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Poésie:Albert Lozeau

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Poésie:Albert Lozeau Empty Poésie:Albert Lozeau

Message par roby Ven 16 Avr - 18:37

Le crépuscule gris par ma vitre regarde ;
Et, comme s’il avait le regret de finir
Submergé par la nuit noire qui va venir,
Le crépuscule gris à ma vitre s’attarde.



Le Crépuscule





Mon rideau se teint d’ombre et chaque objet se farde
Et s’enveloppe lentement, sans se ternir,
De ce jour ténébreux qu’on ne peut définir,
Mais que l’œil, même en plein soleil, évoque et garde,

Le crépuscule meurt. Tout est brun sous le ciel.
Ce que l’on voit dehors ne semble plus réel.
La ville disparaît couverte d’un grand voile…

On ne sait si le soir a vécu, si la nuit
Règne enfin Un point bleu dans l’obscurité luit.
Le crépuscule est mort à la première étoile.
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty La Poussière du jour

Message par roby Ven 16 Avr - 18:38

La Poussière du jour



La poussière de l’heure et la cendre du jour
En un brouillard léger flottent au crépuscule.
Un lambeau de soleil au lointain du ciel brûle,
Et l’on voit s’effacer les clochers d’alentour.


La poussière du jour et la cendre de l’heure
Montent, comme au-dessus d’un invisible feu,
Et dans le clair de lune adorablement bleu
Planent au gré du vent dont l’air frais nous effleure.

La poussière de l’heure et la cendre du jour
Retombent sur nos cœurs comme une pluie amère,
Car dans le jour fuyant et dans l’heure éphémère
Combien n’ont-ils pas mis d’espérance et d’amour !

La poussière du jour et la cendre de l’heure
Contiennent nos soupirs, nos vœux et nos chansons ;
A chaque heure envolée, un peu nous périssons,
Et devant cette mort incessante, je pleure

La poussière du jour et la cendre de l’heure…
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty L’Heure calme

Message par roby Ven 16 Avr - 18:39

L’Heure calme


Les tics-tacs hâtifs des pendules
Se répondent dans la maison
Tranquille, où par la vitre entre le crépuscule,
Naissant, là-bas, à l’horizon.


Le silence s’aggrave d’ombre,
L’intimité s’approfondit
De tout le charme triste et doux que la pénombre
Avec mystère répandit.

C’est l’heure où le sang bat aux tempes
Plus lent, où le rêve descend,
Où volontiers l’on tarde à rallumer les lampes
Dans le soir peu à peu croissant ;

L’heure de solitude calme,
Où quelque dieu tendre aux humains
Semble nous éventer le cœur avec sa palme
Fraîche, en ses invisibles mains ;

Tandis que meurt le crépuscule
Noyé de soir à l’horizon,
Que les tics-tacs hâtifs des sonores pendules
S’interpellent dans la maison…
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Après la pluie

Message par roby Ven 16 Avr - 18:40

Après la pluie


IL a plu. Les feuilles s’égouttent.
Le ciel est bleu. Le soleil luit.
Le vent passe à tout petit bruit.
Les fleurs des prés embaument toutes.

Les vitres ont des perles d’eau
Rondes et pleines de lumière,
Qui fondent lentement derrière
La mousseline des rideaux.

La lune, ce soir, dans les mares
Mirera son visage bleu,
Quand des étoiles, peu à peu
Paraîtront les floraisons rares.

La terre n’est plus qu’une odeur
Qui monte vers l’azur tranquille,
Fraîche maintenant comme une île,
Purifiée et sans ardeur.

L’herbe est humide au bord des routes,
Où les arbres font un ciel vert
Qui frissonne comme la mer.
Il a plu. Les feuilles s’égouttent.
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Le Sang des roses

Message par roby Ven 16 Avr - 18:42

Le Sang des roses


LA brise est chaude comme une haleine de flamme.
Le vent passionné palpite et porte une âme
De soleil violent et d’aromes légers
Qu’il prit dans les jardins, les champs et les vergers.
Juin, qui sommeille encore aux cœurs fermés des roses,
Se parfume aux derniers rameaux des lilas roses.


L’ardent Printemps prépare une fête à l’Été.
Riches d’herbe et de fleurs, de grâce et de beauté,
Pour le retour du dieu magnifique, les routes
D’innombrables couleurs étincelleront toutes,
Et le vent chantera dans les érables verts,
Par la Nature même harmonisés, des vers !
Le cœur s’ouvre à la vie et rappelle ses rêves,
L’épanouissement en corolles des sèves
Ranime les anciens désirs et les espoirs :
Astres éteints ressurgissant au fond des soirs !
L’azur n’est plus qu’au ciel ; il est dans l’âme douce,
Avec tous les ruisseaux, avec toutes les mousses,
Avec tout le soleil et tous les papillons,
Les bois et leur fraîcheur, les nuits et leurs rayons !
Gloire à Juin qui sur l’âme et la terre flamboie,
Et dont le sang subtil dans les roses rougeoie !
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Nuances

Message par roby Ven 16 Avr - 18:56

Nuances


LES nuances du vert aux branches balancées
Sont comme une fraîcheur exquise pour les yeux.
On voit les arbres fuir jusqu’au lointain des cieux,
Ayant chacun sa teinte aux feuilles déplissées.


Tout le long des maisons les cîmes vont, pressées.
L’une est couleur de l’herbe au ton délicieux,
L’autre, plus sombre, est comme un velours précieux,
L’autre est pareille à l’eau des vagues apaisées.

Une immense émeraude a, cette nuit, coulé
Sur les arbres émus par l’azur étoilé,
Comme une lente pluie inégalement verte.

Et maintenant, heureux de leur neuve beauté,
Les arbres, dont la grâce au soleil est offerte,
Au moindre vent rôdeur commencent à chanter.
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Première brise

Message par roby Ven 16 Avr - 19:01

Première brise



NOUS irons au soleil respirer le printemps
Qui descend du ciel pur en rayons éclatants.
L’air est déjà chargé de tiédeur vaporeuse,
Flottante et douce comme une fumée heureuse.
Tout le long des sentiers où la neige a fondu
Et par petits ruisseaux d’argent clair descendu,


Sous le rayonnement royal du jour superbe,
Nous chercherons, joyeux et penchés, les brins d’herbe
Dont l’émeraude pointe au travers du sol brun,
Et nous aurons un mot de bonheur pour chacun
Car sur l’herbe le rêve éclot et bat des ailes,
Comme un grand papillon sur des fleurs éternelles
Qui, du haut de son vol capricieux, croit voir
Frémir au vent d’été Ies œillets et les roses,
Cependant que le jour s’éteint en reflets roses
Et que tous les parfums s’exhalent vers le soir…
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Les Feuilles

Message par roby Ven 16 Avr - 19:03

Les Feuilles



TOUT est vert sous nos pas, sur nos fronts tout est vert !
Aux jours du renouveau mon âme se recueille,
Et je chante, inspiré par la douceur de l’air,
La gloire des premières feuilles.


Les petites feuilles d’un jour,
Tendres, à peine déplissées,
Qui semblent faites de velours
Pâle, et de lumière glacées :

Feuilles de longs saules hâtifs,
Feuilles d’érables dentelées,
Feuilles de bouleaux, feuilles d’ifs,
Feuilles des arbres des allées,

Toutes croissent pour que les nids,
Ayant leur feuillage pour voiles,
Soient peuplés d’espoirs infinis,
Cachés même aux yeux des étoiles !

Elles gardent bien leur secret
Les petites feuilles discrètes :
A peine un seul geste indiscret
Quand au vol les ailes sont prêtes…

Et qu’elles sont belles à voir
Après la pluie, au clair de lune !
Dans le calme odorant du soir,
C’est, comme enchassé dans chacune,

Un liquide et pur diamant
Qui tremble sur la feuille sombre,
C’est comme un autre firmament
Brillant tout près de nous, dans l’ombre !

C’est aussi, le long des maisons,
La fraîcheur tendue aux persiennes,
Et les indicibles frissons
De la brise musicienne…

C’est le repos des yeux lassés,
La poésie et le mystère,
L’abri des rêves caressés,
Et c’est le salut de la terre !
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Sous le ciel

Message par roby Ven 16 Avr - 19:09

Sous le ciel


Au beau ciel d'été le jour vient de naître ;
Les petits oiseaux confondent leurs chants ;
La clarté nouvelle emplit la fenêtre
Et l'on sent l'odeur de l'herbe des champs.


Le soleil reluit sur les feuilles vertes
Qui tremblent au vent léger du matin.
Respirant l'air bleu, les fleurs sont ouvertes :
Somptueux velours et riche satin.

Épris de beauté devant la nature,
Vers le firmament je tourne les yeux ;
L'espace infini, la lumière pure
Émeuvent le coeur d'un rythme joyeux.

Et cette splendeur qui charme et console
Par l'homme n'est pas regardée en vain :
Le meilleur de lui dans l'azur s'envole
Sur les ailes d'or d'un rêve divin !
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Quand il neige

Message par roby Ven 16 Avr - 19:10

Quand il neige


Quand il neige sur mon pays
De gros flocons couvrent les branches,
Et les regards sont éblouis
Par la clarté des routes blanches.
Et dans les champs ensevelis,
La terre reprend le grand somme

Qu'elle fait pour mieux nourrir l'homme,
Quand il neige sur mon pays.

Quand il neige sur mon pays,
On voit s'ébattre dans les rues
Les petits enfants réjouis
Par tant de splendeurs reparues.
Et ce sont des appels, des cris,
Des extases et des délires,
Des courses, des jeux et des rires,
Quand il neige sur mon pays.

Quand il neige sur mon pays,
C'est que tout le ciel se disperse
Sur la montagne et les toits gris
Qu'il revêt de sa claire averse, ou qu'une avalanche de lis
De sa pureté nous inonde...
C'est le plus beau pays du monde
Quand il neige sur mon pays !
roby
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Poésie:Albert Lozeau Empty Fin d'été

Message par magda Sam 17 Avr - 11:03

Août donne le désir et l'espérance de septembre. Sa chaleur
raisonnable, sa profonde lumière, ses soirs moins longs, ses fraîches
nuits, tout indique que les jours s'acheminent lentement vers
l'automne, et marcheront bientôt sur les feuilles mortes.





Le soleil enveloppe la terre d'une clarté plus fine, et les arbres vert
foncé se détachent sur l'horizon en lignes nettes, comme gravés à même
le ciel. De grands nuages blancs animent l'espace où se creusent des
golfes d'azur aux berges neigeuses; des pigeons traversent ce paysage
aérien et tournoient sur cette eau bleue dont la masse se forme et se
déforme indéfiniment.

Lumière dans les yeux ! Lumière dans le coeur ! Le regard monte vers
l'infini, et l'infini descend dans l'âme ! L'étendue est si vaste que
toute la pensée de Dieu paraît rayonner sur le monde ! Tout semble
s'élancer en une aspiration universelle, et, seul, un pétale de rose
que la brise a blessé choit légèrement sur le sol humide.

Sans le bruit intermittent du travail nécessaire et les appels des
oiseaux, ce serait le triomphe du silence lumineux et de la prière
muette, de l'admiration et du recueillement. Ce triomphe éclatera
bientôt sur la montagne, qu'habite la paix souveraine, où vont rêver
les hommes las de la vie ardente et les amants fatigués par l'amour
importun !

Quelques heures encore, des heures plus courtes que celles que mesurent
les horloges, et la féerie commencera, - quand le mois d'août, en un
dernier soupir d'azur, rendra son âme à la nature, son âme pleine de
nuages et d'étoiles! ...
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Déménagements

Message par magda Sam 17 Avr - 11:04

Dieu merci, nous ne déménageons pas ! Déménager, c'est mourir beaucoup,
c'est briser autant de liens avec le passé que de meubles le long du
chemin douloureux. Déménager, c'est troubler la paix des souvenirs
dormant au fond des tiroirs secrets, c'est bousculer l'intimité des
chambres douces et brutaliser la rêverie des choses...






