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poésie: Jean-Baptiste Caouette

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poésie: Jean-Baptiste Caouette Empty poésie: Jean-Baptiste Caouette

Message par Najat Ven 7 Mai - 17:25

PRÉFACE
Pourquoi une préface de moi, plutôt que d'un autre? Pour la plus simple
des raisons: nos écrivains redoutent de signer les premières pages du
libre d'un autre. Moi, non pas-et voici comment la chose m'apparaît.
Après avoir lu un livre imprimé, vous en faites la post-face, devant vos
amis, au cours de la conversation. Après avoir lu un livre manuscrit, je
donne mon commentaire au commencement du volume.

Vous pensez, peut-être, qu'une préface doit se composer de l'éloge de
l'auteur, et c'est là le sujet de votre timidité, mais moi qui ne paye
pas toujours en compliments, je n'ai jamais songé à cet obstacle. Étant
libre de mes allures, je remplis le moule aux préfaces de ce que j'ai
trouvé dans le livre.

Il y a trente ans, nous nous présentions nous-mêmes au lecteurs, attendu
que n'ayant presque pas d'ancêtres littéraires, nous ne savions par
quelle voie nous introduire au milieu du public.

Maintenant les jeunes se recommandent à nous: faisons aux autres ce que
l'on n'a pu faire pour nous. M. J.-B. Caouette est un débutant que je
vous présente parce que ayant fait la connaissance de ses vers, je les
trouve de bonne compagnie. Vous pourrez les lire sans vous compromettre.
C'est un bon Canadien de plus dans notre cercle, et si, un jour, il nous
échappe pour passer à la postérité, vous ne serez ni inquiets sur son
compte ni gênés de l'avoir connu. Pour le moment, ce travailleur est au
moins estimable; saluons son arrivée sur la scène.

Si je vous disais que M. Caouette se croit un grand homme et que c'est
ainsi que je le considère, vous vous moqueriez de nous; c'est pourtant
sur ce pied-là que l'on pose ordinairement un écrivain nouveau... à
moins qu'on ne l'exécute en le lapidant.

Parmi des vers fort bien tournés il s'en rencontre quelques-uns de tout
à fait prosaïques, par exemple:

...l'oeuvre utile et salutaire
Qu'on nomme le défrichement.

Mais il y assez de bonnes pièces pour sauver les Voix Intimes d'un
oubli prématuré. Le souffle religieux et national agite noblement un
grand nombre de pages, et cela suffirait pour valoir un accueil
favorable à leur auteur.

Publier un livre, c'est partir en guerre, s'exposer comme une cible,
attraper les rhumatismes de la critique, recevoir des coups de lance, se
faire pincer les chaires par des balles qui ricochent sans savoir où
elles vont; mais on est rarement tué à ce métier et, le plus souvent, on
y gagne de s'aguerrir et d'atteindre les plus hauts grades.

Il y a longtemps que le dicton roule de par le monde: «ce sont toujours
les mêmes qui se font tuer»-il n'y a donc pas trop de risques à
courir.-En avant les jeunes! C'est à notre tour à vous regarder faire.
Benjamin Sulte.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:26

LE BONHEUR


A MA FEMME

Où donc est le bonheur? disais-je.-Infortuné!
Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l'avez donné.
VICTOR HUGO


J'ai cherché vainement dans les bruyantes fêtes,
Où l'éclat des plaisirs éblouit tant de têtes,
Ce trésor précieux qu'on nomme le bonheur;
Je l'ai cherché d'abord sur le sol que je foule
En voulant soulever les bravos de la foule,
Et je n'ai recueilli qu'un éphémère honneur!

Pour le trouver, j'ai fait de pénibles voyages,
Franchi les flots amers, parcouru maints villages
Où la vive gaîté faisait battre les coeurs;
Mais, ô fatalité! la sombre nostalgie,
Ce désir violent de revoir la patrie,
Aggravait chaque jour le poids de mes malheurs!

Après avoir vécu sur la plage étrangère,
Sans ressource et craignant la main de la misère,
Je revins au pays avec le fol espoir
De trouver le bonheur en l'amitié sincère
D'hommes que mainte fois j'avais aidés naguère.
Mais les cruels ingrats rougirent de me voir!

Le bonheur!... pour l'avoir j'ai gravi le Parnasse
Sur la cime duquel les disciples d'Horace
Buvaient le doux nectar que leur versaient les dieux;
J'allais toucher au but, quand mon lâche Pégase,
Prenant un ton railleur, me lança cette phrase:
«Halte-là! car tu n'es qu'un intrus en ces lieux...»

Alors je m'écriai, dans ma douleur amère.
Où donc est le bonheur? Serait-ce une chimère
Qui redonne l'espoir à tout être souffrant?
Hélas! je le croyais... Mais dès le jour, ô femme,
Où les sons de ta voix firent vibrer mon âme,
Je goûtai du bonheur le délice enivrant!

Et depuis qu'à nos yeux-aurore fortunée-
S'alluma le divin flambeau de l'hyménée,
Le bonheur, tu le sais, nous souris toujours.
Il nous sourira même au sein de la souffrance,
Parce que nous plaçons toute notre espérance
Dans le Dieu qui bénit et féconde les jours!
Septembre 1886.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:26

RENOUVEAU

A M. BENJAMIN SULTE

Le doux printemps vient de paraître
Sous son manteau de velours vert,
Et déjà l'on voit disparaître
Tous les vestiges de l'hiver.

Son oeil à l'éclat de la braise:
A la chaleur de ses rayons
Naissent lilas, fleur, rose et fraise.
Abeilles d'or et papillons.

Les arbres engourdis naguère
Semblent dresser plus haut le front,
Car la nature, en bonne mère,
Verse la sève dans leur tronc.

Au plus épais de la ramure
Les oiseaux préparent leurs nids,
Sans s'occuper si la pâture
Ou le lin leur seront fournis.

Du sol jaillit plus d'une source
Que la froidure emprisonnait;
Et le ruisseau reprend sa course
A travers clos et jardinet.

Sur le bord de maintes rivières
L'on voit le castor vigilant
Transporter le bois et les pierres
Pour bâtir son gîte étonnant.

La brise, sylphide légère,
Fait la cour à toutes les fleurs,
Puis vole embaumer l'atmosphère
Des plus enivrantes senteurs.

De la cime de nos montagnes
Se précipite le torrent
Qui fertilise nos campagnes
Avec les eaux du Saint-Laurent.

A nos fenêtres, l'hirondelle
S'annonce par des cris joyeux;
Elle revient à tire-d'aile
Charmer les jeunes et les vieux.

Au palais comme à la chaumière,
La porte s'ouvre à deux battants:
Riche et pauvres ont soif de lumière
D'air pur, de parfums odorants.

Parfois l'on quitte sa demeure
Pour aller prendre un gai repas
Sur la pelouse où toute à l'heure,
Bébé fera ses premiers pas.

Plus loin les colons sur leur terre
Travaillent courageusement
A l'oeuvre utile et salutaire
Qu'on nomme le défrichement.

Les uns creusent, les autres sèment
Ou bien coupent les arbres morts;
Ces braves bûchent, chantent, s'aiment
Et dorment la nuit sans remords!

La fillette en robe de bure
Chante et cultive tout le jour;
Le soir venu, sa lèvre pure
Dira peut-être un mot d'amour!...

Oui, l'homme, les oiseaux, les plantes
Et l'onde aux bruits mystérieux
Mêlent leurs voix reconnaissantes
Pour célébrer le Roi des cieux.

Car tout ce qui vit et respire,
Tout ce qui chante, pleure ou croit,
Reconnaît qu'il est sous l'empire
D'un esprit souverain et droit!

Printemps, réveil de la nature,
Oh! sois le bienvenu toujours!
Quand tu parais, la créature
Espère encore des beaux jours!

C'est toi qui donnes à la plaine
Son riche et moelleux vêtement;
C'est toi qui fais germer la graine
D'où sortira notre aliment!
C'est toi qui rends au pulmonaire
La force et souvent la santé;
C'est toi que l'Indien vénère
En recouvrant la liberté!

O printemps, messager Celeste,
Admirable consolateur
Ton éclat seul manifeste
La puissance du Créateur!

4 juin 1887.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:27

SAMUEL CHAMPLAIN


A L'HONORABLE JUGE A. B. ROUTHIER.

Stadaconé trônait dans sa majesté vierge
Au-dessus des flots bleus que roulaient sur la berge
Avec un bruissement clair.
A travers les réseaux de la vigne embaumée
L'indigène vivait dans sa hutte enfumée,
Libre comme l'oiseau de l'air.

Sur l'immense plateau couronné de verdure,
Les linotte mêlaient leur gracieux murmure,
Aux suaves rumeurs des eaux.
Rien ne troublait alors l'harmonie enivrante
Que l'onde, les rameaux et la brise odorante
Versaient à la voix des échos.

Maintes fleurs au soleil entr'ouvraient leurs corolles
Où les abeilles d'or, inconstantes et folles,
Cueillaient le miel délicieux.
Stadaconé semblait tressaillir d'allégresse,
Et de chaque taillis un chant rempli d'ivresse
Montait avec l'arôme aux cieux.

