Touaregs
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Touaregs
Notre écriture à nous, au Hoggar,
est une écriture de nomades
parce qu'elle est tout en bâtons
qui sont les jambes de tous les troupeaux.
Jambes d'hommes, jambes de méhara,
de zébus, de gazelles,
tout ce qui parcourt le désert.
Et puis les croix disent si tu vas à droite
ou à gauche. Et les points, tu vois, il y a
beaucoup de points. Ce sont les étoiles
pour nous conduire la nuit, parce que nous,
les Sahariens,
nous ne connaissons que la route,
la route qui a pour guide, tour à tour,
le soleil et puis les étoiles.
Et nous partons de notre coeur,
et nous tournons autour de lui
en cercles de plus en plus grands,
pour enlacer les autres coeurs
dans un cercle de vie, comme l'horizon
autour de ton troupeau et de toi-même."
(Transcription d'un poème touareg)
est une écriture de nomades
parce qu'elle est tout en bâtons
qui sont les jambes de tous les troupeaux.
Jambes d'hommes, jambes de méhara,
de zébus, de gazelles,
tout ce qui parcourt le désert.
Et puis les croix disent si tu vas à droite
ou à gauche. Et les points, tu vois, il y a
beaucoup de points. Ce sont les étoiles
pour nous conduire la nuit, parce que nous,
les Sahariens,
nous ne connaissons que la route,
la route qui a pour guide, tour à tour,
le soleil et puis les étoiles.
Et nous partons de notre coeur,
et nous tournons autour de lui
en cercles de plus en plus grands,
pour enlacer les autres coeurs
dans un cercle de vie, comme l'horizon
autour de ton troupeau et de toi-même."
(Transcription d'un poème touareg)
Dernière édition par Yonlihinza Amadou le Dim 28 Mar - 5:51, édité 1 fois
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
Re: Touaregs
Langage de chameaux
Pour les tribus de l'Aïr, le chameau n'est pas seulement un moyen de transport, c'est aussi un compagnon de route, et une source inépuisable de renseignements.
La vie en brousse se trouve donc souvent conditionnée par le comportement des chameaux ; les nomades savent interpréter le moindre de leurs gestes, et certains même n'hésitent pas à dire que leur chameau leur parle.
Ainsi, par exemple, lorsque le matin de bonne heure, un chameau contourne le camp plusieurs fois et vient s'agenouiller en blatérant face à la tente de son maître, il annonce des étrangers.
Lorsqu'un chameau renifle l'air à l'Est et garde cette position depuis l'autore jusqu'à une certaine heure de la matinée, il annonce l'orage.
Quand un chameau en rut ne veut pas aller avec ses femelles dans une direction donnée, c'est qu'il a senti la présence d'un autre troupeau avec un autre mâle, et cela dans un rayon d'une trentaine de kilomètres.
Pendant les transhumances, ce sont aussi les chameaux qui renseignent les éleveurs sur la localisation des pâturages et la présence de l'eau.
Lorsqu'un chameau de selle ne veut pas lever le cou et reste allongé pendant qu'on le harnache, il avertit son propriétaire qu'il va au-devant de problèmes, qu'il ferait mieux de renoncer à son voyage et de rester sous sa tente à boire du thé.
C'est de cette manière aussi que les nomades arrivent à échapper, grâce aux enseignements du comportement de leurs chameaux, à toutes sortes de tracasseries et de dangers ; ainsi au moindre signe, ils n'hésiteront pas à lever rapidement le camp, pour éviter les percepteurs d'impôts et les gardes forestiers, ou pour cacher les dépouilles des animaux sauvages illégalement capturés.
C'est sans doute ce qui explique l'attachement particulier que les populations de l'Aïr ont pour cet animal, une affection qui ne s'est pas démentie de nos jours, même à l'époque de l'automobile.
Pour les tribus de l'Aïr, le chameau n'est pas seulement un moyen de transport, c'est aussi un compagnon de route, et une source inépuisable de renseignements.
