Théodore de Banville:Le Pressoir
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Théodore de Banville:Le Pressoir
Le Pressoir
À Auguste Vitu
Sans doute elles vivaient, ces grappes mutilées
Qu’une aveugle machine a
sans pitié foulées !
Ne souffraient-elles pas lorsque le dur pressoir
A
déchiré leur chair du matin jusqu’au soir,
Et lorsque de leur sein, meurtri
de flétrissures,
Leur pauvre âme a coulé par ces mille blessures ?
Les
ceps luxuriants et le raisin vermeil
Des coteaux, ces beaux fruits que
baisait le soleil,
Sur le sol à présent gisent, cadavre infâme
D’où se
sont retirés le sourire et la flamme !
Sainte vigne, qu’importe ! à la clarté
des cieux
Nous nous enivrerons de ton sang précieux !
Que le cœur du poète
et la grappe qu’on souille
Ne soient plus qu’une triste et honteuse
dépouille,
Qu’importe, si pour tous, au bruit d’un chant divin,
Ruisselle
éblouissant le flot sacré du vin !
Théodore de Banville
À Auguste Vitu
Sans doute elles vivaient, ces grappes mutilées
Qu’une aveugle machine a
sans pitié foulées !
Ne souffraient-elles pas lorsque le dur pressoir
A
déchiré leur chair du matin jusqu’au soir,
Et lorsque de leur sein, meurtri
de flétrissures,
Leur pauvre âme a coulé par ces mille blessures ?
Les
ceps luxuriants et le raisin vermeil
Des coteaux, ces beaux fruits que
baisait le soleil,
Sur le sol à présent gisent, cadavre infâme
D’où se
sont retirés le sourire et la flamme !
Sainte vigne, qu’importe ! à la clarté
des cieux
Nous nous enivrerons de ton sang précieux !
Que le cœur du poète
et la grappe qu’on souille
Ne soient plus qu’une triste et honteuse
dépouille,
Qu’importe, si pour tous, au bruit d’un chant divin,
Ruisselle
éblouissant le flot sacré du vin !
Théodore de Banville
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
La Déesse
La déesse
Quand les trois déités à la charmante voix
Aux pieds du blond Pâris mirent leur jalousie,
Pallas dit à l'enfant: Si ton coeur m'a choisie,
Je te réserverai de terribles exploits.
Junon leva la tête, et lui dit : Sous tes lois
Je mettrai, si tu veux, les trônes de l'Asie,
Et tu dérouleras ta riche fantaisie
Sur les fronts inclinés des peuples et des rois.
Mais celle devant qui pâlissent les étoiles
Inexorablement détacha ses longs voiles
Et montra les splendeurs sereines de son corps.
Et toi lèvre éloquente, ô raison précieuse,
O Beauté, vision faite de purs accords,
Tu le persuadas, grande silencieuse !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
Quand les trois déités à la charmante voix
Aux pieds du blond Pâris mirent leur jalousie,
Pallas dit à l'enfant: Si ton coeur m'a choisie,
Je te réserverai de terribles exploits.
Junon leva la tête, et lui dit : Sous tes lois
Je mettrai, si tu veux, les trônes de l'Asie,
Et tu dérouleras ta riche fantaisie
Sur les fronts inclinés des peuples et des rois.
Mais celle devant qui pâlissent les étoiles
Inexorablement détacha ses longs voiles
Et montra les splendeurs sereines de son corps.
Et toi lèvre éloquente, ô raison précieuse,
O Beauté, vision faite de purs accords,
Tu le persuadas, grande silencieuse !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
la lyre
La Lyre
Les Dieux, pour lui laisser le vin, buvaient du fiel.
L'aigle à ses pieds veillait, ayant quitté son aire ;
Le lion devant lui se couchait, débonnaire,
L'abeille était joyeuse et lui donnait son miel.
Il avait sur son front le signe essentiel,
Et du rouge vêtu, comme un tortionnaire,
Dans sa droite féroce il portait le tonnerre,
Étant celui qui fait la clarté dans le ciel.
Pourtant, sans être ému de sa terrible approche,
Moi, je chantais mon ode et j'emplissais la roche,
La caverne et le bois de cris mélodieux.
Enfin je m'avançai, pris du sacré délire,
Vers celui qui soumet les tigres et les Dieux,
Et je lui dis : Amour, obéis ; j'ai la Lyre !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
Les Dieux, pour lui laisser le vin, buvaient du fiel.
L'aigle à ses pieds veillait, ayant quitté son aire ;
Le lion devant lui se couchait, débonnaire,
L'abeille était joyeuse et lui donnait son miel.
Il avait sur son front le signe essentiel,
Et du rouge vêtu, comme un tortionnaire,
Dans sa droite féroce il portait le tonnerre,
Étant celui qui fait la clarté dans le ciel.
Pourtant, sans être ému de sa terrible approche,
Moi, je chantais mon ode et j'emplissais la roche,
La caverne et le bois de cris mélodieux.
Enfin je m'avançai, pris du sacré délire,
Vers celui qui soumet les tigres et les Dieux,
Et je lui dis : Amour, obéis ; j'ai la Lyre !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
la muse
La Muse
Près du ruisseau, sous la feuillée,
Menons la Muse émerveillée
Chanter avec le doux roseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Gardons que quelque damoiseau
N'apprenne ses chansons nouvelles
Pour aller les redire aux belles.
Un méchant aux plus fortes ailes
Tend mille pièges infidèles.
Gardons-la bien de son réseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Empêchons qu'un fatal ciseau
Ne la poursuive et ne s'engage
Dans les plumes de son corsage.
Mère, veillez bien sur la cage
Où la Muse rêve au bocage.
Veillez en tournant le fuseau,
Puisque la Muse est un oiseau.Théodore de Banville (1823 - 1891)
Près du ruisseau, sous la feuillée,
Menons la Muse émerveillée
Chanter avec le doux roseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Gardons que quelque damoiseau
N'apprenne ses chansons nouvelles
Pour aller les redire aux belles.
Un méchant aux plus fortes ailes
Tend mille pièges infidèles.
Gardons-la bien de son réseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Empêchons qu'un fatal ciseau
Ne la poursuive et ne s'engage
Dans les plumes de son corsage.
Mère, veillez bien sur la cage
Où la Muse rêve au bocage.
Veillez en tournant le fuseau,
Puisque la Muse est un oiseau.Théodore de Banville (1823 - 1891)
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
leila
Leïla
Il semble qu'aux sultans Dieu même
Pour femmes donne ses houris.
Mais, pour moi, la vierge qui m'aime,
La vierge dont je suis épris,
Les sultanes troublent le monde
Pour accomplir un de leurs voeux.
La vierge qui m'aime est plus blonde
Que les sables sous les flots bleus.
Le duvet où leur front sommeille
Au poids de l'or s'amoncela.
Rose, une rose est moins vermeille
Que la bouche de Leïla.
Elles ont la ceinture étroite,
Les perles d'or et le turban.
Sa taille flexible est plus droite
Que les cèdres du mont Liban !
Le hamac envolé se penche
Et les berce en son doux essor.
L'étoile au front des cieux est blanche,
Mais sa joue est plus blanche encor.
Elles ont la fête nocturne
Aux lueurs des flambeaux tremblants.
Ses bras comme des anses d'urne
S'arrondissent polis et blancs.
Elles ont de beaux bains de marbre
Où sourit le ciel étoilé.
Comme elle dormait sous un arbre,
J'ai vu son beau sein dévoilé.
Chaque esclave au tyran veut plaire
Comme chaque fleur au soleil.
Elle n'a pas eu de colère
Quand j'ai troublé son cher sommeil,
Dans leurs palais d'or, prisons closes,
Leurs chants endorment leurs ennuis.
Elle m'a dit tout bas des choses
Que je rêve tout haut les nuits !
Sa Hautesse les a d'un signe.
Il est le seul et le premier.
