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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT

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Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT Empty Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT

Message par julien Lun 26 Avr - 7:32


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Assis sur un fagot, une pipe à la main



Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés vers terre, et l'âme mutinée,
Je songe aux crautés de mon sort inhumain.

L'espoir qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gagner temps sur ma peine obstinée,
Et me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu'un Empereur Romain.

Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu'en mon premier estat il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :

Non, je ne trouve point beaucoup de différence
De prendre du tabac à vivre d'espérance,
Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:33


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Fagoté plaisamment comme un vrai Simonnet



Fagoté plaisamment comme un vrai Simonnet,
Pied chaussé, l'autre nu, main au nez, l'autre en poche,
J'arpente un vieux grenier, portant sur ma caboche
Un coffin de Hollande en guise de bonnet.

Là, faisant quelque fois le saut du sansonnet,
Et dandinant du pul comme un sonneur de cloche,
Je m'égueule de rire, écrivant d'une broche
En mots de Pathelin ce grotesque sonnet.

Mes esprits, à cheval sur des coquecigrues,
Ainsi que papillons s'envolent dans les nues,
Y cherchant quelque fin qu'on ne puisse trouver.

Nargue : c'est trop rêver, c'est trop ronger ses ongles ;
Si quelqu'un sait la rime, il peut bien l'achever.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:33


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Je viens de recevoir une belle missive



Je viens de recevoir une belle missive
De la nymphe qui prit mon âme au trébuchet,
Et qui, scellant mon coeur de son divin cachet,
Y voulut imprimer son image lascive.

Il me fâche déjà que cette heure n'arrive
Où je dois embrasser sa taille de brochet,
Et jamais vérolé, tapi dessous l'archet,
En suant ne trouva l'horloge si tardive.

Phébus, va-t'en souler tes paillards appétits
Dans les bras amoureux de la belle Thétis :
Elle se plaint qu'au ciel trop longtemps tu demeures.

Nuit, couvre l'univers de ton noir balandran,
Et puisque j'ai le mot justement à six heures,
Amour, conduis l'aiguille au milieu du cadran.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:34


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

L'Amarante



... J'ai vu ses beaux cheveux blonds, charme des regards,
Sous l'ivoire d'un peigne alentour d'elle épars,
Représenter au vrai le Pactole en sa source,
Qui d'un haut marbre blanc faisant naître sa course,
Tombe à gros bouillons d'or, et loin de soi s'enfuit,
Excepté qu'en leur chute ils ne font point de bruit.
C'est ainsi qu'au matin l'Aurore échevelée
Vient annoncer le jour sur la voûte étoilée ;
C'est ainsi que Diane autrefois apparut
Aux yeux de l'indiscret qui son ire encourut,
Quand, surprise dans l'eau, sa main aussitôt prête
De cacher son beau corps avec sa propre tête
Lui construisit en hâte un voile flamboyant
Des vifs et longs rayons de son poil ondoyant,
Et voulut que son soin obtïnt le privilège
De pouvoir par du feu conserver de la neige.

Je l'ai vue en maint lieu pour le bal ordonné,
De cristaux suspendus richement couronné,
Ou plutôt de glaçons d'où s'exhalaient des flammes,
Gagner d'un seul regard les plus superbes âmes,
Ternir les diamants que le luxe y portait,
Éblouir les flambeaux dont la salle éclatait,
Et former de ses pieds de si nombreux mystères,
De si beaux entrelacs, de si doux caractères,
Tracés avec tant d'art pour enchanter les dieux
Et pour tirer à soi les esprits par les yeux,
Que les chiffres sacrés de l'obscure magie
Pour forcer les démons ont bien moins d'énergie.

J'ai vu les beaux trésors de ses deux monts de lait
S'enfler aimablement sous un jaloux collet,
Qui fâché que leur teint rende sa blancheur noire
Tâche au moins d'en couvrir la moitié de sa gloire.
Mais pour être trop fin il n'en sait rien cacher,
Il trahit ce qu'il baise, et ne peut empêcher
Qu'au travers des devants dont l'oeil perce l'obstacle
L'on ne jouisse à plein d'un si rare spectacle.
...
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:34


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

L'automne des Canaries



Voycy les seuls côtaux, voycy les seuls valons
Où Bacchus et Pomone ont estably leur gloire ;
Jamais le riche honneur de ce beau territoire
Ne ressentit l'effort des rudes aquilons.

Les figues, les muscas, les pesches, les melons
Y couronnent ce dieu qui se delecte à boire
Et les nobles palmiers, sacrez à la victoire,
S'y courbent sous des fruits qu'au miel nous esgalons.

