Chant de moi-même
Page 1 sur 1
Chant de moi-même
extrait du recueil (verset 24 "Feuilles d'herbe", Whitman (1819-1892)
Walt Whitman, un cosmos, de Manhattan le fils, Turbulent, bien en chair, sensuel, mangeant, buvant et procréant,
Pas sentimental, pas dressé au-dessus des autres ou à l'écart d'eux
Pas plus modeste qu'immodeste.
Arrachez les verrous des portes!
Arrachez les portes mêmes de leurs gonds!
Qui dégrade autrui me dégrade
Et rien ne se dit ou se fait, qui ne retourne enfin à moi.
A travers moi le souffle spirituel s'enfle et s'enfle, à travers moi c'est le courant et c'est l'index.
Je profère le mot des premiers âges, je fais le signe de démocratie,
Par Dieu! Je n'accepterai rien dont tous ne puissent contresigner la copie dans les mêmes termes.
A travers moi des voix longtemps muettes
Voix des interminables générations de prisonniers, d'esclaves,
Voix des mal portants, des désespérés, des voleurs, des avortons,
Voix des cycles de préparation, d'accroissement,
Et des liens qui relient les astres, et des matrices et du suc paternel.
Et des droits de ceux que les autres foulent aux pieds,
Des êtres mal formés, vulgaires, niais, insanes, méprisés,
Brouillards sur l'air, bousiers roulant leur boule de fiente.
A travers moi des voix proscrites,
Voix des sexes et des ruts, voix voilées, et j'écarte le voile,
Voix indécentes par moi clarifiées et transfigurées.
Je ne pose pas le doigt sur ma bouche
Je traite avec autant de délicatesse les entrailles que je fais la tête et le coeur.
L'accouplement n'est pas plus obscène pour moi que n'est la mort.
J'ai foi dans la chair et dans les appétits,
Le voir, l'ouïr, le toucher, sont miracles, et chaque partie, chaque détail de moi est un miracle.
Divin je suis au dedans et au dehors, et je sanctifie tout ce que je touche ou qui me touche.
La senteur de mes aisselles m'est arôme plus exquis que la prière,
Cette tête m'est plus qu'église et bibles et credos.
Si mon culte se tourne de préférence vers quelque chose, ce sera vers la propre expansion de mon corps, ou vers quelque partie de lui que ce soit.
Transparente argile du corps, ce sera vous!
Bords duvetés et fondement, ce sera vous!
Rigide coutre viril, ce sera vous!
D'où que vous veniez, contribution à mon développement, ce sera vous!
Vous, mon sang riche! vous, laiteuse liqueur, pâle extrait de ma vie!
Poitrine qui contre d'autres poitrines se presse, ce sera vous!
Mon cerveau ce sera vos circonvolutions cachées!
Racine lavée de l'iris d'eau! bécassine craintive! abri surveillé de l'oeuf double! ce sera vous!
Foin emmêlé et révolté de la tête, barbe, sourcil, ce sera vous!
Sève qui scintille de l'érable, fibre de froment mondé, ce sera vous!
Soleil si généreux, ce sera vous!
Vapeurs éclairant et ombrant ma face, ce sera vous!
Vous, ruisseaux de sueurs et rosées, ce sera vous!
Vous qui me chatouillez doucement en frottant contre moi vos génitoires, ce sera vous!
Larges surfaces musculaires, branches de vivant chêne, vagabond plein d'amour sur mon chemin sinueux, ce sera vous!
Mains que j'ai prises, visage que j'ai baisé, mortel que j'ai touché peut-être, ce sera vous!
Je raffole de moi-même, mon lot et tout le reste est si délicieux!
Chaque instant et quoi qu'il advienne me pénètre de joie,
Oh! je suis merveilleux!
Je ne sais dire comment plient mes chevilles, ni d'où naît mon plus faible désir.
Ni d'où naît l'amitié qui jaillit de moi, ni d'où naît l'amitié que je reçois en retour.
Lorsque je gravis mon perron, je m'arrête et doute si ce que je vois est réel.
Une belle-de-jour à ma fenêtre me satisfait plus que toute la métaphysique des livres.
Contempler le lever du jour!
La jeune lueur efficace les immenses ombres diaphanes
L'air fleure bon à mon palais.
Poussées du mouvant monde, en ébrouements naïfs, ascension silencieuse, fraîche exsudation,
Activation oblique haut et bas.