La vie en brousse se trouve donc souvent conditionnée par le comportement des chameaux ; les nomades savent interpréter le moindre de leurs gestes, et certains même n'hésitent pas à dire que leur chameau leur parle.
Ainsi, par exemple, lorsque le matin de bonne heure, un chameau contourne le camp plusieurs fois et vient s'agenouiller en blatérant face à la tente de son maître, il annonce des étrangers.
Lorsqu'un chameau renifle l'air à l'Est et garde cette position depuis l'autore jusqu'à une certaine heure de la matinée, il annonce l'orage.
Quand un chameau en rut ne veut pas aller avec ses femelles dans une direction donnée, c'est qu'il a senti la présence d'un autre troupeau avec un autre mâle, et cela dans un rayon d'une trentaine de kilomètres.
Pendant les transhumances, ce sont aussi les chameaux qui renseignent les éleveurs sur la localisation des pâturages et la présence de l'eau.
Lorsqu'un chameau de selle ne veut pas lever le cou et reste allongé pendant qu'on le harnache, il avertit son propriétaire qu'il va au-devant de problèmes, qu'il ferait mieux de renoncer à son voyage et de rester sous sa tente à boire du thé.
C'est de cette manière aussi que les nomades arrivent à échapper, grâce aux enseignements du comportement de leurs chameaux, à toutes sortes de tracasseries et de dangers ; ainsi au moindre signe, ils n'hésiteront pas à lever rapidement le camp, pour éviter les percepteurs d'impôts et les gardes forestiers, ou pour cacher les dépouilles des animaux sauvages illégalement capturés.
C'est sans doute ce qui explique l'attachement particulier que les populations de l'Aïr ont pour cet animal, une affection qui ne s'est pas démentie de nos jours, même à l'époque de l'automobile.
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
Re: Touaregs
Ma tatiwey tarha
Shashwas flerinet.
Tamiditin ge gham
Tanfust gharid an net
Elis Kala t-illa
Adew d-amidin net
Ihanay a yagin
Itwar dagh ulhin net.
Shashwas flerinet.
Tamiditin ge gham
Tanfust gharid an net
Elis Kala t-illa
Adew d-amidin net
Ihanay a yagin
Itwar dagh ulhin net.
Chanson du guitariste
Hasso ag Akotey
Traduction
l'amour
Mon amie,l'amour
sa connaissance.
est rigoureuse,
Elle rejette l'infidélité.
Mon amie surtout
N'oublie pas l'amour;
Arrose lui ses fleurs.
Je te conte enfin
Une histoire d'amour.
Celle d'un homme
En compagnie de son ami.
Il vut pleine des choses
Qu'il garde dans son coeur
Hasso ag Akotey
Traduction
l'amour
Mon amie,l'amour
sa connaissance.
est rigoureuse,
Elle rejette l'infidélité.
Mon amie surtout
N'oublie pas l'amour;
Arrose lui ses fleurs.
Je te conte enfin
Une histoire d'amour.
Celle d'un homme
En compagnie de son ami.
Il vut pleine des choses
Qu'il garde dans son coeur
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
sagesse touareg
Un seul bois ne suffit pas pour allumer le feu
Un vieux assis voit plus loin qu’un chien debout
L’espoir habite le touareg s’il y a de l’eau
Si tu les vois vivre dans l’abondance sache qu’ils ont de l’eau en abondance
Le soleil ne se cache pas d’un seul doigt
Un vieux assis voit plus loin qu’un chien debout
L’espoir habite le touareg s’il y a de l’eau
Si tu les vois vivre dans l’abondance sache qu’ils ont de l’eau en abondance
Le soleil ne se cache pas d’un seul doigt
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
massacrer des gazelles
Assassiner la beauté : chekib abdessalam
D e l’Akakous à Zagora, de Oualata à Sidi Okba, de l’Ennedi à la vallée de l’Eau, les rumeurs d’exactions s’amplifièrent jusqu’à devenir descriptions de massacres. Entre Tafedest, Aleqsod et Tin Ghergho, les provocations systématisées causent des replis, des disparitions, des extinctions. Les massacres, de gazelles surtout, par turbo-injection ou diesel électronique interposé, redoublent de plus belle. Le tout-terrain de l’arbre à came et du double pont, par huit unités déployées en large, balaye les grands plateaux de l’ongulé. Au volant, les charmants fossoyeurs de la beauté sauvage se régalent. Ils violent le supplicié. Ils ont éradiqué l’antilope addax.
