Marguerite de NAVARRE
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Marguerite de NAVARRE
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Autres pensées faites un mois après la mort du roi
Las ! tant malheureuse je suis,
Que mon malheur dire ne puis,
Sinon qu'il est sans espérance :
Désespoir est déjà à l'huis
Pour me jeter au fond du puits
Où n'a d'en saillir apparence.
Tant de larmes jettent mes yeux
Qu'ils ne voient terre ni cieux,
Telle est de leur pleur abondance.
Ma bouche se plaint en tous lieux,
De mon coeur ne peut saillir mieux
Que soupirs sans nulle allégeance.
Tristesse par ses grands efforts
A rendu si faible mon corps
Qu'il n'a ni vertu ni puissance.
Il est semblable à l'un des morts,
Tant que le voyant par dehors,
L'on perd de lui la connaissance.
Je n'ai plus que la triste voix
De laquelle crier m'en vois,
En lamentant la dure absence.
Las ! de celui pour qui vivais
Que de si bon coeur je voyais,
J'ai perdu l'heureuse présence !
Sûre je suis que son esprit
Règne avec son chef Jésus-Christ,
Contemplant la divine essence.
Combien que son corps soit prescrit,
Les promesses du saint Écrit
Le font vivre au ciel sans doutance.
Tandis qu'il était sain et fort,
La foi était son réconfort,
Son Dieu possédait par créance.
En cette foi vive il est mort,
Qui l'a conduit au très sûr port,
Où il a de Dieu jouissance.
Mais, hélas ! mon corps est banni
Du sien auquel il fut uni
Depuis le temps de notre enfance !
Mon espoir aussi est puni,
Quand il se trouve dégarni
Du sien plein de toute science.
Esprit et corps de deuil sont pleins,
Tant qu'ils sont convertis en plains ;
Seul pleurer est ma contenance.
Je crie par bois et par plains,
Au ciel et terre me complains,
A rien fors à mon deuil ne pense.
Mort, qui m'a fait si mauvais tour
D'abattre ma force et ma tour,
Tout mon refuge et ma défense,
N'as su ruiner mon amour
Que je sens croître nuit et jour,
Qui ma douleur croît et avance.
Mon mal ne se peut révéler,
Et m'est si dur à l'avaler,
Que j'en perds toute patience.
Il ne m'en faut donc plus parler,
Mais penser de bientôt aller,
Où Dieu l'a mis par sa clémence.
Ô Mort, qui le frère a dompté,
Viens donc par ta grande bonté
Transpercer la soeur de ta lance.
Mon deuil par toi soit surmonté ;
Car quand j'ai bien le tout compté,
Combattre te veux à outrance.
Viens doncques, ne retarde pas,
Mais cours la poste à bien grands pas,
Je t'envoie ma défiance.
Puisque mon frère est en tes lacs,
Prends-moi, afin qu'un seul soulas*
Donne à tous deux éjouissance.
(*) contentement
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Cantique spirituel
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Cantique spirituel
Je n'ai plus ni père, ni mère,
Ni soeur, ni frère
Sinon Dieu seul auquel j'espère,
Qui sur le ciel et terre impère ;
Là-haut, là-bas,
Tout par compas ;
Compère, commère,
Voici vie prospère.
Je suis amoureux non en ville,
Ni en maison, ni en château,
Ce n'est de femme ni de fille
Mais du seul bon, puissant et beau :
C'est mon Sauveur
Qui est vainqueur
De péché, mal, peine et douleur ;
Et a ravi à soi mon coeur.
Je n'ai plus, etc.
J'ai mis du tout en oubliance
Le monde et parents et amis,
Biens et honneurs en abondance,
Et les tiens pour mes ennemis.
Fi de tels biens,
Dont les liens
Par Jésus-Christ sont mis à rien,
A fin que nous soyons des siens.
Je n'ai plus, etc.
Je parle, je ris et je chante
Sans avoir souci ni tourment,
Amis et ennemis je hante,
Trouvant partout contentement :
Car par la Foi
En tous je voi
Leur vie, qui est, je le croi,
Tout en Tout, mon Dieu et mon Roi.
Je n'ai plus, etc.
Or puis donc que Dieu est leur vie,
Et que je le crois Tout en tous,
Il est mon ami et m'amie,
Père, Mère, Frère et Époux ;
C'est mon espoir
Mon sûr savoir ;
Mon Étre, ma force, pouvoir,
Qui m'a sauvé par son vouloir.
