Henry Murger
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Henry Murger
DEDICACE DE LA VIE DE BOHEME
Comme un enfant de bohème,
Marchant toujours au hasard,
Ami, je marche de même
Sur le grand chemin de l' art.
Et pour bâton de voyage,
Comme le bohémien,
J' ai l' espoir et le courage :
Sans cela je n' aurais rien.
Car cette route si belle
Quand je fis mes premiers pas,
Maintenant je la vois telle,
Telle qu' elle existe, hélas !
Je la vois étroite et sombre,
Et déjà j' entends les cris
De mes compagnons dans l' ombre
Qui marchent les pieds meurtris.
J' entends leur chant de misère,
J' entends la plainte de mort
De ceux qui restent derrière ;
Et pourtant j' avance encor.
Et debout sur le rivage,
Les pieds mouillés par le flot,
Ami, c' est d' après l' orage
Que j' ai tracé mon tableau.
Comme un enfant de bohème,
Marchant toujours au hasard,
Ami, je marche de même
Sur le grand chemin de l' art.
Et pour bâton de voyage,
Comme le bohémien,
J' ai l' espoir et le courage :
Sans cela je n' aurais rien.
Car cette route si belle
Quand je fis mes premiers pas,
Maintenant je la vois telle,
Telle qu' elle existe, hélas !
Je la vois étroite et sombre,
Et déjà j' entends les cris
De mes compagnons dans l' ombre
Qui marchent les pieds meurtris.
J' entends leur chant de misère,
J' entends la plainte de mort
De ceux qui restent derrière ;
Et pourtant j' avance encor.
Et debout sur le rivage,
Les pieds mouillés par le flot,
Ami, c' est d' après l' orage
Que j' ai tracé mon tableau.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
A NINON
Sur du vélin lisse, à tranche dorée,
Quand il eut écrit, et signé son nom,
Valentin ferma son épître ambrée,
Et sur l' enveloppe-il mit : pour Ninon !
Valentin, madame, est un beau jeune homme
Que vous aimeriez, car il est très-blond ;
Chacun l' examine et tout bas le nomme
Quand la bouche en coeur il entre au salon.
En moins de six mois, aux pieds de sa belle,
Valentin, dit-on, a déjà fondu,
Comme en un creuset, sa fortune et celle
D' un oncle, -lingot des Indes venu.
Mais l' oncle a fini sa carrière humaine ;
Il est mort avec son dernier écu :
Mort le verre en main, et la bouche pleine,
Tel que soixante ans il avait vécu.
C' est à ce propos, qu' à son adorée
Le pauvre héritier du pauvre défunt
Écrivait hier l' épistole ambrée
Dont Ninon d' abord huma le parfum.
Ô cara mia, Ninette ! Ninette !
Sans aller plus loin, fonds tes yeux en eau,
L' oncle million a payé la dette
Que tout homme doit payer au tombeau.
Mais ce n' est pas là, Ninon, le plus triste,
Et pour sangloter attends un moment :
Ninon, je m' en vais me faire trappiste,
Ou bien m' engager dans un régiment.
Je suis ruiné des pieds à la tête,
Ruiné, ma chère ; hier j' ai vendu
Mon cheval barbare, -une fine bête
Comme au steaple-chease on en a peu vu.
Que la volonté du seigneur soit faite !
Et sur nos amours baissons le rideau ;
Quand je serai loin tu pourras, Ninette,
Le relever sur un amour nouveau.
Je n' ai plus le sou, ma chère, et ton code,
Dans un cas pareil, condamne à l' oubli ;
Et sans pleurs, ainsi qu' une ancienne mode,
Tu vas m' oublier, -n' est-ce pas, Nini ?
C' est égal, vois-tu, nous aurons, ma chère,
Sans compter les nuits, passé d' heureux jours.
Ils n' ont pas duré longtemps, -mais qu' y faire ?
Ce sont les plus beaux qui sont les plus courts.
1845
Quand il eut écrit, et signé son nom,
Valentin ferma son épître ambrée,
Et sur l' enveloppe-il mit : pour Ninon !
Valentin, madame, est un beau jeune homme
Que vous aimeriez, car il est très-blond ;
Chacun l' examine et tout bas le nomme
Quand la bouche en coeur il entre au salon.
En moins de six mois, aux pieds de sa belle,
Valentin, dit-on, a déjà fondu,
Comme en un creuset, sa fortune et celle
D' un oncle, -lingot des Indes venu.
Mais l' oncle a fini sa carrière humaine ;
Il est mort avec son dernier écu :
Mort le verre en main, et la bouche pleine,
Tel que soixante ans il avait vécu.
C' est à ce propos, qu' à son adorée
Le pauvre héritier du pauvre défunt
Écrivait hier l' épistole ambrée
Dont Ninon d' abord huma le parfum.
Ô cara mia, Ninette ! Ninette !
Sans aller plus loin, fonds tes yeux en eau,
L' oncle million a payé la dette
Que tout homme doit payer au tombeau.
Mais ce n' est pas là, Ninon, le plus triste,
Et pour sangloter attends un moment :
Ninon, je m' en vais me faire trappiste,
Ou bien m' engager dans un régiment.
Je suis ruiné des pieds à la tête,
Ruiné, ma chère ; hier j' ai vendu
Mon cheval barbare, -une fine bête
Comme au steaple-chease on en a peu vu.
Que la volonté du seigneur soit faite !
Et sur nos amours baissons le rideau ;
Quand je serai loin tu pourras, Ninette,
Le relever sur un amour nouveau.
Je n' ai plus le sou, ma chère, et ton code,
Dans un cas pareil, condamne à l' oubli ;
Et sans pleurs, ainsi qu' une ancienne mode,
Tu vas m' oublier, -n' est-ce pas, Nini ?
C' est égal, vois-tu, nous aurons, ma chère,
Sans compter les nuits, passé d' heureux jours.
Ils n' ont pas duré longtemps, -mais qu' y faire ?
Ce sont les plus beaux qui sont les plus courts.
1845
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
OPHELIA
Sur un lit de sable, entre les roseaux,
Le flot nonchalant murmure une gamme
Et dans sa folie, étant toujours femme,
L'enfant se pencha sur les claires eaux.
Sur les claires eaux tandis qu' elle penche
Son pâle visage et le trouve beau,
Elle voit flotter au courant de l' eau
Une herbe marine, à fleur jaune et blanche.
Dans ses longs cheveux elle met la fleur,
Et dans sa folie, étant toujours femme,
À ce ruisseau clair, qui chante une gamme,
L' enfant mire encor sa fraîche pâleur.
Une fleur du ciel, une étoile blonde
Au front de la nuit tout à coup brilla,
Et, coquette aussi comme Ophélia,
Mirait sa pâleur au cristal de l' onde.
La folle aperçoit au milieu de l' eau
L' étoile reluire ainsi qu' une flamme,
Et dans sa folie, étant toujours femme,
Elle veut avoir ce bijou nouveau.
Elle étend la main pour cueillir l' étoile
Qui l' attire au loin par son reflet d' or,
Mais l' étoile fuit ; elle avance encor :
Un soir, sur la rive on trouve son voile.
Sa tombe est au bord de ces claires eaux,
Où, la nuit, Stella vint mirer sa flamme,
Et le ruisseau clair, qui chante une gamme
Roule vers le fleuve entre les roseaux.
1845
Le flot nonchalant murmure une gamme
Et dans sa folie, étant toujours femme,
L'enfant se pencha sur les claires eaux.
Sur les claires eaux tandis qu' elle penche
Son pâle visage et le trouve beau,
Elle voit flotter au courant de l' eau
Une herbe marine, à fleur jaune et blanche.
Dans ses longs cheveux elle met la fleur,
Et dans sa folie, étant toujours femme,
À ce ruisseau clair, qui chante une gamme,
L' enfant mire encor sa fraîche pâleur.
Une fleur du ciel, une étoile blonde
Au front de la nuit tout à coup brilla,
Et, coquette aussi comme Ophélia,
Mirait sa pâleur au cristal de l' onde.
La folle aperçoit au milieu de l' eau
L' étoile reluire ainsi qu' une flamme,
Et dans sa folie, étant toujours femme,
Elle veut avoir ce bijou nouveau.
Elle étend la main pour cueillir l' étoile
Qui l' attire au loin par son reflet d' or,
Mais l' étoile fuit ; elle avance encor :
Un soir, sur la rive on trouve son voile.
Sa tombe est au bord de ces claires eaux,
Où, la nuit, Stella vint mirer sa flamme,
Et le ruisseau clair, qui chante une gamme
Roule vers le fleuve entre les roseaux.
1845
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
MADRIGAL
Vous en rirez, pour en faire sourire
Les gens à qui vous irez le conter ;
Mais je vous aime et j' aime à vous le dire,
Ne dussiez-vous pas même m' écouter.
De cet amour j' ignore l' origine ;
Mon coeur plus tard doit peut-être en souffrir,
Mais ma blessure aimera son épine :
Il est des maux qu' on a peur de guérir.
Pour quelques mots échangés à voix basse,
Pour un instant auprès de vous passé
Dans mon chemin j' ai retrouvé la place
Où mes vingt ans autrefois m' ont laissé
Jeunesse, amour, poésie, espérance,
J' ai reconquis ce que j' avais perdu ;
C' est bien le moins qu' avec vous je dépense
Tout le trésor que vous m' avez rendu.
1850
Les gens à qui vous irez le conter ;
Mais je vous aime et j' aime à vous le dire,
Ne dussiez-vous pas même m' écouter.
De cet amour j' ignore l' origine ;
Mon coeur plus tard doit peut-être en souffrir,
Mais ma blessure aimera son épine :
Il est des maux qu' on a peur de guérir.
Pour quelques mots échangés à voix basse,
Pour un instant auprès de vous passé
Dans mon chemin j' ai retrouvé la place
Où mes vingt ans autrefois m' ont laissé
Jeunesse, amour, poésie, espérance,
J' ai reconquis ce que j' avais perdu ;
C' est bien le moins qu' avec vous je dépense
Tout le trésor que vous m' avez rendu.
1850
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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CHANSON
Bouche mignonne et lèvre rose,
À la chanson
Toujours ouverte ; voyez Rose
Alerte comme un gai pinson.
Pour en tresser une couronne,
À pleines mains dans le blé mur
Rose moissonne
À pleines mains les fleurs d' azur.
Cheveux blonds flottant sous le voile
En longs anneaux,
À l' heure où la première étoile
Ramène le pâtre aux hameaux ;
Rose, dont le coeur bat plus vite,
Dans les prés effeuille à son tour
La marguerite
Qui dit les secrets de l' amour.
