Germain Nouveau-MENDIANTS
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Germain Nouveau-MENDIANTS
Rappel du premier message :
Germain Nouveau-MENDIANTS
Pendant qu'hésite encor
ton pas sur la prairie,
Le
pays s'est de ciel houleux enveloppé
Tu cèdes,
l'œil levé vers la
nuagerie,
A ce doux midi blême et plein d'osier coupe.
Nous
avons tant suivi le mur de mousse grise
Qu'à la fin, à nos flancs
qu'une
douleur emplit,
Non moins bon que ton sein, tiède comme l'église,
Ce
fossé s'est ouvert aussi sûr que le lit.
Dédoublement sans fin d'un
typique fantôme,
Que l'or de ta prunelle était
peuplé de rois!
Est-ce
moi qui riais à travers ce royaume?
Je tenais la
martyre, ayant
ses bras en croix.
Le fleuve au loin, le ciel en deuil, l'eau de tes
lèvres,
Immense trilogie
amère aux cœurs noyés,
Un goût m'est
revenu de nos plus forts genièvres,
Lorsque ta joue a lui, près
des yeux dévoyés!
Et pourtant, oh !
pourtant, des seins de
l'innocente
Et de nos doigts, sonnant, vers notre
rêve éclos
Sur
le ventre gentil comme un tambour qui chante,
Dianes aux désirs, et
charger aux sanglots,
De ton attifement de boucles et de ganses,
Vieux
Bébé, de tes cils essuyés simplement,
Et de vos
piétés, et de vos
manigances
Qui m'auraient bien pu rendre aussi
chien que l'amant,
Il ne devait
rester qu'une ironie immonde,
Une
langueur des yeux détournés sans effort.
Quel bras, impitoyable
aux Échappés du monde,
Te pousse à l'Est, pendant
que je me
sauve au Nord!
Germain Nouveau-MENDIANTS
Pendant qu'hésite encor
ton pas sur la prairie,
Le
pays s'est de ciel houleux enveloppé
Tu cèdes,
l'œil levé vers la
nuagerie,
A ce doux midi blême et plein d'osier coupe.
Nous
avons tant suivi le mur de mousse grise
Qu'à la fin, à nos flancs
qu'une
douleur emplit,
Non moins bon que ton sein, tiède comme l'église,
Ce
fossé s'est ouvert aussi sûr que le lit.
Dédoublement sans fin d'un
typique fantôme,
Que l'or de ta prunelle était
peuplé de rois!
Est-ce
moi qui riais à travers ce royaume?
Je tenais la
martyre, ayant
ses bras en croix.
Le fleuve au loin, le ciel en deuil, l'eau de tes
lèvres,
Immense trilogie
amère aux cœurs noyés,
Un goût m'est
revenu de nos plus forts genièvres,
Lorsque ta joue a lui, près
des yeux dévoyés!
Et pourtant, oh !
pourtant, des seins de
l'innocente
Et de nos doigts, sonnant, vers notre
rêve éclos
Sur
le ventre gentil comme un tambour qui chante,
Dianes aux désirs, et
charger aux sanglots,
De ton attifement de boucles et de ganses,
Vieux
Bébé, de tes cils essuyés simplement,
Et de vos
piétés, et de vos
manigances
Qui m'auraient bien pu rendre aussi
chien que l'amant,
Il ne devait
rester qu'une ironie immonde,
Une
langueur des yeux détournés sans effort.
Quel bras, impitoyable
aux Échappés du monde,
Te pousse à l'Est, pendant
que je me
sauve au Nord!
nisrine nacer- Nombre de messages : 1044
Date d'inscription : 09/09/2008
Le nom
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Le nom
Je porte un nom assez... bizarre,
Tu diras : " Ton cas n'est pas rare. "
Oh !... je ne pose pas pour ça,
Du tout... Mais... permettez, Madame,
Je découvre en son anagramme :
'Amour ingénue', et puis : 'Va' !
Si... comme un régiment qu'on place
Sous le feu... je change la face...
De ce nom... drôlement venu,
Dans le feu sacré qui le dore,
Tiens ! regarde... je lis encore :
'Amour ignée', et puis : 'Va, nu' !
Pas une lettre de perdue !
Il avait la tête entendue,
Le parrain qui me le trouva !
Mais ce n'est pas là tout, écoute !
