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François Coppée:Le Poète Des Sentiments

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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty François Coppée:Le Poète Des Sentiments

Message par chayma Lun 10 Mai - 18:36

Rappel du premier message :

François Coppée


François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Dot


Le Poète Des Sentiments

1842-1908

François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Dot




François Coppée est né en 1842 à Paris et mort à Paris en 1908.
Il ètait un des poètes les plus populaires de la seconde moitié du 19ème siècle.
Son talent très varié s'est étendu dans tous les genres. C'est pourtant le poète
de la vie familière avant tout et son originalité s'est surtout manifesté
dans les recueils intitulés Promenades et Intérieurs Les Humbles,
et le Cahier rouge. C'est un poète qui brille par sa sentimentalité
et son lyrisme particulièrement bien illustré dans "Intimités", "Olivier",
"les Mois", "Jeunes filles", "le Reliquaire", "Arrière-Saison", et "l'Exilée".
François Coppée est aussi le poète de l'amour et du drame. Mais son talent
ne s'est pas arreté la. En effet il brille comme conteur, auteur satirique
et religieux. Avec ses paroles sincères, son patriotisme, il est le poète de
la prière et de la lutte. Ses poémes les plus célèbres sont "le Passant"
mais surtout Le "luthier de Crémone", "Le Trésor" et "le Pater" ce dernier
d'inspiration chrétienne qui constitue trois incroyable chefs-d'œuvre.
Nous lui devons de plus trois remarquables drames sentimentaux de théâtre:
"les Jacobites", "Severo Torelli" et "Pour la couronne", des contes et nouvelles,
un roman "Le Coupable", des articles de journaux réunis dans un ouvrage
"Mon Franc-Parler" et une autobiographie la "Bonne souffrance" où il raconte
son amour des humbles.

On ne peut s'empêcher de comparer François Coppée à Victor Hugo par l'étendu
de son talent quant bien même son style fut très différent.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty A un ange gardien

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:03

A un ange gardien

Mon rêve, par l'amour redevenu chrétien,
T'évoque à ses côtés, ô doux ange gardien,
Divin & pur esprit, compagnon invisible
Qui veilles sur cette âme innocente & paisible!
N'est-ce pas, beau soldat des phalanges de Dieu,
Qui, pour la protéger, fais toujours, en tout lieu,
Sur l'adorable enfant planer ton ombre ailée,
Que ta chaste personne est moins immaculée,
Que ton regard, reflet des immenses azurs,
Et que le feu qui brille à ton front, sont moins purs,
Dans leur sublime essence au paradis conquise,
Que le coeur virginal de cette enfant exquise?

O toi qui de la voir as toujours la douceur,
Bel ange, n'est-ce pas qu'elle est comme ta soeur?
O céleste témoin qui fais que sa pensée
Par une humble prière au matin commencée
Dans ses rêves du soir est plus naïve encor,
N'est-ce pas qu'en voyant s'abaisser ses cils d'or
Sur ses yeux ingénus comme ceux des gazelles,
Tu t'étonnes parfois qu'elle n'ait pas des ailes?

chayma

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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Re: François Coppée:Le Poète Des Sentiments

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:03

Pitié des choses

La douleur aiguise les sens,
- Hélas! ma mignonne est partie! -
Et dans la nature je sens
Une secrète sympathie.

Je sens que les nids querelleurs
Par égard pour moi se contraignent,
Que je fais de la peine aux fleurs
Et que les étoiles me plaignent.

La fauvette semble en effet
De son chant joyeux avoir honte,
Le lys sait le mal qu'il me fait
Et l'étoile aussi s'en rend compte.

En eux j'entends, respire & vois
La chère absente, & je regrette
Ses yeux, son haleine & sa voix
Qui sont astres, lys & fauvette.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Vie antérieure

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:04

Vie antérieure

S'il est vrai que ce monde est pour l'homme un exil
Où, ployant sous le faix du labeur dur & vil,
Il expie en pleurant sa vie antérieure;
S'il est vrai que, dans une existence meilleure,
Parmi les astres d'or qui roulent dans l'azur,
Il a vécu, formé d'un élément plus pur,
Et qu'il garde un regret de sa splendeur première;
Tu dois venir, enfant, de ce lieu de lumière
Auquel mon âme a dû naguère appartenir;
Car tu m'en as rendu le vague souvenir,
Car en t'apercevant, blonde vierge ingénue,
J'ai frémi, comme si je t'avais reconnue,
Et, lorsque mon regard au fond du tien plongea,
J'ai senti que nous étions aimés déjà
Et depuis ce jour-là, saisi de nostalgie,
Mon rêve au firmament toujours se réfugie,
Voulant y découvrir notre pays natal,
Et dès que la nuit monte au ciel oriental,
Je cherche du regard dans la voûte lactée
L'étoile qui par nous fut jadis habitée.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Chanson d'exil

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:04

Chanson d'exil

Triste exilé, qu'il te souvienne
Combien l'avenir était beau,
Quand sa main tremblait dans la tienne
Comme un oiseau,

Et combien ton âme était pleine
D'une bonne & douce chaleur,
Quand tu respirais son haleine
Comme une fleur.

