Gonzalve Desaulniers
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Gonzalve Desaulniers
Rappel du premier message :
Gonzalve Desaulniers
(1863-1934)
Les bois qui chantent
Je dédie ce livre à ma femme.
Préface
M. Gonzalve Desaulniers nous offre l'aventure peu commune d'un
poète reconnu, estimé depuis des années, dont les vers ont sonné maintes
fois dans nos réunions littéraires ou patriotiques, ont même volé
jusqu'aux rives de France, et qui en est encore à publier son premier
livre. Les bardes allaient ainsi semant leurs virelais au hasard de leurs
longs pèlerinages bien avant de songer à les écrire. Il y a quarante ans,
davantage peut-être, que M. Desaulniers, alors en pleine jeunesse, sentit
germer sa vocation poétique. Vocation, il est vrai, enchevêtrée à
beaucoup d'autres, qui devait tour-à-tour le pousser vers la presse, la
politique, les oeuvres d'avance nationale, les joûtes d'une carrière
d'avocat extrêmement remplie, et finalement l'asseoir sur le siège
honoré du magistrat. Mais ces activités elles-mêmes se sont toujours
mêlées pour lui de certain élan chaleureux, de certaine vision large et
qu'on pourrait dire poétique. Apôtre, dans le journalisme, d'un
libéralisme élevé; défenseur, au barreau, des droits de la parole et des
causes qu'on croyait perdues; missionnaire en tout temps de nos affinités
françaises, il a su mettre à tout cela comme un souffle idéal, comme un
rythme exalté et généreux. Il n'est pas même un magistrat tout à fait
comme un autre; les pandectes n'ont pas raidi sa conversation, ses
manières; s'il est grave quand il faut, rien n'a pu le faire solennel, et
jusqu'en ses verdicts paraît l'aisance de l'homme du monde. La toge
posée, il se délecte comme jadis à des soirées d'art ou de lettres où se
poursuit l'inutile Beauté, où il jette les factums par dessus les moulins.
Serait-ce trop de conclure qu'il fut toujours, en tout, et peut-être avant
tout poète?
Il est temps, dès lors, que finisse la tradition orale où flottaient
vaguement ses vers. Ce recueil nous les livre enfin, moulés dans un
galbe définitif, soustraits ainsi au risque de l'oubli. Et ce fait marque un
bon moment dans l'histoire de nos lettres canadiennes. Elles
s'enrichissent par là d'une oeuvre sérieuse et brillante, ayant son
caractère à part et comblant une lacune que garderait, à son défaut, la
suite de notre poésie. Avez-vous remarqué que Crémazie, Lemay,
Fréchette, ces artisans de notre renaissance poétique, ont pris surtout du
romantisme la conception épique, l'émotion tourmentée, la période
pompeuse, l'image grandiose et éclatante? tandis que Nérée
Beauchemin, précurseur en cela des écoles futures, dépassa, lui, la mode
romantique et s'installa avec Coppée, Sully-Prud'homme et les
parnassiens, en un cénacle épris surtout de précision, de finesse et de
ciselure! Il semble qu'un grand et fort courant ait été négligé; celui
qu'avaient ouvert Chénier, Vigny et Lamartine : le torrent du lyrisme
pur, où l'âme épanche ses rêves en effusions plus libres, avec la chaleur,
l'abandon des forces spontanées; poésie faite surtout d'imagination, de
tendresse, de mélancolie et de grâce; dont la musique est mélodie plutôt
qu'accord de gammes savantes; dont l'art se dissimule sous une
splendeur égale et discrète. Poésie franchement idéaliste, partant de la
nature pour la dépasser, soucieuse de refaire et d'agrandir la réalité
plutôt que de s'asservir à elle; dédaignant, dans la forme, les contrastes
heurtés, les traits durs, les couleurs criantes; gardant aux sentiments, aux
êtres, une ligne onduleuse et fluide, des demi-teintes fondues, des reflets
vaporeux, certain vague mystique et berceur. M. Desaulniers, le premier
chez nous, représenta cette influence distincte, la conception
lamartinienne et purement lyrique de l'art; je ne sais après lui que Robert
Choquette qui l'ait reprise et poursuivie.
Or s'il est vrai que le lyrisme ait paru vieillir et faire place à
beaucoup de théories plus froides, il n'en reste pas moins un des
éléments éternels, intrinsèques, de la poésie, et aucun vrai poète, même
en le niant, ne lui échappe. C'est par lui que la poésie est un chant, un
essor, s'élève au-dessus des idées vulgaires et des platitudes réelles,
divinise les soupirs de l'âme, transforme l'univers en l'exaltant. Nul
caprice esthétique ne saurait bannir du poème l'idéal et l'enthousiasme,
ses deux ailes nécessaires, en faire un simple bruissement de mots et de
syllabes. Mêmes les écoles où le lyrisme restreint ses envolées, se revêt
de formules compassées et plastiques, lui rendent hommage en le
déguisant. M. Desaulniers reste donc dans la tradition la plus haute en
s'avérant poète lyrique, disciple de ce Lamartine qui le fut de Pindare et
de Sapho. Il a d'ailleurs sa personnalité; il sait renouveler l'imagerie des
maîtres, infuser leur esprit à des thèmes présents. A côté d'harmonies
fraternelles aux leurs, il module des airs plus légers où l'observation
fine, le sentiment ténu, même le marivaudage subtil, confinent à la
chanson, jettent une note souriante, spirituelle et vive. Le chantre de
Milly se reconaîtrait dans Le Golfe, dans Le Tisserand, dans Soir
gaspésien; mais M. Desaulniers réclame pour lui seul Caprice, Comme
dans un rêve, Les fleurs jalouses et Vous souvenez-vous?
Que nous importent, après tout, ses ascendances mentales? Prenons
son oeuvre pour ce qu'elle est. Parcourons ces poèmes, et surtout les
plus étendus, ceux où l'auteur développe à l'aise sa pensée, son
inspiration, sa technique. Il est incontestable que ces alexandrins semés
en jets prodigues, se suivant comme les flots déferlent, sont beaux,
symboliques, expressifs, se pressent tous d'un mouvement large vers une
impression unique et intense. Ils ont la fermeté de la réflexion et la
mollesse du songe, l'émotion concentrée et chaude, l'éclat d'images
révélatrices, l'aisance d'une langue pure et choisie. Ce sont des vers
classiques où l'âge de nos jours se déverse, qu'elle emplit de vie
bouillonnante, sans en briser le moule parfait. La plupart ont jailli en
face de la nature; ils en dégagent le calme, le mystère, les voix
sympathiques et profondes, surtout la nostalgie pénétrante.
Oh! que le son du cor est triste au fond des bois! Les bois eux-mêmes
sont tristes, et ils n'en sont que plus charmeurs. Mais parfois ils sourient,
et alors ils nous baignent de joie à nous faire pleurer. Ces sensations se
dressent, vivantes, dans les églogues comme Les Pins, Vita et Mors,
Matin, Lettre de la montagne. Le poète communie aux sèves, aux vieux
troncs, aux feuillages, entre dans leur silence, s'absorbe dans leur vie
secrète (Le Silence des bois). Sous ces ramures quasi sacrées il aime à
replacer l'homme primitif, l'Indien qui y régnait et dans l'ombre y circule encore.
C'est le thème de plusieurs morceaux : Naouitha, La Fille des bois,
La Chanson des bois, Le Pardon des bois. Et sans doute cet Indien s'idéalise
de pied en cap : c'est un Indien travaillé, sculpté;
c'est l'Indien de Châteaubriand; il pense et soupire comme René, il parle
comme Atala et Chactas. Mais, tout factice qu'il soit, il exprime
noblement des idées, des aspirations humaines, les rêves de coeurs naïfs,
les regrets d'une race disparue. L'amour de la fille des bois, c'est
l'amour séculaire chantant en elle sa chanson magique, la même que
dans le coeur d'une princesse. Si les Grecs peuplaient leurs forêts de
nymphes purement imaginaires, nous est-il défendu de voir ces fantômes
mi-réels rôder autour de nos érables?
L'amour civilisé lui-même prend volontiers chez le poète un tour
idyllique et sylvain. Ce sont les grèves, les sentiers ombreux, les champs
de marguerites, qu'il voudrait pour décor aux confidences et aux
baisers : ce sont eux qui, par contre, lui en révèlent la brièveté fugace
(Ne cherchons pas, Automne, etc.) Et ces appels ou ces regrets
empruntent à la nature une sincérité fraîche, une tendresse profonde et
tranquille.
En dehors de ces bois qui chantent et de ces coeurs qui chantent sous
bois, c'est la patrie encore qui inspirent M. Desaulniers : la patrie
nouvelle et l'ancienne, elles ne font pour lui qu'une seule France.
Canada eût pu nous fournir, tout comme les strophes de Routhier, un
vibrant hymne national. Mouettes de France claironne la revanche de
nos frères longtemps attendue. Enfin, dans un récit palpitant d'une
flamme héroïque, les deux patries se joignent, s'enlacent et scellent à
nouveau leur alliance dans le sacrifice et le sang. Et si l'on admet tout
d'abord l'idéalisme transcendant et la fièvre extatique du thème, Pour la
France est une pièce purement admirable, pénétrée d'essence poétique,
soulevée d'une exaltation hautaine, dite en des vers où chaque mot porte
juste, éveille une sensation, sonne une musique délicieuse : l'un des plus
beaux cris, en somme, qu'ait suscités la dernière guerre.