Mais soudain des clameurs mystérieuses, vagues,
Ayant l'air de surgir des profondeurs des vagues,
Interrompent ce doux concert;
Un long serpent de feu court à travers l'espace,
Et la voix du canon-à la brise qui passe-
Lance un rugissement d'enfer!

Un sauvage, à ce bruit, de son wigwam se sauve,
Croisant dans la forêt plus d'une bête fauve
Prise d'un fol effarement;
Mais bientôt il s'arrête au bord d'une clairière,
Et sur le fleuve voit une souple voilière
Mouiller l'ancre à l'abri du vent.

Un homme jeune encore, à la vaillante allure,
Portant moustache noire et longue chevelure,
S'élance sur le sable roux.
L'indigène, charmé par le noble visage
De celui qui paraît le chef de l'équipage,
Va se jeter à ses genoux.

Quel est donc l'inconnu qui vient fouler ces grèves
Que l'enfant des forêts-voyant s'enfuir ses rêves-
Dispute aux blancs en souverain?
Sauvage, incline-toi devant ce nouveau père
Qui rendra ton pays civilisé, prospère!
Incline-toi devant Champlain!

Il vient, au nom du roi qui règne sur la France,
Dissiper les erreurs, le vice et l'ignorance
Dans les coeurs naïfs ou pervers,
Fonder en Amérique une humble colonie
De la France éclairant par son vaste génie
Tous les peuples de l'univers!

Levant de l'avenir un coin du voile sombre,
Il voit des ennemis le combattre dans l'ombre
Comme des tigres enragés;
Mais sa foi, ses vertus, son esprit, sa prudence,
Le feront triompher, avec la Providence,
Des ennemis et des dangers.

Après avoir gravi le rocher gigantesque
Et contemplé longtemps le table pittoresque
Qui s'offre à ses regards ravis,
Il regagne les flots du beau fleuve qu'il aime,
Et, tout près de ses bords, il travaille lui-même

A bâtir le premier logis.
Champlain vient de jeter les bases de la ville
Où fleurira bientôt la grande loi civile
A côté de la loi de Dieu.
Il apprend que du Val, un Français malhonnête,
Conspire contre lui: du Val meurt, et sa tête
Sanglante, est mise au bout d'un pieu!

Il est sévère, soit! mais juste et charitable;
Sa bourse, son coeur d'or, son logis et sa table
S'ouvrent à tous les malheureux.
Et les chefs des tribus algonquine et huronne,
Touchés de ses bienfaits, posent une couronne
Sur son front noble et radieux!

Cet humble hommage émeut son âme magnanime
Et l'attache encor plus à la charge sublime
Qu'il tient de son seigneur et roi;
Car puisque dans ces coeurs il a déjà fait naître
Un peu de gratitude, il y fera peut-être
Briller les rayons de la foi.

Il leur enseigne à tous l'art de l'agriculture,
Et, vrai Cincinnatus, commence une culture
Que dieu couronne de succès.
C'est lui qui, le premier, arrache à cette plage
Le secret de donner au blanc comme au sauvage
Le pain, ce levier du progrès!

Mais l'illustre Français ne voit pas tout en rose;
Son front serein naguère est maintenant morose:
Il pleure sur le sort des siens.
Ah! c'est que, par delà les monts et les rivières,
Habite une autre race, aux instincts sanguinaires,
Qui l'outrage et pille ses biens!

C'est la race iroquoise, avide et dominante,
Qui veut anéantir cette ville naissante
Et régner sur tout le pays.
Elle hait les Hurons et les visages pâles
Et caresse l'espoir d'ouïr leur derniers râles
Et de mordre à leurs flancs roussis!

Champlain s'efforce encor d'apaiser les colères
Des Algonquins qu'il a traités comme des frères.
Mais à sa voix nul n'est soumis.
Les Iroquois d'ailleurs-véritables colosses-
S'avancent, l'arme au poing, l'oeil et les traits féroces
Pour attaquer leurs ennemis.

Un chasseur, survenant, confirme la nouvelle
que deux cents Iroquois, pris d'une ardeur nouvelle,
Viennent pour un combat prochain.
«Alors, répond Champlain, puisqu'ils veulent la guerre,
«Et, par orgueil, rougir de leur sang cette terre,
«Ils seront exaucés demain!»

Le soir, notre héros, entouré de ses braves
Qui n'ont jamais connu la honte des entraves,
Marche au devant des Iroquois.
Il les rejoint à l'aube, au milieu de leur danse,
Aux bords du lac Champlain.-Assoiffés de vengeance.

Les Hurons vident leurs carquois.
Le soleil, qui se lève, embrase la ramée
Où se tiennent Champlain et sa modeste armée
Un ennemi vient les voir;
C'est un chef que distingue un panache de plumes,
Et son accoutrement diffère ses costumes
Des autres monstres à l'oeil noir.

Levant son arme, il dit, d'une voix sombre et dure:
«A tous ces gueux il faut ôter la chevelure,
«Et la faire flotter aux vents!»
Champlain, sortant du bois, au premier rang se place,
Et, d'un coup d'arquebuse, en abat trois sur place,
Le chef et ses premiers suivants!

Ce coup fameux inspire aux Iroquois la crainte;
Ils luttent chaudement, mais leur bravoure est feinte:
La frayeur se lit dans leurs yeux!
Ils reculent bientôt en cohorte confuse,
Épouvantés qu'ils sont par les coups d'arquebuse
Que Champlain décharge sur eux!

Voyez-les déguerpir, ces guerriers si terribles
Qui devaient déchirer de leurs ongles horribles
Les cadavres de leurs rivaux!
Ils sont lâches, c'est vrai, mais-tigres indomptables-
Ils voudront assouvir leurs haines implacables
Contre Champlain et ses héros.

Les ans passent. Champlain quitte la colonie
Pour aller demander à la France bénie
Les soldats de la vérité.
Car ce n'est pas, dit-il par la poudre et les balles
Qu'on pourra subjuguer ces bandes cannibales:
Du prêtre il faut la charité!

Il revient au printemps, le coeur rempli de joie,
Avec de fiers colons que la patrie envoie
Escortés de religieux.
A sa charge il pourra se livrer sans relâche,
Laissant aux récollets la grande et sainte tâche
De gagner des âmes aux cieux!

Il fonde, il établit de florissants villages
Où naguère émergeaient des bourgades sauvages
Couvertes d'un maigre gazon;
A la brise aujourd'hui le blé d'or s'y balance,
Promettant au colon la joie et l'abondance
Pour les jours de l'âpre saison.

Il instruit l'ignorant, soulage l'infortune
Fait voir aux ennemis l'horreur de la rancune
Et prêche la fraternité;
Il soutient des combats qui le couvrent de gloire,
Et pose les jalons d'une héroïque histoire
Qu'il lègue à la postérité!

Québec n'est plus ce roc à l'aspect morne et sombre
Où venaient autrefois se reposer à l'ombre
Le chevreuil, la biche et l'élan.
La vigne et le noyer sont tombés sous la hache
La nature a jeté son large et vert panache

Pour se couvrir du drapeau blanc!
L'harmonie et l'amour ne sont plus dans les branches
Où l'oiseau se cachait, mais dans les maisons blanches
Pleines d'enfants frais et mignons.
Là vit de ses sueurs un petit peuple brave
Qui peut déjà répondre à l'Anglais qui le brave:
«J'attends l'effet de vos canons!» [1]

[Note 1: Réponse de Champlain à la sommation de David Kertk, 10 juillet
1628.]

Un peuple de héros à la trempe athlétique,
A l'âme généreuse, au coeur patriotique,
Luttant pour la France et ses droits:
Un peuple qui bénit du prêtre l'influence
Et coule sur ce sol une heureuse existence
A l'ombre sainte de la croix!...

C'est ton oeuvre, Champlain, ô gouverneur illustre!
C'est toi qui fis grandir, en lui donnant ton lustre,
Ce peuple honnête et vigoureux;
C'est toi qui le soutins aux heures de l'épreuve;
C'est toi qui l'attachas aux rives de ce fleuve;

C'est toi qui le rendis heureux!
Un quart de siècle et plus, tu manias sans trêve
La charrue ou l'outil, la parole ou le glaive
Pour assurer son avenir.
Et quand la mort parut au seuil de ta demeure,-
Où le peuple assemblé pleurait ta dernière heure,-
Sans trembler tu la vis venir!

Bien des ans ont passé depuis que ta grande âme
S'est envolée aux cieux, et la patrie acclame
Ton nom toujours retentissant.
Vois-grain de sénevé que tu jetas en terre-
Ces millions de coeurs te proclament leur père
De ce pays libre et puissant!

Ils rêvaient d'ériger sur le haut promontoire
Où ton astre brillant se coucha dans sa gloire,
Un bronze digne de renom;
Et ce rêve aujourd'hui, Champlain, se réalise:
Le peuple de Québec de zèle rivalise
Pour immortaliser ton nom.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:28

ENVOI

On sait que l'éloquence avec la poésie
Vous nourrirent jadis de leur douce ambroisie.
Car votre langue, ô maître! est une lyre d'or
Réveillant même ceux que l'ignorance endort!

