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Antonio Ramos Rosa

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Antonio Ramos Rosa Empty Antonio Ramos Rosa

Message par Admin Sam 9 Nov - 20:23

Respirer l'ombre vive de Antonio Ramos Rosa

Je voudrais dire, je voudrais dire la nudité de ta peau,
la caresse des vents et la pluie sur tes épaules,
je voudrais toucher, je voudrais te toucher, je voudrais
*********************************************
Le livre de l'ignorance de Antonio Ramos Rosa

Nous sommes sur le point de vivre quand s’ouvre
l’avenue où notre passage procure
l’immédiate profusion du souffle de l’air
*********************************************
Le livre de l'ignorance de Antonio Ramos Rosa

Telle une ondulation sous les arcades d’ombre
la nuit efface la route unanime et ardente
Et le lointain étend jusqu’à nous sa longue intimité
*********************************************
Respirer l'ombre vive de Antonio Ramos Rosa

J'écris là où la parole n'a pas encore été délivrée
entre l'eau et le désir, par la langue du vent
***********************************************
Respirer l'ombre vive de Antonio Ramos Rosa

La construction du poème c'est la construction du monde.
Ni des symboles, ni des images, de simples créatures
de l'air, des évidences obscures, des énigmes lumineuses,
les formes du vent, les silences du sommeil.
***********************************************
Le livre de l'ignorance de Antonio Ramos Rosa

Sans confidences sans visions révélatrices
j’entre dans un domaine immédiat et sinueux
Un instinct animal me fait écrire dans la pénombre de l’écorce
************************************************
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Antonio Ramos Rosa Empty Biographie António Ramos Rosa

Message par Admin Sam 9 Nov - 20:23

Biographie

Nationalité : Portugal
Né(e) à : Faro , le 17/10/1924
Mort(e) le : 23/09/2013
Biographie :

António Ramos Rosa est un écrivain portugais né le 17 octobre 1924 à Faro, considéré comme l'un des meilleurs poètes portugais contemporains.
A la fin de la guerre, il a d'abord travaillé comme employé dans une société commerciale de Lisbonne. Militant d'un Mouvement de Jeunesses Démocrates (MUD), il est arrêté en 1947 et emprisonné par la police salazariste. Il fonde la revue de poésie Arvore à laquelle participeront René Char et Henri Michaux mais la revue est interdite par la censure. Traducteur de poètes français et critique littéraire, il est l'auteur d'une importante oeuvre poétique dont une partie seulement est accessible en français. Il a reçu en 1988 le Prix Pessoa pour Le dieu nu(l) et Le Livre de l'ignorance.

Né fatigué, souffrant et fragile, Antonio Ramos Rosa est en même temps habité par une joie mystérieuse, car elle est moins sa joie que la joie du chant du monde qui le traverse :

Je sens la joie des femmes comme des étoiles errantes.
[...]
J'erre dans tes rues et je vois tant d'étoiles claires !
Quels trésors de vie, quels labyrinthes faciles !
Quelle merveille volubile cette lumière et ces ombres !
(site Ductus.fr/michelcamus)
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Message par Admin Dim 10 Nov - 10:43

