Poèmes animaux
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Poèmes animaux
Rappel du premier message :
Châtiment d’un chat renversé
Blanc cassé sur le goudron
Sang en éclat de haine
Rouge comme ultime rempart d’une vie
écourtée par une roue broyant l’évidence
Nous l’avons déplacé des yeux du monde
Au versant de cette aventure qu’il ne connaîtra plus
Un regard triste de tendresse
Parfumait notre repas de midi sans volupté
Une seconde a suffi
Interminable
Animal désavoué par la civilisation
Gravure de sève vermeille
Épitaphe
Sybille Rembard
Châtiment d’un chat renversé
Blanc cassé sur le goudron
Sang en éclat de haine
Rouge comme ultime rempart d’une vie
écourtée par une roue broyant l’évidence
Nous l’avons déplacé des yeux du monde
Au versant de cette aventure qu’il ne connaîtra plus
Un regard triste de tendresse
Parfumait notre repas de midi sans volupté
Une seconde a suffi
Interminable
Animal désavoué par la civilisation
Gravure de sève vermeille
Épitaphe
Sybille Rembard
Dernière édition par muriel le Mer 7 Avr - 22:48, édité 1 fois
Valerie-M-kaya- Nombre de messages : 875
Date d'inscription : 21/03/2010
Maurice Rollinat: Les Petits Taureaux
Maurice Rollinat: Les Petits Taureaux
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Quels prés, matin et soir,
Ils ont pour promenoir !
A peine à leur front noir
On voit poindre les cornes.
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Où qu’ils soient à brouter,
Ils ne peuvent rester.
Aussi font-ils pester
Le vacher qui se lasse.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Autour des grands taureaux
Tous trois font les bravaches !
Quels meuglements ! quels trots
Autour des grands taureaux !
Ils ne sont pas bien gros,
Mais ils courent les vaches !
Autour des grands taureaux,
Tous trois font les bravaches !
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Pour elle quel assaut !
Chacun fait plus d’un saut.
Elle en a l’air tout sot,
La pauvre pudibonde.
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est si bon gardien,
Le pauvre petit chien.
Si tous trois sont très bien,
Avec plus d’une agace
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape,
A toute heure épié,
Il est estropié.
De la tête et du pied
C’est à qui d’eux le frappe.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape.
Quand ils sont altérés
Ils vont boire à la Creuse.
Ils s’échappent des prés
Quand ils sont altérés.
Oh ! les doux effarés
Sur la côte pierreuse !
Quand ils sont altérés,
Ils vont boire à la Creuse.
Ils marchent dans les buis,
Lents comme des tortues ;
Sur le bord où je suis
Ils marchent dans les buis.
Leurs pieds n’ont pour appuis
Que des roches pointues ;
Ils marchent dans les buis
Lents comme des tortues.
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne
Qui bouge si souvent ;
Moi, je fume, observant ;
Eux, vont le mufle au vent,
La prunelle maligne ;
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
Dans les endroits herbus
Ils s’arrêtent fourbus.
Joignant leurs nez camus
Ils se lèchent ensemble.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande !
Chers petits bœufs follets,
A vous ces triolets.
Aux prés ruminez-les,
La saveur en est grande ;
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne ;
Le grillon chuchotait.
Oh ! quel charme c’était !
L’étang brun reflétait
La lune monotone.
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne !
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Quels prés, matin et soir,
Ils ont pour promenoir !
A peine à leur front noir
On voit poindre les cornes.
Ils ont pour promenoir
Des vallons verts et mornes.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Où qu’ils soient à brouter,
Ils ne peuvent rester.
Aussi font-ils pester
Le vacher qui se lasse.
Ils ne peuvent rester
Une minute en place.
Autour des grands taureaux
Tous trois font les bravaches !
Quels meuglements ! quels trots
Autour des grands taureaux !
Ils ne sont pas bien gros,
Mais ils courent les vaches !
Autour des grands taureaux,
Tous trois font les bravaches !
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Pour elle quel assaut !
