mot d'industrie ou de prospérité.

Ils rêvent d'établir sur ce sol historique
Une ville prospère, heureuse, magnifique,
Et ce beau rêve touche à la réalité!

1er mars 1889.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:44

QUÉBEC


A M. NAPOLÉON LEGENDRE

Assise sur le haut d'un vaste promontoire
D'où le regard embrasse un féerique tableau,
La ville de Québec semble du territoire
Être la sentinelle ou le porte-drapeau!

Ses vieux murs délabrés, qui faisaient notre gloire,
Tombent de jour en jour sous les coups du marteau;
N'importe! elle progresse, et son nom dans l'histoire
N'en brillera pas moins d'un éclat pur et beau!

Elle a dormi longtemps; la voilà qui se lève!
Un pont traversera, de l'une à l'autre grève,
Le cours majestueux du large Saint-Laurent.

De superbes palais embelliront ses rues;
Des hôtels dresseront leurs dômes dans les nues;
Et l'immortel Champlain aura son monument!

1er mars 1889.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:44

ROSE FANÉE


L'autre soir, en ouvrant quelques feuillets de prose
Cachés sous la poussière et jaunis par le temps,
J'en vis rouler à terre une petite rose
Qui me rappela l'heure où j'avais dix-sept ans.

A sa tige pendait un bout de satin rose
Où j'aperçus le nom d'un ange aux traits charmants
Qu'autrefois j'adorai mais, fleur à peine éclose,
La mort vint la cueillir à quatorze printemps...

Je priai ce soir-là-le coeur plein de tristesse-
Pour celle qui dora l'aube de ma jeunesse
Des rayons les plus purs des plaisirs et des ris...

Depuis, un autre amour a germé dans mon âme,
Et je vois tous les jours sa bienfaisante flamme
Illuminer le coeur de mes enfants chéris.

1er juin 1889.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:46

A M. E. AUBÉ, JOURNALISTE

A l'occasion de son mariage.


Au banquet de l'hymen le seigneur te convie;
Accepte avec fierté, jeune homme, cet honneur.
Un ange d'ici-bas te consacre sa vie,
Son amour, ses secrets, ses espoirs de bonheur!

Il faut se marier! C'est bien là ce qu'envie
Tout être raisonnable et doué d'un bon coeur;
Mais, dans ce siècle où l'âme à l'or est asservie,
Trop de femmes, hélas! ne rêvent que grandeur!...

Sois heureux! sois heureux dans ton humble ménage!
Chasse loin les doucis, et que pas un nuage
N'assombrisse un instant le ciel de tes amours!

Dieu te donne aujourd'hui-récompense ineffable-
Une épouse au coeur d'or, intelligente, affable,
Qui fera de ta vie un tissu de beaux jours!

Juillet 1881.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:46

A L'AMIRAL THOMASSET

DE LA «MAGICIENNE»


Va sur le Saint-Laurent, ô ma muse chérie,
Offrir un humble hommage aux marins valeureux
Qui viennent sur nos bords, l'âme toute attendrie,
Pour voir ce beau pays fondé par leurs aïeux!

O muse, ne crains pas d'être mal accueillie,
Les Français sont toujours courtois et généreux;
S'ils s'arment quelquefois du dard de l'ironie,
Ce n'est que pour punir les sots, les orgueilleux.

Dis-leur que, sur le sol de la libre Amérique,
Deux millions de coeurs, à la trempe énergique,
Ont promis aux Français un éternel amour;

Et dis-leur que, malgré l'épreuve et la souffrance,
La haine des tyrans et l'oubli de la France,
Ils n'ont voulu trahir leur promesse un seul jour!

1er août 1878.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:46

A M. P.-C. BEAULIEU

RÉPONSE

Oh! qu'ils sont beaux ces jours où la sainte espérance
Entonnait dans mon âme un chant plein de douceur!
Mon rêve se brisa, je connus la souffrance
Et pleurai, mais en vain, ces moments de bonheur...

Berthe vivait pour moi; j'avais sa confiance.
D'un amour grandissant nous goûtions la saveur;
Le prêtre allait bientôt bénir notre alliance,
Mais Berthe un soir partit pour un monde meilleur!

Je souffre maintenant-oui, je souffre en silence-
Et pourtant je bénis l'austère Providence
Qui me versa l'absinthe et lui tendit le miel!

Je garderai toujours, mon ami, souvenance
De celle qui dora longtemps mon existence
Et brille désormais dans les splendeurs du ciel!

Avril 1880.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:47

A M. P.-C. BEAULIEU

RÉPONSE

Oh! qu'ils sont beaux ces jours où la sainte espérance
Entonnait dans mon âme un chant plein de douceur!
Mon rêve se brisa, je connus la souffrance
Et pleurai, mais en vain, ces moments de bonheur...

Berthe vivait pour moi; j'avais sa confiance.
D'un amour grandissant nous goûtions la saveur;
Le prêtre allait bientôt bénir notre alliance,
Mais Berthe un soir partit pour un monde meilleur!

Je souffre maintenant-oui, je souffre en silence-
Et pourtant je bénis l'austère Providence
Qui me versa l'absinthe et lui tendit le miel!

Je garderai toujours, mon ami, souvenance
De celle qui dora longtemps mon existence
Et brille désormais dans les splendeurs du ciel!

Avril 1880.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:47

LE LAC BEAUPORT


A. M. M. PELLETIER

J'aime à te contempler, ô lac, que la nature
A placé dans un lieu poétique et charmant!
J'aime à voir tes flots noirs refléter la ramure
Des pins que le zéphyr agite mollement!

Et je songe que là, dans leur retraite obscure,
Les Hurons, autrefois, vivaient paisiblement;
Mais sur tes bords mon oeil ne voit plus la figure
D'un seul de ces héros: ils sont morts vaillamment...

Que de fois, ô beau lac, après une victoire,
Les Hurons revenaient, le front chargé de gloire,
Reposer près de toi leur membres tout meurtris;

Et, que de fois aussi, l'humble missionnaire,
Portant pour bouclier la croix, le scapulaire,
Allait y consoler ces malheureux conscrits!

1er août 1880.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:47

A MONSIEUR C...


Depuis deux ans, poète à l'âme tendre,
Ta lyre d'or a suspendu ses chants.
Souffrirais-tu? Mais l'oiseau fait entendre
Dans la douleur des murmures touchants.

Ton noble coeur doit pouvoir se défendre
Du désespoir et des chagrins cuisants.
Tous nos pensers, tu le sais, doivent tendre
Vers le séjour du Maître des puissants.

Sois courageux! car c'est dans la souffrance
Que nos aïeux retrempaient leur vaillance
Quand ils luttaient pour la foi du chrétien!

Oui, chante encor: ta voix mélodieuse
Fera connaître à la France oublieuse
Les grands exploits du peuple canadien!

8 septembre 1885.




RÉPONSE


L'autre jour, en passant, je vis dans le vallon
Une harpe au rameau d'un arbre suspendue;
Le soleil lui versait comme des jets de plomb,
Et nul vent ne touchait sa corde détendue.

Un silence de mort pesait sur l'étendue,
Mais soudain un zéphyr, caché dans un buisson,
S'en vint tourbillonner sur la harpe éperdue,
Et l'instrument divin rendit encore un son.

Ami, mon luth gisait, frappé par la souffrance;
Dans son désert brûlant nul souffle d'espérance
Ne caressait mon coeur navré par les chagrins.

Mais hier votre muse, harmonieuse brise,
Effleura de son vol ma lyre qui se brise.
Et je fredonne encor mes modestes refrains!
C...

15 septembre 1885.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:48

LE PRINTEMPS


A M. PIERRE-GEO. ROY, DU «GLANEUR».

Le givre a disparu. L'oiseau dans la ramée
Exhale vers le ciel ses chants mélodieux;
L'aurore verse à flots sur la rose embaumée
Comme des perles d'or, les charmes de ses yeux.

C'est le printemps vermeil; la brise parfumée
Mêle au bruit du ruisseau son murmure joyeux;
Dans les bosquets en fleurs, l'abeille, ranimée
Bourdonne en butinant le miel délicieux.

O résurrection de la grande nature!
Doux printemps, j'aime à voir ta riante verdure
Dérouler sur le sol son tapis de velours!

Quand tu brilles, le front du malheureux se dresse;
Les coeurs, jeunes ou vieux, tressaillent d'allégresse,
Et d'une même voix célèbrent les beaux jours!

Mai 1891.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:48

A L'AMIRAL CAVELIER DE CUVERVILLE

Lu à l'amiral par une orpheline des Soeurs de la Charité.


Notre âme a tressailli de joie et d'allégresse,
O pieux amiral, quand notre bon pasteur
Nous a transmis ces mots, doux comme une caresse:
«La France vous envoie un noble visiteur!»

Nous connaissions déjà les vertus, la tendresse
De l'ange dont Veuillot parle en admirateur;[6]
Vous avez hérité de sa grande sagesse,
Puisque votre France est celle du Sacré-Coeur!

Ah! nous l'aimons aussi votre admirable France!
Son nom est buriné dans le coeur de l'enfance
Et brille en lettres d'or sur tous nos monuments.

Par elle nos aïeux se sont couverts de gloire;
Or comment voulez-vous qu'en lisant leur histoire,
Nous n'aimions pas la mère autant que les enfants...

19 août 1891.

[Note 6: Madame de Cuverville, mère de l'amiral.]
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:48

UN NOM GLORIEUX


A MES PETITS ENFANTS

Rosa mystica.

Il est un nom que tout chrétien vénère
Et qu'il apprend à chérir au berceau,
Un nom qui brille au ciel et sur la terre,
Dans la cité, comme dans le hameau.

Un nom puissant qui calme l'onde amère
Et mène au port le fragile vaisseau,
Nom glorieux que des hommes de guerre,
En lettres d'or, mettent sur leur drapeau!

Et ce grand nom, c'est le vôtre, ô Marie!
Nom que redoute et respecte l'impie
Et que, parfois, il invoque à genoux...

Que votre nom, ô mère virginale!
Soit le dernier que notre bouche exhale
Quand s'ouvrira l'éternité pour nous!

1er mars 1892.
Najat
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poésie: Jean-Baptiste Caouette - Page 2 Empty Re: poésie: Jean-Baptiste Caouette

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