Hommage aux voyelles
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Hommage aux voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -
A. Rimbaud
¨¨¨
Ici, le poète joue avec les mots, les lettres, les couleurs et les sons (bombinent, rire, colère, vibrements, strideurs) en un tableau très coloré déjà précurseur des Illuminations. Les voyelles deviennent des objets avec lesquels on peut s'amuser et qui portent en elles leurs propres réalités, sens et couleurs (naissances latentes). Les couleurs ont une valeur symbolique. Pour le noir, la cruauté, la nuit (puanteur cruelle, golfes d'ombre) ; pour le blanc, la fierté, la pureté, la légèreté ; pour le rouge, le sang, les lèvres, la colère, les excès ; pour le vert, la sérénité et la paix ; pour le bleu, évocation religieuse des cieux (suprême clairon, anges). Et il passe au violet pour l'évocation des yeux de La Femme. Peut-être une allusion à la jeune personne qui l'aurait accompagné à Paris en février 1871, d'après ses amis.
Un point de départ à l'idée du poème, un abécédaire qu'il a du avoir entre les mains, comme tout enfant, quand il apprenait à lire. A chaque lettre correspondait une couleur et un certain nombre de mots : A noire, pour Abeille, Araignée, Astre, Arc-en-Ciel. E était jaune pour Emir, Etendard, Esclave, Enclume. I rouge pour Indienne, Injure, Inquisition, Institut. O azur pour Oliphant, Onagre, Ordonnance, Ours. U vert pour Ure, Uniforme, Urne, Uranie et Y orange pour Yeux, Yole, Yeuse, Yatagan.
yefimia- Nombre de messages : 2495
Humeur : Cyclothimique
Date d'inscription : 01/05/2008
Re: Hommage aux voyelles
deux génies, Yéfi
(1879-1941)
Le vaisseau d'or
Ce fut un grand vaisseau taillé dans l'or massif :
Ses mâts touchaient l'azur sur des mers inconnues ;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du gouffre, immuable cercueil .
Ce fut un Vaisseau d'or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté ?
Hélas ! il a sombré dans l'abîme du Rêve !
-------------------------------------------------
Soir d'hiver
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai...
(1879-1941)
Le vaisseau d'or
Ce fut un grand vaisseau taillé dans l'or massif :
Ses mâts touchaient l'azur sur des mers inconnues ;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du gouffre, immuable cercueil .
Ce fut un Vaisseau d'or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté ?
Hélas ! il a sombré dans l'abîme du Rêve !
-------------------------------------------------
Soir d'hiver
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai...
Ici, le poète joue avec les mots, les lettres, les couleurs et les sons (bombinent, rire, colère, vibrements, strideurs) en un tableau très coloré déjà précurseur des Illuminations. Les voyelles deviennent des objets avec lesquels on peut s'amuser et qui portent en elles leurs propres réalités, sens et couleurs (naissances latentes). Les couleurs ont une valeur symbolique. Pour le noir, la cruauté, la nuit (puanteur cruelle, golfes d'ombre) ; pour le blanc, la fierté, la pureté, la légèreté ; pour le rouge, le sang, les lèvres, la colère, les excès ; pour le vert, la sérénité et la paix ; pour le bleu, évocation religieuse des cieux (suprême clairon, anges). Et il passe au violet pour l'évocation des yeux de La Femme. Peut-être une allusion à la jeune personne qui l'aurait accompagné à Paris en février 1871, d'après ses amis.
Un point de départ à l'idée du poème, un abécédaire qu'il a du avoir entre les mains, comme tout enfant, quand il apprenait à lire. A chaque lettre correspondait une couleur et un certain nombre de mots : A noire, pour Abeille, Araignée, Astre, Arc-en-Ciel. E était jaune pour Emir, Etendard, Esclave, Enclume. I rouge pour Indienne, Injure, Inquisition, Institut. O azur pour Oliphant, Onagre, Ordonnance, Ours. U vert pour Ure, Uniforme, Urne, Uranie et Y orange pour Yeux, Yole, Yeuse, Yatagan.
Intéressant le propos l'ami
La MI Ré
atouthasard- Nombre de messages : 1113
Date d'inscription : 11/10/2008
Re: Hommage aux voyelles
En effet les propos sont semblables. Magnifiques, que dis-je.
Je ne conaissais pas cet ecorché vif made in Canada.
Merci pour la découverte, ami.
Salutas
Je ne conaissais pas cet ecorché vif made in Canada.
Merci pour la découverte, ami.
Salutas
yefimia- Nombre de messages : 2495
Humeur : Cyclothimique
Date d'inscription : 01/05/2008
Re: Hommage aux voyelles
Merci à tous deux pour ce voyage entre les mots et les lignes, entre la Rimbaldie et le Québec, un parcours poétique grâce auquel j'ai pu relire agréablement les voyelles de Rimbaud, et découvrir avec intérêt Emile Nelligan.
Invité- Invité
Re: Hommage aux voyelles
ça c'est du partage intéressant les amis Merciatouthasard a écrit:deux génies, Yéfi
(1879-1941)
Le vaisseau d'or
Ce fut un grand vaisseau taillé dans l'or massif :
Ses mâts touchaient l'azur sur des mers inconnues ;
La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues,
S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil
Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène,
Et le naufrage horrible inclina sa carène
Aux profondeurs du gouffre, immuable cercueil .
Ce fut un Vaisseau d'or, dont les flancs diaphanes
Révélaient des trésors que les marins profanes,
Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?
Qu'est devenu mon coeur, navire déserté ?
Hélas ! il a sombré dans l'abîme du Rêve !
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Soir d'hiver
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A la douleur que j'ai, que j'ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
Tous ses espoirs gisent gelés:
Je suis la nouvelle Norvège
D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah! comme la neige a neigé!
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah! comme la neige a neigé!
Qu'est-ce que le spasme de vivre
A tout l'ennui que j'ai, que j'ai...Ici, le poète joue avec les mots, les lettres, les couleurs et les sons (bombinent, rire, colère, vibrements, strideurs) en un tableau très coloré déjà précurseur des Illuminations. Les voyelles deviennent des objets avec lesquels on peut s'amuser et qui portent en elles leurs propres réalités, sens et couleurs (naissances latentes). Les couleurs ont une valeur symbolique. Pour le noir, la cruauté, la nuit (puanteur cruelle, golfes d'ombre) ; pour le blanc, la fierté, la pureté, la légèreté ; pour le rouge, le sang, les lèvres, la colère, les excès ; pour le vert, la sérénité et la paix ; pour le bleu, évocation religieuse des cieux (suprême clairon, anges). Et il passe au violet pour l'évocation des yeux de La Femme. Peut-être une allusion à la jeune personne qui l'aurait accompagné à Paris en février 1871, d'après ses amis.
Un point de départ à l'idée du poème, un abécédaire qu'il a du avoir entre les mains, comme tout enfant, quand il apprenait à lire. A chaque lettre correspondait une couleur et un certain nombre de mots : A noire, pour Abeille, Araignée, Astre, Arc-en-Ciel. E était jaune pour Emir, Etendard, Esclave, Enclume. I rouge pour Indienne, Injure, Inquisition, Institut. O azur pour Oliphant, Onagre, Ordonnance, Ours. U vert pour Ure, Uniforme, Urne, Uranie et Y orange pour Yeux, Yole, Yeuse, Yatagan.
Intéressant le propos l'ami
La MI Ré
cristopher-cris- Nombre de messages : 2748
loisirs : lecture, voyage
Date d'inscription : 18/07/2008
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