Poèmes mythologie
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Poèmes mythologie
Rappel du premier message :
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et, courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.
Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.
Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.
Joachim Du Bellay
(1522-1560)
Vision
(1522-1560)
Vision
Une louve je vis sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de là sa pâture chercher,
Et, courant par les champs, d'une fureur nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.
Je vis mille veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.
Je la vis de son long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.
Nadej-isis- Nombre de messages : 958
Date d'inscription : 15/03/2010
Andromède au monstre:José-Maria de HEREDIA
Andromède au monstre
La Vierge Céphéenne, hélas ! encor vivante,
Liée, échevelée, au
roc des noirs îlots,
Se lamente en tordant avec de vains sanglots
Sa chair
royale où court un frisson d'épouvante.
L'océan monstrueux que la tempête
évente
Crache à ses pieds glacés l'âcre bave des flots,
Et partout elle
voit, à travers ses cils clos,
Bâiller la gueule glauque, innombrable et
mouvante.
Tel qu'un éclat de foudre en un ciel sans éclair,
Tout à
coup, retentit un hennissement clair.
Ses yeux s'ouvrent. L'horreur les
emplit, et l'extase ;
Car elle a vu, d'un vol vertigineux et sûr,
Se
cabrant sous le poids du fils de Zeus, Pégase
Allonger sur la mer sa grande
ombre d'azur.
davidof- Nombre de messages : 2697
Date d'inscription : 21/05/2008
Antoine et Cléopâtre:José-Maria de HEREDIA
Antoine et Cléopâtre
Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L'Égypte
s'endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu'il
fend,
Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.
Et le Romain
sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d'un
enfant,
Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
Le corps voluptueux
que son étreinte embrasse.
Tournant sa tête pâle entre ses cheveux
bruns
Vers celui qu'enivraient d'invincibles parfums,
Elle tendit sa
bouche et ses prunelles claires ;
Et sur elle courbé, l'ardent
Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer
immense où fuyaient des galères.
davidof- Nombre de messages : 2697
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Date d'inscription : 21/05/2008
Ariane:José-Maria de HEREDIA
Ariane
Au choc clair et vibrant des cymbales d'airain,
Nue, allongée
au dos d'un grand tigre, la Reine
Regarde, avec l'Orgie immense qu'il
entraîne,
Iacchos s'avancer sur le sable marin.
Et le monstre royal,
ployant son large rein,
Sous le poids adoré foule la blonde arène,
Et,
frôlé par la main d'où pend l'errante rêne,
En rugissant d'amour mord les
fleurs de son frein.
Laissant sa chevelure à son flanc qui se
cambre
Parmi les noirs raisins rouler ses grappes d'ambre,
L'Épouse n'entend pas le sourd rugissement ;
Et sa bouche éperdue, ivre enfin
d'ambroisie,
Oubliant ses longs cris vers l'infidèle amant,
Rit au baiser
prochain du Dompteur de l'Asie.
davidof- Nombre de messages : 2697
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Date d'inscription : 21/05/2008
Armor:José-Maria de HEREDIA
Armor
Pour me conduire au Raz, j'avais pris à Trogor
Un berger
chevelu comme un ancien Évhage ;
Et nous foulions, humant son arome sauvage,
L'âpre terre kymrique où croît le genêt d'or.
Le couchant rougissait
et nous marchions encor,
Lorsque le souffle amer me fouetta le visage ;
Et l'homme, par-delà le morne paysage
Étendant un long bras, me dit :
Senèz Ar-Mor !
Et je vis, me dressant sur la bruyère rose,
L'Océan
qui, splendide et monstrueux, arrose
Du sel vert de ses eaux les caps de
granit noir ;
Et mon coeur savoura, devant l'horizon vide
Que
reculait vers l'Ouest l'ombre immense du soir,
L'ivresse de l'espace et du
vent intrépide.
davidof- Nombre de messages : 2697
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Date d'inscription : 21/05/2008
Artémis:José-Maria de HEREDIA
Artémis
L'âcre senteur des bois montant de toutes parts,
Chasseresse, a
gonflé ta narine élargie,
Et, dans ta virginale et virile
énergie,
Rejetant tes cheveux en arrière, tu pars !
Et du rugissement
des rauques léopards
Jusqu'à la nuit tu fais retentir Ortygie,
Et bondis à
travers la haletante orgie
Des grands chiens éventrés sur l'herbe rouge
épars.
Et, bien plus, il te plaît, Déesse, que la ronce
Te morde et
que la dent ou la griffe s'enfonce
Dans tes bras glorieux que le fer a vengés
;
Car ton coeur veut goûter cette douceur cruelle
De mêler, en tes
jeux, une pourpre immortelle
Au sang horrible et noir des monstres
égorgés.
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
Centaures et lapithes:José-Maria de HEREDIA
Centaures et lapithes
La foule nuptiale au festin s'est ruée,
Centaures et guerriers
ivres, hardis et beaux ;
Et la chair héroïque, au reflet des flambeaux,
Se
mêle au poil ardent des fils de la Nuée.
Rires, tumulte... Un cri !...
L'Epouse polluée
Que presse un noir poitrail, sous la pourpre en
lambeaux
Se débat, et l'airain sonne au choc des sabots
Et la table
s'écroule à travers la huée.
Alors celui pour qui le plus grand est un
nain,
Se lève. Sur son crâne, un mufle léonin
Se fronce, hérissé de crins
d'or. C'est Hercule.
Et d'un bout de la salle immense à l'autre
bout,
Dompté par l'oeil terrible où la colère bout,
Le troupeau monstrueux
en renâclant recule.
