joiedevie Forum de Aziza Rahmouni
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Code promo Nike : -25% dès 50€ d’achats sur tout le site Nike
Voir le deal

Le récit du séisme par l'écrivain Michel Le Bris

2 participants

Aller en bas

Le récit du séisme par l'écrivain Michel Le Bris Empty Le récit du séisme par l'écrivain Michel Le Bris

Message par bibi Sam 6 Fév - 8:31

AFP/Thomas Coex

"On parle des pillards alors qu'on a surtout vu des gens calmes, courageux, solidaires"

Michel Le Bris, que nous avons joint par téléphone lundi, se trouvait en Haïti lors du séisme.

Il s'y était rendu pour la deuxième édition d'Etonnants voyageurs, déclinaison, dans cette île caribéenne du Festival de Saint-Malo, qu'il a créé et qu'il dirige. Voici le récit des trois journées qu'il y a passées, à partir du mardi 12 janvier.


MARDI 12 JANVIER - PORT-AU-PRINCE (HAITI)
"Nous étions arrivés, ma fille et moi, le dimanche soir à Port-au-Prince avec trois personnes de mon équipe pour préparer le Festival Etonnants voyageurs qui démarrait le 14 janvier. Nous sommes descendus à l'hôtel Karibé. Toute l'équipe était à l'hôtel, y compris les écrivains Dany Laferrière et Rodney Saint-Eloi.

Ce mardi, en attendant la voiture qui devait passer nous prendre à 17h30 pour l'organisation du festival, j'étais en train de travailler dans ma chambre, ma fille également. Deux membres de l'équipe, ainsi que Dany Laferrière étaient sur la terrasse.

Quand la terre a tremblé, vers 16h50, j'ai eu l'impression d'avoir vu le poste de télévision, que j’avais allumé cinq minutes auparavant, bondir vers moi, juste avant la première explosion. C'était sûrement faux, ça devait être simultané. J'ai cru à une explosion, puis j'ai compris que c'était un tremblement de terre. Tout s'est mis à danser, les murs se fendaient, ondulaient, explosaient, des blocs dégringolaient de tous côtés, le sol dansait. J'ai sauté sur mon ordinateur pour sauver les mille pages de mon prochain bouquin ("Le dictionnaire amoureux de l'exploration"...) et un travail en cours sur un inédit de Stevenson. J’ai entendu la voix de ma fille Melanie, passant devant ma porte « Ça va ? » Elle était sauve, c’était l’essentiel.

Les réactions humaines sont parfois étranges: alors que tout dégringolait autour de moi, au lieu d’arracher ce fichu ordinateur de sa prise et de filer, me voilà, rassuré sur le sort de ma fille, en train d’éteindre l’ordinateur dans les règles, avec ma souris — mais allez donc fixer la flèche à l’endroit voulu quand tout, sol et table valsent et que tombent gravats et parpaings ! Et pour tout arranger, s'affiche le message : voulez-vous vraiment éteindre votre ordinateur? Re-souris dansante… Tout d’un coup je me suis dit, mais qu’est ce que je fous là ? J’ai attrapé mes papiers, l’ordi et j’ai foncé dehors. L'électricité venait de sauter, je suis sorti dans le noir entre les blocs écroulés et j'ai retrouvé tout le monde, saufs. Nous avons couru dans la rue, par crainte que l’hôtel ne s’effondre totalement. Mais face à nous passaient des lignes à haute tension pas plus rassurantes que. J'ai eu le temps de passer quelques coups de fil pour prévenir ma femme, appeler pour dire que le festival était évidemment annulé et qu’il fallait prévenir au plus vite les auteurs en partance. Puis les communications ont été coupées, même les liaisons satellite.

L'hôtel Karibé, à Pétion-ville, est sur les hauteurs. Nous avons a vu alors monter des profondeurs de la vallée un énorme nuage de poussière, puis une immense clameur, puis un silence effarant. Et nous avons compris que quelque chose d’énorme venait de se produire… On ne pouvait pas rester dans la rue. Un Américain a dit : il y a un court de tennis de l'autre côté de l'hôtel. Nous avons retraversé l’hôtel dans le noir, et nous nous sommes rassemblés sur le court. Le personnel de l’hôtel est arrivé avec des couettes, des bonbonnes d’eau. Nous avons dormi à même le sol — enfin, dormi…. La nuit était chaude, peut-être à cause de toute l'énergie dégagée par le séisme, les étoiles brillaient. Allongés, nous sentions vibrer le sol au dessous de nous, devenus comme flottant. Au total, sauf erreur, 43 secousses dans la nuit.