Les cannes au doux suc, non dans les marescages,
Mais sur des flancs de roche, y forment des boccages
Dont l'or plein d'ambroisie eclatte et monte aux cieux.

L'orange en mesme jour y meurit et boutonne,
Et durant tous les mois on peut voir en ces lieux
Le printemps et l'esté confondus en l'autonne.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:35


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

L'esté de Rome


Quelle estrange chaleur nous vient icy brusler ?
Sommes-nous transportez sous la zone torride,
Ou quelque autre imprudent a-t-il lasché la bride
Aux lumineux chevaux qu'on voit estinceler ?

La terre, en ce climat, contrainte à pantheler,
Sous l'ardeur des rayons s'entre-fend et se ride ;
Et tout le champ romain n'est plus qu'un sable aride
D'où nulle fresche humeur ne se peut exhaler.

Les furieux regards de l'aspre canicule
Forcent mesme le Tybre à perir comme Hercule,
Dessous l'ombrage sec des joncs et des roseaux.

Sa qualité de dieu ne l'en sçauroit deffendre,
Et le vase natal d'où s'écoulent ses eaux,
Sera l'urne funeste où l'on mettra sa cendre.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:35


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

L'hyver des Alpes



Ces atomes de feu qui sur la neige brillent,
Ces estincelles d'or, d'azur et de cristal
Dont l'hyver, au soleil, d'un lustre oriental
Pare ses cheveux blancs que les vents esparpillent ;

Ce beau cotton du ciel dequoy les monts s'habillent,
Ce pavé transparant fait du second metal,
Et cet air net et sain, propre à l'esprit vital,
Sont si doux à mes yeux que d'aise ils en petillent.

Cette saison me plaist, j'en ayme la froideur ;
Sa robbe d'innocence et de pure candeur
Couvre en quelque façon les crimes de la terre.

Aussi l'Olympien la void d'un front humain ;
Sa collere l'espargne, et jamais le tonnerre
Pour desoler ses jours ne partit de sa main.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:35


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La débauche



(extrait)

Bacchus ! qui vois notre débauche,
Par ton saint portrait que j'ébauche
En m'enluminant le museau
De ce trait que je bois sans eau ;
Par ta couronne de lierre,
Par la splendeur de ce grand verre,
Par ton thyrse tant redouté,
Par ton éternelle santé,
Par l'honneur de tes belles fêtes,
Par tes innombrables conquêtes,
Par les coups non donnés, mais bus,
Par tes glorieux attributs,
Par les hurlements des Ménades,
Par le haut goût des carbonnades,
Par tes couleurs blanc et clairet,
Par le plus fameux cabaret,
Par le doux chant de tes orgies,
Par l'éclat des trognes rougies,
Par table ouverte à tout venant,
Par les fins mors de ta cabale,
Par le tambour et la cymbale,
Par tes cloches qui sont des pots,
Par tes soupirs qui sont des rots,
Par tes hauts et sacrés mystères,
Par tes furieuses panthères,
Par ce lieu si frais et si doux,
Par ton bouc, paillard comme nous,
Par ta grosse garce Ariane,
Par le vieillard monté sur l'âne,
Par les satyres, tes cousins,
Par la fleur des plus beaux raisins,
Par ces bisques si renommées,
Par ces langues de boeuf fumées,
Par ce tabac, ton seul encens,
Par tous les plaisirs innocents,
Par ce jambon couvert d'épice,
Par ce long pendant de saucisse,
Par la majesté de ce broc,
Par masse, tope, cric et croc,
Par cette olive que je mange,
Par ce gai passeport d'orange,
Par ce vieux fromage pourri,
Bref par Gillot, ton favori,
Reçois-nous dans l'heureuse troupe,
Des francs chevaliers de la coupe,
Et, pour te montrer tout divin,
Ne la laisse jamais sans vin.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:36


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La Généreuse



(Extraits)

Pendant que mon auguste reine
Résiste aux outrages du sort,
Muse, pour un dernier effort,
Chantons sa gloire dans sa peine.
Employons aujourd'hui, mais d'un air de grandeur,
Un noble et saint reste d'ardeur
Qui nous purge d'ingratitude
Et comme fait ce bois où je fais mon étude,
Accordons l'ombre et la splendeur.

... Il faut que le siècle confesse
Que Louise en fait l'ornement
Et que son rare jugement
Est le trône de la sagesse.
J'admire de sa vie et le lustre et l'odeur ;
J'admire la sainte froideur
Qui de l'éloge la détache ;
Mais j'admire surtout que, lorsqu'elle se cache,
C'est lors qu'on voit mieux sa splendeur.