Michel Camus

   Antonio Ramos Rosa, l’Ermite de Lisbonne

Dans les entretiens que j'ai eus avec lui à Lisbonne pour France-Culture (1990), le Jornal de Letras (1991) et la revue L'Autre (1991), Antonio Ramos Rosa m'a confié qu'il avait vécu une enfance perturbée par les malheurs de sa mère : le frère et la soeur de celle-ci s'étant, l'un, noyé et l'autre suicidée sur une voie de chemin de fer. Ses parents étaient pauvres. Faute de pouvoir payer leur loyer, ils déménageaient sans cesse jusqu'au jour où ils trouvèrent à se loger dans un couvent moyennant le service de l'église. C'est dans cet espace de bondieuseries aux odeurs d'encens qu'il a appris à détester les prêtres catholiques et à se détacher de leur religion pour devenir un mystique sauvage ou, selon son ami le poète et essayiste Robert Bréchon, un "poète mystique païen". L'adolescence fut douloureuse. Les poèmes qu'il écrivait, il les détruisait aussitôt. En 1944, à l'âge de vingt ans, il quitta Faro (sa ville natale en Algarve) pour Lisbonne où il trouva un emploi de gratte-papier dans une société commerciale. Il eut la chance de rencontrer un groupe de jeunes démocrates, d'artistes et de poètes qui apprécièrent ses récents écrits. Le groupe fonda alors la revue Arvore à laquelle collaborèrent René Char et Henri Michaux. Hélas, le n°4 fut saisi par la police et la revue frappée d'interdit par la censure salazariste. Se sentant inapte à tout travail d'écriture sans âme, Antonio Ramos Rosa rentra à Faro pour y donner des leçons particulières. Militant d'un Mouvement de Jeunesses Démocrates (M.U.D.), il fut arrêté en 1947 par la police politique et condamné à trois mois de prison à Lisbonne. Toute sa vie, me dit-il, fut marquée, et l'est encore, par des souffrances physiques et psychiques très éprouvantes. Il a toujours eu le sentiment d'être né fatigué et d'avoir toujours été malade.

   « Peut-être, ajouta-t-il, cet écart par rapport aux autres est-il à l'origine de mon travail poétique. Ce sentiment de séparation, négatif et douloureux, fut tout de même un obstacle qu'il me fallut surmonter dans la création poétique. »

La chance immense d'Antonio Ramos Rosa est d'avoir rencontré Agripina qui devint sa femme et qui travailla toute sa vie pour assurer leur subsistance, aujourd'hui encore grâce au revenu de sa retraite. Né en 1924, le poète a maintenant [en 1998] 74 ans. Depuis près d'un demi-siècle, il passe toutes ses journées à lire et à écrire. Il a publié près d'une cinquantaine de recueils de poésie et plusieurs essais. Il a écrit Le Cycle du cheval en 1974 dans la période de la Révolution des Oeillets . Une célèbre exégète de son oeuvre y a vu « l'espérance du Portugal d'Avri l». Selon Robert Bréchon, « comme toute l'oeuvre de Ramos Rosa, le Cycle du cheval est par-dessus tout un traité de métapoétique, c'est-à-dire une exploration des pouvoirs et des limites d'un langage qui fait confiance aux images pour changer la vie en retrouvant un équivalent verbal de l'unité primitive définitivement perdue ».

La dictature salazarienne que Ramos Rosa appelle "fasciste" prit fin le 25 avril 1974. Selon lui, "cette dictature n'était pas culturelle, sinon négativement : car, en ce qui concerne la littérature, le fascisme portugais n'avait conçu aucune idéologie précise." N'étant ni fasciste ni communiste, mais rêvant d'une troisième voie démocratique, sa situation fut longtemps intenable. Il était écarté et rejeté par les uns et par les autres. "C'est dans ce contexte politique et culturel, dit-il, que j'ai pris conscience de la valeur de la poésie comme acte de liberté et quête incessante de l'inconnu. J'ai compris que l'art et la littérature devaient échapper à toute idéologie pour devenir une insurrection vitale qui ne pouvait être ajournée pour des lendemains qui chantent . D'où ce vers d'un de mes poèmes : Je ne peux ajourner l'amour dans un autre siècle." Pendant plus de vingt-cinq ans, son oeuvre fut entourée d'un mur de béton d'indifférence et d'une chape de plomb. Après 1974, avec le retour de la démocratie, son oeuvre fut brusquement reconnue. Il fut considéré comme un des plus grands poètes de sa génération.

