Poésie:Raymond RADIGUET
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Poésie:Raymond RADIGUET
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Amélie
Vagues charmeuses ô peut-être votre essaim
Mouille le ramage des vieux oiseaux moqueurs
Es se moquent de nous qui perdîmes un coeur
Coeur d'or que l'océan veut garder en son sein
Faire entendre raison à des âmes pareilles
En vain vous gazouillez bijoux à ses oreilles
Cher René nous savons que c'est pure folie
Ce voyage au long cours à cause d'Amélie
Moissonneur de nos mains fanées par les hivers
Les mousses se noyaient dans vos regards déserts
Auprès des matelots ce silence vous nuit
Vous devez avoir tort on ne meurt pas d'ennui
Orages sur le pont si le champagne mousse
Versons une liqueur de fantaisie au mousse
Pour nous remercier de ces verres de menthe
Il nous épellera le nom de son amante
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Au petit bonheur
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Au petit bonheur
Au-dessous de zéro
Les visages sont muets
Tant mieux tu ne saurais plus dire Au revoir
La Belle saison est ailleurs On s'y fait
Et depuis que nous avons les jeux de hasard
Il a fallu mettre une rallonge à la table
En dépit du bon sens,
Ce jour fut le plus court de l'année
Divers prénoms
Un autre bien plus joli
En vain j'effeuille l'éphéméride
Encore une année trop courte
Pour toutes les fêtes à souhaite
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Automne
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Automne
Tu le sais, inimitable fraise des bois
Comme un charbon ardent aux doigts de qui te cueille :
Leçons et rires buissonniers
Ne se commandent pas.
Chez le chasseur qui la met en joue
L'automne pense-t-elle susciter l'émoi
Que nous mettent au coeur les plus jeunes mois ?
Blessée à mort, Nature,
Et feignant encor
D'une Ève enfantine la joue
Que fardent non la pudeur mais les confitures
Ta mûre témérité
S'efforce de mériter
La feuille de vigne vierge.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Bergerie
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Bergerie
À Georges Auric
Marronniers, ainsi que l'yeuse
Quels arbres, ombrelles rieuses,
Ne se déploieraient pour fêter
Le retour du prodigue été !
L'un nous ogre un feu d'artifice
De plumes et de fleurs : orgie
Digne de Noël, tes bougies
Roses, d'autres fêtes complices,
L'encombrant cadeau, marronnier,
Pour ne point des neuves bergères
Troubler la candeur bocagère
Tu le voudrais plutôt nier.
Mais minuit allume la fête
D'où seront exclus les parents.
Un rideau de cheveux, fillette,
Fait mon désir moins apparent.
Dissimule-toi, feu des joues,
Sous la coiffure que dénoue
D'un pâtre la timide main
Feuille encor tremblante demain
Dans tes veines, bergère, un sang
Coule, mauve, avec nonchalance,
Celle des ruisseaux innocents
Chez qui le désir ne s'élance
Que lorsqu'on le leur a permis.
Tandis qu'à ton front se pâmaient
Plusieurs roses, une parmi
Ses soeurs, proche de ton oreille,
Murmure : C'est le mois de Mai,
Qui par sa bouche te conseille :
" Comme l'eau se prête à la rive
Donne ta douce peau craintive
Que quelque rayon indiscret
De lune, affirme tes ébats "
Parce que corne d'abondance
Aujourd'hui semble son croissant
La lune à qui ne suffit pas
De souligner baisers et danses,
Nous verse les plus beaux présents :
Sous des joyaux, sous des dentelles
Ensevelissant la pelouse
Qui frissonne, esclave jalouse.
Aurore ! l'herbe défrisée
Muette atteste que la belle
Usa de tout pour apaiser
La nuit dont la pâle défaite
Est soeur des lendemains de fête.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Bouquet de flammes...
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Bouquet de flammes...
Bouquet de flammes (que délie
Des faveurs l'innocent larcin)
Où se noyer en compagnie
Des colombes de la Saint Jean.
De l'eau qui ne peut en son lit
Obtenir la tranquillité,
Et des feux oisifs qui s'ennuient
Loin des lieux par Vénus hantés,
Roucoulent les vagues, singeant
Dans leur adorable colère
Un sein qui se gonfle de lait.
Ou de désir ? Plutôt cela.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Déjeuner de soleil
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Déjeuner de soleil
Ah les cornes : c'est un colimaçon.
Paresseuse, si vous voulez nous plaire,
Désormais sachez mieux votre leçon,
Nous ne sommes plus ces mauvais garçons
Ivres à jamais de boissons polaires,
Depuis que les flots vivent sans glaçons.
