MIRAGES: Issa Makhlouf
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MIRAGES: Issa Makhlouf
MIRAGES
Issa Makhlouf
(Lebanon/ France)
Ce que je raconte aujourd'hui
Ce
sont les histoires que j'aurais espéré entendre.
Ce que je raconte n'est
qu'une part de ce que je n'ai pas vu
Si j'avais vu, je n'aurais pas raconté.
PARTIR
On part pour s'éloigner du lieu qui nous a vu naître et voir l'autre versant
du matin. On part à la recherche de nos naissances improbables. Pour compléter
nos alphabets. Pour charger l'adieu de promesses. Pour aller aussi loin que
l'horizon, déchirant nos destins, éparpillant leurs pages avant de tomber -
quelquefois - sur notre propre histoire dans d'autres livres.
On part vers des destinées inconnues. Pour dire à ceux que nous avons croisés
que nous reviendrons vers eux et que referons connaissance. On part pour
apprendre la langue des arbres qui, eux, ne partent guère. Pour lustrer le
tintement des cloches dans les vallées saintes. A la recherche de dieux plus
miséricordieux. Pour retirer aux étrangers le masque de l'exil. Pour confier aux
passants que nous sommes, nous aussi, des passants, et que notre séjour est
éphémère dans la mémoire et dans l'oubli. Loin des mères qui allument les
cierges et réduisent la couche du temps à chaque fois qu'elles lèvent les mains
vers le ciel.
On part pour ne point voir vieillir nos parents. On part dans la distraction
de vies gaspillées d'avance. On part pour annoncer à ceux que nous aimons que
nous aimons toujours, que notre émerveillement est plus fort que la distance et
que les exils sont aussi doux et frais que les patries. On part pour que, de
retour chez nous un jour, nous nous rendions compte que nous sommes des exilés
de nature, partout où nous sommes.
On part pour abolir la nuance entre air et air, eau et eau, ciel et enfer.
Nous riant du temps, nous contemplons désormais l'immensité. Devant nous, comme
des enfants dissipés, les vagues sautillent pendant que la mer file va entre
deux bateaux. L'un en partance, l'autre en papier dans la main d'un petit.
On part comme un clown qui s'en va de village en village, emmenant ses
animaux qui donnent aux enfants leur première leçon d'ennui. On part pour
tromper la mort, la laissant nous poursuivre de lieu en lieu. Et on continuera
de faire ainsi jusqu'à nous perdre, jusqu'à ne plus nous retrouver nous-mêmes là
où nous allons, afin que jamais personne ne nous retrouve.
(Traduit par Nabil El Azan)
Issa Makhlouf
(Lebanon/ France)
Ce que je raconte aujourd'hui
Ce
sont les histoires que j'aurais espéré entendre.
Ce que je raconte n'est
qu'une part de ce que je n'ai pas vu
Si j'avais vu, je n'aurais pas raconté.
PARTIR
On part pour s'éloigner du lieu qui nous a vu naître et voir l'autre versant
du matin. On part à la recherche de nos naissances improbables. Pour compléter
nos alphabets. Pour charger l'adieu de promesses. Pour aller aussi loin que
l'horizon, déchirant nos destins, éparpillant leurs pages avant de tomber -
quelquefois - sur notre propre histoire dans d'autres livres.
On part vers des destinées inconnues. Pour dire à ceux que nous avons croisés
que nous reviendrons vers eux et que referons connaissance. On part pour
apprendre la langue des arbres qui, eux, ne partent guère. Pour lustrer le
tintement des cloches dans les vallées saintes. A la recherche de dieux plus
miséricordieux. Pour retirer aux étrangers le masque de l'exil. Pour confier aux
passants que nous sommes, nous aussi, des passants, et que notre séjour est
éphémère dans la mémoire et dans l'oubli. Loin des mères qui allument les
cierges et réduisent la couche du temps à chaque fois qu'elles lèvent les mains
vers le ciel.
On part pour ne point voir vieillir nos parents. On part dans la distraction
de vies gaspillées d'avance. On part pour annoncer à ceux que nous aimons que
nous aimons toujours, que notre émerveillement est plus fort que la distance et
que les exils sont aussi doux et frais que les patries. On part pour que, de
retour chez nous un jour, nous nous rendions compte que nous sommes des exilés
de nature, partout où nous sommes.
On part pour abolir la nuance entre air et air, eau et eau, ciel et enfer.