Beaux bluets qu' on tresse en couronne
Dans les beaux jours,
Belles fleurs que le printemps donne
Pour oracle aux premiers amours,
Tout se fane bien vite, Rose :
Un jour tu n' auras à cueillir
De fleur éclose
Que dans les champs du souvenir.
1843
À la chanson
Toujours ouverte ; voyez Rose
Alerte comme un gai pinson.
Pour en tresser une couronne,
À pleines mains dans le blé mur
Rose moissonne
À pleines mains les fleurs d' azur.
Cheveux blonds flottant sous le voile
En longs anneaux,
À l' heure où la première étoile
Ramène le pâtre aux hameaux ;
Rose, dont le coeur bat plus vite,
Dans les prés effeuille à son tour
La marguerite
Qui dit les secrets de l' amour.
Beaux bluets qu' on tresse en couronne
Dans les beaux jours,
Belles fleurs que le printemps donne
Pour oracle aux premiers amours,
Tout se fane bien vite, Rose :
Un jour tu n' auras à cueillir
De fleur éclose
Que dans les champs du souvenir.
1843
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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RENOVARE
Avez-vous oublié, Louise,
Le coin fleuri du vieux jardin
Où, certain soir, ma main s' est mise
Pleine d' émoi dans votre main ?
Nos lèvres cherchaient nos paroles,
Nos genoux touchaient nos genoux ;
Nous étions assis sous les saules...
Dites, vous en souvenez-vous ?
Avez-vous oublié, Marie,
L' échange de nos deux anneaux,
Les soleils d' or dans la prairie,
Le bois plein d' ombre et plein d' oiseaux,
La fontaine au bassin sonore,
Où nous avions nos rendez-vous ?
De ces lieux, et d' autres encore,
Avez-vous oublié, Christine,
Le boudoir rose et parfumé,
L' humble chambre du ciel voisine,
Les jours d' avril, les nuits de mai ?
Ces claires nuits où les étoiles
Semblaient vous dire : ainsi que nous,
Belle, laissez tomber vos voiles...
Louise est morte, hélas ! Marie
À la débauche tend la main ;
La pâle Christine est partie
Refleurir au soleil romain.
Louise, Marie et Christine
Pour moi sont mortes toutes trois ;
Notre amour n' est qu' une ruine,
Et seul j' y pense quelquefois.
1843.
Le coin fleuri du vieux jardin
Où, certain soir, ma main s' est mise
Pleine d' émoi dans votre main ?
Nos lèvres cherchaient nos paroles,
Nos genoux touchaient nos genoux ;
Nous étions assis sous les saules...
Dites, vous en souvenez-vous ?
Avez-vous oublié, Marie,
L' échange de nos deux anneaux,
Les soleils d' or dans la prairie,
Le bois plein d' ombre et plein d' oiseaux,
La fontaine au bassin sonore,
Où nous avions nos rendez-vous ?
De ces lieux, et d' autres encore,
Avez-vous oublié, Christine,
Le boudoir rose et parfumé,
L' humble chambre du ciel voisine,
Les jours d' avril, les nuits de mai ?
Ces claires nuits où les étoiles
Semblaient vous dire : ainsi que nous,
Belle, laissez tomber vos voiles...
Louise est morte, hélas ! Marie
À la débauche tend la main ;
La pâle Christine est partie
Refleurir au soleil romain.
Louise, Marie et Christine
Pour moi sont mortes toutes trois ;
Notre amour n' est qu' une ruine,
Et seul j' y pense quelquefois.
1843.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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LE REQUIEM D'AMOUR
Alors que je voulais choisir une maîtresse,
Et qu' un jour le hasard fit rencontrer nos pas,
J' ai mis entre tes mains mon coeur et ma jeunesse
Et je t' ai dit : fais-en tout ce que tu voudras.
Hélas ! Ta volonté fut cruelle, ma chère :
Dans tes mains ma jeunesse est restée en lambeaux,
Mon coeur s' est en éclats brisé comme du verre,
Et ma chambre est le cimetière
Où sont enterrés les morceaux
De ce qui t' aima tant naguère.
Entre nous maintenant, n-i, ni, -c' est fini,
Je ne suis plus qu' un spectre et tu n' es qu' un fantôme,
Et sur notre amour mort et bien enseveli
Nous allons, si tu veux, chanter le dernier psaume.
Pourtant ne prenons point un air écrit trop haut,
Nous pourrions tous les deux n' avoir pas la voix sûre ;
Choisissons un mineur grave et sans fioriture ;
Moi je ferai la basse et toi le soprano.
Mi, ré, mi, do, ré, la. -pas cet air, ma petite !
S' il entendait cet air que tu chantais jadis,
Mon coeur, tout mort qu' il est, tressaillirait bien vite
Et ressusciterait à ce de profundis.
Do, mi, fa, sol, mi, do. -celui-ci me rappelle
Une valse à deux temps qui me fit bien du mal :
Le fifre au rire aigu raillait le violoncelle
Qui pleurait sous l' archet ses notes de cristal.
Sol, do, do, si, si, la. -point cet air, je t' en prie,
Nous l' avons, l' an dernier, ensemble répété
Avec des allemands qui chantaient leur patrie
Dans les bois de Meudon, par une nuit d' été.
Eh bien ! Ne chantons pas, restons-en là, ma chère ;
Et pour n' y plus penser, pour n' y plus revenir,
Sur nos amours défunts, sans haine et sans colère
Jetons en souriant un dernier souvenir.
Nous étions bien heureux dans la petite chambre
Quand ruisselait la pluie et que soufflait le vent ;
Assis dans le fauteuil, près de l' âtre, en décembre
Aux lueurs de tes yeux j' ai rêvé bien souvent.
La houille pétillait ; en chauffant sur les cendres,
La bouilloire chantait son refrain régulier
Et faisait un orchestre au bal des salamandres
Qui voltigeaient dans le foyer.
Feuilletant un roman, paresseuse et frileuse,
Tandis que tu fermais tes yeux ensommeillés,
Moi je rajeunissais ma jeunesse amoureuse,
Mes lèvres sur tes mains et mon coeur à tes pieds.
Aussi, quand on entrait, la porte ouverte à peine,
On sentait le parfum d' amour et de gaîté
Dont notre chambre était du matin au soir pleine,
Car le bonheur aimait notre hospitalité.
Puis l' hiver s' en alla ; par la fenêtre ouverte
Le printemps un matin vient nous donner l' éveil,
Et ce jour-là tous deux dans la campagne verte
Nous allâmes courir au-devant du soleil.
C' était le vendredi de la sainte semaine,
Et, contre l' ordinaire, il faisait un beau temps :
Du val à la colline et du bois à la plaine,
D' un pied leste et joyeux, nous courûmes longtemps.
Fatigués cependant par ce pèlerinage,
Dans un lieu qui formait un divan naturel,
Et d' où l' on pouvait voir au loin le paysage,
Nous nous sommes assis en regardant le ciel.
Les mains pressant les mains, épaule contre épaule,
Et, sans savoir pourquoi, l' un et l' autre oppressés,
Notre bouche s' ouvrit sans dire une parole,
Et nous nous sommes embrassés.
Près de nous l' hyacinthe avec la violette
Mariaient leur parfum qui montait dans l' air pur ;
Et nous vîmes tous deux, en relevant la tête,
Dieu qui nous souriait à son balcon d' azur.
" aimez-vous, disait-il ; c' est pour rendre plus douce
" la route où vous marchez que j' ai fait sous vos pas
" dérouler en tapis le velours de la mousse.
" embrassez-vous encor, -je ne regarde pas.
" aimez-vous, aimez-vous : dans le vent qui murmure,
" dans les limpides eaux, dans les bois reverdis,
" dans l' astre, dans la fleur, dans la chanson des nids,
" c' est pour vous que j' ai fait renaître ma nature.
" aimez-vous, aimez-vous ; et de mon soleil d' or,
" de mon printemps nouveau qui réjouit la terre,
" si vous êtes contents, au lieu d' une prière
" pour me remercier, -embrassez-vous encor. "
Un mois après ce jour, quand fleurirent les roses
Dans le petit jardin que nous avions planté,
Quand je t' aimais le mieux, sans m' en dire les causes,
Brusquement ton amour de moi s' est écarté.
Où s' en est-il allé ? Partout un peu, je pense ;
Car, faisant triompher l' une et l' autre couleur,
Ton amour inconstant flotte sans préférence
Du brun valet de pique au blond valet de coeur.
Te voilà maintenant heureuse : ton caprice
Règne sur une cour de galants jouvenceaux,
Et tu ne peux marcher sans qu' à tes pieds fleurisse
Un parterre émaillé d' odorants madrigaux.
Dans les jardins de bal quand tu fais ton entrée,
Autour de toi se forme un cercle langoureux ;
Et le frémissement de ta robe moirée
Pâme en choeur laudatif ta meute d' amoureux.
Élégamment chaussé d' une souple bottine
Qui serait trop étroite au pied de Cendrillon,
Ton pied est si petit qu' à peine on le devine
Quand la valse t' emporte en son gai tourbillon.
Dans les bains onctueux d' une huile de paresse
Tes mains, brunes jadis, ont retrouvé depuis
La pâleur de l' ivoire ou du lis que caresse
Le rayon argenté dont s' éclairent les nuits.
Autour de ton bras blanc une perle choisie
Constelle un bracelet ciselé par Froment,
Et sur tes reins cambrés un grand châle d' Asie
En cascade de plis ondule artistement.
Tes cheveux crespelés selon la mode antique,
Blondissant comme l' or en reflets lumineux,
Des violents parfums d' une flore exotique
Enivrent le zéphyr qui voltige autour d' eux.
La dentelle de Flandre et le point d' Angleterre,
La guipure gothique à la mate blancheur,
Chef-d' oeuvre arachnéen d' un âge séculaire,
De ta riche toilette achèvent la splendeur.
Pour moi, je t' aimais mieux dans tes robes de toile
Printanière, indienne ou modeste organdi,
Atours frais et coquets, simple chapeau sans voile,
Brodequins gris ou noirs, et col blanc tout uni.
Car ce luxe nouveau qui te rend si jolie
Ne me rappelle pas mes amours disparus,
Et tu n' es que plus morte et mieux ensevelie
Dans ce linceul de soie où ton coeur ne bat plus.
Lorsque je composai ce morceau funéraire
Qui n' est qu' un long regret de mon bonheur passé,
J' étais vêtu de noir comme un parfait notaire,
Moins les besicles d' or et le jabot plissé.
Un crêpe enveloppait le manche de ma plume,
Et des filets de deuil encadraient le papier
Sur lequel j' écrivais ces strophes où j' exhume
Le dernier souvenir de mon amour dernier.
Arrivé cependant à la fin d' un poëme
Où je jette mon coeur dans le fond d' un grand trou,
Gaîté de croque-mort qui s' enterre lui-même,
Voilà que je me mets à rire comme un fou.
Mais cette gaîté-là n' est qu' une raillerie :
Ma plume en écrivant a tremblé dans ma main,
Et quand je souriais, comme une chaude pluie,
Mes larmes effaçaient les mots sur le vélin.
1849.
Et qu' un jour le hasard fit rencontrer nos pas,
J' ai mis entre tes mains mon coeur et ma jeunesse
Et je t' ai dit : fais-en tout ce que tu voudras.
Hélas ! Ta volonté fut cruelle, ma chère :
Dans tes mains ma jeunesse est restée en lambeaux,
Mon coeur s' est en éclats brisé comme du verre,
Et ma chambre est le cimetière
Où sont enterrés les morceaux
De ce qui t' aima tant naguère.
Entre nous maintenant, n-i, ni, -c' est fini,
Je ne suis plus qu' un spectre et tu n' es qu' un fantôme,
Et sur notre amour mort et bien enseveli
Nous allons, si tu veux, chanter le dernier psaume.
Pourtant ne prenons point un air écrit trop haut,
Nous pourrions tous les deux n' avoir pas la voix sûre ;
Choisissons un mineur grave et sans fioriture ;
Moi je ferai la basse et toi le soprano.
Mi, ré, mi, do, ré, la. -pas cet air, ma petite !
S' il entendait cet air que tu chantais jadis,
Mon coeur, tout mort qu' il est, tressaillirait bien vite
Et ressusciterait à ce de profundis.
Do, mi, fa, sol, mi, do. -celui-ci me rappelle
Une valse à deux temps qui me fit bien du mal :
Le fifre au rire aigu raillait le violoncelle
Qui pleurait sous l' archet ses notes de cristal.
Sol, do, do, si, si, la. -point cet air, je t' en prie,
Nous l' avons, l' an dernier, ensemble répété
Avec des allemands qui chantaient leur patrie
Dans les bois de Meudon, par une nuit d' été.
Eh bien ! Ne chantons pas, restons-en là, ma chère ;
Et pour n' y plus penser, pour n' y plus revenir,
Sur nos amours défunts, sans haine et sans colère
Jetons en souriant un dernier souvenir.
Nous étions bien heureux dans la petite chambre
Quand ruisselait la pluie et que soufflait le vent ;
Assis dans le fauteuil, près de l' âtre, en décembre
Aux lueurs de tes yeux j' ai rêvé bien souvent.
La houille pétillait ; en chauffant sur les cendres,
La bouilloire chantait son refrain régulier
Et faisait un orchestre au bal des salamandres
Qui voltigeaient dans le foyer.
Feuilletant un roman, paresseuse et frileuse,
Tandis que tu fermais tes yeux ensommeillés,
Moi je rajeunissais ma jeunesse amoureuse,
Mes lèvres sur tes mains et mon coeur à tes pieds.
Aussi, quand on entrait, la porte ouverte à peine,
On sentait le parfum d' amour et de gaîté
Dont notre chambre était du matin au soir pleine,
Car le bonheur aimait notre hospitalité.
Puis l' hiver s' en alla ; par la fenêtre ouverte
Le printemps un matin vient nous donner l' éveil,
Et ce jour-là tous deux dans la campagne verte
Nous allâmes courir au-devant du soleil.
C' était le vendredi de la sainte semaine,
Et, contre l' ordinaire, il faisait un beau temps :
Du val à la colline et du bois à la plaine,
D' un pied leste et joyeux, nous courûmes longtemps.
Fatigués cependant par ce pèlerinage,
Dans un lieu qui formait un divan naturel,
Et d' où l' on pouvait voir au loin le paysage,
Nous nous sommes assis en regardant le ciel.
Les mains pressant les mains, épaule contre épaule,
Et, sans savoir pourquoi, l' un et l' autre oppressés,
Notre bouche s' ouvrit sans dire une parole,
Et nous nous sommes embrassés.
Près de nous l' hyacinthe avec la violette
Mariaient leur parfum qui montait dans l' air pur ;
Et nous vîmes tous deux, en relevant la tête,
Dieu qui nous souriait à son balcon d' azur.
" aimez-vous, disait-il ; c' est pour rendre plus douce
" la route où vous marchez que j' ai fait sous vos pas
" dérouler en tapis le velours de la mousse.
" embrassez-vous encor, -je ne regarde pas.
" aimez-vous, aimez-vous : dans le vent qui murmure,
" dans les limpides eaux, dans les bois reverdis,
" dans l' astre, dans la fleur, dans la chanson des nids,
" c' est pour vous que j' ai fait renaître ma nature.
" aimez-vous, aimez-vous ; et de mon soleil d' or,
" de mon printemps nouveau qui réjouit la terre,
" si vous êtes contents, au lieu d' une prière
" pour me remercier, -embrassez-vous encor. "
Un mois après ce jour, quand fleurirent les roses
Dans le petit jardin que nous avions planté,
Quand je t' aimais le mieux, sans m' en dire les causes,
Brusquement ton amour de moi s' est écarté.
Où s' en est-il allé ? Partout un peu, je pense ;
Car, faisant triompher l' une et l' autre couleur,
Ton amour inconstant flotte sans préférence
Du brun valet de pique au blond valet de coeur.
Te voilà maintenant heureuse : ton caprice
Règne sur une cour de galants jouvenceaux,
Et tu ne peux marcher sans qu' à tes pieds fleurisse
Un parterre émaillé d' odorants madrigaux.
Dans les jardins de bal quand tu fais ton entrée,
Autour de toi se forme un cercle langoureux ;
Et le frémissement de ta robe moirée
Pâme en choeur laudatif ta meute d' amoureux.
Élégamment chaussé d' une souple bottine
Qui serait trop étroite au pied de Cendrillon,
Ton pied est si petit qu' à peine on le devine
Quand la valse t' emporte en son gai tourbillon.
Dans les bains onctueux d' une huile de paresse
Tes mains, brunes jadis, ont retrouvé depuis
La pâleur de l' ivoire ou du lis que caresse
Le rayon argenté dont s' éclairent les nuits.
Autour de ton bras blanc une perle choisie
Constelle un bracelet ciselé par Froment,
Et sur tes reins cambrés un grand châle d' Asie
En cascade de plis ondule artistement.
Tes cheveux crespelés selon la mode antique,
Blondissant comme l' or en reflets lumineux,
Des violents parfums d' une flore exotique
Enivrent le zéphyr qui voltige autour d' eux.
La dentelle de Flandre et le point d' Angleterre,
La guipure gothique à la mate blancheur,
Chef-d' oeuvre arachnéen d' un âge séculaire,
De ta riche toilette achèvent la splendeur.
Pour moi, je t' aimais mieux dans tes robes de toile
Printanière, indienne ou modeste organdi,
Atours frais et coquets, simple chapeau sans voile,
Brodequins gris ou noirs, et col blanc tout uni.
Car ce luxe nouveau qui te rend si jolie
Ne me rappelle pas mes amours disparus,
Et tu n' es que plus morte et mieux ensevelie
Dans ce linceul de soie où ton coeur ne bat plus.
Lorsque je composai ce morceau funéraire
Qui n' est qu' un long regret de mon bonheur passé,
J' étais vêtu de noir comme un parfait notaire,
Moins les besicles d' or et le jabot plissé.
Un crêpe enveloppait le manche de ma plume,
Et des filets de deuil encadraient le papier
Sur lequel j' écrivais ces strophes où j' exhume
Le dernier souvenir de mon amour dernier.
Arrivé cependant à la fin d' un poëme
Où je jette mon coeur dans le fond d' un grand trou,
Gaîté de croque-mort qui s' enterre lui-même,
Voilà que je me mets à rire comme un fou.
Mais cette gaîté-là n' est qu' une raillerie :
Ma plume en écrivant a tremblé dans ma main,
Et quand je souriais, comme une chaude pluie,
Mes larmes effaçaient les mots sur le vélin.
1849.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LA CHANSON DE MUSETTE
Hier, en voyant une hirondelle
Qui nous ramenait le printemps,
Je me suis rappelé la belle
Qui m' aima quand elle eut le temps.
Et pendant toute la journée,
Pensif, je suis resté devant
Le vieil almanach de l' année
Où nous nous sommes aimés tant.
Non, ma jeunesse n' est pas morte,
Il n' est pas mort ton souvenir ;
Et si tu frappais à ma porte,
Mon coeur, Musette, irait t' ouvrir.
Puisqu' à ton nom toujours il tremble,
Muse de l' infidélité,
Reviens encor manger ensemble
Le pain béni de la gaîté.
Les meubles de notre chambrette,
Ces vieux amis de notre amour,
Déjà prennent un air de fête
Au seul espoir de ton retour.
Viens, tu reconnaîtras, ma chère,
Tous ceux qu' en deuil mit ton départ,
Le petit lit-et le grand verre
Où tu buvais souvent ma part.
Tu remettras la robe blanche
Dont tu te parais autrefois,
Et comme autrefois, le dimanche,
Nous irons courir dans les bois.
Assis le soir sous la tonnelle,
Nous boirons encor ce vin clair
Où ta chanson mouillait son aile
Avant de s' envoler dans l' air.
Dieu, qui ne garde pas rancune
Aux méchants tours que tu m' as faits,
Ne refusera pas la lune
À nos baisers, sous les bosquets.
Tu retrouveras la nature
Toujours aussi belle, et toujours,
Ô ma charmante créature,
Prête à sourire à nos amours.
Musette qui s' est souvenue,
Le carnaval étant fini,
Un beau matin est revenue,
Oiseau volage, à l' ancien nid ;
Mais en embrassant l' infidèle,
Mon coeur n' a plus senti d' émoi,
Et Musette, qui n' est plus elle,
Disait que je n' étais plus moi.
Adieu, va-t' en, chère adorée,
Bien morte avec l' amour dernier ;
Notre jeunesse est enterrée
Au fond du vieux calendrier.
Ce n' est plus qu' en fouillant la cendre
Des beaux jours qu' il a contenus,
Qu' un souvenir pourra nous rendre
La clef des paradis perdus.
1850.
Qui nous ramenait le printemps,
Je me suis rappelé la belle
Qui m' aima quand elle eut le temps.
Et pendant toute la journée,
Pensif, je suis resté devant
Le vieil almanach de l' année
Où nous nous sommes aimés tant.
Non, ma jeunesse n' est pas morte,
Il n' est pas mort ton souvenir ;
Et si tu frappais à ma porte,
Mon coeur, Musette, irait t' ouvrir.
Puisqu' à ton nom toujours il tremble,
Muse de l' infidélité,
Reviens encor manger ensemble
Le pain béni de la gaîté.
