Charles-Timoléon de SIGOGNE
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Charles-Timoléon de SIGOGNE
- Charles-Timoléon de SIGOGNE (1560-1611)
Galimatias
Seine, au front couronné de roseaux et de saules
Pour voir votre beauté souleva ses épaules
Et prononça ces mots : " Messieurs des pois pilés
Qui veut des choux gelés ? "
A l'ombre d'un cheveu se cachait Isabelle,
La gaine et les couteaux auprès d'une escarcelle,
Des marrons, des éteufs, du cresson alénois,
Pour Ogier le Danois.
Non, je n'approuve point la vanité des hommes :
J'aime l'ambition comme un Normand les pommes :
Que vous seriez joli, si vous n'étiez pelé,
Monsieur le Jubilé !
Quand le brave Nembroth bâtit la tour superbe,
Il courut la quintaine et dansa dessus l'herbe,
Faisant sur le pied droit, mais il fut bien camus,
Voyant Nostradamus !
Jaloux flots de la mer, ennemis de ma vie,
Dit Léandre en mourant, si ma belle est ravie,
Me conjurant le ciel pour passer l'Achéron,
Adieu mon éperon !
Masse à dix, tope, tingue ! un éventail d'ermite,
Une lance de sucre, une anse de marmite,
Puis un poulet bardé de la poudre d'Iris
Et de chauve-souris !
De soixante escargots accoucha Pampelune ;
Trois jeunes hérissons des loups gardent la lune,
Parce qu'il est secret d'effet et de renom
Comme un coup de canon !
Belle qui paraissez aux amants si cruelle,
Vous aveuglez les yeux, ainsi qu'une tournelle,
A moins que de pitié votre coeur soit époint
Quand on ne s'en plaint point.
Pêchez des hannetons en un crible d'ivoire,
Pour conjurer les morts, lisez dans le grimoire,
Les amants pour vos yeux endurent le trépas.
Mais ils n'en meurent pas.
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
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Ode
- Charles-Timoléon de SIGOGNE (1560-1611)
Ode
Puisqu'afin que chacun en rie,
Vous voulez que l'on vous marie :
Celui qui suit votre patin,
Qu'il l'aie, puisqu'il le demande !
Faut une dame de lavande
À ce beau chevalier de thym.
Crêté comme une tarte en pomme,
Voyez le joli petit homme !
Gourmé dans son miste* collet,
Superbe en son fraisé plumage,
Comme un petit coq de bagage
Dessus la croupe d'un mulet.
Vous serez marié, j'en jure,
À une nymphe de mesure,
De taille et de poil comme vous,
Et plantés comme une carotte,
Vous en pourpoint et elle en cotte,
Dedans la bordure d'un houx.
Liez vos coeurs, beau couple d'herbe,
Avec le lien d'une gerbe,
Et d'osier faites vos anneaux,
Après, taillez à coups de force,
Et puis frottez un peu d'amorce,
Servirez de perche aux oiseaux !
(*) joli
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Satire, contre une dame
- Charles-Timoléon de SIGOGNE (1560-1611)
Satire, contre une dame
Sèche pièce de bois, triste ordonnance d'os,
Ventre maigre et fleuri, vieux râtelier du dos,
Portrait vif de la mort, portrait mort de la vie,
Fantôme qui paraît sous un masque trompeur,
Qui fait craindre la crainte, et fait peur à la peur,
Et détourne l'envie, à la même une envie ;
Maigre défiguré qui n'a rien que la peau,
Encores une peau qui n'est que de drapeau,
Une peau qui se fronce en cent rides altières,
Une peau dont le teint, tout cuit et tout hâlé,
Ressemble, épouvantable, au parchemin collé
Dessus un test de mort, qu'on trouve aux cimetières ;
Charogne sans couleurs, dépouille du tombeau,
Carcasse déterrée, atteinte d'un corbeau,
Semblable aux visions que nous a fait le somme :
Tu es quelque vieux corps dans la neige fondu,
Ou un corps de sorcier à un gibet pendu,
Qu'un démon a vêtu pour faire peur à l'homme !
Si quelqu'un, transporté d'un courroux violent,
Te mettait dans le ventre un flambeau tout ardent,
Pour faire de ton corps une épreuve nouvelle :
Au travers de ton flanc on verrait la clarté,
Comme dans un falot*, parmi l'obscurité,
Au travers d'une corne on voit une chandelle.
(*) lanterne
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Sonnet
- Charles-Timoléon de SIGOGNE (1560-1611)
Sonnet
Votre tête ressemble au marmouset d'un cistre,
Vos yeux au point d'un dé ; vos doigts un chalumeau ;
Votre teint diapré l'écorce d'un ormeau ;
Votre peau le revers d'un antique registre.
Votre gorge pendante un bissac d'un bélître ;
Votre vieil embonpoint à celui d'un rameau ;
Votre longue encolure à celle d'un chameau ;
Votre bras à du plomb qui soutient une vitre ;
Vous passez soixante ans, faux fourreau de hautbois ;
Vous avez vu régner neuf papes et cinq rois,
Et vous êtes encor vêtue à la moderne !
Troussez votre paquet, vieille, c'est trop vécu :
On vous fera servir à Paris de lanterne,
Si vous pouvez souffrir un flambeau dans le pul !
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
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Stances
- Charles-Timoléon de SIGOGNE (1560-1611)
Stances
Cheveux de couleur de bécasse,
Frisés de fort mauvaise grâce,
Pantaines* de diables errants,
Je ne veux rien de votre tresse,
Que six couples et une laisse,
Pour conduire mes chiens courants.
Beau teint de couleur de châtagne
Tributaire du roi d'Espagne,
Tu m'eusses peut-être attrapé,
Sans que ta peau, jaune et lissée,
Semble une levrette graissée,
A qui le poil est échappé.
Beaux yeux, dont la forme diverse
Semble au pul du Sofi de Perse,
Je rends ma gorge quand tu ris ;
Tu distilles par ta fontaine
Plus d'eau que la Samaritaine
Qu'on voit au Pont-Neuf de Paris.
Beau nez qui n'a rien de difforme,
Que la peau, la chair et la forme,
J'admire ton rouge canal ;
Ton odeur est si pestilente
Que la ciguë et l'amarante
Ne sauraient faire tant de mal.
Bouche odorante comme soufre,
Je m'étonne comment tu souffres
Ce rat mort il y a dix ans ;
Que la male bosse te crève !
Tu parles comme un pot à fève,
Tu n'as que quatre vieilles dents.
Beaux tétins, durs comme une moufle,
De la couleur d'une pantoufle,
Quand tu t'habilles les matins,
Tu semble une lice avortée
Qui, en courant, s'est emportée
La peau et la chair des tétins.
Mains longues, sèches et galeuses,
Pleines de dartres farineuses,
Subtiles à tuer les poux,
Vous avez les ongles si sales
Que les affamés cannibales
Mourraient de faim auprès de vous !
Taille par échelons brisée
Comme le mont du Colisée,
Pointue comme un pavillon,
Je veux que le diable m'emporte
Si la voûte n'est aussi forte
Que la grand tour de Châtillon !
Et toi, grand trou de Saint-Patrice,
Tu parais, sans lever la cuisse,
Renfrogné comme un vieux magot**,
Voir comme un cornet d'écritoire !
Je te tiens pour le purgatoire
Et veux devenir huguenot.
(*) filets d'oiseleur
(**) singe
nadia ibrahimi- Nombre de messages : 1223
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