Chacun fait plus d’un saut.
Elle en a l’air tout sot,
La pauvre pudibonde.
Chacun fait plus d’un saut
Sur la génisse blonde.
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est si bon gardien,
Le pauvre petit chien.
Si tous trois sont très bien,
Avec plus d’une agace
Le pauvre petit chien
Fortement les agace.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape,
A toute heure épié,
Il est estropié.
De la tête et du pied
C’est à qui d’eux le frappe.
Il est estropié
Par les coups qu’il attrape.
Quand ils sont altérés
Ils vont boire à la Creuse.
Ils s’échappent des prés
Quand ils sont altérés.
Oh ! les doux effarés
Sur la côte pierreuse !
Quand ils sont altérés,
Ils vont boire à la Creuse.
Ils marchent dans les buis,
Lents comme des tortues ;
Sur le bord où je suis
Ils marchent dans les buis.
Leurs pieds n’ont pour appuis
Que des roches pointues ;
Ils marchent dans les buis
Lents comme des tortues.
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne
Qui bouge si souvent ;
Moi, je fume, observant ;
Eux, vont le mufle au vent,
La prunelle maligne ;
Moi, je fume, observant
Le liège de ma ligne.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
Dans les endroits herbus
Ils s’arrêtent fourbus.
Joignant leurs nez camus
Ils se lèchent ensemble.
Ils s’arrêtent fourbus
Sous l’orme ou sous le tremble.
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande !
Chers petits bœufs follets,
A vous ces triolets.
Aux prés ruminez-les,
La saveur en est grande ;
A vous ces triolets
Que j’ai faits sur la brande
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne ;
Le grillon chuchotait.
Oh ! quel charme c’était !
L’étang brun reflétait
La lune monotone.
Oh ! quel charme ! C’était
Par une nuit d’automne !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Anatole France - Les Poèmes dorés :La Perdrix
Hélas! celle qui, jeune en la belle saison,
Causa dans les blés verts une ardente querelle
Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,
La compagne au bon cœur qui bâtit la maison
Et nourrit les petits aux jours de la moisson,
Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.
C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile,
Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.
Son sang pur de couveuse à la chaleur divine
Sur son corps déchiré mouille sa plume fine.
Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.
Dans les joncs, à l'abri de l’épagneul qui flaire,
Triste, s’enveloppant de silence et de paix,
Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère.
Causa dans les blés verts une ardente querelle
Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,
La compagne au bon cœur qui bâtit la maison
Et nourrit les petits aux jours de la moisson,
Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.
C'est en vain qu'elle fuit dans l'air à tire-d'aile,
Le plomb fait dans sa chair passer le grand frisson.
Son sang pur de couveuse à la chaleur divine
Sur son corps déchiré mouille sa plume fine.
Elle tournoie et tombe entre les joncs épais.
Dans les joncs, à l'abri de l’épagneul qui flaire,
Triste, s’enveloppant de silence et de paix,
Ayant fini d'aimer, elle meurt sans colère.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Anatole France-Les Poèmes dorés :la mort du singe
Dans la serre vitrée où de rigides plantes,
Filles d’une jeune île et d’un lointain soleil,
Sous un ciel toujours gris, sommeillant sans réveil,
Dressent leurs dards aigus et leurs floraisons lentes,
Lui, trembiant, secoué par la flèvre et la toux,
Tordant son triste corps sous des lambeaux de laine,
Entre ses longues dents pousse une rauque haleine
Et sur son sein velu croise ses longs bras roux.
Ses yeux, vides de crainte et vides d’espérance,
Entre eux et chaque chose ignorent tout lien ;
Ils sont empreints, ces yeux qui ne regardent rien,
De la douceur que donne aux brutes la souffrance.
Ses membres presque humains sont brûlants et frileux ;
Ses lèvres en s’ouvrant découvrent les gencives ;
Et, comme ii va mourir, ses paumes convulsives
Ont caché pour jamais ses pouces musculeux.
