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L'ultime liberté existentialiste

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Message par Invité Sam 8 Mai - 9:12

L'ultime liberté existentialiste
d'après Le mythe de Sisyphe d'Albert Camus

L'ultime liberté existentialiste FormationIntroduction
Cette réflexion se veut inspirée d'un essai d'Albert Camus intitulé Le mythe de Sisyphe. Dans cet essai, Camus évoque le caractère étranger du monde, la fondamentale absurdité existentielle que confronte celui qui ouvre, en toute honnêteté, ses yeux sur le néant. L'univers est inconnu, la vie est éphémère et elle tend inéluctablement vers le vide. Confronté devant l'absurdité de sa propre existence, l'Homme fait face à un choix ultime: Faut-il se donner la mort ou espérer malgré tout? Dans le contexte spécifique de la liberté, Camus évoque également, à travers le mythe du héros grec Sisyphe, la gravité ultime de la responsabilité d'un choix de type héroïque. Les différentes parties de ce document portent respectivement sur l'absurdité de l'existence qui amène au suicide existentiel; sur Le mythe de Sisyphe, un conte qui évoque la noblesse tragique d'un héros accablé par un lourd châtiment, et qui pourtant assume avec courage la responsabilité qui échoit de ses actes; et sur une illustration personnelle d'un choix ultime et existentiel.

L'absurdité de l'existence
Éternelle prisonnière de ses fades habitudes, la personne humaine existe souvent sans vivre, aveuglée par des illusions qui la privent de contact avec elle-même. Ces illusions sont de différentes natures: croyances, habitudes, adoption de la conformité comme mode de vie. Pourtant, quand s'impose à l'esprit la lassitude de cette routine, quand l'ennui s'insère dans la pensée ou encore quand ces illusions s'écroulent en raison d'une tragédie, l'humain se retrouve seul face à lui-même. Il prend conscience que ce monde familier lui demeurera à jamais étranger. Ces choses qui n'étaient vues que par le philtre de l'habitude redeviennent étrangères. Jamais ce monde ne lui appartiendra véritablement. À force de voir, il ne regardait plus, il s'était coupé de l'étrangeté du monde en s'aveuglant par ses propres fantasmes. "Ce monde est le mien", se disait-il. Maintenant, il est forcé d'admettre que rien ne lui appartient, pas même sa propre existence puisqu'il est condamné à la perdre. Le monde demeure absurde à l'intelligence humaine dans ses derniers retranchements.
Comprendre le monde pour un homme, c'est le réduire à l'humain, le marquer de son sceau. L'univers du chat n'est pas celui du fourmilier. Le truisme "Toute pensée est anthropomorphique" n'a pas d'autre sens. De même l'esprit qui cherche à comprendre la réalité ne peut s'estimer satisfait que s'il la réduit en termes de pensée. L'Homme ne peut plus fuir, il ne peut plus se mentir, il doit faire face à cette profonde solitude, à ce vide qui emplit son existence. Parfois il préfère nier, il redoute de comprendre le malaise qu'il ressent et qui le rend malheureux. Les existentialistes qualifient ce phénomène de crise existentielle. La personne constate que sa vie s'étale sur une courbe dont la seule issue est la mort. Elle qui vit orientée vers le futur, elle comprend que ce même futur est son pire ennemi, que chaque pas en avant la rapproche de sa destruction. Quoiqu'elle fasse, quoiqu'elle pense, quelles que soient les croyances auxquelles elle adhère, elle n'échappera pas à cette issue fatidique. Pourtant, elle veut vivre; son âme y aspire, son corps l'exige.
Voilà donc l'absurdité de l'existence. Tout savoir, toute foi demeure mythique, il n'existe qu'une seule vérité au-delà du cogito cartésien: J'ai été; je suis; je ne serai plus. Le sentiment d'absurde naît du pourquoi, dans la révolte de l'être contre le non-être, dans la lutte entre le désir de vivre et la réalité de la mort. Auparavant, la personne vivait comme si elle n'allait pas mourir, comme si cela n'arrivait qu'aux autres. Au fond d'elle-même, elle refusait de croire en sa propre mort. Elle s'imaginait en seigneur du monde, elle s'inventait des dieux et des paradis comme autant de voiles pour masquer le néant. Maintenant, elle fait pleinement face à cette fondamentale absurdité: Elle veut vivre éternellement mais ne le pourra pas.