Enthousiasme, harmonie, justesse, éclat discret et soutenu, balance
entre la pensée et l'image, correction et grâce de la strophe, cela résume
la poésie de M. Desaulniers, en fait la plus rapprochée qui soit chez nous
de la grande manière lyrique. Et l'idéal qu'elle exemplifie n'a pas
succombé, quoi qu'on dise, au flux des modes changeantes et à l'assaut
des couches nouvelles. Cet idéal survit aux évolutions esthétiques parce
qu'il se fonde sur des instincts permanents et impérissables. Pourvu qu'il
s'exprime fortement, en formules simples et directes, en une langue
dégagée de caprices transitoires, il n'a guère risque de vieillir. C'est
pourquoi les meilleurs poèmes de Gonzalve Desaulniers gardent encore
toute leur jeunesse, celle que gardent Le Lac et Le Cor, la jeunesse des
choses toujours vraies. Nous ne saluons pas cette oeuvre comme une
plante d'herbier, mais comme une tige bien vivante qui, surgie de
lointaines racines, s'épanouit pour nous, pare le sol que nous foulons. Ce
livre marque à la fois une date historique pour nos lettres, date qui se
placerait, en droit, entre Fréchette et Nelligan, et des heures très
charmantes que les plus modernes, les plus difficiles d'entre nous
passeront à le lire. LOUIS DANTIN.
Gonzalve Desaulniers
(1863-1934)
Les bois qui chantent
Je dédie ce livre à ma femme.
Préface
M. Gonzalve Desaulniers nous offre l'aventure peu commune d'un
poète reconnu, estimé depuis des années, dont les vers ont sonné maintes
fois dans nos réunions littéraires ou patriotiques, ont même volé
jusqu'aux rives de France, et qui en est encore à publier son premier
livre. Les bardes allaient ainsi semant leurs virelais au hasard de leurs
longs pèlerinages bien avant de songer à les écrire. Il y a quarante ans,
davantage peut-être, que M. Desaulniers, alors en pleine jeunesse, sentit
germer sa vocation poétique. Vocation, il est vrai, enchevêtrée à
beaucoup d'autres, qui devait tour-à-tour le pousser vers la presse, la
politique, les oeuvres d'avance nationale, les joûtes d'une carrière
d'avocat extrêmement remplie, et finalement l'asseoir sur le siège
honoré du magistrat. Mais ces activités elles-mêmes se sont toujours
mêlées pour lui de certain élan chaleureux, de certaine vision large et
qu'on pourrait dire poétique. Apôtre, dans le journalisme, d'un
libéralisme élevé; défenseur, au barreau, des droits de la parole et des
causes qu'on croyait perdues; missionnaire en tout temps de nos affinités
françaises, il a su mettre à tout cela comme un souffle idéal, comme un
rythme exalté et généreux. Il n'est pas même un magistrat tout à fait
comme un autre; les pandectes n'ont pas raidi sa conversation, ses
manières; s'il est grave quand il faut, rien n'a pu le faire solennel, et
jusqu'en ses verdicts paraît l'aisance de l'homme du monde. La toge
posée, il se délecte comme jadis à des soirées d'art ou de lettres où se
poursuit l'inutile Beauté, où il jette les factums par dessus les moulins.
Serait-ce trop de conclure qu'il fut toujours, en tout, et peut-être avant
tout poète?
Il est temps, dès lors, que finisse la tradition orale où flottaient
vaguement ses vers. Ce recueil nous les livre enfin, moulés dans un
galbe définitif, soustraits ainsi au risque de l'oubli. Et ce fait marque un
bon moment dans l'histoire de nos lettres canadiennes. Elles
s'enrichissent par là d'une oeuvre sérieuse et brillante, ayant son
caractère à part et comblant une lacune que garderait, à son défaut, la
suite de notre poésie. Avez-vous remarqué que Crémazie, Lemay,
Fréchette, ces artisans de notre renaissance poétique, ont pris surtout du
romantisme la conception épique, l'émotion tourmentée, la période
pompeuse, l'image grandiose et éclatante? tandis que Nérée
Beauchemin, précurseur en cela des écoles futures, dépassa, lui, la mode
romantique et s'installa avec Coppée, Sully-Prud'homme et les
parnassiens, en un cénacle épris surtout de précision, de finesse et de
ciselure! Il semble qu'un grand et fort courant ait été négligé; celui
qu'avaient ouvert Chénier, Vigny et Lamartine : le torrent du lyrisme
pur, où l'âme épanche ses rêves en effusions plus libres, avec la chaleur,
l'abandon des forces spontanées; poésie faite surtout d'imagination, de
tendresse, de mélancolie et de grâce; dont la musique est mélodie plutôt
qu'accord de gammes savantes; dont l'art se dissimule sous une
splendeur égale et discrète. Poésie franchement idéaliste, partant de la
nature pour la dépasser, soucieuse de refaire et d'agrandir la réalité
plutôt que de s'asservir à elle; dédaignant, dans la forme, les contrastes
heurtés, les traits durs, les couleurs criantes; gardant aux sentiments, aux
êtres, une ligne onduleuse et fluide, des demi-teintes fondues, des reflets
vaporeux, certain vague mystique et berceur. M. Desaulniers, le premier
chez nous, représenta cette influence distincte, la conception
lamartinienne et purement lyrique de l'art; je ne sais après lui que Robert
Choquette qui l'ait reprise et poursuivie.
Or s'il est vrai que le lyrisme ait paru vieillir et faire place à
beaucoup de théories plus froides, il n'en reste pas moins un des
éléments éternels, intrinsèques, de la poésie, et aucun vrai poète, même
en le niant, ne lui échappe. C'est par lui que la poésie est un chant, un
essor, s'élève au-dessus des idées vulgaires et des platitudes réelles,
divinise les soupirs de l'âme, transforme l'univers en l'exaltant. Nul
caprice esthétique ne saurait bannir du poème l'idéal et l'enthousiasme,
ses deux ailes nécessaires, en faire un simple bruissement de mots et de
syllabes. Mêmes les écoles où le lyrisme restreint ses envolées, se revêt
de formules compassées et plastiques, lui rendent hommage en le
déguisant. M. Desaulniers reste donc dans la tradition la plus haute en
s'avérant poète lyrique, disciple de ce Lamartine qui le fut de Pindare et
de Sapho. Il a d'ailleurs sa personnalité; il sait renouveler l'imagerie des
maîtres, infuser leur esprit à des thèmes présents. A côté d'harmonies
fraternelles aux leurs, il module des airs plus légers où l'observation
fine, le sentiment ténu, même le marivaudage subtil, confinent à la
chanson, jettent une note souriante, spirituelle et vive. Le chantre de
Milly se reconaîtrait dans Le Golfe, dans Le Tisserand, dans Soir
gaspésien; mais M. Desaulniers réclame pour lui seul Caprice, Comme
dans un rêve, Les fleurs jalouses et Vous souvenez-vous?
Que nous importent, après tout, ses ascendances mentales? Prenons
son oeuvre pour ce qu'elle est. Parcourons ces poèmes, et surtout les
plus étendus, ceux où l'auteur développe à l'aise sa pensée, son
inspiration, sa technique. Il est incontestable que ces alexandrins semés
en jets prodigues, se suivant comme les flots déferlent, sont beaux,
symboliques, expressifs, se pressent tous d'un mouvement large vers une
impression unique et intense. Ils ont la fermeté de la réflexion et la
mollesse du songe, l'émotion concentrée et chaude, l'éclat d'images
révélatrices, l'aisance d'une langue pure et choisie. Ce sont des vers
classiques où l'âge de nos jours se déverse, qu'elle emplit de vie
bouillonnante, sans en briser le moule parfait. La plupart ont jailli en
face de la nature; ils en dégagent le calme, le mystère, les voix
sympathiques et profondes, surtout la nostalgie pénétrante.
Oh! que le son du cor est triste au fond des bois! Les bois eux-mêmes
sont tristes, et ils n'en sont que plus charmeurs. Mais parfois ils sourient,
et alors ils nous baignent de joie à nous faire pleurer. Ces sensations se
dressent, vivantes, dans les églogues comme Les Pins, Vita et Mors,
Matin, Lettre de la montagne. Le poète communie aux sèves, aux vieux
troncs, aux feuillages, entre dans leur silence, s'absorbe dans leur vie
secrète (Le Silence des bois). Sous ces ramures quasi sacrées il aime à
replacer l'homme primitif, l'Indien qui y régnait et dans l'ombre y circule encore.
C'est le thème de plusieurs morceaux : Naouitha, La Fille des bois,
La Chanson des bois, Le Pardon des bois. Et sans doute cet Indien s'idéalise
de pied en cap : c'est un Indien travaillé, sculpté;
c'est l'Indien de Châteaubriand; il pense et soupire comme René, il parle
comme Atala et Chactas. Mais, tout factice qu'il soit, il exprime
noblement des idées, des aspirations humaines, les rêves de coeurs naïfs,
les regrets d'une race disparue. L'amour de la fille des bois, c'est
l'amour séculaire chantant en elle sa chanson magique, la même que
dans le coeur d'une princesse. Si les Grecs peuplaient leurs forêts de
nymphes purement imaginaires, nous est-il défendu de voir ces fantômes
mi-réels rôder autour de nos érables?