Je n'ai plus, etc.
Las ! que faut-il plus à mon âme
Qui est tirée en si bon lieu,
Sinon se laisser en la flamme
Brûler de cette amour de Dieu ?
Et en brûlant,
Le consolant
D'amour, qui rend le coeur volant,
Et sans fin la bouche parlant,
Je n'ai plus, etc.
Amis contemplez quelle joie
J'ai, étant délivre de moi,
Et remis en la sûre voie
Hors des ténèbres de la Loi.
Ce réconfort
Est si très fort,
Que rien plus ne désire, au fort
Qu'être uni à lui par ma Mort.
Je n'ai plus, etc.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Elle m'a dit : Par refus ou tourment
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Elle m'a dit : Par refus ou tourment
Elle m'a dit : "Par refus ou tourment
Je vous ferai laisser votre entreprise."
Mais Amour dit : "Aimez la fermement,
Car à la fin, soit douleur ou surprise,
Par mon moyen vous en ferez la prise,
Et vous rendrai de son corps le vainqueur."
Helas ! Amour, ce m'est trop de faveur,
Mais d'un tel corps ne veux la jouissance,
Sans être aimé ; par quoi frappez son coeur,
Si vous avez hardiesse ou puissance.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Épître
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Épître
Si Dieu m'a Christ pour chef donné,
Faut-il que je serve autre maître ?
S'il m'a le pain vif ordonné,
Faut-il du pain de mort repaître ?
S'il me veut sauver par sa dextre,
Faut-il en mon bras me fier ?
S'il est mon salut et mon être,
Point n'en faut d'autre édifier.
S'il est mon seul et sûr espoir,
Faut-il avoir autre espérance ?
S'il est ma force et mon pouvoir
Faut-il prendre ailleurs assurance ?
Et s'il est ma persévérance,
Faut-il louer ma fermeté ?
Et pour une belle apparence,
Faut-il laisser la sûreté ?
Si ma vie est en Jésus-Christ,
Faut-il la croire en cette cendre ?
S'il m'a donné son saint écrit,
Faut-il autre doctrine prendre ?
Si tel maître me daigne apprendre,
Faut-il à autre école aller ?
S'il me fait son vouloir entendre,
Faut-il par crainte le celer ?
Si Dieu me nomme son enfant,
Faut-il craindre à l'appeler père ?
Si le monde le me défend,
Faut-il qu'à son mal j'obtempère
Si son esprit en moi opère,
Faut-il mon courage estimer ?
Non, mais Dieu, qui partout impère*,
Faut en tout voir, craindre et aimer.
(*) règne
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J'aime une amie
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
J'aime une amie entièrement parfaite
J'aime une amie entièrement parfaite,
Tant que j'en sens satisfait mon désir.
Nature l'a, quant à la beauté, faite
Pour à tout oeil donner parfait plaisir ;
Grâce y a fait son chef d'oeuvre à loisir,
Et les vertus y ont mis leur pouvoir,
Tant que l'ouïr, la hanter et la voir
Sont soeurs témoins de sa perfection :
Un mal y a, c'est qu'elle peut avoir
En corps parfait coeur sans affection.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Le temps est bref
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Le temps est bref et ma volonté grande
Le temps est bref et ma volonté grande,
Qui ne me veut permettre le penser ;
Ma passion me contraint et commande,
Selon le temps, le parler compenser.
Jusques ici j'ai craint de m'avancer,
En attendant un temps de long loisir,
Mais il n'est pas en moi de le choisir ;
Par quoi du peu faut que mon profit fasse :
En peu de mots vous dirai mon désir,
C'est que je n'ai volonté ni plaisir
Que d'être sûr de votre bonne grâce.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Les adieux
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Les adieux
Adieu l'object qui feist premierement
Tourner sur luy la force de mes yeulx,
Le doulx maintien, l'honneste acoustrement,
Armé, vestu en tous jeux et tous lieux,
Tant que nul oeil ne se peult loger mieulx
Qu'a faict le mien. Adieu la bonne audace :
Si vous n'estiez si couvert vicieux,
Je ne vey oncq une meilleure grace.
Adieu vous dy, le regard si très doulx
Qu'onques ne fut coeur qui n'en fut attaint,
D'un oeil tant beau et gratieux sur tous
Que de l'aymer le myen y fut contrainct.