Seize ans : les glaces sont à la framboise.
Je ne viderai pas votre panier
Avant la mort de cette aube narquoise.
À mon âge les pleurs manquent de charme ;
J'irai près du soleil, dans le grenier,
Afin que sèchent plus vite mes larmes.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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L'école du soir
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
L'école du soir
Aurore, à nul des coeurs qui saignent,
Ne vas recommander l'école
Où buissonnière on nous enseigne
La douleur plutôt que les jeux.
Un jour, en mousse se déguise
L'espiègle Vénus, et son col
Marin fait le ciel orageux ;
Demain en maîtresse d'école,
Mais marine, non buissonnière.
Ses leçons sont plus à ma guise,
Ignorante, elle qui serait
De ses élèves la dernière !
Vénus charmant les tableaux noirs
Figure tracée à la craie,
Enfin Vénus s'effacerait,
Ligne à ligne, de nos mémoires.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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L'étoile de Vénus
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
L'étoile de Vénus
Après d'Avril la verte douche,
Dans ton hamac, dans ton étoile,
Au milieu du ciel tu te sèches.
Recommence ! d'une fessée,
Insolente, récompensée,
Sous l'étoile des maraîchers,
Leurs tombereaux de grosses roses
Que par gourmandise l'on baise,
Joues jalouses du châtiment
Que, jaillie hors du gant, ma main,
Frais jet d'eau, inflige à leurs soeurs,
Les fruits qui fondent dans la bouche
Avec le sucre du péché,
Les transporte sur nos marchés
Conduit, Vénus, par ton étoile,
En charrette, un de nos rois mages.
Ils ne t'auront pas empêchée
De prendre du ciel le chemin.
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Le rendez-vous solitaire
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Le rendez-vous solitaire
Emprunte aux oiseaux leur auberge
Au feuillage d'ardoise tendre !
Loin des fatigues, ma cycliste,
Qui t'épanouis sur nos berges,
Future fleur comme Narcisse,
Tu sembles toi-même t'attendre !
Mais pour que nul gêneur ne vienne
Je nomme la Marne gardienne,
Ô peu chaste, de tes appâts.
La Marne fera les cent pas.
Si son eau douce va semblant
Plus douce et plus chaste que d'autres,
Ses désirs pourtant sont les nôtres :
Voir bouillir à l'heure du thé
Que l'on prend en pantalon blanc,
Au soleil, ta virginité !
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Re: Poésie:Raymond RADIGUET
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Montagnes russes ou voyage de noces
À ma place
Le lecteur et sa gracieuse compagne
Aux abeilles feraient la chasse
Mon amour Le pot de miel est à moitié vide
Un ciel à peine aussi tranquille
Que le ciel de notre lit
Jeune mariée Violette
Qui souriez sous la voilette
Sans retard réclamez la terre ferme
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Nues
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Nues
Au regard frivoles les nues
Se refusent selon la nuit
Vers l'aurore sans plus de bruit
Dormez chère étoile ingénue
Sous les arbres de l'avenue
Les amours ne sont plus gratuits
Au regard frivoles les nues
Se refusent selon la nuit
Deux étoiles à demi nues
Semblables soeurs nées à minuit
Chacune son tour nous conduit
À des adresses inconnues
De vos regards frivoles nues
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Pas plus que montagnes de glace
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Pas plus que montagnes de glace
Pas plus que montagnes de glace
La haine en ces lieux où tout fond
Ne saurait se faire une place.
Puits d'amour le puits peu profond
Où niche barbouillé de crème
Le mensonge, enfant trop gâté.
Troublent-ils le ciel de ce thé,
Les laiteux nuages que j'aime ?
Peu dangereux sont ces orages.
Et seulement de chocolat
L'éclair n'annonce rien. Aussi
Ne ride nos fronts nul souci.