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
Jason et Médée
Jason et Médée
A Gustave Moreau.
En un calme enchanté, sous l'ample
frondaison
De la forêt, berceau des antiques alarmes,
Une aube
merveilleuse avivait de ses larmes,
Autour d'eux, une étrange et riche
floraison.
Par l'air magique où flotte un parfum de poison,
Sa parole
semait la puissance des charmes ;
Le Héros la suivait et sur ses belles
armes
Secouait les éclairs de l'illustre Toison.
Illuminant les bois
d'un vol de pierreries,
De grands oiseaux passaient sous les voûtes
fleuries,
Et dans les lacs d'argent pleuvait l'azur des cieux.
L'Amour
leur souriait, mais la fatale Épouse
Emportait avec elle et sa fureur
jalouse
Et les philtres d'Asie et son père et les Dieux.
davidof- Nombre de messages : 2697
loisirs : pêche, voyage, music...
Date d'inscription : 21/05/2008
La naissance d'Aphrodité
Avant tout, le Chaos enveloppait les mondes
Où roulaient sans mesure et l'Espace et le Temps ;
Puis Gaia, favorable à ses fils les Titans,
Leur prêta son grand sein aux mamelles fécondes.
Ils tombèrent. Le Styx les couvrit de ses ondes.
Et jamais, sous l'éther foudroyé, le Printemps
N'avait fait resplendir les soleils éclatants,
Ni l'Eté généreux mûri les moissons blondes.
Farouches, ignorants des rires et des jeux,
Les Immortels siégeaient sur l'Olympe neigeux.
Mais le ciel fit pleuvoir la virile rosée ;
L'Océan s'entr'ouvrit, et dans sa nudité
Radieuse, émergeant de l'écume embrasée,
Dans le sang d'Ouranos fleurit Aphrodité
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
La Vision de Khèm
I
Midi. L'air brûle et sous la terrible lumière
Le vieux fleuve alangui roule des flots de plomb ;
Du zénith aveuglant le jour tombe d'aplomb,
Et l'implacable Phré couvre l'Égypte entière.
Les grands sphinx qui jamais n'ont baissé la paupière,
Allongés sur leur flanc que baigne un sable blond,
Poursuivent d'un regard mystérieux et long
L'élan démesuré des aiguilles de pierre.
Seul, tachant d'un point noir le ciel blanc et serein,
Au loin, tourne sans fin le vol des gypaëtes ;
La flamme immense endort les hommes et les bêtes.
Le sol ardent pétille, et l'Anubis d'airain
Immobile au milieu de cette chaude joie
Silencieusement vers le soleil aboie.
II
La lune sur le Nil, splendide et ronde, luit.
Et voici que s'émeut la nécropole antique
Où chaque roi, gardant la pose hiératique,
Gît sous la bandelette et le funèbre enduit.
Tel qu'aux jours de Rhamsès, innombrable et sans bruit,
Tout un peuple formant le cortège mystique,
Multitude qu'absorbe un calme granitique,
S'ordonne et se déploie et marche dans la nuit.
Se détachant des murs brodés d'hiéroglyphes,
Ils suivent la Bari que portent les pontifes
D'Ammon-Ra, le grand Dieu conducteur du soleil ;
Et les sphinx, les béliers ceints du disque vermeil,
Éblouis, d'un seul coup se dressant sur leurs griffes,
S'éveillent en sursaut de l'éternel sommeil.
III
Et la foule grandit plus innombrable encor.
Et le sombre hypogée où s'alignent les couches
Est vide. Du milieu déserté des cartouches,
Les éperviers sacrés ont repris leur essor.
Bêtes, peuples et rois, ils vont. L'uraeus d'or
S'enroule, étincelant, autour des fronts farouches ;
Mais le bitume épais scelle les maigres bouches.
En tête, les grands dieux : Hor, Khnoum, Ptah, Neith, Hathor.
Puis tous ceux que conduit Toth Ibiocéphale,
Vêtus de la schenti, coiffés du pschent, ornés
Du lotus bleu. La pompe errante et triomphale
Ondule dans l'horreur des temples ruinés,
Et la lune, éclatant au pavé froid des salles,
Prolonge étrangement des ombres colossales.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Le bain des nymphes
C'est un vallon sauvage abrité de l'Euxin ;
Au-dessus de la Source un noir laurier se penche,
Et la Nymphe, riant, suspendue à la branche,
Frôle d'un pied craintif l'eau froide du bassin.
Ses compagnes, d'un bond, à l'appel du buccin,
Dans l'onde jaillissante où s'ébat leur chair blanche
Plongent, et de l'écume émergent une hanche,
De clairs cheveux, un torse ou la rose d'un sein.
Une gaîté divine emplit le grand bois sombre.
Mais deux yeux, brusquement, ont illuminé l'ombre.
Le satyre !... son rire épouvante leurs jeux ;
Elles s'élancent. Tel, lorsqu'un corbeau sinistre
Croasse, sur le fleuve éperdument neigeux
S'effarouche le vol des cygnes du Caÿstre.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Les Vénus
Je revenais du Louvre hier.
J'avais parcouru les portiques
Où le chœur des Vénus antiques
Se range gracieux et fier.
A ces marbres, divins fossiles,
Délices de l'oeil étonné,
Je trouvais bon qu'il fût donné
Des palais de rois pour asiles.
Comme j'allais extasié,
Vint à passer une pauvresse ;
Son regard troubla mon ivresse
Et m'emplit l'âme de pitié :
— Ah ! m'écriai-je, qu'elle est pâle
Et triste, et que ses traits sont beaux !
