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Abdallah Ançâri - Prières et admonitions

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Message par NORA Dim 7 Fév - 21:45

Prières et admonitions.
O mon cher ! ce bas monde est un lieu de passage et non pas un séjour de
joie ; c’est un caravansérail sans stabilité, un enfantillage sans fixité ; la
blessure de son dard est inguérissable ;... c’est la demeure de l’épreuve et du
déshonneur ;... les orgueilleux aux viles aspirations s’y rassemblent ;... c’est
le breuvage amer dont la gorgée brûle ; il est adopté par les misérables, rejeté
par les hommes pieux ; quiconque s’y attache est méprisable et sa langue
s’embarrasse dans les excuses. Ce verset coranique avertit ceux qui savent
comprendre : « Les biens d’ici-bas sont peu de chose. » O derviche ! considère
le champ du repos et ne sois pas négligent comme les ivrognes : tu verras tant
de tombeaux et de sépultures où par centaines de mille reposent de charmantes
beautés. Tous ces morts s’évertuèrent et firent effort, brûlèrent du feu de
l’avidité et du caprice, couvrirent de perles leur bonnet, chargèrent de mets
délicieux leur table, emplirent d’or et d’argent les jarres, réalisèrent des
profits, machinèrent des ruses pour soutirer de l’argent ; mais finalement ils
moururent, n’emportant que leurs regrets. Ils entassèrent dans leurs greniers,
semèrent dans le terreau de leur cœur la graine de l’amour de ce bas-monde ;
mais finalement ils s’en allèrent et passèrent. Soudain tous furent entraînés
vers la porte du trépas et burent le breuvage de mort que leur présentait
l’échanson du destin. O mon cher ! aie souci de ta fin, fais de bonnes actions
auparavant ; sinon, malheur à toi ! L’enfer sera ta demeure. Sache que ceux qui
sont sous terre désirent ta prière et disent en leur langage : « O jeunes gens
insouciants, ô vieillards stériles ! vous êtes donc insensés puisque vous ne
comprenez pas que nous sommes endormis dans la terre et dans notre sang, le
visage caché par le linceul ; chacun de nous vécut le temps d’une lunaison ;
nous avons disparu de votre souvenir en une semaine. Nous aussi, avant vous,
nous étions sur le tapis d’ici-bas et de ses plaisirs ; nous avons connu la
gaîté et l’allégresse de ce monde périssable ; nous nous sommes assoupis sur la
couche du repos et de la tranquillité ; portés par le désir, nous avons avancé
sur la natte du perfectionnement ; mais finalement nous avons goûté l’indigeste
breuvage du trépas ; nous avons connu la perfidie de ce monde et de la vie
d’ici-bas. Et nous avons compris ! Nous avons vu que nous étions livrés au vent
de l’anéantissement, jetés sur la terre de l’épreuve et de la peine. De notre
famille, nous n’avons reçu nulle pitié ; des biens obtenus, nous n’avons tiré
nul profit. Nous nous contesterions de notre repentir si nous n’avions pas
devant nous le jugement dernier. Maintenant, nous n’avons plus ni garde, ni
valet, ni espèces sonnantes, ni riches étoffes ; nous n’avons plus la force de
parler ni d’appeler ; nous ne sommes plus capables d’élever la voix. A nous tous
nous ne formons qu’une poignée de mendiants. Notre part de ce monde est le
désappointement. Notre chair et notre peau sont la proie des vers. Quand nous en
avions le pouvoir, quand nous avions en magasin la perle désirée, nous n’avons
pas eu de discernement et nous n’avons rien cherché ; finalement, nous sommes
tombés dans l’affliction et nous avons rendu l’âme sur la place. Si vous n’êtes
pas insensés, regardez-nous donc à présent, car chacun de nous se plaint, verse
des larmes de regret et conduit son propre deuil. Oh ! quel état d’aveuglement !
et quel repentir de nos actes ! Chers amis ! jetez un regard sur votre route et
considérez notre état : on ne parle plus de nous ; nulle trace de nos corps ;
tous se sont défaits et nos personnes ont disparu ; nos biens sont anéantis ;
notre demeure et notre magasin sont à l’eau ; un autre nous remplace sur notre
couche et nos orphelins sont écartés ; la terre mange nos joues ; la rose de
notre visage est flétrie ; la poussière couvre nos lèvres ; nos dents semblables
à des perles sont tombées dans le sépulcre ; notre langue est enchaînée ; notre
bouche, déchirée ; tous nos membres gisent pêle-mêle ; le feu de notre
convoitise s’est refroidi ; notre âme s’est envolée comme un oiseau ; l’herbe du
regret est sortie de notre boue ; nous sommes dans la sombre terre, et vous
dormez dans l’insouciance ! Il y a là vraiment un avertissement pour les hommes
de cœur !

NORA
Invité


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