Les meubles de notre chambrette,
Ces vieux amis de notre amour,
Déjà prennent un air de fête
Au seul espoir de ton retour.
Viens, tu reconnaîtras, ma chère,
Tous ceux qu' en deuil mit ton départ,
Le petit lit-et le grand verre
Où tu buvais souvent ma part.
Tu remettras la robe blanche
Dont tu te parais autrefois,
Et comme autrefois, le dimanche,
Nous irons courir dans les bois.
Assis le soir sous la tonnelle,
Nous boirons encor ce vin clair
Où ta chanson mouillait son aile
Avant de s' envoler dans l' air.
Dieu, qui ne garde pas rancune
Aux méchants tours que tu m' as faits,
Ne refusera pas la lune
À nos baisers, sous les bosquets.
Tu retrouveras la nature
Toujours aussi belle, et toujours,
Ô ma charmante créature,
Prête à sourire à nos amours.
Musette qui s' est souvenue,
Le carnaval étant fini,
Un beau matin est revenue,
Oiseau volage, à l' ancien nid ;
Mais en embrassant l' infidèle,
Mon coeur n' a plus senti d' émoi,
Et Musette, qui n' est plus elle,
Disait que je n' étais plus moi.
Adieu, va-t' en, chère adorée,
Bien morte avec l' amour dernier ;
Notre jeunesse est enterrée
Au fond du vieux calendrier.
Ce n' est plus qu' en fouillant la cendre
Des beaux jours qu' il a contenus,
Qu' un souvenir pourra nous rendre
La clef des paradis perdus.
1850.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
AU MUR DE MA CELLULE
Au mur de ma cellule, ainsi qu' un reliquaire
À qui cinq ans ont fait un linceul de poussière,
Pour tout autre que moi, symboles incompris,
De mon premier amour j' ai cloué les débris.
Ô jours qui n' êtes plus, jours qui faites sans trêves
Éclore tant de fleurs et fleurir tant de rêves ;
Nuits, qui suivez ces jours, et vous, heures des nuits,
Où plane le silence, où pleurent les ennuis,
Où le jeune homme veille, appelant dans sa fièvre
Celle-là dont le nom lui caresse la lèvre ;
Ô jours qui n' êtes plus, nuits qui suivez ces jours,
Lorsque vous nous fuyez en fuyant pour toujours,
Que reste-t-il de vous pour qu' on ne vous oublie ?
Quelque ruban fané, quelque rose pâlie,
Un voile, des cheveux en bracelets tressés,
Des gants un soir de bal perdus et ramassés,
Pauvres hochets du coeur que plus tard l' esprit raille,
Et près d' un Clodion accroche à la muraille.
1844.
À qui cinq ans ont fait un linceul de poussière,
Pour tout autre que moi, symboles incompris,
De mon premier amour j' ai cloué les débris.
Ô jours qui n' êtes plus, jours qui faites sans trêves
Éclore tant de fleurs et fleurir tant de rêves ;
Nuits, qui suivez ces jours, et vous, heures des nuits,
Où plane le silence, où pleurent les ennuis,
Où le jeune homme veille, appelant dans sa fièvre
Celle-là dont le nom lui caresse la lèvre ;
Ô jours qui n' êtes plus, nuits qui suivez ces jours,
Lorsque vous nous fuyez en fuyant pour toujours,
Que reste-t-il de vous pour qu' on ne vous oublie ?
Quelque ruban fané, quelque rose pâlie,
Un voile, des cheveux en bracelets tressés,
Des gants un soir de bal perdus et ramassés,
Pauvres hochets du coeur que plus tard l' esprit raille,
Et près d' un Clodion accroche à la muraille.
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LA CHANSON D'HIVER
Les gens qu' amuse le théâtre
Nous ont fourni pour cet hiver
Du charbon de quoi remplir l' âtre ;
Et le pain, dit-on, n' est pas cher.
Verrous tirés, ô ma petite !
Enfermons-nous pour nous aimer :
Tant que bouillira la marmite,
Nous serons là pour l' écumer.
Si d' amour sec et d' onde pure
L' amour, dit-on, ne vit pas bien,
Notre tirelire murmure
Le bruit du flot pactolien.
À ce doux bruit qui nous caresse,
Sans crainte nous pouvons dormir :
Nous avons six mois de tendresse
Sur la planche de l' avenir.
Comme on effeuille dans un livre
Un bouquet fraîchement cueilli,
Pour que plus tard il vous enivre
D' un reste de parfum vieilli ;
Si nous ne voulons pas, ma chère,
Avant le temps nous oublier,
Tristes ou gais, il faut nous faire
Des souvenirs pour nous lier.
Quand le givre aux carreaux burine
Ses caprices étincelants,
Quand la neige épaissit l' hermine
Dont elle a vêtu les toits blancs,
Ermites du bonheur tranquille,
Oublieux, oubliés de tous,
Que notre amour frileux s' exile
Dans l' égoïsme du chez nous.
Messager de bonnes nouvelles,
Quand noël au gai carillon
Fait pétiller les étincelles
De la bûche du réveillon ;
Célébrant la vieille coutume,
Entre le soir et le matin,
Sur la braise qui se consume
Nous ferons griller du boudin.
Échos de Rome et de Venise,
Quand les grelots du carnaval,
Qu' à son gré Gavarni déguise,
Fredonneront l' appel au bal ;
Prenant de loin part à la fête,
Nous boirons le reste du vin
Où jadis la pauvre Musette
Mouillait sa lèvre et son refrain.
Et tant qu' aux vives salamandres,
Lumineux esprits du foyer,
Le grillon, rossignol des cendres
Redira son cri familier :
Engourdis dans notre bien-être,
Comme au fond d' un nid duveté,
Sans regarder le thermomètre
Nous attendrons fleurir l' été.
1853.
Nous ont fourni pour cet hiver
Du charbon de quoi remplir l' âtre ;
Et le pain, dit-on, n' est pas cher.
Verrous tirés, ô ma petite !
Enfermons-nous pour nous aimer :
Tant que bouillira la marmite,
Nous serons là pour l' écumer.
Si d' amour sec et d' onde pure
L' amour, dit-on, ne vit pas bien,
Notre tirelire murmure
Le bruit du flot pactolien.
À ce doux bruit qui nous caresse,
Sans crainte nous pouvons dormir :
Nous avons six mois de tendresse
Sur la planche de l' avenir.
Comme on effeuille dans un livre
Un bouquet fraîchement cueilli,
Pour que plus tard il vous enivre
D' un reste de parfum vieilli ;
Si nous ne voulons pas, ma chère,
Avant le temps nous oublier,
Tristes ou gais, il faut nous faire
Des souvenirs pour nous lier.
Quand le givre aux carreaux burine
Ses caprices étincelants,
Quand la neige épaissit l' hermine
Dont elle a vêtu les toits blancs,
Ermites du bonheur tranquille,
Oublieux, oubliés de tous,
Que notre amour frileux s' exile
Dans l' égoïsme du chez nous.
Messager de bonnes nouvelles,
Quand noël au gai carillon
Fait pétiller les étincelles
De la bûche du réveillon ;
Célébrant la vieille coutume,
Entre le soir et le matin,
Sur la braise qui se consume
Nous ferons griller du boudin.
Échos de Rome et de Venise,
Quand les grelots du carnaval,
Qu' à son gré Gavarni déguise,
Fredonneront l' appel au bal ;
Prenant de loin part à la fête,
Nous boirons le reste du vin
Où jadis la pauvre Musette
Mouillait sa lèvre et son refrain.
Et tant qu' aux vives salamandres,
Lumineux esprits du foyer,
Le grillon, rossignol des cendres
Redira son cri familier :
Engourdis dans notre bien-être,
Comme au fond d' un nid duveté,
Sans regarder le thermomètre
Nous attendrons fleurir l' été.
1853.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LA JEUNESSE N'A QU'UN TEMPS
Ronde de la vie de bohème :
Notre avenir doit éclore
Au soleil de nos vingt ans !
Aimons et chantons encore ;
La jeunesse n' a qu' un temps.
Cuirassés de patience
Contre le mauvais destin
De courage et d' espérance
Nous pétrissons notre pain.
Notre humeur insoucieuse,
Aux fanfares de nos chants,
Rend la misère joyeuse,
La jeunesse n' a qu' un temps.
Si la maîtresse choisie,
Qui nous aime par hasard,
Fait fleurir la poésie
Aux flammes de son regard,
Lui sachant gré d' être belle,
Sans nous faire de tourments
Aimons-la, -même infidèle...
La jeunesse n' a qu' un temps.
Puisque les plus belles choses,
Les amours et la beauté,
Comme le lis et les roses,
N' ont qu' une saison d' été,
Quand mai tout en fleurs arbore
Le drapeau vert du printemps,
Aimons et chantons encore :
La jeunesse n' a qu' un temps.
Notre avenir doit éclore
Au soleil de nos vingt ans !
Aimons et chantons encore ;
La jeunesse n' a qu' un temps.
1849.
Notre avenir doit éclore
Au soleil de nos vingt ans !
Aimons et chantons encore ;
La jeunesse n' a qu' un temps.
Cuirassés de patience
Contre le mauvais destin
De courage et d' espérance
Nous pétrissons notre pain.
Notre humeur insoucieuse,
Aux fanfares de nos chants,
Rend la misère joyeuse,
La jeunesse n' a qu' un temps.
Si la maîtresse choisie,
Qui nous aime par hasard,
Fait fleurir la poésie
Aux flammes de son regard,
Lui sachant gré d' être belle,
Sans nous faire de tourments
Aimons-la, -même infidèle...
La jeunesse n' a qu' un temps.
Puisque les plus belles choses,
Les amours et la beauté,
Comme le lis et les roses,
N' ont qu' une saison d' été,
Quand mai tout en fleurs arbore
Le drapeau vert du printemps,
Aimons et chantons encore :
La jeunesse n' a qu' un temps.
Notre avenir doit éclore
Au soleil de nos vingt ans !
Aimons et chantons encore ;
La jeunesse n' a qu' un temps.
1849.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LE DIMANCHE MATIN
Imité d' hébel
Le samedi dit au dimanche :
" tout le village est endormi ;
L' aiguille vers minuit se penche,
C' est maintenant ton tour, ami.
Moi, je suis las de ma journée,
Je veux aller dormir aussi ;
Viens vite, ton heure est sonnée. "
Le dimanche dit : " me voici ! "
Il s' éveille en bâillant derrière
La nuit aux étincelles d' or,
Et frotte des mains sa paupière,
Et s' habille en bâillant encor.
Puis, quand il a fait sa toilette,
Pour aller lui donner l' éveil,
Il frappe à l' huis de la chambrette
Où dort son ami le soleil.