Ses bras étaient comme la vigne
Qui s'enlace aux bras du palmier !
Quand un seul maître a cent maîtresses,
Un jour n'a pas de lendemain.
Elle m'inondait de ses tresses
Pleines d'un parfum de jasmin !
Ce sont cent autels pour un prêtre,
Ou pour un seul char cent essieux.
Nous avons cru voir apparaître
La neuvième sphère des cieux !
Quelquefois les sultanes lèvent
Un coin de leur voile en passant.
Nous avions l'extase que rêvent
Les élus du Dieu tout-puissant !
Mais ce crime est la perte sûre
Des amants, toujours épiés.
Laissez-moi baiser sa chaussure
Et mettre mon front sous ses pieds !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
Il semble qu'aux sultans Dieu même
Pour femmes donne ses houris.
Mais, pour moi, la vierge qui m'aime,
La vierge dont je suis épris,
Les sultanes troublent le monde
Pour accomplir un de leurs voeux.
La vierge qui m'aime est plus blonde
Que les sables sous les flots bleus.
Le duvet où leur front sommeille
Au poids de l'or s'amoncela.
Rose, une rose est moins vermeille
Que la bouche de Leïla.
Elles ont la ceinture étroite,
Les perles d'or et le turban.
Sa taille flexible est plus droite
Que les cèdres du mont Liban !
Le hamac envolé se penche
Et les berce en son doux essor.
L'étoile au front des cieux est blanche,
Mais sa joue est plus blanche encor.
Elles ont la fête nocturne
Aux lueurs des flambeaux tremblants.
Ses bras comme des anses d'urne
S'arrondissent polis et blancs.
Elles ont de beaux bains de marbre
Où sourit le ciel étoilé.
Comme elle dormait sous un arbre,
J'ai vu son beau sein dévoilé.
Chaque esclave au tyran veut plaire
Comme chaque fleur au soleil.
Elle n'a pas eu de colère
Quand j'ai troublé son cher sommeil,
Dans leurs palais d'or, prisons closes,
Leurs chants endorment leurs ennuis.
Elle m'a dit tout bas des choses
Que je rêve tout haut les nuits !
Sa Hautesse les a d'un signe.
Il est le seul et le premier.
Ses bras étaient comme la vigne
Qui s'enlace aux bras du palmier !
Quand un seul maître a cent maîtresses,
Un jour n'a pas de lendemain.
Elle m'inondait de ses tresses
Pleines d'un parfum de jasmin !
Ce sont cent autels pour un prêtre,
Ou pour un seul char cent essieux.
Nous avons cru voir apparaître
La neuvième sphère des cieux !
Quelquefois les sultanes lèvent
Un coin de leur voile en passant.
Nous avions l'extase que rêvent
Les élus du Dieu tout-puissant !
Mais ce crime est la perte sûre
Des amants, toujours épiés.
Laissez-moi baiser sa chaussure
Et mettre mon front sous ses pieds !
Théodore de Banville (1823 - 1891)
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
nous n'irons plus au bois
Nous n'irons plus au bois
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Les Amours des bassins, les Naïades en groupe
Voient reluire au soleil en cristaux découpés
Les flots silencieux qui coulaient de leur coupe.
Les lauriers sont coupés, et le cerf aux abois
Tressaille au son du cor; nous n'irons plus au bois,
Où des enfants charmants riait la folle troupe
Sous les regards des lys aux pleurs du ciel trempés,
Voici l'herbe qu'on fauche et les lauriers qu'on coupe.
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Théodore de Banville (1823 - 1891)
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Les Amours des bassins, les Naïades en groupe
Voient reluire au soleil en cristaux découpés
Les flots silencieux qui coulaient de leur coupe.
Les lauriers sont coupés, et le cerf aux abois
Tressaille au son du cor; nous n'irons plus au bois,
Où des enfants charmants riait la folle troupe
Sous les regards des lys aux pleurs du ciel trempés,
Voici l'herbe qu'on fauche et les lauriers qu'on coupe.
Nous n'irons plus au bois, les lauriers sont coupés.
