Frough Farrokhzad
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Frough Farrokhzad
Étrange personnage que cette poétesse, de plus en plus rebelle, qui respirait la liberté à travers tous les pores de sa peau. Celle qui, en partant de la revendication de sa liberté, avant tout en tant que femme, est arrivée à la nécessité de la libération sociale. Quel dommage qu'un accident de voiture ait interrompu son envol. Heureusement elle avait juste trouvé le temps de nous rappeler : "Souviens-toi de l'envol, l'oiseau est périssable". Ainsi elle est partie à seulement 32 ans, en 1967.
Elle est née en hiver (janvier), à l'exception de ses étreintes ô combien amoureuses, a vécue essentiellement en hiver, pour partir finalement en hiver. J'en veux pour preuve les noms qu'elle a choisis pour ses recueils : "captive" (publié à 18 ans), "mur", "rébellion", et " croyons au commencement de la saison froide". Ce n'est pas par hasard qu'elle avait froid :
...
J'ai froid
J'ai froid, en on dirait que je ne me réchaufferai jamais
Ami, ô le plus unique des amis, "ce vin avait combien d'années ?"
Regarde ici
Que le temps est pesant
Et comment les poissons rongeront ma chair
Pourquoi toujours tu me garde au fond de la mer
J'ai froid et je déteste les boucles d'oreille en nacre
J'ai froid et je sais que de toutes les illusions rouges d'un coquelicot sauvage
à part quelques gouttes de sang
Rien ne restera sur place.
Ailleurs, c'est ainsi qu'elle se présente :
Et ceci est moi
Une femme seule,
Au seuil d'une saison froide,
Au commencement de la compréhension de l'existence polluée de la Terre
Et l'impuissance de ces mains de ciment.
Le temps est passé
Le temps est passé et l'horloge a sonné quatre fois
Aujourd'hui est le premier jour de l'hiver.
Je saisis le secret des saisons
Le sauveur s'est endormi dans la tombe
Et la terre, la terre accueillante
Est un signal au calme
...
Ce n'est qu'après sa mort que l'histoire de son pays s'est emballée. Et le fait que l'instauration d'un régime théocratique nous a aidé à découvrir son avant-gardisme n'est paradoxal qu'en apparence. Il est vrai que le progrès social (comme le cours d'eau en liberté !) a une prédilection pour les chemins tortueux ! Ainsi, à posteriori, il peut nous sembler que la République islamique a su tailler convenablement ce diamant brut pour les gens de la rue !
Sans trop de risques, on peut affirmer que l'avenir appartient aux femmes de sa trempe. Ainsi (à condition de sauvegarder l'indépendance politique), l'aspect profondément révolutionnaire de sa poésie pourra pénétrer les maisons les plus reculées dans les années à venir (d'ores et déjà les éloges et hommages ont commencé, mais il faut du temps pour qu'un tel phénomène prenne corps et devienne "populaire" !).
Probablement vous savez que le titre du film de Kiarostami, "le vent nous emportera", est tiré d'un de ses poèmes (voir la traduction française de ce poème sur son site officiel). C'est à juste titre que Kiarostami établit un lien de parenté entre Frough et Khayyâm (voyez aussi la bonne feuille consacrée au hédonisme).
Comme les autres poètes sur cette branche, elle aimait la vie et la chérissait :
La vie
Ô vie ! C'est moi qui,
Malgré toute la futilité, suis débordante de toi
Je ne songe ni à couper le fil,
Ni à m'échapper de toi
Toutes les particules de mon corps terrestre
Se consument de toi, Ô poésie chaleureuse
Elles ressemblent aux cieux clairs
Qui sont remplis jusqu'à ras bords du vin du jour
Avec des milliers de bourgeons,
Le bouquet d'églantine chante ton hymne
Chaque brise dans le jardin
Lui porte ton salut
Je te cherche dans toi-même
Et non dans les rêveries illusoires
J'ai durement fouillé dans tes deux mains
Je suis devenue remplie, remplie de Beauté
Remplie des chants noirs
Remplie des chants blancs
Des milliers de flammes d'envie
Des milliers d'étincelles d'espoir
Hélas aux jours, quand, en colère
Je t'ai regardé comme ennemie
J'ai pris ta ruse pour absurde
Je t'ai délaissé, je t'ai gaspillé
J'ignorais que tu étais juste, et Moi
Comme l'eau courante, passagère
Perdue dans la poussière néfaste d'anéantissement
Parcourant le chemin obscur de la mort
Ah ! La Vie, je suis le miroir
Grâce à toi, mes yeux se remplissent de regards
Sinon, si la mort jette son regard sur Moi
La face de mon miroir se noircira
Je suis amoureuse, amoureuse de l'étoile du matin
Amoureuse des nuages errants
Amoureuse des jours pluvieux
Amoureuse de tous ceux qui portent ton nom
Je suce avec tout mon être assoiffé
Le sang brûlant de tes instants
Je jouis de toi avec une telle volupté
Jusqu'à mettre en colère ton Dieu.
Rita-kazem- Nombre de messages : 4254
Date d'inscription : 18/02/2010
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