L'amour civilisé lui-même prend volontiers chez le poète un tour
idyllique et sylvain. Ce sont les grèves, les sentiers ombreux, les champs
de marguerites, qu'il voudrait pour décor aux confidences et aux
baisers : ce sont eux qui, par contre, lui en révèlent la brièveté fugace
(Ne cherchons pas, Automne, etc.) Et ces appels ou ces regrets
empruntent à la nature une sincérité fraîche, une tendresse profonde et
tranquille.
En dehors de ces bois qui chantent et de ces coeurs qui chantent sous
bois, c'est la patrie encore qui inspirent M. Desaulniers : la patrie
nouvelle et l'ancienne, elles ne font pour lui qu'une seule France.
Canada eût pu nous fournir, tout comme les strophes de Routhier, un
vibrant hymne national. Mouettes de France claironne la revanche de
nos frères longtemps attendue. Enfin, dans un récit palpitant d'une
flamme héroïque, les deux patries se joignent, s'enlacent et scellent à
nouveau leur alliance dans le sacrifice et le sang. Et si l'on admet tout
d'abord l'idéalisme transcendant et la fièvre extatique du thème, Pour la
France est une pièce purement admirable, pénétrée d'essence poétique,
soulevée d'une exaltation hautaine, dite en des vers où chaque mot porte
juste, éveille une sensation, sonne une musique délicieuse : l'un des plus
beaux cris, en somme, qu'ait suscités la dernière guerre.
Enthousiasme, harmonie, justesse, éclat discret et soutenu, balance
entre la pensée et l'image, correction et grâce de la strophe, cela résume
la poésie de M. Desaulniers, en fait la plus rapprochée qui soit chez nous
de la grande manière lyrique. Et l'idéal qu'elle exemplifie n'a pas
succombé, quoi qu'on dise, au flux des modes changeantes et à l'assaut
des couches nouvelles. Cet idéal survit aux évolutions esthétiques parce
qu'il se fonde sur des instincts permanents et impérissables. Pourvu qu'il
s'exprime fortement, en formules simples et directes, en une langue
dégagée de caprices transitoires, il n'a guère risque de vieillir. C'est
pourquoi les meilleurs poèmes de Gonzalve Desaulniers gardent encore
toute leur jeunesse, celle que gardent Le Lac et Le Cor, la jeunesse des
choses toujours vraies. Nous ne saluons pas cette oeuvre comme une
plante d'herbier, mais comme une tige bien vivante qui, surgie de
lointaines racines, s'épanouit pour nous, pare le sol que nous foulons. Ce
livre marque à la fois une date historique pour nos lettres, date qui se
placerait, en droit, entre Fréchette et Nelligan, et des heures très
charmantes que les plus modernes, les plus difficiles d'entre nous
passeront à le lire. LOUIS DANTIN.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Nouvel an
Nouvel an
Minuit, le fondeur des siècles se penche
Et de sa fournaise avivant les feux,
Dans le clair métal chauffé qui s'épanche
Moule un nouvel an gracile et joyeux.
Qu'importe qu'il soit d'un bronze fragile,
Nous le saluons le verre à la main;
Sous le doigt de Dieu l'or pur est argile;
L'Éternité même a son lendemain.
Minuit, le fondeur des siècles se penche
Et de sa fournaise avivant les feux,
Dans le clair métal chauffé qui s'épanche
Moule un nouvel an gracile et joyeux.
Qu'importe qu'il soit d'un bronze fragile,
Nous le saluons le verre à la main;
Sous le doigt de Dieu l'or pur est argile;
L'Éternité même a son lendemain.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Midi aux champs
Midi aux champs
C'est midi, l'Angélus au clocher des villages
Tinte, les moissonneurs tirent les attelages
Sous les bouleaux ombreux épandus sur le champ,
Et viennent aiguiser leurs faux dont le tranchant
Luit sous le baiser chaud du jour. Près d'une meule
Où le foin s'est tassé, la maman, toute seule,
Présente au nouveau-né son sein gonflé de lait
Et sourit, alors que sous le grand ciel muet
Dont les branles de loin brisent la somnolence
Son homme s'est signé dans un profond silence.
C'est midi, l'Angélus au clocher des villages
Tinte, les moissonneurs tirent les attelages
Sous les bouleaux ombreux épandus sur le champ,
Et viennent aiguiser leurs faux dont le tranchant
Luit sous le baiser chaud du jour. Près d'une meule
Où le foin s'est tassé, la maman, toute seule,
Présente au nouveau-né son sein gonflé de lait
Et sourit, alors que sous le grand ciel muet
Dont les branles de loin brisent la somnolence
Son homme s'est signé dans un profond silence.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Je t'ai cherchée
Je t'ai cherchée
Je t'ai cherchée auprès des flots, mon adorée.
Les flots m'ont dit: Pour que sur la plage dorée
Tes yeux cherchent la femme et ne la trouvent pas,
Nous avons effacé la trace de ses pas.
Je t'ai cherchée auprès des flots, mon adorée.
Les flots m'ont dit: Pour que sur la plage dorée
Tes yeux cherchent la femme et ne la trouvent pas,
Nous avons effacé la trace de ses pas.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Mer de novembre
Mer de novembre
Lu à un banquet offert au
sculpteur Hébert, à l'occasion
de son départ pour la France.
Ô mer de novembre, effroi du marin,
Dont la blanche écume aux récifs se brise,
Sois, de tous côtés, pour le pèlerin,
Bonne dans ta vague, et douce en ta brise.
Dans ton sein calmé par un jour serein,
Ouvre un sillon bleu, d'une courbe exquise,
Pour son lourd vaisseau dont les flancs d'airain
Se tordent au vent qui les brutalise.
Fuyant les rigueurs d'un ciel boréal,
Pour s'envoler vers les monts d'idéal
Dont son rêve vêt les grands plis sévères,
Il s'en va, de gloire et d'art altéré,
Suivi, sur tes flots, par l'éclat doré
Des rayons jaillis du choc de nos verres.
Lu à un banquet offert au
sculpteur Hébert, à l'occasion
de son départ pour la France.
Ô mer de novembre, effroi du marin,
Dont la blanche écume aux récifs se brise,
Sois, de tous côtés, pour le pèlerin,
Bonne dans ta vague, et douce en ta brise.
Dans ton sein calmé par un jour serein,
Ouvre un sillon bleu, d'une courbe exquise,
Pour son lourd vaisseau dont les flancs d'airain
Se tordent au vent qui les brutalise.
Fuyant les rigueurs d'un ciel boréal,
Pour s'envoler vers les monts d'idéal
Dont son rêve vêt les grands plis sévères,
Il s'en va, de gloire et d'art altéré,
Suivi, sur tes flots, par l'éclat doré
Des rayons jaillis du choc de nos verres.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Un souffle a passé
Un souffle a passé
Un souffle a passé sur mes pauvres fleurs
Et comme à regret, arome et couleurs,
Ont glissé vers l'ombre;
Vous ne verrez plus sur leurs corps pâlis
Ces pétales d'or dont vos doigts jolis
Ont compté le nombre.
Saurais-je jamais si d'un pleur discret
Vous avez mouillé la main où mourait
La première rose,
Cette blanche main où timidement
Lorsque je vous quitte, au dernier moment,
Ma lèvre se pose.
Non, je ne veux rien savoir, j'aime mieux
Ignorer toujours ce qu'ont fait vos yeux
Quand mes fleurs moururent;
Dans le champ du rêve ou des visions
J'adore glaner des illusions
Si peu qu'elles durent.
Un souffle a passé sur mes pauvres fleurs
Et comme à regret, arome et couleurs,
Ont glissé vers l'ombre;
Vous ne verrez plus sur leurs corps pâlis
Ces pétales d'or dont vos doigts jolis
Ont compté le nombre.
Saurais-je jamais si d'un pleur discret
Vous avez mouillé la main où mourait
La première rose,
Cette blanche main où timidement
Lorsque je vous quitte, au dernier moment,
Ma lèvre se pose.
Non, je ne veux rien savoir, j'aime mieux
Ignorer toujours ce qu'ont fait vos yeux
Quand mes fleurs moururent;
Dans le champ du rêve ou des visions
J'adore glaner des illusions
Si peu qu'elles durent.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Le roc Percé
Le roc Percé
C'est un cap étranglé de varechs et d'eau grise,
Que les assauts du nord ont en vain secoué,
Que le marsouin, passant par bandes sous la brise,
Vient frôler quelquefois de son dos tatoué.
Lorsque le soir descend sur son énorme frise,
L'ombre géante emplit son large flanc troué,
Où tout le jour, dorant le golfe qui s'irise,
Compagne de l'azur, la lumière a joué.
Défiant, calme et seul, les plus hautes marées,
Ses roches, par les flots saumâtres entourées,
Depuis des milliers d'ans, narguent le vent amer,
Et les grands goélands, ces lourds pigeons de mer,
Se repliant autour, dans leurs vols fantastiques,
Lui font un anneau blanc de leurs ailes étiques.