Nous riant du temps, nous contemplons désormais l'immensité. Devant nous, comme
des enfants dissipés, les vagues sautillent pendant que la mer file va entre
deux bateaux. L'un en partance, l'autre en papier dans la main d'un petit.
On part comme un clown qui s'en va de village en village, emmenant ses
animaux qui donnent aux enfants leur première leçon d'ennui. On part pour
tromper la mort, la laissant nous poursuivre de lieu en lieu. Et on continuera
de faire ainsi jusqu'à nous perdre, jusqu'à ne plus nous retrouver nous-mêmes là
où nous allons, afin que jamais personne ne nous retrouve.
(Traduit par Nabil El Azan)
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LE TEMOIN
LE TEMOIN
Peu après minuit, la place publique, changeant de nature, débute ses rites
secrets.
Parmi les nombreux couteaux qu'il possède, le boucher en choisit un, le plus
souple et le plus beau. Luisant de défi, le couteau est à présent au centre de
l'arène, comme une stèle unique et lumineuse. Boussole dirigée vers l'âme. Le
boucher l'élève à la hauteur de ses yeux, en contemple la lame qu'il tente
ensuite de caresser d'un ongle. Il l'approche tellement de son visage qu'on
dirait que le couteau vit de son souffle.
Le boeuf égorgé pend somptueusement dans la toile de Rembrandt. Comme
suspendu hors souffrance et hors douleur. Habillé de la seule épouvante du
pinceau qui le peignit. Cependant, sur la place publique, le boeuf à égorger,
lui, se trouve ligoté et jeté par terre. Dans quelques instants, quand la corde
arrivera à son cou, après lui avoir encerclé les pattes et les côtes, il
comprendra obscurément que c'est trop tard. Qu'il ne sert plus à rien de remuer
ni le gros cou ni les pattes, qu'il ne lui reste plus qu'à se laisser aller, bon
gré mal gré, au couteau du boucher. C'est là, juste quelques secondes avant
qu'on lui tranche le cou, que le boeuf pousse un mugissement où résonnent
ensemble la mort et ce qui est au-delà de la mort. Un appel, semblable au signal
de départ que lancent les grands bateaux avant de quitter les rivages, en
faisant vibrer les coeurs des voyageurs qui ont peur de ne plus revenir. A vrai
dire, il ne s'agit pas seulement d'un mugissement, mais d'un cri. D'un cri
extrême et sombrement parlant.
Comment être témoin de ce cri et ne pas s'approcher ? Depuis quelle douleur
ancestrale ce cri a-t-il surgi? Se laisse-t-il moudre ? Se laisse-t-il effacer
par l'air ? Ou bien ira-t-il s'accrocher quelque part dans l'air immobile et
tranquille ?
Et toi aussi, quel pouvoir est le tien quand soudain le sang des victimes se
réveille en toi ? Ces victimes qui ornèrent ton enfance des vestiges de la mort
et firent retentir dans son ciel les cloches de l'ange en fuite. Cloches du
deuil.
Peu après minuit, la place publique, changeant de nature, débute ses rites
secrets.
Parmi les nombreux couteaux qu'il possède, le boucher en choisit un, le plus
souple et le plus beau. Luisant de défi, le couteau est à présent au centre de
l'arène, comme une stèle unique et lumineuse. Boussole dirigée vers l'âme. Le
boucher l'élève à la hauteur de ses yeux, en contemple la lame qu'il tente
ensuite de caresser d'un ongle. Il l'approche tellement de son visage qu'on
dirait que le couteau vit de son souffle.
Le boeuf égorgé pend somptueusement dans la toile de Rembrandt. Comme
suspendu hors souffrance et hors douleur. Habillé de la seule épouvante du
pinceau qui le peignit. Cependant, sur la place publique, le boeuf à égorger,
lui, se trouve ligoté et jeté par terre. Dans quelques instants, quand la corde
arrivera à son cou, après lui avoir encerclé les pattes et les côtes, il
comprendra obscurément que c'est trop tard. Qu'il ne sert plus à rien de remuer
ni le gros cou ni les pattes, qu'il ne lui reste plus qu'à se laisser aller, bon
gré mal gré, au couteau du boucher. C'est là, juste quelques secondes avant
qu'on lui tranche le cou, que le boeuf pousse un mugissement où résonnent
ensemble la mort et ce qui est au-delà de la mort. Un appel, semblable au signal
de départ que lancent les grands bateaux avant de quitter les rivages, en
faisant vibrer les coeurs des voyageurs qui ont peur de ne plus revenir. A vrai
dire, il ne s'agit pas seulement d'un mugissement, mais d'un cri. D'un cri
extrême et sombrement parlant.
Comment être témoin de ce cri et ne pas s'approcher ? Depuis quelle douleur
ancestrale ce cri a-t-il surgi? Se laisse-t-il moudre ? Se laisse-t-il effacer
par l'air ? Ou bien ira-t-il s'accrocher quelque part dans l'air immobile et
tranquille ?
Et toi aussi, quel pouvoir est le tien quand soudain le sang des victimes se
réveille en toi ? Ces victimes qui ornèrent ton enfance des vestiges de la mort
et firent retentir dans son ciel les cloches de l'ange en fuite. Cloches du
deuil.
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
PLANETE
PLANETE
La terre est belle.
Beau le nuage qui s'en va seul dans le ciel bleu, semblable à un oiseau perdu
et désorienté dans son vol. Beaux sont les astres, aux étranges, aux inquiètes
lumières. Gardiens de l'espace infini, ils t'observent de loin, te connaissant
sans que tu t'en doutes. Ont-ils donc de la compassion pour toi, toi qui ignores
ce qui t'attend dès le seuil ? A moins que ces astres n'oublient que leur sort
est aussi le tien.
Tendre est la clémente brise touchant les fronts dans l'été lointain des
îles. Tendres les pluies, agiles sur l'herbe sèche. Tendre est le parfum de la
femme inconnue qui va son chemin près de toi.
Belle fut notre rencontre avant de trébucher sur les détails. Elle avait
l'allure d'un croissant de lune auquel s'étaient suspendus nos rêves.
Belle enfin est la terre lorsque l'âme la quitte. La contemplant, comme un
astronaute de sa vitre, je la vois bleue, illuminée de l'intérieur. Elle lève
soudain ses voiles blancs, et me précède, me devançant là où je vais, comme pour
m'indiquer la route.
Belle planète, notre Terre, allant vers sa fin avec un étrange délice.
(Traduit par Salah Stétié)
La terre est belle.
Beau le nuage qui s'en va seul dans le ciel bleu, semblable à un oiseau perdu
et désorienté dans son vol. Beaux sont les astres, aux étranges, aux inquiètes
lumières. Gardiens de l'espace infini, ils t'observent de loin, te connaissant
sans que tu t'en doutes. Ont-ils donc de la compassion pour toi, toi qui ignores
ce qui t'attend dès le seuil ? A moins que ces astres n'oublient que leur sort
est aussi le tien.
Tendre est la clémente brise touchant les fronts dans l'été lointain des
îles. Tendres les pluies, agiles sur l'herbe sèche. Tendre est le parfum de la
femme inconnue qui va son chemin près de toi.
Belle fut notre rencontre avant de trébucher sur les détails. Elle avait
l'allure d'un croissant de lune auquel s'étaient suspendus nos rêves.
Belle enfin est la terre lorsque l'âme la quitte. La contemplant, comme un
astronaute de sa vitre, je la vois bleue, illuminée de l'intérieur. Elle lève
soudain ses voiles blancs, et me précède, me devançant là où je vais, comme pour
m'indiquer la route.
Belle planète, notre Terre, allant vers sa fin avec un étrange délice.
(Traduit par Salah Stétié)
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
LA SOLITUDE DE L'OR
LA SOLITUDE DE L'OR
- I -
Je me suis assis j'ai dessiné quelqu'un dans une salle
d'attente puis un
homme qui attendait une femme une femme qui attendait un enfant des enfants qui
attendaient d'autres enfants j'ai dessiné une chambre obscure œil dans les
ténèbres regard
solitaire que faire dans l'obscur ?
J'ai dessiné un
soldat endormi rêvant qu'il ne serait pas un héros.
Qu'ai-je dessiné d'autre
?
- II -
Elle me guide par la main vers sa voix. Elle chante et pousse les blés.
L'étoile de mon aube se cache derrière l'attente. Je lui fais fête d'un astre
immense. L'oiseau tarde le rendez-vous du matin se recule.
Dans la nuit son
halètement s'élève comme un mât Elle allume un flambeau dans le songe un
flambeau dans l'espace que son frisson ne se cambre pas au rêve.
Elle me
guide par la main vers sa voix Je surprends ses dents en sa nudité entière. La
blessure se creuse aux premières heures de la nuit, tendresse ouverte à des
lointains où jamais temps qui passe ne rencontre âme qui vive. La rose s'ouvre
jusqu'au rouge primordial et ultime.
Sa voix parfum de midi. Sa voix d'un fer
subtil vint me choisir une mort. Son neuvième mois me consume… et la marque de
son pas à venir.
Cette femme je l'ai rencontrée
En elle ce qui fut en moi
de femme
Voici un long temps de cela.
- III -
La pluie ruisselle sur les mains jointes
Au pied de la montagne un arbre
fête sa naissance
L'herbe pousse au hennissement d'un cheval
" Et celle à qui je pense entre toutes les femmes de ma race "
sa prière
allume le soir comme des chandelles d'au-delà
Celle à qui je pense
souvent
se lève la nuit pour recoudre le temps
De ses chevilles coule une lumière
pareille
au feu des anges…
* *
Elle a dit : " Tu es mon pain tu es mon eau
J'ai eu besoin d'eau et de
pain avant que tu sois
Avant que tu sois j'ai eu besoin de toi ".
J'ai dit : " Si le soir de silence heurte la terre
les lèvres
tremblent-elles
vers un sourire indéchiffrables ? "
* *
Elle élève sa mort vers son visage
pour voir son visage
De son délire
frémit la racine
et s'ébranle la dune
" Je voulais que le jour se fasse nuit
pour jouir de ta présence "
Et
lorsque la nuit se fit l'aile
s'immobilisa l'eau se figea et les parfums
Guide éplorée de l'obscur
- IV -
Ne vois-tu pas
Ces magiciens et ces jongleurs
Suivis de poètes en
foule
Qui risquent des paroles confuses et s'en vont ?
Les jeunes femmes, amantes du marbre et du jasmin,
Surveillent leur
ventre, attendent les douleurs.
- V -
Voyez comment cet oiseau brûlant d'espace se moque de nous tous. Et ce corps
lapidé qui reste indifférent.
Pendant mon exil, l'aube au balcon viendra
doucement étancher ma soif.
Retour d'errance si je murmurais au bourreau
d'avoir un peu pitié ?
Qui dépose, près de chaque nouveau-né, comme une
bourse, ce que sera son âme ?
Que les femmes s'en aillent très loin que très
loin elles accouchent et que très loin soit la mort pareille à cet oiseau plus
preste que le son.
- VI -
Après la foudre la lumière
rassemble ses forces.
Après la tempête
la
forêt compte ses arbres.
Ceux qui viennent sans venir
présagent le voyage.
Ceux qui partent sans
partir…
- VII -
J'arrive trop tard,
D'autres temps m'ont précédé et des rivages
Et leur
écume.
Ici l'huître perlière s'endort en sa blessure,
Les cloches rouillées
signent
Le ciel
Et demandent aux lieux témoignage :
" Ceux qui viennent
d'où naît le soleil
Sont-ils des Dieux ou des assassins ?"
Les conquérants précipitent du haut
De leur stupeur les
nouveaux-nés
Tout juste baignés par leurs mères.
Ils resplendissent
d'or
Sans souci des corps déchirés.
Ils portent leurs chandeliers
nocturnes
Comme des poignards.
Leurs autels, leurs statues de
plâtre
S'élèvent vers des soleils apprêtés pour le sang.
J'arrive trop tard,
Après l'écume qui révèle la trace des morts
Sur le
sable.
Ni les arbres ne me connaissent ni le condor planant.
Mais moi je
le sais :
" Le palmier bleu est centre de la terre,
L'aube navigue sur la
rosée,
La rosée est liqueur de femme,
La cataracte imite le saut des
anges."
Que dit l'eau,
Que rapporte la pierre
Et l'herbe sur laquelle ils ont
traîné les corps ?
Ah si la brise surgie des profondeurs
Pouvait raconter !
Il y a toujours des continents inexplorés,
Un sang qui ne coule pas
encore,
Un or au-delà de l'or.
- VIII -
Seule
Une statue
Sait où porter
Son pas
Lorsqu'elle décide
De
fuir le jardin.
(Traduit par Jamel Eddine Bencheikh)
- I -
Je me suis assis j'ai dessiné quelqu'un dans une salle
d'attente puis un
homme qui attendait une femme une femme qui attendait un enfant des enfants qui
attendaient d'autres enfants j'ai dessiné une chambre obscure œil dans les
ténèbres regard
solitaire que faire dans l'obscur ?
J'ai dessiné un
soldat endormi rêvant qu'il ne serait pas un héros.
Qu'ai-je dessiné d'autre
?
- II -
Elle me guide par la main vers sa voix. Elle chante et pousse les blés.
L'étoile de mon aube se cache derrière l'attente. Je lui fais fête d'un astre
immense. L'oiseau tarde le rendez-vous du matin se recule.