Mais elle est loin, la chère idole,
Et tout s'assombrit de nouveau;
Tu sais qu'un souvenir s'envole
Comme un oiseau;

Déjà l'aile du doute plane
Sur ton âme où naît la douleur;
Et tu sais qu'un amour se fane
Comme une fleur.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Espoir timide

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:05

Espoir timide

Chère âme, si l'on voit que vous plaignez tout bas
Le chagrin du poëte exilé qui vous aime,
On raillera ma peine & l'on vous dira même
Que l'amour fait souffrir, mais que l'on n'en meurt pas.

Ainsi qu'un mutilé qui survit aux combats,
L'amant désespéré qui s'en va, morne & blême,
Loin des hommes qu'il fuit & de Dieu qu'il blasphème,
N'aimerait-il pas mieux le calme du trépas?

Chère enfant, qu'avant tout vos volontés soient faites!
Mais, comme on trouve un nid rempli d'oeufs de fauvettes,
Vous avez ramassé mon coeur sur le chemin.

Si de l'anéantir vous aviez le caprice,
Vous n'auriez qu'à fermer brusquement votre main,
- Mais vous ne voudrez pas, j'en suis sûr, qu'il périsse!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Romance

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:05

Romance

Quand vous me montrez une rose
Qui s'épanouit sous l'azur,
Pourquoi suis-je alors plus morose?
Quand vous me montrez une rose,
C'est que je pense à son front pur.

Quand vous me montrez une étoile,
Pourquoi les pleurs, comme un brouillard,
Sur mes yeux jettent-ils leur voile?
Quand vous me montrez une étoile,
C'est que je pense à son regard.

Quand vous me montrez l'hirondelle
Qui part jusqu'au prochain avril,
Pourquoi mon âme se meurt-elle?
Quand vous me montrez l'hirondelle,
C'est que je pense à mon exil.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Lettre

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:05

Lettre

Non, ce n'est pas en vous «un idéal» que j'aime,
C'est vous tout simplement, mon enfant, c'est vous-même.
Telle Dieu vous a faite, & telle je vous veux.
Et rien ne m'éblouit, ni l'or de vos cheveux,
Ni le feu sombre & doux de vos larges prunelles,
Bien que ma passion ait pris sa source en elles.
Comme moi, vous devez avoir plus d'un défaut;
Pourtant c'est vous que j'aime & c'est vous qu'il me faut.
Je ne poursuis pas là de chimère impossible;
Non, non! mais seulement, si vous êtes sensible
Au sentiment profond, pur, fidèle & sacré,
Que j'ai conçu pour vous & que je garderai,
Et si nous triomphons de ce qui nous sépare,
Le rêve, chère enfant, où mon esprit s'égare,
C'est d'avoir à toujours chérir & protéger
Vous comme vous voilà, vous sans y rien changer.
Je vous sais le coeur bon, vous n'êtes point coquette;
Mais je ne voudrais pas que vous fussiez parfaite,
Et le chagrin qu'un jour vous me pourrez donner,
J'y tiens pour la douceur de vous le pardonner.
Je veux joindre, si j'ai le bonheur que j'espère,
A l'ardeur de l'amant l'indulgence du père
Et devenir plus doux quand vous me ferez mal.
Voyez, je ne mets pas en vous «un idéal,»
Et de l'humanité je connais la faiblesse;
Mais je vous crois assez de coeur & de noblesse;
Pour espérer que, grâce à mon effort constant,
Vous m'aimerez un peu, moi qui vous aime tant!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty En Automne

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:06

En Automne

Quand de la divine enfant de Norvége,
Tout tremblant d'amour, j'osai m'approcher,
Il tombait alors des flocons de neige.

Comme un martinet revole au clocher,
Quand je la revis, plein d'ardeurs plus fortes,
Il tombait alors des fleurs de pêcher.

Ah! je te maudis, exil qui l'emportes
Et me veux du coeur l'espoir arracher!
Il ne tombe plus que des feuilles mortes.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Epitaphe

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:06

Epitaphe


Dans le faubourg qui monte au cimetière,
Passant rêveur, j'ai souvent observé
Les croix de bois & les tombeaux de pierre
Attendant là qu'un nom y fût gravé.

