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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT - Page 2 Empty Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT

Message par julien Lun 26 Avr - 7:32

Rappel du premier message :


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Assis sur un fagot, une pipe à la main



Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés vers terre, et l'âme mutinée,
Je songe aux crautés de mon sort inhumain.

L'espoir qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gagner temps sur ma peine obstinée,
Et me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu'un Empereur Romain.

Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu'en mon premier estat il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :

Non, je ne trouve point beaucoup de différence
De prendre du tabac à vivre d'espérance,
Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:44


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le poète crotté



(extraits)

... Lors que ce chardon de Parnasse
Ce vain épouvantail de chasse
Ce Pot-pourri d'étranges moeurs,
Ce moine bourru des rimeurs,
Ce chaland de vieille tripière,
Ce faquin orné de rapière,
Cet esprit chaussé de travers,
Ce petit fagoteur de vers,
Vit sa pauvre muse chifflée
Et son espérance befflée
Après avoir été vingt ans
Un des plus parfaits sots du temps
Et sêtre vu, par son mérite
Fou de la reine Marguerite
Qui l'estimait, Dieu sait combien !
C'est-à-dire autant comme rien.
A la fin, saoul de chiquenaudes,
De taloches, de gringuenaudes
D'ardentes mouches sur l'orteil,
De camouflets dans le sommeil,
De pets en coque à la moustache,
De papiers qu'au dos on attache ;
D'enfler même pour les laquais,
De bernements, de sobriquets,
De coups d'épingle dans les fesses
Et de plusieurs autres caresses
Que dans le Louvre on lui faisait
Quand son diable l'y conduisait,
Il lui prit, quoi que tard, envie
D'aller ailleurs passer sa vie
Et, laissant Paris en ce lieu,
Lui dire pour jamais adieu.

... Son pourpoint, sous qui maint pou gronde,
Montrait les dents à tout le monde,
Non de fierté mais de douleur
De perdre et matière et couleur.
Il fut jadis d'un drap minime ;
Mais qu'est-ce que le temps ne lime
Le pauvre diable a fait son cours :
Autant puissent durer mes jours.
La moitié d'une peccadille
Sur qui sa crinière pendille
Affreuse et sentant le sabat,
Lui servait au lieu de rabat.
Des grègues d'un faux satin jaune,
D'un côté trop longues d'une aune
Et de l'autre à bouillon troussé,
Reliques d'un ballet dansé,
Qu'un galant coiffé d'une dame
Lui donna pour son anagramme
Avec un demi-quart d'écu,
Enharnachaient son chien de pul.
Un rocquet de bourraccan rouge
Qui jamais de son dos ne bouge
L'affublait, quoiqu'il fût hiver
Et qu'il fût rongé de maint ver.

... Au moins, ô ma chère Sybile
N'aye la mémoire labile
Remembre-toi de ton côté
De ton pauvre rimeur crotté
Et du mien j'aurai pour hôtesse
Dans le chef ma haute poétesse
Dont les écrits, comme mes vers,
Sont les torches de l'univers ;
Remembre-toi des sérénades
Qu'en mes nocturnes promenades,
Accompagné d'un vielleur
Aveugle, afin que déceleur
De nos amours il ne pût être,
Discrétion qui reconnaître
Se doit bien, je t'ai si souvent
Donnée, à la pluie et au vent ;
Remémore-toi davantage
Que, quoi qu'en douzième étage
Tu te gîtes proche du ciel,
Et c'est pourquoi, mon tout, mon miel,
Ci-devant, haute t'ai nommée,
Toutefois d'une âme charmée,
N'ai pas laissé grimpant en ours,
De te visiter tous les jours.

julien

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Message par julien Lun 26 Avr - 7:44

Le paresseux


Accablé de paresse et de mélancolie,
Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté,
Ou comme un Don Quichotte en sa morne folie.

Là, sans me soucier des guerres d'Italie,
Du comte Palatin, ni de sa royauté,
Je consacre un bel hymne à cette oisiveté
Où mon âme en langueur est comme ensevelie.