Quelque chose que je ne puis voir érige de libidineux dards
Des flots de jus brillant inondent le ciel.
La terre par le ciel envahie, la conclusion quotidienne de leur jonction
Le défi que déjà l'Orient a lancé par-dessus ma tête,
L'ironique brocard: Vois donc qui de nous deux sera maître!
Walt Whitman (Traduction d'André Gide)
Ceci est le paragraphe 24, de "Song of myself", poème en 52 parties. Dans sa première édition en 1855, ce poème n'avait pas de titre, pour sa deuxième édition ce fut: "Poem Of Walt Whitman, An American." C'est seulement avec la troisième édition en 1882, qu'il prit le titre de "Song of myself".
référence: http://www.laforgue.org/whit4.htm
Walt Whitman, un cosmos, de Manhattan le fils, Turbulent, bien en chair, sensuel, mangeant, buvant et procréant,
Pas sentimental, pas dressé au-dessus des autres ou à l'écart d'eux
Pas plus modeste qu'immodeste.
Arrachez les verrous des portes!
Arrachez les portes mêmes de leurs gonds!
Qui dégrade autrui me dégrade
Et rien ne se dit ou se fait, qui ne retourne enfin à moi.
A travers moi le souffle spirituel s'enfle et s'enfle, à travers moi c'est le courant et c'est l'index.
Je profère le mot des premiers âges, je fais le signe de démocratie,
Par Dieu! Je n'accepterai rien dont tous ne puissent contresigner la copie dans les mêmes termes.
A travers moi des voix longtemps muettes
Voix des interminables générations de prisonniers, d'esclaves,
Voix des mal portants, des désespérés, des voleurs, des avortons,
Voix des cycles de préparation, d'accroissement,
Et des liens qui relient les astres, et des matrices et du suc paternel.
Et des droits de ceux que les autres foulent aux pieds,
Des êtres mal formés, vulgaires, niais, insanes, méprisés,
Brouillards sur l'air, bousiers roulant leur boule de fiente.
A travers moi des voix proscrites,
Voix des sexes et des ruts, voix voilées, et j'écarte le voile,
Voix indécentes par moi clarifiées et transfigurées.
Je ne pose pas le doigt sur ma bouche
Je traite avec autant de délicatesse les entrailles que je fais la tête et le coeur.
L'accouplement n'est pas plus obscène pour moi que n'est la mort.
J'ai foi dans la chair et dans les appétits,
Le voir, l'ouïr, le toucher, sont miracles, et chaque partie, chaque détail de moi est un miracle.
Divin je suis au dedans et au dehors, et je sanctifie tout ce que je touche ou qui me touche.
La senteur de mes aisselles m'est arôme plus exquis que la prière,
Cette tête m'est plus qu'église et bibles et credos.
Si mon culte se tourne de préférence vers quelque chose, ce sera vers la propre expansion de mon corps, ou vers quelque partie de lui que ce soit.
Transparente argile du corps, ce sera vous!
Bords duvetés et fondement, ce sera vous!
Rigide coutre viril, ce sera vous!
D'où que vous veniez, contribution à mon développement, ce sera vous!
Vous, mon sang riche! vous, laiteuse liqueur, pâle extrait de ma vie!
Poitrine qui contre d'autres poitrines se presse, ce sera vous!
Mon cerveau ce sera vos circonvolutions cachées!
Racine lavée de l'iris d'eau! bécassine craintive! abri surveillé de l'oeuf double! ce sera vous!
Foin emmêlé et révolté de la tête, barbe, sourcil, ce sera vous!
Sève qui scintille de l'érable, fibre de froment mondé, ce sera vous!
Soleil si généreux, ce sera vous!
Vapeurs éclairant et ombrant ma face, ce sera vous!
Vous, ruisseaux de sueurs et rosées, ce sera vous!
Vous qui me chatouillez doucement en frottant contre moi vos génitoires, ce sera vous!
Larges surfaces musculaires, branches de vivant chêne, vagabond plein d'amour sur mon chemin sinueux, ce sera vous!
Mains que j'ai prises, visage que j'ai baisé, mortel que j'ai touché peut-être, ce sera vous!
Je raffole de moi-même, mon lot et tout le reste est si délicieux!
Chaque instant et quoi qu'il advienne me pénètre de joie,
Oh! je suis merveilleux!