Sa jupe étroite est en lambeaux ;
Elle croise avec soin son châle ;
Elle est nu-tête ; ses cheveux,
Mal noués, épars derrière elle,
Forment leur onde naturelle :
Le miroir n'a pas souci d'eux.
Des piqûres de son aiguille
Elle a le bout du doigt tout noir,
Et ses yeux au travail du soir
Se sont affaiblis... Pauvre fille !
Hélas ! tu n'as ni feu ni lieu ;
Pleure et mendie au coin des rues :
Les palais sont pour nos statues,
Et tu sors de la main de Dieu !
Ta beauté n'aura point de temple.
On te marchandera ton corps ;
La forme sans âme, aux yeux morts,
Seule est digne qu'on la contemple.
Dispute aux avares ton pain
Et la laine dont tu te couvres :
Les femmes de pierre ont des Louvres,
Les vivantes meurent de faim !
daniel- Nombre de messages : 1002
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Humeur : humour
Date d'inscription : 12/06/2008
Hermaphrodite (Prudhomme)
Il avait l'âme aride et vaine de sa mère,
L'œil froid du dieu voleur qui marche à reculons ;
Il promenait sa grâce, insouciante, altière,
Et les nymphes disaient : « Quel marbre nous aimons ! »
Un jour que cet enfant d'Hermès et d'Aphrodite
Méprisait Salmacis, nymphe du mont Ida,
La vierge, l'embrassant d'une étreinte subite,
Pénétra son beau corps si bien qu'elle y resta !
De surprise et d'horreur ses divines compagnes,
Qui dans cet être unique en reconnaissaient deux,
Comme un sphinx égaré dans leurs chastes montagnes,
Fuyaient ce double faune au visage douteux.
La volupté souffrait dans sa prunelle étrange,
Il faisait des serments d'une hésitante voix ;
L'amour et le dédain par un hideux mélange
Dans son vague sourire étaient peints à la fois.
Son inutile sein n'offrait ni lait ni flamme ;
En s'y posant, l'oreille, hélas ! eût découvert
Un cœur d'homme où chantait un pauvre cœur de femme,
Comme un oiseau perdu dans un temple désert.
O symbole effrayant de ces unions louches
Où l'un des deux amants, sans joie et sans désir,
Fuit le regard de l'autre ; où l'une des deux bouches
En goûtant les baisers sent l'autre les subir !
daniel- Nombre de messages : 1002
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Humeur : humour
Date d'inscription : 12/06/2008
Naissance de Vénus (Sully Prudhomme)
Quand la mer eut donné ses perles à ma bouche,
Son insondable azur à mon regard charmant,
Elle m'a déposée, en laissant à ma couche
Sa fraîcheur éternelle et son balancement.
Je viens apprendre à tous que nul n'est solitaire,
Qu'Iris naît de l'orage et le souris des pleurs ;
L'horizon gris s'épure, et sur toute la terre
L'Érèbe encor brûlant s'épanouit en fleurs.
Je parais, pour changer, reine des harmonies,
Les rages du chaos en flottantes langueurs ;
Car je suis la beauté : des chaînes infinies
Glissent de mes doigts blancs au plus profond des cœurs.
Les parcelles de l'air, les atomes des ondes,
Divisés par les vents se joignent sur mes pas ;
Par mes enchantements comme assoupis, les mondes
Se cherchent en silence et ne se heurtent pas.
Les cèdres, les lions me sentent, et les pierres
Trouvent, quand je les frappe, un éclair dans leur nuit ;
Ardente et suspendue à mes longues paupières,
La vie universelle en palpitant me suit.
J'anime et j'embellis les hommes et les choses ;
Au front des Adonis j'attire leur beau sang,
Et du sang répandu je fais le teint des roses ;
J'ai le moule accompli de la grâce en mon flanc.
Moi, la grande impudique et la grande infidèle,
Toute en chaque baiser que je donne en passant,
De tout objet qui touche apportant le modèle,
J'apporte le bonheur à tout être qui sent.
daniel- Nombre de messages : 1002
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Humeur : humour
Date d'inscription : 12/06/2008
La Néréide
À Emile Javal.
Vierge, ton corps, luisant de la fraîcheur marine,
Où l'apporta la vague est à peine arrêté.
A tes mobiles bras, au pli de ta narine
On devine ta race et ta divinité ;
O fille de Nérée, on voit que ta poitrine
Se polit au flot grec durant l'éternité.
Ta bouche est plus qu'humaine, et tes vives prunelles
Sont divines ! Leurs feux feraient mûrir nos fruits.
On sent que le caprice est olympique en elles ;
La nature en a fait l'ombre et les étincelles
Avec les éléments des soleils et des nuits :
Ceux qui t'ont regardée, ô nymphe, tu les suis.
Divins aussi tes doigts, artisans de caresse,
Effilés, arrondis par le baiser du flux.
Nous n'en comprenons pas l'opulente paresse :
Nos mains ont travaillé six mille ans révolus,
Et depuis six mille ans la même faim nous presse
Et nous dévorerait si nous ne semions plus.
Nos ancres, en mordant les ténèbres salées,
Ont trouvé plus d'horreur en descendant plus bas.
Elles n'ont pas atteint ces lointaines vallées
Qu'un jour magique emplit, qui roulent sur tes pas
Des ruisseaux de brillants qui ne tarissent pas,
Des sables de corail et d'or dans leurs allées.
Pour nous la mer est triste, et sur les lents vaisseaux
Pleure la solitude aux sombres épouvantes ;
Toi, tu glisses gaîment dans tes profonds berceaux,
Et les molles forêts des campagnes mouvantes
Viennent palper ton sein de leurs lèvres vivantes
Sous les plafonds vitreux et bourdonnants des eaux.
Tu fuis, laissant traîner ta large tresse blonde ;
Ta corbeille de nacre aux tournantes cloisons
Murmure, en moissonnant d'étranges floraisons,
Les lis bleus, les cactus et les roses de l'onde ;
Et jamais les jardins de ce merveilleux monde
N'éprouvent les retours de nos courtes saisons.
Quand notre jour finit, ton aurore commence :
Las d'un brûlant chemin, las d'espace et d'éther,
Le dieu qui fait frémir nos blés dans leur semence
Descend avec délice au fond du lit amer ;
L'abîme vert se teint d'une rougeur immense,
Et tout le firmament s'éveille dans la mer.
C'est l'heure où la sirène enchanteresse attire
Les imprudents rêveurs à la poupe inclinés,
Où sur le dos glissant de son affreux satyre
La naïade poursuit les astres entraînés,
Où les monstres nageurs explorent leur empire,
En promenant leurs dieux qui sont les premiers nés.
Leurs dieux leur ont gardé la liberté première,
Quand le jeune chaos, plus hardi que les lois,
Mêlant la terre au ciel et l'onde à la lumière,
Lâchait toute matière au nasard de son poids,
Et, brisant toute écorce où l'âme est prisonnière,
Laissait tous les amours s'échapper à la fois.
Maintenant tout est las, et l'ardente nature
S'affaisse et s'abandonne aux bras morts de l'ennui ;
L'astre accepte son cours, le rocher sa structure,
L'éléphant colossal regrette l'âge enfui ;
Car tous les grands rôdeurs de la haute verdure
S'en vont. des troupeaux vils broutent l'herbe aujourd'hui.
L'Etna dort, et les vents balancent leur fouet lâche,
La terre est labourée ; à chaque endroit son nom,
Sa ville et ses chemins. L'Océan seul dit : « Non !
Sois riche, ô Terre esclave, en faisant bien ta tâche ;
Je fais ce que je veux. Si ta splendeur me fâche,
J'irai poser ma perle au front du Parthénon ;
« Je franchirai mes murs, si vous passez les vôtres,
Mortels, fils des Caïns et des Deucalions ;
Heurtant vos sapins creux les uns contre les autres,
J'ai vengé votre Dieu de vos rébellions ;
J'ai, comme Orphée, Homère et vos plus grands apôtres,
Sur les monts à mes pieds fait pleurer les lions... »
L'Océan gronde ainsi ; toi, sa nymphe chérie,
Tu ne t'alarmes pas de son courroux divin :
Si ses flots obstinés, redoublant de furie,
En déluge nouveau se répandaient enfin,
Fraîche et levant la tête au fond des mers fleurie,
Tu presserais encore un immortel dauphin !
daniel- Nombre de messages : 1002
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Humeur : humour
Date d'inscription : 12/06/2008
Invocation à Vénus
Invocation à Vénus
Mère des fils d'énée, ô délices des Dieux, Délices des mortels, sous les astres des cieux, Vénus, tu peuples tout : l'onde où court le navire, Le sol fécond : par toi tout être qui respire Germe, se dresse, et voit le soleil lumineux ! Tu parais... A l'aspect de ton front radieux Disparaissent les vents et les sombres nuages : L'Océan te sourit ; fertile en beaux ouvrages, La Terre étend les fleurs suaves sous tes pieds ; Le jour brille plus pur sous les cieux azurés ! Dès qu'Avril reparaît, et, qu'enflé de jeunesse, Prêt à porter à tous une douce tendresse, Le souffle du zéphir a forcé sa prison, Le peuple aérien annonce ta saison : L'oiseau charmé subit ton pouvoir, ô Déesse ; Le sauvage troupeau bondit dans l'herbe épaisse, Et fend l'onde à la nage, et tout être vivant, À ta grâce enchaîné, brûle en te poursuivant ! C'est toi qui, par les mers, les torrents, les montagnes, Les bois peuplés de nids et les vertes campagnes, Versant au coeur de tous l'amour cher et puissant, Les portes d'âge en âge à propager leur sang ! Le monde ne connaît, Vénus, que ton empire ! Rien ne pourrait sans toi se lever vers le jour : Nul n'inspire sans toi, ni ne ressent d'amour ! À ton divin concours dans mon oeuvre j'aspire !... A. Rimbaud Externe au collège de Charleville (1869.) |
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Thérèse MAQUET: La Nymphe captive
- (1858-1891)Thérèse MAQUET
La Nymphe captive
Seule à jamais ! couchée au sol, l'âme troublée,
Pleine d'un regard vague et d'un désir sans fin,
Elle reste immobile, et sa pose accablée
Du contour délicat accuse le dessin.
Son corps souple et charmant fait une lueur blanche
Entre les durs profils des rocs irréguliers ;
La tunique aux plis droits a glissé sur sa hanche,
Des bandelettes d'or les bouts sont déliés,
Et ses cheveux légers que le vent éparpille
D'une vapeur ambrée auréolent son front. [...]
chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
Albert Samain: Les sirènes
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles
Versait tout son azur en l'âme des nochers,
Les Sirènes chantaient... Plus tendres à présent,
Leurs voix d'amour pleuraient des larmes dans la brise,
Et c'était une extase où le coeur plein se brise,
Comme un fruit mûr qui s'ouvre au soir d'un jour pesant !
Vers les lointains, fleuris de jardins vaporeux,
Le vaisseau s'en allait, enveloppé de rêves ;
Et là-bas - visions - sur l'or pâle des grèves
Ondulaient vaguement des torses amoureux.