Arrière, cette fausse gloire
Dont se prévalait le Païen ;
Toute sa vertu n'était rien
Qu'un vain désir de la mémoire.
Je n'y vois qu'amour-propre et qu'ostentation ;
L'idole de l'ambition
Trouvait en son coeur sa victime
Et sans aller plus haut, le seul but de l'estime
Le disposait à l'action.

L'homme n'est point fait pour la terre ;
Bien qu'il en soit fait et sorti
Et qu'il doive être converti
En cent substances qu'elle enserre.
Il est né pour les cieux, il doit y aspirer ;
Nul vivant ne peut l'ignorer
S'il sait d'où son âme dérive
S'il ne le connaît pas, quoiqu'on pense qu'il vive,
C'est un vrai mort à déplorer.

Dieu ne veut l'homme que pour l'âme,
L'âme que pour la volonté,
Il faut que sa seule bonté
L'émeuve, la touche et l'enflamme.
Enfin, il ne demande, à qui respire au jour,
La volonté que pour l'amour,
L'amour que, pour l'honneur suprême,
Que tout ange lui rend, qui n'est dû qu'à lui-même,
Et que couronne un si beau tour.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:36


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La naissance de Pantagruel



Le jour que je naquis on vit pleuvoir du sel ;
Le soleil, en faisant son tour universel,
De la soif qu'il souffrit but quasi toute l'onde,
Et pensa d'un seul trait avaler tout le monde.
De là sont provenus tant d'abîmes sans eaux,
De là sont dérivés tant de rouges museaux,
Qui d'un gosier ardent, que rien ne désaltère,
S'occupent sans relâche au bacchique mystère ;
L'air, beaucoup plus en feu qu'au temps de Phaëton,
En cracha sur sa barbe aussi blanc que coton,
Et la nuit de devant on vit avec merveille
Briller une comète en forme de bouteille,
Pour présage certain, non de mortalité,
Comme les autres sont, mais de pleine santé :
J'entends de ces santés que l'on fait à la table,
Et par qui l'homme est dit animal raisonnable.
Ce beau mignon Troyen, ce sommelier des dieux,
Avec la jeune Hébé, versant à qui mieux mieux,
Se lassèrent les bras à leur emplir la coupe,
Et Jupiter en fut ivre comme une soupe.
Le grand mâtin céleste en devint enragé,
Le sucre de Madère en poivre fut changé,
Les gigots de mouton en jambons de Mayence ;
La terre eut le hoquet : elle en cria vengeance,
Et la nature même, en ardeur s'exaltant
Se vit prête à mourir de la mort de Roland ;
Si bien qu'à mon exemple, ainsi que dit l'histoire,
Partout à gueule ouverte on demandait à boire,
A BOIRE ! A BOIRE !
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:37


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La plainte de Tirsis



Dans l'horreur d'un bois solitaire
Où malgré l'oeil du jour règne en tout temps la nuit,
Tirsis, loin du monde qu'il fuit,
Ne pouvant plus se taire,
Chantait en pleurs le doux et triste sort
Qui le livre à la mort.

C'est donc une chose arrêtée
(Disait ce pauvre amant, plein d'ardeur et de foi)
Que je souffre à jamais pour toi,
Cruelle Pasithée ?
Et que ton coeur, au lieu d'en soupirer,
Feigne de l'ignorer ?

Tes beaux yeux, les rois de mon âme,
Après m'avoir soumis à leur divin pouvoir,
Feront semblant de ne point voir
Ma vive et pure flamme ?
Et ton oreille entendra sans pitié
Gémir mon amitié ?

Ah! rigueur trop longue et trop dure !
C'en est fait, je me rends à ta fière merci.
En vain ces houx flattent ici
Mes maux de leur verdure :
Il faut périr ; Amour ne m'offre en eux
Qu'un espoir épineux.

Comme il achevait cette plainte,
Un long cri de hibou, douloureux et tremblant,
D'un mortel effort l'accablant,
Le fit pâlir de crainte ;
Et maint aspic sifflant autour de lui
Redoubla son ennui.

Un ruisseau plein d'inquiétude,
Murmurant sur le dos d'un âpre et vieux rocher
Du mal qu'il avait à marcher
En un chemin si rude,
Représentait le lamentable cours
De ses pénibles jours.

Le tronc noir et sec d'un érable,
Par le courroux du ciel foudroyé depuis peu,
Ne lui présageait en son feu
Qu'une fin misérable :
Tous les objets y semblaient conspirer,
Et lui la désirer.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:37


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La pluie



Enfin la haute Providence
Qui gouverne à son gré le temps,
Travaillant à notre abondance
Rendra les laboureurs contents :
Sus ! que tout le monde s'enfuie,
Je vois de loin venir la pluie,
Le ciel est noir de bout en bout
Et ses influences bénignes
Vont tant verser d'eau sur les vignes
Que nous n'en boirons point du tout.