A ux contrées des splendeurs absolument irradiées, l’automobile devient l’instrument de mains assassines. Les initiés de la gibecière s’en donnèrent à cœur joie. Faux Marco Polo indignes, pseudo-Vasco de Gama, fabulateurs sans probité en herbe, indignes suiveurs incendiaires de Christophe Colomb, innombrables soldats de convoitise, troupe de galion, les néophytes de la rapine et de la musette, équipés de magellans, ces systèmes de navigation par satellite, indisciplinés, brutaux, s’adonnèrent gaillardement à la tuerie, protégés par le droit d’épave et les surstaries, rivés à leur télécommande, à la glue cybernétique et à l’esbroufe cynégétique. Dès que l’engin est éloigné d’une masse de métal, l’antenne dépliée et la mise en orbite ajustée, les puces du magellan captent les quatre dominos requis de l’espace interstellaire. Tout ce qui bouge est mort.
L es chauffeurs des géologues en mal de prospection l’attestent vigoureusement. Ils n’avaient pas toute leur tête en ce temps. Ils ne jouissaient pas de toutes leurs facultés. Fangios, acrobates des dunes labourées, touristes intrépides, professionnels de la gâchette ou du tracking, pervers repentis, ils avouent, parfois, leurs méfaits, leur rodéo, quand, peu dérangés, ils prennent conscience du macabre résultat.
I ls se voient opposer la résistance et la réprobation cinglante de touristiques âmes sensibles qui refusent tout net de participer au festin lorsque les bêtes sont dépecées au bivouac. Après les larmes de la course-poursuite, après l’éclatement des cœurs et la déchirure des poumons. Après la gabegie d’un feu embrasant des quintaux de bois mort dans des zones où il reste non renouvelable, ayant échoué là par la magie des fleuves antiques. Fureurs, colères, emportant tout sur leur passage, lambeaux de berges, bois mort, limon et bourbe détritique, ils ramenaient des branches et des arbres arrachés de la koudia, cette incartade, cet écart échevelé des sommets, château d’eau du désert, réserve biologique, biosphère cristallogène, coagulum de la transparence d’une vie préservée. Cet étage climatique supérieur des reliques d’un patrimoine, les journalistes bien intentionnés, pourtant experts en langue de bois, le qualifieront de majestueux et fragile.
Q uelques instants fatidiques, sans surveillance, auront suffi. Lorsque leur nouvel ennemi surgit d’un fatras de klaxons et de lueurs de projecteurs antibrouillards, d’autOcollants, de slogans et formules toutes faites, conçues par les marchands fluorescents d’un autre continent, les animaux et les plantes du désert étaient déjà fort occupés à lutter contre la sécheresse de deux mille ans qui sévissait. Pas de pluies dignes de ce nom depuis plus de trente ans. Bientôt, on pourra crier " quarante ans, ça suffit ". Poursuivre, pourchasser, torturer, lapider, devient le lot quotidien. Il n’y a qu’à régler le commutateur.
S ur fond de pneus à crampons usés, dans un paysage mouvant de dunes émouvantes, le vent protège la belle Tamada de l’épouvante, la réserve d’eau flanquée d’ombre, la dernière des gueltas au balcon féerique des falaises orientales d’un tassili Tim Missao.
D e l’Akakous à Zagora, de Oualata à Sidi Okba, de l’Ennedi à la vallée de l’Eau, les rumeurs d’exactions s’amplifièrent jusqu’à devenir descriptions de massacres. Entre Tafedest, Aleqsod et Tin Ghergho, les provocations systématisées causent des replis, des disparitions, des extinctions. Les massacres, de gazelles surtout, par turbo-injection ou diesel électronique interposé, redoublent de plus belle. Le tout-terrain de l’arbre à came et du double pont, par huit unités déployées en large, balaye les grands plateaux de l’ongulé. Au volant, les charmants fossoyeurs de la beauté sauvage se régalent. Ils violent le supplicié. Ils ont éradiqué l’antilope addax.
A ux contrées des splendeurs absolument irradiées, l’automobile devient l’instrument de mains assassines. Les initiés de la gibecière s’en donnèrent à cœur joie. Faux Marco Polo indignes, pseudo-Vasco de Gama, fabulateurs sans probité en herbe, indignes suiveurs incendiaires de Christophe Colomb, innombrables soldats de convoitise, troupe de galion, les néophytes de la rapine et de la musette, équipés de magellans, ces systèmes de navigation par satellite, indisciplinés, brutaux, s’adonnèrent gaillardement à la tuerie, protégés par le droit d’épave et les surstaries, rivés à leur télécommande, à la glue cybernétique et à l’esbroufe cynégétique. Dès que l’engin est éloigné d’une masse de métal, l’antenne dépliée et la mise en orbite ajustée, les puces du magellan captent les quatre dominos requis de l’espace interstellaire. Tout ce qui bouge est mort.
L es chauffeurs des géologues en mal de prospection l’attestent vigoureusement. Ils n’avaient pas toute leur tête en ce temps. Ils ne jouissaient pas de toutes leurs facultés. Fangios, acrobates des dunes labourées, touristes intrépides, professionnels de la gâchette ou du tracking, pervers repentis, ils avouent, parfois, leurs méfaits, leur rodéo, quand, peu dérangés, ils prennent conscience du macabre résultat.
I ls se voient opposer la résistance et la réprobation cinglante de touristiques âmes sensibles qui refusent tout net de participer au festin lorsque les bêtes sont dépecées au bivouac. Après les larmes de la course-poursuite, après l’éclatement des cœurs et la déchirure des poumons. Après la gabegie d’un feu embrasant des quintaux de bois mort dans des zones où il reste non renouvelable, ayant échoué là par la magie des fleuves antiques. Fureurs, colères, emportant tout sur leur passage, lambeaux de berges, bois mort, limon et bourbe détritique, ils ramenaient des branches et des arbres arrachés de la koudia, cette incartade, cet écart échevelé des sommets, château d’eau du désert, réserve biologique, biosphère cristallogène, coagulum de la transparence d’une vie préservée. Cet étage climatique supérieur des reliques d’un patrimoine, les journalistes bien intentionnés, pourtant experts en langue de bois, le qualifieront de majestueux et fragile.
Q uelques instants fatidiques, sans surveillance, auront suffi. Lorsque leur nouvel ennemi surgit d’un fatras de klaxons et de lueurs de projecteurs antibrouillards, d’autOcollants, de slogans et formules toutes faites, conçues par les marchands fluorescents d’un autre continent, les animaux et les plantes du désert étaient déjà fort occupés à lutter contre la sécheresse de deux mille ans qui sévissait. Pas de pluies dignes de ce nom depuis plus de trente ans. Bientôt, on pourra crier " quarante ans, ça suffit ". Poursuivre, pourchasser, torturer, lapider, devient le lot quotidien. Il n’y a qu’à régler le commutateur.
S ur fond de pneus à crampons usés, dans un paysage mouvant de dunes émouvantes, le vent protège la belle Tamada de l’épouvante, la réserve d’eau flanquée d’ombre, la dernière des gueltas au balcon féerique des falaises orientales d’un tassili Tim Missao.
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
L'Homme Bleu
L'Homme Bleu recommença à lisser le sable.
Il dessina sur la surface plane un petit cercle,
puis un cercle plus grand,
à l'intérieur duquel il traça plusieurs circonférences.
- Lorsque tu marches dans le désert,
reprit-il en pointant son doigt sur le petit cercle,
tu rencontres souvent des ossements.
Certains viennent des temps reculés,
quand les Hommes d'Hier habitaient ce monde.
De loin, quand on aperçoit ces gros cailloux blancs,
personne n'imagine qu'ils étaient entourés de chair
et qu'ils portaient un animal.
C'est cela le grand mouvement de la vie,
le passage de la chair à la pierre et au sable.
L'Homme Bleu planta son doigt au centre du petit cercle.
- Ce n'est pas de cela que je voulais te parler,
mais seulement te dire que quand un animal
ou un homme s'éloigne des autres,
il devient une proie
et bientôt son corps est comme un tas de pierres sèches.
Les rapaces ont nettoyé sa charogne
jusqu'au dernier morceau de chair.
Quand les hommes ne sont pas rassemblés
dans une famille, un clan, une tribu, un peuple,
ils sont perdus.
De son doigt, il montra le grand cercle.
- Les voilà ensemble, dit-il.
Si un jour, demain ou un autre jour, à ton prochain voyage,
si tu sens le besoin de revenir ...
Il s'interrompit.
- Car on éprouve toujours le désir de retrouver le désert.
On a eu les lèvres éclatées,
les orteils déchirés par la poussière tranchante,
les talons percés de plaies,
on a dormi recroquevillé.
Mais celui qui est venu n'oublie pas.
Il s'est couché sous les étoiles,
et elles ne brillent jamais plus fort qu'au-dessus du désert.
La nuit n'est nulle part aussi noire et aussi brillante,
et c'est ici que tu entends le silence.
Le désert est le seul lieu du monde
où l'on reste propre sans se laver,
et cela des mois durant.
Le vent et le sable nettoient jusqu'à l'os.
Ils arrachent la peau.
Ils laissent l'homme nu, comme écorché.
Ou son âme est forte,
et il ose regarder ce qu'il est,
ou bien il se lamente.
Il parle et sa bouche devient sèche.
Les puits sont loin.
Alors, il court, seul.
Il abandonne les siens,
et les rapaces commencent à le suivre.
D'abord ils volent très haut, autour de lui,
puis, au fur et à mesure que son allure faiblit,
ils se rapprochent.
Et quand il tombe, ils sont là,
à battre des ailes et à crier autour.
Bientôt, ils se posent sur ses épaules
et commencent à le picorer,
crevant ses yeux à coups de bec,
enfonçant leurs serres dans la peau.
Il avait en parlant éloigné son doigt du grand cercle.
- Toi et les tiens, vous êtes comme cet homme-là.
Dans vos pays,
l'eau coule comme si les sources ne pouvaient jamais se tarir.
Vous ne pouvez rester une heure sans vous laver.
Et vous êtes sales.
L'air que vous respirez apparemment ne brûle pas la peau.
Et pourtant il y a sur votre visage et sur vos mains,
à l'intérieur de votre corps,
une couche noire,
et c'est pour cela qu'il vous faut de l'eau.
L'Homme Bleu se frotta les mains, comme s'il les lavait.
- Mais vos mains restent couvertes de cette couche noire,
même quand votre peau semble blanche.
Ici, celui qui croit aux apparences meurt.
Celui qui ne marche pas aux côtés des autres devient charogne.
Celui qui ne prête pas sa main pour aider l'autre
se condamne à ne pas être secouru.
Et chacun sait qu'il aura un jour besoin de quelqu'un.