C'est un cap étranglé de varechs et d'eau grise,
Que les assauts du nord ont en vain secoué,
Que le marsouin, passant par bandes sous la brise,
Vient frôler quelquefois de son dos tatoué.
Lorsque le soir descend sur son énorme frise,
L'ombre géante emplit son large flanc troué,
Où tout le jour, dorant le golfe qui s'irise,
Compagne de l'azur, la lumière a joué.
Défiant, calme et seul, les plus hautes marées,
Ses roches, par les flots saumâtres entourées,
Depuis des milliers d'ans, narguent le vent amer,
Et les grands goélands, ces lourds pigeons de mer,
Se repliant autour, dans leurs vols fantastiques,
Lui font un anneau blanc de leurs ailes étiques.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Paysage
Paysage
C'est une fin d'après-midi, septembre dore
Le rideau du sapin et le fût du bouleau,
Et l'air, glorifiant l'érable qu'il mordore,
Fait la défeuillaison qui glisse au fil de l'eau.
Dans l'entonnoir créé par les formes hautaines
Des monts dont le versant ruisselle de clartés
Le lac s'immobilise et les boeufs dans les plaines
Regardent le couchant de leurs yeux attristés.
Une douceur partout sur les coteaux circule:
L'écho prolonge au loin la plainte des oiseaux,
Et la forêt qui s'offre aux feux du crépuscule
Se couvre des vapeurs qui montent des roseaux.
C'est une fin d'après-midi, septembre dore
Le rideau du sapin et le fût du bouleau,
Et l'air, glorifiant l'érable qu'il mordore,
Fait la défeuillaison qui glisse au fil de l'eau.
Dans l'entonnoir créé par les formes hautaines
Des monts dont le versant ruisselle de clartés
Le lac s'immobilise et les boeufs dans les plaines
Regardent le couchant de leurs yeux attristés.
Une douceur partout sur les coteaux circule:
L'écho prolonge au loin la plainte des oiseaux,
Et la forêt qui s'offre aux feux du crépuscule
Se couvre des vapeurs qui montent des roseaux.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Les fleurs jalouses
Les fleurs jalouses
Il me semble aujourd'hui que les fleurs sont jalouses.
Vous êtes descendue au jardin, les pelouses
Rutilent sous les feux que verse le matin.
Votre lèvre est pourprée et fraîche et votre teint,
Comme dirait Ronsard, pareil au teint des roses
Rend les lilas chagrins et les glaïeuls moroses.
Dans cet air caresseur, doux et voluptueux,
Le bleu du ciel sourit dans l'or de vos cheveux,
Et voilà que déjà la pauvre marguerite
En vous voyant si belle et si blanche, s'irrite.
Les papillons partout vous poursuivent, voyez,
Et les pivoines qui s'effeuillent à vos pieds
Vous accusent d'avoir, de leurs frêles corolles,
Détourné ces amants superbes et frivoles.
Il n'est pas jusqu'au lis qui n'envie un moment
La souplesse de votre taille, notamment.
Éloignez-vous, par grâce, et quittez ces pelouses
Car ce matin, les fleurs, Madame, sont jalouses.
Il me semble aujourd'hui que les fleurs sont jalouses.
Vous êtes descendue au jardin, les pelouses
Rutilent sous les feux que verse le matin.
Votre lèvre est pourprée et fraîche et votre teint,
Comme dirait Ronsard, pareil au teint des roses
Rend les lilas chagrins et les glaïeuls moroses.
Dans cet air caresseur, doux et voluptueux,
Le bleu du ciel sourit dans l'or de vos cheveux,
Et voilà que déjà la pauvre marguerite
En vous voyant si belle et si blanche, s'irrite.
Les papillons partout vous poursuivent, voyez,
Et les pivoines qui s'effeuillent à vos pieds
Vous accusent d'avoir, de leurs frêles corolles,
Détourné ces amants superbes et frivoles.
Il n'est pas jusqu'au lis qui n'envie un moment
La souplesse de votre taille, notamment.
Éloignez-vous, par grâce, et quittez ces pelouses
Car ce matin, les fleurs, Madame, sont jalouses.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Les voix du golfe
Les voix du golfe
Je lui dis: « Descendons sur la grève, le vent,
Dont le golfe apaisé s'effarouche souvent,
Ce soir nous vient du large avec des voix plus douces
Que les chuchotements des ruisseaux sur les mousses.
Viens, l'horizon là-bas se pare des reflets
Versés par le soleil qui meurt sur les galets.
Une heure, une heure encore, et la nuit qui charroie
Les astres accrochés à sa blanche courroie
De nouveau confondra sous nos yeux l'infini
Du bleu du ciel avec l'or du sable jauni. »
Et tous les deux, la main dans la main, nous allâmes
Écouter la chanson caressante des lames.
Le flot montait, couvrant les récifs, enlaçant
De ses varechs le pied des falaises, poussant
Dans son ascension très lente les gabares
Dont les flancs endormis roulaient sur leurs amarres;
Les côtes peu à peu s'effaçaient comme si,
Affluant vers les bords du golfe rétréci,
Lasse d'avoir depuis l'aurore autour du globe,
Ourlé sur tous les caps les pans verts de sa robe,
Sur nos plages sans fin que son poids fait gémir,
La mer, la vaste mer, s'allongeait pour dormir.
Nous nous assîmes sur la berge, l'âme prise
Par les clartés, par les senteurs et par la brise.
Les alanguissements du flot passaient en nous.
Une lueur de rêve au fond de ses yeux doux
Tremblait et la faisait muette, et ses paupières
Par instants s'abaissaient sous le jeu des lumières.
Tant de calme venu des monts silencieux,
Des îles, des rochers, des forêts et des cieux
L'enveloppait; tant de paix sereine et profonde
Tombait du firmament, - comme d'une rotonde
Quand le jour dans les ors des verrières se fond
Tombe un rayonnement mélancolique et blond,
Que cédant au frisson mystérieux des choses,
Mêlant ses cheveux noirs aux ambiances roses,
Elle pencha son front sur mon épaule. Au loin,
De son dos velouté quelque énorme marsouin,
Rayant d'un trait d'argent la ligne mauve et bleue,
Éclaboussait l'azur du revers de sa queue
Puis replongeait dans les tranquilles profondeurs.
Les goémons grisaient de leurs âcres odeurs
L'air tiède qu'embrumait déjà la nuit prochaine
Effleurant les sommets de son aile incertaine.
Plus loin encor, vers les horizons reculés
Où vont éperdument les flots immaculés,
Les mourantes blancheurs se fondaient, et si drues
Maintenant que notre oeil, dans les ombres accrues,
Ne pouvait distinguer sur le grand gouffre amer
L'aile des goélands des trois mâts d'un steamer.
Plus loin, plus loin toujours, c'était l'espace immense
Où l'océan finit lorsque le ciel commence.
Alors, ses yeux ravis s'en furent au-delà
Des lourds escarpements de la nue, et voilà
Que tout à coup l'oreille ouverte aux rythmes vagues,
J'entendis que chantaient tout près de moi les vagues;
Chacune me jetait en déferlant son mot
Dans ce colloque étroit de la terre et du flot.
Oh! qui pourra jamais en traits ineffaçables,
Sur la page mouvante et fragile des sables
Fixer les rimes d'or du poème éternel
Que dit le vent, qu'écrit la mer, que fait le ciel!
Toutes les voix du golfe un moment revenues,
Celle qui sort des rocs ou qui descend des nues,
Celle qui passe, au gré des matins et des soirs,
Sur les flots bleus, sur les flots gris, sur les flots noirs,
Dont les inflexions sonores ou voilées
Font les esprits sereins ou les âmes troublées;
La voix qui glisse au ras des ondes doucement,
Ou qui galope au bout des voiles brusquement;
Sur les mers en délire ou les mers en ivresse,
Celle qui gronde ainsi que celle qui caresse;
La voix qui vient du fond des temps irrésolus,
Faite de tous les bruits des siècles révolus:
Toutes, toutes courant sur l'énorme estuaire,
Dans le fléchissement du jour crépusculaire,
Comme des sons de harpe éclatèrent. Longtemps
Je les ouïs chanter dans les échos flottants.
Elles dirent d'abord les premiers jours du monde,
L'esprit de Dieu couvrant la surface de l'onde,
Les terres émergeant peu à peu, les forêts
Qui frissonnent sous des invisibles archets;
Les apparitions soudaines des montagnes,
Des fleuves, des torrents, des vallons, des campagnes:
Les vents rieurs, les vents féconds, les vents amers;
Les oiseaux dans les bois, les poissons dans les mers;
Les branches se chargeant de fruits, l'ombre légère
Qui protège la source et tisse la fougère;
La pluie avec les champs, les fleurs et les gazons;
Les premiers nids avant les premières maisons;
Chez la bête l'instinct et la raison chez l'homme;
Les cavernes avant Thèbes, Palmyre et Rome.
Elles dirent, ces voix qui passent sur les eaux,
Les échanges créant les liens sociaux,
Les agenouillements la nuit sous les étoiles,
La première pirogue et les premières voiles;
Les pâturages, les labours, les boeufs domptés;
La bourgade, ébauchant les futures cités;
Avec le premier choc, la première étincelle.
Elles dirent la vie éparse, universelle,
L'âpre essaim des désirs et des ambitions,
La joie et la douleur au gré des passions
Et les hommes heurtant leurs âmes excédées;
Les martyrs jalonnant la marche des idées;
Les empires croulant tour à tour et le droit
D'un coup d'aile vengeur brisant son cercle étroit;
Chaque siècle ajoutant sa chimère aux chimères
Qui se muent en chansons sur les lèvres des mères;
L'évanouissement des dieux olympiens
Sous l'aube qui blanchit les monts galiléens.
Elles dirent le jour où des terres nouvelles
Se dressèrent devant les blanches caravelles
De Cartier, poursuivant le rêve de Colomb;
Et la première messe et le premier colon,
Et la lutte homicide et les plaines fatales
Où le sort, opposant des armes inégales,
Profila sur nos lacs le geste du destin.
Les voix se turent et je vis dans le lointain
Poindre une étoile d'or au bord de la mer grise.
Rien ne bougeait, pas même une algue sous la brise,
Seul un grand paquebot remontait le chemin
Que prirent autrefois les voiliers de Champlain.
Ô voix du golfe! Ô voix qui dites tant de choses,
Chantez, chantez encor les effets et les causes.
Lors je voulus savoir ce qu'elle avait pensé
Pendant l'heure divine où l'ombre avait baissé;
Mais elle, indifférente aux voix enchanteresses,
Mendiant dans la nuit naissante mes caresses,
Répondit, en sentant mes bras se refermer:
Je songeais qu'il est doux ce soir de nous aimer.
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, vous étiez jolie?
Le flot déferlait sur le sable roux.
Pour un peu j'aurais commis la folie
Qu'on regrette alors qu'elle est accomplie.
Vous souvenez-vous, vous étiez jolie?
Ce ne sont pas là choses qu'on oublie
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, vous étiez sans voile?
Le couchant criblait de ses traits jaloux
Votre corps si blanc, plus blanc qu'une étoile.
L'embrun vous tissait une fine toile.
Vous souvenez-vous, vous étiez sans voile?
Ce ne sont pas là choses qu'on dévoile,
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, en montant la sente
Qui nous ramenait de la mer chez nous
Vous m'avez donné dans la nuit naissante,
Et plus d'une fois, un baiser d'amante?
Vous souvenez-vous, en montant la sente?
Ce ne sont pas là choses qu'on invente,
Vous souvenez-vous?
Je lui dis: « Descendons sur la grève, le vent,
Dont le golfe apaisé s'effarouche souvent,
Ce soir nous vient du large avec des voix plus douces
Que les chuchotements des ruisseaux sur les mousses.
Viens, l'horizon là-bas se pare des reflets
Versés par le soleil qui meurt sur les galets.
Une heure, une heure encore, et la nuit qui charroie
Les astres accrochés à sa blanche courroie
De nouveau confondra sous nos yeux l'infini
Du bleu du ciel avec l'or du sable jauni. »
Et tous les deux, la main dans la main, nous allâmes
Écouter la chanson caressante des lames.
Le flot montait, couvrant les récifs, enlaçant
De ses varechs le pied des falaises, poussant
Dans son ascension très lente les gabares
Dont les flancs endormis roulaient sur leurs amarres;
Les côtes peu à peu s'effaçaient comme si,
Affluant vers les bords du golfe rétréci,
Lasse d'avoir depuis l'aurore autour du globe,
Ourlé sur tous les caps les pans verts de sa robe,
Sur nos plages sans fin que son poids fait gémir,
La mer, la vaste mer, s'allongeait pour dormir.
Nous nous assîmes sur la berge, l'âme prise
Par les clartés, par les senteurs et par la brise.
Les alanguissements du flot passaient en nous.
Une lueur de rêve au fond de ses yeux doux
Tremblait et la faisait muette, et ses paupières
Par instants s'abaissaient sous le jeu des lumières.
Tant de calme venu des monts silencieux,
Des îles, des rochers, des forêts et des cieux
L'enveloppait; tant de paix sereine et profonde
Tombait du firmament, - comme d'une rotonde
Quand le jour dans les ors des verrières se fond
Tombe un rayonnement mélancolique et blond,
Que cédant au frisson mystérieux des choses,
Mêlant ses cheveux noirs aux ambiances roses,
Elle pencha son front sur mon épaule. Au loin,
De son dos velouté quelque énorme marsouin,
Rayant d'un trait d'argent la ligne mauve et bleue,
Éclaboussait l'azur du revers de sa queue
Puis replongeait dans les tranquilles profondeurs.
Les goémons grisaient de leurs âcres odeurs
L'air tiède qu'embrumait déjà la nuit prochaine
Effleurant les sommets de son aile incertaine.
Plus loin encor, vers les horizons reculés
Où vont éperdument les flots immaculés,
Les mourantes blancheurs se fondaient, et si drues
Maintenant que notre oeil, dans les ombres accrues,
Ne pouvait distinguer sur le grand gouffre amer
L'aile des goélands des trois mâts d'un steamer.
Plus loin, plus loin toujours, c'était l'espace immense
Où l'océan finit lorsque le ciel commence.
Alors, ses yeux ravis s'en furent au-delà
Des lourds escarpements de la nue, et voilà
Que tout à coup l'oreille ouverte aux rythmes vagues,
J'entendis que chantaient tout près de moi les vagues;
Chacune me jetait en déferlant son mot
Dans ce colloque étroit de la terre et du flot.
Oh! qui pourra jamais en traits ineffaçables,
Sur la page mouvante et fragile des sables
Fixer les rimes d'or du poème éternel
Que dit le vent, qu'écrit la mer, que fait le ciel!
Toutes les voix du golfe un moment revenues,
Celle qui sort des rocs ou qui descend des nues,
Celle qui passe, au gré des matins et des soirs,
Sur les flots bleus, sur les flots gris, sur les flots noirs,
Dont les inflexions sonores ou voilées
Font les esprits sereins ou les âmes troublées;
La voix qui glisse au ras des ondes doucement,
Ou qui galope au bout des voiles brusquement;
Sur les mers en délire ou les mers en ivresse,
Celle qui gronde ainsi que celle qui caresse;
La voix qui vient du fond des temps irrésolus,
Faite de tous les bruits des siècles révolus:
Toutes, toutes courant sur l'énorme estuaire,
Dans le fléchissement du jour crépusculaire,
Comme des sons de harpe éclatèrent. Longtemps
Je les ouïs chanter dans les échos flottants.
Elles dirent d'abord les premiers jours du monde,
L'esprit de Dieu couvrant la surface de l'onde,
Les terres émergeant peu à peu, les forêts
Qui frissonnent sous des invisibles archets;
Les apparitions soudaines des montagnes,
Des fleuves, des torrents, des vallons, des campagnes:
Les vents rieurs, les vents féconds, les vents amers;
Les oiseaux dans les bois, les poissons dans les mers;
Les branches se chargeant de fruits, l'ombre légère
Qui protège la source et tisse la fougère;
La pluie avec les champs, les fleurs et les gazons;
Les premiers nids avant les premières maisons;
Chez la bête l'instinct et la raison chez l'homme;
Les cavernes avant Thèbes, Palmyre et Rome.
Elles dirent, ces voix qui passent sur les eaux,
Les échanges créant les liens sociaux,
Les agenouillements la nuit sous les étoiles,
La première pirogue et les premières voiles;
Les pâturages, les labours, les boeufs domptés;
La bourgade, ébauchant les futures cités;
Avec le premier choc, la première étincelle.
Elles dirent la vie éparse, universelle,
L'âpre essaim des désirs et des ambitions,
La joie et la douleur au gré des passions
Et les hommes heurtant leurs âmes excédées;
Les martyrs jalonnant la marche des idées;
Les empires croulant tour à tour et le droit
D'un coup d'aile vengeur brisant son cercle étroit;
Chaque siècle ajoutant sa chimère aux chimères
Qui se muent en chansons sur les lèvres des mères;
L'évanouissement des dieux olympiens
Sous l'aube qui blanchit les monts galiléens.
Elles dirent le jour où des terres nouvelles
Se dressèrent devant les blanches caravelles
De Cartier, poursuivant le rêve de Colomb;
Et la première messe et le premier colon,
Et la lutte homicide et les plaines fatales
Où le sort, opposant des armes inégales,
Profila sur nos lacs le geste du destin.
Les voix se turent et je vis dans le lointain
Poindre une étoile d'or au bord de la mer grise.
Rien ne bougeait, pas même une algue sous la brise,
Seul un grand paquebot remontait le chemin
Que prirent autrefois les voiliers de Champlain.
Ô voix du golfe! Ô voix qui dites tant de choses,
Chantez, chantez encor les effets et les causes.
Lors je voulus savoir ce qu'elle avait pensé
Pendant l'heure divine où l'ombre avait baissé;
Mais elle, indifférente aux voix enchanteresses,
Mendiant dans la nuit naissante mes caresses,
Répondit, en sentant mes bras se refermer:
Je songeais qu'il est doux ce soir de nous aimer.
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, vous étiez jolie?
Le flot déferlait sur le sable roux.
Pour un peu j'aurais commis la folie
Qu'on regrette alors qu'elle est accomplie.