Le ciel vous donna l'art de plaire et de convaincre
Et celui de combattre une erreur et la vaincre...
Ah! c'est que votre coeur exhale des accents
Doux comme le cinname et purs comme l'encens!

Vous aimez-quand le peuple, enchanté, vous acclame,
A parler, l'oeil humide, et la fierté dans l'âme,
De ces illustres morts qui furent nos aïeux
Et dont les grands exploits vous rendent orgueilleux;

Alors vous recevrez, j'en ai la confiance,
Avec votre sourire et votre bienveillance,
Ces vers que je redis en l'honneur du chrétien
Que vénère et bénit le peuple canadien!

Avril 1891.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:28

LA PRESSE CANADIENNE


A L'HONORABLE HECTOR FABRE

Nos bardes tour à tour ont chanté la ramure,
La brise, le soleil, et l'oiseau qui murmure
En voltigeant de fleur en fleur;
De notre peuple ils ont célébré l'espérance,
Les qualités, la foi, les vertus, la souffrance,
Le dévoûment et la valeur.

Ils ont, les yeux fixés aux pages de l'Histoire
Redit avec orgueil l'éclatante victoire
De nos soldats à Carillon;
Et moi, le plus obscur du groupe littéraire,
J'ose venir chanter, d'une voix téméraire,
L'honneur d'un autre bataillon.

Ce bataillon figure en nos belles annales;
C'est lui qui défendit nos lois nationales
Conte un farouche potentat;
C'est lui qui détrôna l'infâme oligarchie,
Qui, méprisant nos droits, voulait par tyrannie
Régner et posséder l'état!

Il essuya d'abord outrage sur outrage,
L'exil et la prison; mais, sans perdre courage,
Dans sa lutte il persévéra.
Alors, nos ennemis, plus orgueilleux que braves,
Cessèrent à regret de mettre des entraves,
Et l'oligarchie expira...

Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,
Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse
Une couronne en ce beau jour! [2]
Car en brisant les fers de notre servitude,
Il s'est acquis des droits à notre gratitude,
A notre estime, à notre amour!

[Note 2: Fête nationale des Canadiens-Français, 24 juin 1888.]

Et depuis lors, veillant comme une sentinelle
A la sécurité de la nef fraternelle
Qui porte les deux nations,
La Presse jetterait le premier cri d'alarme
Si le tyran d'hier osait reprendre l'arme
Pour briser nos traditions!

Jamais ne sonnera cette heure malheureuse
Où notre beau pays, dans une guerre affreuse,
Verrait ses fils s'entrégorger.
Non! car les mêmes voeux de paix et d'espérance
Font battre tous les coeurs de la Nouvelle-France,
Et nul ne songe à se venger!

La Presse canadienne honore notre race;
Elle suit pas à pas la glorieuse trace
Du grand Bédard, son fondateur;
Comme lui sans faiblesse, elle flétrit le vice,
Exalte la vertu, flagelle l'injustice,
Défend l'Église et le pasteur.

Elle inspire le goût de la littérature,
Favorise les arts, surtout l'agriculture,
Cette mère du genre humain.
Toute oeuvre intelligente, honnête, généreuse,
Tout ce qui fait enfin notre existence heureuse,
Porte l'empreinte de sa main!

Devant ce bataillon qui s'appelle la Presse,
Chapeau bas, Canadiens! Et que chacun lui tresse
Une couronne en ce beau jour!
Car en brisant les fers de notre servitude
Il s'est acquis des droits à notre gratitude,
A notre estime, à notre amour!
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:29

LA NUIT DE NOËL


A M. J-C TACHÉ, OTTAWA

Au pied de sa couche grossière
Le petit pauvre a mis son bas,
En murmurant cette prière:
Bon Jésus, ne m'oubliez pas!

Il ne sait point que la misère
Plane au-dessus de son réduit,
Et que sa malheureuse mère
N'a fait qu'un repas aujourd'hui!

Il ignore donc, à son âge,
Que l'on peut souffrir de la faim,
Et qu'un firmament sans nuage
Peut devenir sombre demain.

Il ne sait qu'une seule chose:
C'est la grande nuit de Noël,
La nuit où l'enfant Jésus rose
Apporte des présents du ciel.

Il s'endort sous des draps de laine,
L'un sur l'autre assez mal cousus;
Mais ces draps valent bien l'haleine
Du boeuf qui soufflait sur Jésus!

Des songes d'or bercent son âme;
Il voit, dans l'ombre qui grandit,
Un esprit aux ailes de flamme,
Voltiger autour de son lit,

Et dans son bas mette un mélange
De fruits vermeils et de bonbons;
Puis le rêveur, d'un geste étrange,
tends les menottes vers ces dons...

Debout, la mère est là qui pleure,
Le coeur brisé par le chagrin,
Car pas d'argent dans la demeure,
Et pas un seul morceau de pain.

Un douloureux transport l'agite;
Son regard se voile un instant;
Son coeur à se rompre palpite,
Et son esprit va délirant:

«Dieu donne au riche l'opulence
Avec la joie et le bonheur;
Au pauvre, il donne l'indigence
Avec l'envie et la douleur!

«Le riche emplit de friandises
Le bas soyeux de son bambin
Et moi je n'ai que des reprises
A faire au bas de l'orphelin...

«Mais je blasphème, ô Dieu! pardonne,
Dit-elle, en tombant à genoux!
Ma pauvre langue déraisonne,
Car c'est toi qui veilles sur nous.

«Sombre ou rose est notre existence:
De ton amour c'est le secret;
A notre âme il faut la souffrance,
Comme à l'or il faut le creuset.»

Minuit sonne. La cloche appelle
Le peuple auprès du saint berceau;
La veuve, à cette voix si belle,
Éprouve un sentiment nouveau.

«Pendant que mon ange sommeille,
Fait-elle, en essuyant ses yeux,
Allons à la crèche vermeille
Adorer l'envoyé des cieux.»

Dans le temple de la prière
Elle pénètre en chancelant,
Car la douleur et la misère
Ont rendu son corps défaillant.

Près d'elle, un homme charitable
qui compte déjà de longs jours,
Devine, à son air lamentable,
Qu'elle végète sans secours.

Il la connaît et la vénère,
Et désirant l'aider un peu
Il sort et vole à la chaumière
De celle qui prie au saint lieu.

Sans effort il ouvre la porte,
La porte fermée au loquet,
Dépose le falot qu'il porte
Et met sur la table un paquet.

Il va sortir, quant la voix fraîche
De l'enfant bredouille tout bas:
«Le bon Jésus sort de la crèche
pour emplir tous les petits bas!»

L'homme, ému par ce songe étrange,
Fuit et revient en quelques bonde
Glisser dans le bas du bel ange
Des pièces d'or et des bonbons...

Il est jour. Le soleil inonde
La chaumière de mille feux.
Soudain, levant sa tête blonde,
L'enfant pousse des cris joyeux.

La mère, à ces tons d'allégresse,
Se lève et croit rêver encor!
L'enfant l'embrasse et la caresse
En lui montrant les pièces d'or.

Sauvés! Sauvés exclame-t-elle!
-Enfant, d'où vient ce trésor-là?
-Mère, la chose est naturelle:
Il vient du bon Jésus, voilà!

Intelligente autant que sage,
La mère devine à l'instant;
Et, décrochant une humble image,
Elle dit en s'agenouillant:

«Enfant, devant cette madone,
Disons, en ce jour solennel:
Oh! bénissez celui qui donne
L'or et les bonbons de Noël!»

27 décembre 1890.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:29

L'HIRONDELLE


C'était un jour de juin. Sous la verte ramée
L'onde et l'oiseau mêlaient les accords de leurs voix.
Le soleil argentait la pelouse embaumée
Et la brise agitait le grand clavier des bois.

Je contemplais, poésie: Jean-Baptiste Caouette 923781, l'orgueilleuse nature
Déroulant au regard ses féeriques splendeurs,
Quand, soudain, j'aperçus au fond de la ramure
Un petit chantre ailé volant de fleur en fleur.

Je m'approchai-c'était la gentille hirondelle
Qui saluait l'aurore aux brillantes couleurs;
Joyeuse, elle égrenait sa tendre ritournelle
Dans l'air tout imprégné d'agréables senteurs.

Oh! sois la bienvenue, hirondelle vaillante,
Compagne de la rose, oiseau consolateur!
Lorsque tu viens, petite, une joie éclate
Illumine le front du pauvre moissonneur!

Tu veilles sur le grain, de village en village,
Et sais le protéger contre le moucheron;
Chaque été tu poursuis ta tâche avec courage
En brisant sans pitié l'insecte et l'embryon!

Le riche a ses oiseaux qu'à prix d'or il achète,
Oiseaux bariolés comme les arcs-en-ciel,
Qui soupirent leurs chants, ainsi qu'une fillette,
Pour de légers gâteaux ou des rayons de miel.

L'hirondelle se rit des naïves caresses
Que le riche prodigue à ses oiseaux aimés;
La liberté, voilà sa corbeille d'ivresses!
Elle aime le grand air et les nids parfumés.

Elle habite partout: la terre est sa patrie.
Des rivages du Gange aux bords du Saint-Laurent,
Le laboureur l'accueille avec idolâtrie,
Car cet oiseau, pour lui, c'est plus qu'un conquérant!