MERCREDI 13 JANVIER - PORT-AU-PRINCE (HAITI)
Le lendemain, on a récupéré de l'eau. Le personnel de l'hôtel a été formidable. Certains avaient perdu leurs maison, mais ils sont revenus. Peut-être eux aussi avaient-ils besoin de se retrouver avec nous, actifs. Ils ont fait fonctionner un groupe électrogène. De loin en loin on a réussi à faire passer des SMS en France, où l'équipe d'Etonnants Voyageurs a collecté les informations. Depuis, j’ai vu qu’ils avaient fait un boulot formidable.Sabine Sauval, la femme du directeur des services culturel de l'ambassade, Alain Sauval, était avec nous, folle d'inquiétude dans l’ignorance de ce que son mari était devenu. Celui-ci est arrivé dans la matinée, craignant le pire pour sa femme. Puis Lyonel Trouillot (auteur du formidable "Yanvalou pour Charlie"), un des grands écrivains haïtiens

qui organisait le festival avec nous. Malgré ses difficultés à marcher, il était venu à pied à l’hôtel dans la nuit, mais ne nous avait pas trouvé. Il revenait après avoir parcouru la ville pour retrouver les auteurs qui devaient être présents au festival - tous vivants, sauf Georges Anglade. Il suffisait de regarder Lyonel pour comprendre qu’il arrivait d’un enfer. Il nous a raconté les bâtiments effondrés, hôpitaux, écoles, hôtels, Palais national, cathédrale. Un bon tiers de la ville était détruit. Mais il nous a dit aussi la réaction de la foule, l’entraide, le calme, la dignité des gens déblayant à mains nues.

A côté de l'hôtel, il y avait un immeuble effondré. Les sauveteurs— les gens de l'hôtel — ont réussi à sauver une petite fille, coincée depuis des heures, et sa nounou. Il faut le dire et le redire : les premiers sauveteurs, ce sont les Haïtiens, déblayant avec rien, à mains nues, au mieux avec des marteaux.

Et nous nous sommes organisés pour tenir. Le soir du tremblement de terre, étaient prévue une réception de 150 personnes le soir. Le cuisinier a récupéré les plateaux encore en état, canapés et petits fours, ainsi que des bonbonnes. Quelques matelas et chaises pliantes s’étaient ajoutés. Dany, sorti pour prendre des nouvelles de sa mère est revenu dans l’après-midi : celle-ci était sauve. Un photographe canadien, puis un photographe haïtien sont passés, nous ont montré leurs photos, hallucinantes.

On s'est inquiété dans la soirée en voyant des nuages, craignant que la pluie n'aggrave encore la situation, mais heureusement, il n'a pas plu. On a passé la deuxième nuit sur des matelas récupérés dans l'hôtel, toujours sur le court de tennis. Il faisait très froid. Certains s’inquiétaient : si la situation se prolongeait, il pouvait y avoir risque de pillage. Cela dit, j’ai bondi quand j’ai vu les premiers papiers dans certains journaux, cette litanie choquante sur les pillages. Bien sûr, c’est plus excitant à inventer que de dire la vérité : des gens dans leur grande majorité calmes, courageux, solidaires. Des pillards ! On se demande ce que feraient les gens, en France, s'ils voyaient leurs gosses en train de mourir de faim avec de la nourriture à côté, dans des magasins effondrés !

JEUDI 15 JANVIER PORT-AU-PRINCE (HAITI) / GUADELOUPE
Il y avait encore eu des secousses dans la nuit. Le matin, le cuisinier de l'hôtel est arrivé avec du café chaud -c'est incroyable comme c'est réconfortant dans des circonstances pareilles. Il avait aussi récupéré un peu de viande, annonçait des grilllades pour midi. Mais vers midi Alain Sauval est arrivé en hâte, suivi par une deuxième voiture de l’ambassade : il y avait un vol programmé dans l'après-midi pour la Guadeloupe. Dany Laferrière, qui est Canadien, était déjà parti dans la matinée. Nous nous sommes tous retrouvé dans la résidence de l'ambassade de France. Un choc : nous y avions dormi, ma fille et moi, le mois précédent, lors d’un premier voyage de coordination. C'était la plus belle maison de Port-au-Prince, elle était totalement détruite… Les militaires sont arrivés et nous sommes partis à bord d'un Airbus en Guadeloupe. Où nous avons passé la nuit dans un village Pierre et Vacances.

VENDREDI 16 JANVIER -GUADELOUPE
Réveil avec un sentiment de totale irréalité. Devant nous, un paysage de carte postale, avec des gens dans la piscine. Et nous, là, comme des Martiens… On est venu nous chercher vers 15 heures, direction l’aéroport, dont nous avons décollé à 19 heures pour Paris. On avait vécu des jours qui ont paru des éternités.

