Charles Coypeau D'Assoucy
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Charles Coypeau D'Assoucy
A MONSEIGNEUR LE COMTE DE ST AIGNAN
PREMIER GENTIL-HOMME DE LA CHAMBRE DU ROY
ET GOUVERNEUR DU BERRY.
MONSEIGNEUR,
Je croy que l'on s'étonnera comment (sur
une matiere si ample et si fertile que celle de
vos loüanges) je n'ay pas sceu vous donner
une Epistre selon la coustume, apres avoir
eu pres d'un an de loisir pour y mediter.
Mais si l'on considere les qualitez qu'il faut
avoir pour parler dignement de la grandeur
de vostre vertu, je m'asseure, MONSEIGNEUR,
que personne ne me blâmera de m'estre déporté
d'une si temeraire entreprise. Permettez
moy donc, MONSEIGNEUR, que je vous honore
par mon silence, puis qu'aussi bien quand j'aurois
fait sur ce sujet tout le Parnasse jaloux de
ma plume, je n'aurois gueres plus avancé que
le Peintre, qui dépeignant avec des foibles
couleurs les beaux rayons de la lumiere, est
toûjours infiniment au dessous de son objet:
Quand avec les charmes de vostre Esprit j'aurois
celebré la grandeur de vostre courage,
et dit que c'est un foudre qui ne trouve point
d'obstacle qu'il ne surmonte, vostre courtoisie
un Aymant qui ne laisse rien échapper,
et vostre liberalité une pierre Philosophale
qui annoblit tout ce qu'elle touche, je n'aurois
servy que d'Echo à la voix publique, qui
admirant en vous tout ce qu'on dit des plus
heroïques qualitez des Cesars, n'auroit que
faire pour vous témoigner son amour, de
vous en souhaitter les Couronnes, si pour
acheter des Empires le merite estoit une
monnoye dont se payast la Fortune: Ce qui
seroit pourtant fort à desirer pour ces nobles
Enfans du Parnasse, qui ne reclamans plus
d'autre Divinité, n'y ne reconnoissans plus
d'autre Apollon que vous, ne sont desormais
plus tant idolâtres, depuis que vous invoquant
ils ont appris que nos Saincts leurs sont
plus propices que leurs Dieux. De là vient,
MONSEIGNEUR, qu'il n'y en a pas un
qui se contente de vous reverer dedans son
coeur, s'il ne vous voit encor au front de ses
Ouvrages. Pour moi qui, sans vanité, croy les
surpasser autant en affection, que je croy bien
qu'ils me surpassent en merite, je ne m'estimeray
pas peu glorieux, si vous daignez consentir
que je partage avec eux ce bon-heur;
et que donnant un Nom de si bon augure à
mon Lecteur, il me soit permis de vous asseurer
que je suis tout seul, autant que tous
les plus obligez à vos bontez,
MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble et tres-obeïssant
Serviteur,
C. DASSOUCY.
PREMIER GENTIL-HOMME DE LA CHAMBRE DU ROY
ET GOUVERNEUR DU BERRY.
MONSEIGNEUR,
Je croy que l'on s'étonnera comment (sur
une matiere si ample et si fertile que celle de
vos loüanges) je n'ay pas sceu vous donner
une Epistre selon la coustume, apres avoir
eu pres d'un an de loisir pour y mediter.
Mais si l'on considere les qualitez qu'il faut
avoir pour parler dignement de la grandeur
de vostre vertu, je m'asseure, MONSEIGNEUR,
que personne ne me blâmera de m'estre déporté
d'une si temeraire entreprise. Permettez
moy donc, MONSEIGNEUR, que je vous honore
par mon silence, puis qu'aussi bien quand j'aurois
fait sur ce sujet tout le Parnasse jaloux de
ma plume, je n'aurois gueres plus avancé que
le Peintre, qui dépeignant avec des foibles
couleurs les beaux rayons de la lumiere, est
toûjours infiniment au dessous de son objet:
Quand avec les charmes de vostre Esprit j'aurois
celebré la grandeur de vostre courage,
et dit que c'est un foudre qui ne trouve point
d'obstacle qu'il ne surmonte, vostre courtoisie
un Aymant qui ne laisse rien échapper,
et vostre liberalité une pierre Philosophale
qui annoblit tout ce qu'elle touche, je n'aurois
servy que d'Echo à la voix publique, qui
admirant en vous tout ce qu'on dit des plus
heroïques qualitez des Cesars, n'auroit que
faire pour vous témoigner son amour, de
vous en souhaitter les Couronnes, si pour
acheter des Empires le merite estoit une
monnoye dont se payast la Fortune: Ce qui
seroit pourtant fort à desirer pour ces nobles
Enfans du Parnasse, qui ne reclamans plus
d'autre Divinité, n'y ne reconnoissans plus
d'autre Apollon que vous, ne sont desormais
plus tant idolâtres, depuis que vous invoquant
ils ont appris que nos Saincts leurs sont
plus propices que leurs Dieux. De là vient,
MONSEIGNEUR, qu'il n'y en a pas un
qui se contente de vous reverer dedans son
coeur, s'il ne vous voit encor au front de ses
Ouvrages. Pour moi qui, sans vanité, croy les
surpasser autant en affection, que je croy bien
qu'ils me surpassent en merite, je ne m'estimeray
pas peu glorieux, si vous daignez consentir
que je partage avec eux ce bon-heur;
et que donnant un Nom de si bon augure à
mon Lecteur, il me soit permis de vous asseurer
que je suis tout seul, autant que tous
les plus obligez à vos bontez,
MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble et tres-obeïssant
Serviteur,
C. DASSOUCY.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LE CHAOS.FABLE PREMIERE
LE PREMIER LIVRE DES
METAMORPHOSES D'OVIDE
EN VERS BURLESQUES.
LE CHAOS.
FABLE PREMIERE.
AVANT que le plancher des vaches,
Des pieds ferrez, et des gamaches,
Eût porté Chevaux et Mulets,
Et Muletiers à pieds mollets;
Avant que la Mere des Soles
Eût retiré ses fesses molles
De la Terre, et permis à tous
La grace d'y planter des choux;
Nature alors dedans sa trogne
Faite ainsi que Dame Gigogne,
N'étaloit dedans ces bas lieux
Qu'un corps basty comme deux oeufs;
Un corps en ses membres diforme,
Sans ordre, sans grace, et sans forme,
Monstre confus, nommé Chaos,
Que la Discorde avoit éclos;
Alors il n'estoit point de monde,
Point de miroir, ny de rotonde,
D'heure, de jour, de mois, ny d'an,
Point d'horloge, ny de cadran,
Point de contrepoids, ny d'éguille,
Par consequent ny fils, ny fille,
Ny plantes, ny fruits; car encor
Ce Dieu fait en platine d'or,
Phebus, pour meurir nos cerises,
Secher nos draps et nos chemises,
N'avoit dans la route des Cieux
Porté son casque radieux;
Si bien qu'en cette nuit obscure
La bonne femme de Nature
Alloit tatonnant (ce dit-on)
Comme un aveugle sans baston,
Donnant tantost comme une beste
Icy du nez, là de la teste,
Deçà, delà, sans sçavoir où,
Au hazard de son pauvre cou;
Les Dieux mesmes dans ces tenebres,
Bien que personnes fort celebres,
Donnerent plus de quatre fois
Du muzeau contre les parois,
N'y voyant la celeste trouppe
Pas trop clair à manger sa souppe,
Tant estoit de sedition,
D'horreur, et de confusion,
Entre ces fils de la Nature,
Tant estoit la noize aspre et dure
De ces Messieurs les Allemans
Qu'ore on nomme les Elemens,
Bien qu'Allemans vaudroit mieux dire,
D'autant que ces Sires sans Sire
Avoient entr'eux à tout moment
Quelque querelle d'Allemant,
Comme gens qui dans leur caprice
Avoient moins de raison qu'un Suisse;
Là le chaud puissant Margajat
Chassoit le froid pauvre Goujat,
Et le froid l'Agrippant aux quilles
Luy faisoit aussi faire gilles;
Icy le mol choquant le dur
Se cassoit le nez contre un mur;
Là le sec, comme un autre Alcide,
Combattant la puissance humide,
Ne s'épargnoit ny prou ny peu,
La Terre et l'Air crioient au feu;
Et le feu dessous Amphitrite,
Comme au pul de nostre marmitte,
Surmonté par son propre effort,
Crioit à son tour, je suis mort;
Telle estoit la guerre civille,
Le combat de cette famille,
Qui n'eût eu jamais fin ny bout
Sans le Maistre de ce grand tout,
Qui pour des raisons plus de quatre,
Lassé de les voir entrebattre,
Vint appointer leurs diferens
Pour quelque quatre ou cinq mille ans;
Mais eux voyans venir leur Maistre,
Sans respecter Juge ny Prestre,
Dirent fierement, qui va là?
Lors le Maistre leur dit, paix là.
Ce mot de paix finit la guerre,
Soudain le Ciel quitta la Terre;
Au Ciel le feu cappriola,
Et vers le feu l'air s'envola;
Seulement nostre bonne Mere
La Terre, toute la derniere,
Pour ne perdre sa gravité,
Laissa courir le plus hasté,
Permettant pour le bien du Monde
À Thetis la Reyne de l'Onde,
Avecques ses bras tortueux,
De luy laver son pul terreux.
METAMORPHOSES D'OVIDE
EN VERS BURLESQUES.
LE CHAOS.
FABLE PREMIERE.
AVANT que le plancher des vaches,
Des pieds ferrez, et des gamaches,
Eût porté Chevaux et Mulets,
Et Muletiers à pieds mollets;
Avant que la Mere des Soles
Eût retiré ses fesses molles
De la Terre, et permis à tous
La grace d'y planter des choux;
Nature alors dedans sa trogne
Faite ainsi que Dame Gigogne,
N'étaloit dedans ces bas lieux
Qu'un corps basty comme deux oeufs;
Un corps en ses membres diforme,
Sans ordre, sans grace, et sans forme,
Monstre confus, nommé Chaos,
Que la Discorde avoit éclos;
Alors il n'estoit point de monde,
Point de miroir, ny de rotonde,
D'heure, de jour, de mois, ny d'an,
Point d'horloge, ny de cadran,
Point de contrepoids, ny d'éguille,
Par consequent ny fils, ny fille,
Ny plantes, ny fruits; car encor
Ce Dieu fait en platine d'or,
Phebus, pour meurir nos cerises,
Secher nos draps et nos chemises,
N'avoit dans la route des Cieux
Porté son casque radieux;
Si bien qu'en cette nuit obscure
La bonne femme de Nature
Alloit tatonnant (ce dit-on)
Comme un aveugle sans baston,
Donnant tantost comme une beste
Icy du nez, là de la teste,
Deçà, delà, sans sçavoir où,
Au hazard de son pauvre cou;
Les Dieux mesmes dans ces tenebres,
Bien que personnes fort celebres,
Donnerent plus de quatre fois
Du muzeau contre les parois,
N'y voyant la celeste trouppe
Pas trop clair à manger sa souppe,
Tant estoit de sedition,
D'horreur, et de confusion,
Entre ces fils de la Nature,
Tant estoit la noize aspre et dure
De ces Messieurs les Allemans
Qu'ore on nomme les Elemens,
Bien qu'Allemans vaudroit mieux dire,
D'autant que ces Sires sans Sire
Avoient entr'eux à tout moment
Quelque querelle d'Allemant,
Comme gens qui dans leur caprice
Avoient moins de raison qu'un Suisse;
Là le chaud puissant Margajat
Chassoit le froid pauvre Goujat,
Et le froid l'Agrippant aux quilles
Luy faisoit aussi faire gilles;
Icy le mol choquant le dur
Se cassoit le nez contre un mur;
Là le sec, comme un autre Alcide,
Combattant la puissance humide,
Ne s'épargnoit ny prou ny peu,
La Terre et l'Air crioient au feu;
Et le feu dessous Amphitrite,
Comme au pul de nostre marmitte,
Surmonté par son propre effort,
Crioit à son tour, je suis mort;
Telle estoit la guerre civille,
Le combat de cette famille,
Qui n'eût eu jamais fin ny bout
Sans le Maistre de ce grand tout,
Qui pour des raisons plus de quatre,
Lassé de les voir entrebattre,
Vint appointer leurs diferens
Pour quelque quatre ou cinq mille ans;
Mais eux voyans venir leur Maistre,
Sans respecter Juge ny Prestre,
Dirent fierement, qui va là?
Lors le Maistre leur dit, paix là.
Ce mot de paix finit la guerre,
Soudain le Ciel quitta la Terre;
Au Ciel le feu cappriola,
Et vers le feu l'air s'envola;
Seulement nostre bonne Mere
La Terre, toute la derniere,
Pour ne perdre sa gravité,
Laissa courir le plus hasté,
Permettant pour le bien du Monde
À Thetis la Reyne de l'Onde,
Avecques ses bras tortueux,
De luy laver son pul terreux.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LE DEBROUILLEMENT DU CHAOS:FABLE II.
LE DEBROUILLEMENT DU CHAOS
FABLE II.
DES que cette masse embroüillée
Fut, comme est dit, debredoüillée,
Et que ces quatre Garnemens
Eurent pris leurs appartemens,
Que chacun en sa chacuniere
Eust marmite, pot, et cuilliere;
Bref, comme dit Maistre Mace,
Dés que chacun fut in pace,
Ce grand Prefect de la Nature
Qui fit terre et fit creature,
Voulut, et voulant il fut fait,
Que pour rendre ce tout parfait,
Nostre bonne Mere nourrice
Eût le ventre rond comme un Suisse,
Aussi-tost fait, qu'aussi-tost dit,
La Terre en Suisse s'arrondit;
Ainsi ronde comme une Cuve
Où rit Bacchus quand le vin cuve,
La relia de cinq cerceaux,
Les uns frais, et les autres chaux,
Plus grands que ceux dont est coûtume
D'enfermer la vineuse écume
Du gentil-joly Dieu Bacchus,
Fils d'une jambe et de deux cus.
Ce fait, il l'orna de Fontaines,
De Canaux, de Samaritaines,
De Prez, de Jardins, de Forests,
De Lacs, d'Estangs, et de Marests,
Desquels encor avons exemple
Et coppie aux Marests du Temple;
Son front il émailla de Fleurs,
Moins pour croquans Rethoriqueurs,
Que pour nez de Bergere tendre,
Puis luy commanda de s'étendre;
Ce qu'aussi-tost qu'elle entendit,
Baaillant humblement, s'étendit,
Non pas en montagnes hautaines,
Ains en belles et longues plaines,
Toutes prises sur le niveau
De la Plaine du Long-boyau;
De plus, il fit metaux et marbres,
Des fleurs aux fruits, des fruits aux arbres,
Aux Vallées et fit beaux Mons,
Et aux Montagnes beaux Vallons;
Car voir Montagne sans Vallée,
Certes choses trop desolée,
Et trop piteux cas eust esté,
Que parfaire sa Deité,
N'auroit pû sans se contredire,
Pour Royaume ny pour Empire.
Plus, il la peupla de Moutons,
De Coqs, de Jars, et de Dindons,
D'oysons bridez, de Chats sauvages,
De Perroquets pour mettre en cages,
De Sansonnets, de Cerfs volans,
De Simonets, de Chiens courans,
De Rinocerots, de Lycornes,
Et de Cocus, bestes à cornes,
Plus fieres qu'Anguilles de Bois,
D'Emerillons, de Chiens d'Artois,
De doux Serains de Canarie,
Et de Rossignols d'Arcadie
Qui font la nique aux Amphions.
La Mer il peupla de Saumons,
Et de Soles bonnes à frire,
Pour les gens du Roy nostre Sire,
De Harengs frais et d'Esperlans,
De Maquereaux et de Merlans,
De Sphisiteres, de Balenes,
Et de Poissons nommez Sirenes,
Chanteuses de Lanturelus,
Bref de tous les Individus,
Depuis le Chat de Peronnelle
Jusqu'au Chien de Jean de Nivelle,
Depuis le Rat Muzeardus
Que devora Rodilardus;
Jusqu'aux Bestes, ne vous déplaise,
Qu'avec honneur on porte en chaise.
Ce benoist Monde il popula.
Que restoit-il apres cela?
Fors trouver quelqu'un (dit Ovide)
Qui de cerveau ne fut pas vuide,
Et fut digne en cette Maison
D'y plumer la Poulle et l'Oyson,
Capable d'y sonner les Cloches;
Mesme d'y tourner quatre Broches,
Vuider, larder, coucher au feu;
Laquelle chose fut un peu
Au Conseil des Dieux contestée;
Mais un Larron dit Prometée,
Qui la Toillette aux Dieux plia,
En disant cum licentia,
Entreprit cet oeuvre parfaire,
Qui pour luy fut mauvaise affaire,
Car humain Corps il figura,
Puis au pul Torche luy fourra,
Dont son ame au diable est allée,
Car la Torche il avoit vollée,
Comme chacun sçait, au soleil,
Qui luy causa deüil nompareil.
Ainsi l'Homme, plante Divine,
Tira du Ciel son origine,
Portant la Teste vers les Cieux,
Où Nature ficha deux yeux,
Vallans bien paire de Lunettes,
Pour contempler Astre et Planettes,
Et regarder incessamment
Les miracles du Firmament.
FABLE II.
DES que cette masse embroüillée
Fut, comme est dit, debredoüillée,
Et que ces quatre Garnemens
Eurent pris leurs appartemens,
Que chacun en sa chacuniere
Eust marmite, pot, et cuilliere;
Bref, comme dit Maistre Mace,
Dés que chacun fut in pace,
Ce grand Prefect de la Nature
Qui fit terre et fit creature,
Voulut, et voulant il fut fait,
Que pour rendre ce tout parfait,
Nostre bonne Mere nourrice
Eût le ventre rond comme un Suisse,
Aussi-tost fait, qu'aussi-tost dit,
La Terre en Suisse s'arrondit;
Ainsi ronde comme une Cuve
Où rit Bacchus quand le vin cuve,
La relia de cinq cerceaux,
Les uns frais, et les autres chaux,
Plus grands que ceux dont est coûtume
D'enfermer la vineuse écume
Du gentil-joly Dieu Bacchus,
Fils d'une jambe et de deux cus.
Ce fait, il l'orna de Fontaines,
De Canaux, de Samaritaines,
De Prez, de Jardins, de Forests,
De Lacs, d'Estangs, et de Marests,
Desquels encor avons exemple
Et coppie aux Marests du Temple;
Son front il émailla de Fleurs,
Moins pour croquans Rethoriqueurs,
Que pour nez de Bergere tendre,
Puis luy commanda de s'étendre;
Ce qu'aussi-tost qu'elle entendit,
Baaillant humblement, s'étendit,
Non pas en montagnes hautaines,
Ains en belles et longues plaines,
Toutes prises sur le niveau
De la Plaine du Long-boyau;
De plus, il fit metaux et marbres,
Des fleurs aux fruits, des fruits aux arbres,
Aux Vallées et fit beaux Mons,
Et aux Montagnes beaux Vallons;
Car voir Montagne sans Vallée,
Certes choses trop desolée,
Et trop piteux cas eust esté,
Que parfaire sa Deité,
N'auroit pû sans se contredire,
Pour Royaume ny pour Empire.
Plus, il la peupla de Moutons,
De Coqs, de Jars, et de Dindons,
D'oysons bridez, de Chats sauvages,
De Perroquets pour mettre en cages,
De Sansonnets, de Cerfs volans,
De Simonets, de Chiens courans,
De Rinocerots, de Lycornes,
Et de Cocus, bestes à cornes,
Plus fieres qu'Anguilles de Bois,
D'Emerillons, de Chiens d'Artois,
De doux Serains de Canarie,
Et de Rossignols d'Arcadie
Qui font la nique aux Amphions.
La Mer il peupla de Saumons,
Et de Soles bonnes à frire,
Pour les gens du Roy nostre Sire,
De Harengs frais et d'Esperlans,
De Maquereaux et de Merlans,
De Sphisiteres, de Balenes,
Et de Poissons nommez Sirenes,
Chanteuses de Lanturelus,
Bref de tous les Individus,
Depuis le Chat de Peronnelle
Jusqu'au Chien de Jean de Nivelle,
Depuis le Rat Muzeardus
Que devora Rodilardus;
Jusqu'aux Bestes, ne vous déplaise,
Qu'avec honneur on porte en chaise.
Ce benoist Monde il popula.
Que restoit-il apres cela?
Fors trouver quelqu'un (dit Ovide)
Qui de cerveau ne fut pas vuide,
Et fut digne en cette Maison
D'y plumer la Poulle et l'Oyson,
Capable d'y sonner les Cloches;
Mesme d'y tourner quatre Broches,
Vuider, larder, coucher au feu;
Laquelle chose fut un peu
Au Conseil des Dieux contestée;
Mais un Larron dit Prometée,
Qui la Toillette aux Dieux plia,
En disant cum licentia,
Entreprit cet oeuvre parfaire,
Qui pour luy fut mauvaise affaire,
Car humain Corps il figura,
Puis au pul Torche luy fourra,
Dont son ame au diable est allée,
Car la Torche il avoit vollée,
Comme chacun sçait, au soleil,
Qui luy causa deüil nompareil.
Ainsi l'Homme, plante Divine,
Tira du Ciel son origine,
Portant la Teste vers les Cieux,
Où Nature ficha deux yeux,
Vallans bien paire de Lunettes,
Pour contempler Astre et Planettes,
Et regarder incessamment
Les miracles du Firmament.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
L'AGE D'OR: FABLE III
L'AGE D'OR
FABLE III
LORS commença, comme je pense,
Le premier Aage d'Innocence,
Autrement nommé l'Aage d'Or,
Bien que Dame Justice encor,
Parlant en toute reverence,
N'en eût fait luire sa Balance,
Heureux Aage, Siecle doré,
Où chacun dormoit asseuré,
Sans peur de perdre sa journée
Toute la grasse matinée.
Siecle d'Or, mais d'Or de Ducat,
Où l'Homme fort peu delicat
Mangeoit sans nappe, sans salliere,
Et son potage sans cuilliere,
Beuvoit dans le creux de sa main,
Où sans soucy du lendemain,
Grace à la Terre nostre Mere,
Il trouvoit dequoy se refaire.
Heureuse Saison, heureux Temps,
Où les Cannes alloient aux Champs
Sans craindre couteau ny jambette;
Où comme le Poupon qui tette,
Le Vieillard le plus édenté,
Disoit encor Maman tetté,
Se joüoit, faisoit la disnette,
Puis dansoit la cascarinette,
Couroit apres la Barbe à Dieu,
Alloit à la Feste à Gouvieu,
Puis faisoit avec que sa Femme
Pain pigo tambourin Madame.
Heureux Temps, heureuse Saison,
Où n'estoit Porte ny Cloison,
Ville, Maison, ny Pont, ny Planche,
Où l'on se mouchoit sur la Manche,
Où sans scrupule on se grattoit
Justement où il démangeoit,
Où n'estoit Medecin ny Mule,
Juge, prison, ny bassecule,
Meutres, ny vols, ny feux, ny fers,
Grippeminaux ny gris, ny verds,
Ny gon, ny clou, ny clef, ny coffre,
Ny Magistrat, ny Lifrelofre,
Vente, ny troq, combat, ny choq,
Cappe, ny froc, griffe, ny croq,
Toquetambour, trompe, ny cloche,
Croquedindon, ny pres, ny proche,
Puce, ny pou, dartre, ny clou,
Moyne bourru, ny Lougarrou.
Bien-heureuse Saïson dorée,
De tous les Peuples reverée,
Où tous les Animaux contens,
Et les Hommes parmy les Champs,
Sans soupçon et sans défiance,
Passoient la Nuit en asseurance,
Et ronfloient jusqu'au lendemain
Sans remuer ny pied ny main,
Sans craindre catharre, ou migraine,
Flux de ventre, ou fievre quartaine;
Où plus contens et plus heureux
Que petits Roys, ou petits Dieux,
Ils n'avoient soucy d'autre affaire
Que de dormir, faire grand chere,
Rire, danser les mattassins,
Et de joüer des mannequins,
Se veautrans, allans sur l'herbette
À quatre pattes, à courbette,
À petits sauts, à petits bonds,
Comme gentils petits Moutons,
Joüans à la mouche, à la bresme,
À bien et beau s'en va Caresme,
À croquignolle, à coquimber,
À je n'y tiens ny bois ny fer,
À pille-nade, joque fore,
Et mille autres beaux jeux encore
Qui faisoient honte à tous les Arts,
Tant de Minerve, que de Mars,
Ne sçachans lors ces premiers Hommes
Rien plus, sinon cueillir des pommes,
Abattre des glands et des noix,
Et se peigner avec les doigts,
La simplesse estant leur partage,
L'ignorance leur heritage,
L'innocence leur commun bien,
Ils ne disoient ny tien, ny mien;
Aussi pour appointer querelle,
Le Vigneron couppe javelle,
N'avoit porté poulle ou dindon
Au President Croquelardon;
Ny le Perche, ny la Fourcade,
À son costé fiere estocade;
Le Sergent porté ses billets,
Ny Mars tiré ses pistolets,
Ny le Filou sa tire-laine,
Ny Jean Guillaume pris la peine
De dancer sur son chien de cou
Le petit branle de Poitou
Car chacun vivoit comme frere,
Sans craindre prison, ny galere,
Marchant toûjours sur le pavé
Le front droit, et le nez levé.
Telle estoit leur rare innocence;
Aussi la terre en recompense,
Sans cuisinier et sans apprest,
Leur tenoit le disner tout prest,
Leur produisant en abondance
Dattes et noix, raisins de pance.
Le fruit à Juppin consacré,
La figue, et le melon succré,
La prune, la pomme, et la poire,
Cerise rouge, et mure noire,
Belle pesche, et beaux Abricots,
Qui leur faisoient grand bien au dos,
Et je croy plus grand bien au ventre.
De plus, la Terre de son centre,
Poussoit mille sources de lait,
Par tout le Nectar y couloit;
Au lieu de chardons et d'orties,
C'estoient Perdrix toutes rosties.
Bref, par tout on voyoit tracé
Le bon-heur de ce temps passé.
FABLE III
LORS commença, comme je pense,
Le premier Aage d'Innocence,
Autrement nommé l'Aage d'Or,
Bien que Dame Justice encor,
Parlant en toute reverence,
N'en eût fait luire sa Balance,
Heureux Aage, Siecle doré,
Où chacun dormoit asseuré,
Sans peur de perdre sa journée
Toute la grasse matinée.
Siecle d'Or, mais d'Or de Ducat,
Où l'Homme fort peu delicat
Mangeoit sans nappe, sans salliere,
Et son potage sans cuilliere,
Beuvoit dans le creux de sa main,
Où sans soucy du lendemain,
Grace à la Terre nostre Mere,
Il trouvoit dequoy se refaire.
Heureuse Saison, heureux Temps,
Où les Cannes alloient aux Champs
Sans craindre couteau ny jambette;
Où comme le Poupon qui tette,
Le Vieillard le plus édenté,
Disoit encor Maman tetté,
Se joüoit, faisoit la disnette,
Puis dansoit la cascarinette,
Couroit apres la Barbe à Dieu,
Alloit à la Feste à Gouvieu,
Puis faisoit avec que sa Femme
Pain pigo tambourin Madame.
Heureux Temps, heureuse Saison,
Où n'estoit Porte ny Cloison,
Ville, Maison, ny Pont, ny Planche,
Où l'on se mouchoit sur la Manche,
Où sans scrupule on se grattoit
Justement où il démangeoit,
Où n'estoit Medecin ny Mule,
Juge, prison, ny bassecule,
Meutres, ny vols, ny feux, ny fers,
Grippeminaux ny gris, ny verds,
Ny gon, ny clou, ny clef, ny coffre,
Ny Magistrat, ny Lifrelofre,
Vente, ny troq, combat, ny choq,
Cappe, ny froc, griffe, ny croq,
Toquetambour, trompe, ny cloche,
Croquedindon, ny pres, ny proche,
Puce, ny pou, dartre, ny clou,
Moyne bourru, ny Lougarrou.
