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Les Poètes et l'écriture

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Message par julien Jeu 8 Avr - 18:21





Par André Laugier, Les Poètes et l'écriture.
Les Poètes et l'écriture Ecriture


ESSAI.

Les Poètes ont ce grand avantage de pouvoir faire avec la langue dont ils usent tout ce qu'ils désirent, où à peu près. Ils sont tenus, pourtant, avant d'exprimer des idées ou des sentiments, à se préoccuper du rythme, des mesures, des assonances, des allitérations. Là, réside essentiellement leur travail. En effet, la poésie est tenue par des règles précises : nombre de syllabes, rimes régulières, qui peuvent être plates, riches, croisées, embrassées, etc… C'est de cette régularité, de cette mesure difficile que naît l'harmonie, la "musique".

La poésie doit être capable d'exprimer les pensées les plus profondes que l'intelligence puisse former grâce aux mots, cas mots vivants et autonomes qui, si on les laisse suffisamment libres, savent s'arranger entre eux pour s'assembler en des vers qui exprimeront des choses dont l'homme même n'est pas conscient. Le Poète doit faire en sorte, pour que la sensibilité des mots s'imposent au poème et jouent, ainsi, en se mariant entre eux.

"Les mots font l'amour" disait A. BRETON, dans "Les Pas perdus. 1934".

Le mot à un pouvoir magique, un pouvoir de séduction puisqu'il suffit de le dire pour faire "apparaître" l'objet : il est CET objet, et possède un pouvoir divin. La poésie est donc emblématique de la pensée et de l'expression. Comme l'a écrit Jean COHEN, dans sa "Structure du langage poétique" : le Poète est celui qui ne parle pas comme tout le monde. Qui peut transgresser les règles de la langue, cette langue qui, en linguistique moderne, est basée sur une hypothèse mécanique au sein d'une théorie linguistique générale.

En poésie, combien d'anormalités sont valorisées positivement ; ses fautes devenant beautés (au pire, licences poétiques), car, la poésie, c'est l'antiprose. Plus un texte s'éloigne de la norme prosaïque, plus il se charge de poésie. Une telle conception a le mérite de souligner cette transgression dont je parlais au tout début de l'article, "transgression" qu'opère toute poésie dans la "violence" qu'elle recèle et qu'elle déploie à travailler le langage. En contre partie, elle se heurte au phénomène inhérent à toute théorie utilisant cette notion "d'écart" : comment déterminer le niveau de langue neutre et non marqué, autrement dit, la norme de la prose ?

On sait bien qu'il est quasi impossible de mesurer un écart par rapport à une norme évanescente ou inexistante. Paradoxalement, la poésie inverse un caractère fondamental du langage : l'arbitraire du signe. J. P SARTRE a beaucoup insisté sur ce point, sachant qu'on admet, depuis SAUSSURE, que le signe linguistique est constitué de deux faces indissociables : le "signifiant" (image acoustique, forme matérielle) et le "signifié" (concept). Ce lien, qui unit les deux, est arbitraire, supposant que le "signe" n'est pas motivé. Autrement dit, il n'y a aucune relation nécessaire entre le "signe" et le "référent", c'est-à-dire la réalité extra-linguistique qu'il désigne.

J'en suis amené à penser que, par rapport au Linguiste, le poète oublie "volontairement" que les mots, sont des signes arbitraires. Il fait, en sorte, comme si ces mots, au lieu de les désigner, représentaient les choses. Pour être concret, disons qu'il utilise (ou invente) leur pouvoir représentatif; n'hésitant pas à les transformer, harmonieusement, en "images" des choses.

"La véritable poésie tend toujours à une certaine imitation de ce qu'elle signifie au moyen de la matière du langage", a écrit Paul VALERY. Bien avant lui, DIDEROT proposait sa définition de la poésie par sa capacité de représentation ou d'imitation, lui aussi.

L'argumentation, chez le Poète, tient surtout, il me semble, de l'harmonie imitative qui est une affaire de sonorités et de rythmes. Les impressions visuelles ne lui sont pas, non plus, étrangères. Les Poètes, gens très sensibles, se plaisent à remotiver le sens des mots en jouant sur les phonèmes, suggérant certaines impressions en travaillant les rythmes. Mais l'interprétation, si elle se veut réussie, se fait à posteriori, autrement dit, une fois compris le sens du texte. La signification est, ensuite, projetée sur ce qu'on appelle "le matériau phonique" qui, à lui seul, ne suffit pas toujours à produire des impressions assez nettes chez le lecteur.

Gardons nous donc de tout systématisme, sachant bien qu'il s'agit d'interpréter, non de traduire.

Les Poètes peuvent un peu s'assimiler à ces Prophètes parlant sous l'impulsion de Dieu, dans une forme de structure binaire, multipliant les parallélismes, ce qui semble un modèle par excellence du langage poétique.

La poésie est "un regard" et "une musique". Elle met, en général, plus l'accent sur la signification que sur le sens, plus sur le jeu du langage que sur ce qu'il dit.

Aujourd’hui poésie et pensée nous apparaissent comme deux formes insuffisantes, nous semblent être deux moitiés de l’homme : le philosophe et le poète. L’homme entier n’est pas dans la philosophie ; la totalité de l’humain n’est pas dans la poésie. Dans la poésie nous trouvons directement l’homme concret, individuel. Dans la philosophie l’homme dans son histoire universelle, dans son vouloir être. La poésie est rencontre, don, découverte par la grâce. La philosophie quête, recherche guidée par une méthode. L’imagination poétique est, en fait, l’imagination transcendantale.

Le philosophe ne peut se réclamer d'une spécialité, ni d'un métier, encore moins d'une discipline universitaire, car la philosophie est une dimension constitutive de l'existence humaine. Le philosophe vit dans le questionnement radical, en quête de la vérité globale ou ultime (et non, comme dans les sciences, par exemple, de telle ou telle vérité particulière). Il évolue dans la réflexivité, qui est le retour sur soi de l'esprit ou de la raison. Autrement dit : la pensée de la pensée. Il médite sur sa propre histoire et sur celle de l'humanité, recherchant la plus grande cohérence possible, la plus grande rationalité dans l'art de la raison qui déboucherait sur un "art" de vivre, et toujours dans l'élaboration de thèses, d'arguments, de théories. Mais n'oublions pas que le philosophe est aussi le critique des illusions, des préjugés, des idéologies, car toute philosophie est un combat. Son arme ? la raison. Ses ennemis ? le fanatisme, l'obscurantisme (ou la philosophie des "autres"). Ses alliés ? Les sciences. Son objet ? Le tout, avec l'homme dedans. Ou l'homme, mais dans le tout. Son but ? la sagesse, le bonheur, mais dans la vérité.

Kant, dans un passage fameux de "La logique", résumait le domaine de la philosophie en quatre questions :

- Que puis-je savoir ?
- Que dois-je faire ?
- Que m'est-il permis d'espérer ?
- Qu'est-ce que l'homme ?


On se rend compte que les trois premières questions se rapportent à la dernière. Mais il y en a une cinquième, je pense, qui est fondamentale :

- Comment vivre ?

Parce qu'en fait, dès qu'on essaie de répondre intelligemment à cette question, on se rend compte qu'on fait de la philosophie, tout simplement.

EPICURE, en son temps, avait proposé une réponse : "La philosophie est une activité, qui, par des discours et des raisonnements, nous procure la vie heureuse". N'est-ce pas là l'essentiel vers où tout se recoupe et où tout converge ? Le bonheur est un but ; la philosophie, le chemin. Bon voyage à tous, mes Amis.
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