De votre alcôve orientale
Sortez, dit-il, grand paresseux ;
Stella, votre soeur matinale,
À l' horizon ferme les yeux.
Pour vous saluer, l' alouette
Chante déjà sur les sillons ;
Venez, venez, c' est jour de fête,
Choisissez vos plus beaux rayons !
Le dimanche sur la montagne
Monte, et regarde autour de lui :
" ils dorment tous dans la campagne,
Dit-il, ne faisons pas de bruit. "
Et doucement vers le village
Il redescend à petits pas
Et dit au coq : " par ton ramage,
Mon ami, ne me trahis pas. "
Après la bonne nuit passée,
Pour vous accueillir au réveil
On voit sourire, à la croisée,
Le dimanche assis au soleil.
Et si quelque enfant paresseuse
Rêve un peu tard sur l' oreiller,
Il lui laisse finir, heureuse,
Son rêve avant de l' éveiller.
C' est lui, le voilà, le dimanche,
Avec le mois de mai nouveau ;
L' amandier met sa robe blanche,
Le bleu de ciel azure l' eau.
Les fleurs du jardin sont écloses,
On croirait voir le paradis ;
La violette parle aux roses,
Le chêne orgueilleux parle au buis.
Au bord du nid, battant des ailes,
L' oiseau chante en se réveillant,
Et dit bonjour aux hirondelles
Qui reviennent de l' Orient.
Dans son bel habit du dimanche
Le chardonneret marche fier,
Et vole aussi de branche en branche,
Et jette sa chanson dans l' air.
Il apporte dans les familles
À chacun ses petits cadeaux :
Des rubans pour les jeunes filles,
Et pour les enfants, des gâteaux.
Il ne fait que chanter et rire,
Il débouche les vieux flacons,
Et, le soir, de sa poche il tire
Les flûtes et les violons.
Voyez combien l' on est tranquille
Dans tout le village aujourd' hui ;
Le moulin à la roue agile
Et l' enclume ont cessé leur bruit.
Les boeufs ruminent à la crèche,
Libres du joug et du brancard,
Et la charrue avec la bêche
Se reposent sous le hangar.
Tout le monde paraît à l' aise,
On s' aborde d' un air content.
" comment va ton père, Thérèse ?
-Vilhem, comment va votre enfant ?
-bon temps, voisin, pour la futaille !
-voisin, bon temps pour le grenier ! "
Personne aujourd' hui ne travaille,
Excepté le ménétrier.
1844.
Le samedi dit au dimanche :
" tout le village est endormi ;
L' aiguille vers minuit se penche,
C' est maintenant ton tour, ami.
Moi, je suis las de ma journée,
Je veux aller dormir aussi ;
Viens vite, ton heure est sonnée. "
Le dimanche dit : " me voici ! "
Il s' éveille en bâillant derrière
La nuit aux étincelles d' or,
Et frotte des mains sa paupière,
Et s' habille en bâillant encor.
Puis, quand il a fait sa toilette,
Pour aller lui donner l' éveil,
Il frappe à l' huis de la chambrette
Où dort son ami le soleil.
De votre alcôve orientale
Sortez, dit-il, grand paresseux ;
Stella, votre soeur matinale,
À l' horizon ferme les yeux.
Pour vous saluer, l' alouette
Chante déjà sur les sillons ;
Venez, venez, c' est jour de fête,
Choisissez vos plus beaux rayons !
Le dimanche sur la montagne
Monte, et regarde autour de lui :
" ils dorment tous dans la campagne,
Dit-il, ne faisons pas de bruit. "
Et doucement vers le village
Il redescend à petits pas
Et dit au coq : " par ton ramage,
Mon ami, ne me trahis pas. "
Après la bonne nuit passée,
Pour vous accueillir au réveil
On voit sourire, à la croisée,
Le dimanche assis au soleil.
Et si quelque enfant paresseuse
Rêve un peu tard sur l' oreiller,
Il lui laisse finir, heureuse,
Son rêve avant de l' éveiller.
C' est lui, le voilà, le dimanche,
Avec le mois de mai nouveau ;
L' amandier met sa robe blanche,
Le bleu de ciel azure l' eau.
Les fleurs du jardin sont écloses,
On croirait voir le paradis ;
La violette parle aux roses,
Le chêne orgueilleux parle au buis.
Au bord du nid, battant des ailes,
L' oiseau chante en se réveillant,
Et dit bonjour aux hirondelles
Qui reviennent de l' Orient.
Dans son bel habit du dimanche
Le chardonneret marche fier,
Et vole aussi de branche en branche,
Et jette sa chanson dans l' air.
Il apporte dans les familles
À chacun ses petits cadeaux :
Des rubans pour les jeunes filles,
Et pour les enfants, des gâteaux.
Il ne fait que chanter et rire,
Il débouche les vieux flacons,
Et, le soir, de sa poche il tire
Les flûtes et les violons.
Voyez combien l' on est tranquille
Dans tout le village aujourd' hui ;
Le moulin à la roue agile
Et l' enclume ont cessé leur bruit.
Les boeufs ruminent à la crèche,
Libres du joug et du brancard,
Et la charrue avec la bêche
Se reposent sous le hangar.
Tout le monde paraît à l' aise,
On s' aborde d' un air content.
" comment va ton père, Thérèse ?
-Vilhem, comment va votre enfant ?
-bon temps, voisin, pour la futaille !
-voisin, bon temps pour le grenier ! "
Personne aujourd' hui ne travaille,
Excepté le ménétrier.
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
MA MIE ANNETTE
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
La Jacqueline matinale,
En branle dans le vieux clocher,
Sonne la messe patronale
Et nous dit de nous dépêcher.
Allons, ma mie, allons plus vite,
Monsieur le curé nous attend.
Sans nous si la messe était dite,
Le bon Dieu serait mécontent.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Chaque maison est pavoisée
De drapeaux flottants et de fleurs,
Et l' on entend par la croisée
Sortir de joyeuses clameurs :
Ce sont les anciens du village
Qui devisent, autour d' un pot,
Des vieux amours de leur jeune âge
Et de l' homme au petit chapeau.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Après les vêpres et complies,
Bras dessus dessous, nous irons
Nous promener dans les prairies
Et dans les bois des environs ;
Nous reviendrons par la Venelle,
Où neige la fleur des sureaux,
Dont la sauvage odeur se mêle
Avec l' odeur des foins nouveaux.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Comme une outre enflant sa musette,
Ce soir, le vieux ménétrier
Fera, pour terminer la fête,
Danser sous le grand marronnier.
Et, laide ou belle, blonde ou brune,
Qu' il soit laid ou beau, jeune ou vieux,
Pour la faire danser chacune
Saura trouver un amoureux.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Hélas ! Mon dieu, je me rappelle
Que l' an dernier, à la moisson,
Celle qu' en vain ma voix appelle
Chanta sa dernière chanson.
De sa maison quand je l' ai vue
Pour la dernière fois sortir,
Elle était d' un drap blanc vêtue
Et ne devait pas revenir ;
Car ma pauvre petite amie,
Sur un froid et dur oreiller,
Depuis longtemps est endormie
Et ne peut pas se réveiller.
1849.
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
La Jacqueline matinale,
En branle dans le vieux clocher,
Sonne la messe patronale
Et nous dit de nous dépêcher.
Allons, ma mie, allons plus vite,
Monsieur le curé nous attend.
Sans nous si la messe était dite,
Le bon Dieu serait mécontent.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Chaque maison est pavoisée
De drapeaux flottants et de fleurs,
Et l' on entend par la croisée
Sortir de joyeuses clameurs :
Ce sont les anciens du village
Qui devisent, autour d' un pot,
Des vieux amours de leur jeune âge
Et de l' homme au petit chapeau.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Après les vêpres et complies,
Bras dessus dessous, nous irons
Nous promener dans les prairies
Et dans les bois des environs ;
Nous reviendrons par la Venelle,
Où neige la fleur des sureaux,
Dont la sauvage odeur se mêle
Avec l' odeur des foins nouveaux.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Comme une outre enflant sa musette,
Ce soir, le vieux ménétrier
Fera, pour terminer la fête,
Danser sous le grand marronnier.
Et, laide ou belle, blonde ou brune,
Qu' il soit laid ou beau, jeune ou vieux,
Pour la faire danser chacune
Saura trouver un amoureux.
Réveillez-vous, ma mie Annette,
Et mettez vos plus beaux habits ;
C' est aujourd' hui grand jour de fête,
Le jour de fête du pays.
Hélas ! Mon dieu, je me rappelle
Que l' an dernier, à la moisson,
Celle qu' en vain ma voix appelle
Chanta sa dernière chanson.
De sa maison quand je l' ai vue
Pour la dernière fois sortir,
Elle était d' un drap blanc vêtue
Et ne devait pas revenir ;
Car ma pauvre petite amie,
Sur un froid et dur oreiller,
Depuis longtemps est endormie
Et ne peut pas se réveiller.
1849.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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LA MENTEUSE
-où courez-vous, ma belle enfant,
Seule, à cette heure, dans la plaine,
Pied leste et le coeur palpitant,
Si loin, si tard, qui vous entraîne ?
Où courez-vous, ma belle enfant ?
-oh ! Laissez-moi, ma mère pleure,
Car mon petit frère est perdu ;
Nous l' appelons depuis une heure,
P64
Et l' écho seul a répondu.
Oh ! Laissez-moi, ma mère pleure !
-pour chercher l' enfant égaré
Est-il besoin d' avoir, mignonne,
Fleur au corset, bijou doré,
Fin soulier, dentelle et couronne,
Pour chercher l' enfant égaré ?
-ma grande soeur est mariée,
Je vais la rejoindre au festin,
Et du bal, où je suis priée,
J' entends d' ici le tambourin.
Ma grande soeur est mariée !
-de son frais bouquet nuptial
Depuis huit jours ta soeur aînée
A paré son sein virginal,
P65
Et déjà la fleur est fanée
De son frais bouquet nuptial.
-je vais là-bas, sous les vieux chênes,
Là-bas, rejoindre mon amant.
Il m' épouse aux feuilles prochaines.
Ne le dites pas à maman ;
Je vais là-bas, sous les vieux chênes.
1844.
Seule, à cette heure, dans la plaine,
Pied leste et le coeur palpitant,
Si loin, si tard, qui vous entraîne ?
Où courez-vous, ma belle enfant ?
-oh ! Laissez-moi, ma mère pleure,
Car mon petit frère est perdu ;
Nous l' appelons depuis une heure,
P64
Et l' écho seul a répondu.
Oh ! Laissez-moi, ma mère pleure !
-pour chercher l' enfant égaré
Est-il besoin d' avoir, mignonne,
Fleur au corset, bijou doré,
Fin soulier, dentelle et couronne,
Pour chercher l' enfant égaré ?
-ma grande soeur est mariée,
Je vais la rejoindre au festin,
Et du bal, où je suis priée,
J' entends d' ici le tambourin.
Ma grande soeur est mariée !
-de son frais bouquet nuptial
Depuis huit jours ta soeur aînée
A paré son sein virginal,
P65
Et déjà la fleur est fanée
De son frais bouquet nuptial.
-je vais là-bas, sous les vieux chênes,
Là-bas, rejoindre mon amant.
Il m' épouse aux feuilles prochaines.
Ne le dites pas à maman ;
Je vais là-bas, sous les vieux chênes.
1844.
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Date d'inscription : 18/02/2010
LES ABEILLES
En avril, lorsque la branche,
Que mars a fait bourgeonner,
D' une étoile rose ou blanche
Commence à se fleuronner,
Le printemps nouveau réveille
Tout un peuple industrieux ;
Aux fleurs du pêcher l' abeille
Prend son miel délicieux.
En juin, quand la plaine brille
Sous les feux de la saint-Jean,
Quand l' acier des faux scintille
En rapide éclair d' argent ;
Quand la faucheuse sommeille,
Son grand chapeau sur ses yeux,
Aux fleurs du sainfoin l' abeille
Au mois où la terre étale
La richesse des moissons,
Quand la sonore cigale
Frappe l' air de ses chansons,
Dans la lumière vermeille
Bourdonne un essaim joyeux,
Aux fleurs des sillons l' abeille
Sur la mousse colorée
Où l' aurore, le matin,
Dans les larmes s' est mirée,
La mouche trouve un butin ;
Et quand l' amour appareille
La biche au cerf langoureux,
Aux fleurs des genets l' abeille
Dans la futaie éclaircie,
Sur le sol retentissant,
Quand la cognée ou la scie
Abat le chêne puissant ;
Quand octobre a sur la treille
Jeté ses mourants adieux,
Aux pampres jaunis l' abeille
Sur les roches calcinées,
Lorsque la pente des eaux
Entraîne les graminées
Qui nourrissaient les oiseaux ;
Au retour de la corneille,
Quand l' âtre allume ses feux,
Dans les bruyères l' abeille
À la veillée, où l' on cause
De l' amour et des amants,
Quand on ne voit plus de rose
Qu' aux visages de quinze ans ;
Pendant qu' un conte émerveille
L' auditoire curieux,
Dans sa ruche chaque abeille
Trouve un miel délicieux.
1854.
Que mars a fait bourgeonner,
D' une étoile rose ou blanche
Commence à se fleuronner,
Le printemps nouveau réveille
Tout un peuple industrieux ;
Aux fleurs du pêcher l' abeille
Prend son miel délicieux.
En juin, quand la plaine brille
Sous les feux de la saint-Jean,
Quand l' acier des faux scintille
En rapide éclair d' argent ;
Quand la faucheuse sommeille,
Son grand chapeau sur ses yeux,
Aux fleurs du sainfoin l' abeille
Au mois où la terre étale
La richesse des moissons,
Quand la sonore cigale
Frappe l' air de ses chansons,
Dans la lumière vermeille
Bourdonne un essaim joyeux,
Aux fleurs des sillons l' abeille
Sur la mousse colorée
Où l' aurore, le matin,
Dans les larmes s' est mirée,
La mouche trouve un butin ;
Et quand l' amour appareille
La biche au cerf langoureux,
Aux fleurs des genets l' abeille
Dans la futaie éclaircie,
Sur le sol retentissant,
Quand la cognée ou la scie
Abat le chêne puissant ;
Quand octobre a sur la treille
Jeté ses mourants adieux,
Aux pampres jaunis l' abeille
Sur les roches calcinées,
Lorsque la pente des eaux
Entraîne les graminées
Qui nourrissaient les oiseaux ;
Au retour de la corneille,
Quand l' âtre allume ses feux,
Dans les bruyères l' abeille
À la veillée, où l' on cause
De l' amour et des amants,
Quand on ne voit plus de rose
Qu' aux visages de quinze ans ;
Pendant qu' un conte émerveille
L' auditoire curieux,
Dans sa ruche chaque abeille
Trouve un miel délicieux.
1854.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LES CORBEAUX
Le jour tardif blanchit à peine,
La silhouette des coteaux
Dans l' ombre encore est incertaine,
La vapeur qui monte des eaux
Rampe en brouillard blanc sur la plaine
Où vont descendre les corbeaux.
De loin, bien avant qu' il paraisse,
Leur vol, que l' on entend venir,
Selon le vent monte ou s' abaisse ;
Rien ne pourra les faire enfuir,
Car ils sont affamés sans cesse :
Tout leur est bon pour se nourrir.
Attirés par l' odeur malsaine,
Sur les carcasses d' animaux
On les voit tomber par centaine
Et dès qu' ils ont blanchi les os,
Ils abandonnent leur aubaine
Au tourbillon des étourneaux.
L' hiver, par la neige affamée,
Leur voracité s' enhardit,
Et dans la basse-cour fermée
La troupe noire entre, à midi,
Fouillant du bec dans la buée
Qui sort du fumier attiédi.
Sans étudier la science
Dans le grand messager boiteux,
Ils savent quand on ensemence,
Et, suivant le pas lourd des boeufs,
Pillent la future abondance
Dans les sillons ouverts par eux.
Ils sont plus défiants qu' en guerre
Un avant-poste de soldats ;
Le plus fin chasseur de la terre
De près ne les approche pas,
Et de loin ne les atteint guère :
Ils flairent la poudre à cent pas.
1856.
La silhouette des coteaux
Dans l' ombre encore est incertaine,
La vapeur qui monte des eaux
Rampe en brouillard blanc sur la plaine
Où vont descendre les corbeaux.
De loin, bien avant qu' il paraisse,
Leur vol, que l' on entend venir,
Selon le vent monte ou s' abaisse ;
Rien ne pourra les faire enfuir,
Car ils sont affamés sans cesse :
Tout leur est bon pour se nourrir.
Attirés par l' odeur malsaine,
Sur les carcasses d' animaux
On les voit tomber par centaine
Et dès qu' ils ont blanchi les os,
Ils abandonnent leur aubaine
Au tourbillon des étourneaux.
L' hiver, par la neige affamée,
Leur voracité s' enhardit,
Et dans la basse-cour fermée
La troupe noire entre, à midi,
Fouillant du bec dans la buée
Qui sort du fumier attiédi.
Sans étudier la science
Dans le grand messager boiteux,
Ils savent quand on ensemence,
Et, suivant le pas lourd des boeufs,
Pillent la future abondance
Dans les sillons ouverts par eux.
Ils sont plus défiants qu' en guerre
Un avant-poste de soldats ;
Le plus fin chasseur de la terre
De près ne les approche pas,
Et de loin ne les atteint guère :
Ils flairent la poudre à cent pas.
1856.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LE CHIEN DU BRACONNIER
À Amédée Guyot
Pour fortune sur cette terre,
Où Dieu m' a fait naître sans bien,
J' ai le fusil de feu mon père,
Pour ami je n' ai que mon chien ;
Je l' ai choisi dans la portée,
Comme il venait d' être mis bas,
Et pour lui faire la pâtée
Souvent j' ai rogné mon repas.
Au marais, en plaine, en forêt,
Bon à courre et ferme à l' arrêt,
Il quête, haut le nez dans la brise ;
Quand le coup part, la pièce est prise
Il est aussi bon qu' il est beau,
Mon Ramoneau.
C' est Ramoneau que je l' appelle,
Et pour le vendre on m' offrirait
De l' or trois fois plein son écuelle,
Que je dirais : " non, " sans regret ;
Car depuis vingt ans que je chasse,
Par pluie, ou vent, ou plein soleil,
J' ai dressé bien des chiens de race
Sans jamais trouver son pareil.
Griffon pur à tête superbe,
Où dans le poil le regard luit
Tel que le ver luisant sous l' herbe,
Il est tout noir comme la nuit ;
Et les limiers de vénerie
Qu' on estampille sur le flanc
D' un chiffre ou bien d' une armoirie
Ne sont pas nés d' un meilleur sang.
C' est un rude et madré compère :
Quand nous maraudons dans un bois,
S' il entend le propriétaire,
Il me l' annonce par la voix ;
Et pour ne point donner l' alarme
Lorsqu' il évente un fin gibier,
Il est prudent comme un gendarme
Qui veut surprendre un braconnier.
Quand il a bien fourni sa tâche,
Et qu' au foyer, brisé, rendu,
Secouant sa queue en panache,
Il sommeille, long-étendu,
Croyant toujours mener le lièvre,
Il aboie intérieurement
Avec des mouvements de fièvre,
De petits sursauts en dormant.
Ses dents ne lui marquent plus d' âge ;
Aussi vieux que le temps jadis,
La vieillesse a sur son pelage
Imprimé des chevrons blanchis ;
Mais il a toujours bonne gueule,
Et, lorsque revient le printemps,
Autour de sa vieille épagneule
Il rôde encor de temps en temps.
Homme ou chien, ici-bas tout passe :
Ramoneau n' a plus le nez fin,
Son oeil s' éteint, sa voix se casse ;
Mais les vrais chiens n' ont pas de fin...
Dieu là-haut leur garde un bon gîte,
Frais en été, chaud dans l' hiver,
Au paradis des chiens d' élite,
Dans la meute de saint Hubert.
Au marais, en plaine, en forêt,
Bon à courre et ferme à l' arrêt,
Il quête, haut le nez dans la brise ;
Quand le coup part, la pièce est prise.
Il est aussi bon qu' il est beau,
Mon Ramoneau.
1859.
Pour fortune sur cette terre,
Où Dieu m' a fait naître sans bien,
J' ai le fusil de feu mon père,
Pour ami je n' ai que mon chien ;
Je l' ai choisi dans la portée,
Comme il venait d' être mis bas,
Et pour lui faire la pâtée
Souvent j' ai rogné mon repas.
Au marais, en plaine, en forêt,
Bon à courre et ferme à l' arrêt,
Il quête, haut le nez dans la brise ;
Quand le coup part, la pièce est prise
Il est aussi bon qu' il est beau,
Mon Ramoneau.
C' est Ramoneau que je l' appelle,
Et pour le vendre on m' offrirait
De l' or trois fois plein son écuelle,
Que je dirais : " non, " sans regret ;
Car depuis vingt ans que je chasse,
Par pluie, ou vent, ou plein soleil,
J' ai dressé bien des chiens de race
Sans jamais trouver son pareil.