Dans la nuit son
halètement s'élève comme un mât Elle allume un flambeau dans le songe un
flambeau dans l'espace que son frisson ne se cambre pas au rêve.
Elle me
guide par la main vers sa voix Je surprends ses dents en sa nudité entière. La
blessure se creuse aux premières heures de la nuit, tendresse ouverte à des
lointains où jamais temps qui passe ne rencontre âme qui vive. La rose s'ouvre
jusqu'au rouge primordial et ultime.
Sa voix parfum de midi. Sa voix d'un fer
subtil vint me choisir une mort. Son neuvième mois me consume… et la marque de
son pas à venir.
Cette femme je l'ai rencontrée
En elle ce qui fut en moi
de femme
Voici un long temps de cela.
- III -
La pluie ruisselle sur les mains jointes
Au pied de la montagne un arbre
fête sa naissance
L'herbe pousse au hennissement d'un cheval
" Et celle à qui je pense entre toutes les femmes de ma race "
sa prière
allume le soir comme des chandelles d'au-delà
Celle à qui je pense
souvent
se lève la nuit pour recoudre le temps
De ses chevilles coule une lumière
pareille
au feu des anges…
* *
Elle a dit : " Tu es mon pain tu es mon eau
J'ai eu besoin d'eau et de
pain avant que tu sois
Avant que tu sois j'ai eu besoin de toi ".
J'ai dit : " Si le soir de silence heurte la terre
les lèvres
tremblent-elles
vers un sourire indéchiffrables ? "
* *
Elle élève sa mort vers son visage
pour voir son visage
De son délire
frémit la racine
et s'ébranle la dune
" Je voulais que le jour se fasse nuit
pour jouir de ta présence "
Et
lorsque la nuit se fit l'aile
s'immobilisa l'eau se figea et les parfums
Guide éplorée de l'obscur
- IV -
Ne vois-tu pas
Ces magiciens et ces jongleurs
Suivis de poètes en
foule
Qui risquent des paroles confuses et s'en vont ?
Les jeunes femmes, amantes du marbre et du jasmin,
Surveillent leur
ventre, attendent les douleurs.
- V -
Voyez comment cet oiseau brûlant d'espace se moque de nous tous. Et ce corps
lapidé qui reste indifférent.
Pendant mon exil, l'aube au balcon viendra
doucement étancher ma soif.
Retour d'errance si je murmurais au bourreau
d'avoir un peu pitié ?
Qui dépose, près de chaque nouveau-né, comme une
bourse, ce que sera son âme ?
Que les femmes s'en aillent très loin que très
loin elles accouchent et que très loin soit la mort pareille à cet oiseau plus
preste que le son.
- VI -
Après la foudre la lumière
rassemble ses forces.
Après la tempête
la
forêt compte ses arbres.
Ceux qui viennent sans venir
présagent le voyage.
Ceux qui partent sans
partir…
- VII -
J'arrive trop tard,
D'autres temps m'ont précédé et des rivages
Et leur
écume.
Ici l'huître perlière s'endort en sa blessure,
Les cloches rouillées
signent
Le ciel
Et demandent aux lieux témoignage :
" Ceux qui viennent
d'où naît le soleil
Sont-ils des Dieux ou des assassins ?"
Les conquérants précipitent du haut
De leur stupeur les
nouveaux-nés
Tout juste baignés par leurs mères.
Ils resplendissent
d'or
Sans souci des corps déchirés.
Ils portent leurs chandeliers
nocturnes
Comme des poignards.
Leurs autels, leurs statues de
plâtre
S'élèvent vers des soleils apprêtés pour le sang.
J'arrive trop tard,
Après l'écume qui révèle la trace des morts
Sur le
sable.
Ni les arbres ne me connaissent ni le condor planant.
Mais moi je
le sais :
" Le palmier bleu est centre de la terre,
L'aube navigue sur la
rosée,
La rosée est liqueur de femme,
La cataracte imite le saut des
anges."
Que dit l'eau,
Que rapporte la pierre
Et l'herbe sur laquelle ils ont
traîné les corps ?
Ah si la brise surgie des profondeurs
Pouvait raconter !
Il y a toujours des continents inexplorés,
Un sang qui ne coule pas
encore,
Un or au-delà de l'or.
- VIII -
Seule
Une statue
Sait où porter
Son pas
Lorsqu'elle décide
De
fuir le jardin.
(Traduit par Jamel Eddine Bencheikh)
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
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