Vous souvenez-vous, vous étiez jolie?
Ce ne sont pas là choses qu'on oublie
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, vous étiez sans voile?
Le couchant criblait de ses traits jaloux
Votre corps si blanc, plus blanc qu'une étoile.
L'embrun vous tissait une fine toile.
Vous souvenez-vous, vous étiez sans voile?
Ce ne sont pas là choses qu'on dévoile,
Vous souvenez-vous?
Vous souvenez-vous, en montant la sente
Qui nous ramenait de la mer chez nous
Vous m'avez donné dans la nuit naissante,
Et plus d'une fois, un baiser d'amante?
Vous souvenez-vous, en montant la sente?
Ce ne sont pas là choses qu'on invente,
Vous souvenez-vous?
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Prière du soir
Prière du soir
La porte était fermée au verrou. Devant l'âtre
Tous les enfants étaient assis; un feu verdâtre
Courait le long du bois mouillé qui crépitait.
Dehors, sur les chemins de neige, on entendait
Les grelots des chevaux attelés aux carrioles.
Le givre, sur la vitre aux arabesques folles,
Diffusait un rayon lunaire qui jouait
Sur le coffre de pin et sur le vieux rouet.
Le chien dormait, le chat ronronnait et l'aïeule
Négligeant son fuseau de chanvre, toute seule,
Près du ravalement où la mèche filait
Égrenait de ses doigts tremblants, son chapelet.
La servante, troussant ses manches sous l'aisselle,
Rangeait dans une armoire à carreaux la vaisselle
Et fredonnait ces airs qui s'inspirent parfois
Des récits des trappeurs ou du coureur des bois.
Alors, ayant vidé sa pipe sur la cendre,
Le chef de la famille, au regard clair et tendre,
S'appuyant au dossier de sa chaise de jonc
Fit le geste qui fait se courber chaque front,
S'agenouilla pour dire en commun la prière
Et commenqa d'une voix grave: Au nom du Père...
La porte était fermée au verrou. Devant l'âtre
Tous les enfants étaient assis; un feu verdâtre
Courait le long du bois mouillé qui crépitait.
Dehors, sur les chemins de neige, on entendait
Les grelots des chevaux attelés aux carrioles.
Le givre, sur la vitre aux arabesques folles,
Diffusait un rayon lunaire qui jouait
Sur le coffre de pin et sur le vieux rouet.
Le chien dormait, le chat ronronnait et l'aïeule
Négligeant son fuseau de chanvre, toute seule,
Près du ravalement où la mèche filait
Égrenait de ses doigts tremblants, son chapelet.
La servante, troussant ses manches sous l'aisselle,
Rangeait dans une armoire à carreaux la vaisselle
Et fredonnait ces airs qui s'inspirent parfois
Des récits des trappeurs ou du coureur des bois.
Alors, ayant vidé sa pipe sur la cendre,
Le chef de la famille, au regard clair et tendre,
S'appuyant au dossier de sa chaise de jonc
Fit le geste qui fait se courber chaque front,
S'agenouilla pour dire en commun la prière
Et commenqa d'une voix grave: Au nom du Père...
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Petite pluie abat grand vent
Petite pluie abat grand vent
Les pins craquaient et se tordaient sous les rafales,
Rappelle-toi, c'était vers la chute du jour;
Nous regardions passer les charges triomphales
Des vents hurleurs qui s'engouffraient dans le bois sourd.
Un nuage soudain creva sur la ramure,
Le vent tomba; nous nous logeâmes sous l'auvent
Et tu me dis, en souriant, dans un murmure:
Petite pluie abat grand vent.
Ce matin tes beaux yeux se froncent, ma chérie.
Ta chair tressaille, ainsi qu'une feuille sur l'eau.
La douce volupté de cette heure attendrie
Ne gonfle plus ton sein qui retient un sanglot.
À quoi bon ces dépits et ces désespérances!
Allons, viens sur mon coeur où tu vins si souvent
Et pleure, car les pleurs apaisent nos souffrances;
Petite pluie abat grand vent.
Les pins craquaient et se tordaient sous les rafales,
Rappelle-toi, c'était vers la chute du jour;
Nous regardions passer les charges triomphales
Des vents hurleurs qui s'engouffraient dans le bois sourd.
Un nuage soudain creva sur la ramure,
Le vent tomba; nous nous logeâmes sous l'auvent
Et tu me dis, en souriant, dans un murmure:
Petite pluie abat grand vent.
Ce matin tes beaux yeux se froncent, ma chérie.
Ta chair tressaille, ainsi qu'une feuille sur l'eau.
La douce volupté de cette heure attendrie
Ne gonfle plus ton sein qui retient un sanglot.
À quoi bon ces dépits et ces désespérances!
Allons, viens sur mon coeur où tu vins si souvent
Et pleure, car les pleurs apaisent nos souffrances;
Petite pluie abat grand vent.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Je bénis le hasard
Le lac Louise
À Monsieur F. E. Meredith, C. R.
L'aube pointe sur le couloir du lac Louise,
Large couloir pareil à la nef d'une église,
Et sous l'afflux de la lumière je m'assieds
Devant ses eaux sans ride et devant ses glaciers.
L'aube flotte légèrement sur les abîmes,
On dirait qu'elle hésite à descendre des cimes
Tant la nuit qui s'attarde aux flancs des monts heurtés
Mêle d'ombre tenace aux premières clartés.
Et puis l'aurore éclate et puis le jour flamboie.
Tous les brouillards tendus comme un rideau de soie
Que viennent de trouer les flèches du matin,
Sous les souffles errants s'éparpillent soudain,
Et les massifs, coiffés de neiges éternelles,
Se dressent comme des énormes sentinelles.
C'est l'heure créatrice au cours perpétuel
Et le moment divin et presque rituel
Où l'azur, irrisant les gorges, communique
Des colorations à l'onde prismatique.
Et ce sera pendant des minutes encor
Tous les reflets qui vont jouer dans ce décor;
Reflets d'or et de pourpre et reflets de topaze,
Du saphir qui bleuit, du rubis qui s'embrase,
Comme si la nature, ouvrant un vaste écrin,
Ornait de ses joyaux le col du lac serein.
Parfois sous mes regards des vagues de nuages
Disloquent ces reflets changeants des hautes plages,
Se brisent sur les fils des sapins rabougris
Et sur leur cône sombre allongent des tons gris.
Ô lac Louise! je m'attarde sur ta rive.
C'est par toi que le sens de la beauté m'arrive.
Né d'un caprice du chaos, tes flots muets
Depuis des temps sans nombre absorbent les sommets
Que le matin embrume et que l'air échevèle.
Oui, c'est par toi que Dieu lui-même se révèle
Au poète rêveur qui suspend son chemin
Et voudrait qu'aujourd'hui n'eût pas de lendemain.
Je bénis le hasard
Je bénis le hasard qui m'a fait te connaître,
Un soir d'automne, un soir si doux
Que le parfum subtil d'octobre à ta fenêtre
Montait de tes grands ormes roux.
Je rends grâces au ciel qui m'a fait pour une heure
Aimer la vie à ton côté
Alors qu'aux alentours de ta sombre demeure
Tombaient les voiles de l'été.
Et de ces courts instants j'ai savouré l'ivresse
Comme on savoure un beau fruit d'or,
Heureux si tu sentis passer dans ma tendresse
L'aveu que je retiens encor.
À Monsieur F. E. Meredith, C. R.
L'aube pointe sur le couloir du lac Louise,
Large couloir pareil à la nef d'une église,
Et sous l'afflux de la lumière je m'assieds
Devant ses eaux sans ride et devant ses glaciers.
L'aube flotte légèrement sur les abîmes,
On dirait qu'elle hésite à descendre des cimes
Tant la nuit qui s'attarde aux flancs des monts heurtés
Mêle d'ombre tenace aux premières clartés.
Et puis l'aurore éclate et puis le jour flamboie.
Tous les brouillards tendus comme un rideau de soie
Que viennent de trouer les flèches du matin,
Sous les souffles errants s'éparpillent soudain,
Et les massifs, coiffés de neiges éternelles,
Se dressent comme des énormes sentinelles.
C'est l'heure créatrice au cours perpétuel
Et le moment divin et presque rituel
Où l'azur, irrisant les gorges, communique
Des colorations à l'onde prismatique.
Et ce sera pendant des minutes encor
Tous les reflets qui vont jouer dans ce décor;
Reflets d'or et de pourpre et reflets de topaze,
Du saphir qui bleuit, du rubis qui s'embrase,
Comme si la nature, ouvrant un vaste écrin,
Ornait de ses joyaux le col du lac serein.
Parfois sous mes regards des vagues de nuages
Disloquent ces reflets changeants des hautes plages,
Se brisent sur les fils des sapins rabougris
Et sur leur cône sombre allongent des tons gris.
Ô lac Louise! je m'attarde sur ta rive.
C'est par toi que le sens de la beauté m'arrive.
Né d'un caprice du chaos, tes flots muets
Depuis des temps sans nombre absorbent les sommets
Que le matin embrume et que l'air échevèle.
Oui, c'est par toi que Dieu lui-même se révèle
Au poète rêveur qui suspend son chemin
Et voudrait qu'aujourd'hui n'eût pas de lendemain.
Je bénis le hasard
Je bénis le hasard qui m'a fait te connaître,
Un soir d'automne, un soir si doux
Que le parfum subtil d'octobre à ta fenêtre
Montait de tes grands ormes roux.
Je rends grâces au ciel qui m'a fait pour une heure
Aimer la vie à ton côté
Alors qu'aux alentours de ta sombre demeure
Tombaient les voiles de l'été.
Et de ces courts instants j'ai savouré l'ivresse
Comme on savoure un beau fruit d'or,
Heureux si tu sentis passer dans ma tendresse
L'aveu que je retiens encor.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Pour aimer plus longtemps
Pour aimer plus longtemps
Je t'aime et je n'ai pas encor pu te le dire;
Quand j 'hésite à livrer l'aveu qui tremble en moi,
Je ne sais quelle main farouche l'y déchire
Avant qu'il ait monté de mon coeur jusqu'à toi.
Je t'aime et quand ma lèvre indiscrète se pose
Quelquefois sur ton front qui s'offre ingénument,
Je retiens son frisson léger de peur qu'il ose
Ce que je n'oserai jamais assurément.
Je t'aime et ne veux pas surtout que tu le saches.
Tu pourrais par pitié m'aimer quelques instants;
Les amours partagés ont de frêles attaches
Et je veux aimer seul pour aimer plus longtemps.
Je t'aime et je n'ai pas encor pu te le dire;
Quand j 'hésite à livrer l'aveu qui tremble en moi,
Je ne sais quelle main farouche l'y déchire
Avant qu'il ait monté de mon coeur jusqu'à toi.
Je t'aime et quand ma lèvre indiscrète se pose
Quelquefois sur ton front qui s'offre ingénument,
Je retiens son frisson léger de peur qu'il ose
Ce que je n'oserai jamais assurément.
Je t'aime et ne veux pas surtout que tu le saches.
Tu pourrais par pitié m'aimer quelques instants;
Les amours partagés ont de frêles attaches
Et je veux aimer seul pour aimer plus longtemps.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Sur un album
Sur un album
Vous voulez des mots tombés de ma plume!
Qu'ajouteraient-ils à ceux qui déjà
Mignonne, ont fleuri ce petit volume
Et dont le parfum parfois vous grisa?
Que ce livre reste un parterre où saigne
L'âme d'une fleur ou d'un papillon;
Que seule la grâce ou l'amour y règne,
Mais n'en faites point un pont d'Avignon.
Vous voulez des mots tombés de ma plume!
Qu'ajouteraient-ils à ceux qui déjà
Mignonne, ont fleuri ce petit volume
Et dont le parfum parfois vous grisa?
Que ce livre reste un parterre où saigne
L'âme d'une fleur ou d'un papillon;
Que seule la grâce ou l'amour y règne,
Mais n'en faites point un pont d'Avignon.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Que crains-tu?
Que crains-tu?
Mignonne, les froids sont finis.
Les oiseaux reviennent aux nids;
Les bois de leurs premières fièvres,
Nous communiquent le frisson,
Aimons-nous, petite Lizon,
Donne tes lèvres.
Sois-moi fidèle aussi longtemps
Que les papillons éclatants
Voltigeront sur la prairie.
Que crains-tu? les étés sont courts,
Rien n'en peut allonger le cours,
O ma chérie!
Mignonne, les froids sont finis.
Les oiseaux reviennent aux nids;
Les bois de leurs premières fièvres,
Nous communiquent le frisson,
Aimons-nous, petite Lizon,
Donne tes lèvres.
Sois-moi fidèle aussi longtemps
Que les papillons éclatants
Voltigeront sur la prairie.
Que crains-tu? les étés sont courts,
Rien n'en peut allonger le cours,
O ma chérie!
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Le matin à La Malbaie
Le matin à La Malbaie
À mon ami J. T. Marchand
L'aurore a déchiré les ténèbres; le flot
S'émiette en se heurtant aux roches de la grève;
L'air adoucit le chant dolent du matelot,
Il semble que la mer s'éveille d'un long rêve.
Elle monte, gonflant son vaste sein rougi
Par une cendre d'or qu'éparpille la nue
Et s'abat lentement dans le cercle élargi
De la baie où l'amène une force inconnue.
Un goéland s'ébroue et plane par moment
Ou roule dans le creux de ses vagues perfides
Dont la croupe s'irise et dont l'alignement
Offre aux regards charmés de glauques Laurentides.
Émergeant de la coupe énorme de la mer,
Des brouillards, s'élevant sur des ailes d'ouate,
Se raccrochent aux flancs des montagnes de fer
Et couvrent les récifs d'une ombre délicate.
Le vent verse aux sapins l'odeur des goémons
Déchiquetés le long des plages écumantes
Et le golfe berceur promène autour des monts
Le souple enlacement de ses formes mouvantes.
Et tout à coup le jour éclate, l'orient
Déroule son velum de lumière sereine
Et les vapeurs qu'un souffle chasse en défaillant
Font taire sur les eaux le cri de la sirène.
Si quelque blanche barque au loin se courbe encor
Sous l'étreinte subtile et molle de la brise,
Ses filets relevés sèment des gouttes d'or
Sur le bleu de la mer que le calme a surprise.
Le ciel prend peu à peu les teintes des glaciers,
L'azur est blanc, plus blanc qu'un marbre pentélique,
Et rêveur, je regarde expirer à mes pieds
Les houles d'un steamer filant vers l'Atlantique.
À mon ami J. T. Marchand
L'aurore a déchiré les ténèbres; le flot
S'émiette en se heurtant aux roches de la grève;
L'air adoucit le chant dolent du matelot,
Il semble que la mer s'éveille d'un long rêve.
Elle monte, gonflant son vaste sein rougi
Par une cendre d'or qu'éparpille la nue
Et s'abat lentement dans le cercle élargi
De la baie où l'amène une force inconnue.
Un goéland s'ébroue et plane par moment
Ou roule dans le creux de ses vagues perfides
Dont la croupe s'irise et dont l'alignement
Offre aux regards charmés de glauques Laurentides.
Émergeant de la coupe énorme de la mer,
Des brouillards, s'élevant sur des ailes d'ouate,
Se raccrochent aux flancs des montagnes de fer
Et couvrent les récifs d'une ombre délicate.
Le vent verse aux sapins l'odeur des goémons
Déchiquetés le long des plages écumantes
Et le golfe berceur promène autour des monts
Le souple enlacement de ses formes mouvantes.
Et tout à coup le jour éclate, l'orient
Déroule son velum de lumière sereine
Et les vapeurs qu'un souffle chasse en défaillant
Font taire sur les eaux le cri de la sirène.
Si quelque blanche barque au loin se courbe encor
Sous l'étreinte subtile et molle de la brise,
Ses filets relevés sèment des gouttes d'or
Sur le bleu de la mer que le calme a surprise.
Le ciel prend peu à peu les teintes des glaciers,
L'azur est blanc, plus blanc qu'un marbre pentélique,
Et rêveur, je regarde expirer à mes pieds
Les houles d'un steamer filant vers l'Atlantique.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Comme le bois
Comme le bois
Tes yeux qui vont rêvant parfois
Prennent la teinte des pénombres
Et me retiennent dans leurs ombres
Comme le bois.
Si ma main s'égare parfois
Dans tes cheveux qu'elle dénoue
Je sens la fraîcheur de ta joue
Comme en un bois.
Lorsque je te presse parfois
Dans mes deux bras où l'amour gîte
J'écoute ton coeur qui s'agite
Comme le bois.
Tes yeux qui vont rêvant parfois
Prennent la teinte des pénombres
Et me retiennent dans leurs ombres
Comme le bois.
Si ma main s'égare parfois
Dans tes cheveux qu'elle dénoue
Je sens la fraîcheur de ta joue
Comme en un bois.
Lorsque je te presse parfois
Dans mes deux bras où l'amour gîte
J'écoute ton coeur qui s'agite
Comme le bois.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Devant la mer
Devant la mer
La mer est étale; elle est bleue et rose.
Le couchant lui fait une apothéose;
Son sein, par moment,
Sous des lames d'or se gonfle et palpite
Alors que le vent l'incurve et l'agite
Éternellement.
Veux-tu que l'on aille au large, ma mie,
Puisqu'elle est, ce soir, la mer endormie
Et douce au marin,
Puisqu'elle est la mer qui s'offre sans voiles
Aux lointains baisers tombés des étoiles
Sous un ciel serein?
Nous irons tous deux sur l'eau paresseuse.
La mer est toujours la grande berceuse
Des rêves mortels.
Sous l'immense voûte aux mille oriflammes
Viens, nous unirons de nouveau nos âmes
Devant ses autels.
La mer est étale; elle est bleue et rose.
Le couchant lui fait une apothéose;
Son sein, par moment,
Sous des lames d'or se gonfle et palpite
Alors que le vent l'incurve et l'agite
Éternellement.
Veux-tu que l'on aille au large, ma mie,
Puisqu'elle est, ce soir, la mer endormie
Et douce au marin,
Puisqu'elle est la mer qui s'offre sans voiles
Aux lointains baisers tombés des étoiles
Sous un ciel serein?
Nous irons tous deux sur l'eau paresseuse.
La mer est toujours la grande berceuse
Des rêves mortels.
Sous l'immense voûte aux mille oriflammes
Viens, nous unirons de nouveau nos âmes
Devant ses autels.
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Date d'inscription : 18/02/2010
Le temps perdu
Le temps perdu
Ce pêcheur est fou, pourquoi reste-t-il
A tendre son fil
Depuis le matin jusqu'au crépuscule?
Les filles ont dit que c'est ridicule
De ne pas oser
Au lieu d'un poisson leur prendre un baiser.
Le pêcheur songeait qu'un petit poisson
A son hameçon
Vaut tous les baisers que l'on prend aux filles.
Les femmes ne sont que folles anguilles
Qui ne valent pas
Le moindre goujon pris dans ses appâts.
Les belles alors, sur un ton moqueur,
Ont ri de bon coeur,
Car viendra le jour où, pour ces malignes,
Le petit pêcheur, oubliant ses lignes
Où l'on a mordu,
Reprendra d'un coup tout le temps perdu.
Ce pêcheur est fou, pourquoi reste-t-il
A tendre son fil
Depuis le matin jusqu'au crépuscule?
Les filles ont dit que c'est ridicule
De ne pas oser
Au lieu d'un poisson leur prendre un baiser.
Le pêcheur songeait qu'un petit poisson
A son hameçon
Vaut tous les baisers que l'on prend aux filles.
Les femmes ne sont que folles anguilles
Qui ne valent pas
Le moindre goujon pris dans ses appâts.
Les belles alors, sur un ton moqueur,
Ont ri de bon coeur,
Car viendra le jour où, pour ces malignes,
Le petit pêcheur, oubliant ses lignes
Où l'on a mordu,
Reprendra d'un coup tout le temps perdu.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Viens avec moi
Viens avec moi
Viens avec moi, les bois sont en fleurs, nous irons
Sur la mousse légère et sur les liserons,
Partout où sont les pins, les bouleaux et les ormes,
Nous nous promènerons sous les branches énormes
Où le matin s'habille et se vêt de clartés,
Et nous serons les seuls à voir ses nudités.
Mets ton chapeau de paille et ta robe de tulle;
Je te dirai des vers d'Horace ou de Catulle
Et tu me chanteras d'un ton plaintif et doux
Quelque vieille romance ou des airs de chez nous.
Viens avec moi, les bois sont en fleurs, nous irons
Sur la mousse légère et sur les liserons,
Partout où sont les pins, les bouleaux et les ormes,
Nous nous promènerons sous les branches énormes
Où le matin s'habille et se vêt de clartés,
Et nous serons les seuls à voir ses nudités.
Mets ton chapeau de paille et ta robe de tulle;
Je te dirai des vers d'Horace ou de Catulle
Et tu me chanteras d'un ton plaintif et doux
Quelque vieille romance ou des airs de chez nous.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Le tisserand
Le tisserand
Quelle heure exquise, et calme, et mystique! Le mont
Sur le lac au repos profile une ombre grise
Où tremble le reflet des eaux et du limon
Aux pieds des nénuphars balancés par la brise.
Les bois se sont grisés de l'ardeur des midis
Dans le grand flamboiement errant sur les ramures,
Et voilà maintenant que les cieux attiédis
Sous les branches des pins multiplient les murmures.
Le jour meurt, de partout des parfums sont venus,
Montant, larges encens, de la forêt ravie,
Et le soir harmonique avec des airs connus
Berce amoureusement la nature assouvie.
Tu sais créer de la beauté, même en mourant,
Ô toi, foyer de vie et source de jeunesse,
Et tu restes, soleil, l'immortel tisserand
Qui parfile les nuits pour que le jour renaisse!
Quelle heure exquise, et calme, et mystique! Le mont
Sur le lac au repos profile une ombre grise
Où tremble le reflet des eaux et du limon
Aux pieds des nénuphars balancés par la brise.
Les bois se sont grisés de l'ardeur des midis
Dans le grand flamboiement errant sur les ramures,
Et voilà maintenant que les cieux attiédis
Sous les branches des pins multiplient les murmures.
Le jour meurt, de partout des parfums sont venus,
Montant, larges encens, de la forêt ravie,
Et le soir harmonique avec des airs connus
Berce amoureusement la nature assouvie.
Tu sais créer de la beauté, même en mourant,
Ô toi, foyer de vie et source de jeunesse,
Et tu restes, soleil, l'immortel tisserand
Qui parfile les nuits pour que le jour renaisse!
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Sous les branches
Sous les branches
Comme pour ramener mes vagues rêveries,
A l'heure où le couchant étale ses pâleurs
Et, des pentes du mont aux sillons des prairies,
Verse ses derniers feux sur les dernières fleurs,
Je vais au bois parmi mes compagnes, les branches,
Les arbres sont de vieux amis et j'ai pour eux
L'amour qu'ont les enfants pour l'aïeule aux mains blanches,
Qui les endort avec des mots mystérieux.
Je les connais, je sais leurs noms et leurs usages.
Ils sont doux au rêveur comme ils le sont aux nids
Quand l'ombre de leurs troncs patinés par les âges
Rappelle les oiseaux que l'hiver a bannis.
Je leur parle et ma voix humaine les enchante.
Ils me répondent par des sons que je comprends
Car le vent qui parfois dans leurs ramures chante
N'est que l'écho profond de leurs coeurs délirants.
Les arbres comme nous naissent, vivent et meurent;
Ils ont des jours sans joie et des jours fériés
Dans les feuilles que l'air agite et qui demeurent,
Dans celles que la bise éparpille à leurs pieds.
Ils aiment comme nous les aubes sous leurs voiles,
Les midis plus ardents, les nuits aux mille feux,
Les heures de soleil et les heures d'étoiles,
Eux qui boivent le sang d'un sol prodigieux.
Hélas! ne laissons plus, par des mains étrangères,
Découronner nos bois où la source a pleuré.
Ces bois que les étés tapissent de fougères
Et dont l'aède, tant de fois, s'est inspiré.
Source: http://www.poesies.net
Comme pour ramener mes vagues rêveries,
A l'heure où le couchant étale ses pâleurs
Et, des pentes du mont aux sillons des prairies,
Verse ses derniers feux sur les dernières fleurs,
Je vais au bois parmi mes compagnes, les branches,
Les arbres sont de vieux amis et j'ai pour eux
L'amour qu'ont les enfants pour l'aïeule aux mains blanches,
Qui les endort avec des mots mystérieux.
Je les connais, je sais leurs noms et leurs usages.
Ils sont doux au rêveur comme ils le sont aux nids
Quand l'ombre de leurs troncs patinés par les âges
Rappelle les oiseaux que l'hiver a bannis.
Je leur parle et ma voix humaine les enchante.
Ils me répondent par des sons que je comprends
Car le vent qui parfois dans leurs ramures chante
N'est que l'écho profond de leurs coeurs délirants.
Les arbres comme nous naissent, vivent et meurent;
Ils ont des jours sans joie et des jours fériés
Dans les feuilles que l'air agite et qui demeurent,
Dans celles que la bise éparpille à leurs pieds.
Ils aiment comme nous les aubes sous leurs voiles,
Les midis plus ardents, les nuits aux mille feux,
Les heures de soleil et les heures d'étoiles,
Eux qui boivent le sang d'un sol prodigieux.
Hélas! ne laissons plus, par des mains étrangères,
Découronner nos bois où la source a pleuré.
Ces bois que les étés tapissent de fougères
Et dont l'aède, tant de fois, s'est inspiré.
Source: http://www.poesies.net
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Adieu au collège
Adieu au collège
Vers lus lors de la célébration du
cinquantenaire du collège Ste-Marie en 1898.
Dans l'air du soir j'entends ta cloche qui module
Les sons doux d'autrefois qu'elle fait plus dolents
Et j'écoute tomber de la vieille pendule
De l'heure du départ les coups graves et lents.
Adieu, foyer béni qu'on aime et qu'on adule,
Je vois des pleurs perler au bord des cils tremblants,
Mais il faut le repos de son humble cellule
Au vieux maître chargé déjà de cheveux blancs.
Assez de joie, assez de chants et de paroles.
De la base à ton faîte ôtons les banderoles
Qui cachent aux regards ta sainte nudité
Et, sous ton dôme fait d'ombres et de lumière
Drape-toi de nouveau dans ta robe de pierre
Et rentre dans ta paix et ta simplicité.
Vers lus lors de la célébration du
cinquantenaire du collège Ste-Marie en 1898.
Dans l'air du soir j'entends ta cloche qui module
Les sons doux d'autrefois qu'elle fait plus dolents
Et j'écoute tomber de la vieille pendule
De l'heure du départ les coups graves et lents.
Adieu, foyer béni qu'on aime et qu'on adule,
Je vois des pleurs perler au bord des cils tremblants,
Mais il faut le repos de son humble cellule
Au vieux maître chargé déjà de cheveux blancs.
Assez de joie, assez de chants et de paroles.
De la base à ton faîte ôtons les banderoles
Qui cachent aux regards ta sainte nudité
Et, sous ton dôme fait d'ombres et de lumière
Drape-toi de nouveau dans ta robe de pierre
Et rentre dans ta paix et ta simplicité.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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