Je ne sais dire comment plient mes chevilles, ni d'où naît mon plus faible désir.
Ni d'où naît l'amitié qui jaillit de moi, ni d'où naît l'amitié que je reçois en retour.
Lorsque je gravis mon perron, je m'arrête et doute si ce que je vois est réel.
Une belle-de-jour à ma fenêtre me satisfait plus que toute la métaphysique des livres.
Contempler le lever du jour!
La jeune lueur efficace les immenses ombres diaphanes
L'air fleure bon à mon palais.
Poussées du mouvant monde, en ébrouements naïfs, ascension silencieuse, fraîche exsudation,
Activation oblique haut et bas.
Quelque chose que je ne puis voir érige de libidineux dards
Des flots de jus brillant inondent le ciel.
La terre par le ciel envahie, la conclusion quotidienne de leur jonction
Le défi que déjà l'Orient a lancé par-dessus ma tête,
L'ironique brocard: Vois donc qui de nous deux sera maître!
Walt Whitman (Traduction d'André Gide)
Ceci est le paragraphe 24, de "Song of myself", poème en 52 parties. Dans sa première édition en 1855, ce poème n'avait pas de titre, pour sa deuxième édition ce fut: "Poem Of Walt Whitman, An American." C'est seulement avec la troisième édition en 1882, qu'il prit le titre de "Song of myself".
référence: http://www.laforgue.org/whit4.htm
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
A Sea symphony
traduction du poème de Walt Whitman
I. Un chant pour toutes les mers, pour tous les bateaux Voyez d'abord la mer,
puis sur sa poitrine sans limite, dilatée, les bateaux;
voyez comme leurs voiles blanches, gonflées dans le vent, émaillent le vert et le bleu.
Voyez les vapeurs qui, jetant leur panache, entrent dans le port ou en sortent.
Voyez ténébreuses et ondoyantes, les longues oriflammes de fumée.
Voyez d'abord la mer,
puis sur sa poitrine sans limite, dilatée, les bateaux.
Aujourd'hui un bref récitatif rudimentaire,
de bateaux sillonnant les mers, avec chacun son pavillon ou son fanion personnel,
de héros anonymes, leurs équipages,
de vagues qui s'étendent, s'étendent à perte de vue,
d'embruns qui cinglent, et ces vents qui sifflent et soufflent,
d'où surgit un hymne aux marins de toutes les nations,
fluctuant comme une houle.
De capitaines jeunes et vieux, de seconds, et de tous les matelots intrépides,
des quelques uns, l'élite, taciturnes, que le destin ne peut jamais surprendre ni la mort effrayer,
pris avec parcimonie, sans bruit, par toi, vieil océan, choisis par toi
- Toi mer qui prends et cueilles cette race, au jour dit, et qui unis les nations -,
allaités par toi, vieille nourrice rauque, t'incarnant,
indomptables, indomptés comme toi.
Envoie, ô mer, les différents pavillons de tes nations!
Envoie, visibles comme toujours, les fanions divers!
Mais réserve tout spécialement pour toi et pour l'âme de l'homme un pavillon au dessus de tous les autres,
un fanion spirituel tissé pour toutes les nations, emblème de l'homme, exalté au dessus de la mort.
Témoignage de tous les braves capitaines et de tous les intrépides matelots et seconds,
et de tous ceux qui se sont noyés en faisant leur devoir,
qui célèbre leur mémoire, tressé de tous les capitaines intrépides, jeunes ou vieux,
une oriflamme universelle, qui ondoie légère à jamais au dessus de tous les braves marins,
de toutes les mers, de tous les bateaux.
II. Sur la plage, seul, la nuit
Sur la plage, seul, la nuit,
tandis que la vieille mère se balance, en avant puis en arrière, et chante sa chanson rauque
alors que je regarde l'éclat des étoiles brillantes, me vient une pensée sur la clé des univers et du futur.
Une vaste similitude entrelace toute chose,
toutes les distances d'espace si grandes soient-elles,
toutes les distances de temps,
toutes les âmes, tous les corps vivants pour différents qu'ils soient,
toutes les nations, toutes les identités qui ont existé ou peuvent exister,
toutes les vies et les morts, tout du passé, du présent, du futur,
cette vaste similitude les embrasse, les a toujours embrassés
et à tout jamais les embrassera et les tiendra étroitement enserrés et ceints.
