Étienne de La Boétie
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Étienne de La Boétie
C'était alors, quand, les chaleurs passées... |
C'était alors, quand, les chaleurs passées, Le sale Automne aux cuves va foulant, Le raisin gras dessous le pied coulant, Que mes douleurs furent encommencées. Le paisan bat ses gerbes amassées, Et aux caveaux ses bouillants muids roulant, Et des fruitiers son automne croulant, Se venge lors des peines avancées. Serait-ce point un présage donné Que mon espoir est déjà moissonné ? Non certes, non. Mais pour certain je pense, J'aurai, si bien à deviner j'entends, Si l'on peut rien pronostiquer du temps, Quelque grand fruit de ma longue espérance. | |
(1530-1563) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Elle est malade, hélas !
Elle est malade, hélas ! que faut-il que je face ? Quel confort ? Quel remede ? Ô cieux, et vous m'oyez Et tandis devant vous ce dur mal vous voyez Oultrager sans pitié la douceur de sa face ! Si vous l'ostez, cruelz, à ceste terre basse, S'il faut d'elle là haut que riches vous soyez, Au moins pensez à moy et, pour Dieu, m'ottroyez, Qu'au moins tout d'une main Charon tous deux nous passe. Ou s'il est, ce qu'on dit des deux freres d'Helene, Que l'un pour l'autre au ciel, et là bas se promène, Or accomplissez moy une pareille envie. Ayez, ayez de moy, ayez quelque pitié, Laissez nous, en l'honneur de ma forte amitié, Moy mourir de sa mort, elle'vivre de ma vie | |
Auteur : Étienne de La Boétie (1530-1563) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Helas ! combien de jours...
Hélas ! combien de jours, hélas ! combien de nuits J'ai vécu loin du lieu, où mon coeur fait demeure ! C'est le vingtième jour que sans jour je demeure, Mais en vingt jours j'ai eu tout un siecle d'ennuis. Je n'en veux mal qu'à moi, malheureux que je suis, Si je souspire en vain, si maintenant j'en pleure ; C'est que, mal avisé, je laissais, en mal'heure, Celle la que laisser nulle part je ne puis. J'ai honte que déjà ma peau décolorée Se voit par mes ennuis de rides labourée : J'ai honte que déjà les douleurs inhumaines Me blanchissent le poil sans le congé du temps. Encor moindre je suis au compte de mes ans, Et déjà je suis vieux au compte de mes peines. | |
Auteur : Étienne de La Boétie (1530-1563) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Amour, lors que premier ma franchise fut morte
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Amour, lors que premier ma franchise fut morte
Amour, lors que premier ma franchise fut morte,
Combien j'avois perdu encor je ne sçavoy,
Et ne m'advisoy pas, mal sage, que j'avoy
Espousé pour jamais une prison si forte.
Je pensoy me sauver de toy en quelque sorte,
Au fort m'esloignant d'elle ; et maintenant je voy
Que je ne gaigne rien à fuir devant toy,
Car ton traict en fuyant avecques moy j'emporte.
Qui a veu au village un enfant enjoué,
Qui un baston derriere à un chien a noué,
Le chien d'estre battu par derriere estonné,
Il se vire et se frappe, et les enfans joyeux
Rient qu'il va, qu'il vient, et fuyant parmy eulx
Ne peut fuir les coups que luymesme se donne.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Au milieu des chaleurs de Juillet l'alteré
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Au milieu des chaleurs de Juillet l'alteré
Au milieu des chaleurs de Juillet l'alteré,
Du nom de Marguerite une feste est chomee,
Une feste à bon droit de moy tant estimee :
Car de ce jour tout l'an ce me semble est paré.
Ce beau et riche nom, ce nom vrayment doré,
C'est le nom bienheureux dont ma Dame est nommée,
Le nom qui de son los charge la renommee,
Et qui, maugré les ans, de vivre est asseuré.
Ou l'encre et le papier en ma main faillira,
Ou ce nom en mes vers par tout le monde ira.
Il faut qu'elle se voye en cent cartes escripte.
Et qu'un jour nos nepveux, estonnez en tous temps,
Soit hyver, soit esté, sans faveur du printemps,
Voyent dans le papier fleurir la Marguerite.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
C'est Amour
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
C'est Amour, c'est Amour, c'est luy seul, je le sens
C'est Amour, c'est Amour, c'est luy seul, je le sens :
Mais le plus vif amour, la poison la plus forte
A qui onq pauvre coeur ait ouverte la porte.
Ce cruel n'a pas mis un de ses traictz perçans,
Mais arcq, traits et carquois, et luy tout, dans mes sens.
Encor un mois n'a pas que ma franchise est morte,
Que ce venin mortel dans mes veines je porte,
Et desjà j'ay perdu et le coeur et le sens.
Et quoy ? si cet amour à mesure croissoit,
Qui en si grand tourment dedans moy se conçoit !
Ô croistz, si tu peuz croistre, et amande en croissant.
Tu te nourris de pleurs ; des pleurs je te prometz,
Et, pour te refreschir, des souspirs pour jamais ;
Mais que le plus grand mal soit au moings en naissant !
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
C'est faict, mon coeur,
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
C'est faict, mon coeur, quitons la liberté
C'est faict, mon coeur, quitons la liberté.
Dequoy meshuy serviroit la deffence,
Que d'agrandir et la peine et l'offence ?
Plus ne suis fort, ainsi que j'ay esté.
La raison fust un temps de mon costé,
Or, revoltée, elle veut que je pense
Qu'il faut servir, et prendre en recompence
Qu'oncq d'un tel neud nul ne feust arresté.
S'il se faut rendre, alors il est saison,
Quand on n'a plus devers soy la raison.
Je voy qu'Amour, sans que je le deserve,
Sans aucun droict, se vient saisir de moy ;
Et voy qu'encor il faut à ce grand Roy,
Quand il a tort, que la raison luy serve.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
C'estoit alors...
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
C'estoit alors, quand, les chaleurs passees
C'estoit alors, quand, les chaleurs passees,
Le sale Automne aux cuves va foulant
Le raisin gras dessoubz le pied coulant,
Que mes douleurs furent encommencees.
Le paisan bat ses gerbes amassees,
Et aux caveaux ses bouillans muis roulant,
Et des fruictiers son automne croulant,
Se vange lors des peines advancées.
Seroit ce point un presage donné
Que mon espoir est desjà moissonné ?
Non certes, non ! Mais pour certain je pense,
J'auray, si bien à deviner j'entends,
Si l'on peult rien prognostiquer du temps,
Quelque grand fruict de ma longue esperance.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Ce dict maint un de moy
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Ce dict maint un de moy : De quoy se plaint il tant
Ce dict maint un de moy : " De quoy se plaint il tant,
Perdant ses ans meilleurs, en chose si legiere ?
Qu'a il tant à crier, si encore il espere ?
Et, s'il n'espere rien, pour quoy n'est il content ? "
Quand j'estois libre et sain, j'en disois bien autant ;
Mais certes celuy là n'a la raison entiere,
Ains a le coeur gasté de quelque rigueur fiere,
S'il se plaint de ma plainte, et mon mal il n'entend.
Amour, tout à un coup, de cent douleurs me point :
Et puis l'on m'advertit que je ne crie point !
Si vain je ne suis pas que mon mal j'agrandisse,
A force de parler : s'on m'en peut exempter,
Je quitte les sonnetz, je quitte le chanter
Qui me deffend le deuil, celuy là me guerisse.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Ce jourd'huy du Soleil
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Ce jourd'huy du Soleil la chaleur alteree
Ce jourd'huy du Soleil la chaleur alteree
A jauny le long poil de la belle Ceres :
Ores il se retire ; et nous gaignons le frais,
Ma Marguerite et moy, de la douce seree,
Nous traçons dans les bois quelque voye esgaree :
Amour marche devant, et nous marchons apres.
Si le vert ne nous plaist des espesses forests,
Nous descendons pour voir la couleur de la pree ;
Nous vivons francs d'esmoy, et n'avons point soucy
Des Roys, ny de la cour, ny des villes aussi.
Ô Medoc, mon païs solitaire et sauvage,
Il n'est point de païs plus plaisant à mes yeux :
Tu es au bout du monde, et je t'en aime mieux ;
Nous sçavons apres tous les malheurs de nostre aage.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Ce n'est pas moy que l'on abuse ainsi
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Ce n'est pas moy que l'on abuse ainsi
Ce n'est pas moy que l'on abuse ainsi :
Qu'à quelque enfant, ces ruzes on emploie,
Qui n'a nul goust, qui n'entend rien qu'il oye :
Je sçay aymer, je sçay hayr aussi.
Contente toy de m'avoir jusqu'ici
Fermé les yeux ; il est temps que j'y voie,
Et que meshui las et honteux je soye
D'avoir mal mis mon temps et mon souci.
Oserois tu, m'ayant ainsi traicté,
Parler à moy jamais de fermeté ?
Tu prendz plaisir à ma douleur extreme ;
Tu me deffends de sentir mon tourment,
Et si veux bien que je meure en t'aimant :
Si je ne sens, comment veus tu que j'aime ?
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Ce sont tes yeux
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Ce sont tes yeux tranchans qui me font le courage
Ce sont tes yeux tranchans qui me font le courage.
Je veoy saulter dedans la gaïe liberté,
Et mon petit archer, qui mene à son costé
La belle gaillardise et plaisir le volage ;
Mais apres, la rigueur de ton triste langage
Me monstre dans ton coeur la fiere honesteté ;
Et, condemné, je veoy la dure chasteté
Là gravement assise et la vertu sauvage.
Ainsi mon temps divers par ces vagues se passe :
Ores son oeil m'appelle, or sa bouche me chasse.
Helas ! en cest estrif, combien ay je enduré !
Et puis qu'on pense avoir d'amour quelque asseurance
Sans cesse, nuict et jour, à la servir je pense,
Ny encor de mon mal ne puis estre assuré.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Enfant aveugle
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Enfant aveugle, nain, qui n'as autre prouësse
Enfant aveugle, nain, qui n'as autre prouësse,
Sinon en trahison quelque flesche tirer,
Qui n'as autre plaisir sinon de deschirer
En cent pieces les coeurs de la folle jeunesse ;
Le corps sans honte nud si ton pere te laisse,
Il monstre qu'on se doit loing de toy retirer,
Qui n'as rien que les coeurs que tu peux attirer
Par les traistres appas de ta main larronnesse.
Meurtrier, larron, pipeur, dy moy, dy hardiment,
Si rien aux tiens jamais tu donnas que tourment ?
Ores, sans t'espargner, de toy je me veux plaindre,
Quel mal me feras tu que je n'aye enduré ?
Mes maulx m'ont fait meshuy contre toy asseuré ;
J'ay desjà tant souffert que je n'ay rien à craindre.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
J'allois seul remaschant mes angoisses passes
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'allois seul remaschant mes angoisses passes
J'allois seul remaschant mes angoisses passes :
Voici (Dieux destournez ce triste mal-encontre !)
Sur chemin d'un grand loup l'effroyable rencontre,
Qui, vainqueur des brebis de leur chien delaissees,
Tirassoit d'un mouton les cuisses despecees,
Le grand deuil du berger. Il rechigne et me monstre
Les dents rouges de sang, et puis me passe contre,
Menassant mon amour, je croy, et mes pensees.
De m'effrayer depuis ce presage ne cesse :
Mais j'en consulteray sans plus à ma maistresse.
Onc par moy n'en sera pressé le Delphien.
Il le sçait, je le croy, et m'en peut faire sage :
Elle le sçait aussi, et sçait bien d'avantage,
Et dire, et faire encor et mon mal et mon bien.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
J'ay fait preuve des deux,
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'ay fait preuve des deux, meshuy je le puis dire
J'ay fait preuve des deux, meshuy je le puis dire :
Sois je pres, sois je loing, tant mal traicté je suis,
Que choisir le meilleur à grand' peine je puis,
Fors que le mal present me semble tousjours pire.
Las ! en ce rude choix que me fault il eslire ?
Quand je ne la voy point, les jours me semblent nuits ;
Et je sçay qu'à la voir j'ai gaigné mes ennuis :
Mais deusse-je avoir pis, de la voir je desire.
Quelque brave guerrier, hors du combat surpris
D'un mosquet, a despit que de pres il n'aist pris
Un plus honeste coup d'une lance cogneue :
Et moy, sachant combien j'ay par tout enduré,
D'avoir mal pres et loing je suis bien asseuré ;
Mais quoy ! s'il faut mourir, je veux voir qui me tue.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
J'ay tant vescu,
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'ay tant vescu, chetif, en ma langueur
J'ay tant vescu, chetif, en ma langueur,
Qu'or j'ay veu rompre, et suis encor en vie.
Mon esperance avant mes yeulx ravie,
Contre l'escueil de sa fiere rigueur.
Que m'a servy de tant d'ans la longueur ?
Elle n'est pas de ma peine assouvie :
Elle s'en rit, et n'a point d'aultre envie
Que de tenir mon mal en sa vigueur.
Doncques j'auray, mal'heureux en aymant,
Tousjours un coeur, tousjours nouveau torment,
Je me sens bien que j'en suis hors d'alaine,
Prest à laisser la vie soubs le faix :
Qu'y feroit on, sinon ce que je fais ?
Piqué du mal, je m'obstine en ma peine.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
J'ay un Livre Thuscan, dont la tranche est garnie
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'ay un Livre Thuscan, dont la tranche est garnie
J'ay un Livre Thuscan, dont la tranche est garnie
Richement d'or battu de l'une et l'autre part ;
Le dessus reluit d'or ; et au dedans est l'art
Du comte Balthasar, de la Contisanie.
Où que je sois, ce livre est en ma compagnie.
Aussi c'est un present de celle qui depart
A tout ce qu'elle voit, à ce qui d'elle part,
Quelque part, quelque ray de sa grace infinie.
Ô Livre bienheureux, mon Maron, mon Horace,
Mon Homer, mon Pindar, ce semble, te font place.
Meshuy d'estre immortel tu te peus bien vanter ;
Elle fait cas de toy, c'est asseurance entiere.
A qui ne plairas tu, ayant peu contenter
Des Muses la dixieme et certes la premiere ?
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
'ay veu ses yeulx perçans
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'ay veu ses yeulx perçans, j'ay veu sa face claire
J'ay veu ses yeulx perçans, j'ay veu sa face claire ;
Nul jamais, sans son dam, ne regarde les Dieux :
Froit, sans coeur me laissa son oeil victorieux,
Tout estourdy du coup de sa forte lumiere :
Comme un surpris de nuict aux champs, quand il esclaire,
Estonné, se pallist si la fleche des cieulx,
Sifflant, luy passe contre et luy serre les yeulx ;
Il tremble, et veoit, transi, Jupiter en cholere.
Dy moy, Madame, au vray, dy moy, si tes yeulx verts
Ne sont pas ceulx qu'on dict que l'Amour tient couverts ?
Tu les avois, je croy, la fois que je t'ay veüe ;
Au moins il me souvient qu'il me feust lors advis
Qu'Amour, tout à un coup, quand premier je te vis,
Desbanda dessus moy et son arc et sa veüe
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
J'estois prest d'encourir pour jamais quelque blasme
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
J'estois prest d'encourir pour jamais quelque blasme
J'estois prest d'encourir pour jamais quelque blasme,
De colere eschaufé, mon courage brusloit,
Ma fole voix au gré de ma fureur branloit,
Je despitois les Dieux, et encores Madame,
Lors qu'elle, de loing, jecte un brefuet dans ma flamme :
Je le sentis soudain comme il me rabilloit,
Qu'aussi tost devant lui ma fureur s'en alloit,
Qu'il me rendoit, vainqueur, a sa place mon ame.
Entre vous qui, de moy, ces merveilles oiés,
Que me dites vous d'elle ? et je vous prie, voyez,
S'ainsi comme je fais, adorer je la dois ?
Quels miracles en moi pensés vous qu'elle fasse
De son oeil tout puissant, ou d'un rai de sa face,
Puis qu'en moi firent tant les traces de ses doigtz ?
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Jà reluisoit la benoiste journee
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Jà reluisoit la benoiste journee
Jà reluisoit la benoiste journee
Que la nature au monde te devoit,
Quand des thresors qu'elle te reservoit
Sa grande clef te feust abandonnee.
Tu prins la grace à toy seule ordonnee,
Tu pillas tant de beautez qu'elle avoit,
Tant qu'elle fiere, a lors qu'elle te veoit,
En est par fois elle mesme estonnee.
Ta main de prendre en fin se contenta,
Mais la nature encor te presenta,
Pour t'enrichir, ceste terre où nous sommes.
Tu n'en prins rien : mais, en toy tu t'en ris,
Te sentant bien en avoir assez pris
Pour estre ici royne du coeur des hommes.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Je ne croiray jamais que de Venus sortisse
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Je ne croiray jamais que de Venus sortisse
Je ne croiray jamais que de Venus sortisse
Un tel germe que toy. Or ta race j'ay sceu,
Ô enfant sans pitié : Megere t'a conceu,
Et quelque louve apres t'a baillé pour nourrisse.
Petit monstre maling, c'est ta vieille malice,
Qui te tient acroupi ; aucun ne t'a receu
Des hommes ny des Dieux que tu n'ayes deceu ;
Et encor ne se trouve aucun qui te punisse.
Ô traistre, ô boutefeu, donc ta rage assouvie
Ne fut ny sera oncq des maulx de nostre vie !
Je sçay bien que de toy je ne me puis deffaire.
Et puis qu'ainsi il va, je vois bien desormais
Que tant que je vivray, je ne seray jamais
Saoul de te dire mal, ny toy saoul de m'en faire.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Je publiëray ce bel esprit qu'elle a
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Je publiëray ce bel esprit qu'elle a
Je publiëray ce bel esprit qu'elle a,
Le plus posé, le plus sain, le plus seur,
Le plus divin, le plus vif, le plus meur,
Qui oncq du ciel en la terre vola.
J'en sçay le vray, et si cest esprit là
Se laissoit voir avecques sa grandeur,
Alors vrayment verroit l'on par grand heur
Les traicts, les arcs, les amours qui sont là.
A le vanter je veux passer mon aage :
Mais le vanter, comme il faut, c'est l'ouvrage
De quelque esprit, helas, non pas du mien ;
Non pas encor de celuy d'un Virgile,
Ny du vanteur du grand meurtrier Achile ;
Mais d'un esprit qui fust pareil au sien.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Je sçay ton ferme cueur, je cognois ta constance
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Je sçay ton ferme cueur, je cognois ta constance
"Je sçay ton ferme cueur, je cognois ta constance :
Ne sois point las d'aimer, et sois seur que le jour,
Que mourant je lairray nostre commun sejour,
Encor mourant, de toy j'auray la souvenance.
J'en prens tesmoing le Dieu qui les foudres eslance,
Qui ramenant pour nous les saisons à leur tour,
Vire les ans legers d'un eternel retour,
Le Dieu qui les Cieux bransle à leur juste cadence,
Qui fait marcher de reng aux lois de la raison
Ses astres, les flambeaux de sa haute maison,
Qui tient les gonds du ciel et l'un et l'autre pole. "
Ainsi me dit ma Dame, ainsi pour m'asseurer
De son cueur debonnaire, il luy pleut de jurer ;
Mais je l'eusse bien creuë à sa simple parole.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Je tremblois devant elle, et attendois, transi
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Je tremblois devant elle, et attendois, transi
Je tremblois devant elle, et attendois, transi,
Pour venger mon forfaict quelque juste sentence,
A moi mesme consent du poids de mon offence,
Lors qu'elle me dict : " Va, je te prens à merci.
Que mon loz desormais par tout soit esclarci :
Emploie là tes ans, et, sans plus, meshuy pence
D'enrichir de mon nom par tes vers nostre France,
Couvre de vers ta faulte, et paie moi ainsi. "
Sus donc, ma plume ! Il faut, pour jouir de ma peine,
Courir par sa grandeur d'une plus large veine.
Mais regarde à son oeil, qu'il ne nous abandonne.
Sans ses yeux, nos espritz se mourroient languissants :
Ilz nous donnent le coeur, ilz nous donnent le sens :
Pour se payer de moy, il faut qu'elle me donne.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
Je veux qu'on sçache au vray comme elle estoit armee
- Etienne de LA BOETIE (1530-1563)
Je veux qu'on sçache au vray comme elle estoit armee
Je veux qu'on sçache au vray comme elle estoit armee
Lors qu'elle print mon coeur au dedans de son fort,
De peur qu'à ma raison on n'en donne le tort,
Et de m'avoir failli qu'elle ne soit blasmee.
Sa douceur, sa grandeur, ses yeulx, sa grace aimee,
Fut le reng qui premier fit sur moy son effort ;
Et puis de ses vertus un autre reng plus fort,
Et son esprit, le chef de ceste grande armee.
Qu'eusse-je fait tout seul ? je me suis laissé prendre ;
Mais à son esprit seul je me suis voulu rendre.
C'est celuy qui me print, qui à son gré me méne,
Qui de me faire mal a eu tant de pouvoir :
Mais puis qu'il faut souffrir, je me tiens fier d'avoir
Une si grand' raison d'une si grande peine.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
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