Sa bibliothèque française est fascinante. Il a tout lu. Il a des collections quasi complètes de revues, d'ARGILE aux Cahiers du Sud en passant par la N.R.F. C'est la découverte de Paul Eluard qui l'éveilla à la création poétique. Il a correspondu avec René Char, Henri Michaux, Jean Ballard, André Frénaud (un ami intime), Jean Tortel, Guillevic, Yves Bonnefoy, André du Bouchet, Salah Stétié, Jean Rousselot, Pierre Emmanuel, Fernand Verhesen, sans oublier Roberto Juarroz, car Ramos Rosa lit aussi les Espagnols, les Hispano-Américains, les Nord-Américains et même les philosophes allemands. À l'une de mes questions sur l'essentiel dans l'oeuvre d'Edmund Husserl, il répondit "l'épochè ou la réduction phénoménologique". En plein dans le mille ! Autre indice de sa culture phénoménale : Dans la voiture de sa fille qui nous conduisait de Lisbonne à Porto, il sombrait parfois dans le sommeil pendant quelques minutes, puis se réveillait pour répondre à ma question par une citation de Maurice Blanchot : la poésie réunit la lourdeur du fond et la légèreté du ciel. (Ayant manifesté ma surprise de voir sa fille en possession d'une Volkswagen Golf quasiment neuve, Antonio me dit : — Je n'ai jamais eu d'argent ! Lorsque j'ai reçu le "Prix Pessoa", je ne savais que faire de tout cet argent : je l'ai donné à ma fille pour qu'elle s'achète une voiture !)

En novembre 1994, après le premier Congrès mondial du CIRET (Centre International de Recherches et d'Études Transdisciplinaires) à Arrabida, j'ai organisé une visite chez Antonio avec le poète argentin Roberto Juarroz et sa compagne Laura Cerrato. Cela s'est passé trois mois avant la disparition de notre ami Juarroz à Buenos Aires le 31 mars 1995. Nous sommes entrés dans la chambre-bureau d'Antonio tellement encombrée de livres et de papiers que nous avons eu beaucoup de peine à trouver un coin où nous asseoir. Agripina s'est assise sur le lit. Antonio est resté debout. Il ne lui serait pas venu à l'idée de nous offrir un verre de porto. Il était Ailleurs. Il était dans une vie seconde ; il n'était plus dans l'existence. – Je vais vous lire un poème en portugais, déclara-t-il en français. Poème que Laura Cerrato me traduisit sans trop de difficultés. Je me souviens d'un vers génial : À qui confier ce que je ne sais pas ? Après sa lecture debout, voix rauque et tremblée, tout le monde semblait attendre un autre signe de vie. Après un léger silence de complicité, je donnai le signal du départ vers le restaurant où je les avais tous conviés.

La conversation avec Ramos Rosa ne tourna qu'autour de la poésie. Nul autre sujet ne l'intéressait. Ce qui le passionnait, c'était le concept du vers ultime : celui qui, quel que soit le nombre de pieds, pourrait résumer d'un seul tenant tout le secret de l'homme et de l'univers. Bref, l'éclair absolu de toute une oeuvre dans un seul vers . Roberto Juarroz était ému par la grandeur d'âme de ce poète illuminé mais plus fragile qu'un enfant. Un poète de la saudade : "désir d'un espace où règnerait une harmonie pleine ou, si vous voulez, une plénitude du bien. Désir qui bien sûr n'est jamais comblé. Désir qui toujours revient et revient. Attente liée à l'impossibilité d'atteindre la plénitude de la présence. " Ramos Rosa a toujours cherché une rencontre avec l'être du monde. D'où son questionnement des éléments fondamentaux de la Mère-Nature. Étranger à toute tradition religieuse institutionnalisée, sa poésie est en quelque sorte une façon de sacraliser ses impressions païennes. Jacques Lacarrière verrait en Ramos Rosa un "athée mystique". Selon Ramos Rosa, auteur du dieu nu(l) , "l'art et la poésie possèdent une dimension ontologique qui relie l'homme à l'énergie primordiale de l'être ". C'est une pétition de principe, car, à ses yeux, la condition humaine reste tragique comme il le met fortement en lumière dans son article Fernando Pessoa ou le tragique irréductible en s'aidant de "deux concepts grecs, le zoè (la vie illimitée, indéterminée) et le bios (modalité de l'existence déterminée, impliquant la conscience et la connaissance de soi)", autrement dit la finitude face à l'infini, ou le poète face à l'essence infinie de la poésie. Ce sont ses propres tensions que Ramos Rosa découvre chez Alberto Caeiro, Alvaro de Campos ou Ricaro Reis, un peu comme s'il se voyait lui-même transformé en hétéronyme de Pessoa.