Bien-heureuse Saïson dorée,
De tous les Peuples reverée,
Où tous les Animaux contens,
Et les Hommes parmy les Champs,
Sans soupçon et sans défiance,
Passoient la Nuit en asseurance,
Et ronfloient jusqu'au lendemain
Sans remuer ny pied ny main,
Sans craindre catharre, ou migraine,
Flux de ventre, ou fievre quartaine;
Où plus contens et plus heureux
Que petits Roys, ou petits Dieux,
Ils n'avoient soucy d'autre affaire
Que de dormir, faire grand chere,
Rire, danser les mattassins,
Et de joüer des mannequins,
Se veautrans, allans sur l'herbette
À quatre pattes, à courbette,
À petits sauts, à petits bonds,
Comme gentils petits Moutons,
Joüans à la mouche, à la bresme,
À bien et beau s'en va Caresme,
À croquignolle, à coquimber,
À je n'y tiens ny bois ny fer,
À pille-nade, joque fore,
Et mille autres beaux jeux encore
Qui faisoient honte à tous les Arts,
Tant de Minerve, que de Mars,
Ne sçachans lors ces premiers Hommes
Rien plus, sinon cueillir des pommes,
Abattre des glands et des noix,
Et se peigner avec les doigts,
La simplesse estant leur partage,
L'ignorance leur heritage,
L'innocence leur commun bien,
Ils ne disoient ny tien, ny mien;
Aussi pour appointer querelle,
Le Vigneron couppe javelle,
N'avoit porté poulle ou dindon
Au President Croquelardon;
Ny le Perche, ny la Fourcade,
À son costé fiere estocade;
Le Sergent porté ses billets,
Ny Mars tiré ses pistolets,
Ny le Filou sa tire-laine,
Ny Jean Guillaume pris la peine
De dancer sur son chien de cou
Le petit branle de Poitou
Car chacun vivoit comme frere,
Sans craindre prison, ny galere,
Marchant toûjours sur le pavé
Le front droit, et le nez levé.
Telle estoit leur rare innocence;
Aussi la terre en recompense,
Sans cuisinier et sans apprest,
Leur tenoit le disner tout prest,
Leur produisant en abondance
Dattes et noix, raisins de pance.
Le fruit à Juppin consacré,
La figue, et le melon succré,
La prune, la pomme, et la poire,
Cerise rouge, et mure noire,
Belle pesche, et beaux Abricots,
Qui leur faisoient grand bien au dos,
Et je croy plus grand bien au ventre.
De plus, la Terre de son centre,
Poussoit mille sources de lait,
Par tout le Nectar y couloit;
Au lieu de chardons et d'orties,
C'estoient Perdrix toutes rosties.
Bref, par tout on voyoit tracé
Le bon-heur de ce temps passé.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
L'AGE DE FER: FABLE IV.
L'AGE DE FER
FABLE IV.
MAIS si tost que le bon Saturne,
Dieu pacifique et taciturne,
Fut de son Trône deboutté
Par son Fils, un Enfant gasté;
Si tost, dis-je, que ce bon Pere,
Non sans fievre et douleur amere,
Loin du Nectar, se vit forcé
À ne boire que Vin poussé,
Cette heureuse Saison dorée,
Par ce changement alterée,
Finalement se dédora,
Puis en argent dégenera;
Siecle d'Argent, non tant aimable
Que celuy d'Or, mais plus loüable,
Et beaucoup plus Siecle d'honneur
Que son vaurien de successeur.
Ce fut alors que pour s'ébatre,
Jupin voulant des Saisons quatre,
Fendit en quatre le Printemps,
Dont il tira les quatre Temps
Qui viennent quatre fois l'année,
Tous par fois dans une journée.
Lors commença le chaud Esté
Qui mene un Chien à son costé,
De haller toute la Nature;
Et le Pere de la froidure
L'Hyver, humide et cathereux,
De monstrer son nez roupieux,
Laissant sur le Mont et la Plaine
Courir aux vents la pretantaine,
Qui faisoient, sans obstacle nul,
Merveille de souffler au pul.
Avant ce Temps, la creature
Qui n'avoit eu pour couverture
Que l'étoillé manteau des Cieux,
Pour abrier son pul frilleux,
Se vit contrainte, sans lanterne,
De rechercher antre et caverne,
Les caves, les nids et les trous
Des Serpens et des Lougarous.
Ce fut alors, Mere innocente,
Que du soc la lame tranchante,
Par l'iniquité des Humains,
Vous fit (dit-on) grand mal aux reins;
Vous eustes beau, Mere dolente,
Crier, Oncle, Cousin, ny Tante,
N'empescherent ces fiers Enfans
De vous en donner dans les flancs;
Vous en eustes, pauvre Pucelle,
Pour le moins un bon pied dans l'esle,
Dont pourtant n'en mourûtes pas,
Bien que ce fut un vilain cas.
Encore, pauvre Mere outragée,
Pour saouler la faim enragée
De ces fameliques matins,
Enfans du lait de vos tetins,
Las vous fustes, pauvre affligée,
En plus de loppins partagée,
Que n'est (dit-on) de feüille au bois;
Vous fustes le gasteau des Rois,
Duquel l'Homme, meschante espece,
Non content d'avoir pris sa piece,
Encore déchira vostre peau;
Pour trouver la febve au gasteau,
Vous farfoüilla jusques au centre,
Vous tira les trippes du ventre,
Mines d'Argent et mines d'Or,
Qui fut un vilain cas encor,
Sale desir, orde avarice,
D'où vint aux Hommes l'injustice,
Qui hardis et prompts à la main
Enterent le Fer sur l'Airain.
Siecle de Fer, d'humeur avare,
Qui ne dût, estant si barbare,
Estre nommé Siecle de Fer,
Mais bien plûtost Siecle d'Enfer,
Puis qu'en ce Siecle detestable
D'Ange, l'Homme devint un Diable,
De Pacifique, un Fanfaron,
Et d'Homme sainct, un fin Larron,
Un Tygre, un Dragon plein de rage,
Bref, un Coquin pour tout potage,
Qui ne valloit, ny n'estoit bon,
Qu'à pendiller à Montfaucon,
Guestant, passant et faisant course,
Pillant, vollant, et couppant Course,
Lors la Chair, le Monde, et Satan,
Qui s'entendent depuis maint An
Tous trois comme Larrons en Foire,
Pires que des Gens d'Escritoire,
Mirent pour nous perdre tout net
Leurs trois Testes dans un bonnet,
Beurent dans une Lechefrite,
Ne firent plus qu'une Marmite;
Et pour nous attrapper au jeu,
Mirent tous trois les fers au feu.
Adonc tant les Geais, que les Pies,
Jetterent le Froc aux orties,
Et mirent Breviaires au croq,
Pour plumer la Poulle et le Coq.
Ce fut alors que Frere Estienne,
Apres avoir juré mordienne,
Mit une épingle à son chappeau,
Prit esperon, piqua Moreau,
Empoigna pieu, pique et rondache,
Et sur sa teste de ganache
Posa trois plumes de Heron,
Pour faire crier au Larron.
Ce fut alors qu'à mine fiere
Parut ce grand porte rapiere,
Bras de Fer, qui tout le premier
Fit trembler le Lard au Charnier;
Puis vindrent les Scarabombilles,
Les Manchots, les Jambes de billes,
Les Ballafrez, les Breschedens,
Qui tous ensemble alloient jettans
Gens et Maisons par les fenestres,
Détroussans Lais, détroussans Prestres,
Mordans, grondans, fumans, humans
Jusqu'au lait des petits Enfans.
Ce n'estoit que sang, que carnage,
Que feu, qu'horreur, que brigandage;
Il n'estoit point de seureté,
Tout trembloit sous l'iniquité,
Le Villageois dans sa Chaumiere,
Le pauvre Cerf dans sa Tanniere,
L'Artisan dessous son Auvent,
Le Coupechou dans son Convent,
La Graisse dans la Lechefrite,
Et la Chair dedans la Marmite;
Nul ne pouvoit, la Miche en main;
Se dire maistre de son pain,
De son lard, ny de son fromage;
Car seul avoit tout l'avantage,
Et le Prince estoit des Humains,
Qui avoit plus de force aux reins,
Plus grands pieds, et large fressure,
Bernans les Dieux et la Nature.
Ce que voyant Dame Vertu,
D'une main se grattant le cu,
Et de l'autre troussant ses quilles,
Tira ses chausses, et fit gilles;
D'autre part, la Dame Themis
Voyant comme ses bons Amis
Traittoient les Dames de sa sorte,
Sans diferer, gagna la porte,
Prit à son col ses deux jarrets,
Puis se sauva par les marets
Au ciel, le lieu de sa naissance,
Laissant aux Humains sa Balance,
Dont ils se servent de crochet
Pour prendre l'or au trebuchet.
FABLE IV.
MAIS si tost que le bon Saturne,
Dieu pacifique et taciturne,
Fut de son Trône deboutté
Par son Fils, un Enfant gasté;
Si tost, dis-je, que ce bon Pere,
Non sans fievre et douleur amere,
Loin du Nectar, se vit forcé
À ne boire que Vin poussé,
Cette heureuse Saison dorée,
Par ce changement alterée,
Finalement se dédora,
Puis en argent dégenera;
Siecle d'Argent, non tant aimable
Que celuy d'Or, mais plus loüable,
Et beaucoup plus Siecle d'honneur
Que son vaurien de successeur.
Ce fut alors que pour s'ébatre,
Jupin voulant des Saisons quatre,
Fendit en quatre le Printemps,
Dont il tira les quatre Temps
Qui viennent quatre fois l'année,
Tous par fois dans une journée.
Lors commença le chaud Esté
Qui mene un Chien à son costé,
De haller toute la Nature;
Et le Pere de la froidure
L'Hyver, humide et cathereux,
De monstrer son nez roupieux,
Laissant sur le Mont et la Plaine
Courir aux vents la pretantaine,
Qui faisoient, sans obstacle nul,
Merveille de souffler au pul.
Avant ce Temps, la creature
Qui n'avoit eu pour couverture
Que l'étoillé manteau des Cieux,
Pour abrier son pul frilleux,
Se vit contrainte, sans lanterne,
De rechercher antre et caverne,
Les caves, les nids et les trous
Des Serpens et des Lougarous.
Ce fut alors, Mere innocente,
Que du soc la lame tranchante,
Par l'iniquité des Humains,
Vous fit (dit-on) grand mal aux reins;
Vous eustes beau, Mere dolente,
Crier, Oncle, Cousin, ny Tante,
N'empescherent ces fiers Enfans
De vous en donner dans les flancs;
Vous en eustes, pauvre Pucelle,
Pour le moins un bon pied dans l'esle,
Dont pourtant n'en mourûtes pas,
Bien que ce fut un vilain cas.
Encore, pauvre Mere outragée,
Pour saouler la faim enragée
De ces fameliques matins,
Enfans du lait de vos tetins,
Las vous fustes, pauvre affligée,
En plus de loppins partagée,
Que n'est (dit-on) de feüille au bois;
Vous fustes le gasteau des Rois,
Duquel l'Homme, meschante espece,
Non content d'avoir pris sa piece,
Encore déchira vostre peau;
Pour trouver la febve au gasteau,
Vous farfoüilla jusques au centre,
Vous tira les trippes du ventre,
Mines d'Argent et mines d'Or,
Qui fut un vilain cas encor,
Sale desir, orde avarice,
D'où vint aux Hommes l'injustice,
Qui hardis et prompts à la main
Enterent le Fer sur l'Airain.
Siecle de Fer, d'humeur avare,
Qui ne dût, estant si barbare,
Estre nommé Siecle de Fer,
Mais bien plûtost Siecle d'Enfer,
Puis qu'en ce Siecle detestable
D'Ange, l'Homme devint un Diable,
De Pacifique, un Fanfaron,
Et d'Homme sainct, un fin Larron,
Un Tygre, un Dragon plein de rage,
Bref, un Coquin pour tout potage,
Qui ne valloit, ny n'estoit bon,
Qu'à pendiller à Montfaucon,
Guestant, passant et faisant course,
Pillant, vollant, et couppant Course,
Lors la Chair, le Monde, et Satan,
Qui s'entendent depuis maint An
Tous trois comme Larrons en Foire,
Pires que des Gens d'Escritoire,
Mirent pour nous perdre tout net
Leurs trois Testes dans un bonnet,
Beurent dans une Lechefrite,
Ne firent plus qu'une Marmite;
Et pour nous attrapper au jeu,
Mirent tous trois les fers au feu.
Adonc tant les Geais, que les Pies,
Jetterent le Froc aux orties,
Et mirent Breviaires au croq,
Pour plumer la Poulle et le Coq.
Ce fut alors que Frere Estienne,
Apres avoir juré mordienne,
Mit une épingle à son chappeau,
Prit esperon, piqua Moreau,
Empoigna pieu, pique et rondache,
Et sur sa teste de ganache
Posa trois plumes de Heron,
Pour faire crier au Larron.
Ce fut alors qu'à mine fiere
Parut ce grand porte rapiere,
Bras de Fer, qui tout le premier
Fit trembler le Lard au Charnier;
Puis vindrent les Scarabombilles,
Les Manchots, les Jambes de billes,
Les Ballafrez, les Breschedens,
Qui tous ensemble alloient jettans
Gens et Maisons par les fenestres,
Détroussans Lais, détroussans Prestres,
Mordans, grondans, fumans, humans
Jusqu'au lait des petits Enfans.
Ce n'estoit que sang, que carnage,
Que feu, qu'horreur, que brigandage;
Il n'estoit point de seureté,
Tout trembloit sous l'iniquité,
Le Villageois dans sa Chaumiere,
Le pauvre Cerf dans sa Tanniere,
L'Artisan dessous son Auvent,
Le Coupechou dans son Convent,
La Graisse dans la Lechefrite,
Et la Chair dedans la Marmite;
Nul ne pouvoit, la Miche en main;
Se dire maistre de son pain,
De son lard, ny de son fromage;
Car seul avoit tout l'avantage,
Et le Prince estoit des Humains,
Qui avoit plus de force aux reins,
Plus grands pieds, et large fressure,
Bernans les Dieux et la Nature.
Ce que voyant Dame Vertu,
D'une main se grattant le cu,
Et de l'autre troussant ses quilles,
Tira ses chausses, et fit gilles;
D'autre part, la Dame Themis
Voyant comme ses bons Amis
Traittoient les Dames de sa sorte,
Sans diferer, gagna la porte,
Prit à son col ses deux jarrets,
Puis se sauva par les marets
Au ciel, le lieu de sa naissance,
Laissant aux Humains sa Balance,
Dont ils se servent de crochet
Pour prendre l'or au trebuchet.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LA GIGANTOMACHIE: FABLE V
LA GIGANTOMACHIE
FABLE V
QUOY plus, l'Impieté sans bornes,
Qui, comme est dit, faisoit les cornes
Et pettarade à tous les Dieux,
L'Orgueil qui regnoit en tous lieux,
Non content, chose étrange à dire,
De la Terre, et de son Empire,
Voulut encor audacieux
Porter son Trône dans les Cieux,
Suscitant ces Fils de la Terre,
Ou plûtost ces Fils de la Guerre,
De rogner l'Escuelle à Juppin,
Taster de sa chair, de son pain,
Voir de son eau boire en sa couppe,
Et tremper les doigts dans sa souppe.
De fait, ces robustes Garçons,
Qui sans souliers à hauts talons
Alloient encore les testes nuës
Quatre doigts par dessus les nuës,
Entasserent sur Pelion
De Montagnes un million,
Chose rare et non pas commune;
Puis se logerent sur la Lune,
Provoquans les Dieux au combat,
Appellans Jupiter un fat,
Jurans de luy plumer son Aygle,
Luy battre le dos comme segle,
Et luy coupper son Ardillon
À la Barbe de sa Junon;
Bref, qu'ils montreroient à leurs Hostes,
En leur brisant testes et costes,
Qu'assez avoient pour estre Dieux,
De Barbe au nez, et Barbe aux yeux;
À quoy cil qui Rocs met en poudre
Ne répondit qu'à coups de foudre;
Mais ces temeraires Soldats
Repartirent à coups de mats,
À coups de fourche, à coups de gaule,
Faisant tomber sur mainte épaule,
Et sur maint celeste hoqueton,
Maint furieux coup de baston,
Criblans la peu, perçans la coine,
Enfonçans crane et peritoine,
Et donnans sur ras et tondus
Ainsi que beaux enfans perdus.
D'autre part la Trouppe froissée
Des Dieux, donnoit teste baissée,
Sans épargner ny pieds ny cous;
Mais on riva si bien leurs clous,
Que sans tambour et sans trompette
Force leur fut faire retraite.
Ce qui rendit bien étonné
Le grand Juppin, qui testonné,
Comme j'ay dit, avec sa foudre,
Ne sçachant à quoy se resoudre,
Fit assembler soudainement
Conseil de Guerre, et Parlement,
Qui les choses bien balancées,
Bien sassées et ressassées,
Finalement conseil fut pris,
Que sans tarder, de peur de pis,
Contre cette Cohorte infame,
On feroit marcher l'Oriflame
Avec l'Estendar de Gan,
Qu'on publiroit l'arriereban;
Et tandis, veu le peu de conte,
Que ces gens de fer et de fonte,
Faisoient de son foudre commun,
L'avallant comme du petun,
Qu'il tireroit de sa grand foudre,
Capable de reduire en poudre
Non seulement ces gens pervers,
Mais encore tout l'Univers.
Chose concluë et arrestée,
La foudre luy fut apportée;
Foudre que le grand Saturnus,
Par l'advis de Nostradamus,
En cas de fortune contraire,
Fort sagement avoit fait faire;
Et que sans des grands de Lutin,
N'avoit osé le grand Juppin
Tirer, cas merveilleux à croire,
Mais que pourtant, ce dit l'Histoire,
Il prit dans ce pressant malheur,
Non pas sans changer de couleur.
Adonc tous les Dieux s'écarterent,
Qui çà, qui là, puis le laisserent
Tout seul en la garde de Dieu,
Lequel guignant de son haut lieu,
Foudre en jouë, et mesche allumée,
Toute la gigantesque Armée
Qui dans la campagne des Cieux
Ne trouvans ny bestes ny Dieux,
Déja l'Enseigne déployée,
Crioient dedans, Ville gagnée,
Son cas promptement affuta;
Affuté, la foudre appointa;
Appointée, il porta la méche
Au bassinet, la foudre seche
Prit; et le foudre foudroyant
D'un son horrible et long bruyant,
Ebranlant toute la nature,
Fit pâmer toute creature,
Du fond l'Olympe s'écroula,
Et jusqu'au sommet en trembla;
Tout fremit dans son domicille,
Jusqu'à l'huitre dans sa coquille,
L'Enfant dans ses draps se mussa,
Et tout le bon vin s'en poussa,
Laissant aller dessus leurs testes
Mille traits et mille tempestes,
Grands saucissons, farcis de dards,
Grands pots à feux, et gros petards;
Si bien que depuis la cervelle,
Jusqu'aux étuis à la moüelle,
Le foudre si bien les tasta,
Que maudit soit s'il en resta,
Comme l'on dit, ny pied, ny aisle;
Ainsi s'appaisa la querelle,
Moyennant quelques coups de pieux
Entre les Geans et les Dieux,
Que paya le sang de Typhée;
Duquel sang la Terre abbreuvée,
Malgré Jupiter et ses dents,
Conceut et poussa de ses flancs
Une autre espece de canaille,
Non du tout de si belle taille
Que leurs parens Eschelles-Cieux,
Mais bien autant pernicieux,
Loups ravissans, Andropophages,
Qui ne vivans que de carnages,
N'assouvissoient (dit-on) leur faim,
Que de chair et de sang Humain.
FABLE V
QUOY plus, l'Impieté sans bornes,
Qui, comme est dit, faisoit les cornes
Et pettarade à tous les Dieux,
L'Orgueil qui regnoit en tous lieux,
Non content, chose étrange à dire,
De la Terre, et de son Empire,
Voulut encor audacieux
Porter son Trône dans les Cieux,
Suscitant ces Fils de la Terre,
Ou plûtost ces Fils de la Guerre,
De rogner l'Escuelle à Juppin,
Taster de sa chair, de son pain,
Voir de son eau boire en sa couppe,
Et tremper les doigts dans sa souppe.
De fait, ces robustes Garçons,
Qui sans souliers à hauts talons
Alloient encore les testes nuës
Quatre doigts par dessus les nuës,
Entasserent sur Pelion
De Montagnes un million,
Chose rare et non pas commune;
Puis se logerent sur la Lune,
Provoquans les Dieux au combat,
Appellans Jupiter un fat,
Jurans de luy plumer son Aygle,
Luy battre le dos comme segle,
Et luy coupper son Ardillon
À la Barbe de sa Junon;
Bref, qu'ils montreroient à leurs Hostes,
En leur brisant testes et costes,
Qu'assez avoient pour estre Dieux,
De Barbe au nez, et Barbe aux yeux;
À quoy cil qui Rocs met en poudre
Ne répondit qu'à coups de foudre;
Mais ces temeraires Soldats
Repartirent à coups de mats,
À coups de fourche, à coups de gaule,
Faisant tomber sur mainte épaule,
Et sur maint celeste hoqueton,
Maint furieux coup de baston,
Criblans la peu, perçans la coine,
Enfonçans crane et peritoine,
Et donnans sur ras et tondus
Ainsi que beaux enfans perdus.
D'autre part la Trouppe froissée
Des Dieux, donnoit teste baissée,
Sans épargner ny pieds ny cous;
Mais on riva si bien leurs clous,
Que sans tambour et sans trompette
Force leur fut faire retraite.
Ce qui rendit bien étonné
Le grand Juppin, qui testonné,
Comme j'ay dit, avec sa foudre,
Ne sçachant à quoy se resoudre,
Fit assembler soudainement
Conseil de Guerre, et Parlement,
Qui les choses bien balancées,
Bien sassées et ressassées,
Finalement conseil fut pris,
Que sans tarder, de peur de pis,
Contre cette Cohorte infame,
On feroit marcher l'Oriflame
Avec l'Estendar de Gan,
Qu'on publiroit l'arriereban;
Et tandis, veu le peu de conte,
Que ces gens de fer et de fonte,
Faisoient de son foudre commun,
L'avallant comme du petun,
Qu'il tireroit de sa grand foudre,
Capable de reduire en poudre
Non seulement ces gens pervers,
Mais encore tout l'Univers.
Chose concluë et arrestée,
La foudre luy fut apportée;
Foudre que le grand Saturnus,
Par l'advis de Nostradamus,
En cas de fortune contraire,
Fort sagement avoit fait faire;
Et que sans des grands de Lutin,
N'avoit osé le grand Juppin
Tirer, cas merveilleux à croire,
Mais que pourtant, ce dit l'Histoire,
Il prit dans ce pressant malheur,
Non pas sans changer de couleur.
Adonc tous les Dieux s'écarterent,
Qui çà, qui là, puis le laisserent
Tout seul en la garde de Dieu,
Lequel guignant de son haut lieu,
Foudre en jouë, et mesche allumée,
Toute la gigantesque Armée
Qui dans la campagne des Cieux
Ne trouvans ny bestes ny Dieux,
Déja l'Enseigne déployée,
Crioient dedans, Ville gagnée,
Son cas promptement affuta;
Affuté, la foudre appointa;
Appointée, il porta la méche
Au bassinet, la foudre seche
Prit; et le foudre foudroyant
D'un son horrible et long bruyant,
Ebranlant toute la nature,
Fit pâmer toute creature,
Du fond l'Olympe s'écroula,
Et jusqu'au sommet en trembla;
Tout fremit dans son domicille,
Jusqu'à l'huitre dans sa coquille,
L'Enfant dans ses draps se mussa,
Et tout le bon vin s'en poussa,
Laissant aller dessus leurs testes
Mille traits et mille tempestes,
Grands saucissons, farcis de dards,
Grands pots à feux, et gros petards;
Si bien que depuis la cervelle,
Jusqu'aux étuis à la moüelle,
Le foudre si bien les tasta,
Que maudit soit s'il en resta,
Comme l'on dit, ny pied, ny aisle;
Ainsi s'appaisa la querelle,
Moyennant quelques coups de pieux
Entre les Geans et les Dieux,
Que paya le sang de Typhée;
Duquel sang la Terre abbreuvée,
Malgré Jupiter et ses dents,
Conceut et poussa de ses flancs
Une autre espece de canaille,
Non du tout de si belle taille
Que leurs parens Eschelles-Cieux,
Mais bien autant pernicieux,
Loups ravissans, Andropophages,
Qui ne vivans que de carnages,
N'assouvissoient (dit-on) leur faim,
Que de chair et de sang Humain.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LYCAON CHANGE EN LOUP:FABLE VI.
LYCAON CHANGE EN LOUP
FABLE VI.
LE Grand Maistre de l'Empirée,
Du haut de sa Maison dorée,
Par un jour que le blond Phoebus
En faveur de nos Choux cabus,
Avoit rendu l'Air sans nuage,
Apperceut l'horrible ménage
Que faisoient ses diables d'Humains,
À coups de dents, et coups de mains,
Dont Jupiter, chose effroyable,
Jura plus de cent fois mordiable,
D'ire tout son sang se troubla,
Et soudain les Dieux assembla,
Lesquels au premier coup de cloche,
Tant les grands Dieux portans galoche,
Que ceux qui galoches n'ont point,
Ny de colets à leur pourpoint,
Vindrent au lieu de l'Assemblée.
Lors Juppin, la face troublée,
Repensant à l'indignité
De cil qui plein de cruauté,
De sa Deïté massacrée,
Cuida faire galimaffrée;
Par trois fois la teste croula,
Dont si fort l'Olympe trembla,
Qu'avec un autre coup de teste,
Le gros mur qui porte le feste,
S'en alloit voler en éclats,
Si les Dieux n'eussent dit helas.
Lors leur susdit Seigneur et Pere
Refrenant un peu sa colere,
Leur dit; Depuis mes Citadins,
Que pour defendre nos boudins,
Le lard et le vin de nos pipes,
Qui fait tres-grand bien à nos tripes,
Je pris le tonnerre à la main,
J'ay eu des affaires tout plain;
J'ay veu ces Larrons à ma porte,
Ces Geans que le Diable emporte,
Avec leur Corporal Typhon,
Lequel de cent bras de Griffon
Me donna vilaine acolade,
Témoin cette épaule malade,
Et ce mien present hoqueton,
Où la figure d'un baston
Reste emprainte, par saincte Barbe;
Mais je vous jure par ma Barbe,
Dont j'ay quatre bon pieds encor,
Qu'un Asne qu'on sangle trop fort,
Beaucoup moins que moy sent de peine;
Car bien que cette Gent hauteine
À qui j'ay, malgré leurs ergots,
Grace à Dieu, cassé les gigots,
Fissent pour lors le Diable à quatre,
Pourtant je n'avois à combrattre
Que quelque trouppe de brigans;
Mais aujourd'huy, mes chers Enfans,
J'ay bien d'autre fil à retordre,
Pour un Chien qui nous vouloit mordre.
Ores j'en voy plus de cinq cens
Qui là bas nous montrent les dents;
J'ay beau leur crier hole, hole,
Tay briffaut, miraut, carmagnole,
Au Diable l'un de ces Mastins,
Qui pour nous lescher les patins,
De s'avançer prenne la peine;
Sur mon ame j'ay la migraine
Quand je voy ces Croquelardons,
Ces diables de Croquedindons,
Qui s'entrechatoüillent la coine,
Sans nous chanter une Antiphoine,
Ny nous presenter en cent ans
Une pauvre livre d'encens,
Un Boeuf, un Bouc, une Genisse,
Ny seulement une Escrevisse;
Mais je jure mon grand juron,
Qu'ils s'en repentiront don don;
J'applatiray leur bedondaine,
Don don farlarira dondaine;
Je leur couperay les rognons,
Je leur gresleray leurs ognons,
Je renverseray leur aveine,
Et les carderay comme laine,
Ou j'y perdray mon capuchon,
Mon torchon, mon coqueluchon,
Et ma grande foudre bastarde
Qu'és flancs en mon ire je darde.
Mais avant que d'entrer en jeu,
Convient par avant que par feu
Fassions jambe et cuisse rotie,
Separer le grain de l'ortie;
Nous avons dedans ces bas lieux
Cent gentijolis petits Dieux,
Cent gentis petits trousses cottes,
Lesquels nous ont graissé nos bottes,
Qu'il ne faut pas faire griller;
Nous en avons bien un millier
De toute âge et de toute sorte,
Dieux de la Cour, Dieux de la Porte,
Dieux de la Figue et du Cabas,
Les Dieux des Chiens, les Dieux des Chats,
Des Grenoüilles, et des Tortuës,
Les Dieux des Choux et des lettuës,
Des feüilles, des fruits, et des fleurs,
Bref des Dieux de toutes couleurs,
Jusqu'à des petits Dieux de paille,
Qui n'ont pas assez belle taille,
Ny competante dignité,
Pour s'asseoir à nostre costé,
Ny pour manger à nostre Table;
Parquoy, chose bien raisonnable,
C'est de leur trouver Attelier
Armé d'auge et de ratelier,
Pour en seureté de machoire,
Y manger, y dormir, et boire.
Mais las! où trouver seureté
Parmy l'Homme et sa cruauté,
Si ma Divinité supréme,
Si ma Personne, si moy-même,
Avecque mon bras punissant,
Et mon Sceptre resplendissant,
Mon foudre et mon Oyseau de proye,
Avec toute ma petite oye,
Chez Lycaon, diable enragé,
J'ay bien failly d'estre mangé,
Et d'estre mis à l'étuvée?
À ces mots toute l'Assemblée,
Les Dieux fremissans et pantois,
Firent de grands signes de Croix,
Chacun se regardant en face,
Blâmans de Lycaon l'audace,
Disant qu'il dût estre brûlé,
Pendu, noyé, broyé, pillé,
Faisant haut bruit et grand murmure;
D'autant que pour venger l'injure,
Chacun ou de griffe, ou de dent,
Luy vouloit donner un fendant,
Mars l'avaller comme une otarde,
Pallas comme un grain de moutarde,
Cupidon comme un oeuf mollet,
Venus comme un petit poulet,
Vulcanus comme une étincelle,
Phebus comme un bout de chandelle,
Et Cerés comme un grain de blé;
Bref il devoit estre sablé,
Criblé, sallé, mis sur la grille,
Puis mangé comme une morille.
Mais enfin apres long debat,
Juppin pour finir tel Sabat,
Trepignant des pieds dans sa Chaire,
Aux Dieux commanda de se taire;
Auquel commandement plus cois
Que des Dieux de platre ou de bois,
Sans remuer ny pied ny langue,
Demeurerent. Lors sans harangue
Juppiter poursuivit ainsi,
Ne vous en mettez en soucy,
Rengaignez, Trouppes immortelles,
Vos coutelas et vos rondelles;
Il est tondu, dourdé, bardé,
Il est greslé, cuit, et frondé;
Mais apprenez et son offence,
Son châtiment, et ma vengeance.
Cependant que je calculois
Et comptois avec mes doigts
Combien la Mer dedans sa plaine
Roule de petits grains d'arene,
Combien sont de feüilles aux bois,
De feux au Ciel, d'heures aux mois,
D'épics aux champs, de Veaux en Brie,
Et de pommes en Normandie,
Passant ainsi, mes bon Amis,
Le temps dedans un beau Tamis,
J'ignorois les crimes du Monde,
Quand de mon extase profonde
Reveillé par un camoufflet,
D'un Page j'appris tout le fait,
Lequel me conta de leur vie,
De leurs vertus et prud'homie,
Bien plus que vous n'avez oüy;
Mais je luy dis, au diable oüy,
Tu m'en voudrois bien faire à croire;
Il en jura, je luy dis voire;
Mais pour m'en rendre plus certain,
Je resolus un beau matin,
Apres avoir chanté Matine,
Pris deux oeufs, et beu ma chopine,
D'aller un peu voir et sçavoir
Si le Monde estoit blanc ou noir.
Je pris donc cinq doigts dans ma destre,
Autant dedans ma main senestre,
Un pied dedans châque chausson;
Déguisé de cette façon,
Fromage en poche, et gourde pleine,
Je traversay montagne et plaine;
De vous dire en passant Pays
Les injustices que j'y vis,
Combien dans châque Hostellerie
J'avallay de sale voirie,
Combien je beus de ripopé,
Combien de fois je fus tappé,
Vollé, grippé, mis en chemise,
Je ne sçaurois; qu'il vous suffise
De sçavoir qu'un jour cheminant
Mon chemin droit vers l'Orient,
Passant les Monts de l'Arcadie,
Je me rendis, que Dieu maudie,
Chez le cruel Prince du Sang
Lycaon, vilain perce-flanc;
C'estoit l'heure que l'oeil du Monde
Moüillant sa paupiere dans l'onde,
Convioit le las Pelerin
À moüiller aussi dans le vin
Son pain, pour apres sans lumiere
Comme luy fermer la paupiere;
J'entray, disant, Dieu soit ceans,
On répondit, et vous dedans.
Que demandez-vous, nostre Sire?
Ils ne pensoient pas si bien dire.
Adonc je leur manifesté
Un coin de ma Divinité,
Leur montrant par une ouverture
Un petit bout de ma nature.
Lors ils coururent à l'encens,
Et comme fins et de bon sens
M'apporterent belles offrandes,
Beau pain benist, belles guirlandes;
J'en eus presque chargé mon cou;
Mais Lycaon, meschant et fou,
Tenant les mains dans sa pochette,
Chantoit, appellez Robinette,
Et rioit luy seul plus que deux,
De leurs presens et de leurs voeux,
Disant qu'il vouloit faire épreuve
Avec un peu de paste neufve,
Combien une Divinité
Tient de longueur dans un pasté;
Qu'il connoissoit bien à ma mine
Que je serois viande Divine,
Bien que je fusse un peu haslé,
Qu'un Dieu bien cuit et bien sallé
Estoit mets tout à fait celeste;
Qu'il estoit serviteur au reste
Bien humble de ma Deité;
Et que s'il en avoit douté,
Deux bonnes heures d'étuvée
Rendroient ma nature éprouvée.
Que fit-il plus? ce reprouvé,
Ce Bastard, cet Enfant trouvé,
Ce Perfide, ce Deicide,
Digne de la masse d'Alcide,
Le plus effroyable repas
Dont il soit memoire là bas,
Depuis que de bonne memoire
L'Homme là bas porte machoire,
Lors qu'assis entre deux treteaux
Entre les dents et les couteaux,
La chair preste d'estre bauffrée,
Tremblante, me fut apportée,
Soudain les plats je découvris.
Mais ô Dieux! qu'est-ce que j'y vis?
Au lieu de Perdrix ou de Cailles,
Je vis deux ou trois grandes tailles
Des fesses d'un Homme empallé,
Un quartier de Marchand sallé,
Item la ratte et la fressure
D'un pauvre Soldat d'avanture,
Le coeur d'un homme poignardé,
Le tout bien proprement lardé
Du lard de la luisante coine
D'un tres grand, gros, gris, et gras Moine.
Ô Dieux! quelle inhumanité!
Pensant à cette cruauté,
Les crins me dressent en la teste,
Et le sang me fige en la creste,
J'en suis encor tout étonné,
Si j'eusse pû, j'eusse tonné,
Mais je n'avois point mon tonnerre
Pour mettre ce logis par terre,
Faute dequoy pris un tison;
Mais pour n'estre brûle-maison
Appellé, ny brûle-ménage,
Je tins au tison ce langage.
Tison de bien, tison d'honneur,
Va-t'en, au nom de ton Seigneur,
Mettre le feu de place en place,
Sans épargner pou ny paillace.
Au mesme instant le Tison part,
Et ferit tout de part en part;
Soudain les flâmes allumées,
Contre ce logis animées,
Font jusques aux grillons griller,
Les Rats sont contraints de driller,
Tous les Valets gagnent la porte;
Lycaon, que la rage emporte,
Prend des premiers la clef des champs,
Où par de funestes accens
Voulant plaindre son avanture,
N'ayant que d'un Loup la figure,
Ne sçait plus rien articuler;
Il heurle, et ne sçait plus parler;
Son coeur qui se plût au carnage,
Conservant sa premiere rage,
Affila ses cruelles dents,
Pour sur des trouppeaux innocens
Continuer la boucherie
Qu'il exerçoit dans sa furie
Dessus ses hostes malheureux;
Ses bras qui ce croy-je estoient deux,
Soudain en jambes se changerent,
Et ses vestemens se muerent
En rude et vilaine toison
De la couleur du poil grison
Qui couvroit son defunt visage;
Bref dedans sa hure sauvage,
Comme dans le feu de ses yeux,
Paroissent encor furieux;
Les traits de son Ame colere,
Qui violente et sanguinaire,
Exerce le mesme mestier
Dans un corps de Loup carnacier.
FABLE VI.
LE Grand Maistre de l'Empirée,
Du haut de sa Maison dorée,
Par un jour que le blond Phoebus
En faveur de nos Choux cabus,
Avoit rendu l'Air sans nuage,
Apperceut l'horrible ménage
Que faisoient ses diables d'Humains,
À coups de dents, et coups de mains,
Dont Jupiter, chose effroyable,
Jura plus de cent fois mordiable,
D'ire tout son sang se troubla,
Et soudain les Dieux assembla,
Lesquels au premier coup de cloche,
Tant les grands Dieux portans galoche,
Que ceux qui galoches n'ont point,
Ny de colets à leur pourpoint,
Vindrent au lieu de l'Assemblée.
Lors Juppin, la face troublée,
Repensant à l'indignité
De cil qui plein de cruauté,
De sa Deïté massacrée,
Cuida faire galimaffrée;
Par trois fois la teste croula,
Dont si fort l'Olympe trembla,
Qu'avec un autre coup de teste,
Le gros mur qui porte le feste,
S'en alloit voler en éclats,
Si les Dieux n'eussent dit helas.
Lors leur susdit Seigneur et Pere
Refrenant un peu sa colere,
Leur dit; Depuis mes Citadins,
Que pour defendre nos boudins,
Le lard et le vin de nos pipes,
Qui fait tres-grand bien à nos tripes,
Je pris le tonnerre à la main,
J'ay eu des affaires tout plain;
J'ay veu ces Larrons à ma porte,
Ces Geans que le Diable emporte,
Avec leur Corporal Typhon,
Lequel de cent bras de Griffon
Me donna vilaine acolade,
Témoin cette épaule malade,
Et ce mien present hoqueton,
Où la figure d'un baston
Reste emprainte, par saincte Barbe;
Mais je vous jure par ma Barbe,
Dont j'ay quatre bon pieds encor,
Qu'un Asne qu'on sangle trop fort,
Beaucoup moins que moy sent de peine;
Car bien que cette Gent hauteine
À qui j'ay, malgré leurs ergots,
Grace à Dieu, cassé les gigots,
Fissent pour lors le Diable à quatre,
Pourtant je n'avois à combrattre
Que quelque trouppe de brigans;
Mais aujourd'huy, mes chers Enfans,
J'ay bien d'autre fil à retordre,
Pour un Chien qui nous vouloit mordre.
Ores j'en voy plus de cinq cens
Qui là bas nous montrent les dents;
J'ay beau leur crier hole, hole,
Tay briffaut, miraut, carmagnole,
Au Diable l'un de ces Mastins,
Qui pour nous lescher les patins,
De s'avançer prenne la peine;
Sur mon ame j'ay la migraine
Quand je voy ces Croquelardons,
Ces diables de Croquedindons,
Qui s'entrechatoüillent la coine,
Sans nous chanter une Antiphoine,
Ny nous presenter en cent ans
Une pauvre livre d'encens,
Un Boeuf, un Bouc, une Genisse,
Ny seulement une Escrevisse;
Mais je jure mon grand juron,
Qu'ils s'en repentiront don don;
J'applatiray leur bedondaine,
Don don farlarira dondaine;
Je leur couperay les rognons,
Je leur gresleray leurs ognons,
Je renverseray leur aveine,
Et les carderay comme laine,
Ou j'y perdray mon capuchon,
Mon torchon, mon coqueluchon,
Et ma grande foudre bastarde
Qu'és flancs en mon ire je darde.
Mais avant que d'entrer en jeu,
Convient par avant que par feu
Fassions jambe et cuisse rotie,
Separer le grain de l'ortie;
Nous avons dedans ces bas lieux
Cent gentijolis petits Dieux,
Cent gentis petits trousses cottes,
Lesquels nous ont graissé nos bottes,
Qu'il ne faut pas faire griller;
Nous en avons bien un millier
De toute âge et de toute sorte,
Dieux de la Cour, Dieux de la Porte,
Dieux de la Figue et du Cabas,
Les Dieux des Chiens, les Dieux des Chats,
Des Grenoüilles, et des Tortuës,
Les Dieux des Choux et des lettuës,
Des feüilles, des fruits, et des fleurs,
Bref des Dieux de toutes couleurs,
Jusqu'à des petits Dieux de paille,
Qui n'ont pas assez belle taille,
Ny competante dignité,
Pour s'asseoir à nostre costé,
Ny pour manger à nostre Table;
Parquoy, chose bien raisonnable,
C'est de leur trouver Attelier
Armé d'auge et de ratelier,
Pour en seureté de machoire,
Y manger, y dormir, et boire.
Mais las! où trouver seureté
Parmy l'Homme et sa cruauté,
Si ma Divinité supréme,
Si ma Personne, si moy-même,
Avecque mon bras punissant,
Et mon Sceptre resplendissant,
Mon foudre et mon Oyseau de proye,
Avec toute ma petite oye,
Chez Lycaon, diable enragé,
J'ay bien failly d'estre mangé,
Et d'estre mis à l'étuvée?
À ces mots toute l'Assemblée,
Les Dieux fremissans et pantois,
Firent de grands signes de Croix,
Chacun se regardant en face,
Blâmans de Lycaon l'audace,
Disant qu'il dût estre brûlé,
Pendu, noyé, broyé, pillé,
Faisant haut bruit et grand murmure;
D'autant que pour venger l'injure,
Chacun ou de griffe, ou de dent,
Luy vouloit donner un fendant,
Mars l'avaller comme une otarde,
Pallas comme un grain de moutarde,
Cupidon comme un oeuf mollet,
Venus comme un petit poulet,
Vulcanus comme une étincelle,
Phebus comme un bout de chandelle,
Et Cerés comme un grain de blé;
Bref il devoit estre sablé,
Criblé, sallé, mis sur la grille,
Puis mangé comme une morille.
Mais enfin apres long debat,
Juppin pour finir tel Sabat,
Trepignant des pieds dans sa Chaire,
Aux Dieux commanda de se taire;
Auquel commandement plus cois
Que des Dieux de platre ou de bois,
Sans remuer ny pied ny langue,
Demeurerent. Lors sans harangue
Juppiter poursuivit ainsi,
Ne vous en mettez en soucy,
Rengaignez, Trouppes immortelles,
Vos coutelas et vos rondelles;
Il est tondu, dourdé, bardé,
Il est greslé, cuit, et frondé;
Mais apprenez et son offence,
Son châtiment, et ma vengeance.
Cependant que je calculois
Et comptois avec mes doigts
Combien la Mer dedans sa plaine
Roule de petits grains d'arene,
Combien sont de feüilles aux bois,
De feux au Ciel, d'heures aux mois,
D'épics aux champs, de Veaux en Brie,
Et de pommes en Normandie,
Passant ainsi, mes bon Amis,
Le temps dedans un beau Tamis,
J'ignorois les crimes du Monde,
Quand de mon extase profonde
Reveillé par un camoufflet,
D'un Page j'appris tout le fait,
Lequel me conta de leur vie,
De leurs vertus et prud'homie,
Bien plus que vous n'avez oüy;
Mais je luy dis, au diable oüy,
Tu m'en voudrois bien faire à croire;
Il en jura, je luy dis voire;
Mais pour m'en rendre plus certain,
Je resolus un beau matin,
Apres avoir chanté Matine,
Pris deux oeufs, et beu ma chopine,
D'aller un peu voir et sçavoir
Si le Monde estoit blanc ou noir.
Je pris donc cinq doigts dans ma destre,
Autant dedans ma main senestre,
Un pied dedans châque chausson;
Déguisé de cette façon,
Fromage en poche, et gourde pleine,
Je traversay montagne et plaine;
De vous dire en passant Pays
Les injustices que j'y vis,
Combien dans châque Hostellerie
J'avallay de sale voirie,
Combien je beus de ripopé,
Combien de fois je fus tappé,
Vollé, grippé, mis en chemise,
Je ne sçaurois; qu'il vous suffise
De sçavoir qu'un jour cheminant
Mon chemin droit vers l'Orient,
Passant les Monts de l'Arcadie,
Je me rendis, que Dieu maudie,
Chez le cruel Prince du Sang
Lycaon, vilain perce-flanc;
C'estoit l'heure que l'oeil du Monde
Moüillant sa paupiere dans l'onde,
Convioit le las Pelerin
À moüiller aussi dans le vin
Son pain, pour apres sans lumiere
Comme luy fermer la paupiere;
J'entray, disant, Dieu soit ceans,
On répondit, et vous dedans.
Que demandez-vous, nostre Sire?
Ils ne pensoient pas si bien dire.
Adonc je leur manifesté
Un coin de ma Divinité,
Leur montrant par une ouverture
Un petit bout de ma nature.
Lors ils coururent à l'encens,
Et comme fins et de bon sens
M'apporterent belles offrandes,
Beau pain benist, belles guirlandes;
J'en eus presque chargé mon cou;
Mais Lycaon, meschant et fou,
Tenant les mains dans sa pochette,
Chantoit, appellez Robinette,
Et rioit luy seul plus que deux,
De leurs presens et de leurs voeux,
Disant qu'il vouloit faire épreuve
Avec un peu de paste neufve,
Combien une Divinité
Tient de longueur dans un pasté;
Qu'il connoissoit bien à ma mine
Que je serois viande Divine,
Bien que je fusse un peu haslé,
Qu'un Dieu bien cuit et bien sallé
Estoit mets tout à fait celeste;
Qu'il estoit serviteur au reste
Bien humble de ma Deité;
Et que s'il en avoit douté,
Deux bonnes heures d'étuvée
Rendroient ma nature éprouvée.
Que fit-il plus? ce reprouvé,
Ce Bastard, cet Enfant trouvé,
Ce Perfide, ce Deicide,
Digne de la masse d'Alcide,
Le plus effroyable repas
Dont il soit memoire là bas,
Depuis que de bonne memoire
L'Homme là bas porte machoire,
Lors qu'assis entre deux treteaux
Entre les dents et les couteaux,
La chair preste d'estre bauffrée,
Tremblante, me fut apportée,
Soudain les plats je découvris.
Mais ô Dieux! qu'est-ce que j'y vis?
Au lieu de Perdrix ou de Cailles,
Je vis deux ou trois grandes tailles
Des fesses d'un Homme empallé,
Un quartier de Marchand sallé,
Item la ratte et la fressure
D'un pauvre Soldat d'avanture,
Le coeur d'un homme poignardé,
Le tout bien proprement lardé
Du lard de la luisante coine
D'un tres grand, gros, gris, et gras Moine.
Ô Dieux! quelle inhumanité!
Pensant à cette cruauté,
Les crins me dressent en la teste,
Et le sang me fige en la creste,
J'en suis encor tout étonné,
Si j'eusse pû, j'eusse tonné,
Mais je n'avois point mon tonnerre
Pour mettre ce logis par terre,
Faute dequoy pris un tison;
Mais pour n'estre brûle-maison
Appellé, ny brûle-ménage,
Je tins au tison ce langage.
Tison de bien, tison d'honneur,
Va-t'en, au nom de ton Seigneur,
Mettre le feu de place en place,
Sans épargner pou ny paillace.
Au mesme instant le Tison part,
Et ferit tout de part en part;
Soudain les flâmes allumées,
Contre ce logis animées,
Font jusques aux grillons griller,
Les Rats sont contraints de driller,
Tous les Valets gagnent la porte;
Lycaon, que la rage emporte,
Prend des premiers la clef des champs,
Où par de funestes accens
Voulant plaindre son avanture,
N'ayant que d'un Loup la figure,
Ne sçait plus rien articuler;
Il heurle, et ne sçait plus parler;
Son coeur qui se plût au carnage,
Conservant sa premiere rage,
Affila ses cruelles dents,
Pour sur des trouppeaux innocens
Continuer la boucherie
Qu'il exerçoit dans sa furie
Dessus ses hostes malheureux;
Ses bras qui ce croy-je estoient deux,
Soudain en jambes se changerent,
Et ses vestemens se muerent
En rude et vilaine toison
De la couleur du poil grison
Qui couvroit son defunt visage;
Bref dedans sa hure sauvage,
Comme dans le feu de ses yeux,
Paroissent encor furieux;
Les traits de son Ame colere,
Qui violente et sanguinaire,
Exerce le mesme mestier
Dans un corps de Loup carnacier.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LE DELUGE.FABLE VII
LE DELUGE.
FABLE VII
Hé bien fille de ma cervelle,
Ne l'ay-je pas échappé belle?
N'en dois-je pas chandelle à Dieu?
Et toy Mars, mon grand porte épieu,
Que dis-tu de telle avanture?
Quand s'y repense, je te jure,
Que le coeur me fit tic et tac,
Et la fressure flic et flac.
Ventre sainct Gri quelle sottise
À gens qui portent barbe grise,
De s'intriguer à des Filoux?
Mais ce n'est pas tout que des choux;
Pour avoir mis Loup en tanniere,
Et brûlé sa gentilhomiere;
Il n'en faut pas demeurer là,
Pas n'est temps de dire hola,
Ils m'ont trop lanterné la gance
Des boutons de ma grosse pance,
Pour m'arrester en si beau train;
J'ay trop de poignards dans le sein
Pour laisser la terre impunie,
Car qui bien ayme, bien chastie.
Depuis que ces chiens de mortels
Ont dit zeste de nos Autels,
Au diable celuy de leur trouppe
Qui dans godet ou dedans couppe,
Cidre ou vin nous ait presenté,
Ny beu mesme à nostre santé,
Ou nous ait fait don d'une Pie;
Ma foy nous aurions la pepie,
Et pourrions la langue tirer
D'un pied avant, que d'attirer,
Pour rincer nostre pauvre bouche,
Le sacrifice d'une mouche;
J'en suis encor tout alteré:
Mais foy de prince coleré,
Je vengeray l'interest nostre,
Car qui toque l'un, toque l'autre.
Mes amis, c'est perdre le temps
De leur donner les innocens,
Ny leur chatoüiller l'epiderme;
Il en faut brûler jusqu'au germe,
Pour apres avecque Mahon
Les fourrer in Cafarnaon.
Si vous sçaviez le beau ravage
Qu'ils ont fait en nostre ménage,
Vous en pisseriez dessous vous;
Ils nous traittent comme des fous.
L'un m'appelle Martin coquasse,
L'autre Capitaine Fracasse,
Qui nomme Phoebus un falot,
Mon Fils Bacchus un guigne au pot,
Venus une franche Bagace,
Son petit Fils un liche Casse,
Mon Mercure un traisne Licou,
Mome un Badin, Mars un Filou;
Il n'est plus aucune statuë
Où n'ayons épaule abbatuë;
Ou pour le moins le nez cassé;
Par ma foy tout est fricassé;
Mon Aygle a la jambe rompuë,
Je ne voy ny Temple ny Ruë
Où ne soyons mal accoustrez;
Nous sommes presque tous chastrez,
Sans yeux, sans bouche, et sans oreille
Pour moy je me trouve à la veille
De dire au Monde, ayez pitié
D'un pauvre diable estropié;
Depuis que cet Andropophage
A quitté les chausses de Page,
Maudit soit qui le puis tenir.
Mais voicy dequoy le punir.
Sus Compagnons, aux Armes viste,
Mon Tonnerre, ma Lechefrite,
Ma Tempeste, mon Tourbillon,
Mon Gresillon, mon Tortillon,
Mon Quevillon, ma Fourchefiere,
Ma Rapiere, et ma Bandoliere.
À quoy Momus, gentil Bouffon.
Répondit para pata pon,
Non pas pour accroistre son ire,
Car aucun d'eux n'eust à vray dire
Voulu, pour cent Maravedis,
Voir tant de gens abasourdis.
Ils demandent, passé l'orage,
Frit que sera l'Humain lignage,
Qui dans leurs Temples leur dira
Carimari, Carimara;
Qui gardera dans leurs Chappelles
Des Souris, leurs bouts de Chandelles;
Apollon, qui l'encensera,
Lors qu'en Delphe on luy flutera
La Chanson du Curé de Mole;
Qui recurera son idole,
Et son tripié tripolira;
Venus qui la cantiquera
D'un bel attendez-moy sous l'orme;
Diane doucement s'informe
Que deviendront eaux et forests;
Amour, les pays du marests;
Bacchus, que deviendra la grappe;
La cuve, la cave et la trappe;
Mars, ses pipes et son tabac;
Bref tous patatin patatac,
Font un si furieux vacarme,
Qu'enfin quoy que testu gendarme
Jupin, pour les tirer d'Ahan,
Leur dit, en secoüant son gan,
Qu'il ne faut sinon dire souffle,
Qu'autre monde il a dans sa mouffle,
Qui ne tient à fer ny à clou,
Qui n'aura ny puce ny pou,
Pied qui cloche, ny dent qui loche,
Dont les Habitans, sans reproche,
Seront plus blonds que des bassins,
Plus doux que des petits poussins,
De bon garbe et de bonne morgue,
Sçavans Docteurs, grands souffleurs d'orgue,
Tres-beaux et bons carrillonneurs,
Bons Chantres et bons entonneurs,
Qui diront bien mieux que les autres
Leurs gaudez et leurs patinostres,
Feront bien mieux le pied de veau,
Osteront bien mieux leur chappeau,
Moucheront bien mieux leurs chandelles,
Et payront bien mieux leurs gabelles.
À quoy les Dieux d'engin subtil
Répondirent, ainsi soit-il.
Déja cent bouches effroyables,
De cent foudres chargez de diables,
Portans en trousse un Lougarrou,
Alloient faire bredibredou;
Et déja le souffle tempeste
Le grand Juppin, éclair en teste,
Vent, orage et gresle à son cou,
Estoit prest à faire le fou,
Quand se remettant en memoire
Le songe qu'il fit apres boire,
Que Vulcan luy brûloit le nez,
Il ploya ses bras déployez
Dessus l'iniquité du Monde,
Craignant, par saincte Radegonde,
Qu'ayant embrasé son bucher,
Et mis le feu dans son plancher,
Le feu ne prit à sa solive,
Ayant leu dedans Titelive,
Premier chappitre du Destin,
Que le feu par un beau matin
Ne se feroit qu'une curée
De toute sa Maison dorée.
Pour ce respect, comme j'ay dit,
Il posa son foudre susdit,
Mit le pied dessus sa flameche,
Esteignit et souffla sa meche,
D'un autre moyen s'aduisant,
Moins dangereux, et plus plaisant,
Qui fut d'ouvrir toutes les bondes
Du Ciel, de la Terre, et des ondes,
Pour laver ce Monde malin,
Et baptiser un peu son vin,
Luy rincer un peu la gencive,
Mettre son linge à la lessive,
Et forcer sa civilité
De boire un coup à sa santé.
Dés l'instant son chappeau de pluye
Prit le beau Sire, et puis fit vie
Dans les plus froides regions
Y renfermer les Aquilons,
Laïssant libre la caracolle
À noble Seigneur Quillemolle,
L'humide vent, moüille chappeau;
Lequel sans dire garre l'eau,
Ne pouvant garder son urine,
Moüille maint dos et maint échine.
Ce vent sur ses aisles porté
En l'air fut aussi-tost monté,
Affublé d'une noire nuë,
Qui du beau jour ostant la veuë,
Doucement faisoit faire flux
Aux jaunes rayons de Phoebus;
De sa barbe d'eau toute plaine
Sortoit perrenelle fontaine,
Et de ses emplumez tuyaux
Liquides humeurs à pleins sceaux.
Lors qu'il eût assemblé les Nuës,
Tant les grosses que les menuës,
Et courant happé les broüillars
Qui parmy l'air estoient épars,
Il les pressa de telle sorte
Dedans sa main puissante et forte,
Qu'il fit grand tonnerre en sortir,
L'eclair et l'éclat en partir,
Puis couler en maintes manieres
Grands fleuves et grosses rivieres;
Pour lesquelles entretenir,
Celle qui charge a de fournir
D'eau toute la Maison Celeste,
Iris, prenant sa riche veste,
Laquelle est ainsi que je croy
À peu pres des couleurs du Roy,
Courut dans les celestes Plaines
Lâcher écluses et fontaines,
Et tourner tous les robinets
D'Aquarius et de Pisces;
Il n'est pas fils de bonne Mere,
Qui pour ayder à cette affaire,
Ne preste son vin ou son eau;
Bacchus defonce son tonneau,
Et du seul flux de sa vessie
Innonde toutes la Russie;
Silene le vieux Biberon
Qui bronchant jamais (ce dit-on)
Ne fit tort au jus de la Treille,
À ce coup casse sa Bouteille;
Et du bout de son sac à vin,
Abreuvant les Peuples du Rhin,
Noye toute la Germanie;
Juppiter, toute l'Arcadie;
Cupidon, tous les Pays-Bas;
Fille de bon Pere n'est pas
Qui ne soit de la pisserie;
Ny Dieu qui dans sa furie,
Pour châtier le genre Humain,
Ne prenne la verge à la main;
Tout saute, jusques à la souppe,
Jusques au nectar de la couppe;
Tout s'épand, jusqu'à l'hypocras,
Jusques à la sauce des plats,
Jusques à l'eau de fleur d'orange,
Les Amours toute leur eau d'ange
Versent, et le sieur Apollon
Toute l'eau de son Helicon;
Vulcan, toute l'eau de sa forge;
Et Saturne dedans sa gorge,
N'ayant plus de flegme à pousser,
Renverse son pot à pisser.
Dieu sçait quel étrange lavage,
Chacun s'étonne de l'orage;
Le flux est si continuel,
Qu'on craint qu'il ne soit eternel;
Déja la campagne se noye,
On ne voit plus chemin ny voye,
Ny pas, ny route, ny sentier;
On peut bien dire adieu panier,
Et chanter vendanges sont faites,
Adieu chansons, adieu goguettes,
Adieu les navets et les choux,
Le Jardinier a du dessous,
Le Laboureur en a dans l'aisle,
Et justement le Ciel querelle
De voir que perdant sa moisson
Il perd l'habit et la façon.
Mais Juppin qui voit ce ravage,
Et se plaist en ce beau ménage,
Non content de pester en l'air
Comme un beau diable de Vauver,
Va prier Neptune son frere,
Qui lors d'un tronçon de Galere
Faisoit un tres-friant repas,
De luy prester un peu son bras,
Avec un petit de son onde,
Pour laver les crimes du Monde.
À sa Requeste compliment
Ne fit le Dieu porte-trident;
Ains sans perdre temps davantage
Convoqua, par un prompt message,
Les grands Fleuves et les petits,
Qui ne sont pas des apprentifs,
Comme chacun sçait, à mal faire;
Témoin la Durance, Lysere,
Et le Fleuve des Gobelins,
Petites gens, mais bien malins,
Ausquels sans beaucoup de langage,
D'autant que le bleu personnage
Avoit appris que des discours
Les meilleurs, estoient les plus cours;
Il dit seulement faites rage,
Dire n'en fallut davantage.
Soudain pour gagner les dehors,
Les voila tous dessus les bords,
Gros des eaux de toutes leurs sources,
Qui hastans leurs rapides courses,
En un instant s'en vont combler
Les creux abysmes de la Mer.
Si bien que pressé dans sa couche
Ce Dieu de l'Element farouche,
Voyant le bois de son chalit
Pour tant de monde trop petit,
Contraint fut se jetter à Terre
Dessus un matelas de pierre;
Et frappant de son curedent,
Lequel il nomme son trident,
De rompre digues et bordages,
Et renverser sous les rivages
Qui remparent les animaux
Contre la malice des eaux.
Lors la Terre sans esperance
De pouvoir faire resistance
À des Tyrans si débordez,
Et de raison si peu guidez,
Pour ne voir détruire sa race,
D'eau se couvrit toute la face,
Laissant courir dessus ses flancs
Ces fiers et furieux torrens,
Qui dans leurs cours épouventables
Entraisnent tout, et Dieux et Diables,
Bestes et gens, trippes, fagots,
Marmites, plats, pintes, et pots;
Il n'est mur ny cloison si forte,
Que le flot n'attaque et n'emporte,
Temple qui ne soit abbatu,
Palais qui n'en ait dans le cu;
Si quelque maison mieux fondée
Jusqu'au fondement n'est sondée,
Et n'a pas encore bandé,
L'Hoste n'en est pas moins frondé,
Ny pas moins sa femme et ses filles
N'y lavent leurs pauvres guenilles;
Car le plus huppé bastiment
Dans l'eau qui croit incessamment,
Montrant à peine un peu la teste,
En a tantost jusques au feste,
Adonc Jean qui noyer se voit
En son grenier, monte en son toit,
Pierre au clocher de son Village,
Où voyant encor son naufrage,
Tâche éperdu, prenant son croq,
D'en gagner la pointe ou le coq;
Mais l'eau qui marche comme un Basque,
L'ayant attrapé par la basque,
S'il ne sçait sa notte chanter,
Luy monstre viste à déconter;
Cettuy-cy dessus une roche
Ayant de pain doublé sa poche,
Regarde croistre le danger,
Où n'ayant plus rien à manger,
Attend que dans son territoire
Dame Thetis luy porte à boire,
Chacun sur ce qu'il peut trouver
Essaye en vain de se sauver,
Le Vilain dessus sa cassette,
Le Coquet dessus sa coquette,
Le Coquin dessus son bissac,
Le Chicaneur dessus son sac,
Le Cordonnier dessus son liege,
Le President dessus son siege,
Le Barbier dessus son damier,
Le Palot dessus son fumier,
Le Saccavin dessus sa pance,
Et Jean Robin dessus sa lance;
Cettuy-cy dedans un battean
Vogue sur son petit Chasteau,
Cet autre sur son heritage,
À qui ny l'Art du Navigage,
Ny la science du Forçat,
Ne sert non plus dans cet estat,
Que de Themis le haut plumage;
Les Oyseaux mesme font naufrage,
Ne sçachans plus où se percher;
Et le confus et las Nocher
Cherchant en vain par vent et voiles
Un autre port que les étoiles,
Est contraint comme les Oyseaux
De donner du bec dans les eaux.
Lors tout est mis à l'étallage,
Tout trotte, tout flotte, et tout nage,
Cage, berceau, botte, patin,
Siffre, tambour, Pierre, Catin,
Lutrain, bourdon, sceptre, bequille,
Chausse, pourpoint, cotte, roupille,
Edicts, contracts, lettres, tarots,
Briguans, Voleurs, Archers, Prevosts;
La chair qui faisoit tant la nique
Au poisson, par poisson inique
Enfin est contrainte à ce jour
D'endurer la nique à son tour;
Comtes, Barons, Princes, Monarques,
Boivent à la santé des Parques;
Taupes, Fourmis, Mouches, Taons,
Tygres maudits, Serpens, Griffons,
Boeufs, Boucs, Brebis, Chevres, et Vaches,
Traistres, Filoux, Larrons, Gavaches,
Ne sçauroient s'exempter des eaux,
Pas seulement les Maquereaux.
Qui pourroit conter le dommage
Que fit ce celeste ravage,
Combien perirent de mortels,
Combien de Dieux sur leur Autels
Noyez, faute de callebaces,
Combien se perdit de besaces,
De casaquins et de chappeaux,
Combien la Mort usa de faux,
Et de ciseaux la laide Parque,
Combien Caron dedans sa barque,
Qui plus est tygre qu'un Sergent,
Receut de bel argent content,
Sçauroit bien plus qu'Arithmetique,
Dont pas beaucoup je ne me pique;
Suffit de vous faire sçavoir
Qu'en un Pays qu'il fait beau voir,
Entre la Beoce et l'Attique,
S'éleve droit comme une pique
Un tres-beau Mont fait en Ygrec,
Dit Parnassus au double bec,
Rocher alors le seul au Monde,
Qui faisant nique au Dieu de l'Onde,
Malgré son trident et son eau,
N'avoit point moüillé son chappeau;
Deucalion dans une barque,
En dépit de la fiere Parque,
Avec sa femme à son costé,
Plus son fromage et son pasté,
Estoient les seuls de ce naufrage,
Tant femme, pasté, que fromage,
Qui n'avoient pour maintes raisons
Servy de pasture aux poissons,
Et si sauvez ils n'estoient mie;
Car bien que sa tant douce Amie
Les cornes luy eusse montré
Dudit beau mont cornusacré,
Si n'estoit encor à vray dire
Temps de chanter, ny temps de rire;
Mais si bien fut par Jupiter
Temps de rire, et temps de chanter,
Alors que donnant de la pouppe
Dans cette sacré cornucroupe,
Il eut attaché son batteau
Audit sacré cornucoupeau;
C'estoient les meilleures personnes,
Les plus douces, les plus consonnes,
Et les plus honorans les Dieux,
Qui furent jamais sous les Cieux;
Pirra sa chaste et chere femme,
Estoit la plus honneste Dame
Qui porta jamais calleçon;
Et son mary Deucalion,
Qui voyage avoit fait à Rome,
Estoit le meilleur petit homme
Qui jamais y porta bourdon;
Elle estoit plus souple qu'un jon,
Plus humble qu'une Tourterelle;
Jamais pour beurre ny chandelle
Elle n'avoit eu question;
Et son mary Deucalion,
Qui toûjours l'appelloit sa mie,
Jamais aucun jour de sa vie
Ne luy dit pire que son nom;
Onc, secrette inclination,
Feu n'alluma dans son visage,
Ny ne la mit en son ménage
En peril de contusion;
Et son mary Deucalion,
Digne Chrestien, bon Romivage,
Onc ne courut en garroüage
Peril de cironcision.
Jupiter, qui de son Donjon
Vit ses innocentes Colombes
Plus paisibles que des Palumbes,
Ses gens si bons et si pieux,
Jugea ne pouvoir faire mieux,
Que du drap de si bon usage
En r'habiller l'humain lignage;
Mais d'autant qu'il falloit secher
Paravant son moite plancher,
Tant pour déroüiller son tonnerre,
Que pour se guarir d'un caterre,
Qui fâchoit fort en verité
Sa dive pectoralité,
Soudain il hucha sa servante,
Bonne fille et fort diligente,
La Bize, avec l'Aquilon gay,
Qui dans quatre coups de balay
Nettoyerent toutes les ruës
Du Ciel; et dissipant les nuës,
Rendirent à l'air épuré
L'éclat de son front azuré.
Alors Thetis découroucée
Déplissa sa robbe plissée,
Et le prince du flot grondant
Posa de mesme son trident,
Commandant son joly Trompette
Tritton, de sonner la retraitte;
Ce Courrier, qui communément
Porte un rabat comme un Flamant,
Du plus beau bleu que la Nature
Puisse fournir à la peinture,
Obeïssant, il prit son cor,
Son joly cor, toûjours d'accor,
Lequel s'entend du bout du Monde,
Qui comme un Serpent fait en onde,
Va toûjours en retretissant.
À peine d'un son glapissant
Eut-il sonné farlarirette,
Qui veut dire en langue Trompette,
Nobles Seigneurs retirez-vous,
Que les flots filerent tous doux.
Dame Thetis troussa ses quilles,
Laissant son sable et ses coquilles;
Les Rivieres dedans leurs bords
Renfermerent leurs moites corps;
Les Rochers montrerent leurs festes,
Et les Pins leurs boüeuses testes.
Alors mettant son pul à l'air
La pauvre Terre, à découvert
Fit voir sa carcasse moüillée,
Et sa robbe dépenaillée,
À ses pauvres gens tous moüillez,
Et comme elle dépenaillez,
Qui ne trouvans ny gens ny beste,
Ny lit dressé, ny souppe preste,
Dans cette caverne d'esprits,
Où Phebus et ses neuf Souris,
Qu'il appelle ses neuf Pucelles,
À faute de bouts de chandelles,
Sont contraints plus de quatre fois
De ronger les bouts de leurs doigts;
Couru qu'ils eurent le Parnasse,
Depuis Virgille jusqu'au Tasse,
Enfin trouverent en ce lieu
Themis, qui pour l'honneur de Dieu
Lors disoit la bonne avanture,
Fort bonne Dame je vous jure,
Mais qui pourtant depuis les Roys
Ne daigne parler sans la Croix;
À laquelle en cette maniere
Ils adresserent leur priere.
Gens qui n'ont pas un cardescu,
Crottez et moüillez jusqu'au cu,
Piteuses reliques de l'Onde,
Aujourd'hui seuls Maistres du Monde,
Mais pourtant Maistres sans valets,
Sans chemises et sans collets,
Sans pot, chaudiere, ny coquasse,
Prosternez devant votre face,
Vous supplient, Dame Themis,
De faire tourner le Tamis,
Pour nous dire à tout avanture,
Par raison, ou par conjecture,
Ce que ces gens tant pluvieux
Veulent de nous; car si les Dieux
Cuident sur la carcasse nostre
Se remplumer, Jean c'est la vostre,
S'ils n'ont d'autre corde à leur arc,
Ils peuvent dire adieu mon parc,
Ils n'en verront jamais les bestes,
Il a trop negé sur nos testes,
Nous avons trop vuidé les pots,
Et trop fait la beste à deux dos,
Pour vaquer à si bel ouvrage.
Répondez donc, Dame tres-sage,
Sans nous dire ny mais, ny car;
Nous vous en conjurons, tant par
Le mortier qui vous sert de casque,
Que l'outil qui vous sert de masque,
Dont joüant à Colinmaillard,
Vous prenez Marte pour Renard;
Par les pieds de vos Escrevisses,
Par les cornets de vos épices,
Par la corne de vos cornets,
Et la corne de vos bonnets.
À quoy la Deesse emplumée,
Leur dit d'une voix enrumée,
Allez enfans, claquez vos culs
À l'air, disant trois fois bocus,
Puis soudain jettez en arriere
Les os de vostre grande Mere;
Dont Pirra qui les choux cabus
Entendoit mieux que les rebus,
Se mit profondement à rire,
Ne pouvant croire qu'un tel dire
La Deesse eut prononcé,
Sans avoir le coude haussé,
Plus que ne veut la bien-seance
D'une Dame portant balance.
Mais le sage Deucalion
Qui Jesuiste avoit, ce dit-on,
Esté quatorze ans à la Fleche,
À l'instant découvrit la mesche,
Et ledit rebus déchifra,
Disant à sa femme Pirra,
Que cette Mere estoit la Terre,
Et les os en estoient la pierre;
Ce qu'entendu, sans plus tarder,
Sortirent, et sans marchander,
Au milieu d'une grande Plaine,
Qui de pierre estoit toute pleine,
Les susdits et pretendus os
Fronderent par dessus leur dos.
Ces cailloux, qui le pourroit croire,
Sans ce qu'en dit Maistre Gregoire
Dans son ample Traitté des cloux,
Des cors des pieds, et des cailloux,
À peine eurent-ils touché Terre,
Que changez ils furent de pierre
En beaux Enfans, non pas tous nus,
Mais tous chaussez et tous vestus,
Tous aussi drus que Pere et Mere,
Et comme eux tout prests à tout faire,
À plumer, à cuire, à trancher,
À larder, à chair embrocher,
Tous garnis comme eux de machoires,
De ceintures, et d'écritoires,
D'heures, de psaultiers, de pardons,
De coquilles, et de bourdons;
Oncques personnes plus gentilles,
Autant les Fils comme les Filles,
De Rocaille ne furent nez,
C'estoient leurs parens tout crachez,
Desquels cette Mere deserte,
Par ses propres os recouverte,
À depuis conservé chez nous.
Cet illustre sang de cailloux,
Gens belliqueux, et d'oeil farouche,
Qui font feu si tost qu'on les touche,
Et serviroient à fier outil
Au besoin de pierre à fusil;
Témoin nos Seigneurs sans reproche,
La Pierre, la Roque, et la Roche,
Les Rochefors, les Desrochers,
Qui vont dérochans les Rochers,
Les Roquerouges, Roquebrunes,
Les Iroquois, les Croqueprunes;
Bref tous les gens de ric et roc,
Excepté Monseigneur sainct Roc,
Et defunt Monseigneur sainct Pierre,
Le Sieur Dampierre et Bassompierre,
Et l'honneste Roy de Maroc,
En ont tiré leur dur estoc.
FABLE VII
Hé bien fille de ma cervelle,
Ne l'ay-je pas échappé belle?
N'en dois-je pas chandelle à Dieu?
Et toy Mars, mon grand porte épieu,
Que dis-tu de telle avanture?
Quand s'y repense, je te jure,
Que le coeur me fit tic et tac,
Et la fressure flic et flac.
Ventre sainct Gri quelle sottise
À gens qui portent barbe grise,
De s'intriguer à des Filoux?
Mais ce n'est pas tout que des choux;
Pour avoir mis Loup en tanniere,
Et brûlé sa gentilhomiere;
Il n'en faut pas demeurer là,
Pas n'est temps de dire hola,
Ils m'ont trop lanterné la gance
Des boutons de ma grosse pance,
Pour m'arrester en si beau train;
J'ay trop de poignards dans le sein
Pour laisser la terre impunie,
Car qui bien ayme, bien chastie.
Depuis que ces chiens de mortels
Ont dit zeste de nos Autels,
Au diable celuy de leur trouppe
Qui dans godet ou dedans couppe,
Cidre ou vin nous ait presenté,
Ny beu mesme à nostre santé,
Ou nous ait fait don d'une Pie;
Ma foy nous aurions la pepie,
Et pourrions la langue tirer
D'un pied avant, que d'attirer,
Pour rincer nostre pauvre bouche,
Le sacrifice d'une mouche;
J'en suis encor tout alteré:
Mais foy de prince coleré,
Je vengeray l'interest nostre,
Car qui toque l'un, toque l'autre.
Mes amis, c'est perdre le temps
De leur donner les innocens,
Ny leur chatoüiller l'epiderme;
Il en faut brûler jusqu'au germe,
Pour apres avecque Mahon
Les fourrer in Cafarnaon.
Si vous sçaviez le beau ravage
Qu'ils ont fait en nostre ménage,
Vous en pisseriez dessous vous;
Ils nous traittent comme des fous.
L'un m'appelle Martin coquasse,
L'autre Capitaine Fracasse,
Qui nomme Phoebus un falot,
Mon Fils Bacchus un guigne au pot,
Venus une franche Bagace,
Son petit Fils un liche Casse,
Mon Mercure un traisne Licou,
Mome un Badin, Mars un Filou;
Il n'est plus aucune statuë
Où n'ayons épaule abbatuë;
Ou pour le moins le nez cassé;
Par ma foy tout est fricassé;
Mon Aygle a la jambe rompuë,
Je ne voy ny Temple ny Ruë
Où ne soyons mal accoustrez;
Nous sommes presque tous chastrez,
Sans yeux, sans bouche, et sans oreille
Pour moy je me trouve à la veille
De dire au Monde, ayez pitié
D'un pauvre diable estropié;
Depuis que cet Andropophage
A quitté les chausses de Page,
Maudit soit qui le puis tenir.
Mais voicy dequoy le punir.
Sus Compagnons, aux Armes viste,
Mon Tonnerre, ma Lechefrite,
Ma Tempeste, mon Tourbillon,
Mon Gresillon, mon Tortillon,
Mon Quevillon, ma Fourchefiere,
Ma Rapiere, et ma Bandoliere.
À quoy Momus, gentil Bouffon.
Répondit para pata pon,
Non pas pour accroistre son ire,
Car aucun d'eux n'eust à vray dire
Voulu, pour cent Maravedis,
Voir tant de gens abasourdis.
Ils demandent, passé l'orage,
Frit que sera l'Humain lignage,
Qui dans leurs Temples leur dira
Carimari, Carimara;
Qui gardera dans leurs Chappelles
Des Souris, leurs bouts de Chandelles;
Apollon, qui l'encensera,
Lors qu'en Delphe on luy flutera
La Chanson du Curé de Mole;
Qui recurera son idole,
Et son tripié tripolira;
Venus qui la cantiquera
D'un bel attendez-moy sous l'orme;
Diane doucement s'informe
Que deviendront eaux et forests;
Amour, les pays du marests;
Bacchus, que deviendra la grappe;
La cuve, la cave et la trappe;
Mars, ses pipes et son tabac;
Bref tous patatin patatac,
Font un si furieux vacarme,
Qu'enfin quoy que testu gendarme
Jupin, pour les tirer d'Ahan,
Leur dit, en secoüant son gan,
Qu'il ne faut sinon dire souffle,
Qu'autre monde il a dans sa mouffle,
Qui ne tient à fer ny à clou,
Qui n'aura ny puce ny pou,
Pied qui cloche, ny dent qui loche,
Dont les Habitans, sans reproche,
Seront plus blonds que des bassins,
Plus doux que des petits poussins,
De bon garbe et de bonne morgue,
Sçavans Docteurs, grands souffleurs d'orgue,
Tres-beaux et bons carrillonneurs,
Bons Chantres et bons entonneurs,
Qui diront bien mieux que les autres
Leurs gaudez et leurs patinostres,
Feront bien mieux le pied de veau,
Osteront bien mieux leur chappeau,
Moucheront bien mieux leurs chandelles,
Et payront bien mieux leurs gabelles.
À quoy les Dieux d'engin subtil
Répondirent, ainsi soit-il.
Déja cent bouches effroyables,
De cent foudres chargez de diables,
Portans en trousse un Lougarrou,
Alloient faire bredibredou;
Et déja le souffle tempeste
Le grand Juppin, éclair en teste,
Vent, orage et gresle à son cou,
Estoit prest à faire le fou,
Quand se remettant en memoire
Le songe qu'il fit apres boire,
Que Vulcan luy brûloit le nez,
Il ploya ses bras déployez
Dessus l'iniquité du Monde,
Craignant, par saincte Radegonde,
Qu'ayant embrasé son bucher,
Et mis le feu dans son plancher,
Le feu ne prit à sa solive,
Ayant leu dedans Titelive,
Premier chappitre du Destin,
Que le feu par un beau matin
Ne se feroit qu'une curée
De toute sa Maison dorée.
Pour ce respect, comme j'ay dit,
Il posa son foudre susdit,
Mit le pied dessus sa flameche,
Esteignit et souffla sa meche,
D'un autre moyen s'aduisant,
Moins dangereux, et plus plaisant,
Qui fut d'ouvrir toutes les bondes
Du Ciel, de la Terre, et des ondes,
Pour laver ce Monde malin,
Et baptiser un peu son vin,
Luy rincer un peu la gencive,
Mettre son linge à la lessive,
Et forcer sa civilité
De boire un coup à sa santé.
Dés l'instant son chappeau de pluye
Prit le beau Sire, et puis fit vie
Dans les plus froides regions
Y renfermer les Aquilons,
Laïssant libre la caracolle
À noble Seigneur Quillemolle,
L'humide vent, moüille chappeau;
Lequel sans dire garre l'eau,
Ne pouvant garder son urine,
Moüille maint dos et maint échine.
Ce vent sur ses aisles porté
En l'air fut aussi-tost monté,
Affublé d'une noire nuë,
Qui du beau jour ostant la veuë,
Doucement faisoit faire flux
Aux jaunes rayons de Phoebus;
De sa barbe d'eau toute plaine
Sortoit perrenelle fontaine,
Et de ses emplumez tuyaux
Liquides humeurs à pleins sceaux.
Lors qu'il eût assemblé les Nuës,
Tant les grosses que les menuës,
Et courant happé les broüillars
Qui parmy l'air estoient épars,
Il les pressa de telle sorte
Dedans sa main puissante et forte,
Qu'il fit grand tonnerre en sortir,
L'eclair et l'éclat en partir,
Puis couler en maintes manieres
Grands fleuves et grosses rivieres;
Pour lesquelles entretenir,
Celle qui charge a de fournir
D'eau toute la Maison Celeste,
Iris, prenant sa riche veste,
Laquelle est ainsi que je croy
À peu pres des couleurs du Roy,
Courut dans les celestes Plaines
Lâcher écluses et fontaines,
Et tourner tous les robinets
D'Aquarius et de Pisces;
Il n'est pas fils de bonne Mere,
Qui pour ayder à cette affaire,
Ne preste son vin ou son eau;
Bacchus defonce son tonneau,
Et du seul flux de sa vessie
Innonde toutes la Russie;
Silene le vieux Biberon
Qui bronchant jamais (ce dit-on)
Ne fit tort au jus de la Treille,
À ce coup casse sa Bouteille;
Et du bout de son sac à vin,
Abreuvant les Peuples du Rhin,
Noye toute la Germanie;
Juppiter, toute l'Arcadie;
Cupidon, tous les Pays-Bas;
Fille de bon Pere n'est pas
Qui ne soit de la pisserie;
Ny Dieu qui dans sa furie,
Pour châtier le genre Humain,
Ne prenne la verge à la main;
Tout saute, jusques à la souppe,
Jusques au nectar de la couppe;
Tout s'épand, jusqu'à l'hypocras,
Jusques à la sauce des plats,
Jusques à l'eau de fleur d'orange,
Les Amours toute leur eau d'ange
Versent, et le sieur Apollon
Toute l'eau de son Helicon;
Vulcan, toute l'eau de sa forge;
Et Saturne dedans sa gorge,
N'ayant plus de flegme à pousser,
Renverse son pot à pisser.
Dieu sçait quel étrange lavage,
Chacun s'étonne de l'orage;
Le flux est si continuel,
Qu'on craint qu'il ne soit eternel;
Déja la campagne se noye,
On ne voit plus chemin ny voye,
Ny pas, ny route, ny sentier;
On peut bien dire adieu panier,
Et chanter vendanges sont faites,
Adieu chansons, adieu goguettes,
Adieu les navets et les choux,
Le Jardinier a du dessous,
Le Laboureur en a dans l'aisle,
Et justement le Ciel querelle
De voir que perdant sa moisson
Il perd l'habit et la façon.
Mais Juppin qui voit ce ravage,
Et se plaist en ce beau ménage,
Non content de pester en l'air
Comme un beau diable de Vauver,
Va prier Neptune son frere,
Qui lors d'un tronçon de Galere
Faisoit un tres-friant repas,
De luy prester un peu son bras,
Avec un petit de son onde,
Pour laver les crimes du Monde.
À sa Requeste compliment
Ne fit le Dieu porte-trident;
Ains sans perdre temps davantage
Convoqua, par un prompt message,
Les grands Fleuves et les petits,
Qui ne sont pas des apprentifs,
Comme chacun sçait, à mal faire;
Témoin la Durance, Lysere,
Et le Fleuve des Gobelins,
Petites gens, mais bien malins,
Ausquels sans beaucoup de langage,
D'autant que le bleu personnage
Avoit appris que des discours
Les meilleurs, estoient les plus cours;
Il dit seulement faites rage,
Dire n'en fallut davantage.
Soudain pour gagner les dehors,
Les voila tous dessus les bords,
Gros des eaux de toutes leurs sources,
Qui hastans leurs rapides courses,
En un instant s'en vont combler
Les creux abysmes de la Mer.
Si bien que pressé dans sa couche
Ce Dieu de l'Element farouche,
Voyant le bois de son chalit
Pour tant de monde trop petit,
Contraint fut se jetter à Terre
Dessus un matelas de pierre;
Et frappant de son curedent,
Lequel il nomme son trident,
De rompre digues et bordages,
Et renverser sous les rivages
Qui remparent les animaux
Contre la malice des eaux.
Lors la Terre sans esperance
De pouvoir faire resistance
À des Tyrans si débordez,
Et de raison si peu guidez,
Pour ne voir détruire sa race,
D'eau se couvrit toute la face,
Laissant courir dessus ses flancs
Ces fiers et furieux torrens,
Qui dans leurs cours épouventables
Entraisnent tout, et Dieux et Diables,
Bestes et gens, trippes, fagots,
Marmites, plats, pintes, et pots;
Il n'est mur ny cloison si forte,
Que le flot n'attaque et n'emporte,
Temple qui ne soit abbatu,
Palais qui n'en ait dans le cu;
Si quelque maison mieux fondée
Jusqu'au fondement n'est sondée,
Et n'a pas encore bandé,
L'Hoste n'en est pas moins frondé,
Ny pas moins sa femme et ses filles
N'y lavent leurs pauvres guenilles;
Car le plus huppé bastiment
Dans l'eau qui croit incessamment,
Montrant à peine un peu la teste,
En a tantost jusques au feste,
Adonc Jean qui noyer se voit
En son grenier, monte en son toit,
Pierre au clocher de son Village,
Où voyant encor son naufrage,
Tâche éperdu, prenant son croq,
D'en gagner la pointe ou le coq;
Mais l'eau qui marche comme un Basque,
L'ayant attrapé par la basque,
S'il ne sçait sa notte chanter,
Luy monstre viste à déconter;
Cettuy-cy dessus une roche
Ayant de pain doublé sa poche,
Regarde croistre le danger,
Où n'ayant plus rien à manger,
Attend que dans son territoire
Dame Thetis luy porte à boire,
Chacun sur ce qu'il peut trouver
Essaye en vain de se sauver,
Le Vilain dessus sa cassette,
Le Coquet dessus sa coquette,
Le Coquin dessus son bissac,
Le Chicaneur dessus son sac,
Le Cordonnier dessus son liege,
Le President dessus son siege,
Le Barbier dessus son damier,
Le Palot dessus son fumier,
Le Saccavin dessus sa pance,
Et Jean Robin dessus sa lance;
Cettuy-cy dedans un battean
Vogue sur son petit Chasteau,
Cet autre sur son heritage,
À qui ny l'Art du Navigage,
Ny la science du Forçat,
Ne sert non plus dans cet estat,
Que de Themis le haut plumage;
Les Oyseaux mesme font naufrage,
Ne sçachans plus où se percher;
Et le confus et las Nocher
Cherchant en vain par vent et voiles
Un autre port que les étoiles,
Est contraint comme les Oyseaux
De donner du bec dans les eaux.
Lors tout est mis à l'étallage,
Tout trotte, tout flotte, et tout nage,
Cage, berceau, botte, patin,
Siffre, tambour, Pierre, Catin,
Lutrain, bourdon, sceptre, bequille,
Chausse, pourpoint, cotte, roupille,
Edicts, contracts, lettres, tarots,
Briguans, Voleurs, Archers, Prevosts;
La chair qui faisoit tant la nique
Au poisson, par poisson inique
Enfin est contrainte à ce jour
D'endurer la nique à son tour;
Comtes, Barons, Princes, Monarques,
Boivent à la santé des Parques;
Taupes, Fourmis, Mouches, Taons,
Tygres maudits, Serpens, Griffons,
Boeufs, Boucs, Brebis, Chevres, et Vaches,
Traistres, Filoux, Larrons, Gavaches,
Ne sçauroient s'exempter des eaux,
Pas seulement les Maquereaux.
Qui pourroit conter le dommage
Que fit ce celeste ravage,
Combien perirent de mortels,
Combien de Dieux sur leur Autels
Noyez, faute de callebaces,
Combien se perdit de besaces,
De casaquins et de chappeaux,
Combien la Mort usa de faux,
Et de ciseaux la laide Parque,
Combien Caron dedans sa barque,
Qui plus est tygre qu'un Sergent,
Receut de bel argent content,
Sçauroit bien plus qu'Arithmetique,
Dont pas beaucoup je ne me pique;
Suffit de vous faire sçavoir
Qu'en un Pays qu'il fait beau voir,
Entre la Beoce et l'Attique,
S'éleve droit comme une pique
Un tres-beau Mont fait en Ygrec,
Dit Parnassus au double bec,
Rocher alors le seul au Monde,
Qui faisant nique au Dieu de l'Onde,
Malgré son trident et son eau,
N'avoit point moüillé son chappeau;
Deucalion dans une barque,
En dépit de la fiere Parque,
Avec sa femme à son costé,
Plus son fromage et son pasté,
Estoient les seuls de ce naufrage,
Tant femme, pasté, que fromage,
Qui n'avoient pour maintes raisons
Servy de pasture aux poissons,
Et si sauvez ils n'estoient mie;
Car bien que sa tant douce Amie
Les cornes luy eusse montré
Dudit beau mont cornusacré,
Si n'estoit encor à vray dire
Temps de chanter, ny temps de rire;
Mais si bien fut par Jupiter
Temps de rire, et temps de chanter,
Alors que donnant de la pouppe
Dans cette sacré cornucroupe,
Il eut attaché son batteau
Audit sacré cornucoupeau;
C'estoient les meilleures personnes,
Les plus douces, les plus consonnes,
Et les plus honorans les Dieux,
Qui furent jamais sous les Cieux;
Pirra sa chaste et chere femme,
Estoit la plus honneste Dame
Qui porta jamais calleçon;
Et son mary Deucalion,
Qui voyage avoit fait à Rome,
Estoit le meilleur petit homme
Qui jamais y porta bourdon;
Elle estoit plus souple qu'un jon,
Plus humble qu'une Tourterelle;
Jamais pour beurre ny chandelle
Elle n'avoit eu question;
Et son mary Deucalion,
Qui toûjours l'appelloit sa mie,
Jamais aucun jour de sa vie
Ne luy dit pire que son nom;
Onc, secrette inclination,
Feu n'alluma dans son visage,
Ny ne la mit en son ménage
En peril de contusion;
Et son mary Deucalion,
Digne Chrestien, bon Romivage,
Onc ne courut en garroüage
Peril de cironcision.
Jupiter, qui de son Donjon
Vit ses innocentes Colombes
Plus paisibles que des Palumbes,
Ses gens si bons et si pieux,
Jugea ne pouvoir faire mieux,
Que du drap de si bon usage
En r'habiller l'humain lignage;
Mais d'autant qu'il falloit secher
Paravant son moite plancher,
Tant pour déroüiller son tonnerre,
Que pour se guarir d'un caterre,
Qui fâchoit fort en verité
Sa dive pectoralité,
Soudain il hucha sa servante,
Bonne fille et fort diligente,
La Bize, avec l'Aquilon gay,
Qui dans quatre coups de balay
Nettoyerent toutes les ruës
Du Ciel; et dissipant les nuës,
Rendirent à l'air épuré
L'éclat de son front azuré.
Alors Thetis découroucée
Déplissa sa robbe plissée,
Et le prince du flot grondant
Posa de mesme son trident,
Commandant son joly Trompette
Tritton, de sonner la retraitte;
Ce Courrier, qui communément
Porte un rabat comme un Flamant,
Du plus beau bleu que la Nature
Puisse fournir à la peinture,
Obeïssant, il prit son cor,
Son joly cor, toûjours d'accor,
Lequel s'entend du bout du Monde,
Qui comme un Serpent fait en onde,
Va toûjours en retretissant.
À peine d'un son glapissant
Eut-il sonné farlarirette,
Qui veut dire en langue Trompette,
Nobles Seigneurs retirez-vous,
Que les flots filerent tous doux.
Dame Thetis troussa ses quilles,
Laissant son sable et ses coquilles;
Les Rivieres dedans leurs bords
Renfermerent leurs moites corps;
Les Rochers montrerent leurs festes,
Et les Pins leurs boüeuses testes.
Alors mettant son pul à l'air
La pauvre Terre, à découvert
Fit voir sa carcasse moüillée,
Et sa robbe dépenaillée,
À ses pauvres gens tous moüillez,
Et comme elle dépenaillez,
Qui ne trouvans ny gens ny beste,
Ny lit dressé, ny souppe preste,
Dans cette caverne d'esprits,
Où Phebus et ses neuf Souris,
Qu'il appelle ses neuf Pucelles,
À faute de bouts de chandelles,
Sont contraints plus de quatre fois
De ronger les bouts de leurs doigts;
Couru qu'ils eurent le Parnasse,
Depuis Virgille jusqu'au Tasse,
Enfin trouverent en ce lieu
Themis, qui pour l'honneur de Dieu
Lors disoit la bonne avanture,
Fort bonne Dame je vous jure,
Mais qui pourtant depuis les Roys
Ne daigne parler sans la Croix;
À laquelle en cette maniere
Ils adresserent leur priere.
Gens qui n'ont pas un cardescu,
Crottez et moüillez jusqu'au cu,
Piteuses reliques de l'Onde,
Aujourd'hui seuls Maistres du Monde,
Mais pourtant Maistres sans valets,
Sans chemises et sans collets,
Sans pot, chaudiere, ny coquasse,
Prosternez devant votre face,
Vous supplient, Dame Themis,
De faire tourner le Tamis,
Pour nous dire à tout avanture,
Par raison, ou par conjecture,
Ce que ces gens tant pluvieux
Veulent de nous; car si les Dieux
Cuident sur la carcasse nostre
Se remplumer, Jean c'est la vostre,
S'ils n'ont d'autre corde à leur arc,
Ils peuvent dire adieu mon parc,
Ils n'en verront jamais les bestes,
Il a trop negé sur nos testes,
Nous avons trop vuidé les pots,
Et trop fait la beste à deux dos,
Pour vaquer à si bel ouvrage.
Répondez donc, Dame tres-sage,
Sans nous dire ny mais, ny car;
Nous vous en conjurons, tant par
Le mortier qui vous sert de casque,
Que l'outil qui vous sert de masque,
Dont joüant à Colinmaillard,
Vous prenez Marte pour Renard;
Par les pieds de vos Escrevisses,
Par les cornets de vos épices,
Par la corne de vos cornets,
Et la corne de vos bonnets.
À quoy la Deesse emplumée,
Leur dit d'une voix enrumée,
Allez enfans, claquez vos culs
À l'air, disant trois fois bocus,
Puis soudain jettez en arriere
Les os de vostre grande Mere;
Dont Pirra qui les choux cabus
Entendoit mieux que les rebus,
Se mit profondement à rire,
Ne pouvant croire qu'un tel dire
La Deesse eut prononcé,
Sans avoir le coude haussé,
Plus que ne veut la bien-seance
D'une Dame portant balance.
Mais le sage Deucalion
Qui Jesuiste avoit, ce dit-on,
Esté quatorze ans à la Fleche,
À l'instant découvrit la mesche,
Et ledit rebus déchifra,
Disant à sa femme Pirra,
Que cette Mere estoit la Terre,
Et les os en estoient la pierre;
Ce qu'entendu, sans plus tarder,
Sortirent, et sans marchander,
Au milieu d'une grande Plaine,
Qui de pierre estoit toute pleine,
Les susdits et pretendus os
Fronderent par dessus leur dos.
Ces cailloux, qui le pourroit croire,
Sans ce qu'en dit Maistre Gregoire
Dans son ample Traitté des cloux,
Des cors des pieds, et des cailloux,
À peine eurent-ils touché Terre,
Que changez ils furent de pierre
En beaux Enfans, non pas tous nus,
Mais tous chaussez et tous vestus,
Tous aussi drus que Pere et Mere,
Et comme eux tout prests à tout faire,
À plumer, à cuire, à trancher,
À larder, à chair embrocher,
Tous garnis comme eux de machoires,
De ceintures, et d'écritoires,
D'heures, de psaultiers, de pardons,
De coquilles, et de bourdons;
Oncques personnes plus gentilles,
Autant les Fils comme les Filles,
De Rocaille ne furent nez,
C'estoient leurs parens tout crachez,
Desquels cette Mere deserte,
Par ses propres os recouverte,
À depuis conservé chez nous.
Cet illustre sang de cailloux,
Gens belliqueux, et d'oeil farouche,
Qui font feu si tost qu'on les touche,
Et serviroient à fier outil
Au besoin de pierre à fusil;
Témoin nos Seigneurs sans reproche,
La Pierre, la Roque, et la Roche,
Les Rochefors, les Desrochers,
Qui vont dérochans les Rochers,
Les Roquerouges, Roquebrunes,
Les Iroquois, les Croqueprunes;
Bref tous les gens de ric et roc,
Excepté Monseigneur sainct Roc,
Et defunt Monseigneur sainct Pierre,
Le Sieur Dampierre et Bassompierre,
Et l'honneste Roy de Maroc,
En ont tiré leur dur estoc.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LE SERPENT PITHON.
LE SERPENT PITHON.
AINSI parut humaine face
Sur la Terre, qui de sa crasse
Conceut des Chiens et des Chevaux,
Et tous les autres Animaux
Qui peuplent aujourd'huy les Tables,
Les Bois, les Champs, et les Estables;
Plusieurs Monstres elle poussa;
Je ne sçay pas qui l'engrossa
De Pithon, venimeuse engeance,
Serpent, lequel dans sa naissance
Quand la Terre en eût accouché,
Estoit plus grand qu'une Duché;
D'autres disent plus qu'un Royaume;
Mais si croire en faut Maistre Cosme,
Qui jouë fort bien du Serpent,
Il n'estoit long que d'un arpent;
Encore le sieur de Serpille
Dit que ce n'estoit qu'une anguille;
Quoy que c'en soit, à tout hazard,
Anguille, Serpent, ou Lezard,
Dragon, Couleuvre, ou Crocodille,
C'estoit une fausse ,
Qui ne se curoit pas les dens
Avecques des petits Enfans,
Mais avecques des grandes Villes
Qu'il avalloit comme lentilles;
Si bien que si tel garnement
Encor eust vescu seulement
Deux minutes et deux journées,
Avec quatre ou cinq mille années,
Le pauvre Monde estoit détruit;
Mais Phebus, Archer bien instruit,
Entreprit ledit Monstre abattre;
Ce qu'il fit, non pas sans combattre,
Ny sans jetter flâmes et feux;
Pithon, Serpent vaillant et preux,
Faisoit rage de sa personne;
D'autre part le Fils de Latone
Ne s'épargnoit ny prou ny peu;
Si l'un attaquoit comme un Dieu,
L'autre se defendoit en Diable;
C'estoit chose moult effroyable,
De voir les flâmes et les dards
Qui se lançoient de toutes parts,
Les feux et les rouges flâmesches;
Phebus avec toutes ses flesches
Fut en danger plus de trois fois
D'y laisser son noble Carquois,
Et s'en retourner sans rien faire,
Ayant brûlé dans cette affaire
Six onces d'or de ses cheveux,
Receu des soufflets plus de deux,
Et perdu trois dents machelieres;
Jaçoit qu'apres maintes carrieres
Finalement Monsieur Phebus
Luy fit chanter son In manus,
Qui fut un beau chant pour sa gloire,
Duquel pour garder sa memoire
Beaux jeux le Monde institua;
Qui celuy qui Pithon tua,
Selon les oeuvres Poëtiques,
Fit appeller les jeux Pitiques,
Pitiques nommez à Pitho,
Comme dit le Pere Peto,
Où n'estoit receu ny bequille,
Podagre, ny jambe de bille,
Ny gens portans souliers trop longs,
Corps és pieds, ou mule aux talons,
Ny fers piquans; hé pourquoy? pource
Que c'estoient les jeux de la course,
Où qui gagnoit, estoit mené
En triomphe, ou bien entraisné,
Couronné de fueille de Chesne,
Et par fois de fueilles de Fresne;
Car pour écu ny pour denier
N'estoit alors brin de Laurier,
Dont tres-piteuse doleance
Faisoient les Jambons de Mayence,
Et les nobles Poëtes aussy;
Phebus seul n'estoit en soucy,
Quoy ceignit sa tresse dorée
Rave, persil, ou chicorée;
En ce Temps il trouvoit tout bon;
Faute d'un Chapeau de chardon,
D'ortie, ou de fueille susdite,
Coiffé se fut d'une marmitte,
Car lors il n'avoit, ce dit-on,
Senty le feu de Cupidon
AINSI parut humaine face
Sur la Terre, qui de sa crasse
Conceut des Chiens et des Chevaux,
Et tous les autres Animaux
Qui peuplent aujourd'huy les Tables,
Les Bois, les Champs, et les Estables;
Plusieurs Monstres elle poussa;
Je ne sçay pas qui l'engrossa
De Pithon, venimeuse engeance,
Serpent, lequel dans sa naissance
Quand la Terre en eût accouché,
Estoit plus grand qu'une Duché;
D'autres disent plus qu'un Royaume;
Mais si croire en faut Maistre Cosme,
Qui jouë fort bien du Serpent,
Il n'estoit long que d'un arpent;
Encore le sieur de Serpille
Dit que ce n'estoit qu'une anguille;
Quoy que c'en soit, à tout hazard,
Anguille, Serpent, ou Lezard,
Dragon, Couleuvre, ou Crocodille,
C'estoit une fausse ,
Qui ne se curoit pas les dens
Avecques des petits Enfans,
Mais avecques des grandes Villes
Qu'il avalloit comme lentilles;
Si bien que si tel garnement
Encor eust vescu seulement
Deux minutes et deux journées,
Avec quatre ou cinq mille années,
Le pauvre Monde estoit détruit;
Mais Phebus, Archer bien instruit,
Entreprit ledit Monstre abattre;
Ce qu'il fit, non pas sans combattre,
Ny sans jetter flâmes et feux;
Pithon, Serpent vaillant et preux,
Faisoit rage de sa personne;
D'autre part le Fils de Latone
Ne s'épargnoit ny prou ny peu;
Si l'un attaquoit comme un Dieu,
L'autre se defendoit en Diable;
C'estoit chose moult effroyable,
De voir les flâmes et les dards
Qui se lançoient de toutes parts,
Les feux et les rouges flâmesches;
Phebus avec toutes ses flesches
Fut en danger plus de trois fois
D'y laisser son noble Carquois,
Et s'en retourner sans rien faire,
Ayant brûlé dans cette affaire
Six onces d'or de ses cheveux,
Receu des soufflets plus de deux,
Et perdu trois dents machelieres;
Jaçoit qu'apres maintes carrieres
Finalement Monsieur Phebus
Luy fit chanter son In manus,
Qui fut un beau chant pour sa gloire,
Duquel pour garder sa memoire
Beaux jeux le Monde institua;
Qui celuy qui Pithon tua,
Selon les oeuvres Poëtiques,
Fit appeller les jeux Pitiques,
Pitiques nommez à Pitho,
Comme dit le Pere Peto,
Où n'estoit receu ny bequille,
Podagre, ny jambe de bille,
Ny gens portans souliers trop longs,
Corps és pieds, ou mule aux talons,
Ny fers piquans; hé pourquoy? pource
Que c'estoient les jeux de la course,
Où qui gagnoit, estoit mené
En triomphe, ou bien entraisné,
Couronné de fueille de Chesne,
Et par fois de fueilles de Fresne;
Car pour écu ny pour denier
N'estoit alors brin de Laurier,
Dont tres-piteuse doleance
Faisoient les Jambons de Mayence,
Et les nobles Poëtes aussy;
Phebus seul n'estoit en soucy,
Quoy ceignit sa tresse dorée
Rave, persil, ou chicorée;
En ce Temps il trouvoit tout bon;
Faute d'un Chapeau de chardon,
D'ortie, ou de fueille susdite,
Coiffé se fut d'une marmitte,
Car lors il n'avoit, ce dit-on,
Senty le feu de Cupidon
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LES AMOURS D'APOLLO ET DE DAPHNE.FABLE VIII.
LES AMOURS D'APOLLO ET DE DAPHNE.
FABLE VIII.
LA premiere amoureuse flâme
Dont ce fier Tyran de nostre ame
Embraza le plus beau des Dieux,
Ce fut la flâme des beaux yeux
Que portoit dans son frontispice
Daphné, Pucelle sans malice;
Chaude flâme, que le hazard
Point n'alluma, mais ce Bastard,
Enfant de Madame Citere,
Qui plus meschant qu'une Vipere,
Fit courir comme un incensé
Ce Dieu qui l'avoit offencé.
Quelque temps apres la Bataille
Du grand Pithon le Portécaille,
Où, comme est dit, il fut vaincu
D'un trait qu'il receut dans le cu;
Phebus enflé de sa victoire,
S'en faisoit, dit-on, tant accroire,
Qu'on n'osoit plus le regarder;
Il ne parloit que de darder,
D'estocader, de faire botte;
Il n'alloit plus sans grosse botte,
Quoy que ce fut en plein Esté;
Jamais sans brette à son costé,
Sans horrible et grande plumache,
Sans gros buffle et fiere moustache;
Il ne manquoit plus à ce Dieu
Qu'une emplastre noire sur l'yeu,
Avec une jambe de bille,
Pour estre plus meschant qu'Achille.
Un matin ce nouveau Filou,
Qui ne juroit que capdediou,
Et ne cherchoit que chapechute,
Rencontra dessus une butte
Le Dieu des Ris et des Attraits,
L'Enfant Amour, qui de ses traits,
Qui sont faits comme des chevilles,
Enfiloit perles et coquilles;
Auquel nostre petit Dieu Mars
Dit ainsi. Pauvre petit gars,
Pauvre Enfant crevé de folie,
Pauvre petit croqueboulie,
Petit Archer, malencontreux,
Es-tu bien si presomptueux
De bander Arc, ou tirer fléche,
De faire fente, trou, ny bresche,
Devant moy? moy le grand Phebus,
Moy le grand Maistre Doribus,
Du Matrat, et de l'Arbaleste?
Moy Phebus le grand couppe-teste,
Phebus le grand couppe-jarret,
Qui plus vaillant que Cesaret,
Et plus terrible que Pompée,
M'appelle Phebus coup d'espée,
Phebus au chappeau retroussé,
Qui depuis le combat passé
Ne paye plus rien à la porte,
Phebus le vaillant paye-morte,
Qui fais nargue aux Comediens,
La nique aux Chats, et corne aux Chiens.
Sus donc Bastard, quitte ces armes,
Trop fortes pour un Dieu des charmes,
Un gueux, un sorcier, un bandy,
Un fol, un Dieu plus étourdy
Que le premier coup de Matines,
Un dissipateur de courtines,
Un petit coureur de Landy,
Un gourmand, un cherche-midy,
Qui par fous fils, sur filles folles,
Par cent faits fous le Monde affoles,
Un patroüilleur, un farfoüilleur,
Auquel ont mes filles d'honneur
Donné plus de coups de lanieres,
De coups de pieds et d'étrivieres,
Que n'as fait jouster de poulets,
Et fait avaller d'oeufs mollets;
N'espere pas croistre ta gloire
Par les outils de ma victoire,
Dont grace à Monsieur Sainct Miché,
J'ay Serpent horrible embroché;
Rends ce trait, rends cette arbaleste,
Petit Serpent à rouge creste,
Ou je te prendray ton chappeau;
Contente-toy de ton flambeau
Pour rechauffer froide cuisine,
Griller boudin, frire poitrine,
Ardre bouquins, gaupes tenter,
Asnes baster, cornes planter.
Voila de Phebus l'insolence,
À qui l'Amour, que telle offence
Faisoit rire du bout des dents,
Le front rouge, et les yeux ardens,
De son petit coeur plein de rage
À peu pres tira ce langage.
Hé depuis quand, Monsieur Phebus,
Avez-vous quitté vos rebus,
Et vostre celeste briguade,
Pour en habit de Mascarade
Faire peur aux petits Enfans?
Depuis quand courez-vous les champs?
Avez-vous le cerveau malade?
Quelle mauvaise herbe en sallade
Vostre esprit a tant detraqué?
Quelle mouche vous a piqué?
Quel ver a poind vostre cucule?
Seroit-ce point la Tarantule?
Qui vous fait ainsi tremousser?
Mieux à vous eust valu danser
Ballet, et donner serenade,
Que nous faire telle incartade;
Pas ne vous estes ce matin
Signé de vostre bonne main,
Quand pour nous intenter querelle,
Vous avez quitté vostre Vielle,
Et pris en main fier Braquemart,
Pour, armé comme un Jaquemart,
Sur nous, non sans grand vitupere,
Exercer mestier de Corsaire;
Avant la mort du sieur Pithon,
Qui vous fit grand peur, ce dit-on,
Vous estiez plus doux qu'une image;
Mais ores plus mievre qu'un Page,
Les deux mains dessus le rognon,
Jurez par la mort d'un ognon,
Que vous nous aurez la caillette;
La caillette, par ma figuette,
Ja ne l'aurez de quatre jours;
Les Amours ont monté sur l'Ours;
Fussiez-vous monté sur Pegase,
Qui n'est qu'un fat, et vous un aze,
Encor de vous n'aurions-nous peur;
Je suis tout feu, je suis tout coeur,
Je suis bon cheval de trompette,
J'éternuë quand l'asne pette;
Bien d'autres Filoux avons vus
Plus noirs que vous, et plus cornus,
Lesquels encor sur vostre teste
Mangeroient pastez de requeste,
Qui ne nous ont pas fait cacher,
Mais que bien avons fait cracher
Tripes, boyaux, argent, valize,
Eu la coine, apres la chemise,
Et sans lampe avons fait coucher;
Et cependant maudit Archer,
Miserable Docteur de bale,
Pauvre coquin, toque-cimbale,
Gueux à visage de Rebec,
Belistre qui n'as que le bec,
À moy qui pire que tempestes
Ay soumis par mille conquestes
Mon grand Pere l'Altitonant,
À moy le Prince du Ponant,
Enfant de la masse premiere,
Sans qui Nature et la lumiere
Ne serviroient que d'un niquet,
À moy le Prince du paquet,
Qui preside sur tout le germe
En terre molle, en terre ferme,
Grand Maistre des Eaux et Forests,
À moy le Prince du Marests,
Marquis de la Motte et du Tertre,
Roy naturel du petit Sceptre,
Qui regne sur les verts boquets,
À moy le Prince des Coquets,
Pere de toutes les familles,
Pauvre Vielleur, porte-guenilles,
À moy tu t'ozes attaquer;
Mordy je te feray bouquier;
Tu pretends avoir de mes fléches,
Je t'en garde, mais des plus seches;
Devant qu'il soit deux jours passez
Tu m'en payra les pots cassez;
Amour pire qu'un asne rouge,
Te prepare une belle gouge,
Où tu brûleras tes papiers
Non seulement, mais tes souliers
Uzeras courant apres elle,
Sans que jamais la Damoiselle
Te laisse seulement baiser
Les bords de son pot à pisser.
Ce dit, cette maligne beste
Amour, banda son arbaleste,
Puis en disant tatifrappé,
D'un trait en l'urine trempé,
De Daphné la chaste pucelle,
Un trou luy fit à la mammelle;
Par où dix de ses compagnons,
Pas plus grands que des champignons,
Portans en main rouges flâmesches,
Soufflets, tisons, charbons, et mesches,
Entrerent, et soufflerent tant,
Qu'en son pauvre coeur à l'instant
Il sent brûler une fournaise,
Il n'est plus que flâme et que braise,
Il meurt pour la belle Daphné,
Déja son teint en est fanné;
Mais elle à qui ce Dieu Vipere
Avoit percé la boudiniere,
D'un trait vilainement graissé
De la graisse d'un trépassé,
Porte en son coeur une glaciere,
Que la chaleur et la lumiere
De ce beau Dieu de la clarté,
Ne sçauroit fondre en plein Esté.
Il a beau l'appeller son ame,
Luy composer son anagrame,
Luy presenter beaux affiquets,
Belle guirlande et beaux bouquets,
Beaux fruits et fleurs de Retorique,
Luy faire entendre la Musique
De la Pierre et de Constantin,
Luy mener le jeune Martin,
Et Monsieur Lambert son Compere;
Cela ne luy profite guere,
Non plus que les petits poulets,
La comedie et les Balets,
D'autant que la simple Fillette,
Ainsi qu'une Madelonnette,
Porte un coeur naturellement
Fait en pointe de diamant;
La Chasse est toute son envie,
Son Chien toute sa compagnie,
Son Carquois est son favory,
Et son Arc son petit mary,
Dont tres-dolent son noble Pere
Luy dit par fois. Fille tres-chere,
Daphné, ma petite fanfan,
Daphné, que j'ayme tant oüanoüan;
Vous me devez, ma Fille tendre,
Vous me devez un petit gendre.
Quand voulez-vous vous acquiter?
Quand voulez-vous faire sauter
Vostre bonne Maman, petite?
Quand voulez-vous, dites ma mitte,
Joyeux festin nous presenter,
Et nous faire un tantin taster
Du broüet de vostre marmitte?
À qui la bonne chatemite,
Qui dans sa main cache un ognon,
Luy dit pleurant; Papa mignon,
Laissez en paix ma sourissiere,
Ny chat ny rat dans ma chatiere
Jamais n'y croquera lardon;
J'aymerois mieux manger chardon,
Et coucher dans le cimetiere,
Que de crier comme ma Mere
Petits pastez d'un si haut ton;
J'aurois trop peur; Papa mignon,
D'enfanter un jour par l'oreille,
Qui seroit douleur nompareille.
Laissez-moy donc fermer vostre huis,
Et vivre telle que je suis;
Ce que non, sans douleur amere,
Luy promet son Seigneur et Pere;
Tandis le beau Roy des Saisons,
Qui court aux petites Maisons,
Afin de parestre à la mode,
Fait venir Blet qui l'accommode,
Et luy couppe ses beaux rayons,
Qu'il appelle ses cheveux blonds;
Il se recure la gencive,
Met du linge blanc de lessive,
Neuf collets blancs aux Muses neuf,
Au Sieur Pegase un bast tout neuf,
Dessus sa teste une Hemisphere;
Et pour monstrer ce qu'il sçait faire,
En l'honneur de la faculté,
Une siringue à son costé;
Il s'oingt, il se plastre, il se mire,
Il s'huile, il se gomme, il se cire,
Il se fait la barbe des yeux;
C'est merveille de ses beaux neuds,
Des beaux galans de sa Guitterre,
De son beau ruban d'Angleterre,
De son magnifique collet,
Et de son habit de Balet.
Qui pourroit avoir assez d'armes
Pour resister à tous les charmes
D'un Dieu qui porte un neuf pourpoint?
C'est Daphné qui n'en manque point,
Qui voyant venir apres elle
Phebus courant à tire d'aile,
De son costé double le pas,
En disant Vade Satanas,
Elle va comme une Hyrondelle;
Et si la peur à la pucelle
Luy fait chausser des ailerons,
L'Amour chausse des esperons
À Phebus, qui dans sa littiere
Communément n'en porte guere;
Tous deux la crainte et les desirs
Les font trotter comme Zephirs;
Mais Phebus l'amoureux alaigre,
Qui va du pied comme un chat maigre,
Est déja si pres de son dos,
Qu'il luy peut tenir ces propos.
Où fuyez-vous, cruelle Nymphe?
Où fuyez-vous, beau Pananymphe,
Des vertus comme des beautez,
Pour Dieu, belle Nymphe, arrestez;
Arrestez, ô Nymphe adorable,
Je ne suis pas si miserable,
Ny si pendart que vous pensez;
Je n'ay pas des sabots chaussez,
Mais des belles et blanches bottes;
Je ne suis pas un cassemottes,
Un visage de bois flotté,
Je suis un Dieu bien fagotté,
Le beau Phebus à tresse blonde,
Le plus grand Cuisinier du Monde,
Pere du mois, Pere de l'an,
Roy de l'éguille et du cadran,
Baron du Jour, Duc de l'Optique,
Prince du Royaume Ecliptique,
Seigneur de la Prose et des Vers,
Et grand Fallot de l'Univers.
Non non, Pucelle incomparable,
Je ne suis pas tant effroyable,
Ny tant diable que je suis noir;
Je suis un Dieu qu'il fait beau voir,
Je suis le Dieu qui tout éclaire,
Bon Chantre, bon Apoticaire,
Bon Medecin, bon Tabarin,
Bon fluteur et bon tabourin;
Pere je suis de toutes choses,
Des Oeillets, des Lys, et des Roses,
Le beau Phebus au crin doré,
Qui sçais lire comme un Curé,
Qui sçais mieux escrimer encore;
Je sçay joüer de la Mandore,
Du Cor et du Psalterion;
Je suis un fort bon Violon,
J'ay douze Maisons, j'ay Carosse,
Je n'ay sur moy playe ny bosse,
Je ne suis Turc ny Parpaillot,
Je suis un Dieu fort bon fillot.
Hé pourquoy donc, Nymphe mauvaise,
N'oseray-je en vostre fournaise
Faire fondre un petit lingot,
Toucher un peu vostre gigot,
Et clorre vostre parentese,
Chercher un peu vostre mortaise,
Et découvrir vostre magot;
Belle, donnez-moy vostre ergot,
Ce n'est pas pour ce qu'il vous semble,
Ce n'est que pour danser ensemble,
Et vous faire dire hopegay
Au son d'un petit branle gay;
Il n'est plaisir tel que la dance;
Voulez-vous oüyr quelque Stance,
Arrestez seulement icy;
J'en ay du Baron de Plancy,
De feu Marot et de Cigogne;
J'en ay de Madame Gigogne,
Et de Gifflart Poëte du Roy;
En voulez-vous aussi de moy,
Arrestez, ô Nymphe farouche,
J'en feray dessus vostre bouche;
Ce me sera plaisir bien doux
De faire des oeuvres sur vous;
Arrestez, ô Nymphe follette,
En faveur de jambe mollette
De Phebus le Dieu Lasdaller,
Qui pour vous ne fait plus qu'heurler,
Qui pour vous ne fait plus que braire;
Arrestez, Nymphe solitaire,
En faveur du pied dessollé
D'un pauvre amoureux rissollé.
Voila la complainte bourruë
Que de sa poitrine feruë
Tiroit ce dolent amoureux;
Il frise déja ses cheveux,
Et déja sa griffe paillarde
S'étend pour gripper la fuyarde,
Laquelle sentant Apollon
Qui luy marche sur le talon,
Sur le poinct d'estre violée,
Adresse à son Pere Penée
Cette humble priere. ô Pater,
Qui m'avez promis plus de ter
Que coup de nerf, ny coup de verge,
Sur mon pauvre parchemin vierge
Onc ne feroit impression;
Pere, prenez compassion
De vostre Fille bien-aymée,
Qui court risque d'estre entamée,
Si ne baillonez d'un baillon
Son entrefretinfretaillon.
À peine elle eut cette priere
Finy, que son tres-noble Pere
L'écoutant, sa course arresta,
Et pour reverdir la planta.
Lors sortirent de ses deux manches;
Au lieu de bras, deux belles branches;
Dans ses deux mains on ne vit plus
Dix doigts, mais dix rameaux fourchus;
Sa belle et blonde chevelure
Prit aussi la mesme parure;
Et son corps gent, plus droict qu'un jonc,
Alors ne fut qu'un pauvre tronc,
Manifestant par son branchage
D'un Laurier le sacré feüillage.
Lors voyant ses amours ramus
Nostre pauvre Amoureux camus,
Aussi froid que pierre de marbre,
Embrasse encor ce nouvel arbre,
L'étraint, l'arrose de ses pleurs,
Et luy promet mille faveurs,
Que jamais l'inique froidure
Ne gâtera sa chevelure,
Qu'elle a beau coucher au serain,
Qu'elle ne se tourmente grain
Ny de rume, ny de catterre,
Ny de gresle, ni de tonnerre;
Que les neuf Vierges, ses neuf soeurs,
N'iront jamais sans ses couleurs,
Non plus que les plus grands Monarques;
Et que lui pour dernieres marques
De son amour, jusqu'au tombeau
La portera sur son chappeau;
Dequoi la pauvre repentante
Montre qu'elle en est bien contente,
Mais plus encore si son sot
De Pere ne l'eût prise au mot.
Vous qui lisez ce bel exemple,
Pucelles, en qui je contemple
En corps de chair, coeur de rocher,
Voici bien dequoi vous toucher;
Pensez bien à cette avanture
Du Laurier, qui fut creature,
Qui trop tard meshui se repent
D'avoir dos, à si bel Amant,
Tourné plûtost que la fressure;
Moi-mesme y pensant, je vous jure
Que je suis tout prest d'en pleurer,
Hormis quand j'en vois decorer
Quelque beau jambon de Mayence;
Car alors je prens patience,
Et dis en moderant mon dueil,
Autant nous en pend-il à l'oeil;
Et puis qu'eussent fait dans le Monde,
Sans cette Plante si feconde,
Tant de braves Avanturiers,
Tant de nobles Machelauriers,
Tant de Bonnets, tant de Cervelles,
Tant de Lyres et tant de Vielles,
Qui lisant un si piteux cas,
Je croi n'en refuseront pas
À moi qui n'en plante ni cueille,
Une pauvre petite feüille,
Pour, avec tronçon de veau gras,
Faire boüillir entre deux plats.
FABLE VIII.
LA premiere amoureuse flâme
Dont ce fier Tyran de nostre ame
Embraza le plus beau des Dieux,
Ce fut la flâme des beaux yeux
Que portoit dans son frontispice
Daphné, Pucelle sans malice;
Chaude flâme, que le hazard
Point n'alluma, mais ce Bastard,
Enfant de Madame Citere,
Qui plus meschant qu'une Vipere,
Fit courir comme un incensé
Ce Dieu qui l'avoit offencé.
Quelque temps apres la Bataille
Du grand Pithon le Portécaille,
Où, comme est dit, il fut vaincu
D'un trait qu'il receut dans le cu;
Phebus enflé de sa victoire,
S'en faisoit, dit-on, tant accroire,
Qu'on n'osoit plus le regarder;
Il ne parloit que de darder,
D'estocader, de faire botte;
Il n'alloit plus sans grosse botte,
Quoy que ce fut en plein Esté;
Jamais sans brette à son costé,
Sans horrible et grande plumache,
Sans gros buffle et fiere moustache;
Il ne manquoit plus à ce Dieu
Qu'une emplastre noire sur l'yeu,
Avec une jambe de bille,
Pour estre plus meschant qu'Achille.
Un matin ce nouveau Filou,
Qui ne juroit que capdediou,
Et ne cherchoit que chapechute,
Rencontra dessus une butte
Le Dieu des Ris et des Attraits,
L'Enfant Amour, qui de ses traits,
Qui sont faits comme des chevilles,
Enfiloit perles et coquilles;
Auquel nostre petit Dieu Mars
Dit ainsi. Pauvre petit gars,
Pauvre Enfant crevé de folie,
Pauvre petit croqueboulie,
Petit Archer, malencontreux,
Es-tu bien si presomptueux
De bander Arc, ou tirer fléche,
De faire fente, trou, ny bresche,
Devant moy? moy le grand Phebus,
Moy le grand Maistre Doribus,
Du Matrat, et de l'Arbaleste?
Moy Phebus le grand couppe-teste,
Phebus le grand couppe-jarret,
Qui plus vaillant que Cesaret,
Et plus terrible que Pompée,
M'appelle Phebus coup d'espée,
Phebus au chappeau retroussé,
Qui depuis le combat passé
Ne paye plus rien à la porte,
Phebus le vaillant paye-morte,
Qui fais nargue aux Comediens,
La nique aux Chats, et corne aux Chiens.
Sus donc Bastard, quitte ces armes,
Trop fortes pour un Dieu des charmes,
Un gueux, un sorcier, un bandy,
Un fol, un Dieu plus étourdy
Que le premier coup de Matines,
Un dissipateur de courtines,
Un petit coureur de Landy,
Un gourmand, un cherche-midy,
Qui par fous fils, sur filles folles,
Par cent faits fous le Monde affoles,
Un patroüilleur, un farfoüilleur,
Auquel ont mes filles d'honneur
Donné plus de coups de lanieres,
De coups de pieds et d'étrivieres,
Que n'as fait jouster de poulets,
Et fait avaller d'oeufs mollets;
N'espere pas croistre ta gloire
Par les outils de ma victoire,
Dont grace à Monsieur Sainct Miché,
J'ay Serpent horrible embroché;
Rends ce trait, rends cette arbaleste,
Petit Serpent à rouge creste,
Ou je te prendray ton chappeau;
Contente-toy de ton flambeau
Pour rechauffer froide cuisine,
Griller boudin, frire poitrine,
Ardre bouquins, gaupes tenter,
Asnes baster, cornes planter.
Voila de Phebus l'insolence,
À qui l'Amour, que telle offence
Faisoit rire du bout des dents,
Le front rouge, et les yeux ardens,
De son petit coeur plein de rage
À peu pres tira ce langage.
Hé depuis quand, Monsieur Phebus,
Avez-vous quitté vos rebus,
Et vostre celeste briguade,
Pour en habit de Mascarade
Faire peur aux petits Enfans?
Depuis quand courez-vous les champs?
Avez-vous le cerveau malade?
Quelle mauvaise herbe en sallade
Vostre esprit a tant detraqué?
Quelle mouche vous a piqué?
Quel ver a poind vostre cucule?
Seroit-ce point la Tarantule?
Qui vous fait ainsi tremousser?
Mieux à vous eust valu danser
Ballet, et donner serenade,
Que nous faire telle incartade;
Pas ne vous estes ce matin
Signé de vostre bonne main,
Quand pour nous intenter querelle,
Vous avez quitté vostre Vielle,
Et pris en main fier Braquemart,
Pour, armé comme un Jaquemart,
Sur nous, non sans grand vitupere,
Exercer mestier de Corsaire;
Avant la mort du sieur Pithon,
Qui vous fit grand peur, ce dit-on,
Vous estiez plus doux qu'une image;
Mais ores plus mievre qu'un Page,
Les deux mains dessus le rognon,
Jurez par la mort d'un ognon,
Que vous nous aurez la caillette;
La caillette, par ma figuette,
Ja ne l'aurez de quatre jours;
Les Amours ont monté sur l'Ours;
Fussiez-vous monté sur Pegase,
Qui n'est qu'un fat, et vous un aze,
Encor de vous n'aurions-nous peur;
Je suis tout feu, je suis tout coeur,
Je suis bon cheval de trompette,
J'éternuë quand l'asne pette;
Bien d'autres Filoux avons vus
Plus noirs que vous, et plus cornus,
Lesquels encor sur vostre teste
Mangeroient pastez de requeste,
Qui ne nous ont pas fait cacher,
Mais que bien avons fait cracher
Tripes, boyaux, argent, valize,
Eu la coine, apres la chemise,
Et sans lampe avons fait coucher;
Et cependant maudit Archer,
Miserable Docteur de bale,
Pauvre coquin, toque-cimbale,
Gueux à visage de Rebec,
Belistre qui n'as que le bec,
À moy qui pire que tempestes
Ay soumis par mille conquestes
Mon grand Pere l'Altitonant,
À moy le Prince du Ponant,
Enfant de la masse premiere,
Sans qui Nature et la lumiere
Ne serviroient que d'un niquet,
À moy le Prince du paquet,
Qui preside sur tout le germe
En terre molle, en terre ferme,
Grand Maistre des Eaux et Forests,
À moy le Prince du Marests,
Marquis de la Motte et du Tertre,
Roy naturel du petit Sceptre,
Qui regne sur les verts boquets,
À moy le Prince des Coquets,
Pere de toutes les familles,
Pauvre Vielleur, porte-guenilles,
À moy tu t'ozes attaquer;
Mordy je te feray bouquier;
Tu pretends avoir de mes fléches,
Je t'en garde, mais des plus seches;
Devant qu'il soit deux jours passez
Tu m'en payra les pots cassez;
Amour pire qu'un asne rouge,
Te prepare une belle gouge,
Où tu brûleras tes papiers
Non seulement, mais tes souliers
Uzeras courant apres elle,
Sans que jamais la Damoiselle
Te laisse seulement baiser
Les bords de son pot à pisser.
Ce dit, cette maligne beste
Amour, banda son arbaleste,
Puis en disant tatifrappé,
D'un trait en l'urine trempé,
De Daphné la chaste pucelle,
Un trou luy fit à la mammelle;
Par où dix de ses compagnons,
Pas plus grands que des champignons,
Portans en main rouges flâmesches,
Soufflets, tisons, charbons, et mesches,
Entrerent, et soufflerent tant,
Qu'en son pauvre coeur à l'instant
Il sent brûler une fournaise,
Il n'est plus que flâme et que braise,
Il meurt pour la belle Daphné,
Déja son teint en est fanné;
Mais elle à qui ce Dieu Vipere
Avoit percé la boudiniere,
D'un trait vilainement graissé
De la graisse d'un trépassé,
Porte en son coeur une glaciere,
Que la chaleur et la lumiere
De ce beau Dieu de la clarté,
Ne sçauroit fondre en plein Esté.
Il a beau l'appeller son ame,
Luy composer son anagrame,
Luy presenter beaux affiquets,
Belle guirlande et beaux bouquets,
Beaux fruits et fleurs de Retorique,
Luy faire entendre la Musique
De la Pierre et de Constantin,
Luy mener le jeune Martin,
Et Monsieur Lambert son Compere;
Cela ne luy profite guere,
Non plus que les petits poulets,
La comedie et les Balets,
D'autant que la simple Fillette,
Ainsi qu'une Madelonnette,
Porte un coeur naturellement
Fait en pointe de diamant;
La Chasse est toute son envie,
Son Chien toute sa compagnie,
Son Carquois est son favory,
Et son Arc son petit mary,
Dont tres-dolent son noble Pere
Luy dit par fois. Fille tres-chere,
Daphné, ma petite fanfan,
Daphné, que j'ayme tant oüanoüan;
Vous me devez, ma Fille tendre,
Vous me devez un petit gendre.
Quand voulez-vous vous acquiter?
Quand voulez-vous faire sauter
Vostre bonne Maman, petite?
Quand voulez-vous, dites ma mitte,
Joyeux festin nous presenter,
Et nous faire un tantin taster
Du broüet de vostre marmitte?
À qui la bonne chatemite,
Qui dans sa main cache un ognon,
Luy dit pleurant; Papa mignon,
Laissez en paix ma sourissiere,
Ny chat ny rat dans ma chatiere
Jamais n'y croquera lardon;
J'aymerois mieux manger chardon,
Et coucher dans le cimetiere,
Que de crier comme ma Mere
Petits pastez d'un si haut ton;
J'aurois trop peur; Papa mignon,
D'enfanter un jour par l'oreille,
Qui seroit douleur nompareille.
Laissez-moy donc fermer vostre huis,
Et vivre telle que je suis;
Ce que non, sans douleur amere,
Luy promet son Seigneur et Pere;
Tandis le beau Roy des Saisons,
Qui court aux petites Maisons,
Afin de parestre à la mode,
Fait venir Blet qui l'accommode,
Et luy couppe ses beaux rayons,
Qu'il appelle ses cheveux blonds;
Il se recure la gencive,
Met du linge blanc de lessive,
Neuf collets blancs aux Muses neuf,
Au Sieur Pegase un bast tout neuf,
Dessus sa teste une Hemisphere;
Et pour monstrer ce qu'il sçait faire,
En l'honneur de la faculté,
Une siringue à son costé;
Il s'oingt, il se plastre, il se mire,
Il s'huile, il se gomme, il se cire,
Il se fait la barbe des yeux;
C'est merveille de ses beaux neuds,
Des beaux galans de sa Guitterre,
De son beau ruban d'Angleterre,
De son magnifique collet,
Et de son habit de Balet.
Qui pourroit avoir assez d'armes
Pour resister à tous les charmes
D'un Dieu qui porte un neuf pourpoint?
C'est Daphné qui n'en manque point,
Qui voyant venir apres elle
Phebus courant à tire d'aile,
De son costé double le pas,
En disant Vade Satanas,
Elle va comme une Hyrondelle;
Et si la peur à la pucelle
Luy fait chausser des ailerons,
L'Amour chausse des esperons
À Phebus, qui dans sa littiere
Communément n'en porte guere;
Tous deux la crainte et les desirs
Les font trotter comme Zephirs;
Mais Phebus l'amoureux alaigre,
Qui va du pied comme un chat maigre,
Est déja si pres de son dos,
Qu'il luy peut tenir ces propos.
Où fuyez-vous, cruelle Nymphe?
Où fuyez-vous, beau Pananymphe,
Des vertus comme des beautez,
Pour Dieu, belle Nymphe, arrestez;
Arrestez, ô Nymphe adorable,
Je ne suis pas si miserable,
Ny si pendart que vous pensez;
Je n'ay pas des sabots chaussez,
Mais des belles et blanches bottes;
Je ne suis pas un cassemottes,
Un visage de bois flotté,
Je suis un Dieu bien fagotté,
Le beau Phebus à tresse blonde,
Le plus grand Cuisinier du Monde,
Pere du mois, Pere de l'an,
Roy de l'éguille et du cadran,
Baron du Jour, Duc de l'Optique,
Prince du Royaume Ecliptique,
Seigneur de la Prose et des Vers,
Et grand Fallot de l'Univers.
Non non, Pucelle incomparable,
Je ne suis pas tant effroyable,
Ny tant diable que je suis noir;
Je suis un Dieu qu'il fait beau voir,
Je suis le Dieu qui tout éclaire,
Bon Chantre, bon Apoticaire,
Bon Medecin, bon Tabarin,
Bon fluteur et bon tabourin;
Pere je suis de toutes choses,
Des Oeillets, des Lys, et des Roses,
Le beau Phebus au crin doré,
Qui sçais lire comme un Curé,
Qui sçais mieux escrimer encore;
Je sçay joüer de la Mandore,
Du Cor et du Psalterion;
Je suis un fort bon Violon,
J'ay douze Maisons, j'ay Carosse,
Je n'ay sur moy playe ny bosse,
Je ne suis Turc ny Parpaillot,
Je suis un Dieu fort bon fillot.
Hé pourquoy donc, Nymphe mauvaise,
N'oseray-je en vostre fournaise
Faire fondre un petit lingot,
Toucher un peu vostre gigot,
Et clorre vostre parentese,
Chercher un peu vostre mortaise,
Et découvrir vostre magot;
Belle, donnez-moy vostre ergot,
Ce n'est pas pour ce qu'il vous semble,
Ce n'est que pour danser ensemble,
Et vous faire dire hopegay
Au son d'un petit branle gay;
Il n'est plaisir tel que la dance;
Voulez-vous oüyr quelque Stance,
Arrestez seulement icy;
J'en ay du Baron de Plancy,
De feu Marot et de Cigogne;
J'en ay de Madame Gigogne,
Et de Gifflart Poëte du Roy;
En voulez-vous aussi de moy,
Arrestez, ô Nymphe farouche,
J'en feray dessus vostre bouche;
Ce me sera plaisir bien doux
De faire des oeuvres sur vous;
Arrestez, ô Nymphe follette,
En faveur de jambe mollette
De Phebus le Dieu Lasdaller,
Qui pour vous ne fait plus qu'heurler,
Qui pour vous ne fait plus que braire;
Arrestez, Nymphe solitaire,
En faveur du pied dessollé
D'un pauvre amoureux rissollé.
Voila la complainte bourruë
Que de sa poitrine feruë
Tiroit ce dolent amoureux;
Il frise déja ses cheveux,
Et déja sa griffe paillarde
S'étend pour gripper la fuyarde,
Laquelle sentant Apollon
Qui luy marche sur le talon,
Sur le poinct d'estre violée,
Adresse à son Pere Penée
Cette humble priere. ô Pater,
Qui m'avez promis plus de ter
Que coup de nerf, ny coup de verge,
Sur mon pauvre parchemin vierge
Onc ne feroit impression;
Pere, prenez compassion
De vostre Fille bien-aymée,
Qui court risque d'estre entamée,
Si ne baillonez d'un baillon
Son entrefretinfretaillon.
À peine elle eut cette priere
Finy, que son tres-noble Pere
L'écoutant, sa course arresta,
Et pour reverdir la planta.
Lors sortirent de ses deux manches;
Au lieu de bras, deux belles branches;
Dans ses deux mains on ne vit plus
Dix doigts, mais dix rameaux fourchus;
Sa belle et blonde chevelure
Prit aussi la mesme parure;
Et son corps gent, plus droict qu'un jonc,
Alors ne fut qu'un pauvre tronc,
Manifestant par son branchage
D'un Laurier le sacré feüillage.
Lors voyant ses amours ramus
Nostre pauvre Amoureux camus,
Aussi froid que pierre de marbre,
Embrasse encor ce nouvel arbre,
L'étraint, l'arrose de ses pleurs,
Et luy promet mille faveurs,
Que jamais l'inique froidure
Ne gâtera sa chevelure,
Qu'elle a beau coucher au serain,
Qu'elle ne se tourmente grain
Ny de rume, ny de catterre,
Ny de gresle, ni de tonnerre;
Que les neuf Vierges, ses neuf soeurs,
N'iront jamais sans ses couleurs,
Non plus que les plus grands Monarques;
Et que lui pour dernieres marques
De son amour, jusqu'au tombeau
La portera sur son chappeau;
Dequoi la pauvre repentante
Montre qu'elle en est bien contente,
Mais plus encore si son sot
De Pere ne l'eût prise au mot.
Vous qui lisez ce bel exemple,
Pucelles, en qui je contemple
En corps de chair, coeur de rocher,
Voici bien dequoi vous toucher;
Pensez bien à cette avanture
Du Laurier, qui fut creature,
Qui trop tard meshui se repent
D'avoir dos, à si bel Amant,
Tourné plûtost que la fressure;
Moi-mesme y pensant, je vous jure
Que je suis tout prest d'en pleurer,
Hormis quand j'en vois decorer
Quelque beau jambon de Mayence;
Car alors je prens patience,
Et dis en moderant mon dueil,
Autant nous en pend-il à l'oeil;
Et puis qu'eussent fait dans le Monde,
Sans cette Plante si feconde,
Tant de braves Avanturiers,
Tant de nobles Machelauriers,
Tant de Bonnets, tant de Cervelles,
Tant de Lyres et tant de Vielles,
Qui lisant un si piteux cas,
Je croi n'en refuseront pas
À moi qui n'en plante ni cueille,
Une pauvre petite feüille,
Pour, avec tronçon de veau gras,
Faire boüillir entre deux plats.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LES AMOURS DE JUPITER ET D'IO.
LES AMOURS DE JUPITER ET D'IO.
Si tost que du pauvre Penée
Daphné la Fille imfortunée,
Comme est dit au Pere des Mois,
Eust montré visage de bois,
Mille petits Dieux de Riviere,
Les subjets de Monsieur son Pere,
Vindrent sur batteaux de relais
Dedans son humide Palais,
Se condouloir de l'aventure
De sa trop chaste geniture.
Inache seul ne s'y rendit,
Trop il avoit, à ce qu'on dit,
Courant par les champs comme un Barbe,
D'affaire à s'arracher la barbe,
Sans se mesler du poil d'autruy;
Trop avoit d'angoisse et d'ennuy,
Loin d'Io son coeur et sa joye,
Dont il n'avoit ny vent ny voye,
Laquelle depuis des jours dix
Il croyoit estre en Paradis,
Bien que si loin ne fusse mie,
Ains en tres-bonne compagnie
D'un Dieu qui la reconfortoit,
Tandis que son pere trottoit.
Jupiter l'ayant rencontrée
Bec à bec hors de sa contrée,
En fut incontinent épris;
Car fils de Chat croque souris
Onc ne fut tant aspre au fromage,
Que ce Dieu croque pucelage
Le fut à l'amoureux larcin;
Si bien que dans son boucassin
Sentant un feu que sa chair grille,
Comme jambon dessus la grille,
Il l'accoste, et luy parle ainsy.
Beauté qui causez mon soucy,
Vierge à ressort, Nymphe à serrure,
Pour laquelle ouvrir, je vous jure,
Vous offre le grand Jupiter
Clef plus douce que clef de fer.
Beau Tullipier, beau pot à rose,
Qui portez sur vous une chose,
Plus digne de l'Altitonant,
Que d'un Rustaut ou d'un Manant.
Comment, beau sujet de mes larmes,
Laissez-vous perir tant de charmes,
Exposant ce teint nompareil
Aux brûlans rayons du Soleil?
Comment dans cette Forest sombre
Ne daignez-vous poser à l'ombre
Ce teint si charmant et si doux?
Là si vous avez peur des loups,
Je vous y feray compagnie;
Il n'est loup que je ne défie
Avec mon tonnerre à la main;
Il n'est voleur de grand chemin,
Fut-il tout pot et tout cuirasse,
Qui vous ose lorgner en face;
Brigand que je ne mette à sac
De mon tonnerre qui fait craq;
Car je ne suis pas, à Dieu grace,
Un petit Dieu de basse classe,
Un Miquelot, un Ramonneur,
Mais un Dieu qui cherche l'honneur;
Je suis le grand Maistre du foudre,
Non Belle pour vous mettre en poudre,
Mais pour de poudre vous garder,
Non pour flâme sur vous darder,
Ny feu, ny foudre, ny flâmesche,
Mais bien une amoureuse fleche;
Vous faire gouster un tantin,
Pour, sans gaster vostre satin,
Vous faire une amoureuse bresche,
Et mettre un petit bout de mesche
Dans vostre joly serpentin;
Laissez doncques faire à Martin,
Toûjours n'aurez, noble pucelle,
Un Jupin dans vostre escarcelle,
Un Jupin toûjours Jupinant,
Un Jupin toûjours roussinant,
Un Jupiter large d'échine;
Toûjours n'aurez gregue Jupine
Pour guerir vos pâles couleurs,
Jupin a bien affaire ailleurs;
Et d'autre employ, ne vous déplaise,
Qu'à poursuivre Nymphe mauvaise,
Qui chandelle en son martinet
Ne veut souffrir un tantinet.
Ainsi flanquoit sa batterie
Le Grand Dieu de l'artillerie,
Pour ébranler la fermeté
Du Roc de sa pudicité;
Mais rien n'y gagnoit le beau Sire,
D'autant que la Nymphe, à vray dire,
Sans l'oüyr, ny luy tenir plaid,
Fuyoit aussi viste qu'un trait,
Tournant non le sein, mais la nuque,
À ce Dieu qui n'est pas Eunuque,
Qui comme un Barbe court apres,
Mais elle luy casse du gres;
Car elle court de telle sorte,
Qu'on diroit que le vent l'emporte,
Ou que le Diable asseurément,
Qui va du pied comme un Flamant,
La transporte par monts et pleine;
Si bien que resté sans halaine,
Jupiter lassé de courir,
Mais non pas lassé de couvrir,
L'enveloppa d'épais nuage,
Où des fleurs de son pucelage
Luy fit apres position
Gentille composition;
Quand Junon qui du haut étage
Des Cieux voit, comme prude et sage,
Que tel nuage ramassé
La Terre n'a point condensé,
Se doute aussi-tost de l'affaire;
Elle devine le mystere;
Et ne trouvant point son mary,
Traistre, cocu, larron, pourry,
Déloyal, parjure, infidelle,
Voicy de tes faits, ce dit-elle,
Mercy Dieu voicy de tes traits,
Voicy nouveau fruict du marests,
Voicy, voicy, jour de ma vie,
Voicy nouvelle colonnie
Pour repeupler Villa et faux-bourg,
Voicy nouveau regain de Cour
Pour remeubler chambre garnie;
Mais puisse noire compagnie
De Farfadets et de Lutins,
Anere pisser sur mes patins,
Si de ta ratapenicule
Je te laisse une particule,
Non plus que de poil au menton.
Ce dit, à grands coups de baston
Elle chasse la noire nuë;
Mais rien ne paroist à sa veuë
Qu'une Genisse à poil rousseau,
Dont pas loin n'estoit le Taureau;
Car Jupiter qui n'est pas gruë,
Voyant Junon fendre la nuë,
Martin baston portant en main,
De belle queuë avoit soudain
La pauvre Nymphe débauchée,
Subtilement enharnachee,
Posé deux cornes sur son front,
Et tous les ornemens, qui font
Des pieds jusques à la caboche,
Un corps de Vache, sans reproche,
À qui pourtant luy fait beau beau
Junon, qui luy frisant la peau,
Demande à Jupin de quel Monde
Cette Vache est si belle et blonde;
Si c'est une Vache d'Arras,
De la Chine, ou du Pays-bas,
Ou bien une vache Espagnolle,
Ou la vache à tante Nicole.
À quoy Jupin d'enqueste las,
Dit que c'est la vache à Colas
Qu'envoyé luy ont les Dipsodes
Tout fraischement des Antipodes;
Adjoustant, pour n'en point mentir,
Qu'elle vient de terre sortir,
Bien qu'il ait menty par sa gorge,
Car c'est une bourde qu'il forge,
Que la Deesse feint pourtant
De prendre pour argent content;
Si bien qu'en l'espoir qui la flatte
De l'avoir bien tost sous sa patte,
Et la vergetter en amy,
C'est à dire en diable et demy,
Elle la louë, elle l'admire;
Et la trouvant comme de cire,
En demande piece ou loppin
À Monsieur son mary Jupin;
Ce qu'audit Seigneur ne plaist guere;
Car de laisser chose si chere
À la mercy d'un coeur jaloux,
C'est la mettre à la gueule aux loups;
La refuser, c'est faire pire;
Car pour si peu Dame éconduire,
Qui porte satin sur velours,
C'est bien de ses folles amours
Luy donner preuve toute claire;
Il est au bout de sa Grammaire;
Que fera-il le pauvre Espoux?
Il voudroit bien pour quelques coups,
Ou de patins, ou d'étriviere,
Estre quitte de telle affaire.
Mais que luy sert de lanterner,
Il est contraint de la donner,
Il faut enfin qu'il l'abandonne;
Et la raison veut qu'il la donne
À la jalouse Deité,
Qui la reçoit de son costé,
Et tout d'un temps la baille en conte
Au sieur Argus, de qui l'on conte
Qu'il avoit bien cent yeux au front;
Dont en dépit du sieur Dupont,
Homme envieux, lequel enrage
De voir un bel eil au visage;
Tout seul il voyoit cent fois plus
Que quatre-vingts dix borgnibus,
Sans les Quinze-vingts y comprendre,
Qui nous voudroient avoir veu pendre;
Jamais de luy nul des Humains,
Pour tirer les cirons des mains,
Viser au blanc, guigner au merle,
Enfiler patenostre et perle,
N'approcha de cent piques pres;
C'estoit un vray diable en procez
Pour trier sallade nouvelle,
Et marcher la nuit sans chandelle;
Aussi c'estoit le sieur Argus,
Le Seigneur aux cent yeux aigus,
Duquel cent toûjours les cinquante
Veilloient sur la pauvre innocente,
Qui pour lors eust bien mieux aimé,
Voyant son honneur entamé,
Porter le froc aux Repenties,
Et se frotter le pul d'orties
Dans le faux-bourg %S.. Honnoré,
Que sans serviette sur le pré,
Au grand détriment de sa pance,
Solemniser sans ordonnance
De Vicaire ny de Curé,
Toûjours le Vendredy oré;
Souvent le jour, la pauvre Inache,
Dans ses patenostres de Vache,
Maudit le Dieu qui l'attrapa,
Et voudroit bien chez son Papa
Revoir encores la cramilliere,
Récurer marmitte et chaudiere,
Rattiser les bouts des tisons,
Donner de l'avoine aux oysons,
Souppe tailler, fermer la huche,
Cruche porter, frire merluche,
Plûtost que parmy le cresson,
Loin d'andoüille et de saucisson,
De pastez et de coqueluches,
Ne disner que de fanfreluches.
Las bonnes gens, c'est grand pitié,
De n'avoir du pain qu'à moitié;
Malheureux est, qui dans ce Monde
N'a large écuelle, et bien profonde,
Manche de drap à se moucher,
Et lict de plume à se coucher;
Pas tant n'avoit, comme je pense,
Io, qui dans sa penitence
Cherche en vain plus de quatre fois
Ses mains, pour en armer ses doigts,
Contre son poil de jaune paille
Qu'elle perdit à la bataille;
Elle admire, non sans horreur,
Dans son ombre qui luy fait peur,
L'étrangeté de sa personne;
Mais ce qui beaucoup plus l'étonne,
C'est de se voir pisser si gros;
Elle maudit à tous propos,
Et donne au diable la bougie,
Dont s'ensuivit hemoragie,
Craignant que pour un Jupineau
Jupin ne luy eut fait un Veau,
Qui luy seroit un grand reproche;
Souventefois elle s'approche
Du Sieur Argus, pour le prier
De luy donner ancre et papier,
Pour écrire un mot à son Pere,
Et voudroit bien dans sa misere
Avecque luy se consoler;
Mais lors qu'elle luy veut parler,
Du fond de sa gorge brutale,
Comme du creux d'une Pedalle,
Elle tire un chant assez doux
Pour attirer coups de cailloux,
Coups de bastons et coups de pierre,
Et d'autres instrumens de guerre,
Lesquels appliquez sur les reins
Des gens doüillets, ne sont pas sains,
Ny sur le pul, ne vous déplaise,
Des importans qu'on porte en chaise,
Qui portez sont plus delicats
Que gras porteurs, portans pieds plats.
D'autrefois parmy les campagnes
Elle voit ses cheres compagnes,
Qui jusques dessous ses talons
Viennent chercher des champignons;
D'aise elle en pisse dessous elle,
Mais au diantre celuy ny celle
Qui daigne son deüil consoler,
Ny seulement la regaler
D'un morceau de la miche sienne;
Il n'est ma foy d'amis qui tienne,
Quand au croq il n'est plus de lard,
Belle commere Dieu vous gard.
Un jour la Nymphe Cornigere
Rencontra Monseigneur son Pere,
Qui dit avoit maints Profundis
Comme maintes gens les ont dis,
Pour ceux qui n'en avoient que faire;
On ne vit jamais telle chere,
Tous deux bras dessus, bras dessous,
Elle se couche à ses genoux,
Elle se vire, elle se veautre,
Luy montre la prouë et la peautre,
Luy leche les mains, le museau,
Sa fistule et son auripeau,
Luy fait reverence à sa guise,
Et comme Fille bien apprise
Finalement luy saute au col,
Dont s'émerveille Inache Pol,
Mais dont pourtant point ne s'en fâche
Ledit noble Sieur Pol Inache;
Au contraire il y prend plaisir,
Car le bon sang ne peut mentir;
Mais ce qui beaucoup plus l'étonne,
C'est qu'on diroit qu'elle marmonne,
Magines mots entre ses dens;
Où jaçoit que les plus sçavans
Sorciers n'y peussent rien entendre;
Il pense pourtant bien comprendre
Quelque chose en son oraison,
Et dit que la beste a raison;
Que sur l'heure, et sans plus attendre
Il les faudra tous faire pendre.
À quoy le dolent animal,
Voyant que pour juger son mal,
Et deviner son avanture,
Son Pere a la teste trop dure,
En deux coups luy monstre son nom
Imprimé dessus le sablon,
Dont la planche est son pied de vache;
Ce que voyant le pauvre Inache,
Demeure à soy recroquilé,
Plus enconifistibulé,
Que s'il eut senty de la beste
Sauter les cornes en sa teste,
Avecque tous les cornichons
Qui parent tant d'augustes fronts.
C'est donc vous, ô Fille égarée,
(Ce dit-il) que j'ay tant pleurée,
Qui lechez mes tremblantes mains,
C'est vous, chere huile de mes reins,
Chere Io que j'ay tant cherchée,
Chaussée et donné la bechée,
À qui j'ay tant torché le cu;
Quel est le traistre, le cocu,
Qui vous a si fort outragée?
Helas! que vous estes changée!
Vous me semblez en verité
Plus seche qu'un pendu d'Esté;
Qu'est devenu vostre équipage,
Vos pieds, vos mains, vostre visage,
Vostre beau colet de quintin,
Et vostre juppe de satin?
Qui vous a plié la toillette?
Est-ce un chanteur? est-ce un Poëte?
Ou quelque Satyre cornu?
Est-il grand, gras, gros, ou menu,
Vieux, ou jeune valet, ou maistre?
Dieux! que vous sentez le salpestre,
Le souffre, et la poudre à canon,
Je crains bien quelque trahison;
Ha! je voy bien, pauvre pucelle,
Jupin vous a donné dans l'aile;
C'est luy, c'est ce Prince maudit,
Car mon petit doigt me l'a dit;
C'est ce grand abatteur de quilles,
Qui de nos Fils et de nos Filles
Fait ainsi comme de ses choux,
Mais il en aura du dessous;
Nous en avons, et belle somme,
De bons amis en Cour de Rome,
Et chez Monsieur l'Official;
Il payra le servitial
Qu'il vous a donné dans les trippes,
Ou bien j'y brûleray mes nippes;
Il y mangera, le cornard,
Sa bombarde et son gros petard.
Ce dit, il la menoit en cage,
Sans Argus l'oeillé personnage,
Qui malgré la paternité,
Vous la tire de son costé;
C'est ma Fille, disoit Inache;
Le Pasteur disoit c'est ma Vache,
Tu ne l'auras point; je l'auray,
Disoit Inache, ou j'y mourray.
Lors Argus pour se faire large,
D'un poing luy fait une décharge
Tout droit sur le chignon du cou;
Inache ramasse un caillou,
Dont il luy cassoit la machoire,
Sans Melampus et Gueule noire,
Ses chiens, qui prompts à son secours,
Arrivez, sans autre discours,
Prennent le Dieu par la bottine,
Et luy font gagner la colline.
Adonc Argus, Vacher argut,
Qui de combattre estoit en rut,
Remene au Haras la pauvrette;
La remenant, vous la vergette,
La revergette, et puis la met
Pour quarante jours au filet.
Ha! Jupin, Jupin, quelle honte,
De faire des gens moins de conte,
Que du sien de vostre soulier?
Estes-vous Turc, ou Bandollier?
Estes-vous Dieu? estes-vous Diable?
Et plus qu'un Tygre impitoyable?
Laisserez-vous sans nul secours
Perir vos vacheres amours?
Non mamie, Jupin n'est mie
Une lemure, une lamie,
Qui fasse du mal en tout lieu;
C'est, je me donne au diable, un Dieu
Assez affable, assez traittable;
C'est un Dieu qui n'est pas tant diable,
Ny tant machuré qu'on le fait;
Et de fait, d'un coup du sifflet
Qui pend toûjours à sa ceinture,
Il fait venir son Fils Mercure,
Auquel il commande soudain
De courir plus viste qu'un Dain,
Pour coupper seulement la teste
Au Sieur Argus, et par le feste
Le racourcir de quelques doigts,
Pour luy monstrer une autre fois
D'estre plus discret et plus sage,
Et que pour vivre en bon ménage
Avec des gens comme les Dieux,
Il ne faut pas avoir tant d'yeux.
Ce dit, l'obeïssant Mercure,
Fort gentil Fils de sa nature,
Et plus qu'un sçavant Medecin,
Exercé dans maint assassin,
Prend une flutte, une serpette,
Et du sablon dans sa pochette
Saisit un manche de balay,
Monte dessus, et sans delay
Fond au milieu de l'Oemonie,
Où apres, sans ceremonie.
S'estre des habits habillé
D'un Pasteur par luy dépoüillê,
Tire en flutant vers la contrée
Où le Sieur Argus sur la Prée,
Sans craindre ny ras, ny tondu,
Disnoit, assis dessus son cu.
À peine avoit un Air champestre
Mercure, plus traistre qu'un Raitre,
Entonné sur son flageolet,
Qu'Argus quittant sa souppe au laict
Pour l'oüyr se fait tout oreille,
Et charmé par cette merveille,
Accoste le feint Pastoureau,
Luy demande quelque Air nouveau,
La Boivinette, ou la Chabotte,
Mais il luy sonne une Gavotte,
Dont il le ravit tellement,
Qu'à Mercure il cede à l'instant,
Pour reposer ses dives pieces,
La moitié du lieu de ses fesses,
Puis il luy donne du chaudeau,
Des figues, des noix, du gasteau,
Puis luy presente la bouteille,
Et le convie à la pareille
De boire un coup à sa santé;
Ce que par Mercure accepté,
Au diable si dans la Ferriere
Il luy laisse ny vin ny biere.
Ce fait, apres avoir osté
Le couvert, et dit Laudaté,
Le brave avanturier Mercure,
À qui le temps dure et redure,
De vistement les yeux gommer
D'Argus, pour le Jeanguillaumer,
Remet son flageolet en bouche,
Et de ses doigts plus dru que mouche
Retouche sur son instrument
Maint Air agreable et charmant,
Maint pieux et devot Cantique,
Entr'autres cet Air angelique,
(Ha! mon Berger tant il est beau,
Je l'aimeray jusqu'au tombeau.)
Mais il n'est Cantique qui tienne,
Il perd et son temps et sa peine;
Car si des yeux de ce matin,
Qui ne dort non plus qu'un Lutin,
Par fois quelque quartier sommeille,
Autre quartier soudain s'éveille,
Lequel éveillé, sur ma foy,
Ne dormiroit pas pour le Roy;
Bien au contraire, il luy demande
Avec ardeur et presse grande,
Si pour joüer de ce baston
Qui fredonne d'un si haut ton,
Et qui fait si bien lire-lire,
Un qui ne sçauroit pas bien lire,
Feroit aussi lire-liron;
Puis luy demande si Vignon,
Le grand Autheur de l'Angelique,
L'est aussi de cette fabrique;
À qui cil qui pour yeux dompter
N'est que trop content d'en conter,
Plus aise mille fois qu'un Comte
D'une Comté, luy fait ce conte,
Duquel en voicy l'argument.
Sirinx d'où vint cet instrument,
(dit-il) qu'ores Flutte on appelle,
Fut jadis une Damoiselle
Qu'un tres-gros Satyre barbu,
Nommé Pan, vouloit voir à nu,
Mais elle ne le vouloit mie,
Dont il enrageoit tout en vie;
Il avoit beau la chatoüiller,
La toüiller et la patroüiller,
Et pour ammolir son courage,
Mettre sa chair à l'étallage,
Toûjours le malheureux bouquin
Estoit traitté comme un coquin;
Il avoit beau d'amour malade
Luy lancer amoureuse oeillade,
Trepigner, et d'un pied velu
Battre le champ du Pré pelu,
Et luy faire gentil hommage
De son Oyseau pour mettre en cage,
Toûjours le malheureux bouquin
Estoit traitté comme un coquin;
Par fois la trouvant dans la plaine,
Il luy disoit, contant sa peine,
Nymphe apres qui je vais usant
La corne de mon pied puant,
Où fuyez-vous, Nymphe adorable?
Pour estre cornu comme un diable,
Suis-je le seul diable cornu?
Pour aller en tout temps tout nu,
En suis-je moins considerable?
Et pour ma trogne remarquable,
En dois-je estre plus mal venu?
Suis-je pas droit? suis-je pas dru?
En moy que trouvez à dire?
Ne suis-je pas un beau Satyre,
Un beau chevre-pied trepelu,
Bien mammelu, bien fafelu?
Mais de tout ce joyeux martire
La Nymphe n'en faisoit que rire;
Et toûjours le pauvre bouquin
Estoit traitté comme un coquin.
Ce que ne pouvant davantage
Souffrir, un jour qu'en un bocage
Elle dénichoit des moyneaux,
Le rusé chevre-pied deschaux
S'estant mussé sous une roche,
Tout doucement d'elle s'approche,
Et finement sans estre veu,
L'ayant surprise au dépourveu,
Sur son tant joly pucelage
Fond, en disant ha ha fromage,
Est-ce ainsi la Fille au patin,
Qui me fuyez soir et matin,
Que vous dédaignez le visage
Des enfans de nostre village?
Or mettrons, Nymphe au blanc tetin,
Viljuif en Quinpercorantin;
Or sçaurons sans plus de remise
Ce qui git dessous vostre frise
Ce dit, il l'alloit deflorer;
Mais quand ce vint au perforer,
Embrassant la Nymphe trotiere,
Il ne treuve plus que floutiere;
Car déja les Nymphes ses soeurs,
Les Nayades, voyant ses pleurs,
(à ses voeux) la pauvre affligée
En des roseaux l'avoient changée;
Dequoi le Dieu plus étonné
Qu'un borgne desemblastonné,
Pour avoir qui sa peine flatte,
Prend des roseaux sa pleine patte,
Dont il fit ce bel instrument,
Comme vous voyez, plus charmant
Que tabourin ny que trompette,
Cousin germain de la musette
Du Rebec, et proche parent
Des beaux sifflets de sainct Laurent,
Que siffre aujourd'hui l'on appelle,
Duquel se sert la Colonnelle
Des Suisses, pour tambour battant
Chanter son amoureux tourment;
Il en eut conté davantage;
Mais voyant le caut personnage,
À qui le temps duroit beaucoup,
Que ce compte à dormir debout,
Estoit encor, ne vous déplaise,
Assez bon pour dormir en chaise,
Voyant tout l'ost presque endormi;
Pour achever, Maistre Remi,
D'un bichet de sablon d'Estampes,
Il en grava toutes ses lampes;
Ce fait, prend sa serpe, et puis sap
D'un seul coup lui souppe le cap
Rasibus de la gargamelle,
Qui fut un beau coup d'alumelle,
Duquel le pauvre trépassé
S'en fut pourtant tres-bien passé;
Puis apres avoir sur l'herbette
Essuyé sa joli serpette,
Et retourné fort à propos
Ses habits, de peur des Prevosts,
Vers l'Olimpe ses chausses tire,
Si soudain, que le pauvre Sire
N'auroit sceu, si bien émouché,
L'attraper pour une Duché,
Ny pas mesme pour un Empire;
Vraiment il n'a pas dequoi rire,
Il en tient dedans le chignon,
Et cette braguarde Junon
Qui dans le Ciel fait tant la Dame,
N'a pas sceu defendre sa trame
De la fiere soeur de Cloton;
Il est és manoirs de Pluton,
Où l'on lui chante bien sa game,
Dont Junon pleure dans son ame;
Mais bonnes gens, qu'y feroit-on?
Lors voyant ladite Junon
Que son Barbier n'a point d'emplastre
Pour son Pasteur plus froid que plastre;
Pour ne laisser pas sans honneur
Apres sa mort si bon Pasteur,
Elle ramasse les prunelles
De ses yeux jadis si fidelles,
Et pour glorieux monument
Les fiche au pul tout justement
Des Pans qui portent sa littiere,
Où pour n'estre pris par derriere;
Ils observent diligemment
De quel costé viendra le vent.
Si tost que du pauvre Penée
Daphné la Fille imfortunée,
Comme est dit au Pere des Mois,
Eust montré visage de bois,
Mille petits Dieux de Riviere,
Les subjets de Monsieur son Pere,
Vindrent sur batteaux de relais
Dedans son humide Palais,
Se condouloir de l'aventure
De sa trop chaste geniture.
Inache seul ne s'y rendit,
Trop il avoit, à ce qu'on dit,
Courant par les champs comme un Barbe,
D'affaire à s'arracher la barbe,
Sans se mesler du poil d'autruy;
Trop avoit d'angoisse et d'ennuy,
Loin d'Io son coeur et sa joye,
Dont il n'avoit ny vent ny voye,
Laquelle depuis des jours dix
Il croyoit estre en Paradis,
Bien que si loin ne fusse mie,
Ains en tres-bonne compagnie
D'un Dieu qui la reconfortoit,
Tandis que son pere trottoit.
Jupiter l'ayant rencontrée
Bec à bec hors de sa contrée,
En fut incontinent épris;
Car fils de Chat croque souris
Onc ne fut tant aspre au fromage,
Que ce Dieu croque pucelage
Le fut à l'amoureux larcin;
Si bien que dans son boucassin
Sentant un feu que sa chair grille,
Comme jambon dessus la grille,
Il l'accoste, et luy parle ainsy.
Beauté qui causez mon soucy,
Vierge à ressort, Nymphe à serrure,
Pour laquelle ouvrir, je vous jure,
Vous offre le grand Jupiter
Clef plus douce que clef de fer.
Beau Tullipier, beau pot à rose,
Qui portez sur vous une chose,
Plus digne de l'Altitonant,
Que d'un Rustaut ou d'un Manant.
Comment, beau sujet de mes larmes,
Laissez-vous perir tant de charmes,
Exposant ce teint nompareil
Aux brûlans rayons du Soleil?
Comment dans cette Forest sombre
Ne daignez-vous poser à l'ombre
Ce teint si charmant et si doux?
Là si vous avez peur des loups,
Je vous y feray compagnie;
Il n'est loup que je ne défie
Avec mon tonnerre à la main;
Il n'est voleur de grand chemin,
Fut-il tout pot et tout cuirasse,
Qui vous ose lorgner en face;
Brigand que je ne mette à sac
De mon tonnerre qui fait craq;
Car je ne suis pas, à Dieu grace,
Un petit Dieu de basse classe,
Un Miquelot, un Ramonneur,
Mais un Dieu qui cherche l'honneur;
Je suis le grand Maistre du foudre,
Non Belle pour vous mettre en poudre,
Mais pour de poudre vous garder,
Non pour flâme sur vous darder,
Ny feu, ny foudre, ny flâmesche,
Mais bien une amoureuse fleche;
Vous faire gouster un tantin,
Pour, sans gaster vostre satin,
Vous faire une amoureuse bresche,
Et mettre un petit bout de mesche
Dans vostre joly serpentin;
Laissez doncques faire à Martin,
Toûjours n'aurez, noble pucelle,
Un Jupin dans vostre escarcelle,
Un Jupin toûjours Jupinant,
Un Jupin toûjours roussinant,
Un Jupiter large d'échine;
Toûjours n'aurez gregue Jupine
Pour guerir vos pâles couleurs,
Jupin a bien affaire ailleurs;
Et d'autre employ, ne vous déplaise,
Qu'à poursuivre Nymphe mauvaise,
Qui chandelle en son martinet
Ne veut souffrir un tantinet.
Ainsi flanquoit sa batterie
Le Grand Dieu de l'artillerie,
Pour ébranler la fermeté
Du Roc de sa pudicité;
Mais rien n'y gagnoit le beau Sire,
D'autant que la Nymphe, à vray dire,
Sans l'oüyr, ny luy tenir plaid,
Fuyoit aussi viste qu'un trait,
Tournant non le sein, mais la nuque,
À ce Dieu qui n'est pas Eunuque,
Qui comme un Barbe court apres,
Mais elle luy casse du gres;
Car elle court de telle sorte,
Qu'on diroit que le vent l'emporte,
Ou que le Diable asseurément,
Qui va du pied comme un Flamant,
La transporte par monts et pleine;
Si bien que resté sans halaine,
Jupiter lassé de courir,
Mais non pas lassé de couvrir,
L'enveloppa d'épais nuage,
Où des fleurs de son pucelage
Luy fit apres position
Gentille composition;
Quand Junon qui du haut étage
Des Cieux voit, comme prude et sage,
Que tel nuage ramassé
La Terre n'a point condensé,
Se doute aussi-tost de l'affaire;
Elle devine le mystere;
Et ne trouvant point son mary,
Traistre, cocu, larron, pourry,
Déloyal, parjure, infidelle,
Voicy de tes faits, ce dit-elle,
Mercy Dieu voicy de tes traits,
Voicy nouveau fruict du marests,
Voicy, voicy, jour de ma vie,
Voicy nouvelle colonnie
Pour repeupler Villa et faux-bourg,
Voicy nouveau regain de Cour
Pour remeubler chambre garnie;
Mais puisse noire compagnie
De Farfadets et de Lutins,
Anere pisser sur mes patins,
Si de ta ratapenicule
Je te laisse une particule,
Non plus que de poil au menton.
Ce dit, à grands coups de baston
Elle chasse la noire nuë;
Mais rien ne paroist à sa veuë
Qu'une Genisse à poil rousseau,
Dont pas loin n'estoit le Taureau;
Car Jupiter qui n'est pas gruë,
Voyant Junon fendre la nuë,
Martin baston portant en main,
De belle queuë avoit soudain
La pauvre Nymphe débauchée,
Subtilement enharnachee,
Posé deux cornes sur son front,
Et tous les ornemens, qui font
Des pieds jusques à la caboche,
Un corps de Vache, sans reproche,
À qui pourtant luy fait beau beau
Junon, qui luy frisant la peau,
Demande à Jupin de quel Monde
Cette Vache est si belle et blonde;
Si c'est une Vache d'Arras,
De la Chine, ou du Pays-bas,
Ou bien une vache Espagnolle,
Ou la vache à tante Nicole.
À quoy Jupin d'enqueste las,
Dit que c'est la vache à Colas
Qu'envoyé luy ont les Dipsodes
Tout fraischement des Antipodes;
Adjoustant, pour n'en point mentir,
Qu'elle vient de terre sortir,
Bien qu'il ait menty par sa gorge,
Car c'est une bourde qu'il forge,
Que la Deesse feint pourtant
De prendre pour argent content;
Si bien qu'en l'espoir qui la flatte
De l'avoir bien tost sous sa patte,
Et la vergetter en amy,
C'est à dire en diable et demy,
Elle la louë, elle l'admire;
Et la trouvant comme de cire,
En demande piece ou loppin
À Monsieur son mary Jupin;
Ce qu'audit Seigneur ne plaist guere;
Car de laisser chose si chere
À la mercy d'un coeur jaloux,
C'est la mettre à la gueule aux loups;
La refuser, c'est faire pire;
Car pour si peu Dame éconduire,
Qui porte satin sur velours,
C'est bien de ses folles amours
Luy donner preuve toute claire;
Il est au bout de sa Grammaire;
Que fera-il le pauvre Espoux?
Il voudroit bien pour quelques coups,
Ou de patins, ou d'étriviere,
Estre quitte de telle affaire.
Mais que luy sert de lanterner,
Il est contraint de la donner,
Il faut enfin qu'il l'abandonne;
Et la raison veut qu'il la donne
À la jalouse Deité,
Qui la reçoit de son costé,
Et tout d'un temps la baille en conte
Au sieur Argus, de qui l'on conte
Qu'il avoit bien cent yeux au front;
Dont en dépit du sieur Dupont,
Homme envieux, lequel enrage
De voir un bel eil au visage;
Tout seul il voyoit cent fois plus
Que quatre-vingts dix borgnibus,
Sans les Quinze-vingts y comprendre,
Qui nous voudroient avoir veu pendre;
Jamais de luy nul des Humains,
Pour tirer les cirons des mains,
Viser au blanc, guigner au merle,
Enfiler patenostre et perle,
N'approcha de cent piques pres;
C'estoit un vray diable en procez
Pour trier sallade nouvelle,
Et marcher la nuit sans chandelle;
Aussi c'estoit le sieur Argus,
Le Seigneur aux cent yeux aigus,
Duquel cent toûjours les cinquante
Veilloient sur la pauvre innocente,
Qui pour lors eust bien mieux aimé,
Voyant son honneur entamé,
Porter le froc aux Repenties,
Et se frotter le pul d'orties
Dans le faux-bourg %S.. Honnoré,
Que sans serviette sur le pré,
Au grand détriment de sa pance,
Solemniser sans ordonnance
De Vicaire ny de Curé,
Toûjours le Vendredy oré;
Souvent le jour, la pauvre Inache,
Dans ses patenostres de Vache,
Maudit le Dieu qui l'attrapa,
Et voudroit bien chez son Papa
Revoir encores la cramilliere,
Récurer marmitte et chaudiere,
Rattiser les bouts des tisons,
Donner de l'avoine aux oysons,
Souppe tailler, fermer la huche,
Cruche porter, frire merluche,
Plûtost que parmy le cresson,
Loin d'andoüille et de saucisson,
De pastez et de coqueluches,
Ne disner que de fanfreluches.
Las bonnes gens, c'est grand pitié,
De n'avoir du pain qu'à moitié;
Malheureux est, qui dans ce Monde
N'a large écuelle, et bien profonde,
Manche de drap à se moucher,
Et lict de plume à se coucher;
Pas tant n'avoit, comme je pense,
Io, qui dans sa penitence
Cherche en vain plus de quatre fois
Ses mains, pour en armer ses doigts,
Contre son poil de jaune paille
Qu'elle perdit à la bataille;
Elle admire, non sans horreur,
Dans son ombre qui luy fait peur,
L'étrangeté de sa personne;
Mais ce qui beaucoup plus l'étonne,
C'est de se voir pisser si gros;
Elle maudit à tous propos,
Et donne au diable la bougie,
Dont s'ensuivit hemoragie,
Craignant que pour un Jupineau
Jupin ne luy eut fait un Veau,
Qui luy seroit un grand reproche;
Souventefois elle s'approche
Du Sieur Argus, pour le prier
De luy donner ancre et papier,
Pour écrire un mot à son Pere,
Et voudroit bien dans sa misere
Avecque luy se consoler;
Mais lors qu'elle luy veut parler,
Du fond de sa gorge brutale,
Comme du creux d'une Pedalle,
Elle tire un chant assez doux
Pour attirer coups de cailloux,
Coups de bastons et coups de pierre,
Et d'autres instrumens de guerre,
Lesquels appliquez sur les reins
Des gens doüillets, ne sont pas sains,
Ny sur le pul, ne vous déplaise,
Des importans qu'on porte en chaise,
Qui portez sont plus delicats
Que gras porteurs, portans pieds plats.
D'autrefois parmy les campagnes
Elle voit ses cheres compagnes,
Qui jusques dessous ses talons
Viennent chercher des champignons;
D'aise elle en pisse dessous elle,
Mais au diantre celuy ny celle
Qui daigne son deüil consoler,
Ny seulement la regaler
D'un morceau de la miche sienne;
Il n'est ma foy d'amis qui tienne,
Quand au croq il n'est plus de lard,
Belle commere Dieu vous gard.
Un jour la Nymphe Cornigere
Rencontra Monseigneur son Pere,
Qui dit avoit maints Profundis
Comme maintes gens les ont dis,
Pour ceux qui n'en avoient que faire;
On ne vit jamais telle chere,
Tous deux bras dessus, bras dessous,
Elle se couche à ses genoux,
Elle se vire, elle se veautre,
Luy montre la prouë et la peautre,
Luy leche les mains, le museau,
Sa fistule et son auripeau,
Luy fait reverence à sa guise,
Et comme Fille bien apprise
Finalement luy saute au col,
Dont s'émerveille Inache Pol,
Mais dont pourtant point ne s'en fâche
Ledit noble Sieur Pol Inache;
Au contraire il y prend plaisir,
Car le bon sang ne peut mentir;
Mais ce qui beaucoup plus l'étonne,
C'est qu'on diroit qu'elle marmonne,
Magines mots entre ses dens;
Où jaçoit que les plus sçavans
Sorciers n'y peussent rien entendre;
Il pense pourtant bien comprendre
Quelque chose en son oraison,
Et dit que la beste a raison;
Que sur l'heure, et sans plus attendre
Il les faudra tous faire pendre.
À quoy le dolent animal,
Voyant que pour juger son mal,
Et deviner son avanture,
Son Pere a la teste trop dure,
En deux coups luy monstre son nom
Imprimé dessus le sablon,
Dont la planche est son pied de vache;
Ce que voyant le pauvre Inache,
Demeure à soy recroquilé,
Plus enconifistibulé,
Que s'il eut senty de la beste
Sauter les cornes en sa teste,
Avecque tous les cornichons
Qui parent tant d'augustes fronts.
C'est donc vous, ô Fille égarée,
(Ce dit-il) que j'ay tant pleurée,
Qui lechez mes tremblantes mains,
C'est vous, chere huile de mes reins,
Chere Io que j'ay tant cherchée,
Chaussée et donné la bechée,
À qui j'ay tant torché le cu;
Quel est le traistre, le cocu,
Qui vous a si fort outragée?
Helas! que vous estes changée!
Vous me semblez en verité
Plus seche qu'un pendu d'Esté;
Qu'est devenu vostre équipage,
Vos pieds, vos mains, vostre visage,
Vostre beau colet de quintin,
Et vostre juppe de satin?
Qui vous a plié la toillette?
Est-ce un chanteur? est-ce un Poëte?
Ou quelque Satyre cornu?
Est-il grand, gras, gros, ou menu,
Vieux, ou jeune valet, ou maistre?
Dieux! que vous sentez le salpestre,
Le souffre, et la poudre à canon,
Je crains bien quelque trahison;
Ha! je voy bien, pauvre pucelle,
Jupin vous a donné dans l'aile;
C'est luy, c'est ce Prince maudit,
Car mon petit doigt me l'a dit;
C'est ce grand abatteur de quilles,
Qui de nos Fils et de nos Filles
Fait ainsi comme de ses choux,
Mais il en aura du dessous;
Nous en avons, et belle somme,
De bons amis en Cour de Rome,
Et chez Monsieur l'Official;
Il payra le servitial
Qu'il vous a donné dans les trippes,
Ou bien j'y brûleray mes nippes;
Il y mangera, le cornard,
Sa bombarde et son gros petard.
Ce dit, il la menoit en cage,
Sans Argus l'oeillé personnage,
Qui malgré la paternité,
Vous la tire de son costé;
C'est ma Fille, disoit Inache;
Le Pasteur disoit c'est ma Vache,
Tu ne l'auras point; je l'auray,
Disoit Inache, ou j'y mourray.
Lors Argus pour se faire large,
D'un poing luy fait une décharge
Tout droit sur le chignon du cou;
Inache ramasse un caillou,
Dont il luy cassoit la machoire,
Sans Melampus et Gueule noire,
Ses chiens, qui prompts à son secours,
Arrivez, sans autre discours,
Prennent le Dieu par la bottine,
Et luy font gagner la colline.
Adonc Argus, Vacher argut,
Qui de combattre estoit en rut,
Remene au Haras la pauvrette;
La remenant, vous la vergette,
La revergette, et puis la met
Pour quarante jours au filet.
Ha! Jupin, Jupin, quelle honte,
De faire des gens moins de conte,
Que du sien de vostre soulier?
Estes-vous Turc, ou Bandollier?
Estes-vous Dieu? estes-vous Diable?
Et plus qu'un Tygre impitoyable?
Laisserez-vous sans nul secours
Perir vos vacheres amours?
Non mamie, Jupin n'est mie
Une lemure, une lamie,
Qui fasse du mal en tout lieu;
C'est, je me donne au diable, un Dieu
Assez affable, assez traittable;
C'est un Dieu qui n'est pas tant diable,
Ny tant machuré qu'on le fait;
Et de fait, d'un coup du sifflet
Qui pend toûjours à sa ceinture,
Il fait venir son Fils Mercure,
Auquel il commande soudain
De courir plus viste qu'un Dain,
Pour coupper seulement la teste
Au Sieur Argus, et par le feste
Le racourcir de quelques doigts,
Pour luy monstrer une autre fois
D'estre plus discret et plus sage,
Et que pour vivre en bon ménage
Avec des gens comme les Dieux,
Il ne faut pas avoir tant d'yeux.
Ce dit, l'obeïssant Mercure,
Fort gentil Fils de sa nature,
Et plus qu'un sçavant Medecin,
Exercé dans maint assassin,
Prend une flutte, une serpette,
Et du sablon dans sa pochette
Saisit un manche de balay,
Monte dessus, et sans delay
Fond au milieu de l'Oemonie,
Où apres, sans ceremonie.
S'estre des habits habillé
D'un Pasteur par luy dépoüillê,
Tire en flutant vers la contrée
Où le Sieur Argus sur la Prée,
Sans craindre ny ras, ny tondu,
Disnoit, assis dessus son cu.
À peine avoit un Air champestre
Mercure, plus traistre qu'un Raitre,
Entonné sur son flageolet,
Qu'Argus quittant sa souppe au laict
Pour l'oüyr se fait tout oreille,
Et charmé par cette merveille,
Accoste le feint Pastoureau,
Luy demande quelque Air nouveau,
La Boivinette, ou la Chabotte,
Mais il luy sonne une Gavotte,
Dont il le ravit tellement,
Qu'à Mercure il cede à l'instant,
Pour reposer ses dives pieces,
La moitié du lieu de ses fesses,
Puis il luy donne du chaudeau,
Des figues, des noix, du gasteau,
Puis luy presente la bouteille,
Et le convie à la pareille
De boire un coup à sa santé;
Ce que par Mercure accepté,
Au diable si dans la Ferriere
Il luy laisse ny vin ny biere.
Ce fait, apres avoir osté
Le couvert, et dit Laudaté,
Le brave avanturier Mercure,
À qui le temps dure et redure,
De vistement les yeux gommer
D'Argus, pour le Jeanguillaumer,
Remet son flageolet en bouche,
Et de ses doigts plus dru que mouche
Retouche sur son instrument
Maint Air agreable et charmant,
Maint pieux et devot Cantique,
Entr'autres cet Air angelique,
(Ha! mon Berger tant il est beau,
Je l'aimeray jusqu'au tombeau.)
Mais il n'est Cantique qui tienne,
Il perd et son temps et sa peine;
Car si des yeux de ce matin,
Qui ne dort non plus qu'un Lutin,
Par fois quelque quartier sommeille,
Autre quartier soudain s'éveille,
Lequel éveillé, sur ma foy,
Ne dormiroit pas pour le Roy;
Bien au contraire, il luy demande
Avec ardeur et presse grande,
Si pour joüer de ce baston
Qui fredonne d'un si haut ton,
Et qui fait si bien lire-lire,
Un qui ne sçauroit pas bien lire,
Feroit aussi lire-liron;
Puis luy demande si Vignon,
Le grand Autheur de l'Angelique,
L'est aussi de cette fabrique;
À qui cil qui pour yeux dompter
N'est que trop content d'en conter,
Plus aise mille fois qu'un Comte
D'une Comté, luy fait ce conte,
Duquel en voicy l'argument.
Sirinx d'où vint cet instrument,
(dit-il) qu'ores Flutte on appelle,
Fut jadis une Damoiselle
Qu'un tres-gros Satyre barbu,
Nommé Pan, vouloit voir à nu,
Mais elle ne le vouloit mie,
Dont il enrageoit tout en vie;
Il avoit beau la chatoüiller,
La toüiller et la patroüiller,
Et pour ammolir son courage,
Mettre sa chair à l'étallage,
Toûjours le malheureux bouquin
Estoit traitté comme un coquin;
Il avoit beau d'amour malade
Luy lancer amoureuse oeillade,
Trepigner, et d'un pied velu
Battre le champ du Pré pelu,
Et luy faire gentil hommage
De son Oyseau pour mettre en cage,
Toûjours le malheureux bouquin
Estoit traitté comme un coquin;
Par fois la trouvant dans la plaine,
Il luy disoit, contant sa peine,
Nymphe apres qui je vais usant
La corne de mon pied puant,
Où fuyez-vous, Nymphe adorable?
Pour estre cornu comme un diable,
Suis-je le seul diable cornu?
Pour aller en tout temps tout nu,
En suis-je moins considerable?
Et pour ma trogne remarquable,
En dois-je estre plus mal venu?
Suis-je pas droit? suis-je pas dru?
En moy que trouvez à dire?
Ne suis-je pas un beau Satyre,
Un beau chevre-pied trepelu,
Bien mammelu, bien fafelu?
Mais de tout ce joyeux martire
La Nymphe n'en faisoit que rire;
Et toûjours le pauvre bouquin
Estoit traitté comme un coquin.
Ce que ne pouvant davantage
Souffrir, un jour qu'en un bocage
Elle dénichoit des moyneaux,
Le rusé chevre-pied deschaux
S'estant mussé sous une roche,
Tout doucement d'elle s'approche,
Et finement sans estre veu,
L'ayant surprise au dépourveu,
Sur son tant joly pucelage
Fond, en disant ha ha fromage,
Est-ce ainsi la Fille au patin,
Qui me fuyez soir et matin,
Que vous dédaignez le visage
Des enfans de nostre village?
Or mettrons, Nymphe au blanc tetin,
Viljuif en Quinpercorantin;
Or sçaurons sans plus de remise
Ce qui git dessous vostre frise
Ce dit, il l'alloit deflorer;
Mais quand ce vint au perforer,
Embrassant la Nymphe trotiere,
Il ne treuve plus que floutiere;
Car déja les Nymphes ses soeurs,
Les Nayades, voyant ses pleurs,
(à ses voeux) la pauvre affligée
En des roseaux l'avoient changée;
Dequoi le Dieu plus étonné
Qu'un borgne desemblastonné,
Pour avoir qui sa peine flatte,
Prend des roseaux sa pleine patte,
Dont il fit ce bel instrument,
Comme vous voyez, plus charmant
Que tabourin ny que trompette,
Cousin germain de la musette
Du Rebec, et proche parent
Des beaux sifflets de sainct Laurent,
Que siffre aujourd'hui l'on appelle,
Duquel se sert la Colonnelle
Des Suisses, pour tambour battant
Chanter son amoureux tourment;
Il en eut conté davantage;
Mais voyant le caut personnage,
À qui le temps duroit beaucoup,
Que ce compte à dormir debout,
Estoit encor, ne vous déplaise,
Assez bon pour dormir en chaise,
Voyant tout l'ost presque endormi;
Pour achever, Maistre Remi,
D'un bichet de sablon d'Estampes,
Il en grava toutes ses lampes;
Ce fait, prend sa serpe, et puis sap
D'un seul coup lui souppe le cap
Rasibus de la gargamelle,
Qui fut un beau coup d'alumelle,
Duquel le pauvre trépassé
S'en fut pourtant tres-bien passé;
Puis apres avoir sur l'herbette
Essuyé sa joli serpette,
Et retourné fort à propos
Ses habits, de peur des Prevosts,
Vers l'Olimpe ses chausses tire,
Si soudain, que le pauvre Sire
N'auroit sceu, si bien émouché,
L'attraper pour une Duché,
Ny pas mesme pour un Empire;
Vraiment il n'a pas dequoi rire,
Il en tient dedans le chignon,
Et cette braguarde Junon
Qui dans le Ciel fait tant la Dame,
N'a pas sceu defendre sa trame
De la fiere soeur de Cloton;
Il est és manoirs de Pluton,
Où l'on lui chante bien sa game,
Dont Junon pleure dans son ame;
Mais bonnes gens, qu'y feroit-on?
Lors voyant ladite Junon
Que son Barbier n'a point d'emplastre
Pour son Pasteur plus froid que plastre;
Pour ne laisser pas sans honneur
Apres sa mort si bon Pasteur,
Elle ramasse les prunelles
De ses yeux jadis si fidelles,
Et pour glorieux monument
Les fiche au pul tout justement
Des Pans qui portent sa littiere,
Où pour n'estre pris par derriere;
Ils observent diligemment
De quel costé viendra le vent.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
IO FURIEUSE ET REMISE EN SA PREMIERE FORME.FABLE IX.
IO FURIEUSE ET REMISE EN SA PREMIERE FORME.
FABLE IX.
POURTANT Junon dans son courage
Ne peut dissimuler l'outrage
Que l'on a fait à son Berger;
Elle desire s'en vanger;
Et dés l'heure mesme en personne
Court au Palais de Tisiphone,
Commander tous les Astarots,
Les Griboüillis, les Faribrots,
Et plus de trois cens trente pipes
De Diables tres-frians des tripes,
D'entrer dans les petits boyaux
D'Io la Mere aux Jupineaux.
À peine avoient-ils leur entrée
Faite, qu'Io de rage outrée,
Par cent Fantosmes furieux,
Donne au Diable Diables et Dieux,
Avecque toute la portée.
Si bien que de rage emportée,
Apres avoir autant couru
Quatre fois qu'un Moyne bouru;
Toute lasse enfin elle arrive,
Plus pâle et plus morte que vive,
Sur le beau rivage du Nil,
Pere de maint beau Crocodil,
Où n'osant se mettre à la nage,
D'autant que forte et fine rage
Ne daigne sa patte moüiller,
Contrainte est de s'agenoüiller,
Et par un accent lamentable
Essayer de rendre ployable
Celuy qui sans la supplier
L'avoit bien sceu faire plier;
Lequel non sans douleur amere,
Voyant à quel poinct de misere
Son pauvre cas avoit reduit,
Un petit moment de déduit,
Il en versa bien tant de larmes,
Dit on, que sans deux Peres Carmes
Venus à poinct pour le garder,
On croit qu'il s'alloit poignarder;
Mais il fit bien mieux pour sa Dame
De flechir le coeur de sa femme,
Qu'en ces mots il aborde ainst.
Mon coeur, mon ame, mon soucy,
Ma mie, ma mitte, ma mouffle,
Mon petit soulier, ma pantouffle,
Mon petit Ange, ma Guenon,
Ma petite femme Junon,
De grace, ma fille tres-chere,
Un peu de treve à ta colere;
Io pour un petit lardon
N'est pas moins digne de pardon,
À tout peché misericorde,
Bien que larron merite corde,
De corde échappe maint larron:
Il est vray, j'ay rotty marron,
Beu deux coups, et graisse sa coine,
J'en ay bien merité le moine,
L'anguillade et le morion;
Mais si mon pauvre croupion
Par fragilité de nature
A commis quelque forfaiture,
J'en suis tant de corps que d'esprit,
Bien repentant et bien contrit:
Parquoy Junon je te conjure
Luy pardonner, et je te jure
Foy de Jupin, qui point ne ment,
De la ficher dans un Couvent.
Ne te mets en peine du reste;
Car derechef je te proteste
Que je consens d'estre bouclé
D'un instrument fermant à clé,
Comme Vulcan fit à Citerre;
Si jamais à d'autre Escholiere
Qu'à toy je montre enguilminé
Le Droict, ou que je sois damné.
Ce dit, tous deux par saincte Barbe
Se mirent barbe contre barbe,
Et comme c'estoit bien raison,
Firent la paix de la maison,
Dont Junon resta si contente,
Qu'elle accorde à la suppliante
L'honneur de son premier Estat,
À condition que le Chat
N'iroit jamais plus au fromage.
Adonc avec son beau visage
Elle reprend son teint de lys,
Ses pieds, ses mains, et ses habits,
Ne trouvant de son equipage
À dire, fors son pucelage,
Sont beaucoup ne se tourmenta:
Ainsi le beau Juppin qui la
Voit dessus le bord de la Prée
Ennabucodonosordée,
Encor sur le bord du Nil la
Denabucodonosorda,
L'ayant fait de Nymphe sauvage,
Une Deesse à triple étage,
À triple feste, à triple Autel,
Qu'adore depuis maint mortel,
Avec Encensoir et Bougie
Dedans la Mesopotamie,
En l'honneur d'avoir stipulé
Et fort sainctement copulé
Avec un si puissant Monarque;
En cet affaire l'on remarque
Qu'elle n'avoit rien dérobé,
Est il pas vray? dites . . . .
Source: http://www.poesies.net
FABLE IX.
POURTANT Junon dans son courage
Ne peut dissimuler l'outrage
Que l'on a fait à son Berger;
Elle desire s'en vanger;
Et dés l'heure mesme en personne
Court au Palais de Tisiphone,
Commander tous les Astarots,
Les Griboüillis, les Faribrots,
Et plus de trois cens trente pipes
De Diables tres-frians des tripes,
D'entrer dans les petits boyaux
D'Io la Mere aux Jupineaux.
À peine avoient-ils leur entrée
Faite, qu'Io de rage outrée,
Par cent Fantosmes furieux,
Donne au Diable Diables et Dieux,
Avecque toute la portée.
Si bien que de rage emportée,
Apres avoir autant couru
Quatre fois qu'un Moyne bouru;
Toute lasse enfin elle arrive,
Plus pâle et plus morte que vive,
Sur le beau rivage du Nil,
Pere de maint beau Crocodil,
Où n'osant se mettre à la nage,
D'autant que forte et fine rage
Ne daigne sa patte moüiller,
Contrainte est de s'agenoüiller,
Et par un accent lamentable
Essayer de rendre ployable
Celuy qui sans la supplier
L'avoit bien sceu faire plier;
Lequel non sans douleur amere,
Voyant à quel poinct de misere
Son pauvre cas avoit reduit,
Un petit moment de déduit,
Il en versa bien tant de larmes,
Dit on, que sans deux Peres Carmes
Venus à poinct pour le garder,
On croit qu'il s'alloit poignarder;
Mais il fit bien mieux pour sa Dame
De flechir le coeur de sa femme,
Qu'en ces mots il aborde ainst.
Mon coeur, mon ame, mon soucy,
Ma mie, ma mitte, ma mouffle,
Mon petit soulier, ma pantouffle,
Mon petit Ange, ma Guenon,
Ma petite femme Junon,
De grace, ma fille tres-chere,
Un peu de treve à ta colere;
Io pour un petit lardon
N'est pas moins digne de pardon,
À tout peché misericorde,
Bien que larron merite corde,
De corde échappe maint larron:
Il est vray, j'ay rotty marron,
Beu deux coups, et graisse sa coine,
J'en ay bien merité le moine,
L'anguillade et le morion;
Mais si mon pauvre croupion
Par fragilité de nature
A commis quelque forfaiture,
J'en suis tant de corps que d'esprit,
Bien repentant et bien contrit:
Parquoy Junon je te conjure
Luy pardonner, et je te jure
Foy de Jupin, qui point ne ment,
De la ficher dans un Couvent.
Ne te mets en peine du reste;
Car derechef je te proteste
Que je consens d'estre bouclé
D'un instrument fermant à clé,
Comme Vulcan fit à Citerre;
Si jamais à d'autre Escholiere
Qu'à toy je montre enguilminé
Le Droict, ou que je sois damné.
Ce dit, tous deux par saincte Barbe
Se mirent barbe contre barbe,
Et comme c'estoit bien raison,
Firent la paix de la maison,
Dont Junon resta si contente,
Qu'elle accorde à la suppliante
L'honneur de son premier Estat,
À condition que le Chat
N'iroit jamais plus au fromage.
Adonc avec son beau visage
Elle reprend son teint de lys,
Ses pieds, ses mains, et ses habits,
Ne trouvant de son equipage
À dire, fors son pucelage,
Sont beaucoup ne se tourmenta:
Ainsi le beau Juppin qui la
Voit dessus le bord de la Prée
Ennabucodonosordée,
Encor sur le bord du Nil la
Denabucodonosorda,
L'ayant fait de Nymphe sauvage,
Une Deesse à triple étage,
À triple feste, à triple Autel,
Qu'adore depuis maint mortel,
Avec Encensoir et Bougie
Dedans la Mesopotamie,
En l'honneur d'avoir stipulé
Et fort sainctement copulé
Avec un si puissant Monarque;
En cet affaire l'on remarque
Qu'elle n'avoit rien dérobé,
Est il pas vray? dites . . . .
Source: http://www.poesies.net
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
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