Diaphanes blancheurs dans la nuit émergeant,
Les Sirènes venaient, lentes, tordant leurs queues
Souples, et sous la lune, au long des vagues bleues,
Roulaient et déroulaient leurs volutes d'argent.
Les nacres de leurs chairs sous un liquide émail
Chatoyaient, ruisselant de perles cristallines,
Et leurs seins nus, cambrant leurs rondeurs opalines,
Tendaient lascivement des pointes de corail.
Leurs bras nus suppliants s'ouvraient, immaculés ;
Leurs cheveux blonds flottaient, emmêlés d'algues vertes,
Et, le col renversé, les narines ouvertes,
Elles offraient le ciel dans leurs yeux étoilés !...
Des lyres se mouraient dans l'air harmonieux ;
Suprême, une langueur s'exhalait des calices,
Et les marins pâmés sentaient, lentes délices,
Des velours de baisers se poser sur leurs yeux...
Jusqu'au bout, aux mortels condamnés par le sort,
Choeur fatal et divin, elles faisaient cortège ;
Et, doucement captif entre leurs bras de neige,
Le vaisseau descendait, radieux, dans la mort !
La nuit tiède embaumait...Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Et la mer, déroulant ses vagues d'harmonie,
Étendait son linceul bleu sur les matelots.
Les Sirènes chantaient... Mais le temps est passé
Des beaux trépas cueillis en les Syrtes sereines,
Où l'on pouvait mourir aux lèvres des Sirènes,
Et pour jamais dormir sur son rêve enlacé.
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles
Versait tout son azur en l'âme des nochers,
Les Sirènes chantaient... Plus tendres à présent,
Leurs voix d'amour pleuraient des larmes dans la brise,
Et c'était une extase où le coeur plein se brise,
Comme un fruit mûr qui s'ouvre au soir d'un jour pesant !
Vers les lointains, fleuris de jardins vaporeux,
Le vaisseau s'en allait, enveloppé de rêves ;
Et là-bas - visions - sur l'or pâle des grèves
Ondulaient vaguement des torses amoureux.
Diaphanes blancheurs dans la nuit émergeant,
Les Sirènes venaient, lentes, tordant leurs queues
Souples, et sous la lune, au long des vagues bleues,
Roulaient et déroulaient leurs volutes d'argent.
Les nacres de leurs chairs sous un liquide émail
Chatoyaient, ruisselant de perles cristallines,
Et leurs seins nus, cambrant leurs rondeurs opalines,
Tendaient lascivement des pointes de corail.
Leurs bras nus suppliants s'ouvraient, immaculés ;
Leurs cheveux blonds flottaient, emmêlés d'algues vertes,
Et, le col renversé, les narines ouvertes,
Elles offraient le ciel dans leurs yeux étoilés !...
Des lyres se mouraient dans l'air harmonieux ;
Suprême, une langueur s'exhalait des calices,
Et les marins pâmés sentaient, lentes délices,
Des velours de baisers se poser sur leurs yeux...
Jusqu'au bout, aux mortels condamnés par le sort,
Choeur fatal et divin, elles faisaient cortège ;
Et, doucement captif entre leurs bras de neige,
Le vaisseau descendait, radieux, dans la mort !
La nuit tiède embaumait...Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Et la mer, déroulant ses vagues d'harmonie,
Étendait son linceul bleu sur les matelots.
Les Sirènes chantaient... Mais le temps est passé
Des beaux trépas cueillis en les Syrtes sereines,
Où l'on pouvait mourir aux lèvres des Sirènes,
Et pour jamais dormir sur son rêve enlacé.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
Ulysse au coeur ruiné
Ulysse au coeur ruiné |
Chère, après tant de maux, ton front renaît plus beau
(Redevenus époux, comme tu nous appelles),
Comme si la douleur était le grand flambeau,
Femmes, qui veille en vous pour vous faire plus belles !
Ô, ne me dites plus que l'Amour a des ailes
Et que le coeur de l'homme est un passant qui ment !
Vois : le retour d'Ulysse illustre son serment :
Qu'il aime à voir ce front, forêt qui renouvelle,
Cédant sa jeune neige aux feux du sentiment,
Éteindre en souriant une humide prunelle !
Tel, le dieu Sphinx entend de son haut monument
Gémir dans le désert madame l'antilope...
Silence, ô Nuit ! Dormez, beau front de Pénélope.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Xavier Labensky(Jean POLONIUS): L'exil d'Apollon
- Xavier Labensky, dit Jean POLONIUS (1790-1855)
L'exil d'Apollon
Apollon dans l'exil végète sur la terre.
Dépouillé de sa gloire, il a fui loin du ciel,
Errant, comme l'aiglon qu'a rejeté son père
Loin du nid maternel.
Ah ! plaignez le destin du dieu de l'harmonie !
Des plus vils des humains il a subi la loi ;
Et celui dont l'Olympe admirait le génie
Est l'esclave d'un roi !
Près des lieux où l'Ossa lève sa crête altière,
Morne, il va conduisant ses troupeaux vagabonds,
Réduit au pain grossier qu'on jette pour salaire
Aux pâtres de ces monts.
Il est nuit : dans les parcs, tout se tait, tout sommeille ;
On n'entend que le bruit du sauvage torrent,
Ou la voix de l'agneau qu'un autre agneau réveille,
Et qui bêle en rêvant.
Qu'il est doux, le parfum de ces forêts lointaines !
Qu'il est grand, le tableau de ce monde étoilé !
Mais quels tableaux, hélas ! peuvent charmer les peines
De l'auguste exilé ?