Je lis encor, pour Toi, sans doute :
'Amour ingénu', puis : 'Éva' !
Tu sais... nous ne sommes... peut-être
Les seuls amours... qu'on ait vus naître ;
Il en naît... et meurt tous les jours ;
On en voit sous toutes les formes ;
Et petits, grands... ou même énormes,
Tous les hommes sont des amours.
Pourtant... ce nom me prédestine...
À t'aimer, ô ma Valentine !
Ingénument, avec mon corps,
Avec mon coeur, avec mon âme,
À n'adorer que Vous, Madame,
Naturellement, sans efforts.
Il m'invite à brûler sans trêve,
Comme le cierge qui s'élève
D'un feu très doux à ressentir,
Comme le Cierge dans l'Église ;
À ne pas garder ma chemise
Et surtout... à ne pas mentir.
Et si c'est la mode qu'on nomme
La compagne du nom de l'homme,
J'appellerai ma femme : Éva.
J'ôte 'É', je mets 'lent', j'ajoute 'ine',
Et cela nous fait : 'Valentine' !
C'est un nom chic ! et qui me va !
Tu vois comme cela s'arrange.
Ce nom, au fond, est moins étrange
Que de prime abord il n'a l'air.
Ses deux majuscules G. N.
Qui font songer à la Géhenne
Semblent les Portes de l'Enfer !
Eh, bien !... mes mains ne sont pas fortes,
Mais Moi, je fermerai ces Portes,
Qui ne laisseront plus filtrer
Le moindre rayon de lumière,
Je les fermerai de manière
Qu'on ne puisse jamais entrer.
En jouant sur le mot Géhenne,
J'ai, semble-t-il dire, la Haine,
Et je ne l'ai pas à moitié,
Je l'ai, je la tiens, la Maudite !
Je la tiens bien, et toute, et vite,
Je veux l'étrangler sans pitié !
Puisque c'est par Elle qu'on souffre,
Qu'elle est la Bête aux yeux de soufre
Qu'elle n'écoute... rien du tout,
Qu'elle ment, la sale mâtine !
Et pour qu'on s'aime en Valentine
D'un bout du monde à l'autre bout.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Le teint
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Le teint
Vous êtes brune et pourtant blonde,
Vous êtes blonde et pourtant brune...
Aurais-je l'air, aux yeux du monde,
D'arriver tout droit de la lune ?
Et cependant, on peut m'en croire,
Vous êtes l'une et l'autre chose
Comme Vous êtes blanche et noire,
Des cheveux noire et de chair, rose.
Mais peut-on dire dans le monde,
La plaisanterie est commune :
" Si votre belle Amie est blonde,
Elle est blonde, elle n'est pas brune. "
A moins d'arriver de la lune,
Peut encor dire tout le monde :
" Si votre belle Amie est brune,
Elle est brune, elle n'est pas blonde. "
Pourtant ! le savez-vous mieux qu'Elle ?
Leur répondrai-je (Tu supposes)
Eh bien ! moi, je ne sais laquelle
Elle est le plus de ces deux choses.
Bien que personne n'y consente
Et qu'elle semble inconséquente,
C'est une brune languissante
Et c'est une blonde piquante.
Aurais-je la bonne fortune
De mettre d'accord tout le monde,
Concédez-moi donc qu'elle est brune,
Je vous accorde qu'elle est blonde.
Elle a, pour faire à tout le monde
Une concession encore,
Une longue mèche de blonde
Dans ces cheveux bruns, qui les dore.
Enfin, je vous dis qu'elle est brune,
Je vous répète qu'elle est blonde,
Et si j'arrive de la lune,
Je me moque de tout le monde !
Après tout, ce n'est pas ma faute
Si, sous ses longs cheveux... funèbres,
Le corps blanc dont votre âme est l'hôte
A du soleil... dans ses ténèbres.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Le verre
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Le verre
Madame, on m'a dit l'autre jour
Que j'imitais... qui donc ? devine ;
Que j'imitais Musset : le tour
N'en est pas nouveau, j'imagine.
Musset a répondu pour nous :
" C'est imiter quelqu'un, que diantre !
Écrit-il, que planter des choux
En terre... ou des enfants... en ventre. "
Et craquez, corsets de satin !
Quant à moi, s'il me faut tout dire,
J'imite quelqu'un, c'est certain,
Quelqu'un du poétique empire.
