Federico Garcia Lorca
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Federico Garcia Lorca
La Femme Adultère |
Je la pris près de la rivière Car je la croyais sans mari Tandis qu'elle était adultère Ce fut la Saint-Jacques la nuit Par rendez-vous et compromis Quand s'éteignirent les lumières Et s'allumèrent les cri-cri Au coin des dernières enceintes Je touchai ses seins endormis Sa poitrine pour moi s'ouvrit Comme des branches de jacinthes Et dans mes oreilles l'empois De ses jupes amidonnées Crissait comme soie arrachée Par douze couteaux à la fois Les cimes d'arbres sans lumière Grandissaient au bord du chemin Et tout un horizon de chiens Aboyait loin de la rivière Quand nous avons franchi les ronces Les épines et les ajoncs Sous elle son chignon s'enfonce Et fait un trou dans le limon Quand ma cravate fût ôtée Elle retira son jupon Puis quand j'ôtai mon ceinturon Quatre corsages d'affilée Ni le nard ni les escargots N'eurent jamais la peau si fine Ni sous la lune les cristaux N'ont de lueur plus cristalline Ses cuisses s'enfuyaient sous moi Comme des truites effrayées L'une moitié toute embrasée L'autre moitié pleine de froid Cette nuit me vit galoper De ma plus belle chevauchée Sur une pouliche nacrée Sans bride et sans étriers Je suis homme et ne peux redire Les choses qu'elle me disait Le clair entendement m'inspire De me montrer fort circonspect Sale de baisers et de sable Du bord de l'eau je la sortis Les iris balançaient leur sabre Contre les brises de la nuit Pour agir en pleine droiture Comme fait un loyal gitan Je lui fis don en la quittant D'un beau grand panier à couture Mais sans vouloir en être épris Parce qu'elle était adultère Et se prétendait sans mari Quand nous allions vers la rivière | |
Auteur : Federico García Lorca (1898-1936) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Federico Garcia Lorca
Romance somnambule |
Vert et je te veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le bateau sur la mer, le cheval dans la montagne. L'ombre autour de la ceinture, elle rêve à son balcon, chair verte, verts cheveux avec des yeux d'argent froid. Vert et je te veux vert. Dessous la lune gitane, toutes les choses la regardent mais elle ne peut pas les voir. Vert et je te veux vert. De grandes étoiles de givre suivent le poisson de l'ombre qui trace à l'aube son chemin. Le figuier frotte le vent à la grille de ses branches et la montagne, chat rôdeur, hérisse ses durs agaves. Mais qui peut venir? Et par où? Elle est là sur son balcon, chair verte, cheveux verts, rêvant à la mer amère. L'ami, je voudrais changer mon cheval pour ta maison, mon harnais pour ton miroir, mon couteau pour ta couverture. L'ami, voilà que je saigne depuis les cols de Cabra. Si je le pouvais, petit, l'affaire serait déjà faite. Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne. L'ami, je voudrais mourir dans mon lit, comme tout le monde. Un lit d'acier, si possible, avec des draps de hollande. Vois-tu cette plaie qui va de ma poitrine à ma gorge? Il y a trois cents roses brunes sur le blanc de ta chemise. Ton sang fume goutte à goutte aux flanelles de ta ceinture. Mais moi je ne suis plus moi et ma maison n'est plus la mienne. Laissez-moi monter au moins jusqu'aux balustrades hautes. De grâce, laissez-moi monter jusqu'aux vertes balustrades. Jusqu'aux balcons de la lune là-bas où résonne l'eau. Ils montent déjà, tous les deux, vers les balustrades hautes. Laissant un sentier de sang. Laissant un sentier de larmes. Sur les toitures tremblaient des lanternes de fer-blanc. Mille tambourins de verre déchiraient le petit jour. Vert et je te veux vert, vent vert, vertes branches. Ils ont monté, tous les deux. Le vent laissait dans la bouche un étrange goût de fiel, de basilic et de menthe. L'ami, dis-moi, où est-elle? Où est-elle, ta fille amère? Que de fois elle t'attendait! Que de fois elle a pu t'attendre, frais visage, cheveux noirs, à la balustrade verte! Sur le ciel de la citerne la gitane se berçait. Chair verte, cheveux verts avec ses yeux d'argent froid. Un petit glaçon de lune la soutient par-dessus l'eau. La nuit devint toute menue, intime comme une place. Des gardes civils ivres morts donnaient des coups dans la porte. Vert et je te veux vert. Vent vert. Vertes branches. Le bateau sur la mer, le cheval dans la montagne. | |
Auteur : Federico García Lorca (1898-1936) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Federico Garcia Lorca
La solea |
Vêtue de voiles noirs, elle pense que le monde est bien petit et le coeur immense Vêtue de voiles noirs. Elle pense que le tendre soupir, le cri, disparaissent au fil du vent. Vêtue de voiles noirs. Elle avait laissé sa fenêtre ouverte et à l'aube par la fenêtre tout le ciel a débouché. Ah! Vêtue de voiles noirs! | |
Auteur : Federico García Lorca (1898-1936) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Paul Géraldy
Abat-jour |
Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ? C'est que voici le grand moment, l'heure des yeux et du sourire, le soir, et que ce soir je t'aime infiniment ! Serre-moi contre toi. J'ai besoin de caresses. Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir, d'ambition, d'orgueil, de désir, de tendresse, et de bonté !... Mais non, tu ne peux pas savoir !... Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux. C'est dans l'ombre que les coeurs causent, et l'on voit beaucoup mieux les yeux quand on voit un peu moins les choses. Ce soir je t'aime trop pour te parler d'amour. Serre-moi contre ta poitrine! Je voudrais que ce soit mon tour d'être celui que l'on câline... Baisse encore un peu l'abat-jour. Là. Ne parlons plus. Soyons sages. Et ne bougeons pas. C'est si bon tes mains tièdes sur mon visage!... Mais qu'est-ce encor ? Que nous veut-on ? Ah! c'est le café qu'on apporte ! Eh bien, posez ça là, voyons ! Faites vite!... Et fermez la porte ! Qu'est-ce que je te disais donc ? Nous prenons ce café... maintenant ? Tu préfères ? C'est vrai : toi, tu l'aimes très chaud. Veux-tu que je te serve? Attends! Laisse-moi faire. Il est fort, aujourd'hui. Du sucre? Un seul morceau? C'est assez? Veux-tu que je goûte? Là! Voici votre tasse, amour... Mais qu'il fait sombre. On n'y voit goutte. Lève donc un peu l'abat-jour. | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Federico Garcia Lorca
Passé |
Tu avais jadis, lorsque je t'ai prise, il y a trois ans, des timidités, des pudeurs exquises. Je te les ai désapprises. Je les regrette à présent. A présent, tu viens, tu te déshabilles, tu noues tes cheveux, tu me tends ton corps... Tu n'étais pas si prompte alors. Je t'appelais : ma jeune fille. Tu t'approchais craintivement. Tu avais peur de la lumière. Dans nos plus grands embrassements, je ne t'avais pas tout entière... Je t'en voulais. J'étais avide, ce pauvre baiser trop candide, de le sentir répondre au mien. Je te disais, tu t'en souviens : « Vous ne seriez pas si timide si vous m'aimiez tout à fait bien !... » Et maintenant je la regrette cette enfant au front sérieux, qui pour être un peu plus secrète mettait son bras nu sur ses yeux. | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Federico Garcia Lorca
Absence |
Ce n'est pas dans le moment où tu pars que tu me quittes. Laisse-moi, va, ma petite, il est tard, sauve-toi vite! Plus encor que tes visites j'aime leurs prolongements. Tu m'es plus présente, absente. Tu me parles. Je te vois. Moins proche, plus attachante, moins vivante, plus touchante, tu me hantes, tu m'enchantes! Je n'ai plus besoin de toi. Mais déjà pâle, irréelle, trouble, hésitante, infidèle, tu te dissous dans le temps. Insaisissable, rebelle, tu m'échappes, je t'appelle. Tu me manques, je t'attends! | |
Auteur : Paul Géraldy (1885-1983) |
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Re: Federico Garcia Lorca
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chadiya madihi- Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008
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