Astres, soleils divins, peuplades vagabondes,
Yeux brillants de la nuit qui parsemez les cieux,
Qu'êtes-vous pour celui qui du père des mondes
A vu de près les yeux ?...
Le front nu, le regard levé vers les étoiles,
Sous l'abri d'un laurier le dieu s'est étendu,
Et son oeil enivré cherche à percer les voiles
Du ciel qu'il a perdu.
Ses doigts courent sans but sur sa lyre incertaine ;
Errant de corde en corde, il prélude longtemps,
Puis, tout à coup, cédant au transport qui l'entraîne,
Il exhale ces chants :
" Que voulez-vous de moi, visions immortelles ?
" Douloureux souvenirs, ineffables regrets !
" Que voulez-vous ? pourquoi m'emporter sur vos ailes
" Aux célestes palais ?
" J'entends encor le bruit de leurs fêtes brillantes ;
" Sous ces lambris d'azur, d'où me voilà tombé,
" Je sens, j'aspire encor les vapeurs enivrantes
" De la coupe d'Hébé.
" Je vois les dieux assis sous les pieds de mon père !
" Je les vois, de son front contemplant la splendeur,
" L'oeil fixé sur ses yeux, brillants de sa lumière,
" Heureux de son bonheur.
" Même voeu, même soin, même esprit les anime.
" Chacun d'eux, l'un de l'autre écho mélodieux,
" Sait comprendre et parler cette langue sublime
" Qu'on ne parle qu'aux cieux.
" Mais moi, qui me comprend dans mes chagrins sans nombre,
" Qui peut sentir, connaître, alléger ma douleur ?
" Hélas ! pour compagnon je n'ai plus que mon ombre,
" Pour écho que mon coeur.
" Ces pâtres ignorants à qui mon sort me lie,
" Bruts comme les troupeaux qu'ils chassent devant eux,
" Peuvent-ils deviner d'une immortelle vie
" Les besoins et les voeux ?
" Ont-ils vu les rayons dont brille mon visage ?
" Sauraient-ils distinguer mes lyriques accents
" De ces cris imparfaits, de ce grossier langage,
" Qu'ils appellent des chants ?
" Fixant sur mes regards un stupide sourire,
" Ils s'étonnent de maux que nul d'eux n'a soufferts ;
" Cet étroit horizon, où leur âme respire,
" Est pour eux l'univers.
" J'ai vécu d'une vie et plus haute et plus fière !
" Ma lèvre, humide encor du breuvage des dieux,
" Rejette avec dégoût les flots mêlés de terre
" Qu'il faut boire en ces lieux.
" Ô mon père ! ô mon père ! à quelle mort vivante
" L'enfant de ton amour est ici-bas livré !
" Pourquoi le triple dard de ta flèche brûlante
" Ne m'a-t-il qu'effleuré ?
" Frappe ! éteins dans mon sang ta colère implacable !
" Brise à jamais le sceau de ma divinité ;
" Délivre-moi du joug horrible, intolérable
" De l'immortalité ! "
Il disait. Mille éclairs ont déchiré la nue ;
L'aigle sacré descend sur ses ailes de feu ;
Et, parlant dans la foudre, une voix trop connue
Vient réveiller le dieu :
" Ô mon fils ! de tes maux supporte ce qui reste !
" Attends que de l'exil le temps soit accompli :
" Une fois épuisé, le sablier funeste
" Ne sera pas rempli.
" Ton père te punit ; mais il punit en père :
" Bientôt, volant vers toi sur un rayon du jour,
" Mon aigle descendra t'enlever de la terre
" Au céleste séjour.
" Là, mon coeur te réserve une place plus belle.
" Conduisant du soleil les coursiers vagabonds,
" C'est toi qui de sa flamme à la race mortelle
" Verseras les rayons.
" Alors, si, comme toi, quelque enfant du génie,
" A d'ignobles travaux forcé par le malheur,
" Élevait jusqu'au sein de ta gloire infinie
" Le cri de sa douleur ;
" Si, saisi du dégoût des choses de la terre,
" Jetant sur la nature un oeil désenchanté,
" Il écartait de lui la coupe trop amère
" De l'immortalité :
" Qu'à ton seul souvenir il reprenne courage ;
" Qu'il sache que l'injure ou l'oubli des humains
" Ne lui raviront pas le sublime héritage
" Qu'il reçut de tes mains !
" Le peuple des oiseaux, quand le temps les dévore,
" Tombe et reste englouti dans l'éternel sommeil :
" Le phénix sait revivre et s'élancer encore
" Aux palais du soleil. "
daniel- Nombre de messages : 1002
loisirs : lecture,chasse,pêche,course
Humeur : humour
Date d'inscription : 12/06/2008
André CHÉNIER:Néère
- André CHÉNIER (1762-1794)
Néère
Mais telle qu'à sa mort pour la dernière fois,
Un beau cygne soupire, et de sa douce voix,
De sa voix qui bientôt lui doit être ravie,
Chante, avant de partir, ses adieux à la vie,
Ainsi, les yeux remplis de langueur et de mort,
Pâle, elle ouvrit sa bouche en un dernier effort :
" Ô vous, du Sébéthus Naïades vagabondes,
Coupez sur mon tombeau vos chevelures blondes.
Adieu, mon Clinias ! moi, celle qui te plus,
Moi, celle qui t'aimai, que tu ne verras plus.