Je trouve ce plaisir si doux et si charmant,
Que je crois que les biens me viendront en dormant,
Puisque je vois déjà s'en enfler ma bedaine,

Et hais tant le travail, que, les yeux entrouverts,
Une main hors des draps, cher Baudoin, à peine
Ai-je pu me résoudre à t'écrire ces vers.
julien
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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT - Page 2 Empty Le melon

Message par julien Lun 26 Avr - 7:45


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le melon



(extraits)

Quelle odeur sens-je en cette chambre ?
Quel doux parfum de musc et d'ambre
Me vient le cerveau réjouir
Et tout le coeur épanouir ?
Ha ! bon Dieu ! j'en tombe en extase :
Ces belles fleurs qui, dans ce vase,
Parent le haut de ce buffet,
Feraient-elles bien cet effet ?
A-t-on brûlé de la pastille ?
N'est-ce point ce vin qui pétille
Dans le cristal, que l'art humain
A fait pour couronner la main
Et d'où sort, quand on en veut boire,
Un air de framboise à la gloire
Du bon terroir qui l'a porté
Pour notre éternelle santé ?

Non, ce n'est rien d'entre ces choses,
Mon penser, que tu me proposes.
Qu'est-ce donc ? je l'ai découvert
Dans ce panier rempli de vert :
C'est un MELON, où la nature,
Par une admirable structure,
A voulu graver à l'entour
Mille plaisants chiffres d'amour,
Pour claire marque à tout le monde
Que, d'une amitié sans seconde,
Elle chérit ce doux manger
Et que, d'un souci ménager,
Travaillant aux biens de la terre,
Dans ce beau fruit seul elle enserre
Toutes les aimables vertus
Dont les autres sont revêtus.

... Ha ! Soutenez-moi, je me pâme,
Ce morceau me chatouille l'âme ;
Il rend une douce liqueur
Qui me va confire le coeur ;
Mon appétit se rassasie
De pure et nouvelle ambroisie,
Et mes sens, par le goût séduits,
Au nombre d'un sont tous réduits.

Non, le cocos, fruit délectable
Qui lui tout seul fournit la table
De tous les mets que le désir
Puisse imaginer et choisir,
Ni les baisers d'une maîtresse
Quand elle-même nous caresse,
Ni ce qu'on tire des roseaux
Que Crète nourrit dans ses eaux,
Ni le cher abricot que j'aime,
Ni la fraise avecque la crème,
Ni la manne qui vient du ciel,
Ni le pur aliment du miel,
Ni la poire de Tours sacrée,
Ni la verte figue sucrée,
Ni la prune au jus délicat,
Ni même le raisin muscat
(Parole pour moi bien étrange),
Ne sont qu'amertume et que fange
Au prix de ce MELON divin,
Honneur du climat angevin.

... Ô manger précieux ! Délices de la bouche !
Ô doux reptile herbu, rampant sur une couche !
Ô beaucoup mieux que l'or, chef-d'oeuvre d'Apollon !
Ô fleur de tous les fruits ! Ô ravissant MELON !
Les hommes de la Cour seront gens de parole,
Les b... de Rouen seront francs de vérole,
Sans vermine et sans gale on verra les pédants,
Les preneurs de pétun auront de belles dents,
Les femmes des badauds ne seront plus coquettes,
Les corps pleins de santé se plairont aux cliquettes,
Les amoureux transis ne seront plus jaloux,
Les paisibles bourgeois hanteront les filous,
Les meilleurs cabarets deviendront solitaires,
Les chantres du Pont-neuf diront de hauts mystères,
Les pauvres quinze-vingt vaudront trois cents Argus,
Les esprits doux du temps paraîtront fort aigus,
Maillet fera des vers aussi bien que Malherbe,
Je haïrai Faret, qui se rendra superbe,
Pour amasser des biens, avare je serai,
Pour devenir plus grand, mon coeur j'abaisserai.
Bref, Ô MELON succrin, pour t'accabler de gloire,
Des faveurs de Margot je perdrai la mémoire.
Avant que je t'oublie et que ton goût charmant
Soit biffé des cahiers du bon gros SAINT-AMANT.
julien
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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT - Page 2 Empty Le fromage

Message par julien Lun 26 Avr - 7:45


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le fromage



Assis sur le bord d'un chantier
Avec des gens de mon métier,
C'est-à-dire avec une troupe
Qui ne jure que par la coupe,
Je m'écrie, en lâchant un rot :
Béni soit l'excellent Bilot !
Il nous a donné un fromage
A qui l'on doit bien rendre hommage.
Ô Dieu ! quel manger précieux !
Quel goût rare et délicieux !
Qu'au prix de lui ma fantaisie
Incague la sainte Ambroisie !
Ô doux Cotignac de Bacchus !
Fromage, que tu vaux d'écus !
Je veux que ta seule mémoire
Me provoque à jamais à boire.