Tu m'es ravie, enfant, & la nuit tombe
Dans ma pauvre âme où l'espoir s'amoindrit,
Mais sur mon coeur, comme sur une tombe,
C'est pour toujours que ton nom est écrit.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty L'écho

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:07

L'écho

J'ai crié dans la solitude :
- Mon chagrin sera-t-il moins rude,
Un jour, quand je dirai son nom?

Et l'écho m'a répondu : - Non.

- Comment vivrai-je, en la détresse
Qui m'enveloppe & qui m'oppresse,
Comme fait au mort son linceul?

Et l'écho m'a répondu : - Seul!

- Grâce! le sort est trop sévère!
Mon coeur se révolte! Que faire
Pour en étouffer les rumeurs?

Et l'écho m'a répondu : - Meurs!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Lied

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:07

Lied

Rougissante & tête baissée,
Je la vois me sourire encor.
- Pour le doigt de ma fiancée
Qu'on me fasse un bel anneau d'or.

Elle part, mais bonne & fidèle;
Je vais l'attendre en m'affligeant.
- Pour garder ce qui me vient d'elle
Qu'on me fasse un coffret d'argent.

J'ai sur le coeur un poids énorme;
L'exil est trop dur & trop long.
- Pour que je me repose & dorme,
Qu'on me fasse un cercueil de plomb.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Les Trois oiseaux

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:07

Les Trois oiseaux

J'ai dit au ramier : - Pars & va quand même,
Au delà des champs d'avoine & de foin,
Me chercher la fleur qui fera qu'on m'aime.
Le ramier m'a dit : - C'est trop loin!

Et j'ai dit à l'aigle : - Aide-moi, j'y compte,
Et, si c'est le feu du ciel qu'il me faut,
Pour l'aller ravir prends ton vol & monte.
Et l'aigle m'a dit : - C'est trop haut!

Et j'ai dit enfin au vautour : - Dévore
Ce coeur trop plein d'elle & prends-en ta part.
Laisse ce qui peut être intact encore.
Le vautour m'a dit : - C'est trop tard!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Purgatoire

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:08

Purgatoire

J'ai fait ce rêve. J'étais mort.
Une voix dit : - Ton âme impie,
En un très-misérable fort,
Va revivre afin qu'elle expie.

Dans le bois qu'octobre jaunit
Et que le vent du nord flagelle,
Deviens le passereau sans nid.
- Merci. Je vais voler vers elle.

- Non! sois plutôt l'arbre isolé
Et, dans l'ouragan qui s'irrite,
Tords ton feuillage échevelé,
- Soit. Il se peut que je l'abrite.

- Alors, coeur plein d'amour humain,
Sois le caillou que broie & roule
Le chariot sur un grand chemin.
- Qu'importe? si son pied me foule.

- Insensé, dit enfin la voix
Qui gronda pour cet anathème,
Sois donc homme encore une fois,
Et revis, mais sans qu'elle t'aime!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Étoiles filantes

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:08

Étoiles filantes

Dans les nuits d'automne, errant par la ville,
Je regarde au ciel avec mon désir,
Car si, dans le temps qu'une étoile file,
On forme un souhait, il doit s'accomplir.

Enfant, mes souhaits sont toujours les mêmes.
Quand un astre tombe, alors, plein d'émoi,
Je fais de grands voeux afin que tu m'aimes
Et qu'en ton exil tu penses à moi.

A cette chimère, hélas! je veux croire,
N'ayant que cela pour me consoler.
Mais voici l'hiver, la nuit devient noire,
Et je ne vois plus d'étoiles filer.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Obstination

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:09

Obstination


Vous aurez beau faire & beau dire.
L'oubli me serait odieux;
Et je vois toujours son sourire
Des adieux.

Vous aurez beau dire & beau faire,
Sans espoir je dois la chérir;
J'en souffre bien, mais je préfère
En souffrir.

Vous aurez beau faire & beau dire.
Dût-elle même l'ignorer,
Je veux, fidèle à mon martyre,
La pleurer.

Vous aurez beau dire & beau faire.
Seule, elle peut mon mal guérir,
Et j'aime mieux, s'il persévère,
En mourir.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Serment

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:09

Serment

O poëte trop prompt à te laisser charmer,
Si cette douce enfant devait t'être ravie
Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
Ne pouvait pas pour toi frémir & s'animer?

N'importe! ses yeux seuls ont su faire germer
Dans mon âme si lasse & de tout assouvie
L'amour qui rajeunit, console & purifie,
Et je devrais encor la bénir & l'aimer.