Ô cieux, ô terre, ô mer, prés, montagnes, rivages,
Fleurs, bois mélodieux, vallons, grottes sauvages,
Rappelez-lui souvent, rappelez-lui toujours
Néère tout son bien, Néère ses amours ;
Cette Néère, hélas ! qu'il nommait sa Néère,
Qui pour lui criminelle abandonna sa mère ;
Qui pour lui fugitive, errant de lieux en lieux,
Aux regards des humains n'osa lever les yeux.
Oh ! soit que l'astre pur des deux frères d'Hélène
Calme sous ton vaisseau la vague ionienne ;
Soit qu'aux bords de Paestum, sous ta soigneuse main,
Les roses deux fois l'an couronnent ton jardin ;
Au coucher du soleil, si ton âme attendrie
Tombe en une muette et molle rêverie,
Alors, mon Clinias, appelle, appelle-moi.
Je viendrai, Clinias ; je volerai vers toi.
Mon âme vagabonde à travers le feuillage
Frémira ; sur les vents ou sur quelque nuage
Tu la verras descendre, ou du sein de la mer,
S'élevant comme un songe, étinceler dans l'air ;
Et ma voix, toujours tendre et doucement plaintive,
Caresser en fuyant ton oreille attentive. "
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
André CHÉNIER
- André CHÉNIER (1762-1794)
Mnaïs
Bergers, vous dont ici la chèvre vagabonde,
La brebis se traînant sous sa laine féconde,
Au front de la colline accompagnent les pas,
A la jeune Mnaïs rendez, rendez, hélas !
Par Cybèle et Cérès et sa fille adorée,
Une grâce légère, une grâce sacrée.
Naguère auprès de vous elle avait son berceau,
Et sa vingtième année a trouvé le tombeau.
Que vos agneaux au moins viennent près de ma cendre
Me bêler les accents de leur voix douce et tendre,
Et paître au pied d'un roc où, d'un son enchanteur,
La flûte parlera sous les doigts du pasteur.
Qu'au retour du printemps, dépouillant la prairie,
Des dons du villageois ma tombe soit fleurie ;
Puis, d'une brebis mère et docile à sa main,
En un vase d'argile il pressera le sein ;
Et sera chaque jour d'un lait pur arrosée
La pierre en ce tombeau sur mes mânes posée.
Morts et vivants, il est encor pour nous unir
Un commerce d'amour et de doux souvenir.
..............................................
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Médée:André CHÉNIER
- André CHÉNIER (1762-1794)
Médée
Au sang de ses enfants, de vengeance égarée,
Une mère plongea sa main dénaturée ;
Et l'amour, l'amour seul avait conduit sa main.
Mère, tu fus impie, et l'amour inhumain.
Mère ! amour ! qui des deux eut plus de barbarie ?
L'amour fut inhumain ; mère, tu fus impie.
Plût aux dieux que la Thrace aux rameurs de
Jason Eût fermé le Bosphore, orageuse prison ;
Que, Minerve abjurant leur fatale entreprise,
Pélion n'eût jamais, au bord du bel Amphryse,
Vu le chêne, le pin, ses plus antiques fils,
Former, lancer aux flots sous la main de Tiphys,
Ce navire animé, fier conquérant du Phase,
Qui sut ravir aux bois du menaçant Caucase
L'or du bélier divin, présent de Néphélé,
Téméraire nageur qui fit périr Hellé !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Lydé:André CHÉNIER
- André CHÉNIER (1762-1794)
Lydé
" Mon visage est flétri des regards du soleil.
Mon pied blanc sous la ronce est devenu vermeil.
J'ai suivi tout le jour le fond de la vallée ;
Des bêlements lointains partout m'ont appelée.
J'ai couru ; tu fuyais sans doute loin de moi :
C'était d'autres pasteurs. Où te chercher, ô toi
Le plus beau des humains ? Dis-moi, fais-moi connaître
Où sont donc tes troupeaux, où tu les mènes paître.
Ô jeune adolescent ! tu rougis devant moi.
Vois mes traits sans couleur ; ils pâlissent pour toi :
C'est ton front virginal, ta grâce, ta décence.
Viens ; il est d'autres jeux que les jeux de l'enfance.
Ô jeune adolescent, viens savoir que mon coeur
N'a pu de ton visage oublier la douceur.
Bel enfant, sur ton front la volupté réside ;
Ton regard est celui d'une vierge timide.
Ton sein blanc, que ta robe ose cacher au jour,
Semble encore ignorer qu'on soupire d'amour ;
Viens le savoir de moi ; viens, je veux te l'apprendre.
Viens remettre en mes mains ton âme vierge et tendre,
Afin que mes leçons, moins timides que toi,
Te fassent soupirer et languir comme moi ;
Et qu'enfin rassuré, cette joue enfantine
Doive à mes seuls baisers cette rougeur divine.
Oh ! je voudrais qu'ici tu vinsses un matin
Reposer mollement ta tête sur mon sein !
Je te verrais dormir, retenant mon haleine,
De peur de t'éveiller, ne respirant qu'à peine.
Mon écharpe de lin que je ferais flotter,
Loin de ton beau visage aurait soin d'écarter
Les insectes volants et la jalouse abeille... "
La nymphe l'aperçoit, et l'arrête, et soupire.
Vers un banc de gazon, tremblante, elle l'attire ;
Elle s'assied. Il vient, timide avec candeur,
Ému d'un peu d'orgueil, de joie et de pudeur.
Les deux mains de la nymphe errent à l'aventure.
L'une, de son front blanc, va de sa chevelure
Former les blonds anneaux. L'autre de son menton
Caresse lentement le mol et doux coton.
" Approche, bel enfant, approche, lui dit-elle,
Toi si jeune et si beau, près de moi jeune et belle.
Viens, ô mon bel ami, viens, assieds-toi sur moi.
