Amazigh tu es, Amazigh tu resteras !
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Amazigh tu es, Amazigh tu resteras !
Dans un lointain village de l’Atlas, vivait un enfant, son père travaillait la
terre, sa mère la laine et elle s’occupait des maigres moutons, entretenus avec
des herbes desséchées par les longues années de sécheresse. Une vie modeste, un
habitat fait de terre couvert de roseaux tissés par les mains habiles du père.
Dans une djellaba usée, décolorée par les milliers de fois lavée à la main, par
les centaines de coup pour en dégager la crasse, Anir grandit, un morceau de
pain, garni de huile d’olive à la main, elle coulait jusqu’au coude.
Il était là sur sa crête, à admirer le lointain paysage, la beauté
des montagnes qui valsaient, taguaient, pour venir mourir harmonieusement aux
pieds des doux nuages. Un soleil doré, teintait d’or et d’argent de lointaines
contrées, inconnues pour Anir, ces pays où l’on disait que la terre n’était que
sable, où il ne pleuvait jamais, « foutaises ! » se disait-il, lui qui n’avait
connu que cette crête, que ces sillons, qui lui sont devenus familiers, cette
neige, qui l’enfermait pour des jours entiers, et qu’il redoutait plus que
tout ; ce mont, qui pourtant lui tenait tant à cœur.
Anir, croyait que chacun avait son mont, et que chacun, restait en
son mont, comme lui ne l’avait jamais quitté !! « Je veillerai sur mon mont, se
disait il, il est à moi, à mes parents, et bien avant à mes grands parents », il
jeta un regard triste sur les tombes de ses grands-parents, puis suivi d’un
sourire fier « Il sont morts en défendant leur mont » lui disait sa mère. Anir
ignorait, l’histoire de ces ancêtres, ignorait, la grandeur de son peuple, mais
aimait plus que tout au monde, son mont !
Un beau jour, alors qu’Anir, revenait d’un lointain ravin, où il
avait conduit les bêtes, une silhouette étrangère se tenait au prés de sa mère,
à la porte de la maison. Un silhouette, mince, « bizarrement habillée », se
disait il. Plus proche, il reconnu, un jeune homme, habillé d’une tenue
nouvelle, pas du tout en djellaba, comme il avait toujours connu. Un pantalon,
bien repassé, et une chemise de couleur bleu claire, qui laissait sentir une
odeur de printemps. « C’est ton oncle, Reda, qui vient nous rendre visite, il
habite en ville ! », lui dit sa mère, Anir s’empressa de le saluer
respectueusement, en lui baisant la main. Apres déjeuner en présence du père,
l’oncle aborda un sujet, d’une grande importance, il comptait emmener Anir en
ville afin de lui permettre de suivre des études. Les parents, bien que
conscients de cette chance offerte, eurent quelques hésitations, puis cédèrent.
Anir, pris ces quelques affaires, mais l’oncle, les rejeta, « Laisse ceux-la, il
ne te serviront plus ! Je t’en achèterai de nouveaux ! ». Anir, tout souriant,
les jeta au font d’une chambre noire ! Pour courir suivre son oncle.
A l’approche de la ville, Anir, pris de stupeur tel un étalon
affolé, se blotti à son oncle, des bruits de tout part, des dizaines de
personnes, allaient, venaient, sans se regarder, sans se saluer, tel une
fourmilière. Anir, restait bouche bée, et se blotti à son oncle qui lui tenait
la main.
Arrivé à la maison, et salué par la gentille femme de son oncle,
Anir, tout rouge, rétorqua par des sons à peine audibles !! Elle continuait à
lui parler gentiment, mais soudain, Anir se rendit compte qu’il ne comprenait
pas un traître mot de ce qu’elle disait ! « C’est une étrangère, qu’à épouser
mon oncle ? » se demandait-il ! « Laisse-le, il ne parle pas arabe » repris
l’oncle. Anir, les yeux écarquillés, voila que son oncle parle ce même langage
qui lui est si étranger !