L'ardeur grillait toutes les herbes,
Et tel les voyait consumer
Qui n'eût pas cru tirer des gerbes
Assez de grain pour en semer.
Bref, la terre, en cette contrée,
D'une béante soif outrée,
N'avait souffert rien de pareil
Depuis qu'une audace trop vaine
Porta le beau fils de Climène
Sur le brillant char du soleil.

Mais les dieux mettant bas les armes
Que leur font prendre nos péchés,
Veulent témoigner par des larmes
Que les nôtres les ont touchés :
Déjà, l'humide Iris étale
Son beau demi-cercle d'opale
Dedans le vague champ de l'air
Et, pressant mainte épaisse nue,
Fait obscurcir à sa venue
Le temps qui se montrait si clair.

Ces pauvres sources épuisées
Qui ne coulaient plus qu'en langueur,
En tressaillent comme fusées
D'une incomparable vigueur ;
je pense, à les voir si hautaines,
Que les eaux de mille fontaines
Ont ramassé dedans ces lieux
Ce qui leur restait de puissance
Pour aller par reconnaissance
Au devant de celles des cieux.

Payen, sauvons-nous dans ta salle
Voilà le nuage crevé ;
O, comme à grands flots il dévale !
Déjà, tout en est abreuvé.
Mon Dieu ! Quel plaisir incroyable !
Que l'eau fait un bruit agréable
Tombant sur ces feuillages verts !
Et que je charmerais l'oreille
Si cette douceur non pareille
Se pouvait trouver en mes vers !

Çà, que l'on m'apporte une coupe :
Du vin frais, il en est saison ;
Puisque Cérès boit à la troupe,
Il faut bien lui faire raison !
Mais non pas avec ce breuvage
De qui le goût fade et sauvage
Ne saurait plaire qu'aux sablons
Ou à quelque jeune pucelle
Qui ne but que de l'eau comme elle
Afin d'avoir les cheveux blonds.

Regarde à l'abri de ces saules
Un pèlerin qui se tapit :
Le dégoût perce ses épaules
Mais il n'en a point de dépit.
Contemple un peu dans cette allée
Thibaut à la mine hâlée
Marcher froidement par compas ;
Le bonhomme sent telle joie
Qu'encore que cette eau le noie,
Si ne s'en ôtera-t-il pas.

Vois déjà dans cette campagne
Ces vignerons tout transportés
Sauter comme genets d'Espagne
Se démenant de tous côtés ;
Entends d'ici tes domestiques
Entrecouper leurs chants rustiques
D'un fréquent battement de mains ;
Tous les coeurs s'en épanouissent
Et les bêtes s'en réjouissent
Aussi bien comme les humains.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:38


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

La Rome ridicule



(Extrait)

Il vous sied bien, Monsieur le Tibre,
De faire ainsi tant de façon,
Vous dans qui le moindre poisson
A peine a le mouvement libre :
Il vous sied bien de vous vanter
D'avoir de quoi le disputer
A tous les fleuves de la terre ;
Vous qui, comblé de trois moulins,
N'oseriez défier en guerre
La rivière des Gobelins.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:38


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le contemplateur



(extraits)

... Tout ce qu'autrefois j'ai chanté
De la Mer en ma Solitude,
En ce lieu m'est représenté
Où souvent je fais mon étude :
J'y vois ce grand Homme marin
Qui d'un véritable burin
Vivait ici dans la mémoire
Mon coeur en est tout interdit
Et je me sens forcé d'en croire
Bien plus qu'on ne m'en avait dit.

Il a le corps fait comme nous,
Sa tête à la nôtre est pareille,
je l'ai vu jusques aux genoux,
Sa voix a frappé mon oreille ;
Son bras d'écailles est couvert,
Son teint est blanc, son oeil est vert,
Sa chevelure est azurée ;
Il m'a regardé fixement
Et sa contenance assurée
M'a donné de l'étonnement.

Un portrait qui n'est qu'ébauché
Représente bien son visage ;
Sous du poil son sein est caché,
Il a des mains le libre usage :
De la droite, il empoigne un cor
Fait de nacre aussi rare qu'or
Dont les chiens de mer il assemble :
Je puis croire un Glauque aujourd'hui ;
Bref, à nous si fort il ressemble,
Que j'ai pensé parler à lui.