Dis, quel âge, mon fils, s'est écoulé pour toi ?
Aux combats du gymnase as-tu quelque victoire ?
Aujourd'hui, m'a-t-on dit, tes compagnons de gloire,
Trop heureux ! te pressaient entre leurs bras glissants,
Et l'olive a coulé sur tes membres luisants.
Tu baisses tes yeux noirs ? Bienheureuse la mère
Qui t'a formé si beau, qui t'a nourri pour plaire !
Sans doute elle est déesse. Eh quoi ! ton jeune sein
Tremble et s'élève ? Enfant, tiens, porte ici ta main.
Le mien plus arrondi s'élève davantage.
Ce n'est pas (le sais-tu ? déjà dans le bocage
Quelque voile de nymphe est-il tombé pour toi ?),
Ce n'est pas cela seul qui diffère chez moi.
Tu souris ? tu rougis ? Que ta joue est brillante !
Que ta bouche est vermeille et ta peau transparente !
N'es-tu pas Hyacinthe au blond Phoebus si cher ?
Ou ce jeune Troyen ami de Jupiter ?
Ou celui qui, naissant pour plus d'une immortelle,
Entr'ouvrit de Myrrha l'écorce maternelle ?
Enfant, qui que tu sois, oh ! tes yeux sont charmants,
Bel enfant, baise-moi. Mon coeur de mille amants
Rejeta mille fois la poursuite enflammée ;
Mais toi seul, aime-moi, j'ai besoin d'être aimée.
.................................................
La pierre de ma tombe à la race future
Dira qu'un seul hymen délia ma ceinture.
.................................................
Viens : là sur des joncs frais ta place est toute prête.
Viens, viens, sur mes genoux, viens reposer ta tête.
Les yeux levés sur moi, tu resteras muet,
Et je te chanterai la chanson qui te plaît.
Comme on voit, au moment où Phoebus va renaître,
La nuit prête à s'enfuir, le jour prêt à paraître,
Je verrai tes beaux yeux, les yeux de mon ami,
En un léger sommeil se fermer à demi.
Tu me diras : " Adieu ! je dors ; adieu ! ma belle. "
Adieu ! dirai-je, adieu ! dors, mon ami fidèle,
Car le . . . aussi dort, le front vers les cieux,
Et j'irai te baiser et le front et les yeux.
.................................................
Ne me regarde point ; cache, cache tes yeux ;
Mon sang en est brûlé ; tes regards sont des feux.
Viens, viens. Quoique vivant, et dans ta fleur première,
Je veux avec mes mains te fermer la paupière,
Ou malgré tes efforts je prendrai ces cheveux
Pour en faire un bandeau qui te cache les yeux.
.................................................
(inachevé)
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Hercule-André CHÉNIER
- André CHÉNIER (1762-1794)
Hercule
Oeta, mont ennobli par cette nuit ardente,
Quand l'infidèle époux d'une épouse imprudente
Reçut de son amour un présent trop jaloux,
Victime du centaure immolé par ses coups.
Il brise tes forêts : ta cime épaisse et sombre
En un bûcher immense amoncelle sans nombre
Les sapins résineux que son bras a ployés.
Il y porte la flamme ; il monte, sous ses pieds
Étend du vieux lion la dépouille héroïque,
Et l'oeil au ciel, la main sur la massue antique
Attend sa récompense et l'heure d'être un dieu.
Le vent souffle et mugit. Le bûcher tout en feu
Brille autour du héros, et la flamme rapide
Porte aux palais divins l'âme du grand Alcide !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
André CHÉNIER: Hylas
- André CHÉNIER (1762-1794)
Hylas
Au chevalier de Pange.
Le navire éloquent, fils des bois du Pénée,
Qui portait à Colchos la Grèce fortunée,
Craignant près de l'Euxin les menaces du Nord,
S'arrête, et se confie au doux calme d'un port.
Aux regards des héros le rivage est tranquille ;
Ils descendent. Hylas prend un vase d'argile,
Et va, pour leurs banquets sur l'herbe préparés,
Chercher une onde pure en ces bords ignorés.
Reines, au sein d'un bois, d'une source prochaine,
Trois naïades l'ont vu s'avancer dans la plaine.
Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l'instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphyre,
Un murmure plus doux l'avertit et l'attire :
Il accourt. Devant lui l'herbe jette des fleurs ;
Sa main errante suit l'éclat de leurs couleurs ;
Elle oublie, à les voir, l'emploi qui la demande,
Et s'égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l'onde encor soupire et sait le rappeler.
Sur l'immobile arène il l'admire couler,
Se courbe, et, s'appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l'urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l'entraînent par la main
En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d'elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l'amour est vanté,
Le rassure, et le loue, et flatte sa beauté.
Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
De la jeunesse en fleur la première étamine,
Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.
" Quand ces trois corps d'albâtre atteignaient le rivage,
D'abord j'ai cru, dit-il, que c'était mon image
Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi,
Ondoyante, volait et s'élançait vers moi. "
Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l'onde pure :
" Hylas ! Hylas ! " Il crie et mille et mille fois.
Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix,
Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine,
Lui répond d'une voix inentendue et vaine.
De Pange, c'est vers toi qu'à l'heure du réveil
Court cette jeune Idylle au teint frais et vermeil.
Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle,
Lui disais-je. Aussitôt, pour te paraître belle,
L'eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants ;
D'une étroite ceinture elle a pressé ses flancs ;
Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête,
Et sa flûte à la main, sa flûte qui s'apprête
A défier un jour les pipeaux de Segrais,
Seuls connus parmi nous aux nymphes des forêts.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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