Poésie de Charles Péguy
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Poésie de Charles Péguy
La foi va de soi
La foi va de soi. La foi marche toute seule. Pour
croire il n'y a qu'à se laisser aller, il n'y a qu'à
regarder. Pour ne pas croire il faudrait se vio-lenter, se torturer, se tourmenter, se contrarier.
Se raidir. Se prendre à l'envers, se mettre à l'en-vers, se remonter. La foi est toute naturelle, toute
allante, toute simple, toute avenante. Toute bonne
venante.
Toute belle allante. C'est une bonne
femme que l'on connaît, une vieille bonne
femme, une bonne vieille paroissienne, une
bonne femme de la paroisse, une vieille grand-
-mère, une bonne paroissienne. Elle nous raconte
les histoires de l'ancien temps, qui sont arrivées
dans l'ancien temps.
La foi va de soi. La foi marche toute seule. Pour
croire il n'y a qu'à se laisser aller, il n'y a qu'à
regarder. Pour ne pas croire il faudrait se vio-lenter, se torturer, se tourmenter, se contrarier.
Se raidir. Se prendre à l'envers, se mettre à l'en-vers, se remonter. La foi est toute naturelle, toute
allante, toute simple, toute avenante. Toute bonne
venante.
Toute belle allante. C'est une bonne
femme que l'on connaît, une vieille bonne
femme, une bonne vieille paroissienne, une
bonne femme de la paroisse, une vieille grand-
-mère, une bonne paroissienne. Elle nous raconte
les histoires de l'ancien temps, qui sont arrivées
dans l'ancien temps.
KAMEL- Nombre de messages : 605
loisirs : lecture-guitare-(mots croisés)
Humeur : d'arc-en-ciel
Date d'inscription : 05/03/2010
La foi que j'aime le mieux
Madame Gervaise rentre
Madame Gervaise
La foi que j'aime le mieux, dit Dieu, c'est l'espérance.
La foi, ça ne m'étonne pas.
Ça n'est pas étonnant.
J'éclate tellement dans ma création.
Dans le soleil et dans la lune et dans les étoiles.
Dans toutes mes créatures.
Dans les astres du firmament et dans les poissons
de la mer.
Dans l'univers de mes créatures.
Sur la face de la mer et sur la face des eaux.
Dans le mouvement des astres qui sont dans le ciel.
Dans le vent qui souffle que la mer et dans le vent
qui souffle sur la vallée.
Dans la calme vallée.
Dans la recoite vallée.
Dans les plantes et dans les bêtes et dans les bêtes
des forêts.
Et dans l'homme.
Ma créature.
Dans les peuples et dans les hommes et dans les
rois et dans les peuples.
Dans l'homme et dans la femme sa compagne.
Et surtout dans les enfants.
Mes créatures.
Dans le regard et dans la voix des enfants.
Car les enfants sont plus mes créatures.
Que les hommes
Ils n'ont pas encore été défaits par la vie.
De la terre.
Et entre tous ils sont mes serviteurs.
Avant tous.
Et la voix des enfants est plus pure que la voix
du vent dans le calme de la vallée.
Dans la vallée recoite.
Et le regard des enfants est plus pure que le bleu du
ciel, que le laiteux du ciel, et qu'un rayon d'étoile
dans la calme nuit.
Or j'éclate tellement dans ma création.
Sur la face des montagnes et sur la face de la plaine.
Dans le pain et dans le vin et dans l'homme qui
laboure et dans l'homme qui sème et dans la
moisson et dans la vendange.
Dans la lumière et dans les ténèbres.
Et dans le coeur de l'homme, qui est ce qu'il y a de
plus profond dans le monde.
Créé.
Si profond qu'ilest impénétrable à tout regard.
Excepté à mon regard.
Dans la tempête qui fait bondir les vagues et dans la
tempête qui fait bondir les feuilles.
Des arbres dans la forêt.
Et au contraire dans le calme d'un beau soir.
Dans les sables de la mer et dans les étoiles qui sont
un sable dans le ciel.
Dans la pierre du seuil et dans la pierre du foyer et
dans la pierre de l'autel.