Heureux ou malheureux, je lui serai fidèle;
J'aimerai ma douleur, puisqu'elle viendra d'elle
Qui chassa de mon sein la honte & le remord.

Vierge dont les regards me tiennent sous leurs charmes,
Si tu me fais pleurer, je bénirai mes larmes,
Si tu me fais mourir, je bénirai la mort!
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Orgueil d'aimer

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:09

Orgueil d'aimer

Hélas! la chimère s'envole
Et l'espoir ne m'est plus permis;
Mais je défends qu'on me console.

Ne me plaignez pas, mes amis.
J'aime ma peine intérieure
Et l'accepte d'un coeur soumis.

Ma part est encor la meilleure
Puisque mon amour m'est resté;
Ne me plaignez pas si j'en pleure.

A votre lampe, aux soirs d'été,
Les papillons couleur de soufre
Meurent pour avoir palpité.

Ainsi mon amour, comme un gouffre,
M'entraîne & je vais m'engloutir;
Ne me plaignez pas si j'en souffre.

Car je ne puis me repentir,
Et dans la torture subie
J'ai la volupté du martyr;

Et s'il faut y laisser ma vie,
Ce sera sans lâches clameurs.
J'aime! j'aime & veux qu'on m'envie!

Ne me plaignez pas si j'en meurs.





Source: http://www.poesies.net
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Récits Epiques.Par François Coppée. (1878)

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:16

Les Récits Et Les Élégies. (1878)

Par François Coppée. (1842-1908)



Récits Epiques.

Les Yeux De La Femme.
L’Éden resplendissait dans sa beauté première.
Eve, les yeux fermés encore à la lumière,
Venait d’être créée, et reposait, parmi
L’herbe en fleur, avec l’homme auprès d’elle endormi;
Et, pour le mal futur qu’en enfer le Rebelle
Méditait, elle était merveilleusement belle.
Son visage très pur, dans ses cheveux noyé,
S’appuyait mollement sur son bras replié
Et montrant le duvet de son aisselle blanche;
Et, du coude mignon à la robuste hanche,
Une ligne adorable, aux souples mouvements,
Descendait et glissait jusqu’à ses pieds charmants.
Le Créateur était fier de sa créature:
Sa puissance avait pris tout ce que la nature
Dans l’exquis et le beau lui donne et lui soumet,
Afin d’en embellir la femme qui dormait.
Il avait pris, pour mieux parfumer son haleine,
La brise qui passait sur les lys de la plaine;
Pour faire palpiter ses seins jeunes et fiers,
Il avait pris le rythme harmonieux des mers;
Elle parlait en songe, et pour ce doux murmure
Il avait pris les chants d’oiseaux sous la ramure;
Et pour ses longs cheveux d’or fluide et vermeil
Il avait pris l’éclat des rayons du soleil;
Et pour sa chair superbe il avait pris les roses.

Mais Eve s’éveillait; de ses paupières closes
Le dernier rêve allait s’enfuir, noir papillon,
Et sous ses cils baissés frémissait un rayon.
Alors, visible au fond du buisson tout en flamme,
Dieu voulut résumer les charmes de la femme
En un seul, mais qui fût le plus essentiel,
Et mit dans son regard tout l’infini du ciel.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Récits Epiques

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:16

Blasphème Et Prière.

Quand le déluge eut fait son oeuvre salutaire,
La race de Noé pullula sur la terre
Ainsi que les yeux d’or sur les plumes du paon.
Alors dans les vallons fertiles du Liban
Heth et Sidon, issus de Cham, le fils indigne,
Vinrent, pour cultiver le froment et la vigne,
Et furent de puissants chefs devant Jéhovah.

Sidon eut de nombreux enfants qu’il éleva;
Heth devint veuf, après un an de mariage,
Et n’obtint qu’un seul fils, l’espoir de son vieil âge.
Hais, étant en sueur, le soir d’une moisson,
Ce fils but de l’eau froide et fut pris d’un frisson,
Puis mourut; et depuis ce temps, le triste père,
Contre Dieu qui l’accable et qui le désespère,
Se révolte, et souvent même il a blasphémé.
Au contraire, Sidon, de tous les siens aimé,
Est heureux, opulent, sage, pur de tous vices;
Il prie, il jeûne, il offre au ciel des sacrifices;
Et tous ses serviteurs vantent sa piété.
Un jour que tous les deux, par la chaleur d’été,
Sur leurs terres venaient de se mettre à l’ouvrage,
Un nuage effrayant où grondait un orage
Accourut, et le ciel brusquement fut tout noir.
Heth, que rongeait toujours son ancien désespoir,
Levant le poing, cria:
« Frappe, Dieu méchant, frappe!
Et qu’il ne reste plus à mes ceps une grappe!