Le suicide existentiel
Cette constatation de l'absurde est appelée par Camus le suicide philosophique ou existentiel. Par cet étrange suicide, la pensée se nie elle-même car elle refuse l'absolu de la logique, de la pensée ou de la foi, elle déclare l'absurdité de l'existence et de la philosophie humaine. Elle renonce aux illusions comme à l'espoir chimérique de l'immortalité. Elle regarde froidement le néant, ce Dieu des existentialistes, et accepte qu'il n'y a pas d'explication au monde. Voilà donc cet étrange suicide; je ne puis rien blâmer sur les autres ou le monde, car les choses sont ainsi et ne changeront jamais. Je ne puis être maître que de mes actes et de mes choix. Tout le reste m'échappe, ce monde demeurera toujours au-delà de mon pouvoir.
L'acceptation de cette vision nihiliste du caractère absurde et incompréhensible du monde ne laisse à la personne que la lourde responsabilité de ses propres choix. Pourtant, elle devient libre, libre d'accepter pleinement cette responsabilité. Mais peut-on vivre avec cette si lourde liberté? Le suicide n'est-il pas la seule conséquence envisageable? Au-delà de ce suicide existentiel, le suicide tout court ne résout rien. La cessation de l'espoir permet à la personne d'accepter le présent comme son royaume, c'est-à-dire qu'elle n'a pour seule pouvoir que de vivre les conséquences de ses choix. C'est en cela que réside l'ultime liberté. Elle renonce à tout espoir, à toute illusion. Elle ne jette plus le blâme sur les autres. Le monde lui échappe, mais au moins a-t-elle le pouvoir et la fierté d'être libre. Aucun problème n'est résolu, mais chacun d'eux prend un nouveau visage.
Ce monde étranger est vu sous un regard neuf. Pour l'esprit désillusionné, la science et la logique n'ont pas plus de valeur que la tendresse, la dignité, l'amour, la créativité et l'honneur. Tout redevient subjectif. Plutôt que de choisir la mort, la personne peut choisir que c'est justement cette absurdité qui redonne à la vie toute sa valeur. On ne peut nier l'absurde, mais on peut l'accepter. La personne qui accepte pleinement l'absurde ne sombre pas dans le désespoir, pas plus qu'elle ne nourrit de faux espoirs. Elle jouit d'une liberté beaucoup plus intense qu'auparavant, bien qu'elle demeure limitée (aucune liberté n'est totale). Elle est consciente de ce qu'elle peut changer et de ce qu'elle ne peut pas changer. Elle vit le deuil de ses espoirs et de ses rêves, tout en sachant qu'elle en acquiert une plus grande liberté, car elle accepte d'être responsable de ses choix plutôt que d'en blâmer les autres ou la fatalité. «Il s'agissait précédemment de savoir si la vie devait avoir un sens pour être vécue.
Il apparaît ici au contraire qu'elle sera d'autant mieux vécue qu'elle n'aura pas de sens. Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement. Or on ne vivra pas ce destin, le sachant absurde, si on ne fait pas tout pour maintenir devant soi cet absurde mis à jour par la conscience. (...) Vivre, c'est faire vivre l'absurde. Le faire vivre, c'est avant tout le regarder. Au contraire d'Eurydice, l'absurde ne meurt que lorsqu'on s'en détourne. L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l'homme et de sa propre obscurité. Elle est exigence d'une impossible transparence. Elle remet le monde en question à chacune de ses secondes. (...) Elle n'est pas aspiration, elle est sans espoir. Cette révolte n'est que l'assurance d'un destin écrasant, moins la résignation qui devrait l'accompagner» (Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe). La révolte ne mène donc pas au suicide, elle est plutôt son contraire. Tout espoir aboli, la personne prend pleinement conscience de son être et de ses limites. Elle est consciente de l'aspect inévitable de sa mort, elle n'espère plus y échapper. L'absurde, pour être maintenu, ne peut être résolu. La personne est condamnée à mort, et c'est là sa différence d'avec le suicidé. Pour le suicidaire, la vie est sans couleur, c'est un supplice auquel il veut échapper. Le condamné à mort, au contraire, aime cette vie, qui lui est d'autant plus chère qu'il doit la quitter. Chaque moment est une source de joie, l'intensité de chaque seconde est sans pareille puisque leur nombre est limité. De plus, ces joies comme ces peines sont d'autant plus intenses qu'elles naissent de la liberté d'une personne, de son propre travail plutôt que d'une source extérieure. Le pain le meilleur est celui que l'on a pétri, même s'il est plein de cosses.
C'est là l'essence même de la liberté héroïque, celle de jouir de la souffrance qui résulte de ses propres choix. C'est la liberté des martyrs véritables, qui meurent pour une cause qu'ils ont choisi de défendre. Ils ne meurent pas avec amertume mais plutôt pleins de fierté. La vie est comme un vin rare et précieux dont chaque goutte mérite d'être savourée avec délice, délice dont la grandeur croît au fur et à mesure qu'est bu le liquide. La dernière goutte est toujours la meilleure, l'apothéose. Ce vin, doux ou amer, est d'autant plus précieux qu'il est la conséquence des choix de la personne, la distillation de sa suprême liberté.

Le mythe de Sisyphe
Sisyphe, pour s'être rebellé contre la volonté des dieux en confiant leurs secrets aux humains, fut condamné aux Enfers à pousser un énorme rocher le long d'une forte colline. Ce rocher, à peine arrivé au sommet, redescendait jusqu'en bas où Sisyphe devait reprendre son éternel fardeau. Pour les Grecs anciens, ce mythe rappelait aux mortels la folie de se rebeller contre les dieux et leur implacable justice. Camus, quant à lui, envisage Sisyphe comme un héros, celui qui se rebelle contre les lois et qui accepte gravement la responsabilité de son acte. Sisyphe pourrait espérer échapper à son destin, maudire les dieux, mais cela ne changerait en rien sa condition. Au contraire, il décide de vivre pleinement son châtiment. Sisyphe devient alors libre, car ses maux ne lui viennent plus des dieux mais de son propre choix. Il devient libre de vivre la destinée qu'il s'est choisi, libre d'accepter son châtiment. Chaque instant de cette vie difficile lui appartient. Il n'est plus condamné à monter le rocher, il choisit de le faire. Sisyphe devient maître de son rocher, de son destin. Tous deux lui appartiennent. Le travail sans fin de Sisyphe, c'est l'existence humaine. Il est inévitable comme l'est la mort. L'Homme n'est pas libre de mourir, mais il est libre de vivre. Cette vie, il peut la subir ou la faire sienne. Il peut être passif ou, comme Sisyphe, mordre à pleine dents dans chacun des instants qui la composent. Lorsque l'inévitable mort viendra le chercher, il aura eu le choix de vivre dans l'illusion et de mourir dans l'angoisse, ou au contraire de vivre librement et d'accepter avec noblesse l'inévitable achèvement de sa vie.

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