Puis quand le morne hiver, cet hôte impitoyable,
Déroule sur nos prés son tapis de frimas;
Quand le nid des amours devient inhabitable,
Elle prend son essor, vers de plus chauds climats.

Poussant son vol altier à travers les empires,
Les fleuves, les déserts, les pics vertigineux,
Elle berce en volant, sur l'aile des zéphires
Ses suaves accords qui montent vers les cieux.

Mais vienne le printemps avec ses nids de mousse,
Son radieux soleil, ses bosquets enchantés,
On la voit aussitôt, comme une amante douce,
Joyeuse, revenir aux lieux qu'elle a quittés.

Puissé-je encor longtemps, ô gentille hirondelle,
Écouter ta romance et tes cris de bonheur!
Ah! reviens sous nos cieux, messagère fidèle,
Mettre un rayon d'espoir dans notre pauvre coeur!

Juin 1878.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:30

A MON PÈRE


Quand la première fleur au champ des morts rayonne,
J'aime à te visiter, ô modeste colonne,
Qui rappelles le nom de mon père chéri;
Devant toi je m'incline en fermant les paupières,
Et mon âme redit de ferventes prières
Pour le chrétien qui dort sous ce gazon fleuri.
Méprisant les honneurs que l'orgueilleux envie,
Sans fiel il traversa le sentier de la vie
En pratiquant toujours la foi de ses aïeux.
Il n'aura pas sa place aux pages de l'histoire,
Mais son nom restera gravé dans la mémoire
Des plus pauvres que lui qu'il aida de son mieux.

Il est là, maintenant, sous quelques pieds de sable,
Cet honnête vieillard, doux, généreux, affable,
Qui ne faillit jamais aux règles de l'honneur.
Chrétiens, qui visitez ce sombre coin de terre,
Où l'oiseau, plein d'émoi, gazouille avec mystère,
Ah! daignez pour mon père implorer le Seigneur!

12 juillet 1883.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:30

BOUQUET DE VIOLETTES



L'ÉPÉE ET LA CHARRUE

Nos aïeux, sur ce sol, avec leur fière épée
Ont écrit ce grand mot: civilisation!
Nous, avec la charrue, achevons l'épopée
Par ce terme viril: colonisation!

LA PRESSE

La presse, c'est le phare illuminant le monde,
Le phare qui répand sa lumière féconde
Dans les nombreux esprits où l'erreur existait.
Mais la mauvaise presse attaque la morale
Sape l'autorité, provoque le scandale
Et renverserait tout, si Dieu ne l'arrêtait!

RICHESSE ET PAUVRETÉ

De la richesse naît quelquefois l'avarice,
Et le coeur de l'avare est toujours malheureux;
Mais de la pauvreté jamais ne vient ce vice
Voilà pourquoi le pauvre est si souvent joyeux.

L'ORPHELINE ET SA MÈRE

Une orpheline, un jour, demandait à sa mère
Pourquoi, soir et matin, elle priait Jésus?
C'est que, répondit-elle, en lui je vois un père
Qui remplace celui que tu n'embrasse plus!

LE DOIGT DE DIEU

Par un froid de décembre, une tremblante mère
Chez un riche orgueilleux alla tendre la main;
Le riche en blasphémant repoussa sa prière,
Mais l'ange de la mort le foudroya soudain.

LA RECONNAISSANCE

Tout bienfaiteur a droit à la reconnaissance;
L'être suprême à qui nous devons l'existence
A les prémices de ce droit.
C'est un devoir auquel chaque bienfait nous lie,
Et l'ingrat est un monstre indigne de la vie,
Un être à l'esprit trop étroit!

MA POLITIQUE

Ma politique à moi, voulez-vous la connaître?
-Non, dites-vous?-Alors, ce sera plus tôt fait!
D'ailleurs, je vous dirais qu'elle est encore à naître:
Quoi! cela vous étonne? et pourtant c'est un fait.

A NOS FRÈRES EXILÉS

O frères, qui vivez loin de notre patrie
Et qui gardez encore avec idolâtrie
Les coutumes, les moeurs et la foi des aïeux,
Soyez bénis! Nos coeurs caressent l'espérance
Qu'un jour vous reviendrez dans la Nouvelle-France
Partager nos travaux et leurs fruits glorieux!

AH! LES ENFANTS!

Bébé fait le malin depuis une heure entière,
Et la faible maman ne peut le maîtriser.
Soudain le père arrive et se met en colère,
Mais bébé l'adoucit avec un seul baiser...

LES PARVENUS

Il est des parvenus qui croient, dans leur folie,
Que la toilette et l'or éclipsent le génie,
Et que tous leurs désirs doivent être exaucés.
Erreur! car ici-bas le génie est le maître,
Et quand ces pauvres sots s'efforcent de paraître,
Ils sont pris en pitié par les hommes sensés!

TEL PÈRE, TEL FILS

Autrefois, j'ai connu, tout près de cette ville,
Un gamin de neuf ans qui blasphémait déjà.
«Enfant, lui dis-je un jour, cette habitude est vile.
«Monsieur, répondit-il, je fais comme papa!»

LE MOT PATRIE

Le mot patrie est doux à l'oreille de l'homme;
L'enfant, sans le comprendre, avec amour le nomme;
L'adulte en l'entendant sent palpiter son coeur.
A ce mot nous volons sur le champ de bataille,
Et pour lui nous bravons le fer de la mitraille;
Ce mot veut dire enfin: pays, famille, honneur!

22 octobre 1887.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:31

LA SAINT-JEAN-BAPTISTE


A M. AMÉDÉE ROBITAILLE
Président général de la société St-Jean-Baptiste.

Quand brille à l'horizon le jour de la patrie,
Les Canadiens-Français, l'âme toute attendrie,
Célèbrent des aïeux les vertus, les exploits;
Et, léguant à l'oubli tout ce qui les divise,
Ils suivent l'étendard qui porte leur devise:
«Nos institutions, notre langue et nos lois!»

Ils marchent, le front haut, sur ce sol où leurs pères
Ont posé les jalons de ces villes prospères
Que le touriste admire aux bords du Saint-Laurent.
Ils s'arrêtent parfois dans leur pèlerinage
Pour saluer le nom d'un noble personnage
Buriné sur l'airain d'un humble monument.

Ils vont se recueillir un instant dans le temple
Sous le tendre regard de Dieu qui les contemple
Et les fait triompher d'ennemis dangereux;
Ils retrempent leur foi-la foi des leurs ancêtres-
Que savent leur transmettre une foule de prêtres
Aussi braves et saints que Brébeuf et Buteux.

Et lorsqu'ils ont offert au ciel un pur hommage,
Ils retournent chacun festoyer sous l'ombrage
Des érables plantés en l'honneur de saint Jean.
O les joyeux refrains que chantent les poitrines
Que de mots répétés par des voix argentines
Et qui mettent la joie au coeur de l'indigent...

Puis, le soir, ils s'en vont sur la place publique
Où d'éloquents tribuns, à la voix sympathique,
Redisent la valeur de ceux qui ne sont plus;
Il sont heureux d'entendre exalter la mémoire
De ces fameux héros dont nous parle l'histoire,
Et jurent d'imiter leurs brillantes vertus!

O Canadiens-Français d'une même croyance,
Vous dont le fier esprit égale la vaillance,
Fêtez avec éclat ce jour!
Portant de Carillon l'immortelle bannière
Allez au champ d'honneur vénérer la poussière
Des guerriers morts pour votre amour!

Juin 1889
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:31

IL SERA PRÊTRE!


A MADAME L. G. V...

Le prêtre est un pont jeté entre le ciel et
la terre. Le jour où il n'y aurait plus
de prêtres, le monde s'abîmerait dans une
immense ruine.


C'était un beau matin. Les cloches de l'église
Mêlaient joyeusement aux accords de la brise
Leurs sons harmonieux;
Le peuple agenouillé dans notre basilique,
Adressait en son coeur une douce supplique
Au Monarque des cieux.

A l'autel se tenaient douze jeunes lévites
Venus pour dire au monde, aux plaisirs illicites
Un éternel adieu;
Leurs lèvres murmuraient d'ineffables prières
Et des larmes d'amour nageaient sous leurs paupières
Quand ils firent le voeu.

Que c'est donc merveilleux cette cérémonie!
Quel cachet de grandeur, de sainte poésie
Ne contient-elle pas?
Et ces fils d'Adam, nés comme nous dans les larmes,
Livreront à satan et ses compagnons d'armes
Des valeureux combats!

Quelle langue pourrait, ô noble et digne femme!
Exprimer le bonheur dont fut pleine votre âme
Au «voeu» de votre enfant?
Ah! vous étiez heureuses au delà de tout rêve,
Car l'évêque sacrait, ô pauvre fille d'Ève,
Le sang de votre sang!

Oui, vous étiez heureuse, ô bonne et tendre mère,
Plus que si des honneurs la couronne éphémère
Eût ceint ce front aimé;
Heureuse jusqu'au point de croire que Dieu même
N'avait jamais offert de plus beau diadème
En son ciel embaumé.

Réjouissez-vous bien, naïve et sainte femme!
Exaltez cet enfant que l'Église proclame
Un dévoué pasteur;
Contemplez son regard où la pureté brille,
Son front calme et serein où la grâce scintille,
Ses traits pleins de douceur!

Vous l'aimiez!... Cependant lorsqu'il vous fit connaître
Que le ciel l'appelait à devenir un prêtre,
L'ami des malheureux,
Alors vous avez dit, avec le saint prophète;
«Que votre volonté, verbe divin soit faite
Ici-bas comme aux cieux!»

Il sera prêtre! Ainsi, joyeux, il abandonne
Les passagers plaisirs auxquels l'homme s'adonne,
Et qui font son malheur;
Il quitte sans regret amis, parents richesses;
Son coeur-brûlant foyer des pures allégresses-
Palpite avec ardeur!

Ses mains que pressiez jadis avec tendresse,
Toucheront désormais, durant la sainte messe,
Le corps, le sang de Dieu;
Ses pieds qu'avec amour vous baisiez dans les langes
Serviront à porter l'auguste pains des anges
Aux mortels, en tout lieu!

Femme, vous n'aurez pas l'orgueil d'être grand'mère,
Mais votre fils unique aura, sur cette terre,
Une postérité:
Elle renfermera le grand, le prolétaire;
Le vieillard et l'enfant le nommeront «mon père»,
L'oeil brillant de fierté.

Il sera prêtre! Aussi que de brebis errantes
Reprendront sous ses soins, heureuses, repentantes,
La route du bercail;
Et que de malheureux, guidés par sa parole,
A son exemple, iront, de l'Équateur au Pôle,
Achever son travail!

Nouveau Vincent de Paul, cet homme charitable
Pressera sur son sein le pauvre misérable,
Abandonné de tous;
Il lui prodiguera les plus grandes tendresses,
Et ce pauvre, touché, contera ses faiblesses
En tombant à genoux!

Puis, lorsque les méchants, le coeur rempli de rage
Maudiront, saliront de leur ignoble outrage
L'apôtre du Seigneur,
Alors cet homme saint sentira dans son âme
Un amour plus ardent, une plus vive flamme
Pour le faible pécheur?

Il est consacré prêtre! Et vous, sa bonne mère,
Vous goûtez ardemment sa parole sincère,
Pleine d'émotion.
Vous assistez tremblante, à la première messe
De ce fils qui vous donne-ô sublime caresse!-
Sa bénédiction...

Femme, allez maintenant à vos oeuvres pieuses,
Et lorsque sonneront les heures douloureuses,
Pensez à votre enfant;
Pensez aux doux bienfaits qu'il sème sur la terre:
Ce souvenir sera le baume salutaire
De votre coeur souffrant

Juin 1879.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:31

LE FAUBOURG SAINT-ROCH


Le vieux faubourg Saint-Roch s'incline sur le bord
De l'anse sablonneuse où le Saint-Charles endort
Son flot bleu qui palpite;
C'est là que la vertu romaine vit toujours
Et que sa mâle voix-sa voix des anciens jours-
Parle à des coeurs d'élite!

C'est là que Cartier vint, pour la première fois,
Ennoblir notre sol en y plantant la croix
Sous l'ombrage des hêtres;
C'est là que sont empreints les pas des découvreurs,
C'est là qu'ont abordé nos vaillants laboureurs
Avec nos premiers prêtres!

C'est là d'où sont partis ces humbles conquérants
Qui portaient à travers forêts, monts et torrents
La parole bénie
A l'enfant des déserts que la foi réclamait...
C'est enfin le berceau grandiose où germait
La noble colonie!

J'aime ce vieux faubourg coquet et florissant,
Où le riche à sa table accueille le passant
Qui demande une obole;
Car c'est là que s'exerce avec simplicité
La bienfaisante loi de l'hospitalité
Qui ravit et console!

Oui, je t'aime, ô Saint-Roch! A ton passé rêvant,
Parfois je crois ouïr un poème émouvant
Dans la rumeur de l'onde
Où se mirent les toits de la fière cité
Dont l'immortel Champlain devina la beauté
Qui charme le Vieux-Monde!

Je t'aime! car je sais qu'à l'ombre de la croix
Vaillamment tu luttas pour défendre nos droits
Contre le despotisme;
Et qu'en toi bat le coeur de notre nation;
O boulevard béni de la religion
Et du patriotisme!

Mai 1880.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:32

A LA BRISE


Haleine du printemps, ô brise parfumée,
Errant de fleur en fleur, de vallon en vallon!
L'amoureux, pour ouïr ta roulade animée,
S'arrache sans regret aux plaisirs du salon.

Il place sur ton aile, aimable messagère,
Ses longs soupirs d'amour, ses rêves de bonheur,
Et tu vas les porter à l'amante sincère
Qui, là-bas, les reçoit dans les plis de son coeur.

Que de fois le poète a redit sur sa lyre
Les gracieux accords qui vibraient dans ta voix,
Et que de fois l'oiseau dans un joyeux délire
S'est mis à les chanter sous les arceaux des bois!

O brise enivre-moi longtemps de ton arôme!
Viens rafraîchir mon âme où germe la douleur!
Passe devant mes yeux comme un léger fantôme,
Et porte jusqu'à Dieu l'écho de mon malheur!

Mai 1882.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:32

OCTAVE CRÉMAZIE

Prions pour l'exilé, qui, loin de sa patrie,
Expira sans entendre une parole amie;
Isolé dans sa vie, isolé dans sa mort,
Personne ne viendra donner une prière,
L'aumône d'une larme à la tombe étrangère!
Qui pense à l'inconnu qui sous la terre dort?
OCTAVE CRÉMAZIE.


S'il est un nom qui rime avec la poésie,
C'est celui de l'illustre Octave Crémazie,
Le nom d'un barde bien-aimé;
D'un barde qui creusa, comme le vieil Horace
Dans le champ du génie une profonde trace
Que suivent Fréchette et Lemay.

Bien des fois, secouant sa sombre rêverie,
Il chanta sur son luth l'amour de la patrie
Et les vertus de nos aïeux;
Du prêtre canadien il chanta la science,
La foi, la charité le dévouement immense
Et les triomphes glorieux!

En pleurant il chanta le drapeau de la France,
Ce riche talisman, témoin de la vaillance
De nos soldats à Carillon;
A ce vieux drapeau blanc environné de gloire,
Rappelait à son coeur la plus belle victoire
Qu'eût remportée un bataillon!

Il chanta les vallons tapissés de verdure
Que le ciel a jetés, ainsi qu'une bordure,
Sur les rives du Saint-Laurent;
Il chanta les ruisseaux, les lacs et les rivières
Qui fécondent le sol, et les cimes altières
Où gronde et bondit le torrent.

Il chanta tour à tour le zéphyr, l'hirondelle,
Le site merveilleux de notre citadelle
Et nos modestes monuments.
La foi de nos martyrs inspirait ses mélanges
Qui semblaient aussi doux que les hymnes des anges
Envolés au souffle des vents!

Mais un jour-oubliant la sainte poésie-
Il eut, dans un moment de gêne et de folie,
Une coupable illusion:
Comme l'arbre géant brisé par la tempête,
Le poète courba sa belle et noble tête
Sous la peine du talion...

Bien des ans ont passé depuis cette heure sombre!
Crémazie, en voyant à son étoile une ombre,
A fui le lieu de ses malheurs...
Il a vécu longtemps sur la terre étrangère,
Abandonné de tous, en proie à la misère,
Vidant la coupe des douleurs!

Aujourd'hui... mais silence!... Il sommeille sous terre
Dans un coin de la France, au fond d'un cimetière,
Où nul peut-être ne priera...
L'inexorable mort l'a couché dans la bière
En attendant qu'un jour revienne sa poussière
En ce pays qu'il illustra!

Reçois avec tendresse, ô barde que j'admire,
Ces vers que je redis sur ma craintive lyre,
Et que l'amitié m'inspira!
Puisse les Canadiens dresser à ta mémoire
Sur le roc de Québec un monument de gloire!
Et l'Amérique applaudira!

1er août 1877.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:32

LA CITÉ DE CHAMPLAIN


Assise sur un roc où notre espoir se fonde,
Tu mires ta grandeur dans la vague profonde
Du fleuve Saint-Laurent;
Tes vieux créneaux noircis par la poudre et la flamme
Ont l'air de regarder s'envoler la grande âme
De Montcalm expirant!

Aux jours anciens, la voix de la mitraille
Sur tes remparts a retenti souvent;
Et l'étranger sur ta haute muraille
Peut lire encore ce poème éloquent.
Un siècle et plus, les enfants de la France
Ont répandu pour toi leur noble sang,
Mais délaissés par une vile engeance,
Ils t'ont perdue avec le drapeau blanc...

Depuis longtemps l'amour et l'harmonie
Ont remplacé les haines d'autrefois;
Et l'Angleterre avec art s'ingénie
A rendre heureux les rejetons gaulois.
Si dans ton sein la lutte recommence
Entre ces coeurs vibrant à l'unisson,
C'est une lutte où l'esprit, la science
Ont plus de part que l'éclat du canon!

24 juin 1885
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:33

UN ORPHELIN [3]

[Note 3: Joseph-Orance de Grandbois, né à Saint-Casimir, comté de
Portneuf, le 3 mai 1884, devint orphelin de père et de mère à l'âge de
deux ans, et fut confié aux révérendes Soeurs de la Charité de Québec,
le 17 mars 1886. Le 11 juin de la même année, M. l'abbé H.-R.
Casgrain.-qui avait été chargé par le comte A.-H. de Villeneuve, de
Paris, France, de lui choisir un petit orphelin canadien-français, qu'il
désirait adopter pour son enfant-vint chercher Joseph-Orance qu'il
envoya à Paris sous les soins d'une brave femme de Saint-Casimir, nommée
Béonie Hardy. Le 8 novembre 1890, l'honorable M. H. Mercier, premier
ministre de la province de Québec, présenta à la législature un projet de
loi pour permettre à l'heureux orphelin d'ajouter à son nom celui de
«de Villeneuve». Aujourd'hui l'enfant est l'unique héritier d'un titre
honorable et d'une immense fortune.]


Joseph-Orance avait la beauté pour parure;
De longs et noirs cheveux encadraient sa figure
Pleine de grâce et de candeur.
Un sourire angélique ornait sa bouche rose
Qui déjà soupirait une prière éclose
Dans les plis de son tendre coeur.

A peine deux printemps doraient sa belle tête,
Que la mort lui ravit-ô terrible conquête!-
Famille, appui, félicité!
Mais Dieu prit l'orphelin sous sa puissante égide
Et lui donna pour mère et pour fidèle guide
Une des soeurs de charité.

Les soeurs de charité! quelles femmes divines!
Et qui peut dignement chanter ces héroïnes
Que vivent dans l'humilité?
Pour sauver l'orphelin de l'affreuse indigence,
Former sa foi, son coeur et son intelligence,
Elles épuisent leur santé!

Qu'il fasse chaud ou froid, qu'il vente, pleuve ou grêle,
Elles vont mendier, d'une voix faible et grêle,
Pour l'enfant que prie au saint lieu.
Et l'homme que leur voix attendrit et console,
Leur verse avec bonheur dans la main une obole
Qui réjouit le coeur de Dieu!

Oui, ces soeurs-que la providence
Éprouve et bénit tour à tour-
Accueillirent Joseph-Orance
Avec un vrai transport d'amour.

Et le bel ange oublia vite
Le pauvre toit de ses aïeux,
Puisqu'il avait-outre le gîte-
Trouvé des coeurs affectueux.

Ses yeux rayonnaient d'allégresse;
Ses lèvres gazouillaient toujours;
Ses mains ne donnaient que caresse
A celles qui charmaient ses jours.

Oh! que de chauds baisers sa bouche
Imprimait au front de la soeur,
Qui penchée auprès de sa couche,
Lui parlait du divin Sauveur!

En savourant ce pur langage,
Plus doux que le chant de l'oiseau,
Il croyait voir l'auguste image
De la Vierge sur son berceau!

Et lorsqu'il entendait redire
Le nom si doux de l'Éternel,
Alors on le voyait sourire
Et tourner ses yeux vers le ciel.

Le soir, en fermant sa paupière,
Il bredouillait du fond du coeur
Cette humble et magique prière:
«Veillez toujours sur moi, Seigneur!»

Dans la saison des fleurs de la présente année,
Par une radieuse et chaude matinée,
Un prêtre en cet asile entrait;
Il était le porteur d'un aimable message,
Et la joie éclairant son austère visage
Mieux que sa bouche l'annonçait.

«Mes bonnes soeurs, dit-il, j'arrive de la France,
Et je viens en votre âme adoucir la souffrance
Que le ciel y verse souvent;
Un comte de Paris, pieux et charitable,
Voudrait pour héritier de son titre honorable
Un orphelin intelligent;

«Un orphelin issu d'honnêtes père et mère,
Ayant un doux visage, un noble caractère
Et du goût pour la piété;
Il ferait à l'enfant une heureuse existence
Et lui mettrait en main l'arme de la science
Pour défendre la vérité!

«Je vois dans cet asile un essaim de beaux anges
Dont les ris et les chants-harmonieux mélanges-
Pourraient nous faire rajeunir...
Je laisse à votre esprit le soin patriotique
De choisir l'orphelin que ce grand catholique
Destine au plus bel avenir!»

Joseph-Orance obtint la palme sur le nombre;
Mais son front se couvrit d'un nuage bien sombre
Lorsqu'on le mit dans le secret...
Et la soeur Saint-Vincent, qu'il appelait sa mère,
Ne pouvait voir partir, sans une peine amère,
Cet orphelin qu'elle adorait!

Le petit se cachait dans les plis de sa robe:
Telle contre une fleur l'abeille se dérobe
A l'oeil du ravisseur sournois!
Et la Soeur voulait dire à ce joli rebelle:
«Va donc, ô mon enfant, où le destin t'appelle!»
Mais la douleur glaçait sa voix.

Le prêtre avait prévu les larmes douloureuses
Que verseraient l'enfant et les religieuses
A l'heure triste des adieux;
Aussi, pour les sécher, trouva-t-il des paroles
Pures comme le miel qui tombent des corolles,
Et douces comme un chant des cieux!

Levant de l'avenir un coin du voile rose,
Il peignit à l'enfant le destin grandiose
Que le Seigneur lui réservait.
Les pleurs brillaient encor sous plus d'une paupière,
Mais de tous ces coeurs purs une ardente prière
Vers le vaste ciel s'élevait!

Un mois s'est écoulé depuis l'heure touchante
Où nous étions témoins de la scène émouvante
Que ne peut rendre mon pinceau;
L'orphelin que le prêtre a tiré de l'hospice,
Et qui devait plus tard boire l'amer calice,
Loge à Paris dans un château...

Ses nobles protecteurs, le comte et la comtesse,
Dont l'âme est un foyer d'amour et de tendresse,
Lui prodiguent tous les égards;
Ils l'entourent des soins que permet la fortune,
Afin de dissiper la tristesse importune
Qui trouble parfois ses regards;

Car, ici, dans l'asile où brilla son étoile,
Il a quitté deux soeurs qui suivirent la voile
L'emportant sur le flot moqueur...
Souvent il les appelle au milieu de ses fêtes;
Et la nuit, dans le songe, il brave les tempêtes
Pour les serrer contre son coeur...

Mais la tristesse, un jour, s'enfuira de son âme,
Car elle est, chez l'enfant, semblable à cette flamme
Qui luit et s'efface aussitôt.
Puis une heure viendra-joyeuse et fortunée-
Où l'ange comprendra sa haute destinée,
Et cette heure viendra bientôt!

Que sera-t-il plus tard? mystère!
C'est le secret du Créateur.
Prions pour que ce jeune frère
Soit notre gloire et notre honneur!

15 juillet 1886.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:33

MAUVAIS ARTISAN


C'est le samedi soir. Au sein d'une chaumière,
Où pénètre le froid, quatre jeunes enfants
Se pressent, tout pâlis, aux genoux de leur mère;
L'âtre n'a plus de feu, la table d'aliments.

«J'ai faim! J'ai froid!» Ces mots, mêlés de pleurs étranges,
Résonnent comme un glas dans ce foyer malsain;
Et la mère répond: «Ne pleurez pas, mes anges,
Votre père bientôt vous donnera du pain...»

Mais l'horloge là-haut sonne déjà dix heures,
Et le père et le pain surtout n'arrivent pas!
La marmaille, apaisée un instant par des leurres,
Saute à faire crouler le parquet sous ses pas...

«J'ai faim! J'ai froid! du feu!» Ce chant de la misère-
Douloureuse clameur-retenti de nouveau.
L'un des jeunes martyrs sollicite sa mère
De réduire en brasier les planches du berceau...

Écoutez! au dehors des voix sourdes murmurent:
Aux malheureux sans doute on vient porter secours.
Prêtez l'oreille encor! mais qu'est-ce? ces voix jurent
Et maudissent le Dieu qui veille sur nos jours!...

Qui donc ose approcher, le blasphème à la bouche,
Du seuil où la misère étend son voile noir?
-Ce sont deux artisans, avinés, l'oeil farouche,
Qui traîne sur le sol un homme affreux à voir.

Et cet homme est le chef de la pauvre famille-
C'est le père annoncé tantôt comme un sauveur!-
Voyez-le, sous les feux de la lune qui brille,
Étendu sur le seuil sans voix et sans vigueur!

La femme ouvre la porte, et, tremblante, s'empresse
Auprès du malheureux dont les traits sont flétris;
Paraissant oublier sa peine et sa détresse,
Elle lui parle même avec un doux souris!

L'ivrogne veut répondre à ces élans sublimes,
Mais de profonds soupirs entrecoupent sa voix.
A leur tour ses enfants, ou plutôt ses victimes
Lui demandent du pain, des vêtements, du bois!

Hélas! pauvres petits, votre prière est vaine!
Vains aussi vos sanglots, vos plaintes, vos douleurs!
Car votre père à mis l'argent de la semaine
Au cabaret... Séchez ces inutiles pleurs!

Que dis-je? oh, non, pleurez! et les nombreuses larmes,
Que votre âme innocente en priant versera,
Toucheront votre père-Employez donc ces armes,
Et la victoire, enfants, un jour vous restera!