Je te brave. Peux-tu me faire mal, après
Que tu m’as dérobé le fils que j’adorais?
Va! Que ta foudre éclate et que ta grêle tombe,
Dieu cruel, qui couchas mon enfant dans la tombe!
Commets cette injustice encore, Dieu trompeur!
Je resterai debout. Tu ne me fais pas peur! »

Le nuage passa; car Jéhovah lui-même,
En voyant la douleur, eut pitié du blasphème;
Et l’orage plana sur le champ de Sidon.
Celui-ci, se jetant à genoux, dit:
« Pardon.
Dieu d’équité, pardon! Épargne ma récolte!
Jamais je ne me plains ni je ne me révolte;
Toujours, devant ta face auguste, j’ai tremblé;
Et tu protégeras mon raisin et mon blé.
Depuis le temps déjà lointain où j’étais jeune,
Je dis fidèlement ma prière et je jeûne;
Tu dois m’en savoir gré. Souvent sur ton autel,
Seigneur, Dieu Tout-Puissant, l’Unique et l’Immortel,
Ma main a répandu le sang de mes génisses.
Je n’ai point fait de mal, pour que tu me punisses.
Ne me laisse donc pas te supplier en vain,
Roi du ciel, et défends ma farine et mon vin! »

Mais comme la prière, au Seigneur adressée,
Déplaît quand elle part d’une âme intéressée,
Contre l’avare en pleurs l’Éternel s’irrita,
Et ce fut sur Sidon que l’orage éclata.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Récits Epiques

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:17

Sennachérib.

Lorsque Sennachérib eut vaincu la Chaldée
Et que sa gloire y fut solidement fondée,
Il emmena captif tout le peuple. Aux plus vieux
L’on coupa les deux mains et l’on creva les yeux;
Le reste lui bâtit des palais dans Ninive.
Or, un jour qu’il passait à cheval sur la rive
Du Tigre, en habit d’or de perles constellé,
Il vit un grand vieillard, aveugle et mutilé,
De l’ancienne victoire épouvantable preuve,
Que deux beaux jeunes gens conduisaient près du fleuve
Et semblaient entourer d’un respect filial.
Le roi Sennachérib arrêta son cheval
Et, tout en s’appuyant d’une main sur la croupe,
Longtemps et tout François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 923781 il contempla ce groupe.

Le plus jeune des fils du vieillard étranger
Lui présentait du pain et le faisait manger,
Et l’aîné, le guidant avec un soin servile,
Lui décrivait tout haut les beautés de la ville.
Car, pour le pauvre infirme, errant par les chemins,
L’un avait des regards et l’autre avait des mains.

Le roi remit au pas sa bête reposée;
Mais en passant la main sur sa barbe frisée,
Il songeait:
« Cet esclave a de bons fils. Pourquoi
Suis-je jaloux de lui? N’en ai-je donc pas, moi?
Les nombreux descendants de ma race prospère
Entourent de respect leur seigneur et leur père.
Pourquoi de leur amour ne serais-je pas sûr?
Je les ai faits puissants et riches dans Assur;
Je leur ai confié d’immenses satrapies;
Quand j’ai vaincu les Juifs et les Mèdes impies,
J’ai donné ce butin splendide à mes enfants;
N’ont-ils point des chevaux, de l’or, des éléphants,
Des femmes, des palais de granit, où les mène
Un chemin de taureaux ailés à face humaine,
Toutes les voluptés possibles sous leurs pas?
Je les comble. Pourquoi ne m aimeraient-ils pas?
Je dois être aimé d’eux ainsi que je les aime,
Des deux aînés surtout, mes deux préférés même,
Ceux qui marchent toujours aux côtés de mon char,
Mon fils Adraméleck et mon fils Sarrazar,
Qui gouvernent sous moi mon empire et le gèrent. »
Cette nuit-là, ses deux fils aînés regorgèrent.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Récits Epiques

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:17

Le Pharaon

Le devin Thoutmès quatre est mort, et sa momie
Est dans son hypogée à jamais endormie;
Thoutmès quatre est au rang des dieux-rois. Et son fils,
Le nouveau pharaon d’Egypte, Aménophis,
A pris possession du trône de son père.
Coiffé du bandeau d’or où se tord la vipère,
Le torse droit, les mains sur les cuisses, les yeux
Perdus dans on ne sait quel rêve soucieux,
Un morne et froid sourire à ses lèvres lippues,
Il reçoit, au milieu des colonnes trapues
De son palais couvert d’hiéroglyphes peints,
L’hommage des guerriers et des prêtres thébains.
Sur les trépieds d’airain fument les aromates;
Et, prosterné, le chef des hiérogrammates
Lui prédit les grandeurs de son règne futur:
« Salut, roi de Kémit! pharaon trois fois pur,
En qui sont la santé, la vigueur et la vie!
Parle. Ta volonté sainte sera servie.
C’est pour toi que les trois gardiens, Fré, Knef et Fta,
Rendent le Nil fécond de la source au delta,
Et pour toi que les sphinx et les cynocéphales
Lancent vers le soleil leurs clameurs triomphales.
Ordonne, pharaon sublime! Que veux-tu?
La récolte est à toi jusqu’au moindre fétu:
Dicte un ordre, et ce peuple immense, tu l’affames.
A toi l’Egypte! A toi les hommes et les femmes,
Et les produits du sol, et tous les animaux!
Veux-tu la gloire? Eh bien! roi puissant, dis deux mots,
Et nous rassemblerons ta flotte et tes armées:
Les nations seront par ton bras décimées,
Et tu feras courir leurs plus fameux guerriers,
Captifs près de ton char, comme des lévriers;
Et tu reculeras au loin ton territoire
Et graveras partout ta stèle de victoire.
Parle! Dédaignes-tu la guerre et ses hasards?
Ton coeur est-il épris des plaisirs et des arts?
O maître, fais-nous donc savoir ta fantaisie,
Et parmi les parfums cent esclaves d’Asie,
Radieuses ainsi que l’aurore en été
Et parant de bijoux leur brune nudité,
Au son des tambourins et des doubles crotales
T’enivreront de leurs danses orientales!
Ton caprice veut-il construire un monument
Où dure ta mémoire impérissablement
Et près de qui seront trop petits et timides
Le Lac, le Labyrinthe et les trois Pyramides?
Rêve aussi colossal que tu pourras rêver,
Fils des dieux! et, pour toi, nous ferons soulever
Des milliers de blocs lourds par des millions d’hommes.
0 pharaon! tout est à toi dans les vingt nomes,
Le soldat casqué d’or, le prêtre circoncis,
Le scribe, l’artisan à son travail assis,
Ceux de tous les métiers et de toutes les castes,
Et jamais tes désirs ne seront assez vastes.
Parle, ordonne, commande! et nous obéirons. »
Il dit; et tous sont là, muets, courbant leurs fronts.
Mais, se sentant le coeur plein d’un dégoût immense
Et s’étant demandé comme il sied que commence
Ce règne qu’on lui peint si prospère et si beau,
Le jeune roi répond:
« Bâtissez mon tombeau. »
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty L’Hirondelle Du Bouddha.

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:18

L’Hirondelle Du Bouddha.

À Edmond de Guerle.

Quand son enseignement eut consolé le monde,
Le Bouddha, retiré dans la djongle profonde
Et du seul Nirvâna désormais soucieux,
S’assit pour méditer, les bras levés aux cieux;
Et gardant pour toujours cette sainte attitude,
Il vécut dans l’extase et dans la solitude,
Concentrant son esprit sur un rêve sans fin
Avant d’être absorbé par le Néant divin.
Le temps avait rendu tout maigre et tout débile
Le corps ossifié de l’ascète immobile;
Les lianes grimpaient sur son torse engourdi
Que ne réchauffait plus le soleil de midi;
Et ses yeux sans regard, dans leurs mornes paupières,
Semblaient avoir acquis la dureté des pierres.
Il aurait dû mourir, par la faim consumé;
Mais les petits oiseaux, dont il était aimé,
Les oiseaux qui chantaient dans les branches fleuries,
Venaient poser des fruits sur ses lèvres flétries.
Et, depuis très longtemps, c’est ainsi que vivait
Le Bouddha vénérable, absolument parfait.

Donc mille et mille fois, et mille fois encore,
La lune qui blanchit et le soleil qui dore
Les forêts, sur son front tour à tour avaient lui,
Sans que se fût distraite un seul instant en lui
Sa pensée, en un songe immuable perdue,
Lorsque dans sa main droite, au ciel toujours tendue,
Dans sa main sèche et grise ainsi que du granit,
Une hirondelle vint, un jour, et fit son nid.

L’extase du Bouddha ne parut point troublée
Par cette confiante et fidèle exilée
Qui, franchissant du vol la montagne et la mer,
Des froids climats du Nord revenait, chaque hiver,
Et retrouvait toujours son nid chaud et paisible
Dans le creux de la main du rêveur impassible.
À la fin, cependant, elle ne revint plus.

Et, quand les derniers temps furent bien révolus
Du retour des oiseaux que l’exil seul protège,
Lorsque l’Hymalaya se fut couvert de neige
Et lorsque tout espoir fut perdu, le Bouddha
Détourna lentement la tête; il regarda
Sa main vide; et les yeux du divin solitaire,
Qui depuis si longtemps n’avaient rien vu sur terre,
Ses yeux tout éblouis d’immensité, ses yeux
Éteints et fatigués de contempler les cieux,
Ses yeux aux cils brûlés, aux paupières sanglantes.
S’emplirent tout à coup de deux larmes brûlantes;
Et celui dont l’esprit était resté béant
Devant l’amour du vide et l’espoir du néant,
Et qui fuyait la vie et ne voulait rien d’elle,
Pleura, comme un enfant, la mort d’une hirondelle.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Un Évangile.

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:18

Un Évangile.

En ce temps-là, Jésus, seul avec Pierre, errait
Sur la rive du lac, près de Génésareth,
À l’heure où le brûlant soleil de midi plane,
Quand ils virent, devant une pauvre cabane,
La veuve d’un pêcheur, en longs voiles de deuil,
Qui s’était tristement assise sur le seuil,
Retenant dans ses yeux la larme qui les mouille,
Pour bercer son enfant et filer sa quenouille.
Non loin d’elle, cachés par des figuiers touffus,
Le Maître et son ami voyaient sans être vus.

Soudain, un de ces vieux dont le tombeau s’apprête,
Un mendiant, portant un vase sur sa tête,
Vint à passer et dit à celle qui filait:
« Femme, je dois porter ce vase plein de lait
Chez un homme logé dans le prochain village;
Mais tu le vois, je suis faible et brisé par l’âge,
Les maisons sont encore à plus de mille pas,
Et je sens bien que, seul, je n’accomplirai pas
Ce travail, que l’on doit me payer une obole. »

La femme se leva sans dire une parole,
Laissa, sans hésiter, sa quenouille de lin,
Et le berceau d’osier où pleurait l’orphelin,
Prit le vase, et s’en fut avec le misérable.
Et Pierre dit:
« Il faut se montrer secourable,
Maître! mais cette femme a bien peu de raison
D’abandonner ainsi son fils et sa maison,
Pour le premier venu qui s’en va sur la route.
À ce vieux mendiant, non loin d’ici, sans doute,
Quelque passant eût pris son vase et l’eût porté. »

Mais Jésus répondit à Pierre:
« En vérité,
Quand un pauvre a pitié d’un plus pauvre, mon père
Veille sur sa demeure et veut qu’elle prospère.
Cette femme a bien fait de partir sans surseoir. »

Quand il eut dit ces mots, le Seigneur vint s’asseoir
Sur le vieux banc de bois, devant la pauvre hutte.
De ses divines mains, pendant une minute,
Il fila la quenouille et berça le petit;
Puis se levant, il fit signe à Pierre et partit.

Et, quand elle revint à son logis, la veuve,
À qui de sa bonté Dieu donnait cette preuve,
Trouva sans deviner jamais par quel ami,
Sa quenouille filée et son fils endormi.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty La Honte.

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:19

La Honte.

Saint Éphrem, que jamais le démon ne fit choir,
Dans un faubourg de Tyr se promenait, un soir,
Rêvant du paradis et l’âme aux cieux ravie,
Lorsqu’une femme impure et de mauvaise vie,
Qui dans ce lieu désert avait suivi ses pas,
Le prit par son manteau, lui murmurant tout bas
Des propos tentateurs et brûlants de luxure.
Le saint abbé des mains de cette créature
Dégagea son habit, sans témoigner d’émoi,
Et fit signe à la femme, en lui disant: « Suis-moi! »
Et, lorsqu’il eut conduit la courtisane vile
Sur le port, au moment où les gens de la ville
Regardaient le soleil dans la mer s’engloutir
Et les vaisseaux entrer dans la rade de Tyr:
« Arrêtons-nous, - dit-il à la fille perverse, -
Afin que sur-le-champ j’aie avec toi commerce. »

La femme - elle expia tous ses péchés depuis -
Dit alors:
« Es-tu fou, vieillard? Je ne le puis
Au milieu de ce peuple et devant tant de monde. »

Mais Éphrem s’écria:
« Si ton état immonde
Te fait rougir devant les hommes, en ce lieu,
Que ne rougis-tu donc, ô femme, devant Dieu,
Dont le regard connaît toute chose cachée? »

Et, par cette parole ayant l’âme touchée,
Confuse, elle s’enfuit; et, depuis ce moment,
Elle fit pénitence et vécut saintement.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty L’Araignée Du Prophète.

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:19

L’Araignée Du Prophète.

Mohammed, qui venait d’épouser Kadidja,
N’était qu’un chamelier de l’Hedjas; mais déjà
Las de voir adorer des idoles ingrates,
Son esprit méditait les sublimes sourates
Du Koran et rêvait la grandeur d’un seul Dieu,
En plein désert, devant l’infini du ciel bleu.
Or, à l’heure torride où le soleil accable
Les chameaux et les fait se coucher dans le sable,
Accroupis et brisés sur leurs rugueux genoux,
Mohammed, en sueur sous le poids du burnous,
Vit, près de lui, s’ouvrir une caverne sombre;
Et, tenté par le calme et la fraîcheur de l’ombre,
Celui qui fut plus tard le Prophète et l’Émir
Dans ce trou de lion se coucha pour dormir;
Et, lorsqu’ayant posé sous sa tête une pierre,
Il allait sommeiller et fermait la paupière,
Une énorme araignée, au ventre froid et gras,
Glissa de son long fil et courut sur son bras.
Brusquement mis sur pieds d un bond involontaire,
Mohammed rejeta l’insecte immonde à terre,
Et, frissonnant, sans lui laisser le temps de fuir,
Leva pour l’écraser sa sandale de cuir.
Mais soudain il songea que, puisque Dieu la crée,
La bête la plus laide est utile et sacrée,
Et que l’homme, déjà trop plein de cruauté,
Ne doit la mettre à mort que par nécessité;
Et, clément, il laissa partir l’horrible bête.
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François Coppée:Le Poète Des Sentiments - Page 3 Empty Depuis lors bien du temps a passé.

Message par chayma Lun 10 Mai - 19:20

Depuis lors bien du temps a passé.

Le Prophète
Aux ordres de la loi musulmane a soumis
Sa femme, ses enfants, ses parents, ses amis.
Chaque jour, à sa voix, l’Islam s’accroît du triple.
Aux plus lointains pays du désert maint disciple
S’en est allé, portant, cachés sous ses habits,
Les saints versets écrits sur des os de brebis;
Et vingt tribus au seul Allah rendent hommages.
Pourtant les vieux Mekkains, adorateurs d’images,
Dont la grande mosquée accueillait à la fois
Trois cent soixante dieux d’or, d’argile et de bois,
Et ceux à qui les djinns font peur, et les sectaires
D’Hobal, et le bas peuple, avide de mystères,
Qui prit pour une idole et qui divinisa
La vierge byzantine avec l’enfant Issa,
Et tous ceux qui tuaient leurs filles en bas âge,
Ont pris en sainte horreur l’homme pieux et sage
Qui leur parle d’un Dieu qu’ils ne comprennent pas;
Ils souillent de crachats la trace de ses pas;
Et la calme douceur qu’il garde sous l’outrage
Augmente leur colère et redouble leur rage.
On brandit le candjiar, en lui montrant le poing,
Et le Prophète va périr, s’il ne fuit point.

Une nuit donc, il part, seul avec Abou-Beckre.
Or, songeant que parfois le proscrit qu’on exècre
Revient en conquérant terrible et meurtrier
Et courbe tous les fronts jusqu’à son étrier,
Les vieux cheicks, qui joignaient la prudence à la haine,
Envoyèrent après Mohammed, par la plaine,
Des cavaliers ayant l’ordre de l’égorger.

Mais le Prophète alors se souvint du berger.
Par des sentiers gravis jadis avec ses chèvres
Entraînant Abou-Beckre, et le doigt sur les lèvres,
Il put gagner sa grotte ancienne, il s’y cacha,
Et, pendant tout un jour, en vain on le chercha.
Ils étaient là, muets, dans l’ombre qui consterne,
Lorsque les assassins, à l’huis de la caverne,
Parurent, l’oeil au guet et l’arc déjà tendu.
Le Prophète frémit, en se croyant perdu;
Mais, par protection du Très-Haut, l’araignée,
Du sage Mohammed autrefois épargnée,
Avait filé sa toile au seuil de ces rochers
Où les deux fugitifs étaient alors cachés;
Et cette aérienne et fragile barrière
Suffit pour arrêter la bande meurtrière,
Qui revint sur ses pas, pensant qu’un corps humain
N’aurait pu se glisser dans cet étroit chemin
Sans détruire en passant l’araignée et ses toiles.
La nuit vint, et, marchant sous le ciel plein d’étoiles,
Le Prophète, sans crainte et libre, s’en alla.

Allah! Allah! il n’est pas d’autre Dieu qu’Allah!
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