LUNDI 18 JANVIER - BRETAGNE
Je voudrais insister sur la force morale des Haïtiens. Les premiers articles que nous avons pu lire, arrivés en Guadeloupe, Haïti — depuis j’en ai lu d’autres, excellents — nous ont scandalisés. Quoi, Haïti pour eux se réduisait à ça, le voyeurisme des photos-choc de gosses en sang, de femmes hurlant ? et le sensationnalisme de pacotille des sempiternels articles sur les supposés "pillages" ? Si les auteurs de ces papiers avaient été là, ils en auraient entendu sur eux, traités de "chiens" par certains… Les Haïtiens, non ce n’étaient des hordes de sauvages s’entredéchirant, mais des gens dignes, courageux, solidaires ! Des gens qui faisaient de leur mieux, s'organisaient tant bien que mal

Et bien sûr, allant avec, on retrouvait les articles habituels sur le malheur d’Haïti, l’île maudite, la "fatalité haïtienne". Fatalité ? Il faudrait quand même rappeler que ce pays, nous l’avons, méthodiquement mis à genoux, ruiné. Les Haïtiens sont premiers qui se sont libérés de l'esclavage en 1793. Ils sont les premiers à avoir battu en 1803 une armée envoyée par Napoléon pour reprendre l’île et y restaurer l’esclavage. On leur a fait payer, au sens propre : 150 millions de francs-or de l'époque imposés par Charles X comme prix de la reconnaissance par la France de l’indépendance de l’île — plusieurs milliards de dollars d’aujourd’hui. 150 millions de francs-or pour que les esclaves dédommagent les propriétaires esclavagistes qui s’estimaient "lésés" ! Le prix a été réduit plus tard à 90 millions de francs — mais les Haïtiens ont dû emprunter la totalité de la somme, avec des intérêts de 20 %, somme gagée sur la production de canne à sucre. Bref, nous avons tout fait pour briser ce pays qui ne s'en est jamais remis : c’était l'île la plus riche de toute la Caraïbe. Alors, quand j'entends certains commentateurs parler de fatalité, j'ai envie de les étrangler.

On ferait mieux de parler de la formidable créativité d'Haïti. Voyez le nombre de prix littéraires décernés aux écrivains haïtiens, en France, au Canada, aux Etats-Unis, en Allemagne : onze prix internationaux pour cette seule année ! Et c'est pareil en peinture, en musique. Cette créativité c’est l’incroyable effort, au cœur du malheur, de s’affirmer debout. Ici, au sens strict, la création est vitale : ce qui fait tenir le pays. Après le séisme, des gens qui reconnaissaient Dany Laferrière dans la rue venaient vers lui, lui serraient la main, le remerciaient d’avoir écrit d'avoir écrit son livre, "L'énigme du retour"(prix Médicis 2009) qui leur faisait honneur. Et comme il protestait qu’en pareilles circonstances, cela n’avait plus guère d’importance, les autres insistaient, qu’au contraire c’était plus que jamais essentiel. Parce que les œuvres des artistes témoignaient de la force qui leur ferait faire face au malheur.

La création artistique, c'est ce qui fait tenir Haïti. Lyonel Trouillot, Dany Laferrière et moi quand nous nous sommes quités, sur le tennis du Karibé, nous sommes promis que ce festival des Etonnants voyageurs en Haïti, on allait le faire, malgré tout. A Saint-Malo, au printemps. Et puis à Port-au-Prince, de nouveau dès que ce sera possible. Et nous le ferons.
bibi
bibi

Nombre de messages : 2351
Date d'inscription : 13/01/2008

Revenir en haut Aller en bas

Le récit du séisme par l'écrivain Michel Le Bris Empty Re: Le récit du séisme par l'écrivain Michel Le Bris

Message par chadiya madihi Sam 6 Fév - 9:42

"Haitï va de mal en pire".
la secousse très violente a duré plus d'une minute, allant jusqu'à faire sauter
les véhicules en pleine rue. Elle a été suivie d'au moins cinq répliques,
variant de 5 à 5,9.....
La ville a été le théâtre de scènes de panique, alors que plusieurs personnes
en pleurs recherchaient des survivants. Les témoignages faisant état de victimes
coincées sous les décombres de bureaux, d'hôtels et de boutiques se multiplient.
De nombreuses sources font par ailleurs état de cadavres dans les rues.
Le tremblement de terre a été ressenti de l'autre côté de la frontière, en
République dominicaine, qui partage l'île d'Hispaniola avec Haïti, de même que
dans l'île voisine de Cuba.
Un tsunami d'intensité légère a été rapporté. Le Centre de surveillance de
tsunamis du Pacifique a par la suite levé l'alerte émise plus tôt pour la
région.
Selon un porte-parole de l'Institut géologique américain, il s'agit du séisme
le plus important jamais enregistré dans la région. Le dernier fort tremblement
de terre en Haïti remonte à 1984. Il avait une magnitude de 6,7.
Haïti est le pays le plus pauvre du continent américain. Près de 80 % de la
population vit sous le seuil de la pauvreté.
chadiya madihi
chadiya madihi

Nombre de messages : 957
Date d'inscription : 28/06/2008

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum