Leconte De Lisle-midi
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Leconte De Lisle-midi
MIDI. 1852 Leconte De Lisle
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d' argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L' air flamboie et brûle sans haleine:
La terre est assoupie en sa robe de feu.
L' étendue est immense et les champs n' ont point d' ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux;
La lointaine forêt dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls, les grands blés mûris, tels qu' une mer dorée,
Se déroulent au loin dédaigneux du sommeil:
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.
Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S' éveille, et va mourir à l' horizon poudreux.
Non loin quelques boeufs blancs, couchés parmi les Herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu' ils n' achèvent jamais.
Homme, si le coeur plein de joie ou d' amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! La nature est vide et le soleil consume:
Rien n' est vivant ici, rien n' est triste ou joyeux.
Mais si désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l' oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté;
Viens, le soleil te parle en lumières sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le néant divin.
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d' argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L' air flamboie et brûle sans haleine:
La terre est assoupie en sa robe de feu.
L' étendue est immense et les champs n' ont point d' ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux;
La lointaine forêt dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.
Seuls, les grands blés mûris, tels qu' une mer dorée,
Se déroulent au loin dédaigneux du sommeil:
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.
Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S' éveille, et va mourir à l' horizon poudreux.
Non loin quelques boeufs blancs, couchés parmi les Herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu' ils n' achèvent jamais.
Homme, si le coeur plein de joie ou d' amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux,
Fuis ! La nature est vide et le soleil consume:
Rien n' est vivant ici, rien n' est triste ou joyeux.
Mais si désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l' oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté;
Viens, le soleil te parle en lumières sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin ;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le néant divin.
Iness- Nombre de messages : 834
Date d'inscription : 18/02/2010
(La Faim Sacrée) conte de lisle
Extrait Des Poèmes Tragiques
Par Leconte de Lisle
Sacra Fames 1884
L' immense mer sommeille. Elle hausse et balance
Ses houles où le ciel met d' éclatants îlots.
Une nuit d' or emplit d' un magique silence
La merveilleuse horreur de l' espace et des flots.
Les deux gouffres ne font qu' un abîme sans borne
De tristesse, de paix et d' éblouissement,
Sanctuaire et tombeau, désert splendide et morne
Où des millions d' yeux regardent fixement.
Tels, le ciel magnifique et les eaux vénérables
Dorment dans la lumière et dans la majesté,
Comme si la rumeur des vivants misérables
N' avait troublé jamais leur rêve illimité.
Cependant, plein de faim dans sa peau flasque et rude,
Le sinistre rôdeur des steppes de la mer
Vient, va, tourne, et, flairant au loin la solitude,
Entre-bâille d' ennui ses mâchoires de fer.
Certes, il n' a souci de l' immensité bleue,
Des trois rois, du triangle ou du long scorpion
Qui tord dans l' infini sa flamboyante queue,
Ni de l' ourse qui plonge au clair septentrion.
Il ne sait que la chair qu' on broie et qu' on dépèce,
Et, toujours absorbé dans son désir sanglant,
Au fond des masses d' eau lourdes d' une ombre épaisse
Il laisse errer son oeil terne, impassible et lent.
Tout est vide et muet. Rien qui nage ou qui flotte,
Qui soit vivant ou mort, qu' il puisse entendre ou voir.
Il reste inerte, aveugle, et son grêle pilote
Se pose pour dormir sur son aileron noir.
Va, monstre ! Tu n' es pas autre que nous ne sommes,
Plus hideux, plus féroce, ou plus désespéré.
Console-toi ! Demain tu mangeras des hommes,
Demain par l' homme aussi tu seras dévoré.
La faim sacrée est un long meurtre légitime
Des profondeurs de l' ombre aux cieux resplendissants,
Et l' homme et le requin, égorgeur ou victime,
Devant ta face, ô mort, sont tous deux innocents.
Par Leconte de Lisle
Sacra Fames 1884
L' immense mer sommeille. Elle hausse et balance
Ses houles où le ciel met d' éclatants îlots.
Une nuit d' or emplit d' un magique silence
La merveilleuse horreur de l' espace et des flots.
Les deux gouffres ne font qu' un abîme sans borne
De tristesse, de paix et d' éblouissement,
Sanctuaire et tombeau, désert splendide et morne
Où des millions d' yeux regardent fixement.
Tels, le ciel magnifique et les eaux vénérables
Dorment dans la lumière et dans la majesté,
Comme si la rumeur des vivants misérables
N' avait troublé jamais leur rêve illimité.
Cependant, plein de faim dans sa peau flasque et rude,
Le sinistre rôdeur des steppes de la mer
Vient, va, tourne, et, flairant au loin la solitude,
Entre-bâille d' ennui ses mâchoires de fer.
Certes, il n' a souci de l' immensité bleue,
Des trois rois, du triangle ou du long scorpion
Qui tord dans l' infini sa flamboyante queue,
Ni de l' ourse qui plonge au clair septentrion.
Il ne sait que la chair qu' on broie et qu' on dépèce,
Et, toujours absorbé dans son désir sanglant,
Au fond des masses d' eau lourdes d' une ombre épaisse
Il laisse errer son oeil terne, impassible et lent.
Tout est vide et muet. Rien qui nage ou qui flotte,
Qui soit vivant ou mort, qu' il puisse entendre ou voir.
Il reste inerte, aveugle, et son grêle pilote
Se pose pour dormir sur son aileron noir.
Va, monstre ! Tu n' es pas autre que nous ne sommes,
Plus hideux, plus féroce, ou plus désespéré.
Console-toi ! Demain tu mangeras des hommes,
Demain par l' homme aussi tu seras dévoré.
La faim sacrée est un long meurtre légitime
Des profondeurs de l' ombre aux cieux resplendissants,
Et l' homme et le requin, égorgeur ou victime,
Devant ta face, ô mort, sont tous deux innocents.
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Leconte De Lisle: LE REVE DU JAGUAR
Extrait Des Poèmes Barbares1872
Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l' air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s' enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L' araignée au dos jaune et les singes farouches.
C' est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l' écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu' il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d' une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de Midi,
Dont la fuite étincelle à travers l' herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
Il s' affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D' un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d' or hébétés de sommeil ;
Et, dans l' illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rêve qu' au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d' un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.
Sous les noirs acajous, les lianes en fleur,
Dans l' air lourd, immobile et saturé de mouches,
Pendent, et, s' enroulant en bas parmi les souches,
Bercent le perroquet splendide et querelleur,
L' araignée au dos jaune et les singes farouches.
C' est là que le tueur de boeufs et de chevaux,
Le long des vieux troncs morts à l' écorce moussue,
Sinistre et fatigué, revient à pas égaux.
Il va, frottant ses reins musculeux qu' il bossue ;
Et, du mufle béant par la soif alourdi,
Un souffle rauque et bref, d' une brusque secousse,
Trouble les grands lézards, chauds des feux de Midi,
Dont la fuite étincelle à travers l' herbe rousse.
En un creux du bois sombre interdit au soleil
Il s' affaisse, allongé sur quelque roche plate ;
D' un large coup de langue il se lustre la patte ;
Il cligne ses yeux d' or hébétés de sommeil ;
Et, dans l' illusion de ses forces inertes,
Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs,
Il rêve qu' au milieu des plantations vertes,
Il enfonce d' un bond ses ongles ruisselants
Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.
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(Le Siècle En Cendre)
SOLVET SECLUM 1862
Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Tu te tairas, ô voix sinistre des vivants !
Blasphèmes furieux qui roulez par les vents,
Cris d' épouvante, cris de haine, cris de rage,
Effroyables clameurs de l' éternel naufrage,
Tourments, crimes, remords, sanglots désespérés,
Esprit et chair de l' homme, un jour vous vous Tairez !
Tout se taira, dieux, rois, forçats et foules viles,
Le rauque grondement des bagnes et des villes,
Les bêtes des forêts, des monts et de la mer,
Ce qui vole et bondit et rampe en cet enfer,
Tout ce qui tremble et fuit, tout ce qui tue et Mange,
Depuis le ver de terre écrasé dans la fange
Jusqu' à la foudre errant dans l' épaisseur des nuits !
D' un seul coup la nature interrompra ses bruits.
Et ce ne sera point, sous les cieux magnifiques,
Le bonheur reconquis des paradis antiques
Ni l' entretien d' Adam et d' ève sur les fleurs,
Ni le divin sommeil après tant de douleurs ;
Ce sera quand le globe et tout ce qui l' habite,
Bloc stérile arraché de son immense orbite,
Stupide, aveugle, plein d' un dernier hurlement,
Plus lourd, plus éperdu de moment en moment,
Contre quelque univers immobile en sa force
Défoncera sa vieille et misérable écorce,
Et, laissant ruisseler, par mille trous béants,
Sa flamme intérieure avec ses océans,
Ira fertiliser de ses restes immondes
Les sillons de l' espace où fermentent les mondes.
Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Tu te tairas, ô voix sinistre des vivants !
Blasphèmes furieux qui roulez par les vents,
Cris d' épouvante, cris de haine, cris de rage,
Effroyables clameurs de l' éternel naufrage,
Tourments, crimes, remords, sanglots désespérés,
Esprit et chair de l' homme, un jour vous vous Tairez !
Tout se taira, dieux, rois, forçats et foules viles,
Le rauque grondement des bagnes et des villes,
Les bêtes des forêts, des monts et de la mer,
Ce qui vole et bondit et rampe en cet enfer,
Tout ce qui tremble et fuit, tout ce qui tue et Mange,
Depuis le ver de terre écrasé dans la fange
Jusqu' à la foudre errant dans l' épaisseur des nuits !
D' un seul coup la nature interrompra ses bruits.
Et ce ne sera point, sous les cieux magnifiques,
Le bonheur reconquis des paradis antiques
Ni l' entretien d' Adam et d' ève sur les fleurs,
Ni le divin sommeil après tant de douleurs ;
Ce sera quand le globe et tout ce qui l' habite,
Bloc stérile arraché de son immense orbite,
Stupide, aveugle, plein d' un dernier hurlement,
Plus lourd, plus éperdu de moment en moment,
Contre quelque univers immobile en sa force
Défoncera sa vieille et misérable écorce,
Et, laissant ruisseler, par mille trous béants,
Sa flamme intérieure avec ses océans,
Ira fertiliser de ses restes immondes
Les sillons de l' espace où fermentent les mondes.
Iness- Nombre de messages : 834
Date d'inscription : 18/02/2010
(Repos)
REQUIES 1855
Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Comme un morne exilé, loin de ceux que j' aimais,
Je m' éloigne à pas lents des beaux jours de ma vie,
Du pays enchanté qu' on ne revoit jamais.
Sur la haute colline où la route dévie
Je m'arrête, et vois fuir à l'horizon dormant
Ma dernière espérance, et pleure amèrement.
Ô malheureux ! Crois-en ta muette détresse :
Rien ne refleurira, ton coeur ni ta jeunesse,
Au souvenir cruel de tes félicités.
Tourne plutôt les yeux vers l' angoisse nouvelle,
Et laisse retomber dans leur nuit éternelle
L'amour et le bonheur que tu n'as point goûtés.
Le temps n'a pas tenu ses promesses divines.
Tes yeux ne verront point reverdir tes ruines;
Livre leur cendre morte au souffle de l' oubli.
Endors-toi sans tarder en ton repos suprême,
Et souviens-toi, vivant dans l' ombre enseveli,
Qu'il n' est plus dans ce monde un seul être qui t'aime.
La vie est ainsi faite, il nous la faut subir.
Le faible souffre et pleure, et l'insensé s'irrite ;
Mais le plus sage en rit, sachant qu'il doit mourir.
Rentre au tombeau muet où l'homme enfin s'abrite,
Et là, sans nul souci de la terre et du ciel,
Repose, ô malheureux, pour le temps éternel!
Extrait Des Poèmes Barbares
Par Leconte De Lisle
Comme un morne exilé, loin de ceux que j' aimais,
Je m' éloigne à pas lents des beaux jours de ma vie,
Du pays enchanté qu' on ne revoit jamais.
Sur la haute colline où la route dévie
Je m'arrête, et vois fuir à l'horizon dormant
Ma dernière espérance, et pleure amèrement.
Ô malheureux ! Crois-en ta muette détresse :
Rien ne refleurira, ton coeur ni ta jeunesse,
Au souvenir cruel de tes félicités.
Tourne plutôt les yeux vers l' angoisse nouvelle,
Et laisse retomber dans leur nuit éternelle
L'amour et le bonheur que tu n'as point goûtés.
Le temps n'a pas tenu ses promesses divines.
Tes yeux ne verront point reverdir tes ruines;
Livre leur cendre morte au souffle de l' oubli.
Endors-toi sans tarder en ton repos suprême,
Et souviens-toi, vivant dans l' ombre enseveli,
Qu'il n' est plus dans ce monde un seul être qui t'aime.
La vie est ainsi faite, il nous la faut subir.
Le faible souffre et pleure, et l'insensé s'irrite ;
Mais le plus sage en rit, sachant qu'il doit mourir.
Rentre au tombeau muet où l'homme enfin s'abrite,
Et là, sans nul souci de la terre et du ciel,
Repose, ô malheureux, pour le temps éternel!
Iness- Nombre de messages : 834
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