Sa mésaventure de gratte-papier à Lisbonne lui inspira un poème qu'il intitula Le fonctionnaire fatigué et qui fut, si j'en crois mes souvenirs, son premier poème publié. Le paradoxe, c'est que cet être visiblement fragile et se disant né fatigué a produit une oeuvre débordante d'énergie et d'intensité, une oeuvre torrentielle qui a toujours coulé de source en le traversant à un rythme effréné. Il n'écrit pas. Il est écrit. (Un instinct animal me fait écrire dans la pénombre de l'écorce ). Il ne dessine pas. Il laisse sa main cavaler sur le papier. Agripina est son ange gardien. De son regard d'un bleu intense et merveilleusement lumineux, elle ne cesse de veiller sur lui. Elle écrit des poèmes et des récits de rêves. Elle publie parfois avec lui. Elle est médusée de le voir en proie au déferlement de l'écriture, comme s'il était littéralement possédé par un daïmon inconnu. Au fil des années, les livres et les archives deviennent des mégalithes. Même la cuisine est envahie par des cairns de dossiers et de manuscrits. Leur deux-pièces est un capharnaüm aussi encombré que le fut l'antre magique du poète voyant Jean Carteret. Il y a beaucoup de similitudes entre eux. Antonio Ramos Rosa n'est plus quelqu'un, mais quelque chose . Il n'est plus ce qu'il a été : un poète. Il est devenu poésie , créature de poésie. Il s'est désincarné , transpersonnalisé, ou sublimé, en état poétique de vie. Comme me le disait en substance Herberto Helder qui fut longtemps son ami : — Antonio ne se relit plus ! Il se laisse traverser par le torrent de l'inspiration ! Il a perdu toute conscience critique ! C'est vrai en ce qui concerne ses écrits depuis deux ou trois ans. Son écriture charrie tout : or et sable noir, perles et déchets, éclairs de vie et peaux mortes.

L'incipit du dieu nu(l) est révélateur de toute la recherche d'Antonio Ramos Rosa :

           J'écris peut-être pour maintenir l'ouverture de la source,
           même si je ne peux la découvrir.
           [...]
           Ce n'est pas pour parler que j'écris, mais pour entendre.
           [...]
           J'accueille dans sa nudité douloureuse ce qui est sans nom ni figure.

Dans ce premier chapitre, qui est un petit chef-d'oeuvre, Ramos Rosa fait allusion à l'Énigme du Tout Autre "sans nom ni figure", infiniment proche infiniment lointain. Le paradoxe de la saudade , c'est que celui qui l'éprouve participe à l'infinitude de l'Énigme et, en même temps, en est exilé ou se sent en exil. Au fond, l'essence de sa recherche est transpoétique au sens où, orientée vers l'unité perdue, elle traverse et dépasse la poésie poétique. Antonio Ramos Rosa n'est décidément pas un poète-poète, il est devenu l'âme abyssale de la poésie des pulsations du monde.

Dans sa préface au Livre de l'Ignorance, Robert Bréchon rapporte ce dit de Ramos Rosa : Je suis parvenu à l'âge secret de l'ignorance , cela dit "dans un petit livre écrit à deux voix avec son ami Casimiro de Brito, poète adepte du Zen". Peu de poètes français sont habités, comme Ramos Rosa, par une telle puissance du souffle et par une telle justesse des métaphores dont la verticalité , remarque Robert Bréchon, est étrangère à "presque toute la poésie moderne issue du symbolisme et du surréalisme". Chez Ramos Rosa, "le vide qui est au centre de la parole" a quelque chose à voir avec "la joie d'un néant qui libère l'instant" (Le Livre de l'Ignorance ).
Né fatigué, souffrant et fragile, Antonio Ramos Rosa est en même temps habité par une joie mystérieuse, car elle est moins sa joie que la joie du chant du monde qui le traverse :

       Je sens la joie des femmes comme des étoiles errantes.
       [...]
       J'erre dans tes rues et je vois tant d'étoiles claires !
       Quels trésors de vie, quels labyrinthes faciles !
       Quelle merveille volubile cette lumière et ces ombres !
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