Le lendemain, l’oncle acheta des vêtements neufs pour Anir, ils
étaient beaux, colorés et plus légers que sa veille crasseuse djellaba. Anir,
était aux anges.
Une fois, bien lavé, bien habillé, l’oncle le pris par la main, et
l’emmena l’inscrire à l’école. « Une grande cour, plusieurs salles, et tellement
d’enfants » songeait Anir. Les formalités finies, Anir était devenu un élève de
cette école, il en était tout fier. On le conduit dans une classe. La maîtresse,
lui montra une place, et bien qu’il ne comprenait toujours pas cette langue, il
compris qu’il fallait s’asseoir comme tous les autres !
A la récréation, certains élèves vinrent le rejoindre, ils lui
adressèrent la parole, il n’en comprenait pas un mot et répondit en amazigh !!
« Khlli dak chliyih », dis l’un d’eux, puis s’en allèrent avec beaucoup de
mépris, pour cet être, chétif, et muet.
Pour la première fois de sa vie, Anir, se senti différent, rejeté,
avili par cette langue qui lui manquait, et abaissé par ces montagnes qui l’on
rendu ignorant. Pour la première fois, il regarda avec mépris, ces mêmes
montagnes, qu’hier, il disait magiques, il vit en son mont, une grotte vile,
lui, qui, hier, ne jurait que par elle. A chaque fois qu’on lui adressait la
parole, il souhaitait que la terre s’ouvre pour l’engloutir. A son mutisme,
répondaient le mépris, et l’isolement dans la cour. Il était différent ! Il
était étranger !
Anir prit sur lui, et se mit à l’arabe et ne tarda après une année
à la parler comme les autres. Il se fit de nouveaux amis, et ne parla que
l’arabe, cette langue du Salut, qui lui avait permis d’apprendre à lire, à
écrire, à être tout simplement. Pendant cinq ans, il ne vit pas ses parents.
Quelques jours avant la fête du Sacrifice, son oncle le raccompagna les
voir.
« Anir arrive, quel bonheur ! » Sa mère, toute en larmes,
regardait ce beau jeune homme, dont les mains si douces, les pommettes si
rouges, les habits si beaux. Elle le prit dans ses bras. Anir, regardait cette
femme, veille, dont les mains fissurées par les rudes taches, le visage sillonné
par les années, les habits sales et troués, « Heureusement que mes amis ne l’ont
pas vue » se disait il.
Il rentra, dans cette cabane, où l’on ne pouvait s’adosser sans
salir sa chemise, il refusa de s’adosser. Sur la petite table on déposa de
l’huile d’olive, Anir, la regardait. Sa mère, d’un ton doux, le convia à manger.
« Je n’en mange pas ! ». Sa mère sourit et se précipita, pour lui préparer une
omelette, Anir, n’en voulu pas pour autant ! La maman, regardait ce jeune homme,
et se demandait « mon Dieu est ce mon fils ? » Anir, sortit les mains dans les
poches, s’en alla vers la crête où il avait l’habitude de rester des heures !!
Il regarda, ses ravins, ses montagnes, ses rivières desséchées, puis se rappela
des tombes. Il les regarda d’un air indifférent, « Pauvres de vous, se disait
il, vous êtes morts pour un bout de roche, et vous y êtes enterrés » Il reparti
joindre son oncle. Anir resta quelques jours, puis repris le chemin de la ville.
Sa mère, effondrée, le regardait, s’éloigner, « Que -t’es-t-il arrivé mon
fils ? ». Anir, sans se retourner, pressa le pas, pour s’éloigner de ses rochers
de peur qu’une main mystérieuse ne l’y retienne pour toujours. Arrivé en ville
Anir repris ses études et coula dans cette vie, dans cette routine de la vile
ville.
Un jour au cours d’un match de football, il s’embrouilla avec un
des joueurs, et la bagarre éclata, Anir l’entendit l’injurier de chliyih, de
moins que rien, de montagnard, de sauvage et d’ignorant. Au soir, bien plus
profonds que les coups pris lors de la bagarre, les injures résonnaient dans sa
tête, et une seule question revenait : « Pourquoi l’insultait -t-il de chliyih,
de sauvage, de montagnard ? ». Lui qui parlait si bien l’arabe, lui qui avait
rejeté ses montagnes, ses ancêtres et même sa famille, pour cette langue.
Anir s’endormit, il se vit au beau milieu d’un brouillard, un
froid glacial le gelait, il marchait sans savoir où, une obscurité se mela au
brouillard, puis une voix stridente, celle d’un oracle, résonnait, répétant
inlassablement les injures, ces mêmes insultes, qui renvoyées par l’écho,
l’assourdissaient !! Soudain une brise dissipa cette obscurité opaque et chassa
le brouillard, pour qu’apparaissent des montagnes, des rivières, des forets, des
déserts, sous un beau soleil d’été. Anir, marchait, marchait, se traînait, se
buttait contre les arbres, se roulait sur le sable, se frappait la tête contre
les troncs d’arbre. Une seule question, lui nouait la gorge mêlée au sanglots :
Pourquoi suis je né achelhi ? Ne suis-je pas assez arabe pour eux ? Suis-je l’un
ou l’autre ? Que suis-je ? Une voix s’éleva, d’une majesté absolue, elle
résonnait de partout, ne s’emblait venir ni d’un coté ni d’un autre, elle venait
de partout : « Je suis la terre, ta mère, celle dont tu as été crée, celle qui
t’a porté, celle qui t’a nourrit et t’as vu grandir, et celle qui t’accueillera
en son sein après ta mort. J’ai existé depuis la nuit des temps, avant que
naisse la lumière, avant que ne soit l’eau, et bien avant l’homme. Ton peuple,
Anir, a foulé mes contrées, parcouru mes déserts et asservi mes montagnes !! Il
m’a défendu et m’a irrigué de son sang. Ton peuple Anir, s’il devait être édifié
à la taille de leur courage, n’aurait trouvé assez de place sur toutes ces
terres pour un seul de ses hommes et de ses femmes. S’il devait être édifié en
montagnes, il cacherait le soleil, pour la moitie de l’univers, s’il devait être
étendu en rivières ils engloutirait toutes les contrées. Ton peuple est un
peuple de géants, incarnés en hommes. Ton peuple, n’a d’égale que leur courage,
leur honnêteté, et leur bonté ! Ton peuple est un grand peuple, sois en fier.
Amazigh tu es, et amazigh tu resteras. C’est écrit au sein des étoiles, et
gravés par les sillions des torrents, et tel fut écrit et tel sera ».
Anir, continua à marcher. Puis une seconde voix résonna, aussi
majestueuse que la première : « Je suis la montagne, celle qui t’as vu naître,
celle qui a abrité ton peuple depuis la nuit des temps. Ton peuple, Anir, m’a
défendu de tout son âme, hommes et femmes, ont fait ruisseler mes ravins de leur
sang. Ton peuple Anir, de ses mains, a creusé les plus durs de mes rochers, pour
cultiver la vie. Ton peuple est fier. Amazigh tu es, Amazigh tu resteras. »
Anir fatigué, s’effondra sur le sable chaud. « Je suis le désert,
je cultive la mort, et irrigue de soif. Je suis un souffle de l’enfer, et une
terre maudite. Mais ton peuple Anir, m’a foulé de long en large, à braver mes
tempêtes de sables, ma chaleur infernale, et a extrait l’eau de mes entrailles.
Ton peuple est brave et fier. Amazigh tu es, et amazigh tu resteras. »
Anir se releva, le soleil allait se coucher, puis un vent froid le
surprit, aux couleurs du crépuscule se mélangeait une opaque obscurité, déchirée
par des éclairs qui s’abattaient sur un lointain horizon. « Je suis le Temps,
entendit-il, J’existe depuis le commencement. Bien avant l’univers, et bien
avant les quatre éléments. J’ai connu ton peuple, qui m’a défié, et au long de
longs millénaires et ont su résister, jusqu’à aujourd’hui. Ils ont su restés eux
même. Sois en fier. Amazigh tu es, et amazigh tu resteras »
Toutes ces voix se levèrent, répétant inlassablement et de plus en
plus fort : « Amazigh tu es, amazigh tu resteras, Amazigh tu es, Amazigh tu
resteras.. »
Anir se bouchait les oreilles, mais il entendait toujours ces
voix !! Il sursauta, pour réaliser que ce n’était qu’un rêve. Il se réveilla,
mais durant toute la journée ce rêve le hanta !
« Que peut bien signifier, Amazigh, dont ils ne cessent de me
parler ? » Il se promit de chercher et d’en savoir plus. De ligne en ligne, de
texte en texte, de livre en livre, Anir découvrait cet Amazigh. Cette
Amazighité, si majestueuse, qui avait sillonné toute l’Afrique, qui avait
combattu les plus grands des peuples, qui avait fait de son Pays ce qu’il était.
Il découvrit que sans l’Amazigh, son pays n’aurait pu exister, que la richesse
de sa culture était plus étendue que les eaux des océans, que les sens de ses
énigmes plus profonds que toutes les mers. Il découvrit que l’Histoire s’était
prosterné à son peuple par respect, que leurs dynasties avaient foulé toutes les
terres. Amazigh, cet homme libre qu’il était devenu ! Amazigh, ne cessait il de
se répéter !! La fierté scintillait dans ses yeux ! Anir venait de se libérer,
il était devenu un homme libre, libre, il était devenu un Amazigh.
En marchant vers le marché, il croisa son ancien adversaire,
toujours avec le même regard de mépris !! Celui-ci lui lança : « Affin a
chliyih » (Alors le chliyih (diminutif/ péjoratif de achelhiy), mais il remarqua
que la lueur des yeux d’Anir avait changé, ses yeux brillaient et son regard
soutenait le sien au point d’en sentir le poids. Anir rétorqua « Goul Amazigh al
kanbou, walakin nta bzaf 3lik, Amazigh bzaf 3lik », il le bouscula et passa son
chemin. Son adversaire, restait bouche bée, et ne sachant que répondre demeura
statufié.
En revenant vers la maison, Anir aperçu à l’horizon, sa montagne,
un sentiment de nostalgie le parcourut, et coura ramasser ses affaires. Anir
grimpait sa montagne, jamais elle n’avait été aussi belle à ses yeux, jamais
elle n’avait été synonyme de liberté, jamais elle ne l’avait tant attiré. A la
vue de sa mère, elle se souvint de ce qu’il avait lu dans un de ses ouvrages :
Les femmes amazighes, tel un livre sacré avait sauvegardé l’identité amazighe.
Elles l’avaient notée dans leur cœur, et dans leur corps ! Elles l’avaient
chantée au soleil, apprise à la lune, et l’avaient dansée autour d’un feu d’été
comme d’hiver ! Elles avaient soulevé et maintenu des millénaires de savoir, que
même Atlas ou Hercule n’auraient pu supporter. Amazigh, Anir le devait à cette
femme. Il courut, et avec un mélange de sanglots et de paroles, il la remercia,
lui prouvant son amour, car il avait compris que c’était elle la vraie Amazighe.
Sa mère, partageait ses pleurs, larmes de joie, de retrouver son fils, ce bout
d’elle-même qui incarnait son espoir et sa continuité. Anir, se retourna, puis
suivi de sa mère, s’en alla vers le mont. Il s’approcha des tombes, et sans dire
un mot, il leur marqua le plus grand des respects et leur voua la plus profonde
des admirations. Enfin, il se rapprocha du bord, il prit une poignée de terre et
la serra fort, admira l’étendue des montagnes, majestueuses, prolongea son
regard vers la terre dite des sables !! Il se dit « Amazigh je suis et Amazigh
je resterai !! Merci à vous, quand à toi Temps, je suis là et je te défierai
tels mes ancêtres, et demain te défiera ma descendance Amazigh. Amazigh je suis
et Amazigh je resterai. »
Par Takfarinas
terre, sa mère la laine et elle s’occupait des maigres moutons, entretenus avec
des herbes desséchées par les longues années de sécheresse. Une vie modeste, un
habitat fait de terre couvert de roseaux tissés par les mains habiles du père.
Dans une djellaba usée, décolorée par les milliers de fois lavée à la main, par
les centaines de coup pour en dégager la crasse, Anir grandit, un morceau de
pain, garni de huile d’olive à la main, elle coulait jusqu’au coude.
Il était là sur sa crête, à admirer le lointain paysage, la beauté
des montagnes qui valsaient, taguaient, pour venir mourir harmonieusement aux
pieds des doux nuages. Un soleil doré, teintait d’or et d’argent de lointaines
contrées, inconnues pour Anir, ces pays où l’on disait que la terre n’était que
sable, où il ne pleuvait jamais, « foutaises ! » se disait-il, lui qui n’avait
connu que cette crête, que ces sillons, qui lui sont devenus familiers, cette
neige, qui l’enfermait pour des jours entiers, et qu’il redoutait plus que
tout ; ce mont, qui pourtant lui tenait tant à cœur.
Anir, croyait que chacun avait son mont, et que chacun, restait en
son mont, comme lui ne l’avait jamais quitté !! « Je veillerai sur mon mont, se
disait il, il est à moi, à mes parents, et bien avant à mes grands parents », il
jeta un regard triste sur les tombes de ses grands-parents, puis suivi d’un
sourire fier « Il sont morts en défendant leur mont » lui disait sa mère. Anir
ignorait, l’histoire de ces ancêtres, ignorait, la grandeur de son peuple, mais
aimait plus que tout au monde, son mont !
Un beau jour, alors qu’Anir, revenait d’un lointain ravin, où il
avait conduit les bêtes, une silhouette étrangère se tenait au prés de sa mère,
à la porte de la maison. Un silhouette, mince, « bizarrement habillée », se
disait il. Plus proche, il reconnu, un jeune homme, habillé d’une tenue
nouvelle, pas du tout en djellaba, comme il avait toujours connu. Un pantalon,
bien repassé, et une chemise de couleur bleu claire, qui laissait sentir une
odeur de printemps. « C’est ton oncle, Reda, qui vient nous rendre visite, il
habite en ville ! », lui dit sa mère, Anir s’empressa de le saluer
respectueusement, en lui baisant la main. Apres déjeuner en présence du père,
l’oncle aborda un sujet, d’une grande importance, il comptait emmener Anir en
ville afin de lui permettre de suivre des études. Les parents, bien que
conscients de cette chance offerte, eurent quelques hésitations, puis cédèrent.
Anir, pris ces quelques affaires, mais l’oncle, les rejeta, « Laisse ceux-la, il
ne te serviront plus ! Je t’en achèterai de nouveaux ! ». Anir, tout souriant,
les jeta au font d’une chambre noire ! Pour courir suivre son oncle.
A l’approche de la ville, Anir, pris de stupeur tel un étalon
affolé, se blotti à son oncle, des bruits de tout part, des dizaines de
personnes, allaient, venaient, sans se regarder, sans se saluer, tel une
fourmilière. Anir, restait bouche bée, et se blotti à son oncle qui lui tenait
la main.
Arrivé à la maison, et salué par la gentille femme de son oncle,
Anir, tout rouge, rétorqua par des sons à peine audibles !! Elle continuait à
lui parler gentiment, mais soudain, Anir se rendit compte qu’il ne comprenait
pas un traître mot de ce qu’elle disait ! « C’est une étrangère, qu’à épouser
mon oncle ? » se demandait-il ! « Laisse-le, il ne parle pas arabe » repris
l’oncle. Anir, les yeux écarquillés, voila que son oncle parle ce même langage
qui lui est si étranger !
Le lendemain, l’oncle acheta des vêtements neufs pour Anir, ils
étaient beaux, colorés et plus légers que sa veille crasseuse djellaba. Anir,
était aux anges.