A genoux, enfants débauchés,
Chers confidents de mes péchés,
Sus ! qu'à pleins gosiers on s'écrie
Béni soit le terroir de Brie ;
Béni soit son plaisant aspect,
Qu'on n'en parle qu'avec respect,
Que ses fertiles pâturages
Soient à jamais exempts d'orages ;
Que Flore avec ses beaux atours,
Exerçant mille amoureux tours
Sur une immortelle verdure,
Malgré la barbare froidure
Au visage morne et glacé,
Y tienne à jamais enlacé
Entre ses bras plus blancs qu'albâtre
Le gai printemps qui l'idolâtre ?

Que, comme autrefois, Apollon
Délaisse torche et violon,
Et s'en vienne dans ces prairies
Dans ces grandes plaines fleuries,
Garder en guise de vacher
Un troupeau qui nous est si cher
Et dont la mammelle féconde
Fournit du lait à tout le monde.
Mais je veux l'encharger aussi
Qu'il s'en prenne plus de souci,
Il faut qu'un jour il s'y remette,
Qu'il ne fit de celui d'Admette
Lors que le patron des matois,
Portant cinq crocs au lieu de doigts,
Qui faisaient le saut de la carpe
Joua sur ses boeufs de la harpe,
Et le laissa sous un ormeau
Flûter son saoul d'un chalumeau
Que jadis l'amoureux martyre
Fit entonner au grand satyre. [...]
julien
julien

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT - Page 2 Empty La solitude

Message par julien Lun 26 Avr - 7:46


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La solitude



(extrait)

O ! que j'aime la solitude !
Que ces lieux sacrés à la nuit,
Eloignés du monde et du bruit,
Plaisent à mon inquiétude !
Mon Dieu! Que mes yeux sont contents
De voir ces bois qui se trouvèrent
A la nativité du temps,
Et que tous les Siècles révèrent,
Etre encore aussi beaux et verts,
Qu'aux premiers jours de l'Univers !

Un gai zéphyr les caresse
D'un mouvement doux et flatteur.
Rien que leur extrême hauteur
Ne fait remarquer leur vieillesse.
Jadis Pan et ses demi-dieux
Y vinrent chercher du refuge,
Quand Jupiter ouvrit les cieux
Pour nous envoyer le Déluge,
Et se sauvant sur leurs rameaux,
A peine virent-ils les eaux.

Que sur cette épine fleurie,
Dont le printemps est amoureux,
Philomèle au chant langoureux
Entretient bien ma rêverie !
Que je prends de plaisir à voir
Ces monts pendants en précipices,
Qui, pour les coups du désespoir
Sont aux malheureux si propices,
Quand la cruauté de leur sort,
Les force à rechercher la mort !

Que je trouve doux le ravage
De ces fiers torrents vagabonds,
Qui se précipitent par bonds
Dans ce vallon frais et sauvage !
Puis glissant sous les arbrisseaux,
Ainsi que des serpents sur l'herbe,
Se changent en plaisants ruisseaux,
Où quelque Naïade superbe
Règne comme en son lit natal,
Dessus un trône de cristal !

Que j'aime ce marais paisible !
Il est tout bordé d'alisiers,
D'aulnes, de saules et d'osiers,
A qui le fer n'est point nuisible.
Les Nymphes y cherchant le frais,
S'y viennent fournir de quenouilles,
De pipeaux, de joncs et de glais ;
Où l'on voit sauter les grenouilles,
Qui de frayeur s'y vont cacher
Sitôt qu'on veut s'en approcher.

Là, cent mille oiseaux aquatiques
Vivent, sans craindre en leur repos,
Le giboyeur fin et dispos,
Avec ses mortelles pratiques,
L'un, tout joyeux d'un si beau jour,
S'amuse à becqueter sa plume ;
L'autre alentit le feu d'amour
Qui dans l'eau même se consume,
Et prennent tout innocemment
Leur plaisir en cet élément.