Du mauvais artisan cet ivrogne est l'image,
Car l'ivresse affaiblit les coeurs les plus vaillants;
Elle étend sur notre âme un lugubre nuage
Qui lui cache du ciel les horizons brillants;

Elle éloigne l'époux du foyer domestique,
Où longtemps il goûta la joie et le bonheur,
Et lorsqu'il y revient, sombre et mélancolique,
Il porte sur le front le sceau du déshonneur!

Ce homme était jadis un artisan modèle;
On vantait sa sagesse et son habileté;
Au dur labeur jamais il n'était infidèle,
Et c'est là qu'il puisait la force et la santé.

Mais quelle affreuse chute! En moins de trois années,
Il a perdu la foi, l'énergie et l'amour!
Il donne au cabaret le fruit de ses journées,
Pendant qu'à sa demeure on souffre nuit et jour...

Le monde quelquefois repousse avec malice
L'enfant qui, tout en pleurs, lui tend sa maigre main;
«Quoi! te faire l'aumône? encourager le vice
«De ton père, un ivrogne?.... Éloigne-toi, gamin...»

Ce langage est cruel, déraisonnable, impie-
Faire expier au fils le crime des parents!-
Rappelons-nous ces mots du maître de la vie:
«Laissez venir à tous les petits enfants!»

Ah! ne laissons jamais à leur sort misérable,
Ces enfants dont le père est parfois un bandit;
Mais faisons-les plutôt asseoir à notre table
En leur donnant le pain du corps et de l'esprit.

Nos bienfaits trouveront mille échos dans leur âme-
Leur âme si sensible aux élans généreux-
Et, plus tard, la vertu-cette céleste flamme-
Réchauffera leurs coeurs en les rendant heureux.

Du mauvais artisan et de ses habitudes
Il ne leur restera qu'un pâle souvenir.
Joyeux, ils rempliront les tâches les plus rudes,
Sous le regard de Dieu, sans craindre l'avenir!

1er octobre 1889
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:34

QU'EST-CE QUE LA VIE?

Pièce traduite de «What is Life?» de Samuel Moore.


Je demandais un jour à l'un de ces vieillards,
Dont la pâle figure et les sombres regards
Accusent la souffrance et l'amère ironie,
S'il pouvait m'expliquer ce simple mot: la vie?
Courbant sa tête blanche, il dit en soupirant:
«La vie est une scène où le pauvre et le grand
Luttent pour obtenir l'honneur et la richesse;
Quelques rayons d'amour, de joie et de tristesse;
Des efforts pour saisir un brillant lendemain;
Une flamme qui luit et disparaît soudain;
Un flot que le torrent caresse, agite, emporte;
Une rose qui naît et bientôt sera morte;
La vie est ce chemin qui commence au berceau,
Et qu'on a parcouru lorsqu'on touche au tombeau!
L'homme croit au bonheur, et depuis son enfance,
Pour l'atteindre, il travaille, use son existence;
Mais au lieu du bonheur il trouve le trépas,
Et devient ce limon qu'on foule sous nos pas...»

Si le néant était le terme de la vie,
Dieu, lui, dis-je, serait un infâme génie.
Comment! nous serions tous destinés à souffrir,
A vivre sans espoir et sans espoir mourir?...
Votre vie est affreuse: elle est la mort de l'âme;
Car l'âme juste espère en Dieu qui la réclame.

Plus ému que content des paroles du vieux-
Paroles qui blessaient mes sentiments pieux-
J'abordai sur la route un homme au doux visage,
Un homme dont l'esprit me parut droit et sage,
Et je lui demandai, d'un ton respectueux,
De résoudre pour moi le problème épineux.

Une lueur d'espoir éclaira sa figure,
Et, s'inclinant, il dit d'une voix mâle et pure:
«La vie est pour connaître et servir le Seigneur,
Recevoir sa doctrine avec joie et douceur,
Imiter les vertus du Christ-divin modèle-
Afin de vivre un jour de sa vie immortelle.

«La vie est un foyer qu'alimente la foi;
Un livre où le Seigneur a buriné sa loi;
Un creuset où notre âme, au feu de la souffrance,
S'épure et sent grandir en elle l'espérance.
Il vit, l'homme qui sait ses crimes pardonnés,
Il entrevoit du ciel les justes couronnés;
En mourant au péché, son âme se délie
Et recouvre aussitôt la véritable vie.
Vivre enfin, ici-bas, c'est souffrir et lutter;
Vivre aussi, c'est le Christ! mourir, c'est triompher!
Notre corps, je le sais, est tiré de la terre,
Et doit, après la mort, redevenir poussière;
Mais l'âme-souffle pur sorti du coeur de Dieu-
Quittera pour toujours ce misérable lieu!»

Ah! s'il faut vivre ainsi, lui dis-je, je veux vivre!
Vivre sous les regards de Celui qui délivre
L'âme de sa prison pour la conduire au port;
Oui, je veux triompher du vice et de la mort!

Juillet 1888.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:34

ADIEU A LA NOUVELLE-ÉCOSSE

Pièce traduite de l'anglais.


Quelque soit ton destin, ô ma Nouvelle-Écosse-
Doux nid que le devoir, dans sa rigueur atroce,
M'ordonna de quitter-jusqu'au dernier soupir
Je jure de garder ton tendre souvenir!

A tes monts que l'été couronne de verdure,
A ton sol généreux qui donne sans mesure,
Aux côtes de granit qui te font un rempart,
J'accorde volontiers de mon coeur une part!

Dans tes vieilles forêts-grandes comme un royaume-
Le sapin résineux répand son doux arôme;
Et, défiant toujours l'ouragan furieux,
Le chêne y dresse aussi son front majestueux!

Puis dans tes champs rayonne, à travers la rosée,
Une fleur que ma main à souvent caressée;
Son nom est May flower, l'orgueil de l'Écossais,
Témoin de ses revers et de tous ses succès!

Je n'aurai plus peut-être, un jour, l'heureuse chance
De pouvoir t'admirer, lieu cher de ma naissance!
Mais du moins quand mes yeux verront la May flower,
Ils la contemplerons longtemps avec bonheur...

Adieu, Nouvelle-Écosse, ô ma belle patrie!
Quoique éloigné de toi, je t'aime à la folie!
Si les ans entre nous passent comme les flots,
Mon amour grandira nourri par mes sanglots!

1er mai 1883
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:34

LOUIS FRÉCHETTE

POÈTE LAURÉAT DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE


Il est de notre peuple et l'orgueil et la gloire
Ce barde dont le nom, au livre de l'Histoire,
Aura sa place à part.
Il quitte ce pays qu'il aime et qu'il admire
Pour aller retremper son génie et sa lyre
A la source de l'art!

Comme l'aigle volant vers la voûte sphérique
Où semble l'attirer la puissance magique
De l'astre aux rayons d'or;
De même vers Paris, le soleil de la France,
L'aigle du Canada, guidé par l'espérance,
Prend son sublime essor!

Il sent que, par l'effort de son intelligence,
Il saura recueillir au champ de la science
Des moissons de lauriers;
Car n'a-t-il pas naguère, affrontant la critique,
Conquis la palme d'or au tournoi poétique
Sur cent esprits altiers?

De notre histoire ouvrant les pages vénérables,
Sur sa lyre il dira les luttes admirables
De nos vaillants aïeux;
Il en composera de suaves poèmes
Que la France lira, mieux que ses oeuvres mêmes,
Des larmes plein les yeux!

La France acclamera la nouvelle épopée
De ce barde qui suit la trace de Coppée
Et de Victor Hugo;
Châteauguay, Carillon et mainte autre victoire,
Pour elle brilleront au temple de Mémoire
Autant que Marengo!

Et la France bientôt, grâce à Louis Fréchette,
Grâce à nos écrivains, prosateur ou poète,
Se souviendra de nous.
Alors elle viendra visiter nos rivages
Où fleurissent ses lois, sa langue et ses usages,
Et nous bénira tous!

22 octobre 1887.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:35

LE MOIS DES MORTS


Le sol n'est plus velouté de verdure;
Le vent gémit, et le chantre des bois
Aiguillonné par la faim, la froidure,
Redit ses chants pour la dernière fois.

Les milles fleurs qui doraient la prairie
Ont disparu sous un épais frimas.
Adieu, parfums! Adieu, mousse fleurie
Où nous prenions de si joyeux ébats!

«Oyez! la cloche sonne
Son hymne monotone
Au clocher du saint lieu;
Cette voix gémissante
S'élève, suppliante
Jusqu'au trône de Dieu!
C'est le sanglot d'une âme
Qui soupire et réclame
Dans sa prison de feu.
Eh! bien, qu'une prière
Monte, monte, sincère,
De nos coeurs jusqu'à dieu!»

L'astre du jour, derrière les nuages,
Cache ses feux, La nature est en deuil.
Hier, la neige, aujourd'hui les orages:
Tout se transforme et passe en un clin-d'oeil.

Le moissonneur ne tresse plus les gerbes
Qui ravissaient son coeur reconnaissant;
Le sol est mort. Nos montagnes superbes
Dressent au loin leur faîte jaunissant.