Théodore de Banville (1823 - 1891)
sandrine jillou- Nombre de messages : 1700
loisirs : écrire, courir, vélo.
Date d'inscription : 08/10/2008
Carmen
Carmen
Camille, en dénouant sur votre col de lait
Vos cheveux radieux plus beaux que ceux d'Hélène,
Égrenez tour à tour, ainsi qu'un chapelet,
Ces guirlandes de fleurs sur ces tapis de laine.
Tandis que la bouilloire, éveillée à demi,
Ronfle tout bas auprès du tison qui s'embrase,
Et que le feu charmant, tout à l'heure endormi,
Mélange l'améthyste avec la chrysoprase ;
Tandis qu'en murmurant, ces vins, célestes pleurs,
Tombent à flots pressés des cruches ruisselantes,
Et que ces chandeliers, semblables à des fleurs,
Mettent des rayons d'or dans les coupes sanglantes ;
Que les Dieux de vieux Saxe et les Nymphes d'airain
Semblent, en inclinant leur tête qui se penche,
Parmi les plâtres grecs au visage serein,
Se sourire de loin dans la lumière blanche ;
Les bras et les pieds nus, laissez votre beau corps
Dont le peignoir trahit la courbe aérienne,
Sur ce lit de damas étaler ses accords,
Ainsi qu'un dieu foulant la pourpre tyrienne.
Que votre bouche en fleur se mette à l'unisson
Du vin tiède et fumant, de la flamme azurée
Et de l'eau qui s'épuise à chanter sa chanson,
Et dites-nous des vers d'une voix mesurée.
Car il faut assouplir nos rythmes étrangers
Aux cothurnes étroits de la Grèce natale,
Pour attacher aux pas de l'Ode aux pieds légers
Le nombre harmonieux d'une lyre idéale.
Il faut à l'hexamètre, ainsi qu'aux purs arceaux
Des églises du Nord et des palais arabes,
Le calme, pour pouvoir dérouler les anneaux
Saints et mystérieux de ses douze syllabes !Théodore de Banville
Camille, en dénouant sur votre col de lait
Vos cheveux radieux plus beaux que ceux d'Hélène,
Égrenez tour à tour, ainsi qu'un chapelet,
Ces guirlandes de fleurs sur ces tapis de laine.
Tandis que la bouilloire, éveillée à demi,
Ronfle tout bas auprès du tison qui s'embrase,
Et que le feu charmant, tout à l'heure endormi,
Mélange l'améthyste avec la chrysoprase ;
Tandis qu'en murmurant, ces vins, célestes pleurs,
Tombent à flots pressés des cruches ruisselantes,
Et que ces chandeliers, semblables à des fleurs,
Mettent des rayons d'or dans les coupes sanglantes ;
Que les Dieux de vieux Saxe et les Nymphes d'airain
Semblent, en inclinant leur tête qui se penche,
Parmi les plâtres grecs au visage serein,
Se sourire de loin dans la lumière blanche ;
Les bras et les pieds nus, laissez votre beau corps
Dont le peignoir trahit la courbe aérienne,
Sur ce lit de damas étaler ses accords,
Ainsi qu'un dieu foulant la pourpre tyrienne.
Que votre bouche en fleur se mette à l'unisson
Du vin tiède et fumant, de la flamme azurée
Et de l'eau qui s'épuise à chanter sa chanson,
Et dites-nous des vers d'une voix mesurée.
Car il faut assouplir nos rythmes étrangers
Aux cothurnes étroits de la Grèce natale,
Pour attacher aux pas de l'Ode aux pieds légers
Le nombre harmonieux d'une lyre idéale.
Il faut à l'hexamètre, ainsi qu'aux purs arceaux
Des églises du Nord et des palais arabes,
Le calme, pour pouvoir dérouler les anneaux
Saints et mystérieux de ses douze syllabes !Théodore de Banville
cristopher-cris- Nombre de messages : 2748
loisirs : lecture, voyage
Date d'inscription : 18/07/2008
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