III. (Scherzo) Les vagues
Derrière le navire, derrière les vents qui sifflent,
derrière les voiles gris-blanc tendues sur leurs mâtures et leurs gréements,
en bas, une myriade, myriade de vaques qui se hâtent, se haussent du col,
tendent en un flux incessant vers le sillage du navire,
vagues de l'océan qui bouillonnent et gargouillent, espiègles et curieuses,
vagues, vagues ondulantes, vagues liquides, inégales, rivales,
vers ce courant tourbillonnant, qui rient et se chevauchent en courbes,
là ou la grande nef, virant de bord dans sa marche, a déplacé la surface.
Vagues plus grandes et plus petites qui flottent nostalgiques sur l'étendue de l'océan
- le sillage du navire après son passage -
flamboyantes et folâtres sous le soleil,
une procession bigarrée en mille mouchetures d'écume et en mille éclats,
suivant le navire majestueux et rapide, le suivant en son sillage.
IV. Les explorateurs
O vaste Rondeur qui nages dans l'espace,
tout enveloppée de visible puissance et de beauté -
la lumière et le jour alternant avec l'obscurité spirituellement foisonnante, hautes processions indicibles de soleil, de lune et d'étoiles sans nombre, là haut,
et en bas, les herbes et les eaux multiples,
dans un dessein impénétrable, quelque intention prophétique cachée -
pour la première fois maintenant il semble que mon esprit commence à t'embrasser.
Descendant des jardins de l'Asie,
apparaissent Adam et Eve, suivis de leur progéniture innombrable;
ils errent, languissent, sans repos explorant,
s'interrogeant, déconcertés, confus, fébriles, le coeur jamais heureux,
avec sans cesse cette triste rengaine - «Pourquoi donc, âme insatisfaite?»
«Vers où, ô vie railleuse?»
Ah! Qui apaisera ces enfants fébriles?
Qui justifiera ces explorations sans repos?
Qui dira le secret de la terre impassible?
Pourtant, mon âme, sois sûre que ce dessein premier demeure et sera poursuivi,
peut être même que le temps en est venu.
Après que les mers auront toutes été parcourues,
après que les grands capitaines et ingénieurs auront accompli leur tâche,
après les nobles inventeurs,
finalement viendra le poète digne de ce nom,
le vrai fils de Dieu viendra et chantera ses chants.
Oh! Nous ne pouvons plus attendre!
Nous aussi, ô mon âme, embarquons
et joyeux, nous aussi lançons-nous sur des mers vierges de sillages,
intrépides, vers des rivages inconnus sur des vagues d'extase,
parmi les vents qui nous poussent (tu me serres contre toi, je te serre contre moi, ô mon Ame!),
chantant gais et libres, entonnant notre chant de Dieu,
chantant notre cantique d'une exploration riche de plaisirs.
O mon âme, tu me donnes ces plaisirs et moi à toi,
lorsque nous sillonnons les mers, ou que nous parcourons les collines, ou que nous veillons la nuit.
Des pensées, de silencieuses pensées de Temps, d'Espace et de Mort, s'écoulant comme de l'eau,
me portent vraiment comme à travers des contrées infinies
dont je respire l'air, dont j'entends la risée, me lavent tout entier,
me baignent, ô Dieu, en toi, m'élevant vers toi,
et moi et mon âme parcourons les horizons à portée de toi.
Ô toi, transcendant,
toi sans nom, la fibre et le souffle,
toi lumière de la lumière, semant devant toi des univers, toi leur centre.
Je me recroquevillerais à l'instant à la pensée de Dieu,
devant la Nature et ses merveilles, Temps, Espace et Mort,
si, me retournant, je ne faisais appel à toi, ô mon âme, toi le vrai moi.
Et voici que tu maîtrises doucement le cours des astres,
tu fais échec au Temps, tu souris heureuse à la Mort,
tu te gonfles et remplis les immensités de l'Espace.
Plus grande que les étoiles ou les soleils,
bondissante, ô mon âme, tu pousses plus avant ton voyage.
Partons, ô mon âme! Lève l'ancre à l'instant!
Coupe les amarres - hâle les bouts - largue une à une chaque voile!
Prends le large - ne mets le cap que sur les grands fonds!
Téméraire, ô mon âme, dans tes explorations, moi avec toi et toi avec moi,
car nous sommes en partance pour ces lieux où aucun marin n'a encore jamais osé aller,
et nous risquerons le navire, nous-mêmes et tout le reste.
Ô mon âme valeureuse!
Oh, vogue, vogue plus loin!
Ô joie audacieuse mais sûre! Les mers ne sont-elles pas toutes de Dieu?
Oh, vogue, vogue plus loin!
Walt Whitman
(Traduction: Philippe Gaulhiac)
référence: http://www.choeursymphonique.org/concerts/sea/traducsea.html
***
I. Un chant pour toutes les mers, pour tous les bateaux Voyez d'abord la mer,
puis sur sa poitrine sans limite, dilatée, les bateaux;
voyez comme leurs voiles blanches, gonflées dans le vent, émaillent le vert et le bleu.
Voyez les vapeurs qui, jetant leur panache, entrent dans le port ou en sortent.
Voyez ténébreuses et ondoyantes, les longues oriflammes de fumée.
Voyez d'abord la mer,
puis sur sa poitrine sans limite, dilatée, les bateaux.
Aujourd'hui un bref récitatif rudimentaire,
de bateaux sillonnant les mers, avec chacun son pavillon ou son fanion personnel,
de héros anonymes, leurs équipages,
de vagues qui s'étendent, s'étendent à perte de vue,
d'embruns qui cinglent, et ces vents qui sifflent et soufflent,
d'où surgit un hymne aux marins de toutes les nations,
fluctuant comme une houle.
De capitaines jeunes et vieux, de seconds, et de tous les matelots intrépides,
des quelques uns, l'élite, taciturnes, que le destin ne peut jamais surprendre ni la mort effrayer,
pris avec parcimonie, sans bruit, par toi, vieil océan, choisis par toi
- Toi mer qui prends et cueilles cette race, au jour dit, et qui unis les nations -,
allaités par toi, vieille nourrice rauque, t'incarnant,
indomptables, indomptés comme toi.
Envoie, ô mer, les différents pavillons de tes nations!
Envoie, visibles comme toujours, les fanions divers!
Mais réserve tout spécialement pour toi et pour l'âme de l'homme un pavillon au dessus de tous les autres,
un fanion spirituel tissé pour toutes les nations, emblème de l'homme, exalté au dessus de la mort.
Témoignage de tous les braves capitaines et de tous les intrépides matelots et seconds,
et de tous ceux qui se sont noyés en faisant leur devoir,
qui célèbre leur mémoire, tressé de tous les capitaines intrépides, jeunes ou vieux,
une oriflamme universelle, qui ondoie légère à jamais au dessus de tous les braves marins,
de toutes les mers, de tous les bateaux.
II. Sur la plage, seul, la nuit
Sur la plage, seul, la nuit,
tandis que la vieille mère se balance, en avant puis en arrière, et chante sa chanson rauque
alors que je regarde l'éclat des étoiles brillantes, me vient une pensée sur la clé des univers et du futur.
Une vaste similitude entrelace toute chose,
toutes les distances d'espace si grandes soient-elles,
toutes les distances de temps,
toutes les âmes, tous les corps vivants pour différents qu'ils soient,
toutes les nations, toutes les identités qui ont existé ou peuvent exister,
toutes les vies et les morts, tout du passé, du présent, du futur,
cette vaste similitude les embrasse, les a toujours embrassés
et à tout jamais les embrassera et les tiendra étroitement enserrés et ceints.
III. (Scherzo) Les vagues
Derrière le navire, derrière les vents qui sifflent,
derrière les voiles gris-blanc tendues sur leurs mâtures et leurs gréements,
en bas, une myriade, myriade de vaques qui se hâtent, se haussent du col,
tendent en un flux incessant vers le sillage du navire,
vagues de l'océan qui bouillonnent et gargouillent, espiègles et curieuses,
vagues, vagues ondulantes, vagues liquides, inégales, rivales,
vers ce courant tourbillonnant, qui rient et se chevauchent en courbes,
là ou la grande nef, virant de bord dans sa marche, a déplacé la surface.
Vagues plus grandes et plus petites qui flottent nostalgiques sur l'étendue de l'océan
- le sillage du navire après son passage -
flamboyantes et folâtres sous le soleil,
une procession bigarrée en mille mouchetures d'écume et en mille éclats,
suivant le navire majestueux et rapide, le suivant en son sillage.
IV. Les explorateurs
O vaste Rondeur qui nages dans l'espace,
tout enveloppée de visible puissance et de beauté -
la lumière et le jour alternant avec l'obscurité spirituellement foisonnante, hautes processions indicibles de soleil, de lune et d'étoiles sans nombre, là haut,
et en bas, les herbes et les eaux multiples,
dans un dessein impénétrable, quelque intention prophétique cachée -
pour la première fois maintenant il semble que mon esprit commence à t'embrasser.
Descendant des jardins de l'Asie,
apparaissent Adam et Eve, suivis de leur progéniture innombrable;
ils errent, languissent, sans repos explorant,
s'interrogeant, déconcertés, confus, fébriles, le coeur jamais heureux,
avec sans cesse cette triste rengaine - «Pourquoi donc, âme insatisfaite?»
«Vers où, ô vie railleuse?»
Ah! Qui apaisera ces enfants fébriles?
Qui justifiera ces explorations sans repos?
Qui dira le secret de la terre impassible?
Pourtant, mon âme, sois sûre que ce dessein premier demeure et sera poursuivi,
peut être même que le temps en est venu.
Après que les mers auront toutes été parcourues,
après que les grands capitaines et ingénieurs auront accompli leur tâche,
après les nobles inventeurs,
finalement viendra le poète digne de ce nom,
le vrai fils de Dieu viendra et chantera ses chants.
Oh! Nous ne pouvons plus attendre!
Nous aussi, ô mon âme, embarquons
et joyeux, nous aussi lançons-nous sur des mers vierges de sillages,
intrépides, vers des rivages inconnus sur des vagues d'extase,
parmi les vents qui nous poussent (tu me serres contre toi, je te serre contre moi, ô mon Ame!),
chantant gais et libres, entonnant notre chant de Dieu,
chantant notre cantique d'une exploration riche de plaisirs.
O mon âme, tu me donnes ces plaisirs et moi à toi,
lorsque nous sillonnons les mers, ou que nous parcourons les collines, ou que nous veillons la nuit.
Des pensées, de silencieuses pensées de Temps, d'Espace et de Mort, s'écoulant comme de l'eau,
me portent vraiment comme à travers des contrées infinies
dont je respire l'air, dont j'entends la risée, me lavent tout entier,
me baignent, ô Dieu, en toi, m'élevant vers toi,
et moi et mon âme parcourons les horizons à portée de toi.
Ô toi, transcendant,
toi sans nom, la fibre et le souffle,
toi lumière de la lumière, semant devant toi des univers, toi leur centre.
Je me recroquevillerais à l'instant à la pensée de Dieu,
devant la Nature et ses merveilles, Temps, Espace et Mort,
si, me retournant, je ne faisais appel à toi, ô mon âme, toi le vrai moi.
Et voici que tu maîtrises doucement le cours des astres,
tu fais échec au Temps, tu souris heureuse à la Mort,
tu te gonfles et remplis les immensités de l'Espace.
Plus grande que les étoiles ou les soleils,
bondissante, ô mon âme, tu pousses plus avant ton voyage.
Partons, ô mon âme! Lève l'ancre à l'instant!
Coupe les amarres - hâle les bouts - largue une à une chaque voile!
Prends le large - ne mets le cap que sur les grands fonds!
Téméraire, ô mon âme, dans tes explorations, moi avec toi et toi avec moi,
car nous sommes en partance pour ces lieux où aucun marin n'a encore jamais osé aller,
et nous risquerons le navire, nous-mêmes et tout le reste.
Ô mon âme valeureuse!
Oh, vogue, vogue plus loin!
Ô joie audacieuse mais sûre! Les mers ne sont-elles pas toutes de Dieu?
Oh, vogue, vogue plus loin!
Walt Whitman
(Traduction: Philippe Gaulhiac)
référence: http://www.choeursymphonique.org/concerts/sea/traducsea.html
***
Najat- Nombre de messages : 1088
Date d'inscription : 14/03/2010
Sujets similaires
» Même si ….
» Le blanc comme toile de fond.
» DE LA MÊME, A LA MÊME
» Cri de colère:Ahmed El Inani
» Quand même
» Le blanc comme toile de fond.
» DE LA MÊME, A LA MÊME
» Cri de colère:Ahmed El Inani
» Quand même
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum