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Gonzalve Desaulniers

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Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 18:57

Gonzalve Desaulniers
(1863-1934)
Les bois qui chantent

Je dédie ce livre à ma femme.



Préface
M. Gonzalve Desaulniers nous offre l'aventure peu commune d'un
poète reconnu, estimé depuis des années, dont les vers ont sonné maintes
fois dans nos réunions littéraires ou patriotiques, ont même volé
jusqu'aux rives de France, et qui en est encore à publier son premier
livre. Les bardes allaient ainsi semant leurs virelais au hasard de leurs
longs pèlerinages bien avant de songer à les écrire. Il y a quarante ans,
davantage peut-être, que M. Desaulniers, alors en pleine jeunesse, sentit
germer sa vocation poétique. Vocation, il est vrai, enchevêtrée à
beaucoup d'autres, qui devait tour-à-tour le pousser vers la presse, la
politique, les oeuvres d'avance nationale, les joûtes d'une carrière
d'avocat extrêmement remplie, et finalement l'asseoir sur le siège
honoré du magistrat. Mais ces activités elles-mêmes se sont toujours
mêlées pour lui de certain élan chaleureux, de certaine vision large et
qu'on pourrait dire poétique. Apôtre, dans le journalisme, d'un
libéralisme élevé; défenseur, au barreau, des droits de la parole et des
causes qu'on croyait perdues; missionnaire en tout temps de nos affinités
françaises, il a su mettre à tout cela comme un souffle idéal, comme un
rythme exalté et généreux. Il n'est pas même un magistrat tout à fait
comme un autre; les pandectes n'ont pas raidi sa conversation, ses
manières; s'il est grave quand il faut, rien n'a pu le faire solennel, et
jusqu'en ses verdicts paraît l'aisance de l'homme du monde. La toge
posée, il se délecte comme jadis à des soirées d'art ou de lettres où se
poursuit l'inutile Beauté, où il jette les factums par dessus les moulins.
Serait-ce trop de conclure qu'il fut toujours, en tout, et peut-être avant
tout poète?

Il est temps, dès lors, que finisse la tradition orale où flottaient
vaguement ses vers. Ce recueil nous les livre enfin, moulés dans un
galbe définitif, soustraits ainsi au risque de l'oubli. Et ce fait marque un


bon moment dans l'histoire de nos lettres canadiennes. Elles
s'enrichissent par là d'une oeuvre sérieuse et brillante, ayant son
caractère à part et comblant une lacune que garderait, à son défaut, la
suite de notre poésie. Avez-vous remarqué que Crémazie, Lemay,
Fréchette, ces artisans de notre renaissance poétique, ont pris surtout du
romantisme la conception épique, l'émotion tourmentée, la période
pompeuse, l'image grandiose et éclatante? tandis que Nérée
Beauchemin, précurseur en cela des écoles futures, dépassa, lui, la mode
romantique et s'installa avec Coppée, Sully-Prud'homme et les
parnassiens, en un cénacle épris surtout de précision, de finesse et de
ciselure! Il semble qu'un grand et fort courant ait été négligé; celui
qu'avaient ouvert Chénier, Vigny et Lamartine : le torrent du lyrisme
pur, où l'âme épanche ses rêves en effusions plus libres, avec la chaleur,
l'abandon des forces spontanées; poésie faite surtout d'imagination, de
tendresse, de mélancolie et de grâce; dont la musique est mélodie plutôt
qu'accord de gammes savantes; dont l'art se dissimule sous une
splendeur égale et discrète. Poésie franchement idéaliste, partant de la
nature pour la dépasser, soucieuse de refaire et d'agrandir la réalité
plutôt que de s'asservir à elle; dédaignant, dans la forme, les contrastes
heurtés, les traits durs, les couleurs criantes; gardant aux sentiments, aux
êtres, une ligne onduleuse et fluide, des demi-teintes fondues, des reflets
vaporeux, certain vague mystique et berceur. M. Desaulniers, le premier
chez nous, représenta cette influence distincte, la conception
lamartinienne et purement lyrique de l'art; je ne sais après lui que Robert
Choquette qui l'ait reprise et poursuivie.

Or s'il est vrai que le lyrisme ait paru vieillir et faire place à
beaucoup de théories plus froides, il n'en reste pas moins un des
éléments éternels, intrinsèques, de la poésie, et aucun vrai poète, même
en le niant, ne lui échappe. C'est par lui que la poésie est un chant, un
essor, s'élève au-dessus des idées vulgaires et des platitudes réelles,
divinise les soupirs de l'âme, transforme l'univers en l'exaltant. Nul
caprice esthétique ne saurait bannir du poème l'idéal et l'enthousiasme,
ses deux ailes nécessaires, en faire un simple bruissement de mots et de
syllabes. Mêmes les écoles où le lyrisme restreint ses envolées, se revêt
de formules compassées et plastiques, lui rendent hommage en le
déguisant. M. Desaulniers reste donc dans la tradition la plus haute en
s'avérant poète lyrique, disciple de ce Lamartine qui le fut de Pindare et
de Sapho. Il a d'ailleurs sa personnalité; il sait renouveler l'imagerie des
maîtres, infuser leur esprit à des thèmes présents. A côté d'harmonies
fraternelles aux leurs, il module des airs plus légers où l'observation
fine, le sentiment ténu, même le marivaudage subtil, confinent à la
chanson, jettent une note souriante, spirituelle et vive. Le chantre de
Milly se reconaîtrait dans Le Golfe, dans Le Tisserand, dans Soir
gaspésien; mais M. Desaulniers réclame pour lui seul Caprice, Comme
dans un rêve, Les fleurs jalouses et Vous souvenez-vous?