De mainte branche de coral
Qui croit sous l'eau comme de l'herbe
Et dont Neptune est libéral,
Il porte un panache superbe ;
Vingt tours de perles d'Orient,
Riches d'un lustre variant
En guise d'écharpe le ceignent ;
D'ambre son chef est parfumé
O feu ! qui toujours allumé
Et quoique les ondes le craignent
Il en est pourtant bien-aimé.

... Quelquefois, bien loin écarté,
Je puise, pour apprendre à vivre,
L'Histoire ou la Moralité
Dans quelque vénérable livre ;
Quelquefois, surpris de la nuit,
En une plage où, pour tout fruit,
J'ai ramassé mainte coquille,
Je reviens au château, rêvant
Sous la faveur d'un ver qui brille
Ou plutôt d'un astre vivant.

O bon Dieu ! m'écrié-je alors,
Que ta puissance est nonpareille
D'avoir en un si petit corps
Fait une si grande merveille !
Brûle sans être consumé !
Belle escarboucle qui chemine !
Ton éclat me plaît beaucoup mieux
Que celui qu'on tire des mines
Afin d'ensorceler nos yeux !
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:38


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le Déluge



Là, de pieds et de mains, les hommes noirs de crimes
Des arbres les plus hauts gagnaient les vertes cimes ;
L'effroi désespéré redoublait leurs efforts,
Et l'on voyait pâtir leurs membres et leurs corps.
Ici, l'un au milieu de sa vaine entreprise,
Pour son peu de vigueur contraint à lâcher prise,
Blême, regarde en bas, hurle, ou semble en effet
Hurler, tout prêt à choir du chêne contrefait ;
Là, l'autre, plus robuste, empoignant une branche
Qui sous le poids d'un autre en l'air imité penche,
Fait que la branche feinte et s'éclate et gémit,
Et trébuche avec eux dans l'onde qui frémit.
Du sexe féminin les portraits lamentables,
Donnant, quoique menteurs, des touches véritables,
À bras tendus et longs soulevaient leurs enfants
Sur le liquide choc des périls étouffants.
Dans ce malheur commun, les bêtes éperdues
Grimpaient de tous côtés ensemble confondues ;
Les abîmes du ciel, versant toutes leurs eaux,
Interdisaient le vol aux plus vites oiseaux ;

En la laine d'azur la mer semblait s'accroître ;
Les monts l'un après l'autre y semblaient disparaître,
Et l'onde, encore un coup, triomphant des rochers,
Respectait l'arche seule et ses justes nochers.
Ceux qui de ce travail avaient vu les merveilles
Avaient vu par leurs yeux suborner leurs oreilles,
Car on croyait ouïr les cris et les sanglots
Des nageurs vains et nus qu'on voyait sur les flots ;
Et, sans le beau rempart d'une riche bordure
De fruits, de papillons, de fleurs et de verdure,
Qui semblait s'opposer au déluge dépeint,
Un plus ample ravage on en eût presque craint.
Les plus proches objets, selon la perspective,
Étaient d'une manière et plus forte et plus vive ;
Mais de loin en plus loin la forme s'effaçait,
Et dans le bleu perdu tout s'évanouissait.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:39


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le palais de la volupté



Ici la même symétrie
A mis toute son industrie
Pour faire en ce bois écarté
Le Palais de la Volupté.
Jamais le vague Dieu de l'Onde,
Ni celui des clartés du monde
N'entreprirent rien de plus beau
Quand, sans trident et sans flambeau,
D'une volonté mutuelle
Ils mirent en main la truelle
Et sous des habits de maçons,
Employèrent en cent façons
Tous les beaux traits que la Nature
Admire dans l'architecture
Pour loger ce prince troyen
Qui depuis les paya de rien.

Arrière ces masses énormes
Où s'entre-confondent les formes,
Où l'ordre n'est point observé,
Où l'on ne voit rien d'achevé :
Il n'en est point ici de même,
Tout y suit la raison suprême
Et le dessein en chaque part
S'y rapporte aux règles de l'art.

L'invention en est nouvelle,
Et ne vient que d'une cervelle
Qui fait tout avec tant de poids
Et prend de tout si bien le choix
Qu'elle met en claire évidence
Que sa grandeur et sa prudence
Sont aussi dignes sans mentir
De régner comme de bâtir.

Cet esprit que ma muse adore
Qui de son amitié m'honore
Et que j'estime comme un dieu,
A fait ce Palais en ce lieu
Où fréquente la solitude
Tant pour la chasse et pour l'étude
Que pour tous les autres plaisirs
Qui s'accordent à ses désirs.

La salle grande et somptueuse
Autant qu'elle est majestueuse
Se dédie au roi des forêts,
Au bon Pan qui dans un marets
Vit sa maîtresse en vain aimée
En frêles roseaux transformée ;
De quoi, pour chanter son tourment,
Il fit à l'heure un instrument
Qui ne dit mot quand on le touche
Si l'on ne le porte à la bouche,
Essayant ainsi d'apaiser
Son ardeur par quelque baiser.

Là-dedans encore on révère
Diane au front doux et sévère
Non pas pour cette chasteté
Dont son humeur fait vanité ;
Quoi qu'avec Hippolyte on croie
Qu'elle s'en donnait au coeur joie,
Mais parce qu'elle aime d'amour
A chasser en ce beau séjour.
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:40


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Les visions


(extraits)

Le coeur plein d'amertume et l'âme ensevelie
Dans la plus sombre humeur de la mélancolie,
Damon, je te décris mes travaux intestins,
Où tu verras l'effort des plus cruels destins
Qui troublèrent jamais un pauvre misérable,
À qui le seul trépas doit être désirable.
Un grand chien maigre et noir, se traînant lentement,
Accompagné d'horreur et d'épouvantement,
S'en vient toutes les nuits hurler devant ma porte,
Redoublant ses abois d'une effroyable sorte.
Mes voisins, éperdus à ce triste réveil,
N'osent ni ne sauraient rappeler le sommeil ;
Et chacun, le prenant pour un sinistre augure,
Dit avec des soupirs tout ce qu'il s'en figure.
Moi, qu'un sort rigoureux outrage à tout propos
Et qui ne puis goûter ni plaisir ni repos,
Les cheveux hérissés, j'entre en des rêveries
De contes de sorciers, de sabbats, de furies ;
J'erre dans les enfers, je rôde dans les cieux ;
L'âme de mon aïeul se présente à mes yeux ;
Ce fantôme léger, coiffé d'un vieux suaire
Et tristement vêtu d'un long drap mortuaire,
À pas affreux et lents s'approche de mon lit ;
Mon sang en est glacé, mon visage en pâlit,
De frayeur mon bonnet sur mes cheveux se dresse,
Je sens sur l'estomac un fardeau qui m'oppresse.
Je voudrais bien crier, mais je l'essaie en vain :
11 me ferme la bouche avec sa froide main,
Puis d'une voix plaintive en l'air évanouie
Me prédit mes malheurs et longtemps, sans ciller,
Murmurant certains mots funestes à l'ouïe,
Me contemple debout contre mon oreiller.
Je vois des feux volants, les oreilles me cornent ;
Bref, mes sens tous confus l'un l'autre se subornent
En la crédulité de mille objets trompeurs
Formés dans le cerveau d'un excès de vapeurs,
Qui, s'étant emparé de notre fantaisie,
La tourne moins de rien en pure frénésie.
...
Voilà donc, cher Damon, comme passe les nuits
Ton pauvre Clidamant, comblé de mille ennuis,
Et toutefois, hélas ! ce ne serait que roses
Si les jours ne m'offraient de plus horribles choses.

Cet astre qu'on réclame avec tant de désirs
Et de qui la venue annonce les plaisirs,
Ce grand flambeau du ciel, ne sort pas tant de l'onde
Pour redonner la grâce et les couleurs au monde,
Avec ses rayons d'or si beaux et si luisants,
Que pour me faire voir des objets déplaisants.
Sa lumière, inutile à mon âme affligée,
La laisse dans l'horreur où la nuit l'a plongée ;
La crainte, le souci, la tristesse et la mort,
En quelque lieu que j'aille, accompagnent mon sort.
Ces grands jardins royaux, ces belles Tuileries,
Au lieu de divertir mes sombres rêveries,
Ne font que les accroître et fournir d'aliment
À l'extrême fureur de mon cruel tourment.
Au plus beau de l'été je n'y sens que froidure,
Je n'y vois que cyprès, encore sans verdure,
Qu'arbres infortunés tout dégouttants de pleurs,
Que vieux houx tout flétris et qu'épines sans fleurs.

L'écho n'y répond plus qu'aux longs cris de l'orfraie
Dont le mur qui gémit en soi-même s'effraie ;
Le lierre tortu qui le tient enlacé,
En frémissant d'horreur, en est tout hérissé,
Semblable en sa posture à ces enfants timides
Qui, le corps tout tremblant et les yeux tout humides,
Embrassent leur nourrice alors que quelque bruit
Les va dedans leur couche épouvanter la nuit.
Si j'y rencontre un cerf, ma triste fantaisie
De la mort d'Actéon est tout soudain saisie ;
Les cygnes qu'on y voit dans un paisible étang
Me semblent des corbeaux qui nagent dans du sang ;
Les plaisants promenoirs de ces longues allées,
Où tant d'afflictions ont été consolées,
Sont autant de chemins à ma tristesse offerts
Pour sortir de la vie et descendre aux enfers.
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:40


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Plainte sur la mort de Sylvie


Ruisseau qui cours après toi-même
Et qui te fuis toi-même aussi,
Arrête un peu ton onde ici
Pour écouter mon deuil extrême.
Puis, quand tu l'auras su, va-t'en dire à la mer
Qu'elle n'a rien de plus amer.

Raconte-lui comme Sylvie,
Qui seule gouverne mon sort,
A reçu le coup de la mort
Au plus bel âge de la vie,
Et que cet accident triomphe en même jour
De toutes les forces d'Amour.

Las ! je n'en puis dire autre chose,
Mes soupirs tranchent mon discours.
Adieu, ruisseau, reprends ton cours
Qui, non plus que moi, se repose ;
Que si, par mes regrets, j'ai bien pu t'arrêter,
Voici des pleurs pour te hâter
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:41


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Sonnet à feu M. Desyveteaux



Que de ton beau jardin les merveilles j'admire !
Que tout ce qu'on y voit, que tout ce qu'on y sent
A d'aimables rapports avec le doux accent
De ce divin oiseau qui chante et qui soupire !

Qu'après ces rares sons dont triomphe ta lyre,
Mon oreille se plait au tonnerre innocent
Que l'on oit dans ta voûte où ravi l'on descend
Pour monter en un lieu que seul tu peux décrire !

Que les trésors feuillus de ces rameaux divers,
Formant un beau désordre en leurs ombrages verts,
Me charment les esprits et me comblent de joie !

Et combien la nature on me verrait bénir
Si par un heureux sort, qu'aux arbres elle octroie,
En vieillissant comme eux tu pouvais rajeunir !
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:41


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Sonnet inachevé


Fagoté plaisamment comme un vrai Simonnet,
Pied chaussé, l'autre nu, main au nez, l'autre en poche,
J'arpente un vieux grenier, portant sur ma caboche
Un coffin de Hollande en guise de bonnet.

Là, faisant quelquefois le saut du sansonnet
Et dandinant du pul comme un sonneur de cloche,
Je m'égueule de rire, écrivant d'une broche
En mots de Pathelin ce grotesque sonnet.

Mes esprits, à cheval sur ces coquecigrues,
Ainsi que papillons s'envolent dans les nues,
Y cherchant quelque fin qu'on ne puisse trouver.

Nargue ! C'est trop rêver, c'est trop ronger ses ongles
Si quelqu'un sait la rime, il peut bien l'achever.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:42


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Sonnet sur des mots qui n'ont point de rime


Phylis, je ne suis plus des rimeurs de ce siècle
Qui font pour un sonnet dix jours de pul de plomb
Et qui sont obligés d'en venir aux noms propres
Quand il leur faut rimer ou sur coiffe ou sur poil.

Je n'affecte jamais rime riche ni pauvre
De peur d'être contraint de suer comme un porc,
Et hais plus que la mort ceux dont l'âme est si faible
Que d'exercer un art qui fait qu'on meurt de froid.

Si je fais jamais vers, qu'on m'arrache les ongles,
Qu'on me traîne au gibet, que j'épouse une vieille,
Qu'au plus fort de l'été je languisse de soif,

Que tous les mardi-gras me soient autant de jeûnes,
Que je ne goûte vin non plus que fait le Turc,
Et qu'au fond de la mer on fasse mon sépulcre.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:42


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Sonnet sur la moisson d'un lieu proche de Paris



Plaisirs d'un noble ami qui sait chérir ma veine,
Mélanges gracieux de prés et de guérets,
Rustique amphithéâtre où de sombres forêts
S'élèvent chef sur chef pour voir couler la Seine.

Délices de la vue, aimable et riche plaine !
On s'en va mettre à bas les trésors de Cérès,
Que l'on voit ondoyer comme un vaste marets
Quand il est agité d'une légère haleine.

L'or tombe sous le fer ; déjà les moissonneurs,
Dépouillant les sillons de leurs jaunes honneurs,
La désolation rendent et gaie et belle.

L'utile cruauté travaille au bien de tous,
Et notre oeil satisfait semble dire à Cybèle :
Plus le ravage est grand, plus je le trouve doux.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:43


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Voici le rendez-vous des Enfants sans souci



Voici le rendez-vous des Enfants sans souci,
Que pour me divertir quelquefois je fréquente.
Le maître a bien raison de se nommer La Plante
Car il gagne son bien par une plante aussi.