Jamais l'été, ni la froidure
N'ont vu passer dessus cette eau
Nulle charrette ni bateau,
Depuis que l'un et l'autre dure ;
Jamais voyageur altéré
N'y fit servir sa main de tasse ;
Jamais chevreuil désespéré
N'y finit sa vie à la chasse ;
Et jamais le traître hameçon
N'en fit sortir aucun poisson.

Que j'aime à voir la décadence
De ces vieux châteaux ruinés,
Contre qui les ans mutinés
Ont déployé leur insolence !
Les sorciers y font leur sabbat ;
Les démons follets s'y retirent,
Qui d'un malicieux ébat
Trompent nos sens et nous martyrent ;
Là se nichent en mille trous
Les couleuvres et les hiboux.

L'orfraie, avec ses cris funèbres,
Mortels augures des destins,
Fait rire et danser les lutins
Dans ces lieux remplis de ténèbres.
Sous un chevron de bois maudit
Y branle le squelette horrible
D'un pauvre amant qui se pendit
Pour une bergère insensible,
Qui d'un seul regard de pitié
Ne daigna voir son amitié.

Aussi le Ciel juge équitable,
Qui maintient les lois en vigueur,
Prononça contre sa rigueur
Une sentence épouvantable :
Autour de ces vieux ossements
Son ombre, aux peines condamnée,
Lamente en longs gémissements
Sa malheureuse destinée,
Ayant pour croître son effroi
Toujours son crime devant soi.

Là, se trouvent sur quelques marbres
Des devises du temps passé ;
Ici, l'âge a presque effacé
Des chiffres taillés sur les arbres ;
Le plancher du lieu le plus haut
Est tombé jusque dans la cave,
Que la limace et le crapaud
Souillent de venin et de bave ;
Le lierre y croît au foyer,
A l'ombrage d'un grand noyer.

Là dessous s'étend une voûte
Si sombre en un certain endroit,
Que, quand Phébus y descendrait,
Je pense qu'il n'y verrait goutte ;
Le sommeil aux pesants sourcils,
Enchanté d'un morne silence,
Y dort, bien loin de tous soucis,
Dans les bras de la Nonchalance,
Lâchement couché sur le dos
Dessus des gerbes de pavots.

Au creux de cette grotte fraîche
Où l'Amour se pourrait geler,
Écho ne cesse de brûler
Pour son amant froid et revêche ;
Je m'y coule sans faire bruit,
Et par la céleste harmonie
D'un doux luth, aux charmes instruit,
Je flatte sa triste manie,
Faisant répéter mes accords
A la voix qui lui sert de corps.

Tantôt, sortant de ces ruines,
Je monte au haut de ce rocher,
Dont le sommet semble chercher
En quel lieu se font les bruines ;
Puis je descends tout à loisir,
Sous une falaise escarpée,
D'où je regarde avec plaisir
L'onde qui l'a presque sapée
Jusqu'au siège de Palemon,
Fait d'éponges et de limon.

Que c'est une chose agréable
D'être sur le bord de la mer,
Quand elle vient à se calmer
Après quelque orage effroyable !
Et que les chevelus Tritons,
Hauts, sur les vagues secouées,
Frappent les airs d'étranges tons
Avec leurs trompes enrouées,
Dont l'éclat rend respectueux
Les vents les plus impétueux.

Tantôt l'onde, brouillant l'arène,
Murmure et frémit de courroux,
Se roulant dessus les cailloux
Qu'elle apporte et qu'elle r'entraîne.
Tantôt, elle étale en ses bords,
Que l'ire de Neptune outrage,
Des gens noyés, des monstres morts,
Des vaisseaux brisés du naufrage,
Des diamants, de l'ambre gris,
Et mille autres choses de prix.

Tantôt, la plus claire du monde,
Elle semble un miroir flottant,
Et nous représente à l'instant
Encore d'autres cieux sous l'onde.
Le soleil s'y fait si bien voir,
Y contemplant son beau visage,
Qu'on est quelque temps à savoir
Si c'est lui-même, ou son image,
Et d'abord il semble à nos yeux
Qu'il s'est laissé tomber des cieux.
...
julien
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