(Seule image de la vieillesse
Si dans son pot le lait se plisse)
Mais votre coeur sous mon regard,
Comme sous celui du soleil
Une glace aux fraises s'effondre,
Votre coeur est en train de fondre.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Quand je suis au bord de la mer
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Quand je suis au bord de la mer
Quand je suis au bord de la mer
Afin de rester toujours jeune
Comme Aphrodite je déjeune
De soleil et de lune dîne
je me sens devenir ondine
Qui joyeuse où l'onde est amère
Ne souhaite pour son sommeil
Pas d'autre oreiller que les vagues
Si sur le sable le soleil
Luit, comme perdue une barque
Plus n'ai besoin de vos attraits
Votre éponge ni votre craie,
Vénus, pour dormir éveillée
Aux âmes de larmes mouillées
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Rhénane
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Rhénane
Nous à qui ne suffisaient pas nos deux mains
Pour presser vos grappes collines du Rhin
Comme d'un sein vierge on espère le lait
Aujourd'hui que nous n'avons plus soif
Une fée anonyme
Exauce le plus éphémère de nos souhaits
Elle nous change en ponts
Ivres du vin gris qui coule sous leurs arches
Quand les nymphes du Rhin
Sous nos arches nichées
Au premier venu font les yeux doux
Lente promeneuse venue on sait d'où
Onde trop douce apaise donc tes sanglots
Il n'est que le premier venu après tout
Celui-là qui s'il répond à leur clin d'aeil
Peut de la vie faire son deuil
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
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Saule pleureur
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Saule pleureur
Il perd ses plumes perd ses larmes
Comme un coeur se vide de larmes
L'arrosoir a perdu ses plumes
Éventail au soleil fané
Loterie des mois des années
Dans l'allée le sable s'enroue
Où mon chagrin fera la roue
Jardin faut-il que tu t'en ailles
Et l'été de cet éventail
Secondé par mon petit doigt
Qui chatouille un bouton de rose
Effronté sans pourtant qu'il ose
Trop presser son éclosion
Après s'être bien amusée
La rose rentre en son cocon
La rose revêt sa chemise
Et tout est à recommencer
Et les outils dans la remise
Ensemble-jardin se lamentent
L'arrosoir voudrait sur l'amante
Verser des larmes mais la bêche
N'a pas retrouvé cette espiègle
Qui se cache sous l'herbe sèche
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Statue ou épouvantail
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Statue ou épouvantail
Les seins du marbre, mes fruits lourds
Arrondis par le lourd soleil,
S'ils rougissent, tout est perdu,
Je les nomme pommes d'amour.
C'est, entier, un verger marin,
À elle seule que Vénus ;
Verger par lui-même trahi !
Car Vénus, pendant son sommeil,
Nous livre ses secrets, ses fruits.
(Installé le moineau, corail
Sur ta branche, il la fait plier),
Heureux qui ne doute de rien !
Sans crainte, vagues, picotez
L'arbre du corail effronté
Dans son rôle d'épouvantail
Vénus manque d'autorité.
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Sur la mort d'une rose
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Sur la mort d'une rose
Cette rose qui meurt dans un vase d'argile
Attriste mon regard,
Elle paraît souffrir et son fardeau fragile
Sera bientôt épars.
Les pétales tombés dessinent sur la table
Une couronne d'or,
Et pourtant un parfum subtil et palpable
Vient me troubler encor.
J'admire avec ferveur tous les êtres qui donnent
Ce qu'ils ont de plus beau
Et qui, devant la Mort s'inclinent et pardonnent
Aux auteurs de leurs maux,
Et c'est pourquoi penché sur cette rose molle
Qui se fane pour moi,
J'embrasse doucement l'odorante corolle
Une dernière fois.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Un cygne mort...
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Un cygne mort...
Un cygne mort ne se remarque
Parmi l'écume au bord du lac.
Léda te voilà bien vengée,
Pense qu'un cygne au tien pareil
D'une aïeule charmant l'oreille
Au premier chant fut égorgé.
Son duvet emplit l'édredon
Sous lequel Léda délaissée
Informe de son abandon
Le passant qui déjà le sait.
Passez, couleurs, puisque tout passe
À la fin il reste du blanc.
Les anges en peignoir de bain
Sur le sable n'ont laissé trace
De leur passage. Et les dérange
Du chien la nuit quelque aboiement,
Le simple coup de pied d'un ange
Enseigne au chien comme l'on ment.
Et toi, mon cygne, ma tristesse,
Qu'en attendant Noël j'engraisse,
Les larmes dont ton coeur est plein
Empêchent le sang de tacher
Le sable sur lequel Léda
Pour un cygne se suicida.
Son linge, ses larmes séchés,
L'ange s'élance du tremplin.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
Vénus démasquée
- Raymond RADIGUET (1903-1923)
Vénus démasquée
Vénus non seulement me livre
Ses secrets, mais ceux de sa mère :
Jadis je regardais la mer
Comme regarderait les livres
Un enfant qui ne sait pas lire.
Vénus, sans l'aide d'une mère,
D'être venue aux cieux déments
Se vante. Il faut souffrir, déesse,
Qu'un simple élève vous démente.
M'apprendre à lire couramment
Les vagues de la mer qui sont
Maternelles rides d'un ventre,
Voilà bien de vos maladresses !
Et celle d'un naïf garçon
Est ma vengeance : pour le prix
De vos dangereuses leçons,
À me lire je vous appris.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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