Dans la prière et dans les sacrements.
Dans les maisons des hommes et dans l'église qui
est ma maison sur la terre.
Dans l'aigle ma créature qui vole sur les sommets.
L'aigle royal qui a au moins deux mètres d'enver-
-gure et peut-être trois mètres.
Et dans la fourmi ma créature qui rampe et qui
amasse petitement.
Dans la terre.
Dans la fourmi mon serviteur
Et jusque dans le serpent.
Dans la fourmi ma servante, mon infime servante,
qui amasse péniblement, la parcimonieuse.
Qui travaille comme une malheureuse et qui n'a
point de cesse et n'a point de repos.
Que la mort et que le long sommeil d'hiver
(haussant les épaules de tant d'évidence.
devant tant d'évidence.)
J'éclate tellement dans toute ma création.
Dans l'infime, dans ma créature infime, dans ma ser-
-vante infime, dans la fourmi infime.
Qui thésaurise petitement, comme l'homme.
Comme l'homme infime.
Et qui creuse des galeries dans la terre.
Dans les sous-sols de la terre.
Pour y amasser mesquinement des trésors.
Temporels.
Pauvrement.
Et jusque dans le serpent.
Qui a trompé la femme et rampe pour cela sur
le ventre.
Et qui est ma créature et qui est mon serviteur.
Le serpent qui a trompé la femme.
Ma servante.
Qui a trompé l'homme mon serviteur.
J'éclate tellement dans ma création.
Dans tout ce qui arrive aux hommes et aux peuples,
et aux pauvres.
Et même aux riches.
Qui ne veulent pas être mes créatures.
Et qui se mettent à l'abri.
D'être mes serviteurs.
Dans tout ce que l'homme fait et défait de mal et de bien.
(Et moi je passe par dessus, parce que je suis le
maître et je fais ce qu'il a défait et je défais ce
qu'il a fait.)
Et jusque dans la tentation du péché.
Même.
Et dans ce qui est arrivé à mon fils.
A cause de l'homme.
Ma créature.
Que j'avais créé.
Dans l'incorporation, dans la renaissance et dans la vie et dans la mort de mon fils.
Et dans le saint sacrifice de la messe.
Dans toute naissance et dans toute vie.
Et dans toute mort.
Et dans la vie éternelle qui ne finira point.
Qui vaincra toute mort.
J'éclate tellement dans ma création.
Que pour ne pas me voir vraiment il faudrait que ces pauvres gens fussent aveugles.
La charité, dit Dieu, ça ne m'étonne pas.
Ça n'est pas étonnant.
Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu'à
moins d'avoir un cœur de pierre, comment n'au-
-raient-elles point charité les unes des autres.
Comment n'auraient-ils point charité de leur frères.
Comment ne se retireraient-ils point le pain de la
bouche, le pain de chaque jour, pour le donner à
de malheureux enfants qui passent.
Et mon fils a eu d'eux une telle charité.
Mon fils leur frère.
Une si grande charité.
Madame Gervaise
La foi que j'aime le mieux, dit Dieu, c'est l'espérance.
La foi, ça ne m'étonne pas.
Ça n'est pas étonnant.
J'éclate tellement dans ma création.
Dans le soleil et dans la lune et dans les étoiles.
Dans toutes mes créatures.
Dans les astres du firmament et dans les poissons
de la mer.
Dans l'univers de mes créatures.
Sur la face de la mer et sur la face des eaux.
Dans le mouvement des astres qui sont dans le ciel.
Dans le vent qui souffle que la mer et dans le vent
qui souffle sur la vallée.
Dans la calme vallée.
Dans la recoite vallée.
Dans les plantes et dans les bêtes et dans les bêtes
des forêts.
Et dans l'homme.
Ma créature.
Dans les peuples et dans les hommes et dans les
rois et dans les peuples.
Dans l'homme et dans la femme sa compagne.
Et surtout dans les enfants.
Mes créatures.
Dans le regard et dans la voix des enfants.
Car les enfants sont plus mes créatures.
Que les hommes
Ils n'ont pas encore été défaits par la vie.
De la terre.
Et entre tous ils sont mes serviteurs.
Avant tous.
Et la voix des enfants est plus pure que la voix
du vent dans le calme de la vallée.
Dans la vallée recoite.
Et le regard des enfants est plus pure que le bleu du
ciel, que le laiteux du ciel, et qu'un rayon d'étoile
dans la calme nuit.
Or j'éclate tellement dans ma création.
Sur la face des montagnes et sur la face de la plaine.
Dans le pain et dans le vin et dans l'homme qui
laboure et dans l'homme qui sème et dans la
moisson et dans la vendange.
Dans la lumière et dans les ténèbres.
Et dans le coeur de l'homme, qui est ce qu'il y a de
plus profond dans le monde.
Créé.
Si profond qu'ilest impénétrable à tout regard.
Excepté à mon regard.
Dans la tempête qui fait bondir les vagues et dans la
tempête qui fait bondir les feuilles.
Des arbres dans la forêt.
Et au contraire dans le calme d'un beau soir.
Dans les sables de la mer et dans les étoiles qui sont
un sable dans le ciel.
Dans la pierre du seuil et dans la pierre du foyer et
dans la pierre de l'autel.
Dans la prière et dans les sacrements.
Dans les maisons des hommes et dans l'église qui
est ma maison sur la terre.
Dans l'aigle ma créature qui vole sur les sommets.
L'aigle royal qui a au moins deux mètres d'enver-
-gure et peut-être trois mètres.
Et dans la fourmi ma créature qui rampe et qui
amasse petitement.
Dans la terre.
Dans la fourmi mon serviteur
Et jusque dans le serpent.
Dans la fourmi ma servante, mon infime servante,
qui amasse péniblement, la parcimonieuse.
Qui travaille comme une malheureuse et qui n'a
point de cesse et n'a point de repos.
Que la mort et que le long sommeil d'hiver
(haussant les épaules de tant d'évidence.
devant tant d'évidence.)
J'éclate tellement dans toute ma création.
Dans l'infime, dans ma créature infime, dans ma ser-
-vante infime, dans la fourmi infime.
Qui thésaurise petitement, comme l'homme.
Comme l'homme infime.
Et qui creuse des galeries dans la terre.
Dans les sous-sols de la terre.
Pour y amasser mesquinement des trésors.
Temporels.
Pauvrement.
Et jusque dans le serpent.
Qui a trompé la femme et rampe pour cela sur
le ventre.
Et qui est ma créature et qui est mon serviteur.
Le serpent qui a trompé la femme.
Ma servante.
Qui a trompé l'homme mon serviteur.
J'éclate tellement dans ma création.
Dans tout ce qui arrive aux hommes et aux peuples,
et aux pauvres.
Et même aux riches.
Qui ne veulent pas être mes créatures.
Et qui se mettent à l'abri.
D'être mes serviteurs.
Dans tout ce que l'homme fait et défait de mal et de bien.
(Et moi je passe par dessus, parce que je suis le
maître et je fais ce qu'il a défait et je défais ce
qu'il a fait.)
Et jusque dans la tentation du péché.
Même.
Et dans ce qui est arrivé à mon fils.
A cause de l'homme.
Ma créature.
Que j'avais créé.
Dans l'incorporation, dans la renaissance et dans la vie et dans la mort de mon fils.
Et dans le saint sacrifice de la messe.
Dans toute naissance et dans toute vie.
Et dans toute mort.
Et dans la vie éternelle qui ne finira point.
Qui vaincra toute mort.
J'éclate tellement dans ma création.
Que pour ne pas me voir vraiment il faudrait que ces pauvres gens fussent aveugles.
La charité, dit Dieu, ça ne m'étonne pas.
Ça n'est pas étonnant.
Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu'à
moins d'avoir un cœur de pierre, comment n'au-
-raient-elles point charité les unes des autres.
Comment n'auraient-ils point charité de leur frères.
Comment ne se retireraient-ils point le pain de la
bouche, le pain de chaque jour, pour le donner à
de malheureux enfants qui passent.
Et mon fils a eu d'eux une telle charité.
Mon fils leur frère.
Une si grande charité.
KAMEL- Nombre de messages : 605
loisirs : lecture-guitare-(mots croisés)
Humeur : d'arc-en-ciel
Date d'inscription : 05/03/2010
Premier jour
Comme elle avait gardé les moutons à Nanterre,
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l’agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.
Et comme elle veillait tous les soirs solitaire
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre.
Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C’est elle la caduque et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père.
On la mit à garder un bien autre troupeau,
La plus énorme horde où le loup et l’agneau
Aient jamais confondu leur commune misère.
Et comme elle veillait tous les soirs solitaire
Dans la cour de la ferme ou sur le bord de l’eau,
Du pied du même saule et du même bouleau
Elle veille aujourd’hui sur ce monstre de pierre.
Et quand le soir viendra qui fermera le jour,
C’est elle la caduque et l’antique bergère,
Qui ramassant Paris et tout son alentour
Conduira d’un pas ferme et d’une main légère
Pour la dernière fois dans la dernière cour
Le troupeau le plus vaste à la droite du père.
KAMEL- Nombre de messages : 605
loisirs : lecture-guitare-(mots croisés)
Humeur : d'arc-en-ciel
Date d'inscription : 05/03/2010
Présentation de Paris à Notre-Dame
Étoile de la mer, voici la lourde nef
Où nous ramons tout nuds sous vos commandements ;
Voici notre détresse et nos désarmements ;
Voici le quai du Louvre, et l’écluse, et le bief.
Voici notre appareil et voici notre chef.
C’est un gars de chez nous qui siffle par moments.
Il n’a pas son pareil pour les gouvernements.
Il a la tête dure et le geste un peu bref.
Reine qui vous levez sur tous les océans,
Vous penserez à nous quand nous serons au large.
Aujourd’hui c’est le jour d’embarquer notre charge.
Voici l’énorme grue et les longs meuglements.
S’il fallait le charger de nos pauvre vertus,
Ce vaisseau s’en irait vers votre auguste seuil
Plus creux que la noisette après que l’écureuil
L’a laissée retomber de ses ongles pointus.
Nuls ballots n’entreraient par les panneaux béants,
Et nous arriverions dans la mer de Sargasse
Traînant cette inutile et grotesque carcasse
Et les Anglais diraient : ils n’ont rien mis dedans.
Mais nous saurons l’emplir et nous vous le jurons
Il sera le plus beau dans cet illustre port
La cargaison ira jusque sur le plat-bord
Et quand il sera plein nous le couronnerons.
Nous n’y chargerons pas notre pauvre maïs,
Mais de l’or et du blé que nous emporterons.
Et il tiendra la mer : car nous le chargerons
Du poids de nos péchés payés par votre Fils.
Où nous ramons tout nuds sous vos commandements ;
Voici notre détresse et nos désarmements ;
Voici le quai du Louvre, et l’écluse, et le bief.
Voici notre appareil et voici notre chef.
C’est un gars de chez nous qui siffle par moments.
Il n’a pas son pareil pour les gouvernements.
Il a la tête dure et le geste un peu bref.
Reine qui vous levez sur tous les océans,
Vous penserez à nous quand nous serons au large.
Aujourd’hui c’est le jour d’embarquer notre charge.
Voici l’énorme grue et les longs meuglements.
S’il fallait le charger de nos pauvre vertus,
Ce vaisseau s’en irait vers votre auguste seuil
Plus creux que la noisette après que l’écureuil
L’a laissée retomber de ses ongles pointus.
Nuls ballots n’entreraient par les panneaux béants,
Et nous arriverions dans la mer de Sargasse
Traînant cette inutile et grotesque carcasse
Et les Anglais diraient : ils n’ont rien mis dedans.
Mais nous saurons l’emplir et nous vous le jurons
Il sera le plus beau dans cet illustre port
La cargaison ira jusque sur le plat-bord
Et quand il sera plein nous le couronnerons.
Nous n’y chargerons pas notre pauvre maïs,
Mais de l’or et du blé que nous emporterons.
Et il tiendra la mer : car nous le chargerons
Du poids de nos péchés payés par votre Fils.
KAMEL- Nombre de messages : 605
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