Une fois, bien lavé, bien habillé, l’oncle le pris par la main, et
l’emmena l’inscrire à l’école. « Une grande cour, plusieurs salles, et tellement
d’enfants » songeait Anir. Les formalités finies, Anir était devenu un élève de
cette école, il en était tout fier. On le conduit dans une classe. La maîtresse,
lui montra une place, et bien qu’il ne comprenait toujours pas cette langue, il
compris qu’il fallait s’asseoir comme tous les autres !
A la récréation, certains élèves vinrent le rejoindre, ils lui
adressèrent la parole, il n’en comprenait pas un mot et répondit en amazigh !!
« Khlli dak chliyih », dis l’un d’eux, puis s’en allèrent avec beaucoup de
mépris, pour cet être, chétif, et muet.
Pour la première fois de sa vie, Anir, se senti différent, rejeté,
avili par cette langue qui lui manquait, et abaissé par ces montagnes qui l’on
rendu ignorant. Pour la première fois, il regarda avec mépris, ces mêmes
montagnes, qu’hier, il disait magiques, il vit en son mont, une grotte vile,
lui, qui, hier, ne jurait que par elle. A chaque fois qu’on lui adressait la
parole, il souhaitait que la terre s’ouvre pour l’engloutir. A son mutisme,
répondaient le mépris, et l’isolement dans la cour. Il était différent ! Il
était étranger !
Anir prit sur lui, et se mit à l’arabe et ne tarda après une année
à la parler comme les autres. Il se fit de nouveaux amis, et ne parla que
l’arabe, cette langue du Salut, qui lui avait permis d’apprendre à lire, à
écrire, à être tout simplement. Pendant cinq ans, il ne vit pas ses parents.
Quelques jours avant la fête du Sacrifice, son oncle le raccompagna les
voir.
« Anir arrive, quel bonheur ! » Sa mère, toute en larmes,
regardait ce beau jeune homme, dont les mains si douces, les pommettes si
rouges, les habits si beaux. Elle le prit dans ses bras. Anir, regardait cette
femme, veille, dont les mains fissurées par les rudes taches, le visage sillonné
par les années, les habits sales et troués, « Heureusement que mes amis ne l’ont
pas vue » se disait il.
Il rentra, dans cette cabane, où l’on ne pouvait s’adosser sans
salir sa chemise, il refusa de s’adosser. Sur la petite table on déposa de
l’huile d’olive, Anir, la regardait. Sa mère, d’un ton doux, le convia à manger.
« Je n’en mange pas ! ». Sa mère sourit et se précipita, pour lui préparer une
omelette, Anir, n’en voulu pas pour autant ! La maman, regardait ce jeune homme,
et se demandait « mon Dieu est ce mon fils ? » Anir, sortit les mains dans les
poches, s’en alla vers la crête où il avait l’habitude de rester des heures !!
Il regarda, ses ravins, ses montagnes, ses rivières desséchées, puis se rappela
des tombes. Il les regarda d’un air indifférent, « Pauvres de vous, se disait
il, vous êtes morts pour un bout de roche, et vous y êtes enterrés » Il reparti
joindre son oncle. Anir resta quelques jours, puis repris le chemin de la ville.
Sa mère, effondrée, le regardait, s’éloigner, « Que -t’es-t-il arrivé mon
fils ? ». Anir, sans se retourner, pressa le pas, pour s’éloigner de ses rochers
de peur qu’une main mystérieuse ne l’y retienne pour toujours. Arrivé en ville
Anir repris ses études et coula dans cette vie, dans cette routine de la vile
ville.
Un jour au cours d’un match de football, il s’embrouilla avec un
des joueurs, et la bagarre éclata, Anir l’entendit l’injurier de chliyih, de
moins que rien, de montagnard, de sauvage et d’ignorant. Au soir, bien plus
profonds que les coups pris lors de la bagarre, les injures résonnaient dans sa
tête, et une seule question revenait : « Pourquoi l’insultait -t-il de chliyih,
de sauvage, de montagnard ? ». Lui qui parlait si bien l’arabe, lui qui avait
rejeté ses montagnes, ses ancêtres et même sa famille, pour cette langue.
Anir s’endormit, il se vit au beau milieu d’un brouillard, un
froid glacial le gelait, il marchait sans savoir où, une obscurité se mela au
brouillard, puis une voix stridente, celle d’un oracle, résonnait, répétant
inlassablement les injures, ces mêmes insultes, qui renvoyées par l’écho,
l’assourdissaient !! Soudain une brise dissipa cette obscurité opaque et chassa
le brouillard, pour qu’apparaissent des montagnes, des rivières, des forets, des
déserts, sous un beau soleil d’été. Anir, marchait, marchait, se traînait, se
buttait contre les arbres, se roulait sur le sable, se frappait la tête contre
les troncs d’arbre. Une seule question, lui nouait la gorge mêlée au sanglots :
Pourquoi suis je né achelhi ? Ne suis-je pas assez arabe pour eux ? Suis-je l’un
ou l’autre ? Que suis-je ? Une voix s’éleva, d’une majesté absolue, elle
résonnait de partout, ne s’emblait venir ni d’un coté ni d’un autre, elle venait
de partout : « Je suis la terre, ta mère, celle dont tu as été crée, celle qui
t’a porté, celle qui t’a nourrit et t’as vu grandir, et celle qui t’accueillera
en son sein après ta mort. J’ai existé depuis la nuit des temps, avant que
naisse la lumière, avant que ne soit l’eau, et bien avant l’homme. Ton peuple,
Anir, a foulé mes contrées, parcouru mes déserts et asservi mes montagnes !! Il
m’a défendu et m’a irrigué de son sang. Ton peuple Anir, s’il devait être édifié
à la taille de leur courage, n’aurait trouvé assez de place sur toutes ces
terres pour un seul de ses hommes et de ses femmes. S’il devait être édifié en
montagnes, il cacherait le soleil, pour la moitie de l’univers, s’il devait être
étendu en rivières ils engloutirait toutes les contrées. Ton peuple est un
peuple de géants, incarnés en hommes. Ton peuple, n’a d’égale que leur courage,
leur honnêteté, et leur bonté ! Ton peuple est un grand peuple, sois en fier.
Amazigh tu es, et amazigh tu resteras. C’est écrit au sein des étoiles, et
gravés par les sillions des torrents, et tel fut écrit et tel sera ».
Anir, continua à marcher. Puis une seconde voix résonna, aussi
majestueuse que la première : « Je suis la montagne, celle qui t’as vu naître,
celle qui a abrité ton peuple depuis la nuit des temps. Ton peuple, Anir, m’a
défendu de tout son âme, hommes et femmes, ont fait ruisseler mes ravins de leur
sang. Ton peuple Anir, de ses mains, a creusé les plus durs de mes rochers, pour
cultiver la vie. Ton peuple est fier. Amazigh tu es, Amazigh tu resteras. »
Anir fatigué, s’effondra sur le sable chaud. « Je suis le désert,
je cultive la mort, et irrigue de soif. Je suis un souffle de l’enfer, et une
terre maudite. Mais ton peuple Anir, m’a foulé de long en large, à braver mes
tempêtes de sables, ma chaleur infernale, et a extrait l’eau de mes entrailles.
Ton peuple est brave et fier. Amazigh tu es, et amazigh tu resteras. »
Anir se releva, le soleil allait se coucher, puis un vent froid le
surprit, aux couleurs du crépuscule se mélangeait une opaque obscurité, déchirée
par des éclairs qui s’abattaient sur un lointain horizon. « Je suis le Temps,
entendit-il, J’existe depuis le commencement. Bien avant l’univers, et bien
avant les quatre éléments. J’ai connu ton peuple, qui m’a défié, et au long de
longs millénaires et ont su résister, jusqu’à aujourd’hui. Ils ont su restés eux
même. Sois en fier. Amazigh tu es, et amazigh tu resteras »
Toutes ces voix se levèrent, répétant inlassablement et de plus en
plus fort : « Amazigh tu es, amazigh tu resteras, Amazigh tu es, Amazigh tu
resteras.. »
Anir se bouchait les oreilles, mais il entendait toujours ces
voix !! Il sursauta, pour réaliser que ce n’était qu’un rêve. Il se réveilla,
mais durant toute la journée ce rêve le hanta !
« Que peut bien signifier, Amazigh, dont ils ne cessent de me
parler ? » Il se promit de chercher et d’en savoir plus. De ligne en ligne, de
texte en texte, de livre en livre, Anir découvrait cet Amazigh. Cette
Amazighité, si majestueuse, qui avait sillonné toute l’Afrique, qui avait
combattu les plus grands des peuples, qui avait fait de son Pays ce qu’il était.
Il découvrit que sans l’Amazigh, son pays n’aurait pu exister, que la richesse
de sa culture était plus étendue que les eaux des océans, que les sens de ses
énigmes plus profonds que toutes les mers. Il découvrit que l’Histoire s’était
prosterné à son peuple par respect, que leurs dynasties avaient foulé toutes les
terres. Amazigh, cet homme libre qu’il était devenu ! Amazigh, ne cessait il de
se répéter !! La fierté scintillait dans ses yeux ! Anir venait de se libérer,
il était devenu un homme libre, libre, il était devenu un Amazigh.
En marchant vers le marché, il croisa son ancien adversaire,
toujours avec le même regard de mépris !! Celui-ci lui lança : « Affin a
chliyih » (Alors le chliyih (diminutif/ péjoratif de achelhiy), mais il remarqua
que la lueur des yeux d’Anir avait changé, ses yeux brillaient et son regard
soutenait le sien au point d’en sentir le poids. Anir rétorqua « Goul Amazigh al
kanbou, walakin nta bzaf 3lik, Amazigh bzaf 3lik », il le bouscula et passa son
chemin. Son adversaire, restait bouche bée, et ne sachant que répondre demeura
statufié.
En revenant vers la maison, Anir aperçu à l’horizon, sa montagne,
un sentiment de nostalgie le parcourut, et coura ramasser ses affaires. Anir
grimpait sa montagne, jamais elle n’avait été aussi belle à ses yeux, jamais
elle n’avait été synonyme de liberté, jamais elle ne l’avait tant attiré. A la
vue de sa mère, elle se souvint de ce qu’il avait lu dans un de ses ouvrages :
Les femmes amazighes, tel un livre sacré avait sauvegardé l’identité amazighe.
Elles l’avaient notée dans leur cœur, et dans leur corps ! Elles l’avaient
chantée au soleil, apprise à la lune, et l’avaient dansée autour d’un feu d’été
comme d’hiver ! Elles avaient soulevé et maintenu des millénaires de savoir, que
même Atlas ou Hercule n’auraient pu supporter. Amazigh, Anir le devait à cette
femme. Il courut, et avec un mélange de sanglots et de paroles, il la remercia,
lui prouvant son amour, car il avait compris que c’était elle la vraie Amazighe.
Sa mère, partageait ses pleurs, larmes de joie, de retrouver son fils, ce bout
d’elle-même qui incarnait son espoir et sa continuité. Anir, se retourna, puis
suivi de sa mère, s’en alla vers le mont. Il s’approcha des tombes, et sans dire
un mot, il leur marqua le plus grand des respects et leur voua la plus profonde
des admirations. Enfin, il se rapprocha du bord, il prit une poignée de terre et
la serra fort, admira l’étendue des montagnes, majestueuses, prolongea son
regard vers la terre dite des sables !! Il se dit « Amazigh je suis et Amazigh
je resterai !! Merci à vous, quand à toi Temps, je suis là et je te défierai
tels mes ancêtres, et demain te défiera ma descendance Amazigh. Amazigh je suis
et Amazigh je resterai. »
Par Takfarinas
firdaws- Nombre de messages : 930
Humeur : joie de vie !
Date d'inscription : 21/05/2008
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