Je m'élance sur son chemin
Avec la foi bénédictine ;
Cherchez dans tout le genre humain.
Eh ! bien... c'est elle, Valentine.
On ne peut copier son air,
Ses propos et son moindre geste,
Mais son coeur ! mais son esprit fier !
Je peux attendre pour le reste.
Ça me conduira qui sait où ?
Je crois être elle, ma parole !
Au lieu de dire : je suis fou,
L'autre jour j'ai dit : je suis folle !
Ma personnalité, ma foi !
S'est envolée ; et ceci même,
Mes vers sont d'elle et non de moi,
Si toutefois elle les aime ;
Ce serait par trop hasardeux
Que de mettre tout un volume
Sur son dos ; si nous sommes deux,
Je suis seul à tenir la plume !
Oh ! bien seul ! ne confondons pas,
Je suis parfaitement le maître ;
Car des fautes ou de faux pas
Elle ne saurait en commettre.
Vous voyez, c'est bien différent
De ce que racontait l'histoire.
Ah ! Si son verre était moins grand,
J'aurais voulu peut-être y boire...
Il est bien grand, en vérité !
Ne croyez pas que je badine ;
Je boirai donc à sa santé,
Dans le Verre de Valentine.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Les colombes
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Les colombes
Ni tout noirs, ni tout verts, couleur
D'espérances jamais en fleur,
Les ifs balancent des colombes,
Et cela réjouit les tombes.
Elles éclatent, dans les ifs,
Ainsi que des fruits excessifs,
Effeuillant leurs plumes perdues
Au vent des vieilles avenues.
Dans l'azur qui va s'éclairant,
En haut de l'arbre le plus grand,
Qui monte, tel qu'une fusée,
Une entre autres est balancée.
Sous ses beaux yeux délicieux
Elle semble, d'un coin des cieux,
Couver l'aurore qui s'est faite
Au fond du cimetière en fête.
Et chaque arbre, panache noir
Du plus minable désespoir,
Sous les blanches plumes en foule
Est un colombier qui roucoule.
Ces oiseaux, dont les voix sont soeurs,
Ces adorables obsesseurs,
Ce sont évidemment les âmes
Des demoiselles et des dames
Dont la tombe douce reluit
Et dont la lune, chaque nuit,
Epelle, à ses lueurs glacées,
Les épitaphes insensées !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Les hôtesses
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Les hôtesses
Quand vous coulant au bas de vos lits d'accouchées
Après les affres du premier enfantement
Vous vous dressez enfin, vous sentant allégées
Comme un arbre où saignait un fruit mûr, lourdement ;
Que dans votre miroir, Mères, Eves maudites,
Votre ombre frêle et pâle encore du danger
Vous fait prendre en horreur nos enfances, proscrites
D'un geste, et s'effarant d'un sourire étranger ;
Tandis que vous traînez, mornes, vos cicatrices,
Dieu nous voit blancs d'un lait revomi par ruisseaux,
L'âme et le front navrés du baiser des nourrices,
Miaulant au roulis d'impassibles berceaux.
Or, grandis dans l'orgueil d'avoir des coeurs si tristes,
Plus tard, après l'avoir respirée en chemin,
Ô femme, dans le vent plein d'adorables pistes,
Tu n'as tendu qu'un doigt à toute notre main.
Car, ô mortelle, enfant belle comme la Terre,
Tu ne peux attirer dans ta nuit, sans que dans
L'entrelacement nu de ta caresse amère
Luise toute la bête en l'éclair de tes dents.
Mais comme une qui tue et qui n'est pas méchante,
Tu souriras toujours, ne pouvant écouter,
Pour tous les noirs baisers où notre âme déchante,
Dans le ciel qui s'enfuit nos anges sangloter.
Ah ! nous la demandons toujours, la bonne
Hôtesse, La vraie, et dont le geste est sûr, toute au passant
Qui marche en la stupeur de la forêt traîtresse,
Les cheveux en sueur et les doigts lourds de sang ;
Chez qui coulent des flots de bonté merveilleuse
Et les vins rares sur la nappe, où le sommeil
Blotti dans un parfum de lessive rieuse
Se berce d'une ivresse encor verte au réveil ;
Où tu ne pèses pas, ô main, ce que tu donnes ;
Où, sur tes fruits charmants comme des fleurs, la faim
S'oublie en un verger aux trésors en couronnes
Et sous le soleil mûr d'un automne sans fin.
Mais, puisque c'est en vain, ô nos bouches, crieuses
D'infini, dont la voix, comme un oiseau de feu,
Emporte au ciel l'amour des foules furieuses,
Ah ! puisque Dieu sans doute existe, mais si peu !
Viens, toi, la plus affreuse et pourtant la meilleure,
Trop méconnue au temps où l'on était petit ;
Ô Mort, dernière Hôtesse, est-ce pas qu'il est l'heure
Ta mort bâille comme en un morne appétit.
Dérobe-nous, tes fils sont las, surtout des roses,
Pas de tout, certe, et vieux d'aller et d'espérer ;
Donne, ô Mort, ton sommeil aux sombres amauroses
Et que l'aube et ses coqs ne sauraient déchirer.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Les mains
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Les mains
Aimez vos mains afin qu'un jour vos mains soient belles,
Il n'est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n'est pas d'instruments trop délicats pour eux.
C'est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.
Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l'esprit.
Les peintres les plus grands furent amoureux d'elles,
Et les peintres des mains sont les peintres modèles.
Comme deux cygnes blancs l'un vers l'autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leurs pâleurs mates,
Livrez vos mains à l'eau dans les bassins d'argent,
Préparez-leur le linge avec les aromates.
Les mains sont l'homme, ainsi que les ailes l'oiseau ;
Les mains chez les méchants sont des terres arides ;
Celles de l'humble vieille, où tourne un blond fuseau,
Font lire une sagesse écrite dans leurs rides.
Les mains des laboureurs, les mains des matelots
Montrent le hâle d'or des Cieux sous leur peau brune.
L'aile des goélands garde l'odeur des flots,
Et les mains de la Vierge un baiser de la lune.
Les plus belles parfois font le plus noir métier,
Les plus saintes étaient les mains d'un charpentier.
Les mains sont vos enfants et sont deux soeurs jumelles,
Les dix doigts sont leurs fils également bénis ;
Veillez bien sur leurs jeux, sur leurs moindres querelles,
Sur toute leur conduite aux détails infinis.
Les doigts font les filets et d'eux sortent les villes ;
Les doigts ont révélé la lyre aux temps anciens ;
Ils travaillent, pliés aux tâches les plus viles,
Ce sont des ouvriers et des musiciens.
Lâchés dans la forêt des orgues le dimanche,
Les doigts sont des oiseaux, et c'est au bout des doigts
Que, rappelant le vol des geais de branche en branche,
Rit l'essaim familier des Signes de la Croix.
Le pouce dur, avec sa taille courte et grasse,
A la force ; il a l'air d'Hercule triomphant ;
Le plus faible de tous, le plus doux a la grâce,
Et c'est le petit doigt qui sut rester enfant.
Servez vos mains, ce sont vos servantes fidèles ;
Donnez à leur repos un lit tout en dentelles.
Ce sont vos mains qui font la caresse ici-bas ;
Croyez qu'elles sont soeurs des lys et soeurs des ailes :
Ne les méprisez pas, ne les négligez pas,
Et laissez-les fleurir comme des asphodèles.
Portez à Dieu le doux trésor de vos parfums,
Le soir, à la prière éclose sur les lèvres,
Ô mains, et joignez-vous pour les pauvres défunts,
Pour que Dieu dans les mains rafraîchisse nos fièvres,
Pour que le mois des fruits vous charge de ses dons
Mais ouvrez-vous toujours sur un nid de pardons.
Et vous, dites, ô vous, qui, détestant les armes,
Mirez votre tristesse au fleuve de nos larmes,
Vieillard, dont les cheveux vont tout blancs vers le jour,
Jeune homme, aux yeux divins où se lève l'amour,
Douce femme mêlant ta rêverie aux anges,
Le coeur gonflé parfois au fond des soirs étranges,
Sans songer qu'en vos mains fleurit la volonté,
Tous, vous dites : « Où donc est-il, en vérité,
Le remède, ô Seigneur, car nos maux sont extrêmes ? »
- Mais il est dans vos mains, mais il est vos mains mêmes.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Mors et vita
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Mors et vita
Souvenez-vous des humbles cimetières
Que voile aux villages voisins
Le pli d'un coteau pâle où pendent les raisins,
Qu'éveille, au point du jour, l'air du casseur de pierres.
Seuls, les vieux fossoyeurs ont d'eux quelque souci.
Et c'est à peine si -
Comme des brebis étonnées,
Loin du troupeau fumant des douces cheminées,
Loin du clocher, ce pâtre amoureux d'horizons -
Quelques maisons
Abandonnées,
Toutes fanées
Par les saisons,
Du vide de leurs yeux dans leur face hagarde,
Contemplent - par-dessus l'enclos au portail veuf
Parfois de l'auvent qui le garde -
La chapelle en ruine à la grande lézarde,
Les tertres anciens et les croix de bois neuf.
Mais l'été que l'ange envoie aux vallées,
Pour les églogues étoilées,
Aux grands blés roux buvant ses haleines de feu,
Et vers les rivières vermeilles,
L'été, sur un signe de Dieu,
Fait, avec ses rayons, de sauvages corbeilles
De ces asiles tout en fleurs où les abeilles,
Dans l'herbe haute et drue ainsi que des remords,
D'un long bourdonnement ensommeillent les morts.
A midi, le soleil silencieux qui tombe,
Grave, comme un chat d'or s'allonge sur la tombe
Dont la blancheur brûle, éclatant
Parmi l'argile rose ou les avoines folles,
Pendant que le lézard entend
Passer, dans les bruits vains et les vagues paroles,
La robe, ayant l'odeur de nos amours défunts,
De la Mort, mère et reine des parfums.
Tramée avec les fils du rêve,
Voici s'assombrir l'heure où la lune se lève,
Et le lourd laboureur qui rentre réfléchit
Sur la route où l'air pur fraîchit,
Le long des murs sacrés, et son coeur croit entendre
Une voix étouffée ou tendre,
Dans la nuit bleue et noire ainsi que le corbeau...
La nuit donne la vie aux choses du tombeau.
Cependant, là-bas, dans les nécropoles,
Sur qui la nue ardente ébauche des coupoles,
Et qu'endorment les cris confus et les oiseaux
Des villes, dont le vaste oubli pèse à ses os,
Une immobile multitude
Poursuit le même rêve en la même attitude ;
Et depuis tant d'hivers que les soleils lassés
Ne comptent plus les noms par les vents effacés,
Malgré leur solitude qui s'ennuie
Au cantique filtré sur leur front par la pluie,
Elles peuvent goûter encor des jours bénis,
Ces pauvres âmes désolées,
Vers la douce époque des nids,
Sous les funéraires feuillées,
Quand Mai, de sa main fine, aux grilles des caveaux
Attache des bouquets et des regrets nouveaux
Ou quand leur commune patronne,
Leur fête, fait éclore une triste couronne :
Ce jour-là, plus d'un deuil charmant qui vient errer
Dans les sombres jardins, tressaille à rencontrer,
Sous les branches d'automne à peine encore vertes,
L'impériale odeur des tombes entrouvertes.
Et tous, ceux du village et ceux de la cité,
Ceux qui sourient d'avoir été
De gais bouviers dans la campagne,
Et ceux dont la statue en marbre est la compagne,
Ces morts que Dieu sema comme on sème le blé,
Tous dorment d'un sommeil si peu troublé,
Qu'il semble que la vie,
A ces mornes reclus
Lugubrement ravie,
Ne doive jamais plus
Monter ni redescendre
Des yeux pleins de nuit noire au coeur tombant en cendre.
Aucun orchestre en floraison
Sous les bosquets royaux dans la chaude saison,
Aucune orfèvrerie amoncelant ses bagues,
Aucun océan soucieux
Des perles qu'il charrie aux plis lourds de ses vagues,
Aucun Messidor sous les cieux
Qui couvrent la splendeur des terres éventrées,
Ni le soleil de ces contrées
Où son regard luit si hautain,
Sur les monts que couronne une âpre odeur de thym,
Qu'il semble à la stupeur physique
Que le rayon fait la musique ;
Ni lune en fleur d'aucun été,
Ni comètes semant de diamants leur voie,
Ne roulent plus d'ivresse en versant plus de joie,
Que la solennelle clarté
Qui, tenant de la rose et de la primevère,
Jaillira par la fente en rumeur des cercueils,
Comme un vin parfumé des blessures du verre,
Quand, sonnant la fuite des deuils,
L'ange du Jugement, sur le tombeau du Juste,
Soulèvera la pierre avec un geste auguste !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Poison perdu
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Poison perdu
Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n'est resté
Pas une dentelle d'été,
Pas une cravate commune ;
Et sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n'est resté de trace, aucune,
Pas un souvenir n'est resté.
Seule au coin d'un rideau piquée,
Brille une épingle à tête d'or
Comme un gros insecte qui dort.
Pointe d'un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Pourrières
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Pourrières
Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline.
Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux.
D'un barbaresque Azur la paix du Ciel s'incline.
Soleil dur ! Mort de l'ombre ! Et Silence des Eaux.
Marius ! son fantôme à travers les roseaux,
Par la plaine ! Un son lent de l'Horloge féline.
Quatre enfants sur la place où l'ormeau perd ses os,
Autour d'un Pauvre, étrange, avec sa mandoline.
Un banc de pierre chaud comme un pain dans le four,
Où trois Vieux, dans ce coin de la Gloire du Jour,
Sentent au rayon vif cuire leur vieillesse.
Babet revient du bois, tenant sa mule en laisse.
Noir, le Vicaire au loin voit, d'une ombre au ton bleu,
Le Village au soleil fumer vers le Bon Dieu.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Prière
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Prière
Au plus haut point de la montagne la plus pure,
Au plus beau jour de nos époques favorites
Où le désert se fleurissait de nouveaux rites,
A l'heure d'or la plus sévère à la nature ;
Blanche et les flancs pressés d'une longue ceinture,
Debout dans l'idéal concert de ses mérites,
La plus sainte et la plus charmante des ermites
Lève au ciel ses bras nus dans leurs manches de bure.
Son visage d'un feu tranquille et blanc rayonne
Comme une neige ou comme un linge où l'astre donne ;
Son coeur allumé s'ouvre au céleste conseil !
Et les plaines, à ces sauvages pieds d'yeuses,
Sont un cirque apaisé de bêtes précieuses
Les yeux de Jésus-Christ s'ouvrent dans le soleil.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Rêve claustral
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Rêve claustral
Je vous connais comme elle, ô murs, travail des nonnes,
Préaux fleuris d'amours furtifs, silencieux
Parloirs, où, par la nuit, l'âme des lunes bonnes
Se distille, rosée errante de leurs yeux ;
Cour grise où tourne le soulier lacé des grandes,
Couvrant sous de longs cils des yeux endoloris,
S'imaginant, le soir des mystiques offrandes,
Causer, dans les rideaux avec de purs esprits.
Je vous ai vus, ô lents tours noirs où les plus braves
Rentrent avec l'effroi du parler patelin ;
Et je vous aime aussi, novices, pour les graves
Désirs tapis aux plis de vos jupes de lin.
Dortoirs religieux, vous me bercez comme elle
Là, le sommeil est le seul des péchés permis,
Et l'on entend monter, bouffonne et solennelle
Leur jeune haleine aux dents des anges endormis.
Je vous adore, froid parfum des sacristies,
Choeur d'agate où le jour, sous un rideau sanglant,
Voit éclore, parmi la danse des hosties,
Le rêve violet d'un doux évêque blanc ;
Chapelle de soupirs, grilles, ombre jalouse
D'où la pensionnaire aux essors fabuleux
Reluque, avec le coeur d'une petite épouse,
Un séraphin charmant, pâle au fond des cieux bleus ;
Prises de voile, où la vierge, en ses frissons vagues,
Sur l'autel, dont la marche a sacré ses genoux,
Ecoute sa toison, qui va fleurir en bagues,
Choir sous les ciseaux saints, terrifiants et doux.
Celle qu'avec le nard pudique d'un roi mage
J'encense dans mon coeur, se meurt là ; j'ai pu voir
Ses yeux, lampes d'amour où brûle mon image,
Et je m'en suis allé, bien ivre... un certain soir !...
Ô toi qui vis dans ces solitudes de femme,
Et qui n'as dû garder de ton été premier
Qu'à peine assez de corps pour contenir une âme,
Colombe en route pour l'éternel colombier ;
Cieux choisis d'où l'on voit pleuvoir encor des mannes
Et descendre sur les fronts des langues de feu,
Ma bouche - en vous rêvant - faite aux argots profanes,
Bégaie une oraison : je me trompe avec Dieu.
Vergers mûrs où la sainte a le respect des mouches,
Cours grises, encensoirs berceurs, avents jeûnés,
Vers vous - comme à vos pieds, chères saintes nitouches -
Je m'agenouille avec la larme des damnés.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Saintes femmes
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Saintes femmes
Quelle étoile nous vit donc naître, nous qui sommes
Les voleuses de vos coeurs charmants, Enfants-rois ?
C'est nous qui vous faisons la cour, ô jeunes hommes,
Et vos légèretés nous sont d'atroces croix.
En nous rien des yeux verts de l'amante fatale
Par sa jupe épandue en mare de sang noir.
Rien des beautés faisant que le désir détale
Devant leurs coeurs repus de vaches au dormoir.
Mais nous nous déclarons d'avance les sujettes
De votre règne aimable ou non, sans nul souci
Que celui d'approcher vos mains ; sommes-nous bêtes
De vous bercer, de vous enorgueillir ainsi !
Pour atteindre aux baisers graves de votre bouche,
Il nous plaît de braver, dans votre embrassement,
Jusques à toi, Baiser déchirant, et toi couche
Où le sang violé s'éperle obscurément.
Mais quand nous vous tenons, Coeurs trop pleins de silences,
Nous ne savons, pleurant à vos torts expiés,
Que faire du tissu de vos obédiences
Un tapis pour la plante exquise de nos pieds.
Aussi trop tôt, mon Dieu ! redoutant quelque fraude,
Comme un chien, autour des pacages timorés,
Notre âme tristement s'en va tourner et rôde
A la porte par où vous nous êtes entrés.
Bien qu'offrant à vos nuits ce qu'il faut à ces luttes
Où s'exerce le coeur irritable, âcreté
Des Baisers, et soupirs rieurs comme des flûtes,
Et ventre glorieux de sa stérilité,
Nous vous perdons, malgré nos deux mains maternelles,
Mais vous n'emportez pas, pour vos futurs exils,
L'orgueil d'avoir éteint nos fécondes prunelles
Et bu notre âme humide aux pointes de nos cils.
Donc, homme, errant de créature en créature,
Tu viens et tu t'en vas, sans comprendre beaucoup
Tout ce que nous mettons de céleste imposture
A te sourire avec deux longs bras à ton cou.
Du reste nous savons l'oubli des Récompenses
Et que l'Amour au fond n'est qu'un divin Ennui.
Puis notre coeur est plus plein que tu ne le penses,
Car une fois au point dans la première nuit,
Lorsque, le sang fouetté d'une crainte immortelle,
Les yeux injectés d'or dans un coucher de feu,
Nos doigts laissent fuir nos pantalons de dentelle,
Votre sourire est plein d'infinis, il est Dieu.
Après tout, nous ferons des morts saintes, cilice
Sous l'épaule, allongeant nos deux mains sur le drap,
Quand nous avalerons l'hostie avec délice,
Notre amour pour un Autre alors s'élargira ;
Car nous croyons à tes beautés spirituelles,
Ô Jésus, et que seul tu donnes sans rancoeurs
Le dernier mot des sens aux Immatérielles,
Toi l'Eternel, toi le plus riche Amant des Coeurs !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Sonnet d'été
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Sonnet d'été
Nous habiterons un discret boudoir,
Toujours saturé d'une odeur divine,
Ne laissant entrer, comme on le devine,
Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.
Une blonde frêle en mignon peignoir
Tirera des sons d'une mandoline,
Et les blancs rideaux tout en mousseline
Seront réfléchis par un grand miroir.
Quand nous aurons faim, pour toute cuisine
Nous grignoterons des fruits de la Chine,
Et nous ne boirons que dans du vermeil ;
Pour nous endormir, ainsi que des chattes
Nous nous étendrons sur de fraîches nattes ;
Nous oublirons tout, - même le soleil !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Un peu de musique
- Germain NOUVEAU (1851-1920)
Un peu de musique
Une musique amoureuse
Sous les doigts d'un guitariste
S'est éveillée, un peu triste,
Avec la brise peureuse ;
Et sous la feuillée ombreuse
Où le jour mourant résiste,
Tourne, se lasse, et persiste
Une valse langoureuse.
On sent, dans l'air qui s'effondre,
Son âme en extase fondre ;
- Et parmi la vapeur rose
De la nuit délicieuse
Monte cette blonde chose,
La lune silencieuse.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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