Griffon pur à tête superbe,
Où dans le poil le regard luit
Tel que le ver luisant sous l' herbe,
Il est tout noir comme la nuit ;
Et les limiers de vénerie
Qu' on estampille sur le flanc
D' un chiffre ou bien d' une armoirie
Ne sont pas nés d' un meilleur sang.
C' est un rude et madré compère :
Quand nous maraudons dans un bois,
S' il entend le propriétaire,
Il me l' annonce par la voix ;
Et pour ne point donner l' alarme
Lorsqu' il évente un fin gibier,
Il est prudent comme un gendarme
Qui veut surprendre un braconnier.
Quand il a bien fourni sa tâche,
Et qu' au foyer, brisé, rendu,
Secouant sa queue en panache,
Il sommeille, long-étendu,
Croyant toujours mener le lièvre,
Il aboie intérieurement
Avec des mouvements de fièvre,
De petits sursauts en dormant.
Ses dents ne lui marquent plus d' âge ;
Aussi vieux que le temps jadis,
La vieillesse a sur son pelage
Imprimé des chevrons blanchis ;
Mais il a toujours bonne gueule,
Et, lorsque revient le printemps,
Autour de sa vieille épagneule
Il rôde encor de temps en temps.
Homme ou chien, ici-bas tout passe :
Ramoneau n' a plus le nez fin,
Son oeil s' éteint, sa voix se casse ;
Mais les vrais chiens n' ont pas de fin...
Dieu là-haut leur garde un bon gîte,
Frais en été, chaud dans l' hiver,
Au paradis des chiens d' élite,
Dans la meute de saint Hubert.
Au marais, en plaine, en forêt,
Bon à courre et ferme à l' arrêt,
Il quête, haut le nez dans la brise ;
Quand le coup part, la pièce est prise.
Il est aussi bon qu' il est beau,
Mon Ramoneau.
1859.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
MARGUERITE
Elle s' appelait Marguerite,
Et comme celle à qui jadis
Faust allait offrir l' eau bénite,
On l' attendait au paradis.
C' était une humble et douce fille
Aimant son père et craignant Dieu
Dans plus d' une pauvre famille
On l' appelait l' ange du lieu.
Comme l' aurore matinale
Fraîche comme elle, s' éveillant
Dans son alcôve virginale,
Elle s' habillait en priant.
Pour unique et simple toilette,
Sans riche atour et sans miroir,
Elle ramenait sur sa tête,
En bandeaux plats, ses cheveux noirs.
Puis comme elle avait fait la veille,
Au joug du labeur se mettant,
Cigale en même temps qu' abeille,
Elle travaillait en chantant.
Mais le vieux refrain de romance
Qu' un vieux poëte avait chanté
Traversait dans son innocence,
Sans troubler sa limpidité.
Jusque vers sa quinzième année
Heureuse, elle vécut ainsi.
Qui donc peut l' avoir entraînée
Dans le chemin où la voici ?
Maintenant elle est descendue
Aux bas lieux de l' impureté ;
Son alcôve ouvre sur la rue,
Et son nom est numéroté.
Elle parle un langage étrange,
Met du carmin sale, et du blanc
À son front pur que son bon ange
N' osait effleurer qu' en tremblant.
Elle s' appelait Marguerite,
Et comme celle à qui jadis
Faust allait offrir l' eau bénite,
On l' attendait au paradis.
1842.
Et comme celle à qui jadis
Faust allait offrir l' eau bénite,
On l' attendait au paradis.
C' était une humble et douce fille
Aimant son père et craignant Dieu
Dans plus d' une pauvre famille
On l' appelait l' ange du lieu.
Comme l' aurore matinale
Fraîche comme elle, s' éveillant
Dans son alcôve virginale,
Elle s' habillait en priant.
Pour unique et simple toilette,
Sans riche atour et sans miroir,
Elle ramenait sur sa tête,
En bandeaux plats, ses cheveux noirs.
Puis comme elle avait fait la veille,
Au joug du labeur se mettant,
Cigale en même temps qu' abeille,
Elle travaillait en chantant.
Mais le vieux refrain de romance
Qu' un vieux poëte avait chanté
Traversait dans son innocence,
Sans troubler sa limpidité.
Jusque vers sa quinzième année
Heureuse, elle vécut ainsi.
Qui donc peut l' avoir entraînée
Dans le chemin où la voici ?
Maintenant elle est descendue
Aux bas lieux de l' impureté ;
Son alcôve ouvre sur la rue,
Et son nom est numéroté.
Elle parle un langage étrange,
Met du carmin sale, et du blanc
À son front pur que son bon ange
N' osait effleurer qu' en tremblant.
Elle s' appelait Marguerite,
Et comme celle à qui jadis
Faust allait offrir l' eau bénite,
On l' attendait au paradis.
1842.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
PRINTANIERE
L' hiver s' en va ; déjà la cloche,
Douce comme un chant de cristal,
Murmure au printemps qui s' approche
L' o filii du jour pascal.
Dans l' air plus doux, les girouettes
Tournent au souffle du midi,
Et pour un sou de violettes
On fait le bonheur de Nini.
L' hiver au pauvre fut rigide,
Il en a compté les longs jours,
En mesurant son bûcher vide
Quand la neige tombait toujours.
Sa dernière branche allumée
Rougit l' âtre d' un pâle éclair ;
Moitié cendre et moitié fumée,
Le vent la dissipe dans l' air.
Pèlerins des grandes mers bleues,
Voyez, à l' Orient vermeil,
Les oiseaux qui font mille lieues
Entre deux levers de soleil.
Cris joyeux et battements d' ailes
Qui mettent le ciel en gaîté,
C' est le retour des hirondelles,
Et c' est le retour de l' été.
Mais depuis la dernière année
Les loyers sont bien renchéris,
Un trou noir dans la cheminée
Comme un entresol a son prix.
Pourvu que les propriétaires
N' augmentent pas en même temps
Que tous leurs autres locataires
L' ambassadrice du printemps.
Avec la jeune feuille verte
Qui sort du bourgeon printanier
Paraît, à sa fenêtre ouverte,
Ma voisine de l' an dernier.
Pendant les mois d' hiver, frileuse,
Elle n' a pas quitté son nid.
Jadis elle eût posé pour Greuze,
Maintenant c' est pour Gavarni.
1855.
Douce comme un chant de cristal,
Murmure au printemps qui s' approche
L' o filii du jour pascal.
Dans l' air plus doux, les girouettes
Tournent au souffle du midi,
Et pour un sou de violettes
On fait le bonheur de Nini.
L' hiver au pauvre fut rigide,
Il en a compté les longs jours,
En mesurant son bûcher vide
Quand la neige tombait toujours.
Sa dernière branche allumée
Rougit l' âtre d' un pâle éclair ;
Moitié cendre et moitié fumée,
Le vent la dissipe dans l' air.
Pèlerins des grandes mers bleues,
Voyez, à l' Orient vermeil,
Les oiseaux qui font mille lieues
Entre deux levers de soleil.
Cris joyeux et battements d' ailes
Qui mettent le ciel en gaîté,
C' est le retour des hirondelles,
Et c' est le retour de l' été.
Mais depuis la dernière année
Les loyers sont bien renchéris,
Un trou noir dans la cheminée
Comme un entresol a son prix.
Pourvu que les propriétaires
N' augmentent pas en même temps
Que tous leurs autres locataires
L' ambassadrice du printemps.
Avec la jeune feuille verte
Qui sort du bourgeon printanier
Paraît, à sa fenêtre ouverte,
Ma voisine de l' an dernier.
Pendant les mois d' hiver, frileuse,
Elle n' a pas quitté son nid.
Jadis elle eût posé pour Greuze,
Maintenant c' est pour Gavarni.
1855.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
A MA COUSINE ANGELE
Étrennes
Nous avons tous les deux laissé derrière nous
Une époque où la vie est bien bonne et bien belle ;
Je m' en souviens encor, vous en souvenez-vous
De notre enfance heureuse ? -ô ma cousine Angèle !
Ils sont bien loin ces jours, et déjà bien des fois
Les ans nous ont touchés en passant de leur aile ;
Et notre gaîté blonde aux grands éclats de voix
Hélas ! S' est envolée, -ô ma cousine Angèle !
Écoliers turbulents de la classe échappés,
Pour danser en chantant l' antique ritournelle :
" nous n' irons plus aux bois, les lauriers sont coupés, "
Nous n' irons plus aux bois, -ô ma cousine Angèle !
Plus heureuse que moi, vous n' avez pas quitté
Le foyer de famille, et la voix maternelle
Conserve à votre coeur la sainte piété
Qui n' est plus dans le mien, -ô ma cousine Angèle !
Vous avez le travail pour compagnon le jour,
La nuit un ange blanc vous couvre de son aile,
Et des songes bénis descendent tour à tour
Du ciel à votre lit, -ô ma cousine Angèle !
Votre parole est douce ainsi que votre nom ;
L' esprit de la bonté dans vos yeux se révèle,
Et vos seize ans fleuris embaument la maison
D' un parfum de jeunesse, -ô ma cousine Angèle !
Autrefois, quand venait le jour de l' an nouveau,
Selon le contenu de ma pauvre escarcelle
J' arrivais tout joyeux vous offrir mon cadeau,
Qui ne coûtait pas cher, -ô ma cousine Angèle !
Mais depuis ce temps-là le diable, comme on dit,
S' est logé dans ma bourse, et vainement j' appelle
Plutus, l' aveugle dieu, que je crois sourd aussi,
Car il ne m' entend pas, -ô ma cousine Angèle !
Donc, vous n' aurez de moi nul présent aujourd' hui,
Ni keepsake éclatant, ni riche bagatelle,
Ni bijou ciselé par quelque Cellini,
Et ni bonbons sucrés, -ô ma cousine Angèle !
Vous n' aurez rien de moi qu' un serrement de main,
Ou qu' un baiser au front, -étrenne fraternelle,
Et puis ces pauvres vers que, ce soir ou demain,
Vous oublîrez sans doute, -ô ma cousine Angèle !
1844.
Nous avons tous les deux laissé derrière nous
Une époque où la vie est bien bonne et bien belle ;
Je m' en souviens encor, vous en souvenez-vous
De notre enfance heureuse ? -ô ma cousine Angèle !
Ils sont bien loin ces jours, et déjà bien des fois
Les ans nous ont touchés en passant de leur aile ;
Et notre gaîté blonde aux grands éclats de voix
Hélas ! S' est envolée, -ô ma cousine Angèle !
Écoliers turbulents de la classe échappés,
Pour danser en chantant l' antique ritournelle :
" nous n' irons plus aux bois, les lauriers sont coupés, "
Nous n' irons plus aux bois, -ô ma cousine Angèle !