Mais voici qu’il a vu le soleil disparaître
Derrière les huniers assemblés dans le port ;
Il l’a vu : son front bas se ride sous l’effort
Qu’il tente brusquement pour rassembler son être.
Songe-t-il que, parmi ses frères forestiers,
Alors qu’un chaud soleil descendait des cieux calmes,
Repu du lait des noix et couché sur les palmes,
Il s’endormait heureux dans ses frais cocotiers,
Avant qu’un grand navire, allant vers des mers froides,
L’emportât au milieu des clameurs des marins,
Pour qu’un jour, dans le vent, qui lui mordît les reins,
La toile, au long des mâts, glacât ses membres roides ?
À cause de la fièvre aux souvenirs vibrants
Et du jeune qui donne aux âmes l'allégeance,
Grâce à cette suprême et brève intelligence
Qui s'allume si claire au cerveau des mourants,
Ce muet héritier d'une race stupide
D'un rêve unique emplit ses esprits exaltés :
Il voit les bons soleils de ses jeunes étés,
Il abreuve ses yeux de leur flamme limpide.
Puis une vague nuit pèse en son crâne épais.
Laissant tomber sa nuque et ses lourdes mâchoires,
Il râle. Autour de lui croissent les ombres noires :
Minuit, l’heure où l’on meurt, lui versera la paix.
Filles d’une jeune île et d’un lointain soleil,
Sous un ciel toujours gris, sommeillant sans réveil,
Dressent leurs dards aigus et leurs floraisons lentes,
Lui, trembiant, secoué par la flèvre et la toux,
Tordant son triste corps sous des lambeaux de laine,
Entre ses longues dents pousse une rauque haleine
Et sur son sein velu croise ses longs bras roux.
Ses yeux, vides de crainte et vides d’espérance,
Entre eux et chaque chose ignorent tout lien ;
Ils sont empreints, ces yeux qui ne regardent rien,
De la douceur que donne aux brutes la souffrance.
Ses membres presque humains sont brûlants et frileux ;
Ses lèvres en s’ouvrant découvrent les gencives ;
Et, comme ii va mourir, ses paumes convulsives
Ont caché pour jamais ses pouces musculeux.
Mais voici qu’il a vu le soleil disparaître
Derrière les huniers assemblés dans le port ;
Il l’a vu : son front bas se ride sous l’effort
Qu’il tente brusquement pour rassembler son être.
Songe-t-il que, parmi ses frères forestiers,
Alors qu’un chaud soleil descendait des cieux calmes,
Repu du lait des noix et couché sur les palmes,
Il s’endormait heureux dans ses frais cocotiers,
Avant qu’un grand navire, allant vers des mers froides,
L’emportât au milieu des clameurs des marins,
Pour qu’un jour, dans le vent, qui lui mordît les reins,
La toile, au long des mâts, glacât ses membres roides ?
À cause de la fièvre aux souvenirs vibrants
Et du jeune qui donne aux âmes l'allégeance,
Grâce à cette suprême et brève intelligence
Qui s'allume si claire au cerveau des mourants,
Ce muet héritier d'une race stupide
D'un rêve unique emplit ses esprits exaltés :
Il voit les bons soleils de ses jeunes étés,
Il abreuve ses yeux de leur flamme limpide.
Puis une vague nuit pèse en son crâne épais.
Laissant tomber sa nuque et ses lourdes mâchoires,
Il râle. Autour de lui croissent les ombres noires :
Minuit, l’heure où l’on meurt, lui versera la paix.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Anatole France-Les Poèmes dorés :la mort d'une libellule
Sous les branches de saule en la vase baignées
Un peuple impur se tait, glacé dans sa torpeur,
Tandis qu'on voit sur l’eau de grêles araignées
Fuir vers les nymphéas que voile une vapeur.
Mais, planant sur ce monde où la vie apaisée
Dort d'un sommeil sans joie et presque sans réveil.
Des êtres qui ne sont que lumière et rosée
Seuls agitent leur âme éphémère au sommeil.
Un jour que je voyais ces sveltes demoiselles,
Comme nous les nommons, orgueil des calmes eaux.
Réjouissant l'air pur de l'éclat de leurs ailes,
Se fuir et se chercher par-dessus les roseaux,
Un enfant, l'œil en feu, vint jusque dans la vase
Pousser son filet vert à travers les iris,
Sur une libellule ; et le réseau de gaze
Emprisonna le vol de l'insecte surpris.
Le fin corsage vert fut percé d'une épingle;
Mais la frêle blessée, en un farouche effort.
Se fit jour, et, prenant ce vol strident qui cingle,
Emporta vers les joncs son épingle et sa mort.
Il n'eût pas convenu que sur un liège infâme
Sa beauté s'étalât aux yeux des écoliers :
Elle ouvrit pour mourir ses quatre ailes de flamme,
Et son corps se sécha dans les joncs familiers.
Chaville, mai 1870.
Un peuple impur se tait, glacé dans sa torpeur,
Tandis qu'on voit sur l’eau de grêles araignées
Fuir vers les nymphéas que voile une vapeur.
Mais, planant sur ce monde où la vie apaisée
Dort d'un sommeil sans joie et presque sans réveil.
Des êtres qui ne sont que lumière et rosée
Seuls agitent leur âme éphémère au sommeil.
Un jour que je voyais ces sveltes demoiselles,
Comme nous les nommons, orgueil des calmes eaux.
Réjouissant l'air pur de l'éclat de leurs ailes,
Se fuir et se chercher par-dessus les roseaux,
Un enfant, l'œil en feu, vint jusque dans la vase
Pousser son filet vert à travers les iris,
Sur une libellule ; et le réseau de gaze
Emprisonna le vol de l'insecte surpris.
Le fin corsage vert fut percé d'une épingle;
Mais la frêle blessée, en un farouche effort.
Se fit jour, et, prenant ce vol strident qui cingle,
Emporta vers les joncs son épingle et sa mort.
Il n'eût pas convenu que sur un liège infâme
Sa beauté s'étalât aux yeux des écoliers :
Elle ouvrit pour mourir ses quatre ailes de flamme,
Et son corps se sécha dans les joncs familiers.
Chaville, mai 1870.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Anatole France - Les Poèmes dorés :cerfs
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l'heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.
Suants, fumants, en feu, quant vint l'aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d'un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle
Ils halètent, ils sont fourbus, leur jarret grêle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.
Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bête désirée
Attend; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux;
Elle écoute passer les souffles et les râles;
Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles
D'un prompt frémissement effleure ses naseaux.
Enfin l'un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S'abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant.
L'oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée;
Et la mort vient déjà, dans l'aube et la rosée.
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.
Douce aux destins nouveaux, son âme végétale
Se disperse aisément dans la forêt natale ;
L'universelle vie accueille ses esprits :
Il redonne à la terre, aux vents aromatiques.
Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques.
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu'il leur a pris.
Telle est la guerre au sein des forêts maternelles.
Qu’elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son âme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie;
Son âme s'est complu, muette, au sein des bois.
Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;
Aucun être n'existe ou ne périt en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière.
Et que suit désormais la biche douce et fière,
A les reins et le cœur bons pour l'œuvre divin.
L’Amour, l’Amour puissant, la Volupté féconde.
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde.
Le père de la vie et des destins futurs !
C’est par l’Amour fatal, par ses luttes cruelles.
Que l’univers s'anime en des formes plus belles.
S’achève et se connaît en des esprits plus purs.
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l'heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.
Suants, fumants, en feu, quant vint l'aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d'un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle
Ils halètent, ils sont fourbus, leur jarret grêle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.
Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bête désirée
Attend; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux;
Elle écoute passer les souffles et les râles;
Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles
D'un prompt frémissement effleure ses naseaux.
Enfin l'un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S'abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant.
L'oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée;
Et la mort vient déjà, dans l'aube et la rosée.
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.
Douce aux destins nouveaux, son âme végétale
Se disperse aisément dans la forêt natale ;
L'universelle vie accueille ses esprits :
Il redonne à la terre, aux vents aromatiques.
Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques.
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu'il leur a pris.
Telle est la guerre au sein des forêts maternelles.
Qu’elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son âme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie;
Son âme s'est complu, muette, au sein des bois.
Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;
Aucun être n'existe ou ne périt en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière.
Et que suit désormais la biche douce et fière,
A les reins et le cœur bons pour l'œuvre divin.
L’Amour, l’Amour puissant, la Volupté féconde.
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde.
Le père de la vie et des destins futurs !
C’est par l’Amour fatal, par ses luttes cruelles.
Que l’univers s'anime en des formes plus belles.
S’achève et se connaît en des esprits plus purs.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Charles Cros: à une chatte
Chatte blanche, chatte sans tache,
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas
Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l'été ?
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,
Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles ;
J'y trouve trop de noir au fond.
Je te demande, dans ces vers,
Quel secret dort dans tes yeux verts,
Quel sarcasme sous ta moustache.
Tu nous lorgnes, pensant tout bas
Que nos fronts pâles, que nos lèvres
Déteintes en de folles fièvres,
Que nos yeux creux ne valent pas
Ton museau que ton nez termine,
Rose comme un bouton de sein,
Tes oreilles dont le dessin
Couronne fièrement ta mine.
Pourquoi cette sérénité ?
Aurais-tu la clé des problèmes
Qui nous font, frissonnants et blêmes,
Passer le printemps et l'été ?
Devant la mort qui nous menace,
Chats et gens, ton flair, plus subtil
Que notre savoir, te dit-il
Où va la beauté qui s'efface,
Où va la pensée, où s'en vont
Les défuntes splendeurs charnelles ?
Chatte, détourne tes prunelles ;
J'y trouve trop de noir au fond.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Du coq et du renard-Francois HABERT
- Francois HABERT (1508-1561)
Du coq et du renard
Le renard, par bois errant,
Va quérant,
Pour sa dent, tendre pasture,
Et si loin en la fin va,
Qu'il trouva
Le coq par mésaventure,
Le coq, de grand peur qu'il a,
S'envola.
Sur une ente haute et belle,
Disant que maistre renard
N'a pas l'art
De monter dessus icelle.
Le renard, qui l'entendit,
Lui a dit,
Pour mieux couvrir sa fallace
"Dieu te garde, ami très-cher !
Te chercher
Suis venu en cette place,
Pour te raconter un cas
Dont tu n'as
Encore la connoissance ;
C'est que tous les animaux,
Laids et beaux,
Ont fait entre eux alliance,
"Toute guerre cessera ;
Ne sera
Plus entr'eux fraude maligne ;
Sûrement pourra aller
Et parler
Avec moi la geline.
De bestes un million
Le lion
Mene jà par la campagne ;
La brebis avec le loup,
A ce coup,
Sans nul danger s'accompagne,
Tu pourras voir ici bas
Grands ébats
Démener chacune beste :
Descendre donc il te faut
De Là-haut,
Pour solemniser la feste."
Or fut le coq bien subtil
" J'ai, dit-il,
Grande joi' d'une paix telle,
Et je te remerci' bien
Du grand bien
D'une si bonne nouvelle."
Cela dit, vient commencer
A hausser son col et sa creste rouge,
Et son regard il épard
Mainte part,
Sans que de son lieu se bouge.
Puis dit : "J'entends par les bois
Les abbois
De trois chiens qui cherchent proie ;
Ho ! compère, je les voi
Près de toi ;
Va avec eux par la voie. "
- "Oh, non ; car ceux-ci n'ont pas
Sçu le cas
Tout ainsi comme il se passe,
Dit le renard : je m'en vas
Tout là bas,
De peur que n'aye la chasse."
Ainsi fut, par un plus fin,
Mise à fin
Du subtil renard la ruse.
Qui ne vent estre déçu
A son sçu,
D'un tel engin faut qu'il use.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
D'un corbeau et d'un renard-Guillaume HAUDENT
- Guillaume HAUDENT (14??-14??)
D'un corbeau et d'un renard
Comme un corbeau, plus noir que n'est la poix,
Était au haut d'un arbre quelquefois
Juché, tenant à son bec un fromage,
Un faux renard vint quasi par hommage
A lui donner le bonjour ; cela fait,
Il est venu à l'extoller à fait
En lui disant : " Ô triomphant corbeau,
Sur tous oiseaux me sembles de corps beau
Et pour autant les ceux qui noir te disent
Très méchamment de ta couleur médisent
Vu que tu es par très apparent signe
De trop plus blanc que ne fut oncques cygne,
Et que le paon en beauté tu excèdes,
S'ainsi est donc que la voix tu possèdes
Correspondant à ta beauté de corps,
C'est assavoir, fondée en doux accords
Pour bien chanter, entends pour vrai et croi
Que des oiseaux es digne d'être roi ;
A cette cause j'aurais bon appétit
D'ouïr ta voix déployer un petit a,
Quand pour certain quelque chose qu'on nie
Ton chant me semble être plein d'harmonie. "
Par tels propos adulatifs et feints
Qu'a ce renard cauteleux et atteints,
Le sot corbeau fut tant de gloire épris
Qu'incontinent à chanter il s'est pris,
Dont par sa gloire il encourut dommage
Quand hors du bec lui en chut le fromage,
Que ce renard tout exprès attendait
Car autre chose avoir ne prétendait
Vu qu'aussitôt qu'il en fut jouissant
Il s'enfuit, voire en se gaudissant
De ce corbeau, ainsi pris par son art
Bien lui montrant qu'il était vrai conard.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
D'un renard et d'un bouc-Guillaume HAUDENT
- Guillaume HAUDENT (14??-14??)
D'un renard et d'un bouc
Un fin renard et subtil par nature
Avec un bouc se trouva d'aventure
Au bord de l'eau, de quelque puits si haut
Qu'il en faillait issir à double saut,
Ce que voyant le renard, fine bête,
Lors dit au bouc : " Dresser convient ta tête
Et l'estocquer encontre la paroi ;
Par ce moyen je saillirai sur toi,
Et par après dessus le bord du puits,
Facilement pourrai saillir, et puis
Je te promets de t'en tirer dehors. "
Le pauvre bouc crut ce renard alors,
Par quoi s'est pris à estocquer de front
Les pieds en haut et ce renard fort prompt
Dessus le col lui saut du premier coup,
Et du second se jeta bien acoup
Outre le bord de ce puits ainsi haut ;
Par ce moyen le renard fin et cault
Échappa lors sautant et goguetant
Dessus le bord de ce puits ; entretant
Le pauvre bouc lui va crier d'en bas "
Ah ! faux renard je vois que tu t'ébats
Lassus, n'ayant aucun souci de moi.
En toi ni à promesse qui ait foi,
Quand ainsi est que d'aider à me mettre
Hors de ce lieu tu m'as bien su promettre,
Mais maintenant ne t'en chaut quand tu vois
Être échappé par tes fins ambigeois. "
A quoi répond le renard : "Pauvre bête,
S'autant de sens tu avais en la tête
Comme de poil as sous gorge pendu,
Pas en ce lieu ne fusses descendu. "
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
Date d'inscription : 18/07/2008
A mes hirondelles:Reine GARDE
- Reine GARDE (1810-1887)
A mes hirondelles
L'hiver au doux printemps vient de céder la place,
Mars de sa tiède haleine a réchauffé l'espace,
La prairie étale ses fleurs :
Revenez donc, mes hirondelles,
Ne me soyez point infidèles,
Revenez, le bruit de vos ailes
A l'instant suspendra mes pleurs.
Laissant au rossignol les arbres du bocage,
Dans mes vases garnis de fleurs et de feuillage,
Gazouillez du matin au soir.
Je veux que chacune en dispose,
Et pour mieux becqueter la rose,
La giroflée à peine éclose,
Penchez-vous sur mon arrosoir.
magda- Nombre de messages : 1253
Date d'inscription : 28/03/2010
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