«Oyez! la cloche sonne
Son hymne monotone
Au clocher du saint lieu;
Cette voix gémissante
S'élève, suppliante,
Jusqu'au trône de Dieu!
C'est le sanglot d'une âme
Qui soupire et réclame
Dans sa prison de feu.
Eh! bien, qu'une prière
Monte, monte, sincère,
De nos coeurs jusqu'à dieu!»

Durant ce mois de deuil et de tristesse,
Chrétiens, fuyons les frivoles plaisirs;
Pensons aux morts qui soupirent sans cesse
Après le ciel, objets de leurs désirs.

Ah! oui, pensons à l'affreux purgatoire,
Où Dieu peut-être un jour nous conviera,
Car du péché c'est l'urne épuratoire,
Inévitable, où notre âme expiera!

«Oyez! la cloche sonne
Son hymne monotone
Au clocher du saint lieu;
Cette voix gémissante
S'élève, suppliante
Jusqu'au trône de Dieu!
C'est le sanglot d'une âme
Qui soupire et réclame
Dans sa prison de feu.
Eh! bien, qu'une prière
Monte, monte, sincère,
De nos coeurs jusqu'à dieu!»

Entendez-vous ces plaintes déchirantes,
Ces longs appels, ces sanglots douloureux?...
Prions! Prions! Nos prières ardentes
Délivreront des flots de malheureux.

Puis quand la mort, au jour de ses vendanges,
De notre vie aura tranché le cours,
Alors ces saints-devenus nos bons anges-
Nous prêteront leur merveilleux secours!

«Oyez! la cloche sonne
Son hymne monotone
Au clocher du saint lieu;
Cette voix gémissante
S'élève, suppliante
Jusqu'au trône de Dieu!
C'est le sanglot d'une âme
Qui soupire et réclame
Dans sa prison de feu.
Eh! bien, qu'une prière
Monte, monte, sincère,
De nos coeurs jusqu'à dieu!»

1er novembre 1881.
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:35

SACHONS LUTTER!

A. M. C. A. GAUVREAU, membre de l'Académie des Muses Santones.


RÉPONSE.

Toute vie est un flot de la mer de douleur.
Leur amertume un jour sera ton ambroisie,
Car l'urne de la gloire et de la poésie,
Ne se remplit que de nos pleurs!

L'autre soir, accoudé sur le bord de ma table,
La cigarette aux dents et la plume à la main,
J'essayais de ravir à ma muse indomptable
Des vers que je voulais risquer le lendemain.

Mais, hélas! la cruelle avec indifférence
Accueillait les soupirs s'exhalant de mon coeur,
Et, malgré mes appels et ma persévérance,
Ne daignait m'accorder qu'un «silence moqueur.»

Alors, en grommelant, je rejetai ma plume
Que j'avais pris la peine, entre vingt, de choisir!
Ma foi, j'aurais troqué mon luth contre l'enclume
Que l'artisan du coin fait vibrer à loisir...

Je vouais à Pluton l'objet de ma tendresse-
La muse qui m'avait tant de fois consolé-
Quand l'on vint me remettre un chant, à mon adresse,
Que votre lyre avait, la veille, modulé.

«Sachons lutter!» Tel est le titre du poème
Où votre âme meurtrie épanche ses douleurs,
Implorant la pitié pour le malheureux même
Dont le fol égoïsme causé vos malheurs!

L'égoïsme a chassé l'ange de l'espérance
Qui berçait votre esprit du rêve le plus beau;
Il ne vous reste plus que l'amère souffrance,
Aussi lourde à porter qu'un marbre de tombeau!

Ah! votre coeur croyait-avec raison sans doute-
Que l'homme parvenu doit être bienfaisant,
Quand le hasard, un soir, plaça sur votre route
Un sot que la fortune a rendu méprisant!

Votre coeur ignorait qu'ici-bas, en grand nombre,
Il est des êtres vils au visage de saint
Qui se cachent parfois, comme un serpent dans l'ombre,
Pour lancer le dard qui perce notre sein...

Comme vous j'ai souffert de la malice humaine;
De vieux amis j'ai vu l'affreuse trahison;
D'illustres vaniteux j'ai mérité la haine,
M'étant permis de rire un peu de leur blason...

Et pour avoir, jadis, proclamé que ma race
Secouerait tôt ou tard l'insupportable affront
De vivre sous le joug, j'ai payé cette audace
De lèse-loyauté... mais je tiens haut le front!

Barde, vous l'avez dit: «Il faut souffrir, pleurer.
La souffrance à tout front doit mettre son empreinte
Et toujours et sans cesse et devra durer
Et pas un n'est exempt de sa fatale étreinte.»

Mais ne désespérons ni de Dieu ni des hommes:
Dieu récompense un jour ceux qui savent lutter,
Et nous, pauvres humains-dieux tombés que nous sommes-
Si nous causons des torts, sachons les racheter!

Avril 1887
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:36

LA MISÈRE


Donnez! pour être aimés de Dieu que se fit homme,
Pour que le méchant même en s'inclinant vous nomme,
Pour que votre foyer soit calme et fraternel;
Donnez! afin qu'un jour à votre heure dernière,
Contre tous vos péchés vous ayiez la prière
D'un mendiant puissant au ciel.
VICTOR HUGO.


Qu'il fait froid, ô mon Dieu, dans la pauvre chaumière!
Plus de bois, ni de pain pour les enfants en pleurs!
La mère vers le ciel exhale sa prière,
Et ce parfum de l'âme adoucit ses malheurs!

Après avoir redit le sublime symbole
Et prié le Seigneur de bénir ses enfants,
Elle s'approche deux, et-gracieuse obole-
Leur donne des baisers à défaut d'aliments!...

C'est le premier de l'an. Chez le riche on festonne;
Les bambins, tout joyeux, embrassent leurs parents;
Sur ces candides fronts l'espérance rayonne,
Comme une étoile d'or sur un ciel de printemps!

Un arôme suave embaume la demeure
Des fruits en pyramide et des gâteaux charmants
Trônent sur le cristal en attendant cette heure
Où leur fera la guerre un essaim de gourmands.

Sous ces lambris dorés, le père de famille
Contemple tous les siens d'un oeil plein de douceur;
Dans l'âtre, près de lui, joyeusement pétille
Un bon feu d'où jaillit une ardente chaleur.

Ainsi, dans les palais des riches de ce monde,
L'on voit briller partout la joie et le bonheur;
L'on ne redoute pas la tempête qui gronde
Et glace, en son chemin, le pauvre de terreur...

Il fait froid. Le soleil, sous un épais nuage,
Dérobe les reflets de ses rayons dorés;
Au loin le vent mugit, solennel en sa rage,
Et soulève la neige en tourbillons serrés.

Mais que vois-je, soudain, à travers la tempête?
Ciel! une femme pâle à l'air triste et souffrant!
Ses membres sont glacés; elle avance, s'arrête,
Et presse sur son coeur un jeune et frêle enfant!

Cette femme débile, à la démarche lente,
Qui brave en grelottant de froid impétueux,
A laissé la chaumière, et, comme une âme errante,
S'en va tendre la main aux portes des heureux.

Elle franchit le seuil d'une villa gothique
Aux magnifiques arcs aux superbes balcons,
Mais là sa voix rencontre un coeur dur et sceptique
Qui méprise sa plainte et rit de ses haillons...

Le lendemain au soir de ce jour mémorable,
Vers la chaumière allait le bon curé du lieu.
Il frémit en voyant-spectacle épouvantable-
Trois cadavres blottis près de l'âtre sans feu!

Ils étaient morts, la nuit, de peine et de misère,
Pendant que les heureux fêtaient jusqu'au matin...
Mais ne les plaignons pas, car Dieu, ce tendre père,
Les avait conviés à l'éternel festin...

Janvier 1870.
Najat
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Message par Najat Ven 7 Mai - 17:36

AUX POLITICIENS


O défenseurs de nos droits politiques,
Fiers rejetons d'un peuple valeureux,
Vous qui dictez les lois patriotiques,
Vivez longtemps, surtout vivez heureux!

Rouges ou bleus-qu'importe la nuance,
N'êtes-vous pas de nos droits les gardiens?-
Or moi je dis avec indépendance:
Soyez bénis de tous les Canadiens!
Soyez bénis par le céleste Père,
Vous, citoyens, qui travaillez toujours
Pour assurer un avenir prospère
Au Canada, mon pays, mes amours!

Votre travail reste sans récompense:
Le monde, hélas! est composé d'ingrats...
Mais la patrie, elle, aime et récompense
Ses braves fils qui lui prêtent leurs bras!

Faites la guerre au sombre fanatisme,
Ce ver hideux qui ronge tant de coeurs;
Luttez aussi contre le népotisme
Qui donne au lâche un titre et des honneurs...

De ses devoirs instruisez la jeunesse
Que Dieu destine aux luttes à venir,
Afin qu'elle ait pour flambeau la sagesse,
Et pour seul rêve un honnête avenir.

Parlez partout l'harmonieux langage
Qu'avec le lait vous puisiez au berceau;
Conservez-le comme un bel héritage:
De notre race il est le noble sceau!

Ah! pratiquez des aïeux la devise
«Vivre en Français et mourir en Chrétien!»
Soyez unis; et que votre âme vise
A rendre heureux le peuple canadien!

A l'ouverture des chambres 1880.
Najat
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