Helas ! j'ay veu trop tost son ray estainct
Et obscurcy par fureur sans raison.
Adieu doncq l'oeil que je ne pensois fainct,
Qui trop couvrist soubz le miel le poyson.
Adieu aussi le parler gratieux,
Bien à propoz prudent et fort saige,
A voz amys humble, et audacieux
Où il falloit monstrer aultre visaige.
Adieu l'accent, la voix et le langaige,
Qui m'a vaincu, entendement et sens ;
Or avez vous parlé vostre ramaige,
Doncq pis que mort par grand regret je sens.
Adieu la main laquelle j'ay touchée,
Comme la plus parfaicte en vraye foy,
Dedens laquelle ay la mienne couchée
Sans offenser d'honnesteté la loy.
Or, maintenant, estes contraire à moy,
Convertissant amour en cruaulté.
Adieu la main, puisque dedens n'y veoy
L'estigmate d'honneur ny loyauté.
... Adieu l'adieu que tant de foys me distes,
Quand loing de moy vous en falloit aller,
La loyaulté que garder me promistes,
Les promesses qu'eussiez bien deu celer,
Puisque je vois faintise reveller
Vostre vouloir et peu caché secret.
Adieu l'adieu souvent dit sans parler,
Dont la memoire augmente le regret.
Adieu le coeur, que j'estimoys si bon,
Juste, loyal, que nul estoit semblable :
D'une chose vous demande pardon,
C'est que par trop vous ay creu veritable.
Adieu le siege où amour honnorable
Devoit regner, mais je veoy qu'amour folle
Le conduict tant, qu'il en est trop muable.
Adieu le coeur, pour la fin de mon rolle,
Donnant au mien mort irremediable,
Par ferme foy et amour perdurable :
Je ne puis plus escripre une parole.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Mon seul Sauveur, que vous pourrais-je dire ?
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Mon seul Sauveur, que vous pourrais-je dire ?
Rondeau
Mon seul Sauveur, que vous pourrais-je dire ?
Vous connaissez tout ce que je désire ;
Rien n'est caché devant votre savoir ;
Le plus profond du coeur vous pouvez voir
Par quoi à vous seulement je soupire.
Je n'ai espoir en roi, roc ni empire ;
Si non en vous ; le demeurant m'empire ;
Car je vous tiens Dieu ayant tout pouvoir,
Mon seul Sauveur.
Et si à vous, par vous, je ne me tire,
Rien je ne sais qui m'éloigne ou retire,
Hors de ça bas meurt corps, pensée, vouloir.
Doncques, daignez à votre oeuvre pourvoir,
Que sauvée soit, par votre grand martyre :
Mon seul Sauveur.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Ô prompt à croire et tardif à savoir
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Ô prompt à croire et tardif à savoir
Ô prompt à croire et tardif à savoir
Le vrai, qui tant clairement se peut voir,
A votre coeur reçu telle pensée
Qu'à tout jamais j'en demeure offensée ?
Est-il entré dans votre entendement,
Que dans mon coeur y ait un autre amant ?
Hélas ! mon Dieu, avez-vous bien pu croire
Qu'autre que vous puisse être en ma mémoire ?
Est-il possible ? A mensonge crédit
En votre endroit, ainsi que l'avez dit ?
Pouvez-vous bien le croire et le celer
Sans m'en vouloir de m'en ouïr parler ?
Mais voulez-vous, avant ouïr, juger
Innocent coeur, très facile à purger ?
Estimez-vous le coeur méchant et lâche,
Qui envers vous n'en eut oncq nulle tâche ?
Vous le croyez ; ainsi croyez le doncques ;
Croyez de moi le mal qui n'y fut oncques,
Croyez de moi, contre la vérité,
Tout le rebours de ce que ai mérité,
Jà n'en sera mon visage confus,
Car je sais bien quelle je suis et fus.
En votre endroit, et hiver et été
Et quel aussi m'êtes et avez été.
J'ai le coeur net, et la tête levée,
Pleine d'amour très ferme et éprouvée.
Je puis aller, mais sus tout ne refuse
De mon bon droit faire jamais excuse.
Pensez de moi ce qu'il vous plaît penser ;
Je ne vous veux courroucer ne offenser,
Puisque voulez notre amitié parfaite
Être soudain par soupeçon défaite.
C'est doncques vous, de cruelle nature,
Qui, sans propos, en faites la rupture.
Vous le voulez ; garder ne vous en puis,
Bien que du tout en l'extrémité suis.
De désespoir, voyant mon innocence,
Ma vraie amour avoir pour récompense.
Un tel adieu, par lequel m'accusez,
Du méchant cas dont assez vous usez :
C'est d'en aimer un autre avecques vous.
Il n'est pas vrai, je le dis devant tous,
Et Dieu, qui voit le profond de mon coeur
Prends à témoin, lui priant que vainqueur
Par vérité soit de cette mensonge,
Qui en soi n'a force non plus qu'un songe.
Je lui remets mon droit entre les mains,
Lui suppliant que à vous, ami, au moins
Avant ma mort fasse voir clairement
Comme vous seul j'ai aimé fermement.
Il le vous peut dedans le coeur écrire,
Mais mon ennui ne me permet le dire ;
Porter le veux, le mieux que je pourrai ;
Si je ne puis par regret je mourrai.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Pensées de la reine de Navarre
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Pensées de la reine de Navarre
étant dans sa litière durant la maladie du roi
Si la douleur de mon esprit
Je pouvais montrer par parole
Ou la déclarer par écrit,
Oncques ne fut si triste rôle ;
Car le mal qui plus fort m'affole
Je le cache et couvre plus fort ;
Pourquoi n'ai rien qui me console,
Fors l'espoir de la douce mort.
Je sais que je ne dois celer
Mon ennui, plus que raisonnable ;
Mais si ne saurait mon parler
Atteindre à mon deuil importable ;
A l'écriture véritable
Défaudrait la force à ma main,
Le taire me serait louable,
S'il ne m'était tant inhumain.
Mes larmes, mes soupirs, mes cris
Dont tant bien je sais la pratique,
Sont mon parler et mes écrits,
Car je n'ai autre rhétorique.
Mais leurs effets à Dieu j'applique
Devant son trône de pitié,
Montrant par raison et réplique
Mon coeur souffrant plein d'amitié.
Ô Dieu qui les vôtres aimez,
J'adresse à vous seul ma complainte ;
Vous qui les amis estimez,
Voyez l'amour que j'ai sans feinte,
Où par votre loi suis contrainte,
Et par nature et par raison
J'appelle chacun saint et sainte,
Pour se joindre à mon oraison.
Las ! celui que vous aimez tant
Est détenu par maladie
Qui rend son peuple et mal content,
Et moi envers vous si hardie
Que j'obtiendrai, quoi que l'on die,
Pour lui très parfaite santé ;
De vous seul ce bien je mendie
Pour rendre chacun contenté.
C'est celui que vous avez oint
A Roi sur nous par votre grâce ;
C'est celui qui a son coeur joint
A vous, quoi qu'il die ou qu'il fasse,
Qui votre foi en toute place
Soutient, laquelle le rend sûr !
De voir à jamais votre face :
Oyez donc les cris de sa soeur.
Hélas ! c'est votre vrai David,
Qui en vous seul a sa fiance ;
Vous vivez en lui tant qu'il vit,
Car de vous a vraie science ;
Vous régnez en sa conscience,
Vous êtes son Roi et son Dieu.
En autre nul n'a confiance
Ni n'a son coeur en autre lieu.
Pour maladie et pour prison
Pour peine, douleur ou souffrance,
Pour envie ou pour trahison
N'a eu en vous moindre espérance.
Par lui êtes connu en France
Mieux que n'étiez le temps passé :
Il est ennemi d'ignorance,
Son savoir tout autre a passé.
De toutes ses grâces et dons
A vous seul a rendu la gloire,
Par quoi les mains à vous tendons
Afin qu'ayez de lui mémoire.
Puisqu'il vous plaît lui faire boire
Votre calice de douleurs,
Donnez à nature victoire
Sur son mal, et notre malheur.
Ô grand médecin tout-puissant,
Redonnez-lui santé parfaite,
Et des ans vivre jusqu'à cent,
Et à son coeur ce qu'il souhaite :
Lors sera la joie refaite
Que douleur brise dans nos coeurs ;
Dont louange vous sera faite
De femmes, enfants et serviteurs.
Par Jésus-Christ notre sauveur,
En ce temps de sa mort cruelle,
Seigneur, j'attends votre faveur
Pour en avoir bonne nouvelle.
J'en suis loin, dont j'ai douleur telle
Que nul ne la peut estimer.
Ô que la lettre sera belle
Qui le pourra sain affermer !
Le désir du bien que j'attends
Me donne de travail matière ;
Une heure me dure cent ans,
Et me semble que ma litière
Ne bouge, ou retourne en arrière ;
Tant j'ai de m'avancer désir.
Ô qu'elle est longue la carrière
Où à la fin gît mon plaisir !
Je regarde de tous côtés
Pour voir s'il arrive personne,
Priant sans cesser, n'en doutez,
Dieu que santé à mon Roi donne.
Quand nul ne vois, l'oeil abandonne
A pleurer ; puis, sur le papier,
Un peu de ma douleur j'ordonne :
Voilà mon douloureux métier.
Ô qu'il sera le bienvenu
Celui qui, frappant à ma porte,
Dira : le roi est revenu
En sa santé très bonne et forte !
Alors sa soeur plus mal que morte
Courra baiser le messager
Qui telles nouvelles apporte,
Que son frère est hors de danger.
Avancez-vous, homme et chevaux,
Assurez-moi, je vous supplie,
Que notre Roi pour ses grands maux
A reçu santé accomplie.
Lors serai de joie remplie.
Las ! Seigneur Dieu éveillez-vous,
Et votre oeil sa douceur déplie,
Sauvant votre Christ et nous tous !
Sauvez, Seigneur, Royaume et Roi,
Et ceux qui vivent en sa vie !
Voyez son espoir et sa foi,
Qui à la sauver vous convie.
Son coeur, son désir, son envie,
A toujours offert à vos yeux ;
Rendez notre joie assouvie
Le nous donnant sain et joyeux.
Vous le voulez et le pouvez :
Ainsi mon Dieu à vous m'adresse ;
Car le moyen vous seul savez
De m'ôter hors de la détresse
De peur de pis, qui tant me presse,
Que je ne sais là où j'en suis ;
Changez en joie ma tristesse,
Las ! hâtez-vous car plus n'en puis !
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie
Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie,
Car je n'en vois nulle autre réciproque ;
Plus je me tais et plus je suis marrie,
Car ma mémoire, en pensant, me révoque
Tous mes ennuis, dont souvent je me moque
Devant chacun, pour montrer mon bon sens ;
A mon malheur moi-même me consens,
En le célant, par quoi donc je conclus
Que, pour ôter la douleur que je sens,
Je parlerai mais je n'aimerai plus.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Réponse à Clément Marot
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Réponse à Clément Marot
pour Hélène de Tournon
Si ceux à qui devez, comme vous dites,
Vous connaissaient comme je vous connais,
Quitte seriez des dettes que vous fîtes,
Le temps passé, tant grandes que petites,
En leur payant un dizain toutefois
Tel que le vôtre qui vaut mieux mille fois
Que l'argent dû par vous, en conscience ;
Car estimer on peut l'argent au poids,
Mais on ne peut, - et j'en donne ma voix, -
Assez priser votre belle science.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Un ami vif vint à la dame morte
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Un ami vif vint à la dame morte
Un ami vif vint à la dame morte,
Et par prière il la cuida tenter
De le vouloir aimer de même sorte,
Puis la pressa juqu'à la tourmenter ;
Mais mot ne dit, donc, pour se contenter,
Il essaya de l'embrasser au corps.
Contrainte fut la Dame dire alors :
" Je vous requiers, ô Ami importun,
Laissez les morts ensevelir les morts,
Car morte suis pour tous, sinon pour un. "
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
Vous m'aviez dit que vous m'aimiez bien fort
- Marguerite de NAVARRE (1492-1549)
Vous m'aviez dit que vous m'aimiez bien fort
Vous m'aviez dit que vous m'aimiez bien fort,
Bien fort, bien fort, et ainsi je l'ai cru,
Mais tôt après vous fîtes votre effort
D'en dire autant en un lieu que j'ai vu :
Bien fort, bien fort, vous l'aimez, je l'ai su.
Il vous faut trop de forces pour deux lieux
Si fort aimer, mais prenez pour le mieux
Deux bons ciseaux coupent notre amitié,
Et retenez l'autre, qui a vos yeux,
Forces et coeur : tant de double et gracieux
Satisfera trop bien de la moitié.
julien- Nombre de messages : 1159
Date d'inscription : 24/02/2010
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