Vous y voyez Bilot, pâle morne et transi,
Vomir par les naseaux une vapeur errante ;
Vous y voyez Sallard chatouiller la servante
Qui rit du bout du nez en portrait raccourci.

Que ce borgne a bien plus Fortune pour amie
Qu'un de ces curieux qui, soufflant l'alchimie,
De sage devient fol, et de riche indigent !

Celui-là sent enfin sa vigueur consumée,
Et voit tout son argent se réduire en fumée ;
Mais lui, de la fumée il tire de l'argent.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:43


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Vos attraits n'ont plus rien que l'épée et la cape



Vos attraits n'ont plus rien que l'épée et la cape ;
Votre esprit est plus plat qu'un pied de pèlerin ;
Vous pleurez plus d'onguent que n'en fait Tabarin,
Et qui voit votre nez le prend pour une grappe.

Vous avez le museau d'un vieux limier qui lape,
L'oeil d'un cochon rôti, le poil d'un loup marin,
La chair d'un aloyau lardé de romarin,
Et l'embonpoint d'un gueux qui réclame Esculape.

Vous portez comme un pul longue barbe au menton ;
Votre corps est plus sec que le son d'un teston
Vous berçâtes jadis l'aïeul de Mélusine.

Pièce de cabinet, quittez notre quartier
Et, prenant pour jamais congé de la cuisine,
Qu'on ne vous trouve plus, sinon chez Dumonstier.
julien
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Message par julien Lun 26 Avr - 7:44


  • Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT (1594-1661)

Le poète crotté



(extraits)

... Lors que ce chardon de Parnasse
Ce vain épouvantail de chasse
Ce Pot-pourri d'étranges moeurs,
Ce moine bourru des rimeurs,
Ce chaland de vieille tripière,
Ce faquin orné de rapière,
Cet esprit chaussé de travers,
Ce petit fagoteur de vers,
Vit sa pauvre muse chifflée
Et son espérance befflée
Après avoir été vingt ans
Un des plus parfaits sots du temps
Et sêtre vu, par son mérite
Fou de la reine Marguerite
Qui l'estimait, Dieu sait combien !
C'est-à-dire autant comme rien.
A la fin, saoul de chiquenaudes,
De taloches, de gringuenaudes
D'ardentes mouches sur l'orteil,
De camouflets dans le sommeil,
De pets en coque à la moustache,
De papiers qu'au dos on attache ;
D'enfler même pour les laquais,
De bernements, de sobriquets,
De coups d'épingle dans les fesses
Et de plusieurs autres caresses
Que dans le Louvre on lui faisait
Quand son diable l'y conduisait,
Il lui prit, quoi que tard, envie
D'aller ailleurs passer sa vie
Et, laissant Paris en ce lieu,
Lui dire pour jamais adieu.

... Son pourpoint, sous qui maint pou gronde,
Montrait les dents à tout le monde,
Non de fierté mais de douleur
De perdre et matière et couleur.
Il fut jadis d'un drap minime ;
Mais qu'est-ce que le temps ne lime
Le pauvre diable a fait son cours :
Autant puissent durer mes jours.
La moitié d'une peccadille
Sur qui sa crinière pendille
Affreuse et sentant le sabat,
Lui servait au lieu de rabat.
Des grègues d'un faux satin jaune,
D'un côté trop longues d'une aune
Et de l'autre à bouillon troussé,
Reliques d'un ballet dansé,
Qu'un galant coiffé d'une dame
Lui donna pour son anagramme
Avec un demi-quart d'écu,
Enharnachaient son chien de pul.
Un rocquet de bourraccan rouge
Qui jamais de son dos ne bouge
L'affublait, quoiqu'il fût hiver
Et qu'il fût rongé de maint ver.

... Au moins, ô ma chère Sybile
N'aye la mémoire labile
Remembre-toi de ton côté
De ton pauvre rimeur crotté
Et du mien j'aurai pour hôtesse
Dans le chef ma haute poétesse
Dont les écrits, comme mes vers,
Sont les torches de l'univers ;
Remembre-toi des sérénades
Qu'en mes nocturnes promenades,
Accompagné d'un vielleur
Aveugle, afin que déceleur
De nos amours il ne pût être,
Discrétion qui reconnaître
Se doit bien, je t'ai si souvent
Donnée, à la pluie et au vent ;
Remémore-toi davantage
Que, quoi qu'en douzième étage
Tu te gîtes proche du ciel,
Et c'est pourquoi, mon tout, mon miel,
Ci-devant, haute t'ai nommée,
Toutefois d'une âme charmée,
N'ai pas laissé grimpant en ours,
De te visiter tous les jours.
julien
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