L'Homme Bleu secoua la tête,
ce qu'il ne faisait que rarement
tant il était économe de chacun de ses gestes,
de chaque mouvement de son corps.
- Ici, tu apprends que la solitude est la pire condamnation
dont on puisse accabler un homme.
Elle le conduit à la mort.
Toi et les tiens, vous croyez pouvoir agir seul,
comme des dieux.
C'est pour cela que vous ne priez plus ensemble
et que les lieux où jadis vous honoriez Dieu sont vides,
comme des puits ou des forts abandonnés.
L'Homme Bleu ouvrit les mains,
montrant ses paumes dont la peau était claire,
presque rose.
- Vous avez oublié que l'homme n'est pas Dieu, dit-il,
et qu'il est perdu s'il croit qu'il en a les pouvoirs.
Il montra à nouveau toutes les petites circonférences
que le grand cercle contenait.
- Si un jour, demain ou un autre jour, reprit-il, tu vas dans une oasis,
tu verras les troupeaux rassemblés.
Ils viennent là pour s'abreuver.
Le sable est recouvert par une couche épaisse
de tout ce que les animaux rejettent,
puis piétinent en se pressant les uns contre les autres pour boire.
Chaque animal est au côté de son semblable.
Les vaches des tribus peules vont ensemble à l'abreuvoir.
Et il en est de même des moutons,
des chèvres ou des chameaux.
Les animaux de chaque espèce restent entre eux.
Il posa la main sur sa poitrine.
- L'homme est différent, continua-t-il.
Tu es ici avec nous, toi qui viens d'ailleurs.
Mais crois-tu que tu puisses devenir un homme du désert ?
Tu as une âme qui est à toi
et qui, depuis les Hommes d'Hier de ton monde,
a été sculptée jour après jour.
Si tu y renonces,
si tu crois pouvoir changer d'âme
comme on change de voile de front et de bouche,
tu te trompes.
Il faudra que le vent transforme en sable
toutes les montagnes de l'Aïr, du Tassili ou du Hoggar,
pour que les hommes aient oublié ce qu'ils sont,
et appartiennent au même troupeau.
Celui qui renonce à sa mémoire aujourd'hui
n'est plus rien qu'un homme seul et perdu.
Le serpent n'est pas une autruche,
et tu n'es pas un homme du désert ...
L'Homme Bleu effaça les cercles sur le sable.
Il se redressa. Le vent avait cessé de souffler.
D'un mouvement lent, il rejeta les pans de la tente,
et le froid vif se glissa sous le toit.
- Le vent s'est enfui, mais le froid demeure, dit l'Homme Bleu.
Dehors, dans la voûte noire du ciel,
les grandes traînées blanchâtres
constituées d'étoiles innombrables partageaient la nuit.
- C'est la grande caravane, indiqua l'Homme Bleu en les désignant.
Celui qui les a créées a donné aux hommes
le moyen de trouver leur chemin.
Il s'assit sur le sable, traça du bout du doigt
une longue ligne droite.
- Si tu ne retiens de ma parole que quelques mots, dit-il,
que ce soient ceux-ci :
"Marche en avant de toi-même,
comme le premier chameau de la caravane
Il dessina sur la surface plane un petit cercle,
puis un cercle plus grand,
à l'intérieur duquel il traça plusieurs circonférences.
- Lorsque tu marches dans le désert,
reprit-il en pointant son doigt sur le petit cercle,
tu rencontres souvent des ossements.
Certains viennent des temps reculés,
quand les Hommes d'Hier habitaient ce monde.
De loin, quand on aperçoit ces gros cailloux blancs,
personne n'imagine qu'ils étaient entourés de chair
et qu'ils portaient un animal.
C'est cela le grand mouvement de la vie,
le passage de la chair à la pierre et au sable.
L'Homme Bleu planta son doigt au centre du petit cercle.
- Ce n'est pas de cela que je voulais te parler,
mais seulement te dire que quand un animal
ou un homme s'éloigne des autres,
il devient une proie
et bientôt son corps est comme un tas de pierres sèches.
Les rapaces ont nettoyé sa charogne
jusqu'au dernier morceau de chair.
Quand les hommes ne sont pas rassemblés
dans une famille, un clan, une tribu, un peuple,
ils sont perdus.
De son doigt, il montra le grand cercle.
- Les voilà ensemble, dit-il.
Si un jour, demain ou un autre jour, à ton prochain voyage,
si tu sens le besoin de revenir ...
Il s'interrompit.
- Car on éprouve toujours le désir de retrouver le désert.
On a eu les lèvres éclatées,
les orteils déchirés par la poussière tranchante,
les talons percés de plaies,
on a dormi recroquevillé.
Mais celui qui est venu n'oublie pas.
Il s'est couché sous les étoiles,
et elles ne brillent jamais plus fort qu'au-dessus du désert.
La nuit n'est nulle part aussi noire et aussi brillante,
et c'est ici que tu entends le silence.
Le désert est le seul lieu du monde
où l'on reste propre sans se laver,
et cela des mois durant.
Le vent et le sable nettoient jusqu'à l'os.
Ils arrachent la peau.
Ils laissent l'homme nu, comme écorché.
Ou son âme est forte,
et il ose regarder ce qu'il est,
ou bien il se lamente.
Il parle et sa bouche devient sèche.
Les puits sont loin.
Alors, il court, seul.
Il abandonne les siens,
et les rapaces commencent à le suivre.
D'abord ils volent très haut, autour de lui,
puis, au fur et à mesure que son allure faiblit,
ils se rapprochent.
Et quand il tombe, ils sont là,
à battre des ailes et à crier autour.
Bientôt, ils se posent sur ses épaules
et commencent à le picorer,
crevant ses yeux à coups de bec,
enfonçant leurs serres dans la peau.
Il avait en parlant éloigné son doigt du grand cercle.
- Toi et les tiens, vous êtes comme cet homme-là.
Dans vos pays,
l'eau coule comme si les sources ne pouvaient jamais se tarir.
Vous ne pouvez rester une heure sans vous laver.
Et vous êtes sales.
L'air que vous respirez apparemment ne brûle pas la peau.
Et pourtant il y a sur votre visage et sur vos mains,
à l'intérieur de votre corps,
une couche noire,
et c'est pour cela qu'il vous faut de l'eau.
L'Homme Bleu se frotta les mains, comme s'il les lavait.
- Mais vos mains restent couvertes de cette couche noire,
même quand votre peau semble blanche.
Ici, celui qui croit aux apparences meurt.
Celui qui ne marche pas aux côtés des autres devient charogne.
Celui qui ne prête pas sa main pour aider l'autre
se condamne à ne pas être secouru.
Et chacun sait qu'il aura un jour besoin de quelqu'un.
L'Homme Bleu secoua la tête,
ce qu'il ne faisait que rarement
tant il était économe de chacun de ses gestes,
de chaque mouvement de son corps.
- Ici, tu apprends que la solitude est la pire condamnation
dont on puisse accabler un homme.
Elle le conduit à la mort.
Toi et les tiens, vous croyez pouvoir agir seul,
comme des dieux.
C'est pour cela que vous ne priez plus ensemble
et que les lieux où jadis vous honoriez Dieu sont vides,
comme des puits ou des forts abandonnés.
L'Homme Bleu ouvrit les mains,
montrant ses paumes dont la peau était claire,
presque rose.
- Vous avez oublié que l'homme n'est pas Dieu, dit-il,
et qu'il est perdu s'il croit qu'il en a les pouvoirs.
Il montra à nouveau toutes les petites circonférences
que le grand cercle contenait.
- Si un jour, demain ou un autre jour, reprit-il, tu vas dans une oasis,
tu verras les troupeaux rassemblés.
Ils viennent là pour s'abreuver.
Le sable est recouvert par une couche épaisse
de tout ce que les animaux rejettent,
puis piétinent en se pressant les uns contre les autres pour boire.
Chaque animal est au côté de son semblable.
Les vaches des tribus peules vont ensemble à l'abreuvoir.
Et il en est de même des moutons,
des chèvres ou des chameaux.
Les animaux de chaque espèce restent entre eux.
Il posa la main sur sa poitrine.
- L'homme est différent, continua-t-il.
Tu es ici avec nous, toi qui viens d'ailleurs.
Mais crois-tu que tu puisses devenir un homme du désert ?
Tu as une âme qui est à toi
et qui, depuis les Hommes d'Hier de ton monde,
a été sculptée jour après jour.
Si tu y renonces,
si tu crois pouvoir changer d'âme
comme on change de voile de front et de bouche,
tu te trompes.
Il faudra que le vent transforme en sable
toutes les montagnes de l'Aïr, du Tassili ou du Hoggar,
pour que les hommes aient oublié ce qu'ils sont,
et appartiennent au même troupeau.
Celui qui renonce à sa mémoire aujourd'hui
n'est plus rien qu'un homme seul et perdu.
Le serpent n'est pas une autruche,
et tu n'es pas un homme du désert ...
L'Homme Bleu effaça les cercles sur le sable.
Il se redressa. Le vent avait cessé de souffler.
D'un mouvement lent, il rejeta les pans de la tente,
et le froid vif se glissa sous le toit.
- Le vent s'est enfui, mais le froid demeure, dit l'Homme Bleu.
Dehors, dans la voûte noire du ciel,
les grandes traînées blanchâtres
constituées d'étoiles innombrables partageaient la nuit.
- C'est la grande caravane, indiqua l'Homme Bleu en les désignant.
Celui qui les a créées a donné aux hommes
le moyen de trouver leur chemin.
Il s'assit sur le sable, traça du bout du doigt
une longue ligne droite.
- Si tu ne retiens de ma parole que quelques mots, dit-il,
que ce soient ceux-ci :
"Marche en avant de toi-même,
comme le premier chameau de la caravane
Yonlihinza Amadou- Nombre de messages : 432
Date d'inscription : 26/06/2008
Re: Touaregs
Ce que tu nous offres là est magnifique de poèsie et d'authenticité.
Né aux portes du desert, forestier de métier, je porte une plaie béante et traine un sentiment douloureux d'impuissance devant les massacres causés par les braconniers, particulièrement ces émirs moyen-orientaux suréquipés qui détruisent la faune sauvage de mon pays avec la bénédiction de nos dirigeants véreux qui foulent aux pieds les lois de leur pays pour plaire à des satrapes immoraux.
Le langage des dromadaires me renvoie à ma jeunesse nomade, les dictons sont miens et la sagesse de l'homme bleu éclaire mon chemin !
Une question: qui est Chekib Abdessalam ?
Grand merci, Amadou et continue à nous offrir ces perles d'authenticité qui nous changent des poèmes "touristiques" sur le desert !
Né aux portes du desert, forestier de métier, je porte une plaie béante et traine un sentiment douloureux d'impuissance devant les massacres causés par les braconniers, particulièrement ces émirs moyen-orientaux suréquipés qui détruisent la faune sauvage de mon pays avec la bénédiction de nos dirigeants véreux qui foulent aux pieds les lois de leur pays pour plaire à des satrapes immoraux.
Le langage des dromadaires me renvoie à ma jeunesse nomade, les dictons sont miens et la sagesse de l'homme bleu éclaire mon chemin !
Une question: qui est Chekib Abdessalam ?
Grand merci, Amadou et continue à nous offrir ces perles d'authenticité qui nous changent des poèmes "touristiques" sur le desert !
senelbi- Nombre de messages : 89
loisirs : lecture, randonnée
Humeur : égale ?
Date d'inscription : 03/02/2010
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