Et dire qu'il y a des gens qui passent indifféremment d'une demeure à
l'autre comme ils changent de tramway ! Ceux-là, je les envie, car ils
n'ont point d'âme, ils n'ont pas même, comme les animaux, l'instinct
qui pousse à revenir toujours au premier gîte. Ils ne s'attachent à
rien; leur maison ne leur représente qu'un amas ordonné de briques, de
bois et de plâtre que l'on quitte sans regret. Ils s'accommodent de
tous les lambris, pourvu qu'ils soient nouveaux; ils ne sont guère
idéalistes. N'ayant jamais lu Lamartine ni Rodenbach, - et n'en
éprouvant d'ailleurs nul besoin, - ils ne se mettent pas en peine du
sort des choses qu'ils devraient aimer, et dans lesquelles ils ne
voient que des objets d'utilité quotidienne facilement remplacés. Ils
ne sentent pas la poésie que les ans répandent, comme une poussière
spirituelle, sur tout ce qui nous a longtemps servi. Encore une fois,
ces gens sont heureux, puisqu'il est des sentiments dont il est bon
d'être dépourvu.

Les lourdes voitures chargées de meubles, d'ustensiles et de caisses
offrent un sujet de méditation infiniment triste. C'est un petit voyage
qui fait songer au grand, lorsque nous partirons chacun avec notre
bagage incohérent en son pêle-mêle et sa promiscuité de bonnes et de
mauvaises actions. Nous aménagerons pour l'éternité, mais ce n'est pas
nous qui choisirons le logement; il nous en sera donné un digne des
morceaux que nous apporterons. Nous pouvons désigner d'avance
l'habitation qui nous tente et essayer de l'obtenir : le bail ne sera
signé qu'après examen des effets et sur consentement du divin
Propriétaire, - et ce sera le dernier !

Je vous souhaite une petite maison à la campagne, avec de beaux arbres
autour, au bord d'un lac transparent rempli de grosses truites !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Les hirondelles

Message par magda Sam 17 Avr - 11:05

Les oiseaux ont-ils une âme? J'aimerais qu'ils eussent une âme, je
m'expliquerais mieux alors leur obscure destinée, - leurs souffrances
récompensées ailleurs, dans quelque paradis particulier où pullulent
les insectes rares et beaux, et que les élus aux ailes agiles
rempliraient de chants à la gloire de Dieu.

Les oiseaux ressemblent tellement aux hommes qu'ils doivent avoir une âme ...



J'ai vu des hirondelles construire leur nid, couver patiemment au fond
d'une boîte étroite par des jours torrides, je les ai vues nourrir - ou
gaver - leur progéniture, faisant, pour contenter d'insatiables
appétits, des centaines de voyages; je les ai vues enseigner à leurs
nouveau-nés l'art merveilleux du vol, avec des cris presque humains,
des tendresses alarmées, des attentions minutieuses, des joies dont
frémissait tout leur corps de plume; je les ai vues ramener leurs
petits à la maison natale, au soleil couchant, et leur parler, et leur
dire de ne plus sortir, et rester auprès d'eux quelque temps, les
caressant des yeux et du bec, et s'éloigner pour la nuit, pendant que
de fines têtes bleues, un peu penchées, regardaient, dociles, mais avec
de fous désirs de les suivre, monter en plein azur, rapides, le père et
la mère. Et la porte ronde devenait insensiblement un trou noir d'où
s'échappaient des gazouillements, et c'était le silence et le sommeil
pour jusqu'à l'aube prochaine.

Les petites hirondelles ignorent le danger, comme des enfants qu'elles
sont. Mais que de craintes torturent le coeur des vieux, depuis la
minute solennelle où l'oiseau sort de l'oeuf jusqu'au moment de l'envol
éperdu, de l'essor enivré dans l'immense espace ! Il n'est plus
d'instant sans angoisse ni fatigue : il faut chasser la mouche
minuscule et, plus tard, l'énorme libellule, en veillant à sa sécurité,
- parfois une pierre peut vous atteindre; - il faut dérouter les autres
hirondelles que votre proie allèche, rentrer au nid souvent avec ruse,
distribuer la nourriture, et ressortir, haletante, le bec large ouvert,
et repartir !

Déjà, les petits se pourvoient à eux-mêmes ; ils gobent des mouches
avec frénésie, ils gobent, ils gobent ! Ils iront aussi se coucher
dehors, dans les arbres. A mesure qu'ils croissent en force, en
expérience, pauvres parents, ils se détachent de vous ! La vie est
ainsi faite.
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Le vent d'automne

Message par magda Sam 17 Avr - 11:06

J'entends le vent, le vent glacé d'automne, gémir dans les branches, -
ou-ou-ou-ou ... Et je songe aux ballades de la vieille Allemagne qui
parlent de châteaux croulant sur de hautes montagnes.

Le vent secoue les persiennes, comme s'il voulait entrer se réchauffer
près du poêle de la cuisine, sur lequel de l'eau bouillonne.






Au bout extrême des branches, de petits bouquets de feuilles résistent
en s'agitant. Demain, tous les arbres seront nus, peut-être, car ce
vent finira par avoir raison des feuilles courageuses qui luttent.

En dépit des souffles forts, le brouillard persiste; lui aussi,
cependant, s'évanouira; il fondra, et le soleil dorera les maisons
lointaines qu'on n'aperçoit plus aujourd'hui. Le vent est le maître de
tout. Il use les énergies, il lasse les résistances obstinées et,
lorsqu'il en a le désir, il fait craquer la maison de la base au faîte.

Chez nous, le vent est rarement méchant. Il ne cherche pas à effrayer;
il berce les érables et les pensées; il bouscule les feuilles mortes,
et les enlève pour les promener dans le ciel. Ses gémissements ne sont
pas lugubres, - un peu tristes parfois, et le vent possède la grâce
souveraine des rythmes puissants et doux.

Il vient d'ouvrir ma porte et de disperser mes paperasses; je ne me
suis pas fâché, mais je l'ai mis dehors, chez lui. Bien que je l'aime,
je ne le souffre pas dans ma chambre, hormis les jours d'été : il est
trop brouillon et ressemble à un enfant fureteur.

Oh ! quelle bonne caresse est la sienne quand il vous enveloppe dans la
rue, et vous pousse dans le dos comme avec des mains ! Son amabilité
cesse en temps de pluie : doit-on lui en tenir rigueur?

J'aime le vent d'automne : il accompagne d'un accord monotone la
mélodie de mon rêve, et cadence harmonieusement ma pensée. Il est comme
la respiration de l'air, la musique du monde; il tourne, il vole tel
qu'un oiseau rapide, et se précipite où nous allons tous : dans
l'infini !
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Poésie:Albert Lozeau Empty CLAIR DE LUNE

Message par magda Sam 17 Avr - 11:07

Le clair de lune sur la ville est endormi.
Dans le ciel ont coulé tant d'opales fondues
Qu'au loin, dans la lumière et l'ombre confondues,
Les astres éclipsés ne luisent qu'à demi.




Dans l'éblouissement, les étoiles cachées
Sont comme des yeux bleus qui regardent sans voir.
Le clair de lune règne et, conquérant du soir,
Fait un voile brillant aux étoiles cherchées.

Même ses bords palis sont lumineux encor,
Et tant qu'il reste au ciel, de larges bandes blanche
Décorent de clarté les maisons et les branches ;
Et, cependant, le clair de lune est comme mort !

Les étoiles, qu'il cache, ont des lueurs vivantes,
Elles traversent l'infini de longs frissons ;
La lune a des reflets bleuàtres de glaçons :
Pour elle est déjà vieux le temps des épouvantes !

Le clair de lune est triste et doux, il est ancien.
Comme un grand souvenir de royauté déchue,
Il dit la gloire antique et la splendeur perdue,
Plane, et dans la nuit calme, avec lenteur, s'éteint...
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Lumière

Message par magda Sam 17 Avr - 11:07

Je regarde, et j'emplis mes yeux de ta lumière,
Beau ciel où pas un seul nuage n'apparaît,
Et j'éprouve un plaisir indicible et secret
À sentir converger l'azur sous ma paupière !




Le bleu me glisse au coeur, frais comme une rivière
Qui, sans me déborder, toujours s'élargirait,
Et l'immense infini que rien ne contiendrait,
Vague à vague, s'étale en mon âme humble et fière !

Tout l'espace est en moi, qui vibre clairement ;
Je l'ai bu du regard de moment en moment,
Et pourtant je ne suis qu'un atome en l'espace...

Le ciel bleu descendu dans mon infimité
Roule comme un profond torrent d'éternité,
Dans lequel, ébloui, je me mire et je passe !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty L'érable rouge

Message par magda Sam 17 Avr - 11:08

Dans le vent qui les tord les érables se plaignent,
Et j'en sais un, là-bas, dont tous les rameaux saignent !

Il est dans la montagne, auprès d'un chêne vieux,
Sur le bord d'un chemin sombre et silencieux.




L'écarlate s'épand et le rubis s'écoule
De sa large ramure au bruit frais d'eau qui coule.

Il n'est qu'une blessure où, magnifiquement,
Le rayon qui pénètre allume un flamboiement !

Le bel arbre ! On dirait que sa cime qui bouge
A trempé dans les feux mourants du soleil rouge !

Sur le feuillage d'or au sol brun s'amassant,
Par instant, il échappe une feuille de sang.

Et quand le soir éteint l'éclat de chaque chose,
L'ombre qui l'enveloppe en devient toute rose !

La lune bleue et blanche au lointain émergeant,
Dans la nuit vaste et pure y verse une eau d'argent.

Et c'est une splendeur claire que rien n'égale,
Sous le soleil penchant ou la nuit automnale !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Mauvaise solitude

Message par magda Sam 17 Avr - 11:09

Ô poète songeur, si triste de toi-même,
Qui pourrait te guérir et qui pourrait t'aimer ?
Tu portes à ton front l'ombre amère et suprême
D'une âme que l'ennui va bientôt consumer.




La solitude grave à ton cœur est mauvaise :
Le pire compagnon de toi-même, c'est toi !
Ô le regard aimé qui doucement apaise,
Quand viendra-t-il poser sa caresse sur moi ?

L'heure m'est un tourment cruel, et tous les livres
Ne pourraient endormir ce mal fort et subtil.
Afin qu'heureusement, un jour, tu t'en délivres,
Et pour jamais, ô cœur blessé, que te faut-il ? [...]
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty à la lune

Message par magda Sam 17 Avr - 11:10

Quand la lune au ciel noir resplendit claire et ronde,
Le vers en mon cerveau comme une eau vive abonde.
Il coule naturel comme une source au bois,
Avec des sons fluets de flûte et de hautbois
Et, souvent, des accords doux et mélancoliques
D'harmonium plaintif et de vieilles musiques.




La lune verse au coeur sa blanche intimité
De rêve vaporeux où passe une beauté,
Et dans les chemins creux où la fraîcheur s'exhale
Ajoute aux flaques d'eau quelques mares d'opale,
Où l'on voit quelquefois se noyer éperdu
Un insecte ébloui dans de l'astre épandu.

Mais elle qui parait pour toujours endormie,
Apaisée à jamais dans la grande accalmie,
Est si puissante encor qu'elle émeut l'Océan
Et fait frissonner l'homme aussi dans son néant.
Elle rend plus hardis les jeunes gens timides
Et plus près de l'amour la vierge aux yeux candides.

Tu n'es pas morte, non ! chère clarté des soirs
Qui trembles sur les lacs comme sur des miroirs !
Et le cerf altéré qui boit à l'onde claire
En même temps que l'eau boit aussi ta lumière ;
Tu circules en lui comme un sang plus divin,
Car on n'absorbe pas de la splendeur en vain !

Le vaste ciel poudre d'étoiles d'or scintille.
Quelqu'un dans l'ombre, en bas, attend qu'un rêve brille.
La Lune bienveillante au sourire d'argent,
Aide en son pur labeur le poète songeant,
Et tendrement, le long de ses rayons sublimes,
Laisse glisser des vers chantants aux belles rimes.

O Lune ! quel mystère habite en ta clarté,
Et quel pacte te lie a notre humanité ?
Toi pour qui les anciens vivants eurent un culte,
Tu fais régner sur nous ton influence occulte ;
Et ton charme attirant fait même, comme un jeu,
Tourner les papillons des nuits dans ton feu bleu !

II
Quand tu parais, les soirs bénis, à ma fenêtre,
Ta lumière lointaine et vague me pénètre,
Et je me baigne en toi ! Transfigurant ma chair,
Tu me fais pur et beau, surnaturel et clair ;
Et je suis comme un dieu tout imprégné de lune,
Participant ainsi qu'un astre à la nuit brune !
Oh ! l'heure incomparable et la divine nuit !
Où donc l'amer chemin ? Où donc le morne ennui !
La souffrance est passée, et ma joie est profonde
De goûter ici-bas la paix d'un autre monde...
Je ne me livre pas au néant du sommeil,
Et j'attends l'heure triste où viendra le soleil...

III
Changeante Lune ! Un soir, au ciel couleur d'ardoise
Tu montas rouge ainsi qu'un énorme tison ;
Et petit à petit, en laissant l'horizon,
Tu pris une nuance exquise de turquoise.
Une autre fois, ce fut comme une boule d'or
Que masquait par moment un passager nuage ;
Et puis tu redevins la Lune au bleu visage,
La Lune habituelle et que je vois encor.

Un lourd après-midi de juillet, tu fus blanche
Comme une immense hostie apparue en l'azur ;
Tu fondis, tel un peu de neige au soleil dur,
Et l'on ne revit plus ta face qui se penche...

IV
Quand tu pleus en reflets sur les grands arbres verts,
Les oiseaux endormis que tu trempes d'opale
Doivent songer à Toi, Lune adorable et pâle,
Pénétrés de bien-être en leurs abris divers.

Leur petite âme frêle, inquiète et farouche,
Se pelotonne à l'aise en leurs chauds petits corps,
Quand tu luis; chaque oiseau craignant les mauvais sorts
Fait sa prière à Toi, Lune, quand il se couche.

Et tu veilles sur l'homme autant que sur le nid,
Du haut de ta demeure inaccessible et sombre ;
Car le mal, ce complice ordinaire de l'ombre,
A dû craindre souvent ton regard infini.

O Lune ! jusqu'à toi permets que je m'élève !
Je rampe plein d'ennui ! Jette-moi des rayons,
Que je m'en serve ainsi que de bleus échelons
Pour suivre dans l'éther, ton domaine, mon rêve !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Douleur

Message par magda Sam 17 Avr - 11:10

Ce soir je me sens malheureux
C'est qu'il a menti le beau songe
Je m'exaltais en plein mensonge
Ah! comme j'en sors douloureux




Je croyais, et c'était ma gloire
J'espérais, c'était mon bonheur
Et maintenant, j'ai dans le coeur
Le mal affreux de ne plus croire

Je pleure, et ma main tremble un peu
Demain, je serai triste encore
Je verrai sans plaisir l'aurore
Et sans plaisir l'infini bleu

Quand on souffre par une femme
Sans espoir d'être consolé
On ne voit, d'un oeil désolé
Que le ciel sombre de son âme
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Dernière flamme

Message par magda Sam 17 Avr - 11:11

Vaguement, en mon coeur je sens que se rallume
Mon amour, comme un feu de lampe dans la brume.
C'est un charme qu'on prend pour quelque souvenir
Qui dans l'âme, d'abord, peut tout entier tenir.
Et la lampe bientôt en étoile se change,






Et répand des rayons dont la brume s'effrange.
Et c'est moins qu'une ivresse et c'est plus qu'un frisson...
Mon âme est pleine et chante une ancienne chanson.
Et puis, c'est un soleil en sa clarté première,
Qui verse à grands flots d'or sa divine lumière !
C'est l'extase ! mon coeur déborde ! je suis fou !
De l'harmonie en moi tombe, je ne sais d'où !

Peut-être que vos yeux m'ont regardé dans l'ombre,
Lorsque ce vieil amour percé de coups sans nombre
Expirait, et qu'il fallait, en a langueur,
Boire aux regards par où s'écoule votre coeur.
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty EFFETS DE NEIGE ET DE GIVRE

Message par magda Sam 17 Avr - 11:11

EFFETS DE NEIGE ET DE GIVRE



Ma vitre, ce matin, est tout en feuilles blanches,
En fleurs de givre, en fruits de frimas fins, en branches
D'argent, sur qui des frissons blancs se sont glacés.
Des arbres de vermeil l'un à l'autre enlacés,






Immobiles, ont l'air d'attendre qu'un vent passe
Tranquille, mol et blanc. Calme petit espace
Où tout a le repos profond de l'eau qui dort,
Parce que tout cela gît insensible et mort.
Vision qui fondra dès la première flamme,
Comme le rêve pur des jeunes ans de l'âme ;
Espoirs, illusions qu'on regrette tout bas :
Sur la vitre du cœur, frêles fleurs de frimas
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty intimité

Message par magda Sam 17 Avr - 11:12

La nuit mystérieuse éveille en nous des rêves,
De beaux rêves rêvés le long des jaunes grèves,
Qui s'élèvent aux clairs de lune familiers
Comme les papillons nocturnes par milliers.
Lourds encor du sommeil dont leurs ailes sont pleines,




Ils montent incertains vers les lueurs sereines
Et disparaissent. Puis, d'autres essaims bientôt
Les joignent, qui s'en vont se perdre aussi là-haut...
Mais le ciel nous les rend, le grand ciel magnanime,
Car il sait que le cœur souvent le plus sublime
Doit à quelque vieux rêve obstinément rêvé
Sa force, et qu'il mourrait s'il en était privé [...]




En attendant le jour où vous viendrez à moi,
Les regards pleins d'amour, de pudeur et de foi,
Je rêve à tous les mots futurs de votre bouche,
Qui sembleront un air de musique qui touche
Et dont je goûterai le charme à vos genoux...
Et ce rêve m'est cher comme un baiser de vous !
Votre beauté saura m'être indulgente et bonne,
Et vos lèvres auront le goût des fruits d'automne !
Par les longs soirs d'hiver, sous la lampe qui luit,
Douce, vous resterez près de moi, sans ennui,
Tandis que feuilletant les pages d'un vieux livre,
Dans les poètes morts je m'écouterai vivre ;
Ou que, songeant depuis des heures, revenu
D'un voyage lointain en pays inconnu,
Heureux, j'apercevrai, sereine et chaste ivresse,
À mon côté veillant, la fidèle tendresse !
Et notre amour sera comme un beau jour de mai,
Calme, plein de soleil, joyeux et parfumé !

Et nous vivrons ainsi , dans une paix profonde,
Isolés du vain bruit dont s'étourdit le monde,
Seuls comme deux amants qui n'ont besoin entre eux
Que de se regarder, pour s'aimer, dans les yeux !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty J'attends. Le vent gémit.

Message par magda Sam 17 Avr - 11:13

J'attends. Le vent gémit. Le soir vient. L'heure sonne.
Mon cœur impatient s'émeut. Rien ni personne.
J'attends, les yeux fermés pour ne pas voir le temps
Passer en déployant les ténèbres. J'attends.




Cédant au sommeil dont la quiétude tente,
J'ai passé cette nuit en un rêve d'attente.
Le jour est apparu baigné d'or pourpre et vif,
Comme hier, comme avant, mon cœur bat attentif.
Et je suis énervé d'attendre, sans comprendre,
Comme hier et demain, ce que je puis attendre.
J'interroge mon cœur, qui ne répond pas bien...
Ah ! qu'il est douloureux d'attendre toujours — rien !
magda
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Poésie:Albert Lozeau Empty Re: Poésie:Albert Lozeau

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