Que nous importent, après tout, ses ascendances mentales? Prenons
son oeuvre pour ce qu'elle est. Parcourons ces poèmes, et surtout les
plus étendus, ceux où l'auteur développe à l'aise sa pensée, son
inspiration, sa technique. Il est incontestable que ces alexandrins semés
en jets prodigues, se suivant comme les flots déferlent, sont beaux,
symboliques, expressifs, se pressent tous d'un mouvement large vers une
impression unique et intense. Ils ont la fermeté de la réflexion et la
mollesse du songe, l'émotion concentrée et chaude, l'éclat d'images
révélatrices, l'aisance d'une langue pure et choisie. Ce sont des vers
classiques où l'âge de nos jours se déverse, qu'elle emplit de vie
bouillonnante, sans en briser le moule parfait. La plupart ont jailli en
face de la nature; ils en dégagent le calme, le mystère, les voix
sympathiques et profondes, surtout la nostalgie pénétrante.

Oh! que le son du cor est triste au fond des bois! Les bois eux-mêmes
sont tristes, et ils n'en sont que plus charmeurs. Mais parfois ils sourient,
et alors ils nous baignent de joie à nous faire pleurer. Ces sensations se
dressent, vivantes, dans les églogues comme Les Pins, Vita et Mors,
Matin, Lettre de la montagne. Le poète communie aux sèves, aux vieux
troncs, aux feuillages, entre dans leur silence, s'absorbe dans leur vie
secrète (Le Silence des bois). Sous ces ramures quasi sacrées il aime à
replacer l'homme primitif, l'Indien qui y régnait et dans l'ombre y circule encore.
C'est le thème de plusieurs morceaux : Naouitha, La Fille des bois,
La Chanson des bois, Le Pardon des bois. Et sans doute cet Indien s'idéalise
de pied en cap : c'est un Indien travaillé, sculpté;
c'est l'Indien de Châteaubriand; il pense et soupire comme René, il parle
comme Atala et Chactas. Mais, tout factice qu'il soit, il exprime
noblement des idées, des aspirations humaines, les rêves de coeurs naïfs,
les regrets d'une race disparue. L'amour de la fille des bois, c'est
l'amour séculaire chantant en elle sa chanson magique, la même que
dans le coeur d'une princesse. Si les Grecs peuplaient leurs forêts de
nymphes purement imaginaires, nous est-il défendu de voir ces fantômes
mi-réels rôder autour de nos érables?

L'amour civilisé lui-même prend volontiers chez le poète un tour
idyllique et sylvain. Ce sont les grèves, les sentiers ombreux, les champs
de marguerites, qu'il voudrait pour décor aux confidences et aux
baisers : ce sont eux qui, par contre, lui en révèlent la brièveté fugace
(Ne cherchons pas, Automne, etc.) Et ces appels ou ces regrets
empruntent à la nature une sincérité fraîche, une tendresse profonde et
tranquille.

En dehors de ces bois qui chantent et de ces coeurs qui chantent sous
bois, c'est la patrie encore qui inspirent M. Desaulniers : la patrie
nouvelle et l'ancienne, elles ne font pour lui qu'une seule France.
Canada eût pu nous fournir, tout comme les strophes de Routhier, un
vibrant hymne national. Mouettes de France claironne la revanche de
nos frères longtemps attendue. Enfin, dans un récit palpitant d'une
flamme héroïque, les deux patries se joignent, s'enlacent et scellent à
nouveau leur alliance dans le sacrifice et le sang. Et si l'on admet tout
d'abord l'idéalisme transcendant et la fièvre extatique du thème, Pour la
France est une pièce purement admirable, pénétrée d'essence poétique,
soulevée d'une exaltation hautaine, dite en des vers où chaque mot porte
juste, éveille une sensation, sonne une musique délicieuse : l'un des plus
beaux cris, en somme, qu'ait suscités la dernière guerre.
Enthousiasme, harmonie, justesse, éclat discret et soutenu, balance
entre la pensée et l'image, correction et grâce de la strophe, cela résume
la poésie de M. Desaulniers, en fait la plus rapprochée qui soit chez nous
de la grande manière lyrique. Et l'idéal qu'elle exemplifie n'a pas
succombé, quoi qu'on dise, au flux des modes changeantes et à l'assaut
des couches nouvelles. Cet idéal survit aux évolutions esthétiques parce
qu'il se fonde sur des instincts permanents et impérissables. Pourvu qu'il
s'exprime fortement, en formules simples et directes, en une langue
dégagée de caprices transitoires, il n'a guère risque de vieillir. C'est
pourquoi les meilleurs poèmes de Gonzalve Desaulniers gardent encore
toute leur jeunesse, celle que gardent Le Lac et Le Cor, la jeunesse des
choses toujours vraies. Nous ne saluons pas cette oeuvre comme une
plante d'herbier, mais comme une tige bien vivante qui, surgie de
lointaines racines, s'épanouit pour nous, pare le sol que nous foulons. Ce
livre marque à la fois une date historique pour nos lettres, date qui se
placerait, en droit, entre Fréchette et Nelligan, et des heures très
charmantes que les plus modernes, les plus difficiles d'entre nous
passeront à le lire. LOUIS DANTIN.
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Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 18:58

Les bois qui chantent

O bois! c'est dans votre ombre, au pied de vos érables,
Quand les averses d'or vous faisaient palpiter
Ou quand le soir tombait sur vos lacs innombrables
Que je me suis souvent assis pour vous chanter.


Notre verbe
Nous l'aimons parce qu'il s'est fait avec les âges,
Parce que nous l'avons un jour balbutié,
Parce qu'il se confond avec tous nos usages
Et que c'est avec lui que nous avons prié.

Il nous vient du pays des pères de nos pères,
Il s'est chargé, chemin faisant, d'alluvions,
Mais tel qu'il fut jadis aux lèvres des trouvères,
Tel on le trouve encor dans nos vielles chansons.