Plus heureuse que moi, vous n' avez pas quitté
Le foyer de famille, et la voix maternelle
Conserve à votre coeur la sainte piété
Qui n' est plus dans le mien, -ô ma cousine Angèle !
Vous avez le travail pour compagnon le jour,
La nuit un ange blanc vous couvre de son aile,
Et des songes bénis descendent tour à tour
Du ciel à votre lit, -ô ma cousine Angèle !
Votre parole est douce ainsi que votre nom ;
L' esprit de la bonté dans vos yeux se révèle,
Et vos seize ans fleuris embaument la maison
D' un parfum de jeunesse, -ô ma cousine Angèle !
Autrefois, quand venait le jour de l' an nouveau,
Selon le contenu de ma pauvre escarcelle
J' arrivais tout joyeux vous offrir mon cadeau,
Qui ne coûtait pas cher, -ô ma cousine Angèle !
Mais depuis ce temps-là le diable, comme on dit,
S' est logé dans ma bourse, et vainement j' appelle
Plutus, l' aveugle dieu, que je crois sourd aussi,
Car il ne m' entend pas, -ô ma cousine Angèle !
Donc, vous n' aurez de moi nul présent aujourd' hui,
Ni keepsake éclatant, ni riche bagatelle,
Ni bijou ciselé par quelque Cellini,
Et ni bonbons sucrés, -ô ma cousine Angèle !
Vous n' aurez rien de moi qu' un serrement de main,
Ou qu' un baiser au front, -étrenne fraternelle,
Et puis ces pauvres vers que, ce soir ou demain,
Vous oublîrez sans doute, -ô ma cousine Angèle !
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
ANTITHESE
C' est un asile pauvre, une retraite austère
Où s' est clos, dans l' étude, un hôte solitaire.
Le jour, il dort ; la nuit,
Pour se mettre à son oeuvre il se relève, allume
Sur sa table boiteuse une lampe qui fume,
Et qui veille avec lui.
Dans l' âtre mort la cendre en talus s' amoncelle
Et le grillon frileux, amant de l' étincelle,
N' en voyant plus, hélas !
Cesse de lamenter sa plainte accoutumée
Sur le vieux chenet-sphinx où la bûche enflammée
Se tordait en éclats.
Et pourtant au dehors souffle une bise aiguë ;
Sous de triples manteaux le passant, dans la rue,
Sent les ongles du froid ;
L' étoile a des frissons dans la sphère divine,
Et la neige épaissit la fourrure d' hermine
Dont s' est vêtu le toit.
Aux vitres, où le vent par la fêlure glisse,
Le givre, en burinant son étrange caprice,
A déjà fait saillir
Une souple arabesque où se tord en spirale
Le feuillage irisé d' une flore idéale
Prête à s' épanouir.
La fenêtre est étroite et jamais ne s' éclaire
Au rayon matinal de la clarté solaire.
Du sol jusqu' au plafond,
Sur les jaunes parois, la sueur de novembre
Semble un long chapelet formé de perles d' ambre
Qui s' égrène et qui fond.
Mais pour l' hôte du lieu, lorsque Paris sommeille,
Et qu' auprès de son oeuvre il commence sa veille,
Toute sa pauvreté,
Comme un palais féerique, à ses yeux s' illumine,
Car cet hôte est l' amant d' une muse divine
Qui chante à son côté !
1843.
Où s' est clos, dans l' étude, un hôte solitaire.
Le jour, il dort ; la nuit,
Pour se mettre à son oeuvre il se relève, allume
Sur sa table boiteuse une lampe qui fume,
Et qui veille avec lui.
Dans l' âtre mort la cendre en talus s' amoncelle
Et le grillon frileux, amant de l' étincelle,
N' en voyant plus, hélas !
Cesse de lamenter sa plainte accoutumée
Sur le vieux chenet-sphinx où la bûche enflammée
Se tordait en éclats.
Et pourtant au dehors souffle une bise aiguë ;
Sous de triples manteaux le passant, dans la rue,
Sent les ongles du froid ;
L' étoile a des frissons dans la sphère divine,
Et la neige épaissit la fourrure d' hermine
Dont s' est vêtu le toit.
Aux vitres, où le vent par la fêlure glisse,
Le givre, en burinant son étrange caprice,
A déjà fait saillir
Une souple arabesque où se tord en spirale
Le feuillage irisé d' une flore idéale
Prête à s' épanouir.
La fenêtre est étroite et jamais ne s' éclaire
Au rayon matinal de la clarté solaire.
Du sol jusqu' au plafond,
Sur les jaunes parois, la sueur de novembre
Semble un long chapelet formé de perles d' ambre
Qui s' égrène et qui fond.
Mais pour l' hôte du lieu, lorsque Paris sommeille,
Et qu' auprès de son oeuvre il commence sa veille,
Toute sa pauvreté,
Comme un palais féerique, à ses yeux s' illumine,
Car cet hôte est l' amant d' une muse divine
Qui chante à son côté !
1843.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LE PLONGEUR
À Madame Ch De P...
Voulant mettre une étoile à son bandeau, la reine
Fait venir un plongeur et lui dit : " vous irez
Dans ce palais humide, où chante la sirène,
Cueillir la perle blonde, et me l' apporterez. "
Le plongeur, descendu sous le flot qui l' entraîne,
Parmi les sables d' or et les coraux pourprés,
Cueille la perle blonde, et pour sa souveraine
La rapporte captive en des étuis nacrés.
Le poëte ressemble à ce plongeur, madame !
Et si votre caprice en souriant réclame
Un vers qui doit partout dire votre beauté,
Esclave obéissant, au fond de sa pensée,
Riche écrin où dans l' or la rime est enchâssée,
Il plonge, et va chercher le bijou souhaité.
1844.
Voulant mettre une étoile à son bandeau, la reine
Fait venir un plongeur et lui dit : " vous irez
Dans ce palais humide, où chante la sirène,
Cueillir la perle blonde, et me l' apporterez. "
Le plongeur, descendu sous le flot qui l' entraîne,
Parmi les sables d' or et les coraux pourprés,
Cueille la perle blonde, et pour sa souveraine
La rapporte captive en des étuis nacrés.
Le poëte ressemble à ce plongeur, madame !
Et si votre caprice en souriant réclame
Un vers qui doit partout dire votre beauté,
Esclave obéissant, au fond de sa pensée,
Riche écrin où dans l' or la rime est enchâssée,
Il plonge, et va chercher le bijou souhaité.
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
AU BALCON DE JULIETTE
Votre balcon, madame, est d' une architecture
Qui du passant artiste attire le regard ;
Sa forme est merveilleuse, et sa riche sculpture
Semble un morceau daté des meilleurs jours de l' art.
Un jeune amour païen, d' une espiègle figure,
Supporte le balustre en aiguisant un dard
Qui, toujours menaçant, fera quelque blessure ;
Et vous la guérirez, madame. -tôt ou tard.
Un malheureux atteint par l' aiguillon de flamme,
Aux soupirs de la nuit mêlant ceux de son âme,
Viendra sous ce balcon ; et, comme Roméo,
L' escalade permise, à vos pieds, Juliette,
Il attendra cette heure où chante l' alouette,
Cette heure des adieux, qui vient toujours si tôt !
1844.
Qui du passant artiste attire le regard ;
Sa forme est merveilleuse, et sa riche sculpture
Semble un morceau daté des meilleurs jours de l' art.
Un jeune amour païen, d' une espiègle figure,
Supporte le balustre en aiguisant un dard
Qui, toujours menaçant, fera quelque blessure ;
Et vous la guérirez, madame. -tôt ou tard.
Un malheureux atteint par l' aiguillon de flamme,
Aux soupirs de la nuit mêlant ceux de son âme,
Viendra sous ce balcon ; et, comme Roméo,
L' escalade permise, à vos pieds, Juliette,
Il attendra cette heure où chante l' alouette,
Cette heure des adieux, qui vient toujours si tôt !
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
PYGMALION
À T De B
Les prêtres de Vénus attendent sa statue,
Mais l' artiste jaloux au temple athénien
Refuse d' exposer la figure attendue,
Car son coeur s' est épris de l' oeuvre de sa main.
Devant lui la déesse étale toute nue
L' immobile splendeur de son beau corps divin ;
Et l' artiste à genoux caresse de la vue
Le marbre inanimé, qui s' anima soudain !
Poëte ! Le miracle eut lieu dans l' ère antique,
Et les dieux exilés de la sphère olympique
Comme l' artiste grec ne t' exauceront pas.
Épris de la beauté de ta propre chimère,
Comme Pygmalion son amante de pierre,
Tu ne la verras point s' animer dans tes bras.
1844.
Les prêtres de Vénus attendent sa statue,
Mais l' artiste jaloux au temple athénien
Refuse d' exposer la figure attendue,
Car son coeur s' est épris de l' oeuvre de sa main.
Devant lui la déesse étale toute nue
L' immobile splendeur de son beau corps divin ;
Et l' artiste à genoux caresse de la vue
Le marbre inanimé, qui s' anima soudain !
Poëte ! Le miracle eut lieu dans l' ère antique,
Et les dieux exilés de la sphère olympique
Comme l' artiste grec ne t' exauceront pas.
Épris de la beauté de ta propre chimère,
Comme Pygmalion son amante de pierre,
Tu ne la verras point s' animer dans tes bras.
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
LA ROSEE
Le sylphe matinal qui verse la rosée,
Trop amoureux du lîs, oublia ce matin
De baigner l' humble fleur demi-morte et brisée
Qu' une larme du ciel ranimerait soudain.
Comme fait un amant avec sa fiancée,
À quelque muse triste ayant donné la main,
Cherchant l' ombre et la paix, pied lent, tête baissée,
Un poëte le soir traversa le chemin.
Soit amour mal éteint, soit douleur mal fermée,
Il pleurait en marchant sous l' ombreuse ramée ;
Une larme tomba de ses yeux sur la fleur,
Sur la fleur demi-morte au pied du lis superbe,
Et qui reprit bientôt, parmi ses soeurs de l' herbe
Son arome champêtre et ses vives couleurs.
1844.
Trop amoureux du lîs, oublia ce matin
De baigner l' humble fleur demi-morte et brisée
Qu' une larme du ciel ranimerait soudain.
Comme fait un amant avec sa fiancée,
À quelque muse triste ayant donné la main,
Cherchant l' ombre et la paix, pied lent, tête baissée,
Un poëte le soir traversa le chemin.
Soit amour mal éteint, soit douleur mal fermée,
Il pleurait en marchant sous l' ombreuse ramée ;
Une larme tomba de ses yeux sur la fleur,
Sur la fleur demi-morte au pied du lis superbe,
Et qui reprit bientôt, parmi ses soeurs de l' herbe
Son arome champêtre et ses vives couleurs.
1844.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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