Il est limpide comme l'eau de nos fontaines,
Il est fluide comme l'eau de nos torrents,
Nous l'avons défendu contre toutes les haines
Et nous le maintiendrons contre tous les courants.
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Gonzalve Desaulniers Empty Lettre de la montagne

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 18:58

Lettre de la montagne
À mon ami Jean Charbonneau

Je t'écris d'un endroit perdu dans la montagne,
Loin des cités, ayant la forêt pour compagne,
Distrait par le babil des oiseaux, le matin,
Servi par ma raison moins que par mon instinct,
Heureux, comme un berger du temps de Théocrite,
D'une simple fougère et d'une marguerite.
Tu veux savoir comment je vis, ce que je fais
Dans ce val caressé par l'aile des vents frais;
Comment, le front chargé de longues insomnies,
J'ai retrouvé le calme en ses ombres bénies!
La maison que j 'habite est près d'un lac. Les eaux
Mirent les papillons, les lis et les roseaux.
Ma vue au loin s'étend sur des objets tranquilles;
Sur la courbe des monts qu'allongent les presqu'îles,
Sur des bouleaux tout blancs, sur des sapins tout verts,
Sur des ravins gercés par le gel des hivers.
Mes jours coulent plus lents de l'aube au crépuscule,
Jamais mon horizon n'avance ou ne recule.

Si quelque brume vient, jusque sur les vergers,
Dénouer le fil blanc de ses tissus légers,
Il me reste le chant des nids qui sont plus proches,
Les aboîments du chien et les échos des cloches.
Lorsque le bûcheron cogne dans la forêt
Je sens passer la mort sur les pins, à regret.
J'erre dans les sentiers du chevreuil, je me penche
Pour ne pas recevoir le soufflet d'une branche,
Ou je m'assieds au pied des grands saules, parmi
Les feuilles où l'été semble s'être endormi,
Où j'arrache au hasard des gaulis sur la route
Pour mettre, impatient, les mouches en déroute.
Un brin d'herbe m'enchante, un liseron vermeil
Me tient lieu sous le bois d'un regard du soleil.

Je fais un lit de mousse aux sources paresseuses
Qui coulent des sommets, limpides et frileuses,
Et dont les gazouillis, au milieu des ormeaux,
Ont la grâce des sons et la saveur des mots.
Le soir, sur le perron qu'embaument les résines,
Lorsque l'ombre a noyé les montagnes voisines,
Je regarde monter les étoiles, troupeaux
Que le berger nocturne, au son de ses pipeaux,
Promène dans le champ que Dieu sème et moissonne.

Je sens autour de moi que la forêt frissonne
Sous l'averse des feux stellaires; je frémis
D'entendre par moment dans les bois rendormis,
Où rien ne vole, où rien ne bouge, où rien ne rôde,
Le hurlement des grands carnassiers en maraude.
Je me prends à compter les constellations;
Et quand la lune enfin, dans ses ascensions,
Se dresse brusquement sur les cimes bleuies,
Les eaux du lac désert en sont comme éblouies,
Et ses rayons, traînant sur leur face, me font
Un pont doré qui me relie au ciel profond.
Alors mon rêve ailé, sous la voûte infinie,
Se meut dans l'éther pur et vide d'harmonie.
Quand le matin s'éveille et quand il s'est frayé
Un passage à travers le feuillage mouillé,
Le val s'anime et c'est l'espoir! et c'est l'ivresse!
D'une invisible main tout reçoit la caresse,
Et le soleil vainqueur, par l'aube libéré,
Laque d'un rouge vif la colline et le pré.

C'est l'heure où mon esprit se raccroche à la terre;
Où la nature n'offre à l'homme aucun mystère;
Où les arbres plus lourds de la sève des nuits
Dans leurs bourgeons éclos nous promettent des fruits;
Où le rythme du lac, du bois, de la montagne,
Du rythme aérien des branles s'accompagne.
Ce que l'âme a de grave en elle et de profond
À l'âme qui jaillit des choses correspond.
Moments délicieux et qui font que l'on prie
Avec la piété des fleurs dans la prairie.
Viens, mon ami, goûter ces moments merveilleux
Et tu rapporteras dans ton coeur, dans tes yeux,
Des images que rien ne rompt et ne déforme,
Quand penché sur l'érable et quand penché sur l'orme
Tu sentiras en toi l'évanouissement
Des soucis et des deuils descendre infiniment.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty La fille des bois

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 18:59

La fille des bois
Et son coeur fut pris par un guerrier blanc!
Quand la bise mord le bouleau tremblant,
Quand la forêt mue,
La fille des bois, dans les grands sentiers
Toute seule va, de longs jours entiers,
Par son rêve émue.

Ce fut dans la plaine au ciel attiédi,
Quand la flambe d'or descend du midi,
Que lui vint ce rêve.
Près de son ruisseau le guerrier passa,
Et de loin son oeil longtemps caressa
Ses pas sur la grève.

Que lui donna-t-elle au guerrier vaillant?
Les bois pleins de bruits, le flot babillant,
Pourraient nous le dire.
Mais le doux secret lui sera gardé,
Car les bois au flot ont recommandé
De ne pas médire.

Des bruissements d'aile et de chansons
Se sont envolés, rieurs, des buissons
Dont l'âme voltige,
Et comme le daim, las de l'abreuvoir,
Le guerrier s'en fut, sans souci d'avoir
Coupé cette tige.


Les mois et les ans ont passé depuis,
Et la fleur des bois qui n'a plus d'appuis,
Dont l'avenir sombre,
Sourit aux oiseaux dans l'attente encor
De la vision qui manque au décor
De sa forêt sombre.

Dans les matins blonds, dans les soirs tombés,
Dans le vent qui fait les joncs recourbés
Et l'arbre farouche,
On la voit pensive au bord des chemins,
Et le lendemain sur les lendemains
Lentement se couche.

De décembre morne à juin triomphant,
Quand la sève monte ou l'écorce fend
Au souffle du pôle,
Elle dit sa peine aux grands horizons
Et marche, oubliant bouvreuils ou bisons,
Son arc sur l'épaule.

Et pourtant plus d'un chasseur donnerait
Ses plus belles peaux d'élan sans regret,
Pour un baiser d'elle,
Mais la fière enfant, toute à son passé,
Au vieux souvenir jamais effacé
Veut rester fidèle.

Car son coeur fut pris par un guerrier blanc.
Quand la bise mord le bouleau tremblant,
Quand la forêt mue,
La fille des bois, dans les grands sentiers
Toute seule va, de longs jours entiers,
Par son rêve émue.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Vita et mors

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:00

Vita et mors
Ce matin un brouillard plus léger s'insinue
Qui, montant de la mer, voile à peine la nue,
Et je descends, dans une hâte d'y courir,
Sur la grève où le flot lentement vient mourir.
Les dernières lueurs de l'aube se dispersent.
Pendant qu'à tournoyer de grands oiseaux s'exercent
En poussant vers le ciel moins rouge un cri perçant
Qui vient rompre le rythme étrange du jusant;
Pendant qu'à l'horizon où gît la nuit sereine,
Par une déchirure énorme et souveraine
L'astre du jour éclate et vient teindre d'or pur
Dans ce décor mouvant le rideau de l'azur.

Je laisse ma pensée errer, libre et ravie,
Et je goûte le sens éternel de la vie.
Ce soir la brise tiède expire. La forêt
Tressaille mollement et repose; on dirait
Que lasse de jaser avec le vent qui passe
Elle étend son manteau de feuilles dans l'espace
Pour mieux dormir et mieux étouffer tous les bruits
Qu'avivent les matins et qu'éteignent les nuits.
Et pendant qu'adossée à la montagne sombre
Elle se diminue encore dans cette ombre,
Effaçant peu à peu les ultimes reflets
Que le jour disparu retient sur les sommets;
Pendant que de partout le silence dilue
Les choses autour d'elle où plus rien ne remue,
Un frisson me secoue, aigu comme un remords,
Et j'éprouve le sens éternel de la mort.
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Gonzalve Desaulniers Empty A Crémazie

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:00

A Crémazie
"Vers lus lors de l'inauguration du monument
Crémazie au square St-Louis."

Poète, tu vois, la terre est en fleurs,
C'est le mois de juin, le mois des couleurs,
Des métamorphoses;
Celui qui pressent déjà les moissons,
Le mois qui dans l'air suspend les chansons
Sur l'âme des choses.

C'est le règne des reflets infinis;
Le recueillement des bois et des nids,
Le rappel des ombres,
Les mystérieux gazouillis d'amour
Dans les frondaisons des pins dont le jour
Dore les fils sombres.

Moi des souvenirs, poète, celui
Qui joyeusement nous prête aujourd'hui,
Dans sa clarté douce,
Pour glorifier ton buste en ce lieu,
Un pan de verdure, un coin de ciel bleu,
Un tapis de mousse.

Le reconnais-tu, ce beau ciel d'été?
C'est lui que ta voix jadis a chanté,
Fière et solennelle.
Avant que par le malheur terrassé
Ton Génie, ainsi qu'un aigle blessé,
Eût fermé son aile.

Tu t'en es allé mourir près des flots
Dont les bruits amers couvraient tes sanglots
Criés sur les grèves,
Espérant toujours, des embruns jaillis,
Les murmures doux des vers du pays
Pour bercer tes rêves.

Tu n'as pas en vain, poète, espéré,
Car tout chante autour du bronze inspiré
Qui te fait revivre;
Qu'importe un passé douloureux, tu viens
Reprendre ta place au milieu des tiens
Que ta joie enivre.

Dans les nuits ainsi que dans les rayons,
Parmi les oiseaux et les papillons
Dont le vol t'effleure,
Sous un toit chargé d'aromes subtils,
Sans craindre à jamais de nouveaux exils,
Maintenant demeure !

Demeure, ô poète, et si quelquefois
La neige interrompt le concert des bois
Ou de l'hirondelle,
Attends les réveils qui ne tardent pas,
Et sache, oublié d'hier, qu'ici-bas
Tout se renouvelle.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Angélus

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:01

Angélus
Enfant, de la cloche qui tinte
Écoute le son grave et lent
Qui dans la clarté presqu'éteinte,
Donne à ta prière un élan.

C'est l'heure où l'ombre tend ses voiles;
Où dans l'espace immesuré
Vont s'orienter les étoiles,
Troupeau par la nuit égaré.

Écoute cette voix qui passe
Sur l'aile invisible de l'air
Ton âme en peut suivre la trace
Jusqu'au fond de l'horizon clair.

Elle passe et la fleur vermeille,
L'arbre songeur, le flot dormant,
Comme nous deux prêtent l'oreille
Dans un profond recueillement.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Épître

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:01

Épître
Je suis triste jusqu'à la mort, mon bien-aimé,
Triste d'avoir voulu, dans le bois parfumé
Par l'odeur du sapin, de l'yeuse et du tremble,
Refaire le chemin que nous faisions ensemble.
Pourtant je ne devais jamais plus y venir,
Mais ce bois était plein de ton cher souvenir.
Chaque arbre me parlait de toi, dans chaque sente
Toujours je retrouvais ton image présente.
Comme je revois mieux l'heure où tu m'apparus!
J'étais aux pieds des monts, l'été sur les blés drus
S'épandait lourdement. Dans la plaine inégale
L'éclair des faulx rythmait le cri de la cigale,
Et pendant que les faulx courbaient les blés, pendant
Que la torpeur de l'air, sous le soleil ardent,
Abattait tout, les prés, les coteaux et les branches;
Pendant que, déployant leurs fines ailes blanches,
Les papillons bravaient cette immobilité,
Tu passas et tu vins jusqu'à moi. La gaîté
De mes seize ans te fit audacieux et tendre
Et la main que tu pris je ne pus la reprendre.
Nous cheminâmes sous les pins, t'en souvient-il?
Ces grands pins nous versaient un arôme subtil.
Des vols légers s'entrecroisaient dans les ramures
Et je me demandais si les proches murmures
Des sources n'étaient pas un écho de ta voix.
O ces premiers désirs! A ces premiers émois!
D'une chair qui sommeille et d'un coeur qui s'ignore
Malgré mes pleurs, vois-tu, je les bénis encore.


Nous y revînmes bien souvent dans ces chemins!
Dois-je te rappeler les joyeux lendemains
Qui suivirent? Tu sais mieux que moi ce qu'ils furent.
Les mots que nous disions quand les feuilles murmurent
Je les entends toujours, tu ne les entends plus.
Tu fus mon compagnon tout un été, tu fus
Celui qui chaque jour, quand les durs attelages,
Pliant sous la moisson, descendaient aux villages,
Me ramenait à ma demeure et me disait
Les doux propos dont tout mon être se grisait.
Nos rires éclataient sur les routes déclives,
Alors que les fossés, bordés de fleurs tardives,
Embaumaient l'air et que dans mon blanc tablier
Tu cueillais la framboise et le fruit du mûrier.
Quand les soirs déroulaient le voile des pénombres,
Muets, nous regardions se détacher les ombres
Des flancs de la montagne et sur les bois épais
Mélancoliquement redescendre la paix.

Des silences soudains montaient des lacs tranquilles
Et nos yeux, s'égarant aux pieds de leurs presqu'îles,
Qu'un cercle de clartés nocturnes entourait,
Reflétaient l'infini du ciel qui s'y mirait.
Puis lorsque retombaient les ultimes ténèbres,
Semant d'étoiles d'or leurs tentures funèbres,
Tu t'asseyais comme un amant à mes genoux
Et la douceur des nuits se glissait entre nous.
J'aurai vécu ma vie en ces heures trop brèves!
Et c'est toi qui rompis le fil bleu de mes rêves,
Car un matin tu t'en allas, sans nul souci
Du morne isolement que tu créais ici;
Et la petite paysanne délaissée
Ne fut plus dans ton coeur qu'une image effacée!
Cependant, tu m'aimas, car j'ai tenu souvent
Ton front brûlant sur mon épaule quand le vent
Charriait sur le val les feuilles de septembre,
Pauvres feuilles mourant dans des plis d'or et d'ambre.

Tu m'aimas, je le sais, mais il aurait fallu
Aimer aussi mon champ; tu ne l'a pas voulu.
Dans le calme des pins, dans la fraîcheur des sources,
Dans les sentiers croisés au hasard de nos courses,
Dans l'ombre des forêts, dans le chant des oiseaux,
Dans les brouillards rosés qui traînent sur les eaux,
Dans les blés jaunissants, dans l'avoine fleurie,
Dans les petites fleurs tachetant la prairie,
Dans les cloches troublant la dolence de l'air,
Dans le soir empourpré, dans le matin plus clair,
Dans les grands boeufs paissant au bruit de leurs clarines,
Ou sous nos humbles toits parés de capucines,
Tu n'as vu que moi seule et tu n'as pas compris
Que l'amour de la terre, hélas ! était le prix
De mon amour et que dans la tige qui ploie
Il te fallait chercher le secret de la joie
Mais tes mains n'étaient pas faites pour nos labours.
Tu ne sais que chanter comme ces troubadours
Dont les vieux imagiers ont gravé la mémoire.
Volages amoureux, épris de folle gloire,
Et qui de bourgs en bourgs, dans les temps anciens,
Faisaient pleurer des yeux, comme pleurent les miens.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Caprice

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:02

Caprice
Oui, si j'étais femme aimable et jolie!
A. DE MUSSET.
Moi, si j'étais femme et si j'étais belle,
Je serais rebelle
À tous les amours;
Me souciant peu d'aimer ou de plaire
Je serais légère
Comme mes atours.

Légère comme un nuage, comme une
Caresse de lune
Par un soir de mai,
Légère comme un flot de mousseline,
Comme la bruine
D'un ciel parfumé.

Je serais l'oiseau qui, rasant la plaine,
De sa cantilène
Trouble l'horizon
Sans se demander si là, sur la route,
Une oreille écoute
De loin sa chanson.

J'aurais pour chacun de l'insouciance
Vive la science
D'être tout à soi!
Je passerais fière au milieu du monde;
Tant pis si l'on fonde
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Gonzalve Desaulniers Empty Un espoir sur moi.

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:02

Un espoir sur moi.

Je ne voudrais pas pour une caresse
Jeter ma jeunesse
Au bras d'un vainqueur;
L'amour est un feu qui vite s'allume
Et trop tôt consume
Son adorateur.

Je voudrais n'avoir que robes nouvelles,
Chiffons et dentelles,
Corset de velours,
Être à tout propos d'une gaîté folle,
Pour que l'on raffole
De moi tous les jours.

Quoi de plus charmant qu'une femme blonde,
A la taille ronde,
A l'oeil vif et clair,
Qui dans les grands bals, coquette et gentille,
Rit, valse et babille,
Libre comme l'air.

Mais si l'on venait me dire à l'oreille
Qu'en se faisant vieille
La figure prend
Des plis sur lesquels, redoutable embûche,
La beauté trébuche
En chemin courant;

Que la jeune fille est comme une source
Qui file sa course
Au petit bonheur
Et finit toujours par aller se prendre
A quelque méandre
D'un fleuve enchanteur;

J'aurais, j'en conviens, quelque peu l'envie
D'aiguiller ma vie
Sur ces sentiments;
De jeter mon masque au nez d'Épicure
Et faire une cure
De mes errements.

Car on a beau faire et l'on a beau dire
C'est se contredire
Que nier l'amour,
Et je ne crois plus vraiment que l'on puisse
Garder un caprice
Pendant plus d'un jour.

C'est pourquoi si, moi, j'étais femme et belle,
Je serais rebelle
Pour un jour ou deux,
Et puis si quelqu'un revenait me dire
Que son coeur soupire
Pour mes jolis yeux,

Je ferais, un peu par accoutumance,
De la résistance
Jusqu'au lendemain,
Mais serais au fond la plus désireuse
Et la plus heureuse
De donner ma main.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Automne

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:03

Automne
Sur le versant du mont les arbres
Se dévêtent de leurs atours
Qui s'en vont recouvrir les marbres
Des tombeaux aux sombres contours.
Les collines se font plus blanches,
Le ciel d'azur se fait plus gris,
Et les petits hôtes des branches
Ne troublent plus l'air de leurs cris.

Qu'est-ce donc qu'apporte l'automne
Dans les plis de son manteau noir?
Que dit sa plainte monotone
Aux vieilles tours quand vient le soir?
Et pourquoi l'humble violette
Qui charmait souvent nos ennuis
Ne fait-elle plus sa toilette
Au sortir de ces longues nuits?

Ah! c'est que, déployant ses ailes,
Le froid hiver va revenir
Chasser les pauvres hirondelles
Que d'autres cieux voient accourir.
Le temps des illusions passe,
Tout reprend sa réalité,
Et souvent le moindre vent casse
Plus d'un grand chêne à tort vanté.


Mais laissons-là, mon adorée,
La nature avec ses frimas,
Que nous importe la durée
Ou la rigueur de ses climats.
N'avons-nous pas un coin de terre
Où le soleil reluit toujours
Pour y couler, dans le mystère,
Les folles heures des amours.
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Gonzalve Desaulniers Empty In memoriam

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:04

In memoriam

Vers dits sur la tombe de Lusignan.

C'est ici l'endroit où le fossoyeur,
De l'éternité sombre pourvoyeur,
À mis sa dépouille,
Ou le vent qui meurt au pied des cyprès
Tisse le velours d'un gramen épais
Pour qu'on s'agenouille;

L'endroit où nos coeurs se sont souvenus
Que s'il faut la laine à ceux qui sont nus,
Aux oiseaux les arbres,
Aux blés les rayons, à l'air les parfums,
Il nous faut aussi donner aux défunts
Des fleurs et des marbres.

Et nous lui donnons les deux aujourd'hui,
Pour que si jamais il sent de l'ennui
La ronce vivace,
Ces fleurs aux tons blancs lui parlent de nous,
Ce marbre sacré, de nos deux genoux
Lui garde la trace.

Amis, s'il est vrai que nos oraisons
Ouvrent les cercueils sur des horizons
D'amours éternels,
Et portent vers des champs d'azur et d'or
Les âmes, dans leur lumineux essor,
Au bout de leurs ailes;

Que ces oraisons sont comme un flambeau
Qui filtre à travers les ais du tombeau
Ses lueurs plus douces
Que les blonds reflets tombés des bois lourds,
Quand l'aube vermeille, aux levers des jours,
S'épand sur les mousses;

Mêlons notre voix à l'essaim léger
Des prières qui viennent voltiger
Au-dessus des tombes
Et prêtent aux morts, du monde bannis,
Pour escalader les cieux infinis,
Le vol des colombes.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Soir gaspésien

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:05

Soir gaspésien
Ami, livre ta voile au vent léger qui passe :
Sur les bois assoupis et la mer jamais lasse
Un rideau d'ambre et de lumière est étendu.
Pour les flots agités c'est l'instant attendu,
Et pour les hommes c'est l'heure exquise et frivole
Où le souci des jours prend le large et s'envole.
Embarquons-nous, la baie est déserte, le soir
Rallume le vieux phare à l'angle du musoir,
Pour que si dans la nuit constellée et sans lune
Quelque nuage errant posait son aile brune,
Nous revenions au port sous son oeil vigilant.
Aucun bruit, si ce n'est le vol d'un goéland,
Ne vient troubler la plage où dort une eau tranquille.
Regarde, par delà la lointaine presqu'île;
Le cap s'embrase et las de son dernier effort
Le soleil se raccroche à ses flancs lamés d'or.
Sous l'averse des feux les collines chancellent.
Partout sur les versants les grands pins étincellent
Et leur cône paraît, vers l'ombre projeté,
Dans cette flamme éparse un point diamanté.
C'est un déroulement de teintes inconnues
Dont se coiffent les monts et s'irisent les nues.
Et, pendant qu'attiré par la nuit, le soleil
Brusquement se dérobe à ce décor vermeil,
Il semble qu'une main invisible dénoue
Une écharpe gemmée et qu'un dieu la secoue
Pour laisser choir, du haut des cieux épanouis,
Dans la mer de saphir un énorme rubis.
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Gonzalve Desaulniers Empty Mouettes de France

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:05

Mouettes de France

(Vers écrits à bord du steamer «France »,
dans le port du Havre le 7 août 1914.)

Mouettes, qui liez la grâce de vos ailes,
Lorsque la nuit descend, à la courbe des flots;
Mouettes, que les mers, quand vous courez vers elles,
Jettent comme un espoir à tous les matelots;

Mouettes, qui semblez des petites croix blanches;
Qui palpitez au bout des vagues follement
Et qui, dans les embruns roulés en avalanches,
Tombez et retombez sans cesse éperdument.

Mouettes, qui ce soir, du haut de nos falaises,
Découpant sur le ciel un nimbe éblouissant,
Lancez vos cris joyeux aux flottilles anglaises
Comme si vous vouliez les bénir en passant;

Ô Mouettes, venez de partout plus légères,
Venez du Nord, venez du Midi, bercez-vous
Sur la côte normande où vont pleurer les mères
Sur les plaines d'Alsace où meurent les époux;

Survolez, survolez les frontières anciennes,
Car nous sentons déjà vos ailes nous porter
Sur les rives du Rhin où viennent se heurter
Les mouettes de France aux cigognes prussiennes.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Ne cherchons pas

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:06

Ne cherchons pas
Viens sur les bords du lac tranquille où l'eau s'allonge,
Puisque déjà sur le vallon l'ombre descend;
Les bois sont recueillis et le ciel pur prolonge
Les restes d'un beau jour qui va s'affaiblissant.

Rien ne vaut les moments perdus dans ce silence;
Rien n'égale le charme apaisant de ce soir
Alors que la nature étend sa somnolence
Sur la berge où souvent nous vînmes nous asseoir.

C'est ici que l'été dernier nous nous aimâmes;
Un an s'est écoulé depuis, et nous sentons
Que cet an a suffi pour disjoindre nos âmes
Loin des sentiers chéris dont nous nous écartons.

Pourtant rien n'est changé, le même flot s'enlace
Autour de ton pied nu comme autrefois, le vent,
Le même vent léger, sur ton épaule lasse
Se joue et la caresse et lui rit comme avant.

Tout ce que nous aimions, les feuilles frémissantes,
Le torrent dévalant sous les pins toujours verts,
Les îles dont nos pieds foulent les fleurs naissantes,
Les nénuphars dont les étangs sont recouverts,

Les monts charnus, les champs marbrés, les libellules
Cousant d'un long fil d'or l'écharpe des soirs bleus,
Les matins embrumés et les clairs crépuscules
Qui retiennent le jour expirant sous nos yeux;

Tout ce que nous aimions revit, les mêmes choses
S'offrent à nos regards, à nos sens, à nos coeurs;
Plus près de nous encor l'encens des mêmes roses
S'exhale triomphant des calices vainqueurs.

Pourquoi donc sommes-nous dans tout ce qui persiste
Les seuls à ne plus être ainsi que nous étions?
Et qu'est-ce que la vie a fait qui nous attriste
Quand tout est joie et grâce et sourire et rayons?

Mes mains sont à tes mains désormais étrangères;
Tes yeux ne lisent plus dans mes yeux leur destin.
Pourquoi donc notre amour aux attaches légères
S'est-il, quand tout renaît, si brusquement éteint?

Ne cherchons pas, goûtons cette heure évocatrice
D'un passé dont la cendre est brûlante à demi,
Et laissons de ce qui fut peut-être un caprice
Flotter le cher parfum sur le lac endormi.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Mon secret

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:06

Mon secret
Si je vous le disais que vous êtes jolie,
Jolie à rendre fous les hommes et les dieux
Et qu'en vous regardant, mignonne, l'on oublie
Qu'il est un autre ciel que celui de vos yeux.

Si je vous le disais que sur vos lèvres roses,
Une abeille viendrait, aveuglément, puiser
Ce doux miel qu'elle va butiner sur des roses
Qu'un rayon fait éclore, et rougir un baiser?

Si je vous le disais que depuis la soirée
Où vous parûtes lors pour la première fois,
Votre image toujours de mystère parée
Passe comme un éclair dans mes rêves, parfois?

Si je vous le disais!... mais je ne veux rien dire,
Mon secret est de ceux qu'on garde prisonniers,
Car si je le disais, l'on en pourrait sourire
Et vous même, qui sait? ce que vous en diriez!
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Gonzalve Desaulniers Empty Naouitha

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:07

Naouitha
Naouitha songeait sur un lit de feuilles;
Ô printemps divin! tout ce que tu cueilles
Et mets dans les nids,
Odeurs des sapins ou senteurs du saule,
Tu le répandais sur sa chaste épaule
Au reflet bruni.

L'enfant des forêts songeait; autour d'elle
Les arbres laissaient passer des vols d'aile
Dans l'air tiède et doux,
Et la source claire, aux eaux caressantes,
Se glissant parmi les touffes naissantes,
Frôlait ses genoux.

Elle avait couru dès l'aube, enivrée
Du parfum des fleurs poussant à l'orée
Du bois reverdi,
Livrant ses cheveux au vent des clairières
Et son corps menu, grisé de lumières,
Aux feux du midi.

Le long des chemins balisés d'érables,
Près des lacs mirant ses traits adorables
Aux bords des halliers,
Elle avait semé sa joie enfantine
Et les rameaux lourds de blanche aubépine
Muaient à ses pieds.


Naouitha songeait et prêtait l'oreille
Aux bruits que faisait la forêt pareille
Aux grands flots errants,
Aux bruits qui tombaient des branches hautaines,
Aux bruits des ravins, aux bruits des fontaines,
Aux bruits des torrents.

Bruits aériens des cimes fleuries,
Bruits inapaisés des feuilles meurtries
Et des ruisselets,
Bruits que fait l'abeille aux ailes ambrées
Et que font parfois les vagues moirées
Parmi les galets.

Aucun d'eux pourtant de sa rêverie
N'avait pu tirer la fille chérie
Des pins et des eaux,
La fille déjà d'ombre enveloppée
Et qui s'évadait de la mélopée
Montant des roseaux.

Ce qu'elle espérait, l'oreille aux écoutes,
C'était de saisir, au delà des routes,
Parmi la clameur
Que de lac en lac et de chute en chute
L'écho multiplie et qu'il répercute
Dans le soir qui meurt,

La voix de l'amant revenant des chasses
Quand avril, paré de toutes ses grâces,
Prélude aux lilas,
De l'amant qui n'eût dans les nuits polaires
Que l'éclat discret des perles stellaires
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Gonzalve Desaulniers Empty Pour guider ses pas.

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:07

Pour guider ses pas.

Mais l'écho muet trompa son attente,
Et l'enfant s'en fût dans la nuit chantante
Le coeur aux abois:
Les loups en hiver ont la dent cruelle
Et l'esprit de plus d'un chasseur se mêle
Aux esprits des bois
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Gonzalve Desaulniers Empty Les pins

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:08

Les pins
Ô pins! qui versez l'ombre au sein des forêts vierges
Et qui dressez vos fûts superbes dans les airs,
La terre est un autel dont vous êtes les cierges,
Ô pins! qui la nimbez de vos grands rameaux verts.

Quand le soir hiémal s'allonge sur la cime
Des bois découronnés par le vent émondeur,
Vous gardez, si le gel les rouille ou les décime,
Sur vos robustes bras l'éternelle splendeur.

Que novembre s'embrume ou qu'avril étincelle,
L'air s'imprègne de vos aromes infinis;
Vous jetez les senteurs que votre ombre recèle,
L'hiver, aux arbres morts, et l'été, dans les nids.

Quand la pâle clarté du jour qui se dérobe
Estompe à l'horizon vos troncs audacieux
Il semble que du pied vous écrasez le globe
Et que de votre front vous étayez les cieux.

Et pourtant, pins rêveurs, de gigantesque taille,
Vous dominez en vain les éléments troublés,
Le fer du bûcheron vous frappe et vous entaille,
Et vous abat ainsi qu'un moissonneur, les blés;

Car votre majesté n'est pas même épargnée
Par ces déboisements sacrilèges qui font
Tomber sous le tranchant aigu de la cognée
Le chêne au coeur d'airain, et l'orme au flanc profond.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty A Jeanne

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:08

A Jeanne

À l'occasion de sa première communion.

Ô ma Jeanne, ainsi qu'un beau lis tremblant,
Au pas cadencé d'un cortège blanc
Tu viens à l'église
Le front radieux, dans l'attente encor
Du rêve étoilé, du long rêve d'or
Qui se réalise.

Au fond de tes yeux candides je vois,
Comme les reflets tamisés des bois
De douces lumières;
Soulève à demi ton voile léger,
Les cieux vont s'ouvrir, enfant, viens chercher
Les grâces premières.

Voici le calice et le corps divin.
Dans un peu de blé, dans un peu de vin,
Le Seigneur se donne,
Comme il se donna dans la nuit où Jean
Se reposa sur son coeur indulgent
Que tout abandonne.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty J'ai quitté ma maison

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:09

J'ai quitté ma maison
J'ai quitté ma maison et j'ai clos ses volets;
Sur son seuil est venu s'asseoir le pâle automne.
Ses arbres défeuillés laisseront désormais
Passer le vent qui gémira plus monotone.

Pourtant c'était hier que j'arrivais; avril
Mirait ses bourgeons d'or dans le ruisseau limpide.
L'air était coloré, transparent, puéril,
Et grossissait les voix grondantes du rapide.

Tout était j oie et vie et semblait attester
Des moissons de fruits lourds pour des saisons lointaines.
Et déjà l'aubépine au parfum si léger
Faisait pleuvoir ses flocons blancs dans les fontaines.

Tout palpitait, le sein des tulipes s'ouvrait,
L'abeille aux ailes d'ambre entrait dans les corolles,
Et comme au temps des dieux que la Grèce adorait
Les sources échangeaient d'amoureuses paroles.

Sous les toits, à l'abri des souffles destructeurs,
Les passereaux nichaient leurs précoces couvées
Et, tout le long des plates-bandes, des senteurs,
Le soir venu, montaient des fleurs inachevées.

J'ai vécu là des jours heureux parmi les miens,
Bornant mon horizon au coin de ma terrasse,
Aux livres d'aujourd'hui préférant les anciens
Et négligeant Musset pour une ode d'Horace.

Quand le couchant dorait le mont, combien de fois,
Suivi de mon chien noir dont l'oeil doux me caresse
Ai je, parmi les fleurs naissantes sous le bois,
Gravi de vieux sentiers déserts, rempli d'ivresse!

Et tout cela n'est plus, rien ne subsiste enfin
De ce qui fut hier aube, grâce et murmure
Et l'automne a repris aux érables l'or fin
Dont septembre teignait leur ultime ramure.

Ô printemps! se peut-il que tu passes si tôt?
N e pourrais-je jamais attarder ta jeunesse
Sous mes ormes à qui je reviendrai tantôt
Demander un peu d'ombre au seuil de ma vieillesse?
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Gonzalve Desaulniers Empty Le vol du silence

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:10

Le vol du silence
Sur les sapins noirs le vol du silence
Pèse mollement;
Un rayon de lune au loin se balance
Sur le lac dormant.

Et pendant que la forêt se repose
Dans l'air parfumé,
Que ton front rêveur sur mon sein se pose,
O mon bien-aimé!


Dernière édition par Rita-kazem le Mar 4 Mai - 19:11, édité 1 fois
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Gonzalve Desaulniers Empty À Hélène

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:10

À Hélène
À l'occasion de sa première communion.

Approche, l'autel est paré, ma fille;
Ainsi que le feu des cierges vacille
Tes pas sont tremblants:
Viens, l'abside où meurt l'écho des cantiques
S'éclaire déjà des rayons mystiques
De tes voiles blancs.

Approche, et le front dans cette lumière,
Dis, en t'inclinant, pour toute prière:
Seigneur, me voici!
Dieu n'a pas besoin d'une autre parole,
Car c'est le parfum et non la corolle
Qui lui plaît ici.

Viens à lui comme tu vas à ta mère.
Autrefois quand il habitait la terre
Parmi les méchants,
Il aimait, lui qui peut créer des mondes,
À se reposer près des têtes blondes
Des petits enfants.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty La vie est une fleur

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:11

La vie est une fleur
La vie est une fleur que la souffrance cueille,
Qui brille le matin pour tromper le regard;
Toute larme qui tombe en arrache une feuille
Que le vent emporte au hasard.
Rita-kazem
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Gonzalve Desaulniers Empty Nouvel an

Message par Rita-kazem Mar 4 Mai - 19:12

Nouvel an
Minuit, le fondeur des siècles se penche
Et de sa fournaise avivant les feux,
Dans le clair métal chauffé qui s'épanche
Moule un nouvel an gracile et joyeux.

Qu'importe qu'il soit d'un bronze fragile,
Nous le saluons le verre à la main;
Sous le doigt de Dieu l'or pur est argile;
L'Éternité même a son lendemain.
Rita-kazem
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